[Enregistrement électronique]
Le jeudi 2 novembre 1995
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Payne): Mon nom est Jean Payne et je suis vice-présidente du Comité des pêches.
Nous commencerons par Mme Shelley Bryant.
Shelley, je vous demanderais de bien vouloir vous présenter et de nous parler un peu de vous. Puis, je pense que vous avez une présentation à faire.
Mme Shelley Bryant (Management Committee of Action - Environment): Mon nom est Shelley Bryant. Je fais partie du comité de gestion d'un organisme environnemental à but non lucratif à Terre-Neuve qui s'appelle Action: Environment. J'ai par ailleurs siégé au comité de direction du caucus canadien des océans en tant que représentante de Terre-Neuve et du Labrador au cours des trois dernières années.
Depuis l'hiver dernier, je participe à un projet de zones de conservation marine de la Protected Areas Association ici à St. John's. Nous nous sommes rendus un peu partout dans la province afin de rencontrer autant de gens que possible dans le cadre du projet d'établissement des zones de conservation marine, ce qui explique en partie ma présence ici aujourd'hui, car j'ai également l'intention de commenter la Loi sur les océans.
La vice-présidente (Mme Payne): Merci beaucoup. Comme vous venez de le dire, nous sommes ici pour discuter de la Loi sur les océans et pour vous demander vos vues à ce sujet. Nous vous souhaitons la bienvenue et nous vous laissons commencer votre présentation.
Mme Bryant: Merci.
J'aimerais également mentionner que je suis accompagnée de Bernard Martin, un pêcheur de Petty Harbour. Je vais simplement faire un zoom arrière et vous le montrer. Il est là dans le coin.
La vice-présidente (Mme Payne): Je le vois.
Mme Bryant: Cette technologie est amusante.
Je présenterai d'abord quelques observations générales concernant principalement ce processus de consultation et la loi. Puis, je ferai un certain nombre de commentaires particuliers et je commenterai la loi, article par article.
Tout d'abord, en ce qui concerne ce processus de consultation, comme vous l'ont indiqué un certain nombre de témoins qui ont comparu devant vous, je suis assez déçue de la façon dont ce processus s'est déroulé. J'estime qu'il laisse à désirer.
J'ai reçu une ébauche de la Loi sur les océans il y a quelques semaines seulement lors d'une séance d'information donnée par le ministère des Pêches et des Océans. Je n'ai pas été avertie directement de la tenue de cette vidéoconférence. Irene Novaczek, qui est présidente du caucus canadien des océans, a été informée qu'une vidéoconférence aurait lieu à Halifax et l'a fait savoir au comité directeur. Lorsque j'ai téléphoné pour me renseigner sur cette conférence, j'ai appris qu'une conférence était également prévue à St. John's.
Lorsque j'ai quitté la séance d'information donnée par le MPO, je supposais que ceux d'entre nous qui y avaient assisté et participé seraient avisés de la tenue de consultations supplémentaires et que le comité permanent prendrait des décisions à propos du processus de consultation au cours de la semaine qui suivrait. C'est ce que je croyais mais les choses ne se sont pas passées ainsi.
Non seulement n'avons-nous pas eu suffisamment de temps pour nous préparer mais les milieux environnementaux et ceux qui s'occupent de conservation n'ont pas suffisamment de ressources pour se réunir et pour discuter de certaines de ces questions. Je n'ai pas réussi à préparer le genre de présentation que j'aurais aimé faire, à savoir vous proposer un autre libellé précis pour certains des articles qui m'inspirent des réserves.
J'estime que cette formule, à savoir comparaître comme témoin officiel devant le comité permanent, constitue un processus plutôt fermé qui n'incite pas vraiment les gens, et il existe sans doute beaucoup de gens qui s'intéressent à la Loi sur les océans et qui ont des préoccupations à cet égard, à y participer à cause de son côté assez formel.
La vice-présidente (Mme Payne): Pourrais-je vous interrompre juste un moment, Shelley? Le processus de consultation a été extrêmement long et a duré plus de 18 mois. Plus de 600 exemplaires de la loi ont été envoyés à différentes institutions et organisations. Nous avons procédé à de nombreuses consultations avec les divers intéressés un peu partout au pays.
Je ne sais quand vous avez reçu un exemplaire de la loi. Je comprends que vous n'ayez peut-être pas eu beaucoup de temps pour vous préparer mais si vous avez eu l'occasion de parcourir le projet de loi, vous pourriez simplement nous dire ce que vous en pensez. Il n'est pas nécessaire que vous fassiez une présentation formelle ou quoi que soit. Vous pouvez simplement nous faire part de vos vues.
Mme Bryant: C'est ce que je vais faire.
Même si l'on a peut-être envoyé 600 exemplaires de la loi, le milieu dans lequel je travaille, c'est-à-dire l'environnement et la conservation, a demandé au caucus canadien des océans qu'il lui fournisse des ressources pour lui permettre d'étudier le projet de loi. Cette demande n'a pas été acceptée. Par conséquent, je n'ai reçu le projet de loi qu'à la séance d'information du MPO.
Quoi qu'il en soit, j'aimerais faire une recommandation au comité permanent à propos de la consultation sur la Loi sur les océans. C'est une recommandation en quatre points:
Le premier point, c'est que nous avons besoin de plus de temps. Tout s'est déroulé trop vite et les intéressés n'ont pas eu suffisamment de temps pour étudier le projet de loi. Prenons par exemple le processus qui se déroule aujourd'hui à St. John's. Quatre personnes participent à cette vidéoconférence et je sais qu'il y a beaucoup plus que quatre personnes à Terre-Neuve et au Labrador qui s'intéressent à la Loi sur les océans et qui aimeraient avoir la possibilité de la commenter.
Deuxièmement, il faut que le processus soit plus ouvert. Les pêcheurs et les agents de conservation doivent y participer. Leur participation est extrêmement importante pour assurer la réussite de cette initiative et la mise en vigueur efficace de la Loi sur les océans.
Troisièmement, il serait bon que le comité permanent encourage le ministre à fournir des ressources aux pêcheurs et aux agents de conservation pour qu'ils fassent le travail qui s'impose.
Quatrièmement, par respect pour le temps et pour l'effort que les gens ont consacrés à ce genre d'entreprise, il est important que le comité permanent indique en retour les propositions dont il a tenu compte pour amender le projet de loi et les raisons à l'appui.
En ce qui concerne des propositions ou des commentaires plus précis à propos du projet de loi, tout d'abord il serait utile d'énoncer l'objet général de la loi afin d'en guider l'interprétation.
Plus précisément, à la partie I, «Zones maritimes du Canada», j'aborderai l'article 14 du projet de loi concernant la zone économique exclusive, en plus des droits du Canada qui y sont reconnus. J'aimerais également que cette disposition traite des responsabilités du Canada, particulièrement envers le milieu marin.
L'alinéa 14b) y fait allusion lorsqu'on y parle de «la protection et la préservation du milieu marin», mais j'estime que cela devrait être énoncé un peu plus clairement. J'aimerais qu'à la fin de l'alinéa 14b) on puisse lire peut-être «pour tous les Canadiens» ou «en tant que patrimoine commun de l'ensemble des Canadiens», pour bien souligner que c'est un aspect qui touche tous les Canadiens.
En ce qui concerne l'article 18 du projet de loi, qui traite du plateau continental, il devrait prévoir ici encore des dispositions reconnaissant la responsabilité en matière de protection et de conservation des ressources qui y sont mentionnées plutôt que simplement en matière d'exploitation de la ressource.
Dans l'ensemble, après avoir parcouru le projet de loi, j'estime que la partie II sur la stratégie de gestion des océans est trop vague. Il faut vraiment l'étoffer. Comme il s'agit de la substance même de la Loi sur les océans, j'estime qu'elle doit être étoffée.
Tout d'abord, l'article 28 du projet de loi exclut les lacs, les fleuves et les rivières de la stratégie de gestion des océans. J'en connais la raison; c'est que le ministère des Pêches et des Océans souhaite confier aux provinces la responsabilité des eaux intérieures. Cependant, il ne faut pas oublier la responsabilité constitutionnelle du ministère des Pêches et des Océans en matière d'eau douce et cette responsabilité constitutionnelle ne disparaîtra pas simplement par le fait d'en confier la gestion aux provinces.
L'autre facteur bien entendu, c'est que les activités qui s'exercent dans les eaux intérieures, les rivières et les lacs peuvent avoir d'énormes conséquences sur l'intégrité de l'écosystème des océans.
L'article 29 du projet de loi porte sur l'élaboration et la mise en oeuvre de la stratégie. L'expression «personnes intéressées» revient très souvent dans le projet de loi et je me demande comment on déterminera qui sont ces personnes. Qui décidera quelles sont les personnes intéressées?
J'aimerais également que l'on établisse des délais en ce qui concerne la stratégie nationale. J'estime qu'il est important de savoir quand cette stratégie sera élaborée.
L'article 30 du projet de loi porte sur les principes de la stratégie nationale. Tout d'abord, j'estime que le développement durable n'est pas un principe mais un objectif. La durabilité est un principe. Il y aurait peut-être lieu de subdiviser cet article en principes et en objectifs, les objectifs pouvant être définis au fur et à mesure de l'élaboration de la stratégie.
