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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 16 octobre 1995

.1533

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte. J'aime commencer à l'heure, comme le font la plupart des comités. Il est prévu dans les règles visant le travail des comités qu'un député de l'opposition soit présent avant que la séance ne puisse débuter de façon officielle. Nous pourrions donc en attendant discuter de façon informelle.

Très bien, nous pouvons donc débuter officiellement la séance. Il y a un député de l'opposition et nous procédons donc sans tarder à l'étude du projet de loi C-101, Loi sur les transports au Canada.

Nos premiers témoins d'aujourd'hui représentent la Ligue canadienne de transport industriel. Nous souhaitons la bienvenue à Maria Rehner, présidente de la ligue.

Maria, pouvez-vous nous présenter les personnes qui vous accompagnent, ainsi que le résumé de votre mémoire.

Mme Maria Rehner (présidente, Ligue canadienne de transport industriel): Oui, monsieur le président. Bon après-midi. Merci à vous et à vos collègues.

La Ligue canadienne de transport industriel vous remercie de l'avoir invitée à comparaître. Nous vous savons gré de nous donner cette occasion et de nous consacrer une partie de votre temps.

Permettez-moi de vous présenter mes associés. M. Jeff Cowall, de Noranda Sales Corporation, vice-président de la ligue, et M. Brian McGurk, de Avenor Inc., président de la Division ferroviaire. Comme vous savez, je suis Maria Rehner, présidente de la Ligue canadienne de transport industriel.

.1535

Je vous demanderais, monsieur le président, de m'accorder huit ou neuf minutes pour faire une déclaration liminaire, en commençant par un bref aperçu de notre association.

La Ligue canadienne de transport industriel a été créée en 1916. Au départ, elle ne menait ses activités que dans le centre du Canada, mais en 1935, nous comptions des membres dans toutes les provinces du pays et il en va encore ainsi aujourd'hui. Nous représentons près de 400 sociétés membres, allant de Beryl Bowen à Ancaster, en Ontario, petite entreprise de vérification des connaissements, à Alcan Aluminium dans l'est et Weldwood du Canada dans l'ouest. Entre les deux, il y a un grand nombre d'entreprises de tailles diverses.

Les sociétés que nous représentons génèrent pour environ 100 milliards de dollars en échanges commerciaux, emploient 150 000 personnes et payent environ 6 milliards de dollars par an en frais de transport. La Ligue est le microcosme du Canada.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, nous avons fait parvenir notre mémoire écrit il y a quelque temps. Notre position n'a absolument pas changé, mais depuis que nous vous avons remis notre mémoire, nous avons été informés que Transports Canada a proposé certains amendements de forme au projet de loi. Nos observations de cet après-midi portent sur la version actuelle du projet de loi. Nous nous réservons le droit de faire d'autres commentaires plus tard et, au besoin, de comparaître à nouveau devant le Comité lorsque la deuxième version du projet de loi sera disponible.

Pour la troisième fois en 30 ans, votre Comité tient des audiences publiques sur la législation ferroviaire. Ce serait inutile si tout allait pour le mieux dans le domaine du transport ferroviaire. Ce n'est manifestement pas le cas.

Les clients des chemins de fer continuent de créer plus de 30 p. 100 de notre produit intérieur brut. La Loi sur les transports au Canada aura une énorme incidence sur la compétitivité de ces clients sur le marché international.

Dans le rapport de 1995 intitulé World Competitiveness Report, il est dit que le Canada se place au 12e rang parmi ses principaux partenaires commerciaux. Même si nous ne sommes toujours pas parmi les 10 premiers, il faut bien dire en toute justice que nos résultats se sont améliorés depuis quelques années, mais il nous reste toujours beaucoup à faire. Les sociétés canadiennes ont comprimé leurs effectifs, rationalisé leurs activités, se sont restructurées pour être plus concurrentielles. Notre pays dans l'ensemble a reconnu que la concurrence est le moyen qui nous permettra le mieux d'atteindre notre objectif économique.

Dans le rapport dont je viens de parler, il est dit également que l'infrastructure du Canada est un atout qui le place à ce chapitre en troisième position parmi ses partenaires. Notre principal avantage concurrentiel, ce sont notre réseau routier, notre réseau ferroviaire, nos aéroports et nos systèmes de télécommunications.

La Ligue canadienne de transport industriel tient pour deux raisons à participer à vos audiences. Premièrement, pour défendre sans mâcher ses mots une infrastructure qui donne au Canada un avantage concurrentiel qui lui permettra de réaliser pleinement son potentiel dans le domaine commercial; mais surtout, nous tenons mordicus à voir le Canada gagner du terrain sur le plan de la compétitivité, pour que nos sociétés membres continuent de prendre de l'expansion, de prospérer et de créer des emplois dans toutes les régions du pays. La Loi sur les transports au Canada ne fera rien pour mettre l'accent sur la primauté de notre infrastructure ni pour accroître notre compétitivité.

Ce projet de loi comporte une lacune fondamentale. Il propose d'adopter une réglementation injustifiée au détriment du régime rationalisé déjà en vigueur. Avant même que ce projet de loi ne porte un titre ou un numéro, le gouvernement du Canada avait une vision: une législation ferroviaire qui prenne plus de recul par rapport à l'industrie des transports, qui soit plus simple à comprendre et à appliquer et qui favorise la concurrence. Nous sommes ici aujourd'hui pour affirmer que, dans l'ensemble, ces objectifs n'ont pas été atteints.

.1540

Nous nous opposons à ce projet de loi, monsieur le président, non pas parce que nous sommes des bougonneurs ou des pleurnicheurs. Nos objections témoignent d'une divergence d'opinions bien légitime que nous avons avec le gouvernement actuel, et nous refusons ces qualificatifs. En fait, nous déplorons le fait que le débat soit devenu si polarisé que des fonctionnaires et représentants élus en arrivent à qualifier ainsi les groupes d'intérêt.

Nous voulons aujourd'hui vous faire part de ce que nous considérons comme des préoccupations bien légitimes. Votre Comité est notre dernière chance de rétablir un juste équilibre dans le projet de loi C-101.

Certaines dispositions du projet de loi visent à alléger la réglementation visant les chemins de fer qui décident d'abandonner certaines lignes. Le rôle du nouvel office à cet égard est considérablement diminué, ce dont nous nous félicitons. Toutefois, en vertu du projet de loi, la réglementation est plus stricte qu'auparavant. On confère à l'Office un nouveau mandat, lequel pour l'essentiel vise à restreindre l'accès à l'organisme.

Pour autant que nous nous en souvenions, jamais un gouvernement n'a proposé de disposition législative aussi mauvaise que le paragraphe 27(2) du projet de loi actuel.

Je vous demanderais de jeter un coup d'oeil sur la diapositive. Je n'en lirai pas le texte, vous pouvez le faire vous-même.

Ce paragraphe ne fait rien pour rationaliser ou restreindre la réglementation. Au contraire, à une époque, le processus de demande présentée à l'Office se faisait en une seule étape, et cette disposition impose un processus à deux paliers. La procédure est plus lourde qu'avant. Il faudra que l'Office tienne au moins une audience pour établir la recevabilité de la demande et une deuxième audience pour en établir le bien-fondé.

La réglementation par un tribunal soi-disant strictement quasi judiciaire est accrue, et non réduite. Cette disposition ne fait aucune mention d'une décision quelconque. Il n'y est pas question non plus de lignes directrices.

Le paragraphe du projet de loi fait état d'un «préjudice important». Qu'entend-on par là? Bien franchement, je ne sais pas ce que cela veut dire.

Le paragraphe 27(2) est comme un énorme albatros dans le contexte du projet de loi. Les dispositions relatives à l'accès concurrentiel existent effectivement dans le projet de loi C-101. Reste à savoir si les expéditeurs pourront jamais s'en prévaloir, ne serait-ce que comme moyen de pression, s'ils sont pratiquement convaincus au départ que l'Office ne déterminera jamais l'existence d'un préjudice important.

En fait, dans le premier prospectus publié dans le cadre de l'offre d'achat de CN Amérique du Nord, sous la rubrique «Propositions de réforme de la réglementation» - et vous pouvez le voir maintenant à l'écran - il est dit ceci:

Il est évident que l'expression «préjudice important» n'a rien à faire dans un prospectus, mais qu'elle attire l'attention des investisseurs éventuels sur le fait que les expéditeurs auront moins facilement accès à l'Office, et donc pourront moins invoquer les dispositions relatives à l'accès concurrentiel. Ils investiront dans un chemin de fer qui aura pratiquement un monopole. Dans de grandes régions du pays, les deux principales compagnies ferroviaires détiennent chacune un monopole des services. Il ne s'agit pas là d'une allégation inventée par la Ligue, mais bien d'un constat qui se vérifie si l'on jette un coup d'oeil aux cartes du réseau ferroviaire de notre pays.