Dans une loi, il serait peut-être préférable d'énoncer uniquement les principes en indiquant que des objectifs particuliers de la stratégie nationale seront élaborés. Parmi les principes toutefois, j'aimerais que l'on inclue le principe de durabilité plutôt que de développement durable ou de protection des océans. J'aimerais également que la prise de décision privilégie le principe de la prévention et qu'une approche écosystémique soit adoptée dans le cadre de la stratégie.
Certains des objectifs visés pourraient porter sur le développement durable, la durabilité des milieux côtiers et la protection des moyens d'existence, l'assainissement et la protection de l'écosystème marin. La gestion intégrée des ressources pourrait être l'un des moyens utilisés. Des méthodes de récolte durable, l'utilisation et la mise au point d'une technologie durable et l'établissement de zones de protection marine pourraient également faire partie des moyens utilisés. Il est important qu'il s'agisse d'objectifs atteignables et mesurables qui nous permettent d'évaluer l'efficacité de notre stratégie.
L'article 31 du projet de loi porte sur l'élaboration de plans de gestion intégrée. Ici encore, j'ai les mêmes réserves qu'au sujet de l'article 29, à savoir l'expression «personnes intéressées» et les délais dans lesquels ces plans seront élaborés.
L'alinéa 32b) traite de l'élaboration d'orientations, d'objectifs et de programmes. J'aimerais qu'en plus des «ministres ou organismes», on ajoute «personnes intéressées» à condition ici encore que l'on précise qui pourraient être ces personnes. À l'alinéa 32c), qui prévoit la constitution d'organismes de consultation ou de gestion de la propre initiative du ministre et dont les membres seront désignés par ce dernier, je pense que l'histoire et l'expérience nous ont appris que la plupart, sinon un grand nombre d'organismes dont les membres sont nommés par des ministres ne sont souvent pas suffisamment représentatifs. Ils sont en fait assez sélectifs. Le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques en est un exemple.
Il faut que la loi garantisse dans une certaine mesure que les collectivités des régions côtières et les milieux de pêche seront représentés au sein de ces organismes et prévoie une façon démocratique de choisir les membres au lieu qu'ils soient désignés par le ministre.
Toujours à l'alinéa 32c), quelle est la définition «d'organismes de gestion existants»? S'agit-il uniquement d'organismes gouvernementaux? Est-ce le but visé? Un exemple de ce que je considérerais être un organisme de gestion qui n'est pas nommé par le gouvernement, c'est-à-dire non gouvernemental, serait la Petty Harbour Fishermen's Co-op. Cet organisme participe de façon très directe et importante à la gestion des pêches dans sa région et je considère qu'il s'agit d'un organisme de gestion pour sa région. Je me demande donc s'il s'agirait uniquement d'organismes gouvernementaux.
L'alinéa 32d) indique «en consultation avec les personnes de droit public et de droit privé intéressées». Cet alinéa porte sur l'établissement de directives, d'objectifs et de critères concernant la qualité du milieu marin. À mon avis, il faudrait remplacer le verbe «peut» par le verbe «doit». Des directives sur la qualité du milieu marin sont indispensables dans le cadre d'une loi axée sur la conservation et le ministre devrait assumer une obligation plus ferme à cet égard. Une telle mesure ne devrait pas être facultative.
Je me demande également si cet article ne devrait pas prévoir qu'un vérificateur de l'environnement ou un commissaire au développement durable, une fois ces personnes nommées, soit chargé de surveiller le déroulement des plans qui ont été élaborés en vertu de la loi et instaurer un mécanisme qui oblige les responsables à rendre des comptes.
L'alinéa 33(1)b) porte sur les accords privés que peut conclure le ministre avec des particuliers ou avec des organismes. La possibilité que des accords puissent être conclus avec des particuliers est inquiétante car la privatisation des pêches et la possibilité d'inclure des quotas individuels transférables dans notre régime de gestion suscitent énormément de craintes, comme j'ai pu le constater dans les milieux de pêche, et j'estime que cette crainte est justifiée. Le libellé de cette disposition permet ce genre de choses.
La Nouvelle-Zélande est un pays où ce genre d'initiatives a dérapé. Je ne suis pas tout à fait au courant de ce qui s'est passé dans le secteur des pêches en Nouvelle-Zélande mais l'établissement du système de quotas individuels transférables dans ce pays a causé pas mal de problèmes.
En ce qui concerne le paragraphe 33(2) sur la consultation, il faudrait ici aussi remplacer le verbe «peut» par le verbe «doit». Le ministre a la responsabilité de consulter le public. Nous avons besoin de précisions sur ce processus de consultation. Qui sera consulté? En quoi consistera le processus? Comment le ministre sera-t-il tenu responsable dans le cadre du processus de consultation?
Jusqu'à présent, le ministère des Pêches et des Océans a affiché une très piètre performance en matière de consultation. Cette performance est sans doute en train de s'améliorer légèrement au niveau individuel. Certaines personnes sont en train d'apprendre ce que doit être un bon processus de consultation. Nous avons toutefois besoin de dispositions plus fermes à cet égard afin de mieux garantir la tenue de consultations véritables et d'une grande portée.
L'article 35 du projet de loi porte sur les zones de protection marine. J'aimerais faire une observation générale concernant l'orientation des dispositions qui s'y rapportent. Elles sont très axées sur les ressources halieutiques plutôt que sur la protection de l'océan en tant que tel. La disposition se lit comme suit: «la protection des ressources halieutiques et de leur habitat». Cela s'applique aux situations d'urgence dans les zones de protection marine.
Que se passerait-il en cas d'urgence dans une zone où les ressources halieutiques ne sont pas exploitées à ce moment-là? Toutes les ressources halieutiques ne sont pas exploitées de façon permanente. Si ces dispositions sont axées uniquement sur les ressources halieutiques et leur habitat, on risque alors d'exclure certaines autres zones qui ont besoin elles aussi d'être protégées. Il serait bon de faire la distinction entre ces deux aspects.
Ici encore, il faudrait remplacer le verbe «peut» pour ce qui est d'établir une zone de protection marine par le verbe «doit». C'est un aspect indispensable si l'on veut assurer la conservation et la durabilité des océans et je pense que le ministre devrait assumer une obligation plus ferme pour ce qui est d'établir ces zones. Il y aurait peut-être lieu également d'indiquer un pourcentage cible de zones protégées dans la zone économique exclusive. Ce serait peut-être l'occasion de le faire et de s'engager réellement à protéger un certain pourcentage de cette zone.
J'estime également qu'il y aurait lieu de mentionner les activités humaines qui se déroulent en dehors des zones de protection marine. Il faudrait que ces dispositions prévoient que de telles activités ne doivent pas avoir d'effets néfastes sur les zones de protection marine. C'est un aspect très important car c'est ce qui risque de se produire si nous commençons à établir des zones où la récolte ou l'extraction sont interdites. Ceux qui exploitent la zone située en dehors de la zone protégée pourraient alors avoir tendance à exploiter ces zones de façon beaucoup plus intensive parce qu'ils ont été exclus des zones protégées. J'estime que c'est un facteur important qui tient compte de la nature fluide du milieu océanique.
En ce qui concerne l'article 36 sur les situations d'urgence et l'établissement de zones de protection marine, j'estime que cet article ne devrait pas être autant axé sur les pêches.
Lorsque j'aurai terminé, j'aimerais que vous m'indiquiez pour quelle raison on a établi à 90 jours la période maximale du décret pris en cas d'urgence lorsque la zone de protection marine est menacée. C'est simplement par curiosité. Ce n'est pas que je pense que ce soit une mauvaise idée.
Ici encore, que se passerait-il s'il s'agissait d'une zone qui court un risque énorme mais où la ressource n'est pas exploitée à ce moment-là comme une aire de ponte de la morue. On ne pêche pas la morue à l'heure actuelle. Il se pourrait qu'une aire de ponte de la morue soit menacée mais qu'elle ne soit pas protégée parce qu'il ne s'agit pas de l'habitat d'une ressource exploitée.
Comment détermine-t-on, ou comment le gouverneur en conseil détermine-t-il la ressource qui est menacée? Quels sont les critères utilisés? Pour ma part, je soutiendrais que pratiquement toutes les ressources sont menacées, que 75 p. 100 des ressources halieutiques de la planète sont menacées et que nous pourrions en fait déclarer la totalité de l'océan une zone de protection marine. Il est essentiel d'avoir des critères clairement définis pour déterminer de ce que l'on entend par «menacés».
Au paragraphe 36(3), j'estime que la période de protection temporaire d'une zone marine est trop courte. Il est impossible de déterminer quoi que ce soit en 90 jours, surtout dans l'océan... Si nous devions recueillir des données pour en savoir plus sur l'état de la zone qui a été fermée, il faudrait peut-être attendre jusqu'à la prochaine saison de fraie par exemple pour savoir si une partie du poisson est revenue. À mon avis, une fermeture temporaire de 90 jours, c'est trop court.
Le paragraphe 40(2), à la partie III du projet de loi, vise à promouvoir des activités; il précise des activités que le ministre doit encourager. J'aimerais qu'il y soit question de la durabilité de l'écosystème marin, plutôt que du simple développement durable et d'activités propres à promouvoir la connaissance et la gestion. Il faudrait qu'on y parle d'intégrité de l'écosystème.