Lorsque le marché ne fournit pas un choix de transporteurs ferroviaires qui se font concurrence pour acheminer le trafic, c'est la loi qui doit prévoir le mécanisme qui permettra de créer cette concurrence, fut-elle artificielle.

Les entreprises que représente notre association n'ont jamais été, et ne sont toujours pas en faveur de la réglementation ou d'un accroissement de celle-ci, mais elles appuient sans réserve un régime s'appliquant aux chemins de fer qui comprend certains éléments d'une concurrence dirigée. La Ligue canadienne de transport industriel désigne dans son mémoire plusieurs secteurs où, à son avis, des amendements s'imposent absolument à ce projet de loi.

Aucune disposition n'est aussi cruciale que le paragraphe 27(2). Si le projet de loi C-101 prend force de loi avec cette disposition telle quelle, nous sommes convaincus que l'infrastructure ferroviaire, qui contribue en partie à la troisième place attribuée à notre pays dans le rapport sur la compétitivité, se détériorera. Cela se produira en raison d'une baisse de densité du trafic sur le réseau, et mes collègues vous en diront plus à ce sujet. Si notre pays perd une partie de son avantage concurrentiel, quelle que soit la productivité de nos fabricants et de nos producteurs, nous risquons de ne jamais occuper une place parmi les 10 pays les plus concurrentiels du monde.

.1545

Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, ce projet de loi devrait autant servir les intérêts des producteurs que ceux des chemins de fer. Si le paragraphe 27(2) nous empêche d'invoquer les dispositions de la loi, vous ne pouvez pas en votre âme et conscience recommander qu'il soit imposé au pays.

Monsieur le président, nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, madame Rehner.

Nous allons procéder comme à l'habitude. Monsieur Chatters, avez-vous une question à poser au témoin? Vous avez 10 minutes.

M. Chatters (Athabasca): Je n'ai pas beaucoup de questions pour le moment, mais j'en ai néanmoins une ou deux.

De toute évidence, c'est le paragraphe 27(2) qui vous inquiète le plus dans le projet de loi à l'étude. Il s'agit selon vous d'un obstacle, d'une limite à l'accès au tribunal - si j'ai bien compris votre position - et vous lui reprochez tout particulièrement l'absence de définition du «préjudice important».

Un témoin: Oui, pour l'essentiel.

M. Chatters: Si on expliquait davantage le sens de cette expression, cela vous satisferait-il?

M. Jeoff Cowall (vice-président, Ligue canadienne de transport industriel): Pas vraiment. Nous souhaitons plutôt que tout le paragraphe soit supprimé et que l'accès à l'Office ne soit absolument pas limité.

M. Chatters: Je n'ai pas d'autres questions pour le moment.

Le président: Monsieur Nault.

M. Nault (Kenora - Rainy River): Je souhaite la bienvenue à nos témoins.

Tout d'abord, madame Rehner, vous avez dit que vous représentez environ 400 sociétés différentes. Pouvez-vous me dire combien d'entre elles sont captives?

Mme Rehner: Je regrette, monsieur Nault, je ne peux pas vous le dire. Mes deux collègues qui s'occupent davantage d'exploitation pourront peut-être vous dire ce qu'il en est pour certaines denrées.

M. Bryan McGurk (président de la Division ferroviaire, Ligue canadienne de transport industriel): Je pense pouvoir parler au nom de l'industrie des pâtes et papier. La grande majorité des expéditeurs dans ce secteur sont tributaires du chemin de fer, à toutes fins utiles et pour des raisons d'ordre géographique. Il en va de même pour bon nombre de sociétés du secteur primaire. M. Cowall pourra peut-être vous dire ce qu'il en est dans son secteur d'activité.

M. Cowall: Chacun sait que, dans l'industrie minière, les mines ne se trouvent pas en général au centre-ville de Toronto, Montréal ou Vancouver, mais plutôt dans les régions septentrionales du pays. Dans la pratique, donc, étant donné la nature de nos produits, les volumes que nous devons expédier et l'emplacement des usines et des mines, nous dépendons pratiquement du chemin de fer.

M. Nault: Voulez-vous me dire qu'aucun d'entre vous ne sait quelle proportion des entreprises que vous représentez est captive du chemin de fer?

Tout d'abord, j'habite dans le nord de l'Ontario et je sais qu'il est très facile d'établir si une entreprise est captive ou non. En second lieu, je suis par profession spécialiste des chemins de fer et je peux vous dire si vous êtes captif ou non.

Vous dites représenter environ 400 sociétés. Vous devriez être en mesure de me dire combien d'entre elles sont tributaires du chemin de fer. C'est très important à mon avis. Dans votre exposé, vous avez dit que vous avez l'impression que la majorité des sociétés membres de la Ligue sont captives, mais rien ne vous permet de le dire si vous ne savez pas combien d'entre elles sont dans ce cas.

J'aimerais savoir s'il s'agit de 51, 58 ou 90 p. 100 d'entre elles. C'est important. Vous avez dit représenter 400 sociétés. C'est énorme et si 90 p. 100 d'entre elles sont tributaires des chemins de fer, il va sans dire que le système concurrentiel dont nous parlons est purement hypothétique si toutes ces entreprises sont captives. Vous êtes alors confrontés à un véritable monopole.

Si vous ne pouvez pas me citer ce chiffre aujourd'hui, j'aimerais le connaître dans les plus brefs délais car lorsque vous dites que la majorité des entreprises que vous représentez sont tributaires des chemins de fer, je dois vous dire que j'ai un peu de mal à le croire. J'aimerais connaître ce pourcentage de façon à discuter sur des bases sérieuses.

.1550

Mme Rehner: Monsieur Nault, j'ai dit dans mes remarques préliminaires que je représente 400 sociétés. Je n'ai jamais dit que la majorité d'entre elles étaient tributaires du chemin de fer. Toutefois, je prends note de votre remarque.

Bon nombre d'entreprises membres de la Ligue sont captives pour une partie de leurs activités, mais pas pour l'ensemble de leurs opérations. Toutefois, je m'engage d'ici la fin de semaine à vous faire parvenir une ventilation des sociétés qui sont captives pour certains aspects de leurs activités. Cela vous convient-il?

Le président: Faut-il définir «captive» pour s'assurer que, lorsque vous nous fournirez ce renseignement...

M. Nault: Je pense que tout le monde sait ce que «captive» veut dire, mais si vous voulez obtenir une définition, pas de problème.

Le président: Si l'on ne s'entend pas sur le sens du terme, on peut à l'occasion manipuler les statistiques. Vous risquez de ne pas obtenir la réponse que vous souhaitez. Entendons-nous bien: un expéditeur captif est celui qui n'a pas d'autres moyens de transport que les chemins de fer; il n'a pas accès au camionnage, ni à aucun autre mode de transport, si ce n'est le chemin de fer, pour acheminer ses marchandises. C'est bien cela?

M. McGurk: Pas nécessairement. Je ne pense pas que ce soit une bonne définition.

Le président: C'est ce que je pensais. C'est pourquoi j'ai jugé bon de demander une définition.

M. Nault: Si vous utilisez leur définition, il y aura sans doute moins de 10 p. 100 de leurs membres qui sont vraiment captifs.

Le président: Exactement.

M. Nault: Et voilà pour l'affirmation selon laquelle la majorité des entreprises que représente la Ligue sont tributaires des chemins de fer.

Il serait intéressant de savoir de quoi nous parlons exactement. Lorsqu'on discute de la Loi sur les transports nationaux, lorsqu'on parle du terme «captif» dans le projet de loi, on parle d'un expéditeur qui n'a pas d'autres moyens de transport pour expédier ses marchandises jusqu'au marché. Or, si vous me dites qu'il n'y a pas de routes et qu'il y a une mine dans une région éloignée qui est desservie par un chemin de fer, alors là oui, on peut parler de captivité. Toutefois, si on peut desservir la mine par camion, selon le bon principe économique et tout en faisant des bénéfices, alors là c'est une tout autre affaire.

Il faut tirer les choses au clair dès le début de la discussion, car il semble que le paragraphe 27(2) soit celui qui est le plus controversé. Aussi bien régler la question sur-le-champ, et nous pourrons alors utiliser les mêmes règles de jeu. Je tiens à m'assurer que nous parlons bien de la même chose du point de vue des compagnies ferroviaires par rapport à celui de l'ONT et à celui des expéditeurs. Je tiens à le savoir tout de suite.

M. McGurk: En effet, des précisions s'imposent. Je pense que vous avez tout à fait raison, monsieur Nault.

Vous connaissez bien notre installation de Dryden, en Ontario.

M. Nault: Je les connais toutes.

M. McGurk: Nous expédions de cette usine d'importants volumes de pâte de bois. En raison des volumes, et pour que ce soit rentable, il nous est impossible d'acheminer nos produits par camion. C'est pourquoi selon ma propre définition du terme «captive», j'estime que cette usine est captive d'une compagnie ferroviaire et dépend entièrement du chemin de fer.

M. Nault: Je suis surpris de vous entendre dire cela, Brian, car 40 p. 100 de vos marchandises sont expédiées par camion.

M. McGurk: Il s'agit de marchandises différentes, d'une installation différente.

M. Nault: Très bien, c'est là-dessus que portera le débat.

M. McGurk: C'est exact.

M. Nault: Je dois vous dire franchement que j'ai passé beaucoup de temps dans ces usines, qu'il s'agisse du secteur minier ou des pâtes et papier. Il faut que nous en discutions car j'aimerais également savoir, lorsque vous parlez du préjudice important prévu au paragraphe 27(2), comment vous définissez celui-ci. À mon avis, il faut qu'il y ait une interprétation juridique. Nous allons tous finir par discuter du sens de cette expression. Nous aimerions que vous nous expliquiez ce que cela signifie, au lieu de simplement proposer l'abrogation de ce paragraphe sans en discuter le moindrement.

Je ne suis pas avocat; je suis un profane qui essayait de gagner sa vie dans les chemins de fer et qui a fini par se faire élire par miracle, je suppose. Mais j'aimerais maintenant que vous nous disiez comment vous interprétez l'expression «préjudice important», car c'est essentiel à toute notre discussion. Pourriez-vous me dire ce que vous en pensez?

M. McGurk: Là encore, vous soulevez un point excellent relativement à ce projet de loi. Celui-ci est rempli de termes et d'expressions qui ne sont pas définis. Le préjudice important en est un exemple. Le terme «taux» ou «prix» n'est pas défini, pas plus que l'expression «commercialement équitable et raisonnable»; le terme «compensatoire», qui était défini dans l'ancienne loi, revient dans le projet de loi mais n'y est plus défini. Ce projet de loi est un ramassis de jargon flou, et les gens qui seront appelés à l'utiliser, comme vous, monsieur Nault, sont des gens ordinaires qui essaient d'expédier leurs produits jusqu'au marché de façon concurrentielle. On nous propose ici une mesure législative qui est peut-être plus lourde et complexe que nécessaire.

M. Nault: Nous pourrions peut-être, monsieur le président, demander aux témoins de nous donner leur interprétation du sens de «préjudice important». Ce serait un bon début. Nous poserons la même question aux autres témoins, car il semble bien que personne ne sache ce que cela veut dire exactement. Il est possible que nous en donnions une définition avant la fin de cette discussion, ce qui pourra vous aider - sous forme d'amendement, avant d'aller plus loin.

L'autre question que j'aimerais aborder - cela découle de l'impression que m'a donnée votre exposé. Vous avez dit que vous craignez le démantèlement de l'infrastructure. Ma première question est donc la suivante: À votre avis, l'industrie ferroviaire et les compagnies de chemin de fer sont-elles des sociétés privées qui devraient faire des bénéfices?

Mme Rehner: L'une est sans aucun doute une société privée. L'autre, sauf erreur, le deviendra sous peu.

M. Nault: Vous ne voyez donc rien à redire à ce qu'elle fasse des bénéfices?

Mme Rehner: Non.

M. Nault: Vous convenez donc qu'il faut trouver un juste équilibre dans la loi, en permettant aux sociétés ferroviaires de faire des bénéfices d'une part tout en protégeant d'autre part les expéditeurs.

.1555

Mme Rehner: Parfaitement, monsieur. C'est précisément ce que j'ai dit lors de ma dernière intervention.

M. Nault: Si je comprends bien, vous estimez que nous proposons ce projet de loi parce que les compagnies ferroviaires ne sont pas rentables et sont en difficulté financière parce que le régime de réglementation auquel elles sont assujetties va à l'encontre de leurs intérêts. Est-ce une bonne façon de voir les choses, ou est-ce que nous perdons carrément notre temps? Faut-il les laisser continuer comme à l'heure actuelle?

M. Cowall: Bien sûr, les compagnies ferroviaires devraient gagner de l'argent comme toutes les autres entreprises. La loi actuellement en vigueur leur permet de le faire. Si le paragraphe 27(2) est adopté, il y aura un déséquilibre. Je pense que cela va poser un problème et de toute évidence, c'est la raison de notre intervention.

Nous convenons que certaines dispositions du nouveau projet de loi C-101 favoriseront cet équilibre car elles permettront aux chemins de fer de réduire la partie de leur réseau qui est sous-utilisée. Nous avons déjà déclaré devant votre Comité que nous appuyons l'abandon des lignes non rentables.

M. Nault: Une dernière question, monsieur le président. J'ai du mal à suivre le raisonnement des témoins jusqu'ici, car, à la fin de leur exposé, ils ont dit qu'ils s'inquiétaient de la compression de l'infrastructure qui se produira aux termes du projet de loi C-101, lequel permet évidemment aux chemins de fer de... Si j'ai bien compris leur argument, le paragraphe 27(2), en limitant l'accès à l'Office - du moins d'après l'analyse des témoins - aura pour effet de réduire le réseau de voies exploitées car quelqu'un pourra en saisir l'Office. Est-ce là la logique de cet argument? C'est ce que vous avez dit à la fin de votre exposé. Cela se trouve-t-il dans votre mémoire écrit ou est-ce que vous agissiez sous l'impulsion lorsque vous avez...?

Mme Rehner: Non. Je n'agis jamais sous l'impulsion, monsieur.

M. Nault: Lisez la dernière page et demie de votre mémoire.

Mme Rehner: Volontiers, et je me ferai ensuite un plaisir de vous l'expliquer:

Ce ne sera pas nécessairement le cas, monsieur Nault, à moins que les sociétés ferroviaires décident de supprimer l'infrastructure, ce qu'elles sont pleinement en droit de faire. Toutefois, j'ai ajouté ensuite que cela se produira en raison d'une baisse de densité du trafic sur le réseau, et j'ai conclu en disant que mes deux collègues pourraient vous en dire plus à ce sujet.

M. Nault: Monsieur le président, cela me ramène à ma question. D'une part, M. Cowall a dit que la Ligue ne s'oppose pas à l'abandon des voies au besoin, car en fait, la question de l'importance du réseau ferroviaire par rapport à la densité du trafic, ainsi que la rationalisation du réseau, sont justement au coeur du débat à l'heure actuelle dans notre pays.

Or, parmi les personnes présentes aujourd'hui, celles qui s'y connaissent un peu en matière ferroviaire reconnaîtront que c'est effectivement le cas dans certains endroits du pays. Par ailleurs, toutefois, vous dites que le paragraphe 27(2), qui est censé limiter l'accès à l'Office, permettra le démantèlement du réseau auquel vous vous opposez.

Mme Rehner: Me permettez-vous de m'expliquer?

M. Nault: Oui. J'aimerais beaucoup que vous m'expliquiez ce que cela veut dire.

Mme Rehner: Sous sa forme actuelle, le paragraphe 27(2) limite l'accès à l'Office dans le cas des demandes relatives à un prix ou à un service. En conséquence, les expéditeurs ne pourront pas obtenir l'extension des interconnexions, ni des prix de lignes concurrentiels, car ils ne pourront pas répondre aux critères du préjudice important. En d'autres termes, la demande sera rejetée si l'on ne peut pas établir qu'il y aura préjudice important.

Lorsqu'ils ne pourront pas obtenir l'extension des interconnexions ou le prix de ligne concurrentiel, mes collègues trouveront un autre mode de transport pour acheminer leurs marchandises, ce qui diminuera le trafic sur le réseau ferroviaire au profit d'un autre mode de transport.

.1600

Les compagnies de chemin de fer gardent leur infrastructure intacte et grandissent et prospèrent en fonction de la densité d'utilisation de leur réseau. Cela s'appelle le revenu par tonne-mille. Les compagnies ne seront pas gagnantes sur ce plan, parce que les gens d'affaires de notre secteur ne se laisseront pas lier les mains s'ils peuvent trouver un autre moyen de faire transporter leurs marchandises.