À l'alinéa 40(2)d), sous «Garde côtière canadienne», je me demande si l'on ne pourrait pas élargir le rôle attribué à la Garde côtière dans le maintien de l'intégrité de l'écosystème. Actuellement, elle est responsable de la pollution marine et de l'intervention environnementale.
La vice-présidente (Mme Payne): Avant d'entamer cette partie, un des membres du comité doit nous quitter bientôt et il souhaitait vous poser des questions au sujet de certains articles.
Monsieur White, que préférez-vous: commencer à poser les questions tout de suite ou attendre que le témoin ait terminé son exposé?
M. White (Fraser Valley-Ouest): Comme Shelley estime avoir manqué de temps pour préparer son témoignage, il conviendrait, je crois, de la laisser terminer.
La vice-présidente (Mme Payne): Pouvez-vous attendre jusque-là?
D'accord, Shelley, veuillez poursuivre votre exposé.
Mme Bryant: J'avais presque fini de toute façon.
Je me demande s'il n'y aurait pas lieu d'élargir le rôle joué par la Garde côtière dans le maintien de l'intégrité de l'écosystème marin aux termes de la présente loi. Les employés de la Garde côtière sont déjà sur place et ils se chargent déjà de la prévention de la pollution marine. Ce rôle cadrerait avec le mandat élargi du ministère des Pêches et des Océans qui inclut maintenant la conservation. Comme la Garde côtière relève maintenant de ce ministère, ce serait également un moyen rentable et efficace de s'acquitter de ce mandat. Si des gens sont déjà sur place, ils peuvent faire plus que de simplement voir à la sécurité des bateaux et à la navigation maritime.
Passons maintenant à l'article 42, qui porte sur les «sciences de la mer». Encore une fois, il conviendrait à mon avis d'imposer une obligation plutôt que de simplement conférer des pouvoirs. Bien des gens soutiendraient que l'on n'a pas accompli grand chose dans le domaine des sciences de la mer jusqu'ici. Nous connaissons mieux la surface de la lune que nos propres fonds marins, ce qui est assez navrant. Nous vivons ici, non pas sur la lune. Je ne vois pas comment nous pouvons contourner nos obligations dans ce domaine.
Je me demande quelle est la différence entre l'alinéa a) et l'alinéa e) de l'article 42. En effet, l'alinéa a) parle d'«assurer la collecte de données en vue d'une meilleure connaissance des océans», alors que, dans e), il est question de «procéder à des enquêtes en vue d'une meilleure connaissance des océans». Je conçois mal la raison de ces deux phrases. Sur le plan juridique, elles n'ont peut-être pas le même sens; je l'ignore.
Dans la partie qui traite des sciences de la mer, on devrait inclure des dispositions qui prévoient de manière explicite la collecte de données de base et la surveillance de la santé de l'écosystème, particulièrement dans les zones de protection marine. Si nous prévoyons créer de telles zones, il faut aussi prévoir des moyens d'assurer une surveillance efficace de la santé. Nous avons donc besoin d'information de base avant leur création. Il serait utile, à mon avis, d'inclure cela dans la loi.
Encore une fois, du fait que nous en savons davantage sur la lune que sur les fonds marins de notre planète, nous devrions accorder la priorité à la cartographie du sous-sol marin. Je suis consciente qu'il en est déjà question dans l'article sur l'océanographie, mais il pourrait être important de le préciser plus clairement.
J'aimerais aussi y voir quelques mots au sujet du rôle du savoir écologique classique dans la collecte de données sur les écosystèmes marins. Il n'est pas nécessaire d'avoir un doctorat en sciences pour faire une telle collecte. Les fonds des zones où l'on pêche depuis des siècles, surtout dans les eaux intérieures, sont bien connus.
On peut lire, à l'alinéa i) de l'article 42: «participer à l'avancement de la technologie marine». J'aimerais que l'on soit plus précis et qu'il soit question de «technologie de pêche durable» ou de «technologie de pêche pertinente», peu importe les mots que l'on choisira.
À l'alinéa b) de l'article 43, il faudrait encore une fois remplacer le verbe «pouvoir» par le verbe «devoir». On parle ici des pouvoirs du ministre.
Il me reste quelques commentaires à faire avant de terminer. Nous avons bien besoin d'une telle loi. Elle pourrait s'avérer un outil merveilleux pour nous aider à entretenir, à rétablir et à préserver la santé des océans. Elle peut aussi beaucoup contribuer à éviter un autre épuisement des stocks, comme ce qui est arrivé aux stocks de morue du Nord.
Toutefois, si tel est l'objectif de cette loi, il ne pourra être atteint que si l'on renforce considérablement le projet de loi actuel. Celui-ci ne va pas assez loin.
Je répète qu'il faut ralentir le processus afin de produire un texte de loi vraiment digne de nos efforts. Nous sommes confrontés à des choix lorsque nous faisons ce genre de chose. Nous pouvons soit en ficeler un assez rapidement qui ne sera pas très utile, soit prendre notre temps, faire un peu mieux et aboutir à une loi qui répond vraiment à nos besoins.
Je vous remercie.
La vice-présidente (Mme Payne): Eh bien, Shelley, pour quelqu'un qui parlait à pied levé, vous nous avez fait une analyse assez détaillée. Je vous remercie beaucoup. L'exposé était fort bon. Non seulement vous avez mentionné des points soulevés par d'autres témoins, mais vous en avez aussi fait ressortir des nouveaux.
Je cède maintenant le fauteuil au président. Il aura probablement quelques questions à vous poser. Il vous a écouté avec beaucoup d'attention. Nous reparlerons un peu plus tard.
Mme Bryant: D'accord. À bientôt.
Le président: Je vous remercie, Shelley. Je suis arrivé un peu en retard. J'en suis désolé.
M. White a des questions à vous poser.
M. White: Je vous remercie, monsieur le président.
Shelley, vous avez fait de l'excellent travail pour quelqu'un qui n'avait pas eu beaucoup de temps pour se préparer. J'ai trois questions.
La première porte sur l'alinéa 17(1)b) qui précise «jusqu'à 200 milles marins de la ligne de base de la mer territoriale». Cela pourrait laisser croire que le nez et la queue du banc ne sont pas inclus. Je suis sûr qu'il en a été question plusieurs fois en comité. Avez-vous des observations à faire à cet égard?
Mme Bryant: Vous voulez dire au sujet du libellé?
M. White: Il semble nébuleux.
Mme Bryant: Effectivement.
C'était l'un des points que je voulais vérifier. Je cherchais un passage où il était question du nez et de la queue lorsque je lisais la partie portant sur le plateau continental. La présence des mots «là où ce rebord [de la marge continentale]» m'a satisfaite, mais je dois avouer que je n'y ai pas vraiment fait attention. Je ne me suis pas attardée à toute cette première partie de la loi. Si on juge le libellé vague, il faut peut-être le reprendre, effectivement.
M. White: Je vous remercie.
Ce texte de loi particulier mentionne des droits, et on a déjà parlé, je crois, du moment où on peut les exiger, dans quel secteur, etc.
Par exemple, au sein de votre organisme, aimerait-on que les recettes de ces droits aillent à des activités environnementales, à des organismes de protection de l'environnement, ainsi de suite?
Mme Bryant: Les droits exigés iraient, par exemple, à...
M. White: Les frais exigés des pêcheurs, par exemple, seraient affectés à la protection environnementale et à d'autres activités du genre.
Mme Bryant: Oh, je vois. Ainsi, les frais exigés seraient affectés... Est-ce bien ce que vous voulez dire?
M. White: Oui.
Mme Bryant: Ce serait vraiment splendide.
M. White: Je n'en ai jamais douté. Je m'étonne simplement que vous ne l'ayez pas demandé, je suppose.
Mme Bryant: Que je n'aie pas demandé à quoi servirait l'argent?
M. White: Oui.
Mme Bryant: Je l'ignore, l'idée ne m'est jamais même venue à l'esprit. Le gouvernement fédéral a là une merveilleuse idée. Cela me plairait énormément. J'aimerais bien qu'on organise quelque chose en ce sens.
Par contre, il importe vraiment, si on exige des frais des pêcheurs, qu'ils soient consultés et qu'on leur demande si, en fait, ils pourront les payer, étant donné que, bien souvent, on leur a retiré leur gagne-pain et que leurs prises ne sont pas aussi volumineuses qu'elles l'étaient. Il importe de consulter les pêcheurs si l'on songe à leur imposer des frais.
M. White: Je ne fais pas partie du gouvernement et je ne peux donc pas vous offrir cette possibilité; je ne fais que poser la question.
Au début de votre exposé, vous avez parlé longuement du processus de consultation. Vous avez dit avoir reçu une ébauche, il y a quelques semaines, qu'on ne vous avait pas informée de la teneur du projet de loi. Déjà, vous manquiez des ressources voulues pour préparer un exposé, et ainsi de suite, et vous n'êtes pas en mesure de proposer d'autres libellés. Quelle autre forme de consultation auriez-vous préférée?