M. Nault: Je vous remercie, monsieur le président. Je crois que je ne suis pas plus avancé que je ne l'étais au début. Ce sont deux longues semaines.

Le président: Monsieur Hubbard, vous avez la parole.

M. Hubbard (Miramichi): Monsieur le président, je voudrais reprendre le fil de la discussion. J'ai entendu beaucoup de chiffres au début. On a dit que votre groupe dépense chaque année 6 milliards de dollars en frais de transport.

Mme Rehner: En effet.

M. Hubbard: Pourriez-vous nous donner une ventilation par mode de ces 6 milliards? Avez-vous...

Mme Rehner: Les chiffres sont disponibles à mon bureau, monsieur.

M. Hubbard: Quel pourcentage représente le rail, à votre avis?

Mme Rehner: En fait, ce chiffre de 6 milliards s'applique intégralement au rail.

M. Hubbard: C'est donc uniquement pour le transport par rail, sans compter le camionnage et le transport maritime?

Mme Rehner: Laissez-moi vérifier, car ces chiffres viennent d'une enquête que nous venons tout juste de terminer et je voudrais vérifier pour en être absolument certaine.

Le président: Avons-nous accès aux résultats de cette enquête?

Mme Rehner: Absolument.

Le président: Merci. Nous vous serions reconnaissants de nous transmettre ces données.

M. Hubbard: Maintenant, pour faire suite à ce que disait M. Nault, il y a chez votre groupe une ligne de pensée qui fait que 5 p. 100 des marchandises transportées au Canada sont acheminées sur50 p. 100 des voies ferrées, tandis que l'autre moitié des voies ferrées ne transporte que très peu de volume. Mais une partie de ce volume représente probablement des marchandises expédiées vers des régions isolées où vous êtes un groupe captif.

La position de votre groupe est-elle que le gouvernement fédéral ou provincial devrait jouer un rôle majeur pour assurer le maintien de ces voies, ou bien devrions-nous nous en remettre au secteur privé à cet égard?

M. Cowall: Nous l'avons déjà dit et nous le réitérons aujourd'hui: l'industrie devrait s'en charger toute seule. Nous ne devrions pas dépendre des gouvernements fédéral ou provinciaux pour le maintien de ces lignes ferroviaires.

Nous avons déjà dit devant le Comité que nous appuyons l'abandon des lignes qu'il est impossible de rentabiliser. Dans un premier temps, si une ligne n'est pas rentable, nous préconisons la création d'une compagnie sur courte distance plutôt que l'abandon des voies. Nous voulons donc poursuivre le service et je pense que même les compagnies de chemin de fer veulent que le service soit continu, pour alimenter le réseau principal. Mais il y a assurément beaucoup de voies au Canada qui sont tout simplement inutilisées et qu'il serait inutile de conserver.

M. Hubbard: Je suis content de vous entendre dire que votre groupe est en faveur de la partie du projet de loi qui nous permettra de réduire le montant des subventions que nous avons accordées dans le passé aux chemins de fer. De nos jours, même le CP ne fait pas beaucoup d'argent sur son réseau ferroviaire. La compagnie a beaucoup d'autres activités. Quant au CN, il est bien sûr sous la tutelle du gouvernement depuis longtemps.

Merci, monsieur le président.

Le président: Monsieur Fontana.

M. Fontana (London-Est): Merci, monsieur le président.

Je veux moi aussi poursuivre la discussion au sujet du paragraphe 27(2). Il me semble que l'on interprète mal le sens de ce paragraphe 27(2).

Votre organisation a fait savoir que ce sera un critère auquel les expéditeurs devront satisfaire comme préalable, avant que l'Office entende la demande. J'ignore si un représentant de votre organisation était présent; sinon, nous pouvons vous faire parvenir le texte des explications du paragraphe 27(2) qui ont été données par la sous-ministre adjointe, Moya Greene, quant à la politique, laquelle stipule qu'il ne s'agit pas du tout d'un préalable, que l'Office entendra toutes les demandes. Le paragraphe 27(2) et le préjudice important seront utilisés comme guide pour la décision de l'Office, mais il ne s'agira pas d'un préalable obligatoire pour l'audition de la demande relativement aux prix de ligne concurrentiels, aux interconnexions, etc. L'Office est tenu d'entendre la plainte, mais il doit également tenir compte dans sa décision de l'existence d'un préjudice important.

Je ne comprends donc pas sur quoi se fonde votre impression - mais je n'ai pas le texte de loi sous les yeux - qu'il s'agit en fait d'un préalable pour qu'une plainte de l'un de vos expéditeurs soit entendue par l'Office.

.1605

Mme Rehner: Monsieur Fontana, je vais me faire un plaisir de vous aider à comprendre le libellé du paragraphe 27(2). Je n'ai pas en main le texte d'un nouveau paragraphe 27(2) en langage juridique et je dois donc me contenter de me fonder sur le libellé actuel.

Mais avant de nous pencher sur le libellé actuel du texte, je voudrais vous poser la question suivante: où, à votre avis, trouve-t-on dans le texte actuel une disposition quelconque qui oblige l'Office à faire quoi que ce soit relativement à une audience.

Il y a deux articles, les articles 30 et 38.

M. Fontana: Lisez l'article 29.

Mme Rehner: Je vais me faire un plaisir de lire l'article 29, monsieur Fontana: «L'Office rend sa décision sur une plainte ou une demande avec toute la diligence possible...»

M. Fontana: N'importe quelle plainte.

Mme Rehner: Il rend sa décision au sujet de n'importe quelle plainte.

M. Fontana: Exactement.

Mme Rehner: Mais à l'article 30, on dit que l'Office peut entendre une demande. Il n'est pas tenu de le faire. C'est laissé à la discrétion de l'Office. Si l'Office décide d'entendre la demande, alors absolument, il doit rendre sa décision en application de l'article 29, mais il n'est pas tenu d'entendre l'affaire.

M. Fontana: Pourquoi ne lisez-vous pas le paragraphe 27(2)?

Mme Rehner: Avec plaisir.

M. Fontana: Après l'avoir lu, dites-moi si, à votre avis, on empêche l'audition d'une demande.

Mme Rehner: Je lis:

Maintenant, monsieur Fontana, trouvez-vous raisonnable qu'un organisme quasi judiciaire du gouvernement du Canada entende ce que M. Cowall a à dire au sujet de sa plainte, qu'il dépense l'argent des contribuables pour tenir une audience en la matière et qu'il dise ensuite, un instant, nous devons d'abord appliquer le critère du préjudice important. À ce moment-là, l'Office dirait, écoutez, monsieur Cowall, nous sommes désolés, vous ne subissez pas de préjudice important. J'ai donc dépensé tout ce temps et tout cet argent, mais vous n'obtiendrez rien dans cette affaire.

M. Fontana: C'est ainsi que vous l'interprétez.

Mme Rehner: Je suis désolée, monsieur Fontana, mais la disposition dit bien que l'Office acquiesce à la demande seulement si...

M. Fontana: Attendez donc un instant. Je ne comprends pas pourquoi vous êtes si belliqueuse. Il me semble que nous sommes tous ici pour essayer d'améliorer le système. Alors, si vous voulez bien vous calmer, nous pourrons peut-être faire quelque chose de constructif.

Mme Rehner: Bon, nous allons essayer.

M. Fontana: On dit ici que «l'Office n'acquiesce à tout ou partie de la demande d'un expéditeur», ce qui veut dire essentiellement que l'Office doit entendre la demande. Quand on ajoute «compte tenu des circonstances» et ensuite «subirait autrement un préjudice important», cela veut dire que pour que la décision définitive de l'Office soit favorable, il faut qu'il y ait préjudice important. La décision est donc prise en fonction de ce préjudice important.

Je suis sûr que dans votre secteur... et si vous regardez ce que l'Office a fait depuis 1987, je ne crois pas qu'il ait entendu beaucoup d'affaires... Dans bien des cas, l'affaire est réglée avant même l'intervention de l'Office.

Vous n'ignorez pas qu'il y a parfois des demandes frustratoires présentées dans le but de se servir de l'Office comme levier pour obtenir un meilleur marché avec les compagnies de chemin de fer. Vous devez donc admettre que le gouvernement et son Office doivent être en mesure de distinguer entre le préjudice important et une simple demande frustratoire qui est présentée par un expéditeur, une compagnie de chemin de fer, ou n'importe qui d'autre à simple fin d'utiliser l'Office comme levier. Ne croyez-vous pas que l'Office doit avoir une certaine latitude lui permettant de déterminer s'il y a préjudice important?