Mme Bryant: J'aurais aimé que mon organisme et d'autres écologistes et environnementalistes intéressés aient l'occasion de rencontrer des pêcheurs pour parler avec eux du projet de loi. La possibilité de faire une contribution utile au processus, de mettre à contribution les expériences vécues par d'autres, d'avoir un réel dialogue sur le sujet et d'inclure peut-être dans ce dialogue des membres du comité permanent - qui participeront à sa modification - fait aussi partie de mon processus d'apprentissage.
C'est très important. Nous en parlions justement avant le début de la vidéoconférence. Une chose que la technologie et le progrès technologique ne nous permettent pas toujours de faire, c'est de dialoguer, de s'asseoir ensemble et de faire le tour d'une question. Faire une énumération de points au sujet de la loi, assise seule dans mon bureau, ne sera probablement pas aussi fructueux que si j'avais pu m'asseoir avec d'autres pour en parler.
J'aurais préféré que les pêcheurs soient consultés directement, en fait. Dans les dernières vingt-quatre heures, j'ai rencontré au moins quatre ou cinq personnes que la question aurait beaucoup intéressées mais qui ignoraient qu'il en serait question. Elles n'étaient même pas au courant qu'il y aurait cette vidéoconférence.
De plus, ce serait une bonne idée d'adopter une méthode moins intimidante, de s'asseoir et d'en discuter avec les autres, plutôt que d'avoir à faire un exposé en bonne et due forme.
M. White: Je vous remercie.
Le président: Je voudrais poursuivre dans cette veine avant de passer aux questions.
La consultation ou son absence me préoccupe toujours, mais il arrive que l'on tienne des consultations sur une question et qu'on invoque leur ampleur comme prétexte pour ne rien faire.
J'ai déjà posé cette question précise, car il en a été question au cours des deux derniers jours. À entendre certains témoins, j'ai commencé à craindre qu'il n'y ait pas eu de consultation et que ce projet de loi n'ait vu le jour derrière des portes closes.
Ce n'est absolument pas le cas. Le CCRC, soit le Comité canadien des ressources arctiques, un des principaux groupes écologistes sur lequel nous pouvons compter pour obtenir une évaluation indépendante, a tenu une série d'ateliers. C'est là, en fait, que nous avons obtenu votre nom. On m'a remis une liste de deux pages des personnes qui, au Canada, représentent tout un éventail d'opinions différentes. Le comité s'est réellement efforcé de suggérer des personnes qui, d'une part, feraient bien ressortir l'importance d'une telle loi et, d'autre part, feraient une contribution utile au processus. Nous avons entendu plus tôt aujourd'hui le Fonds mondial pour la nature.
Notre comité s'est lui-même efforcé de rencontrer de grands groupes de coordination lorsqu'il a été saisi du projet de loi - car vous remarquerez que nous avons été nous-mêmes pris de court - et il leur a demandé à qui d'autre il devait s'adresser.
Le processus ne s'est donc pas déroulé dans l'isolement. Il n'a peut-être pas été suffisamment étendu - je ne dis pas qu'il l'était - mais je tiens à dire publiquement qu'en raison des préoccupations exprimées, lors de la dernière réunion, j'ai pris la peine de demander au ministère de me fournir des notes d'information que nous pourrions faire circuler auprès de tous ceux qui prenaient part au processus de consultation.
Je me contenterai d'en faire lecture. Le processus a débuté par des consultations du Conseil consultatif national des sciences et de la technologie. Elles ont eu lieu un peu partout au Canada sur une période de 18 mois, à compter de 1992.
Ensuite, le ministère des Pêches et des Océans a tenu des consultations au sujet du document décrivant sa vision de l'avenir, issu des consultations antérieures. Ce document a été rendu public en novembre 1994. Il a été distribué à 600 personnes et organismes: des organismes non gouvernementaux, des organismes représentant les pêcheurs, des associations d'industries, des centres de recherche universitaires, des organismes autochtones, des organismes de représentation de l'industrie océanographique et des organismes communautaires. Plus de 200 ont fait connaître leur réaction.
En novembre 1994, des réunions ont eu lieu un peu partout au Canada afin de connaître les vues des représentants des universités, des industries de la pêche et de l'océan, des peuples autochtones, des organismes non gouvernementaux actifs dans le domaine environnemental et des provinces. Ont participé à ces réunions, paraît-il, des groupes comme la Fédération des pêcheurs de l'Est, l'Union des pêcheurs des Maritimes et la Fishermen and Scientists Research Society, qui sont des groupes très représentatifs. Je suis conscient que, bien souvent, des membres ont déclaré que le groupe ne les représentait pas vraiment.
Des consultations ont ensuite eu lieu avec 20 autres ministères fédéraux afin de savoir ce qu'ils pensaient des documents initiaux.
M. White: D'après ce que vous venez de dire, cependant, cela n'a-t-il pas eu lieu avant le dépôt du projet de loi initial?
Le président: Vous avez raison. Dans le cadre du processus, nous ne pouvions rien faire tant que le projet de loi ne nous avait pas été renvoyé par la Chambre des communes. Nous en avons été saisis le 3 octobre, ce qui était tôt. Nous avions espéré le recevoir, avec l'appui de tous les partis ici présents, après son dépôt et sa première lecture grâce à l'adoption d'un ordre spécial de la Chambre des communes afin de pouvoir tenir des consultations beaucoup plus étendues.
J'essaie simplement de faire remarquer que nous faisons de notre mieux avec les ressources limitées dont nous disposons. Nous ne pouvons nous déplacer parce qu'il nous faut, pour cela, le consentement de la Chambre. Nous n'obtenons habituellement pas un tel consentement parce que le Parlement doit donner l'exemple et réduire le plus possible ses dépenses. Nous faisons donc appel à la technologie. Je suis conscient que ce n'est pas l'idéal. Moi-même, j'aimerais bien mieux me trouver à Terre-Neuve, à Halifax, mais, en tant que comité, nous faisons de notre mieux pour rejoindre le plus de gens possible.
Si d'autres personnes désirent être entendues à ce sujet, nous leur donnerons l'occasion de le faire. Hier, des pêcheurs nous ont appris qu'ils n'avaient pu obtenir un exemplaire du projet de loi. Je me suis informé auprès du ministère, qui m'a affirmé en avoir envoyé à tous ceux qui en avaient fait la demande. C'est n'est peut-être pas le cas.
J'ignore ce que vous attendez de nous au juste. Souhaitez-vous que nous retardions l'adoption du projet de loi? Le CCRA et d'autres organismes nationaux nous disent de ne pas le faire. Dans ces consultations, nous ne semblons pas avoir de nombreux choix.
Mme Bryant: Me permettez-vous de réagir à cela?
Le président: Je vous en prie.
Mme Bryant: J'aurais quelques points à préciser. Le processus de consultation que vous venez de me décrire, soit les consultations du CCNST, le document du ministère et tout le reste, a peut-être été fort satisfaisant, mais il ne portait que sur le document du ministère. Ce document avait une portée assez vaste et comportait beaucoup de voeux pieux, etc. Il était loin toutefois de constituer une ébauche de projet de loi.
Les consultations du CCRA et de la FCN dont vous avez parlé ont eu lieu plus tôt, cette année. J'y étais. Elles ne portaient pas sur la Loi sur les océans. On nous a fait un exposé sur le document du ministère. Nous l'avons commenté. Nous avons fait des observations concernant la nécessité d'une telle loi. Nous y étions pour parler de l'élaboration d'une stratégie nationale de conservation des ressources marines, concept beaucoup plus vaste qu'une simple discussion de la loi. Nous n'avions pas en main d'ébauche du projet de loi. La consultation n'avait donc pas rapport au projet de loi à l'étude. L'information n'est pas la même. Il est toujours question de gestion des océans et de conservation des ressources, mais pas dans la même optique.
J'ai l'impression, je suppose, que les gens estiment n'avoir pas été suffisamment consultés et qu'ils se plaignent du manque d'ouverture du processus. Il faut en prendre note.
Il est facile de rétorquer que l'on a fait tout ce que l'on pouvait, mais, de toute évidence, certains ont été exclus. J'ai communiqué avec la Petty Harbour Fishermen's Co-op hier ou avant- hier à ce même sujet. Elle n'en avait pas entendu parler. Elle était dans l'ignorance, et pourtant si quelqu'un doit avoir quelque chose à dire à Terre-Neuve à ce sujet, c'est bien elle.
On n'a pas communiqué avec les personnes que j'ai rencontrées et qui étaient présentes à la séance d'information donnée au ministère des Pêches et des Océans au sujet du projet de loi. Il n'existait pas pour elles de meilleur moyen de connaître la teneur du projet de loi - et la séance a eu lieu il y a quelques semaines à peine. Je sais qu'on vous a remis cette liste de noms parce que c'était Larry Coady, je crois, qui vous a transmis presque tout de suite après des renseignements venant de nous.
Je ne crois pas que l'on doive discuter de ce qu'ont fait ou n'ont pas fait les uns ou les autres. Je comprends que le CCRA et peut-être aussi le Fonds mondial pour la nature vous demandent d'activer les choses, car ils attendent une loi de ce genre depuis des décennies. Je suis persuadé qu'ils tiennent également à avoir une bonne loi et qu'ils préféreraient un report de deux, trois ou quatre mois, au lieu d'une adoption précipitée.
Je sais qu'ils ont des propositions précises, mais ils disposent également des ressources nécessaires. En tant qu'organismes importants, ils ont du personnel rémunéré qui peut effectivement consacrer du temps à la question. Ils ne le font pas bénévolement.
Les gens disent donc que -
Le président: Je vous ai compris. Je tiens à apporter une précision. Je vais être franc avec vous. Je suis ici depuis sept ans et je critique constamment mon propre gouvernement, mais pour ce projet de loi en particulier, il y a eu, à mon avis, énormément de consultations au fil des ans.
Ce projet de loi a été déposé au Parlement en juin - je crois que la première lecture a eu lieu en juin - si bien que je suis étonné que certains des groupes représentatifs n'aient pas été contactés par le ministère. Je suppose que, comme l'union des pêcheurs des Maritimes et... ils ont été...
Nous allons le vérifier et faire en sorte qu'ils ne passent pas à travers les mailles du filet. Nous allons le vérifier pour savoir quels groupes ont été en fait avertis et contactés. Je sais que nous devons nous assurer qu'ils savent qu'un processus est en train.
Mme Bryant: Je comprends vos inquiétudes. J'ai l'impression que l'on s'attend à ce que vous adoptiez ce projet de loi rapidement en raison de ses répercussions sur le Conseil du Trésor, mais vous devez faire un bon travail et...
Le président: D'accord.
Ceci étant dit, si vous connaissez des particuliers qui souhaitent faire des observations et qui ne peuvent pas avoir la copie du projet de loi, dites-leur qu'ils peuvent en obtenir une par l'entremise du greffier ou du ministère des Pêches et des Océans. Je les encourage à le lire, à l'examiner et à nous envoyer leurs observations par fax ou par courrier.
Nous savons que ce projet de loi est bon, mais qu'il présente de nombreuses lacunes, si bien que nous essayons de savoir quelles recommandations notre comité pourrait faire en vue de l'améliorer.
Mme Bryant: De quel délai disposez-vous?
Le président: Nous aurons terminé lorsque nous aurons entendu tous les témoins. Combien de témoins avons-nous constatés? Quatre- vingt ou quatre-vingt-dix. Lorsque nous aurons entendu les témoins, le comité examinera l'information reçue et décidera des mesures à prendre à partir de ces témoignages.
Mme Bryant: Avez-vous prévu un processus de suivi? Y avez-vous pensé?
Le président: Ce n'est pas normalement ce que l'on fait à l'étape de l'examen en comité. C'est fort inhabituel. C'est au comité de décider. Si 52 ou 60 témoins nous disent d'aller de l'avant, et si leurs recommandations sont raisonnables... Le comité décidera quand et comment faire rapport du projet de loi. Je ne peux donc pas vous indiquer le délai dont nous disposons. Je sais simplement que nous avons contacté près de 100 témoins.
Mme Bryant: D'accord. Peut-être qu'après avoir parlé à ces 100 témoins, vous pourriez leur envoyer une note. Vous pourriez nous envoyer également une note sur ce que vous prévoyez faire, sur vos délais, etc. C'est simplement pour nous tenir informés, ce qui est important.
Le président: C'est entendu.
Merci beaucoup.
Y a-t-il d'autres questions?
M. Wayne Davis, directeur général de la Newfoundland Shipowners Association est notre prochain témoin.
M. Wayne Davis (directeur général, Newfoundland Shipowners Associations): La Newfoundland Shipowners Association existe depuis les débuts de la Confédération. Comme vous le diraient certains des membres de l'association, dans les années soixante-dix, nous avions quelque 40 compagnies très dynamiques, tandis qu'aujourd'hui l'industrie connaît un certain déclin à Terre-Neuve et au Labrador. Quoi qu'il en soit, il y a encore des gens qui continuent à gagner leur vie en faisant du cabotage, de la cueillette du poisson et de la pêche au chalut.
À mon avis, à l'aube du XXIe siècle, on peut dire que Terre-Neuve est l'une des dernières grandes frontières en matière de développement, grâce à des projets comme ceux de Voisey Bay et Hibernia - qui offrent d'énormes débouchés fort intéressants, une fois que ces problèmes à court terme seront réglés. Quiconque se trouve de l'autre côté de la barrière et qui attend l'adoption de cette nouvelle Loi concernant les océans du Canada pourrait dire que Dieu a tant aimé le monde qu'il n'y a pas envoyé le comité permanent de la Chambre des communes.
Après avoir consulté plusieurs propriétaires de navires, plusieurs avocats spécialisés en droit maritime, ainsi que des gens à l'intérieur de la zone de gestion côtière, il semble que le concept global de cette nouvelle Loi concernant les océans du Canada est adapté à notre pays. Pour l'instant, beaucoup de gens dépendent de soi-disant conventions et accords internationaux.
Comme vous le savez bien, grâce à l'OMI des NU, nous avons la convention MARPOL pour la prévention des marées noires, etc... . Citons également la convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer, des conventions sur la circulation internationale des produits dangereux et sur la sécurité, la formation et la reconnaissance professionnelle du personnel de quart. Nous avons tous ces grandes conventions internationales.
Bien des gens peuvent parfois s'endormir dans une fausse sécurité, étant donné que de très nombreux pays ne sont même pas signataires de ces diverses conventions. La dernière fois que j'ai fait des recherches dans ce sens, je suis tombé sur un pays appelé le Libéria qui est doté d'une marine marchande océanique de quelque 1 700 navires.
À l'aube du XXIe siècle, compte tenu du genre de développement important que devraient connaître Terre-Neuve et le Labrador, il est bon d'envisager une Loi concernant les océans.
Ceci étant dit, j'en suis arrivé à une analogie fort simple. La table autour de laquelle nous nous trouvons aujourd'hui repose sur quatre pieds, tout comme le bureau de la Chambre des communes sur lequel vous déposerez ce projet de loi.
À mon avis, la nouvelle Loi concernant les océans doit reposer sur quatre piliers si l'on veut qu'elle donne les résultats escomptés. Le premier, c'est la définition, le deuxième, la codification, le troisième, bien sûr, l'application, et le quatrième, la consultation. Je vais les passer brièvement en revue.
Il faut clairement définir ce que représente la loi, quelle sera la loi et quels seront les règlements applicables, par exemple, à l'intérieur de la zone territoriale de douze milles, dans la zone contiguë, jusqu'aux 200 milles et jusqu'au bord du plateau continental. Cette nouvelle loi pourrait être fort utile si elle définissait ces nuances particulières, si elle les énonçait, les expliquait et les exprimait clairement.
Après cela, bien sûr, nous passons à la codification. À l'heure actuelle, les personnes qui travaillent dans le domaine maritime doivent se reporter à diverses lois, comme la Loi sur le Centre canadien d'hygiène et de sécurité au travail prévu par le Code canadien du travail, la Loi sur le cabotage, la Loi sur la mer territoriale et la zone de pêche. Il faut toujours s'adresser à une multitude d'avocats de Philadelphie pour trouver la documentation ou les textes de loi pertinents.
En plus de la loi proprement dite, il faudrait codifier les stratégies relatives à la mise en oeuvre des méthodes de gestion des océans. Qu'il s'agisse de la recherche sur les ressources halieutiques, de l'hydrographie ou du cabotage, la codification de toutes ces lois, etc... s'impose.
Ensuite, bien sûr, il est inutile d'avoir une telle loi comportant tous ces détails techniques et juridiques, si l'on n'est pas en mesure de l'appliquer. Il est probablement possible de le faire, étant donné que la garde côtière n'a plus la responsabilité des navires et que les aéronefs et la technologie informatique, etc... sont là.
On était un peu inquiet au sujet de la direction générale de la sécurité des navires de la Garde côtière canadienne qui, apparemment, continue de relever du ministère des Transports. Je pense que c'est ce qu'il fallait faire, car ceux qui exploitent une flotte importante de navires, comme le MPO, ne devraient pas avoir la responsabilité des inspections. Cette fonction devrait être confiée au ministère des Transports. Je n'ai pas de problème à cet égard.
La consultation serait le dernier pilier de tout ce processus. Je ne veux pas parler du processus de consultation actuellement en cours ici. Ce que je veux dire, c'est que ce projet de loi devrait comporter des mécanismes de consultation avant de devenir officiel, d'être adopté et d'avoir force de loi. Lorsque nous parlons de sujets comme celui de la désignation des zones de protection marine et du contrôle de ces zones de protection, quel genre de consultation sera proposé à la population, au grand public? Les gens auront-ils l'occasion de participer, surtout ceux qui vivent dans ces zones particulières?
Dans le passé, nous avons été témoins de consultations complètement nulles de la part du ministère des Transports; je veux surtout parler des récentes consultations sur les phares où venaient des lobbyistes américains très bien payés qui essayaient de nous faire accepter toutes sortes de choses sans nous donner la possibilité de dire quoi que ce soit. Je me souviens également de certaines des consultations sur la Loi sur la protection des eaux navigables. Parfois, une minuscule annonce est publiée et c'est comme si l'on voulait dire: «Vous n'avez pas besoin de venir gaspiller votre temps pour nous donner votre point de vue.»
La réussite de ce projet de loi dépend donc des quatre piliers dont je viens de parler: la consultation, l'application, la codification et la définition.
C'est tout ce que j'ai à dire aujourd'hui. Merci.