Mme Rehner: Monsieur Fontana, je ne crois pas qu'un tribunal quasi judiciaire devrait se voir octroyer le pouvoir de rendre une décision en fonction d'un préjudice important quand personne ne sait ce que c'est qu'un préjudice important. En outre, avec tout le respect que je vous dois, monsieur, je dois dire que je ne suis pas d'accord avec votre interprétation de cette disposition du projet de loi. Je suis désolée, mais nous ne sommes absolument pas d'accord là-dessus. Ce n'est pas ce que dit...

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M. Fontana: Insinuez-vous que l'Office ne devrait pas avoir le moindre pouvoir? Si vous enlevez le paragraphe 27(2), car c'est bien ce que vous proposez, par quoi le remplaceriez-vous?

Mme Rehner: Pourquoi devrait-on le remplacer par quoi que ce soit? Je croyais que le projet de loi avait pour but de simplifier la réglementation.

M. Fontana: En effet.

Mme Rehner: Eh bien, je crois que nous ayons quelque difficulté...

M. Fontana: Eh bien, puisque vous parlez de simplifier la réglementation, insinuez-vous que le nouvel Office ne devrait pas avoir le moindre pouvoir? Devrait-il être appelé à se prononcer sur une question quelconque relative à la loi, à la réglementation décrétée par le gouvernement? Si nous voulons vraiment être efficaces, pourquoi ne pas tout simplement abolir l'Office et laisser les forces du marché dicter leur loi. Cela conviendrait-il tout à fait à votre association?

Mme Rehner: L'Office, monsieur Fontana, possède les pouvoirs d'une cour supérieure, des pouvoirs lui permettant de prendre des règlements, des pouvoirs relativement au transport du grain de l'Ouest, qui demeure réglementé, des pouvoirs relativement aux prix de lignes concurrentiels et aux interconnexions, et il a encore un rôle à jouer en ce qui concerne l'arbitrage. Je ne crois pas que l'Office est inopérant.

Mais notre organisation soutient qu'avec le paragraphe 27(2), vous introduisez une clause a priori dans les cas où l'Office doit se prononcer sur un prix ou une question de service, c'est-à-dire que l'Office doit d'abord appliquer un critère. Il doit rendre une décision quant à l'existence d'un préjudice important.

M. Fontana: Non, vous vous trompez sur ce point. Où voyez-vous que l'Office doit d'abord déterminer qu'il y a préjudice important en se fondant là-dessus?

Mme Rehner: Le texte dit bien «n'acquiesce que si».

M. Fontana: Vous dit-on au paragraphe 27(2) qu'il doit d'abord décider qu'il y a préjudice important avant d'entendre la demande? En fait, c'est exactement le contraire.

Je le répète, j'ignore si vous aviez un représentant ici lorsque la sous-ministre adjointe nous a donné des explications sur le projet de loi ou si vous voulez entendre l'interprétation d'un juriste quant à son sens précis. Avez-vous votre propre interprétation juridique selon laquelle c'est effectivement ce que dit cette disposition?

Mme Rehner: Oui, monsieur, j'ai une telle interprétation.

M. Fontana: Dans ce cas, je crois que vous avez été mal conseillée par vos juristes.

M. Cowall: Mais cela ne fait-il justement pas partie du problème, puisque vous l'interprétez en un sens et que nous l'interprétons dans le sens inverse? Je parie que si vous posiez la question à toutes les personnes ici présentes, elles auraient chacune une interprétation différente et c'est justement ce qui nous inquiète.

M. Fontana: Nous le ferons.

Le président: Voilà qui est intéressant. Tout le monde a-t-il posé toutes ses questions? Une dernière question, monsieur Chatters.

M. Chatters: Ma question fait suite à ce que disait l'un de mes collègues parmi nos vis-à-vis.

Je ne crois pas qu'il soit déraisonnable de s'attendre à ce qu'un intervenant vienne devant l'Office armé d'arguments raisonnables de manière à ne pas faire perdre son temps à l'Office et je crois que cette disposition particulière vise justement à s'en assurer. On vous a demandé comment vous définissiez le préjudice important ou bien quel autre libellé vous utiliseriez à la place. Comment, d'après vous, faudrait-il libeller le texte pour donner une certaine protection contre des demandes farfelues qui pourraient être présentées à l'Office?

Mme Rehner: Monsieur, tout d'abord, je dirais que le projet de loi renferme déjà une disposition, nommément l'article 34, où il est question de demandes frustratoires. Par conséquent, à tout le moins, si cette disposition vise à empêcher que l'Office ne soit saisi d'affaires frustratoires, alors je dirais, sauf votre respect, que c'est redondant ou superflu, comme vous voudrez. Il y a déjà une disposition à cet effet.

Deuxièmement, vous dites «notre définition du préjudice important». Laissez-moi vous dire que j'ai pratiqué le droit pendant 10 ans avant d'occuper mon poste actuel. Je me spécialisais dans le droit du transport. Je me suis même spécialisée un temps dans les dossiers du rail. Laissez-moi vous dire qu'en droit, dans le domaine des transports et même des chemins de fer, l'expression «préjudice important» n'existe pas. Cette expression est inconnue en droit. Nous connaissons «tort substantiel», nous connaissons «lésés indûment», mais nous n'avons jamais vu «préjudice important».

Comme je ne pratique plus le droit, je ne crois pas que ce soit mon rôle de vous donner à brûle-pourpoint une définition. Mais si l'on me demande de le faire, je me ferai un plaisir de me replonger dans le droit et d'y réfléchir. C'est une expression inconnue en droit pour le moment.

Le président: Madame Rehner, j'ai une proposition: nous prenons cette disposition sur le préjudice important, etc., et nous la balançons complètement et nous accordons seulement aux expéditeurs vraiment captifs la possibilité de demander de l'aide. Qu'en pensez-vous?

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Mme Rehner: Monsieur le président, qu'est-ce qu'un «expéditeur vraiment captif»?

Le président: Comme on l'explique dans la politique sur le transport, un expéditeur vraiment captif est une entreprise qui ne peut faire appel qu'à un seul mode de transport pour acheminer ses marchandises, soit le rail... On ne veut pas donner aux entreprises l'occasion d'invoquer la mesure et de parler de «prix comparable» entre l'industrie du rail et celle du camionnage qui est à côté et, ainsi, se servir de la loi comme d'un instrument pour faire baisser les prix. Je parle d'un expéditeur vraiment captif, c'est-à-dire qu'il peut uniquement avoir recours aux chemins de fer parce qu'il n'y a pas de routes et qu'il n'existe aucun autre moyen d'acheminer ses marchandises au marché. Voilà ce qu'est un expéditeur vraiment captif. C'est uniquement à ces personnes que nous permettons de présenter des instances pour obtenir réparation.

Que pensez-vous de cette proposition?

Mme Rehner: J'y réfléchirai.

Le président: Merci beaucoup, madame la présidente.

Brian et Jeoff, nous vous remercions de votre mémoire et du temps que vous avez pris pour comparaître devant le Comité.

Chers collègues, nous accueillons nos prochains témoins à la table. Il s'agit de représentants de l'Association des manufacturiers canadiens. Brian Collinson est directeur des transports.

Bienvenue au Comité des transports, Brian. Auriez-vous l'obligeance de nous présenter les personnes qui vous accompagnent aujourd'hui.

M. Brian Collinson (directeur des transports, Association des manufacturiers canadiens): Merci beaucoup, monsieur le président. Je vous présente M. Ted Zier-Vogel.M. Zier-Vogel est président du Comité des transports de l'Association des manufacturiers canadiens et il parlera du résumé exécutif de notre mémoire.

M. Ted Zier-Vogel (président, Comité des transports, Association des manufacturiers canadiens): Monsieur le président, honorables membres du Comité permanent des transports, au nom de l'Association des manufacturiers canadiens, je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous au sujet du projet de loi sur les transports au Canada.

Vous retrouverez toutes les observations que nous ferons aujourd'hui dans le mémoire écrit de l'Association, que vous avez devant vous. Étant donné que le temps est limité, nous nous bornerons à parler de certaines parties seulement de notre mémoire écrit. Nous savons que Transports Canada propose plusieurs amendements de forme à la mesure. Cependant, nos commentaires porteront sur le projet de loi sous sa forme actuelle.

Je voudrais tout d'abord vous expliquer brièvement qui nous sommes, collectivement, et pourquoi nous tenons fermement à nous faire entendre au sujet du projet de loi.

L'Association des manufacturiers canadiens se préoccupe de la santé et de la compétitivité de l'ensemble du secteur manufacturier au Canada. L'AMC a été créée au moyen d'une loi spéciale votée par le Parlement il y a 125 ans et c'est la plus ancienne organisation professionnelle au Canada. Nous formons un organisme national et avons des bureaux dans chaque province. Notre représentation des manufacturiers canadiens est principalement horizontale puisque nous représentons des manufacturiers de Terre-Neuve à la Colombie-Britannique, de la plus petite à la plus grande multinationale canadienne, ainsi que tous les secteurs de la fabrication, des matières premières à la micro-électronique. L'AMC compte près de 2 500 membres qui produisent presque 75 p. 100 de tous les produits manufacturés au pays.

Selon l'AMC, le secteur de la fabrication est un élément moteur vital qui gouverne l'économie canadienne. Quelque 80 p. 100 des exportations canadiennes de marchandises sont attribuables au secteur manufacturier et 75 p. 100 des activités de recherche et de développement dans le secteur privé sont réalisées par des entreprises manufacturières. Environ 1,9 million de personnes travaillent dans les secteurs de la fabrication et de la transformation au Canada et approximativement trois autres millions occupent des emplois qui dépendent directement ou indirectement de ces secteurs.

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À notre avis, la santé et la compétitivité du secteur canadien de la fabrication sont essentielles à la santé globale de l'économie canadienne dans l'avenir.

Pourquoi sommes-nous ici? L'AMC insiste sur son engagement envers l'amélioration de l'économie canadienne, le bien-être des entreprises canadiennes et le milieu des affaires canadien dans son ensemble et la prospérité économique de chacun des Canadiens grâce à l'accroissement général de notre niveau de vie. Pour atteindre ces objectifs économiques, il faudra créer un environnement des transports qui augmente la rentabilité de l'industrie canadienne et améliore sa compétitivité à l'échelle internationale. En envisageant les réformes du cadre réglementaire régissant le transport ferroviaire, le gouvernement ne doit pas faire cavalier seul. Il est primordial que ces questions soient examinées non seulement du point de vue des expéditeurs et des compagnies de chemin de fer, mais aussi dans le contexte plus large du commerce et de la compétitivité du commerce mondial.

Un bon nombre de nos concurrents n'ont pas à faire face à l'immensité d'un territoire comme le Canada. Leur accès au marché est facile en comparaison. D'ailleurs, pour beaucoup d'entre eux, la partie du coût des produits qui est dévolue au transport représente une bien moindre fraction du coût total des produits que celle d'un compétiteur canadien équivalent.

L'AMC reconnaît la valeur de la concurrence en tant que source d'efficacité et de rationalisation, aussi bien dans le contexte de l'industrie ferroviaire canadienne qu'en général. L'AMC soutient que l'industrie ferroviaire du Canada devrait s'ouvrir aux forces du marché libre dans la mesure où il est possible de le faire sans courir de risques monopolistiques inadmissibles.

Si elle admet l'exposition accrue du secteur ferroviaire canadien aux forces du marché libre, elle reconnaît aussi qu'il faut mettre en place des organismes efficaces chargés d'appliquer la loi pour assurer la viabilité et l'efficacité permanentes du réseau. Aucun système de marché libre ne peut réellement fonctionner s'il ne peut compter sur un service de police et sur des tribunaux efficaces et puissants.

S'il est une leçon qui est ancrée dans la mémoire des gens ayant participé aux activités du secteur manufacturier canadien ces dernières années, c'est que les entreprises qui connaissent du succès sont celles qui font de l'innovation et du perfectionnement continu le noyau de leurs activités. Il faut qu'il en soit de même dans le secteur des transports si l'on tient à ce que l'industrie manufacturière, qui dépend toujours des exportations, parvienne à survivre. Il est donc essentiel que la nouvelle loi ferroviaire soit d'une grande souplesse, de façon à favoriser une véritable innovation et l'entrée en scène de nouveaux intervenants, comme les lignes de chemin de fer provinciales sur courte distance, dans le projet ferroviaire canadien.

Avant de faire des commentaires précis au sujet du projet de loi C-101, nous estimons qu'il est opportun de faire quelques observations sur la création de la richesse et de possibilités particulières, au Canada. L'un des principaux thèmes que l'AMC a mis en évidence est le fait que la création d'emplois n'est pas l'apanage des gouvernements, ni même celle des entreprises. Ce sont les clients qui créent des emplois. Il est primordial de relever ces caractéristiques dans le réseau ferroviaire du Canada, car elles permettent d'attirer de nouveaux clients pour les produits canadiens. La véritable question que soulève la réforme du cadre réglementaire du transport ferroviaire au pays consiste à savoir comment créer un contexte réglementaire qui permette aux expéditeurs de répondre aux besoins de leurs clients et par conséquent, d'en recruter davantage, dans le plus grand intérêt de tous les Canadiens.

Conservant ces commentaires à l'esprit, l'AMC aimerait maintenant étudier plus à fond trois points précis de notre mémoire sur la LTC, soit l'accès des expéditeurs à l'Office des transports du Canada, les droits de circulation pour les compagnies de chemin de fer provinciales, sur courte distance, et l'arbitrage.

Je vais d'abord commencer par l'accès des expéditeurs à l'Office. Les dispositions de la LTC qui limitent l'accès des expéditeurs à l'Office inquiètent profondément l'AMC. De notre point de vue, de telles restrictions sont un obstacle à la mise sur pied d'une infrastructure ferroviaire efficiente, en constante amélioration, dont les manufacturiers canadiens ont besoin pour assurer leur survie. En conséquence, l'Association recommande la suppression des dispositions de la LTC restreignant l'accessibilité des expéditeurs à l'Office.

Le paragraphe 27(2), qui stipule que l'Office doit faire la preuve qu'un expéditeur a subi un «préjudice important» avant qu'une décision puisse être rendue en sa faveur, constitue l'exemple le plus frappant à cet égard. Cette exigence ajoute un autre niveau de charges, qui doivent être satisfaites, avant qu'un expéditeur puisse obtenir la réparation à laquelle il aurait autrement droit. La mesure semble contredire l'objectif général de la loi, à savoir la diminution du fardeau réglementaire auquel toutes les parties doivent actuellement faire face.

De plus, aucun expéditeur ne sait ou ne peut savoir comment l'Office interprétera ou appliquera ce concept du «préjudice important». Il y a franchement lieu de se demander, comme certains l'ont fait, si ce paragraphe a pour objet d'empêcher que réparation soit accordée alors qu'aucune n'est requise. On suppose que l'Office sera appelée à déterminer s'il y a lieu d'offrir réparation. En conséquence, cette disposition revient à créer un autre obstacle pour les expéditeurs, sans présenter d'avantages pour qui que ce soit.

De même, le paragraphe 34(1), qui accorde à l'Office le pouvoir de contraindre un requérant dont la demande a été jugée «frustratoire» par le tribunal de payer des frais, impose aux expéditeurs un autre fardeau excessif. L'AMC est d'avis qu'un tel article est à l'origine des craintes légitimes exprimées par les expéditeurs selon lesquels les compagnies de chemin de fer vont recourir à cet article pour s'assurer un avantage tactique injuste en cas de désaccord. Il est probable qu'il se développera autour d'un pareil article une technique courante à laquelle on recourra pour prétendre que les arguments présentés par son adversaire sont frustratoires. En cas de litige, ce genre d'article a pour effet d'accroître les coûts de son adversaire. Lorsque les deux parties sont engagées dans une guerre d'usure, celle qui a les reins les plus solides sur le plan financier sera toujours avantagée. Dans la plupart des cas, il s'agira d'une compagnie de chemin de fer fédérale plutôt que d'un expéditeur.

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L'article 113 renferme une exigence selon laquelle les prix et conditions de service doivent être commercialement équitables et raisonnables. À l'instar du paragraphe 27(2), cet article est censé s'appliquer à l'ensemble de la mesure proposée. Une fois de plus, voilà un article qui ajoute un autre niveau de réglementation aussi inutile qu'imprécis et qui restreint davantage la capacité des expéditeurs de recevoir une réparation de l'Office.