Le président: Wayne, j'aimerais vous poser une question à propos des zones de protection marine dont traite l'article 35. Plus tôt aujourd'hui, d'autres organismes nous ont dit qu'ils souhaitaient une modification ou un renforcement du libellé de l'article 35.
L'article 35 sur les zones de protection marine se lit comme suit:
- 35. Le gouverneur en conseil peut, par règlement:
- a) constituer en zone de protection marine tout espace maritime faisant partie des eaux
intérieures, de la mer territoriale ou de la zone économique exclusive du Canada;
- b) prescrire des mesures compatibles avec les obligations internationales du Canada, en
vue de la conservation et de la protection, dans ces zones, des ressources halieutiques et de
leur habitat.
- 36.(1) En cas d'urgence, le gouverneur en conseil peut exercer par décret les pouvoirs que lui
confère l'article 35 lorsqu'il estime qu'une ressource halieutique ou son habitat sont menacés
ou risquent de l'être.
M. Davis: Ce qui m'inquiétait davantage, ainsi que je l'ai vu ici quelque part, c'est qu'il faudrait abroger ou récupérer un article de la Loi sur les espèces sauvages. Je pensais davantage à la question des parcs, etc., et au fait qu'il arrive qu'aucune consultation publique n'est prévue.
Le président: D'accord. Les choses n'ont pas non plus été très claires pour nous à ce sujet. Cette loi traite des zones de protection marine, alors qu'un programme du ministère du Patrimoine canadien porte sur la création de parcs marins.
Quelques représentants officiels - je crois que nous avons entendu le sous-ministre - sont venus nous expliquer la différence en matière de processus et nous dire qu'il y aura consultation dans les cas où le ministre du Patrimoine canadien crée un parc marin dans un endroit où il y a des ressources halieutiques, afin d'éviter toute perturbation. Il nous a assurés que tout ceci devrait faire l'objet d'un décret, ce qui signifie que le ministre pertinent, comme le ministre des Pêches, devrait être consulté. Nous espérons qu'une telle situation ne se présentera pas.
Plusieurs membres du comité ont également soulevé ce point. À mon avis, il faudrait faire en sorte que la main droite sache ce que fait la main gauche et que les deux ministères en cause se consultent.
La question des parcs marins fait l'objet d'un autre projet de loi. En fait, il ne s'agit même pas d'un projet de loi. Il se peut qu'une mesure habilitante soit proposée.
M. Davis: Je vois se profiler la même situation à l'horizon, lorsqu'il est dit que le ministre doit faciliter et coordonner l'élaboration de nouvelles directives concernant le milieu marin. Un processus de consultation est-il prévu ou ces directives émanent-elles tout simplement du ministère?
Le président: Les représentants du ministère m'indiquent qu'un mécanisme de consultation est prévu. Lors de l'examen de la protection de l'environnement dans le cadre de la LCEE, la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, notre comité s'est penché, entre autres choses, sur les dispositions traitant du rejet en mer. C'est toujours l'Environnement qui en a la responsabilité et certains ont indiqué que cette disposition pourrait peut-être faire partie de la Loi concernant les océans. Avez-vous des observations à faire à ce sujet?
M. Davis: En fait, lorsque je me suis aperçu que certaines parties de la Loi sur les espèces sauvages du Canada étaient récupérées et que d'autres parties de diverses lois étaient abrogées, j'ai peut-être commis l'erreur d'en conclure qu'automatiquement, certains de ces processus de consultation, prévus actuellement, pourraient être éliminés. Vous avez toujours la Loi sur la protection des eaux navigables laquelle, je suppose, relève de la compétence des Transports.
En notre qualité d'exploitants de navires, je crois que nous nous inquiétons davantage des répercussions sur la Loi sur la marine marchande du Canada et sur le Code du travail, etc. Je vais probablement céder la parole aux avocats et à ceux qui ont fait des exposés à ce sujet, car nous n'avons pas véritablement fait d'analyse aussi approfondie de la question.
Le président: D'accord.
D'autres membres du comité ont-ils des observations à faire?
Je tiens à vous remercier pour votre exposé. Nous avons pris note de ce que vous avez dit et vous remercions de votre appui et des observations que vous avez faites.
M. Davis: Merci.
Le président: Merci, Wayne.
Nous avons un autre témoin en la personne de M. Frank Smith, président de la Newfoundland Oceans Industries Association.
Bonjour, monsieur Smith.
M. Frank Smith (président, Newfoundland Oceans Industries Association): Bonjour.
J'aimerais résumer la situation en l'espace de cinq ou dix minutes avant de répondre aux questions, si cela vous convient.
Le président: C'est parfait.
M. Smith: Notre association qui existe depuis plus de 17 ans compte actuellement plus de 280 membres de l'industrie proprement dite, mais quelques universitaires et organismes sont également adhérents.
La plupart de nos membres, soit 75 p. 100 environ, sont de Terre-Neuve. Nous avons toutefois des membres éparpillés dans tout le Canada, de la C.-B. jusqu'aux provinces Maritimes. Cela témoigne de la faiblesse du secteur océanique que l'on connaît depuis les cinq ou dix dernières années. Notre association est la plus importante et la plus forte au Canada et pourtant, elle représente essentiellement des groupes de Terre-Neuve. Nous parlons d'un secteur industriel-dont l'activité est liée aux océans-qui est relativement faible; c'est ce dont je veux en partie vous entretenir aujourd'hui.
Nous représentons près de 25 000 employés, ainsi que des sociétés comme Marystown Shipyard et MIL Davie de la ville de Québec qui sont membres de notre association. Bien entendu, nos membres de l'industrie proprement dite dépendent de nous pour un pourcentage élevé de leur revenu dans le secteur océanique. En tant qu'association, nous visons essentiellement à encourager la croissance durable et la protection du secteur océanique.
À l'heure actuelle, les trois quarts de nos membres travaillent dans le secteur du pétrole et du gaz de la côte Est. C'est actuellement l'option la plus viable en matière de recettes, étant donné que nous souhaitons tous que le secteur océanique connaisse une certaine croissance et que l'on puisse passer de l'exploitation du pétrole et du gaz en haute mer du projet Hibernia à une application industrielle dans d'éventuels projets comme Terra Nova, Hebron, White Rose et Sable Gas.
Vous n'êtes pas sans savoir qu'à l'exception du secteur du pétrole et du gaz, le secteur océanique connaît, comme je le disais, très peu d'activité ou de croissance depuis cinq ans. Depuis qu'une nouvelle Loi concernant les océans a été annoncée, nos membres attendent avec impatience une politique novatrice et coordonnée pour le développement durable et la protection de nos océans.
Bien franchement, la loi ne répond à peu près pas à nos aspirations et nous déçoit donc beaucoup. Nous ne remettons pas en question la teneur du projet de loi tel qu'il est formulé; nous l'estimons et il ne nous cause pas de problème. Mais ce n'est que la pointe de l'iceberg et c'est ce qui nous déçoit beaucoup. En fait, j'ai été membre du Conseil national des affaires maritimes pendant de nombreuses années, et je ne vois pas vraiment de différence entre le présent projet de loi et celui que nous examinions en 1988, qui en était à sa troisième révision.
À mon avis, nous n'avons pas considérablement progressé. Nous n'avons fait que légitimer et justifier la politique de 1988 sur les océans. Je dirais que c'est qui nous déçoit énormément.
Pêches et Océans Canada est en quelque sorte responsable de la coordination concernant les océans, mais il est continuellement submergé par une multitude de problèmes liés aux pêches, d'un océan à l'autre. C'est pourquoi il n'accorde pas l'attention voulue à l'élaboration d'une politique à long terme claire et avant-gardiste sur les océans.
Selon moi, la Loi concernant les océans du Canada, qui traite des pêches et vise effectivement à assujettir à une loi les pouvoirs de réglementation et de gestion du Canada sur les océans, ne s'attaque pas au secteur océanique en général ni à la nécessité de promouvoir les nouvelles ressources et les industries connexes.
Essentiellement, la nouvelle loi affirme la pratique en vigueur au terme du droit interne du Canada. Elle permet des pénalités et confirme le rôle de coordination de Pêches et Océans dans le secteur océanique. Je pense que d'autres membres viennent justement d'en parler.
Pêches et Océans n'a pas vraiment une vue d'ensemble ou un mandat général en ce qui concerne les océans. Il s'occupe de certains aspects, mais d'autres relèvent des ministères des Transports, de l'Environnement, de la Défense et d'autres. Il y avait quatorze grands ministères fédéraux en cause la dernière fois que j'ai étudié la question, il y a quelques années. Ils sont bien sûr moins nombreux depuis un ou deux ans, mais ils ont d'importantes responsabilités financières dans le domaine.
C'est la situation. Il n'y a pas de cohésion. Il n'existe pas de politique globale ou de coordination à long terme dans le domaine des océans. C'est du rapiéçage. Pour nous, le présent projet de loi ne fait que perpétuer la situation existante.
Il y a quelques années, quand on a créé l'agence spatiale, beaucoup de membres du Conseil national des affaires maritimes croyaient qu'il était plus justifié de créer une agence canadienne des océans. En fait, nous avons fait beaucoup pression sur le cabinet et le Conseil a envoyé un mémoire, mais j'imagine que le domaine spatial était plus prestigieux.