Par exemple, pour déterminer un prix de ligne concurrentiel aux termes de la nouvelle mesure proposée, l'Office suivra la même procédure qu'à l'heure actuelle. Selon un principe de base du droit administratif, ce faisant, l'Office doit se plier aux exigences de l'équité et du bon sens. Si l'Office applique la procédure relative au PLC de façon équitable et raisonnable, quel avantage tire-t-on d'un paragraphe qui stipule que le résultat doit être raisonnable sur le plan commercial?

Le paragraphe 40(3) de l'actuelle Loi sur les transports nationaux permet à l'Office national des transports de faire des arrêtés provisoires ex parte, même s'il regrette que ce paragraphe n'apparaisse pas dans le texte de la LTC proposée. On ne saurait trop insister sur l'importance que revêtent les arrêtés provisoires dans les différends entre compagnies de chemins de fer et expéditeurs. S'il n'est pas possible d'accorder des réparations temporaires, les situations présentant de terribles injustices susceptibles de causer un préjudice permanent aux expéditeurs risquent de se prolonger encore longtemps avant qu'une réparation permanente ne soit accordée par l'Office, qui disposera apparemment de moins de temps et de ressources pour examiner les plaintes.

Il est primordial qu'il soit possible d'accorder des réparations temporaires sur une base ex parte. Autrement, si la partie lésée est tenue de donner préavis à la partie adverse, cette dernière peut retarder l'audience de la motion temporaire, causant ainsi préjudice à la partie lésée, ou encore, aurait l'occasion de redresser ses torts. Si on laissait cet article dans la loi, l'organisme n'en demeurerait pas moins libre de décider s'il y a lieu d'accorder la réparation dans un cas particulier.

Permettez-moi maintenant de passer aux droits de circulation.

Parmi toutes les préoccupations exprimées par les membres de l'AMC sur la question de la réforme du secteur ferroviaire, ce sont celles concernant les droits de circulation qui ont suscité les réactions les plus vives. En conséquence, l'AMC n'a d'autre choix que de recommander que soit incluse dans la Loi une disposition permettant aux compagnies de chemin de fer provinciales sur courte distance de circuler sur les lignes des entreprises ferroviaires fédérales, à partir du point de jonction entre les lignes des deux compagnies jusqu'au lieu de correspondance le plus proche avec une autre compagnie de chemin de fer fédérale.

Il va de soi que les entreprises ferroviaires fédérales en question devraient recevoir une indemnisation juste et raisonnable pour l'octroi de ces droits, selon un barème déterminé dans la mesure du possible par le marché. Même si le niveau d'indemnisation devrait être établi par un contrat liant la compagnie de chemin de fer provinciale et l'entreprise ferroviaire fédérale, en cas de désaccord entre les deux parties, il faudrait pouvoir recourir à l'Office des transports du Canada.

L'AMC recommande le retrait du critère de l'intérêt public relativement aux droits de circulation sur des lignes de compagnies de chemin de fer fédérales qui se trouve au paragraphe 138(2) du projet de loi. Il est difficile de déterminer quel véritable «intérêt public» - s'il y en a un - l'Office pourrait protéger en exerçant ses pouvoirs.

L'AMC soutient que le sens de l'expression «intérêt public», telle qu'elle est employée dans cet article du projet de loi, est inévitablement vague, ce qui entraînera vraisemblablement des litiges inutiles et coûteux résultant d'interprétations discordantes de la mesure dans laquelle les arrêtés de l'Office ou les conditions qu'il a imposées sont «justes ou opportuns, compte tenu de l'intérêt public».

Au sujet de l'arbitrage, l'AMC soutient que, dans l'ensemble, l'arbitrage est une caractéristique positive de la Politique canadienne sur le transport ferroviaire, et qu'on devra le conserver. Toutefois, le processus d'arbitrage en soi a besoin d'être simplifié et amélioré, ce que les articles 161 à 169 du projet de loi C-101 réussissent à faire dans une large mesure.

Cependant, l'AMC est préoccupée par un problème potentiel pouvant survenir à propos de l'arbitrage. Il n'est pas clair que s'appliquerait dans le cadre d'une demande d'arbitrage le critère du «préjudice important» énoncé au paragraphe 27(2). On ne sait pas non plus si l'on doit tenir une audience, en application de ce même paragraphe, avant que ne soit rendue une décision aux termes d'un arbitrage.

Les représentants de Transports Canada ont dit à l'AMC que le libellé du paragraphe 27(2) et du paragraphe 162 du projet de loi précisent que le paragraphe 27(2) s'applique uniquement aux demandes présentées à l'Office et non pas à une question qui aurait été soumise à l'Office pour fins de renvoi à un arbitre dans le cas d'une demande d'arbitrage. De l'avis de l'AMC, cette distinction est trop ténue pour être pratique. On court le risque que si le paragraphe 27(2) s'applique aux demandes d'arbitrage, les dispositions relatives à l'arbitrage perdent leur valeur en tant que moyen simplifié et efficace pour régler des différends entre un expéditeur et une compagnie de chemin de fer.

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Au strict minimum, l'AMC soutient que c'est tout simplement une raison de plus pour retirer le paragraphe 27(2) du projet de loi C-101. Au strict minimum, l'AMC recommande que le paragraphe 27(2) du projet de loi ne s'applique absolument pas à l'arbitrage.

En conclusion, l'AMC se réjouit de la décision du ministre des Transports de présenter à ce moment-ci une loi portant sur la réforme du secteur ferroviaire. Le gouvernement a reconnu avec justesse que la réglementation du transport ferroviaire au Canada se trouve à une importante croisée des chemins et a décidé de prendre des mesures déterminantes. Cependant, il faut que le Parlement comprenne que ce n'est pas seulement le secteur ferroviaire qui se trouve à la croisée des chemins. C'est tout le secteur de la fabrication et de la transformation, et partant toute l'économie canadienne, qui vit un moment décisif.

Les Canadiens jouissent depuis très longtemps d'un niveau de vie élevé, mais il n'y a pas de garantie que cela durera toujours. Dans une économie globale, le niveau de vie des Canadiens dépendra de notre capacité à offrir des produits les moins chers et les plus performants possible ainsi qu'à les acheminer aux marchés de façon plus efficiente, opportune et économique que nos concurrents. Seul un plan d'action clair et décisif nous permettra d'implanter le type de secteur ferroviaire compétitif dont nous avons besoin pour permettre à notre commerce national et international de survivre et de prospérer. Comme on le sait, ce sont les expéditeurs, les manufacturiers et les transformateurs qui, jusqu'ici, ont généré emploi et prospérité pour les Canadiens.

Monsieur le président, l'AMC invite instamment le Parlement du Canada à créer un cadre législatif qui ne compromet pas l'avenir du Canada simplement dans le but de résoudre des problèmes à court terme.

Merci. Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.

Le président: Merci de votre exposé, monsieur Zier-Vogel.

Vous avez dû vous demander si le paragraphe 27(2) s'applique à l'arbitrage. J'ai précisément posé cette question à la sous-ministre adjointe le 5 octobre dernier et elle m'a répondu que cette disposition s'applique uniquement aux décisions de l'Office, et non à l'arbitrage. L'arbitrage n'est pas une décision de l'Office.

Je ne sais pas si cela vous éclaire ou vous est d'une aide quelconque.

M. Zier-Vogel: Si c'est le cas, il ne devrait pas être difficile pour Transports Canada de formuler un article qui stipule précisément ce que vous venez de dire.

Le président: Le fait est qu'il s'agit d'une décision d'une tierce partie que la société ferroviaire et l'expéditeur ont convenu de respecter. Comme ce n'est pas, à l'origine, une décision de l'Office, pourquoi inclure dans la mesure législative quelque chose qu'il n'est même pas du ressort de l'Office de décider?

Quoi qu'il en soit, passons aux questions. Monsieur Chatters.

M. Chatters: J'ai bien écouté votre exposé et il me semble que de façon générale, vous appuyez les objectifs visés par le projet de loi, mais que vous avez des réserves au sujet d'interprétations vagues et de l'absence de définitions dans un certain nombre d'articles, y compris le paragraphe 27(2). Est-ce exact?

M. Zier-Vogel: C'est exact. Nous appuyons l'intention sous-jacente au projet de loi, dans la mesure où il donne des résultats, qui est de faciliter aux entreprises ferroviaires l'aliénation des lignes qu'il est absurde pour elles de conserver. Nous pensons que cela est une bonne idée. Ce qui nous inquiète, c'est le caractère vague de certaines définitions, ainsi que certains obstacles que l'on soulève et qui feraient qu'il serait très difficile pour moi, par exemple, en tant qu'expéditeur, de recommander à ma compagnie de recourir à l'Office.