Une agence sur les océans pourrait regrouper les diverses responsabilités et les divers budgets du gouvernement fédéral pour élaborer une politique cohérente sur les océans et réaliser des économies; mais elle servirait surtout de catalyseur pour la mise en valeur future de nos océans. A mon avis, la structure et la nature de l'organisation de Pêches et Océans et l'éparpillement des responsabilités dans divers ministères fédéraux ne pourront jamais permettre de focaliser et de coordonner la politique et la mise en valeur des océans.
En fait, depuis l'effondrement de l'U.R.S.S., le Canada a maintenant le plus long littoral au monde - comme vous le savez sûrement déjà - et le plus important plateau continental de tous les pays. Pourtant, nous sommes probablement le grand pays qui a la politique sur les océans la moins bien ciblée et qui connaît le moins bien ses ressources océaniques et les répercussions du droit de la mer sur leur avenir.
Le Canada doit se ressaisir pour prendre les devants dans la mise en valeur des océans et profiter des retombées économiques qui en découleront pour les régions côtières les plus pauvres, ainsi que de la technologie de pointe et des services qui seront créés pour l'exportation et le développement économique durable de nos ressources océaniques.
À notre avis, le Canada a besoin d'une agence ou d'un ministère chargé de l'exploitation durable des ressources océaniques, qu'il s'agisse des ressources pétrolières et gazières, minérales ou alimentaires. Cet organisme central devrait coordonner et surveiller les différents aspects budgétaires et matériels éparpillés dans l'administration fédérale, de façon à maximiser le rendement à partir d'objectifs coordonnés pour le secteur.
Dans le climat économique difficile que nous connaissons actuellement, cet organisme doit pouvoir travailler en partenariat ou en association avec le secteur de mise en valeur des ressources et les secteurs industriels et institutionnels connexes; il doit établir des objectifs commerciaux et être tenu directement responsable de son rendement.
Étant donné que peu de secteurs disposent aujourd'hui des ressources matérielles pour agir seuls, il faut que le secteur public, le secteur privé, les associations, et les autres intervenants fassent alliance pour réussir à répondre aux objectifs de divers secteurs industriels durables de la zone extracôtière. L'exploration et l'exploitation des ressources de notre plateau continental seulement dans le secteur du pétrole et du gaz exigeront un effort concerté et soutenu de cette nature.
Aucun organisme, aucune société ni aucun gouvernement n'a les moyens financiers pour agir ainsi. Il faut un effort concerté.
En résumé, notre industrie estime que le Canada a besoin de plus que d'une loi sur les océans qui vise avant tout à régler des questions intérieures. Nous avons besoin d'une loi pratique et moderne qui prévoit l'établissement d'une agence permettant de faire converger les efforts de l'industrie et du gouvernement pour assurer la pleine utilisation de nos ressources océaniques.
Selon nous, la création d'un organisme central indépendant permettra d'offrir à la population et à l'économie canadiennes un maximum d'avantages en augmentant l'activité de certaines régions côtières plus démunies du Canada et l'exportation de la technologie liée aux océans.
Je vous remercie.
Le président: D'un point de vue critique, je pense que nous allons vous demander de nous fournir quelques explications.
Les deux derniers jours d'audiences m'ont rendu presque schizophrène. Certaines personnes nous disent que nous consultons trop et d'autres pas assez. Certains nous demandent d'aller plus vite et d'autres plus lentement. Enfin, certains nous disent que le projet de loi est ce qui s'est fait de mieux depuis le pain tranché et d'autres que c'est une belle coquille, mais vide. D'après ce que je crois comprendre, vous êtes de ceux qui pensez que c'est une coquille vide.
Vous avez parlé du Conseil national des affaires maritimes et du document de 1988. Pouvez-nous nous expliquer un peu le processus et la teneur de ce document? À votre avis, qu'aurait-on pu faire du document de 1988 pour produire un projet de loi moderne et dynamique?
M. Smith: Comme je l'ai dit, et je pense que vous vous l'êtes fait dire aujourd'hui dans vos audiences, Pêches et Océans n'assume pas toute la responsabilité dans le domaine des océans. Il en assume une partie qui représente, sur le plan financier, probablement moins du quart du budget. Et autant dans le secteur public que dans le secteur privé, le budget représente le pouvoir aujourd'hui. C'est ce qui fait bouger les choses.
J'aurais pensé que, depuis que j'en ai vu la première ébauche il y a six ans, le projet de loi aurait cherché à mieux redéfinir le rôle de Pêches et Océans, ce qui est essentiellement son objectif. J'ai lu le projet de loi en détail et je n'ai pas été impressionné. Je n'étais donc pas disposé à venir discuter de l'emploi du mot «peut» ou «doit» dans le projet de loi. C'est sans importance, à mon avis. Le projet de loi ne réussit pas du tout...
Le président: Que devrait-il faire?
M. Smith: Il devrait coordonner, regrouper et cibler tous les budgets des ministères au sein de ce que j'appelle une entité - et qu'on peut désigner autrement - et proposer une politique concertée et un plan de mise en valeur des océans.
Autrement dit, au cours des sept ou huit prochaines années, nous serons assujettis au droit de la mer et, autant que je sache, moins du dixième de notre plateau continental fait l'objet de cartes. Un secteur technologique s'est développé dans notre pays dès le début de l'exploitation du pétrole et du gaz marins au moment de l'infâme Programme énergétique national, ainsi qu'une technologie numérique propre au domaine des océans. Le secteur s'est démantelé parce que toutes les activités ont pris fin.
Nous avons besoin d'un plan concerté qui prévoit que l'on dressera la carte détaillée du plateau continental. Autrement, nous risquons d'être perdants sur le plan du droit de la mer. À cette fin, il faut que les secteurs public et privé se concertent et élaborent un plan commercial à long terme - comme je l'appellerais dans mon domaine. Cette initiative touche tous les secteurs de l'environnement; ce n'est pas une mince affaire. Mais il faut une politique et un plan cohérents.
M. Dhaliwal (Vancouver-Sud): Je sais, d'après ce que vous avez dit, que vous trouvez que les responsabilités sont encore fragmentées et que d'autres ministères jouent un rôle. J'aimerais vous lire l'article 29 du projet de loi, qui dit ceci:
- 29. Le ministre, en collaboration avec d'autres ministres fédéraux et les personnes de droit
public et de droit privé intéressées, dirigent et favorisent l'élaboration et la mise en oeuvre
d'une stratégie nationale de gestion des écosystèmes estuariens, côtiers et marins des eaux
faisant partie du Canada ou sur lesquelles le droit international reconnaît à celui-ci des droits
souverains.
M. Smith: Cela ne change rien à ce qui existait en 1988. À cette époque, le comité de coordination des océans, comme on l'appelait, réunissait tous les sous-ministres des quatorze ministères fédéraux visés. Pour moi, c'est encore un rôle de coordination. Il n'y a pas de responsabilité globale au niveau budgétaire. Le ministre dirige et coordonne, rien de plus.
Vous savez aussi bien que moi que les ministères entre eux protègent leur territoire. Même avec un effort d'imagination, ce n'est pas assez clair ni assez net.
M. Dhaliwal: Cet article confère à un ministre la responsabilité fondamentale de la gestion des océans.
J'essaie de comprendre, et vous pourriez peut-être m'aider ici. Que recommanderiez-vous? À votre avis, quelles autres lois devraient être visées pour conférer plus de pouvoirs au ministre? Certaines personnes nous ont dit que le ministre avait trop de pouvoirs. J'aimerais savoir comment nous pouvons lui en conférer plus. Qu'ajouteriez-vous à ce projet de loi pour accorder plus de pouvoirs au ministre de façon à répondre aux préoccupations de votre organisme?
M. Smith: Premièrement, je créerais ce que j'ai délibérément appelé une entité et qui pourrait bien être une agence des océans, qui serait un organisme indépendant s'occupant des océans, sur le modèle de l'Agence spatiale ou de la National Oceanic & Atmospheric Administration des États-Unis.
Selon moi, Pêches et Océans aura toujours beaucoup de mal à concentrer ses efforts sur l'ensemble du secteur des océans parce que les pêches dont il s'occupe sont un domaine économique délicat qui provoque beaucoup d'émotivité. On a pu le constater de façon flagrante au cours des cinq dernières années. Je ne dis pas que c'est mal, mais simplement qu'il faut peut-être partager et mieux définir les responsabilités.
M. Dhaliwal: Voulez-vous dire qu'il y aurait dû y avoir un ministre des Océans? J'essaie de comprendre...
M. Smith: Je parle davantage d'une agence des océans. Par exemple, l'agence spatiale investit dans le domaine spatial. Elle met en oeuvre des programmes, elle est responsable devant le ministre, mais c'est un organisme distinct qui n'est pas troublé par les pressions politiques, comme Pêches et Océans l'a toujours été pour des raisons électorales et autres. L'agence spatiale peut s'occuper de considérations plus objectives. Elle peut se concentrer sur son travail, élaborer la politique, etc., c'est-à-dire s'attacher à ce qui compte.
M. Dhaliwal: Ainsi, essentiellement, vous voudriez que ce ne soit pas Pêches et Océans, mais un organisme distinct qui s'occupe de la question pour éviter tout conflit ou toute situation pouvant entraîner des chevauchements ou des problèmes politiques. Vous aimeriez que les océans relèvent d'un autre ministre ou d'un ministère distinct n'ayant aucun lien avec les pêches. Est-ce exact?
M. Smith: Oui. Je pense que c'est juste, en raison de l'émotivité que provoquent les pêches au Canada sur la côte Est et sur la côte Ouest. Pêches et Océans ne s'occupe plus que de cela. Voilà pourquoi nous n'avons pas de politique sur les océans ni aucun plan concret traitant de nos ressources sur le plateau continental. Je ne dis pas que c'est mal, je dis simplement que la structure est peut-être défectueuse. Le ministère consacre toutes ses énergies à régler les crises qui se succèdent dans le domaine des pêches.
M. Dhaliwal: Mises à part la structure et les responsabilités de cette structure, estimez-vous que le projet de loi contribue à l'élaboration d'un concept et d'un principe de gestion beaucoup plus globale de nos océans et à l'élaboration de principes directeurs pour la gestion d'un écosystème?
M. Smith: Je ne critique pas ce qui a été fait, mais ce qui ne l'a pas été. Autrement dit, la loi dans sa forme actuelle est valable, mais je pense qu'elle ne va vraiment pas assez loin pour assurer le développement durable des océans. Il faut déterminer quelle structure sera responsable.
M. Dhaliwal: Je comprends votre cheminement et ce que vous dites, mais j'aimerais mettre de côté la question de structure pour un moment. Il n'y a que le problème de structure qui vous préoccupe?
M. Smith: Mais il est tellement fondamental. C'est un problème dans le sens où la politique... À mon avis, le ministre n'est pas directement responsable; il dirige et coordonne, mais ce n'est pas lui qui mène, à mon avis.
Cela ne change en rien le ministère des Océans tel qu'il est actuellement. Il a toujours dirigé et coordonné la politique sur les océans. Je suis sûr que c'est la même chose dans la loi. Celle-ci ne change en rien la situation telle qu'elle est essentiellement maintenant. Pourquoi devrions-nous espérer que les choses changent?
M. Dhaliwal: La loi précise qu'un seul ministre trace maintenant clairement la voie en matière de gestion des océans, pour l'élaboration d'une stratégie nationale, alors que les responsabilités étaient beaucoup plus éparpillées auparavant. Ainsi, on insiste non pas sur le partage des responsabilités, mais sur la responsabilité bien définie assumée par un ministre en ce qui a trait aux océans. Je pense qu'il y a une grande différence entre l'éparpillement des responsabilités et le fait de dire qu'un ministre prend les devants dans l'élaboration d'une stratégie nationale.
Je vais m'arrêter ici; je pense avoir compris vos préoccupations.
Le président: Madame Payne.
Mme Payne (St. John's-Ouest): Je vous remercie, monsieur le président.
Bonjour Frank. Je suis heureuse que vous soyez ici aujourd'hui. Je connais vos antécédents et je sais que vous avez une vaste expérience des activités marines. Je sais que vous représentez actuellement beaucoup d'entreprises qui oeuvrent dans le domaine des pêches et de l'industrie pétrolière là-bas.
Comme je l'ai dit, je suis heureuse de connaître votre point de vue. Nous ne sommes pas exactement du même avis, si je peux dire, ce qui n'est pas inhabituel pour nous. Cela nous est déjà arrivé.
D'après ce que je comprends, vous auriez aimé que le projet de loi délimite davantage les responsabilités et confère plus de pouvoirs au ministre responsable.
M. Smith: Essentiellement, je trouve que le projet de loi est valable. Je n'ai pas de critique importante à formuler à son sujet. C'est pourquoi je ne voulais pas discuter de sémantique ou du libellé du projet de loi. En principe, il me convient.
Mais, essentiellement, il ne fait que consolider le statu quo. Il n'a pas de vision d'avenir. Il faut remonter aux origines de ce projet de loi, l'ancienne Loi sur les transports dans le Nord, qui était la seule loi sur les océans que nous avions il y a quinze ou vingt ans. On voulait rédiger une loi propre aux océans, et c'est celle qu'on nous propose actuellement, mais elle précise encore seulement ce que j'appellerais des détails administratifs internes de l'administration fédérale telle qu'elle est aujourd'hui. Je suis déçu qu'elle ne fasse pas davantage, après tout ce temps.
Mme Payne: J'imagine que nous allons simplement convenir de notre désaccord, étant donné que l'un des autres membres a dit presque tout ce que je voulais dire.
C'est agréable de vous voir ici. Merci beaucoup.
M. Fewchuk (Selkirk - Red River): J'ai une question. La loi semble vous satisfaire. Vous nous dites qu'elle ne pose aucun problème. Qu'est-ce qui ne va pas? Que cherchez-vous? Qu'est-ce qui cloche dans la mesure législative? Que voulez-vous?
M. Smith: Je croyais avoir été assez clair. Peut-être vais-je simplement répéter mes propos.
Ce que j'ai dit c'est qu'il n'y a rien à redire de la loi, compte tenu des mesures qu'elle propose, mais que ce qui nous déçoit au plus haut point c'est qu'elle ne fait que maintenir le statu quo. Nous nous attendions à un mécanisme à orientation prédéterminée, plus progressiste et d'avant-garde qui nous poussera dans le XXIe siècle.
Notre association croit que le Canada croit maîtriser la situation en ce qui concerne les océans et que la tendance veut que ce soit la dernière chose à laquelle nous accordons une priorité, à part les pêches, qui sont prioritaires à juste titre. En ce qui concerne les océans en général, mis à part les pêches, nous n'entendons parler de rien. Jamais aucun effort ne leur est consacré à ce que nous constatons.
Nous croyons qu'il s'agit d'un des futurs secteurs de croissance du Canada, ne serait-ce que pour la simple étendue de ses côtes, le large plateau continental, etc. Je ne crois pas me contredire. Je dis que nous avons là un bon projet de loi, mais qu'il s'en faut de beaucoup pour qu'il soit adéquat. Il ne fait que confirmer le statu quo.
M. Fewchuk: Je pensais simplement que vous pourriez peut-être nous dire exactement à quoi vous vous attendiez, en termes simples. Qu'aimeriez-vous voir?
M. Smith: J'aimerais que l'on se dirige vers un organisme indépendant qui relèverait du ministre et qui poursuivrait la politique océanographique et l'ensemble des efforts déployés à l'égard du développement économique durable.
Notre autre modèle est l'agence spatiale qui concentre ses efforts sur les programmes spatiaux.
M. Fewchuk: Merci beaucoup.
M. Smith: Je vous en prie.
Le président: Frank, j'aime les propos que vous avez tenus. Nous avons amorcé tout ce processus il y a quelques semaines, avant que des choses comme le référendum nous ralentissent.
Il est difficile de critiquer un projet de loi qui prête peu à ce genre d'exercice. C'est une bonne mesure qui va dans la bonne direction; j'en conviens avec vous. Mais j'aime votre idée d'une agence océanographiques, vu que ma préoccupation en tant que législateur c'est qu'on intègre ce secteur à celui des pêches. Vous avez raison lorsque vous dites qu'à bien des égards cette mesure législative confirmerait le statu quo, même si je conviens avec M. Dhaliwal qu'elle précise davantage le mandat du ministre.
Nous avons entendu plus tôt un représentant du Fonds mondial pour la nature qui nous parlé clairement de la vaste ressource que constitue l'océan. C'est une ressource énorme. Il faut se demander, étant donné la masse que représente la ressource et sa complexité, si on devrait bel et bien l'intégrer au ministère des Pêches et des Océans. Le fait est que, avec tous ceux qui exploitent la ressource qu'on appelle les pêches, il est plus que vraisemblable que ce secteur soit traité en priorité dans un ministère dont les ressources s'amenuisent.
J'aime bien votre suggestion quant à la possibilité de mettre sur pied un organisme où l'on pourrait concentrer la prise décision et la mise en oeuvre des politiques. Je suis heureux que vous ayez eu cette idée. J'ai essayé de déterminer où on voulait en venir et vous avez peut-être raison.
M. Smith: Merci. C'est ce que j'essayais de dire. Je suis heureux que quelqu'un nous ait compris.
Le président: Nous avions l'habitude d'avoir le CIEO et autre organisme du genre, mais leur existence a été très éphémère. Les gouvernements précédents ont décidé que l'effort n'en valait pas la peine.
M. Smith: Oui.
Le président: C'est malheureux.
Merci de votre présentation. Si vous avez d'autres idées après avoir réfléchi à certaines des questions et si vous désirez apporter certaines précisions, vous pouvez les transmettre par télécopieur ou courrier à notre greffier au cours des prochains jours afin que nous puissions profiter de votre expérience du domaine.
M. Smith: Merci beaucoup. C'est ce que je ferai.
Le président: D'accord. Merci beaucoup.
Cela met fin à notre séance, Je veux remercier tous ceux qui se trouvent dans la grande ville de St. John's. Je vous sais gré d'avoir pris le temps de participer à cette séance. Si quelqu'un veut ajouter quelque chose, faites-nous parvenir vos commentaires par le courrier ou par télécopieur et nous veillerons à en distribuer des copies.
Encore une fois merci et bonsoir à tout le monde de St. John's.