Soit dit en passant, nous avons été amenés à réfléchir à cela à deux reprises. Permettez-moi un petit rappel historique. Nous avons connu deux situations qui n'ont pas été sans susciter chez nous une certaine nervosité. Nous n'avons jamais eu à recourir à l'Office, mais dans l'un de ces cas, il a fallu attendre l'intervention personnelle du président de la société ferroviaire en particulier pour que le problème soit résolu. Il est ressorti de cette affaire qu'il n'était pas au courant des agissements de certains de ses collaborateurs et il a réglé le problème immédiatement. Mais à défaut de son intervention, nous aurions eu recours à l'Office. Aux termes de la loi actuelle, je ne suis pas sûr que nous le ferons jamais.

M. Chatters: Pour en revenir au paragraphe 27(2), votre expérience vous a-t-elle amenés à conclure qu'il est nécessaire de restreindre l'accès à l'Office et qu'en fait, il y avait des recours... J'hésite à utiliser l'adjectif «frustratoire», mais c'est ce qui est écrit dans le projet de loi. Il me semble que l'intention du paragraphe 27(2) est de contrer cela. Êtes-vous en faveur de la suppression complète de ce paragraphe ou croyez-vous qu'il soit nécessaire d'offrir une certaine protection à cet égard?

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M. Zier-Vogel: Je ne suis pas sûr que le paragraphe 27(2) est nécessaire pour empêcher les démarches frustratoires, puisqu'il y a déjà une disposition à cet effet. Je ne suis pas convaincu que l'ONT ait reçu beaucoup de requêtes frustratoires. C'est une chose que je ne sais pas et sur laquelle je ne peux évidemment pas me prononcer.

Si l'ONT, ou si le gouvernement estime que l'ONT, avait ce problème, alors il est déjà réglé par la disposition relative aux démarches frustratoires. Je ne vois pas ce que le paragraphe 27(2) ajoute.

M. Chatters: Vous préféreriez donc que l'on supprime simplement le paragraphe 27(2), plutôt que de définir ce que cette disposition veut dire.

M. Zier-Vogel: Oui.

M. Fontana: Merci beaucoup pour votre présentation.

Avant d'entrer dans certains détails que vous avez mentionnés - et il est clair que le paragraphe 27(2) requiert encore beaucoup d'explications, car votre préoccupation a également été exprimée par les derniers intervenants - j'aimerais vous poser quelques questions.

À titre de représentant d'une association de manufacturiers qui croit dans le système de la libre entreprise et du marché, vous avez beaucoup parlé des clients. Évidemment, les clients de vos manufacturiers veulent les meilleurs produits possible au prix le plus bas possible. Vous faites concurrence aux manufacturiers américains tous les jours et, en fait, vous exportez la plupart de vos produits aux États-Unis.

Dans la mise en place d'un nouveau régime de transport dont le but évident est de réduire les coûts de transport, au bout du compte par des gains d'efficacité, par la déréglementation des chemins de fer et par la création de voies secondaires, votre véritable intérêt c'est que vos membres, les manufacturiers, paient moins cher pour leur transport et que leurs clients soient donc beaucoup plus contents et que nous puissions être compétitifs.

Je voudrais que vous compariez notre régime à celui des États-Unis, où les manufacturiers auxquels vous faites concurrence n'ont absolument rien dans leur loi qui ressemble aux droits de circulation, aux prix de ligne concurrentiels, à l'arbitrage, etc. Ils n'ont rien de tout cela.

Le marché existe et fonctionne évidemment bien. Chaque fois que nous ajoutons un règlement ou une protection quelconque... Je reconnais que depuis 1987 beaucoup de ces mesures ont donné de bons résultats, mais je veux connaître votre avis, du point de vue de la concurrence, car chaque fois que nous ajoutons un règlement pour protéger soit l'expéditeur ou les chemins de fer sans laisser le marché libre de déterminer ce qui est juste, vous y perdez, car les Américains peuvent faire la même chose pour bien moins cher.

Donc, pour pouvoir vous occuper de vos clients comme vous dites vouloir le faire, tout en étant compétitifs, j'aimerais que vous me disiez ce que nous pouvons faire dans ce projet de loi pour réduire les coûts du transport des marchandises pour tout le monde, y compris pour les clients.

M. Zier-Vogel: J'ai l'impression que vous en avez probablement déjà fait beaucoup, puisque le Parlement est intervenu pour régler le conflit de travail des chemins de fer en mars.

On se rappellera qu'une part importante des coûts que les chemins de fer doivent assumer sont des coûts qu'ils se sont eux-mêmes infligés et qu'ils ont dû finalement avoir recours au Parlement pour régler leurs problèmes.

Toutes les autres entreprises - comme la mienne, comme d'autres entreprises membres de l'AMC, comme n'importe quelle entreprise, je suppose, au Canada - sont passées par ce processus, par le marché, depuis mettons, 1988. Malheureusement, les chemins de fer canadiens ne l'avaient pas fait et viennent tout juste de s'engager dans ce processus en raison des relations de travail bien particulières auxquelles ils font face. Les chemins de fer américains n'ont jamais connu une telle difficulté et ont pu apporter des changements beaucoup plus rapidement que les chemins de fer canadiens.

Je ne sais pas, par exemple, combien tous les prix de ligne concurrentiels accordés depuis 1988 ont coûté aux chemins de fer. Je ne sais pas non plus le montant de ce que l'on pourrait appeler le coût caché attribuable au simple fait que les expéditeurs canadiens aient ce mécanisme des PLC.

Je n'ai pas ces renseignements, mais je pense pouvoir dire sans me tromper que les chemins de fer canadiens sont maintenant en mesure de faire certaines choses que les chemins de fer américains font depuis quelque temps déjà et qu'ils s'y emploient activement. Je pense que les chemins de fer canadiens seront par conséquent en bien meilleure situation financière qu'ils ne l'ont jamais été.

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Je vous signale également que s'il est vrai de dire que les temps ont été durs, le fait que, par exemple, CP Rail soit en train de réorganiser son personnel de gestion de façon assez radicale, semblerait indiquer que tout n'allait peut-être pas pour le mieux dans le passé. Sinon, pourquoi se lancer dans un tel projet? Cela nous oblige aussi à nous demander pourquoi ils ne l'ont pas fait il y a déjà de nombreuses années. Je ne sais pas. Je ne saurais dire.

M. Fontana: Permettez-moi de vous interroger sur les voies secondaires. Vous semblez être tout à fait en faveur de la création de voies secondaires comme moyen peut-être de mieux servir les membres de votre association et, partant, les clients, mais vous nous demandez d'accorder aux transporteurs provinciaux les droits de circuler librement sur les voies secondaires. Or, je crois qu'il n'y a qu'un ou deux exploitants de voies secondaires qui demandent des droits de circulation complets. Tous les autres semblent nous dire de ne pas nous en mêler, car ils peuvent s'arranger sur le marché et en traitant avec les lignes principales.

Par contre, l'autre terme de l'équation c'est que si nous rendons la création de voies secondaires très difficile, et si nous faisons donc en sorte qu'il sera très difficile pour les chemins de fer principaux de se défaire de leurs voies secondaires non rentables, ils ne le feront pas. Par conséquent, nous ne créerons pas de voies secondaires si en fait nous imposons... même si je ne pense pas que la Constitution accorde au gouvernement fédéral le droit de légiférer sur les voies secondaires provinciales. Mais ça c'est une question juridique.

Mais si je vous demandais si vous préféreriez que des voies secondaires soient créées et que nous n'accordions pas de droits de circulation, ou que nous nous trouvions dans une situation où la création de voies secondaires deviendrait impossible... car c'est ce qui pourrait arriver. Il faut choisir.

M. Zier-Vogel: Parfois, je me demande. Il me semble que des voies secondaires sont créées uniquement lorsque la structure de coût d'un chemin de fer devient intenable et qu'il ne peut plus fournir des services sur une ligne donnée en raison de la quantité de trafic sur cette ligne. Si tout le monde gagnait 2$ l'heure, ce ne serait pas un problème et nous n'en parlerions même pas. En fait, les gens gagnent ce qu'ils gagnent et les chemins de fer ont constaté que pour quelque raison que ce soit, le maintien de certaines lignes n'a pas beaucoup de sens pour eux, uniquement à cause de leur structure de coût.

Les chemins de fer ont probablement peu d'options. L'une d'elles est de créer une voie secondaire interne. Comme vous le savez, cela existe à quelques endroits, je crois.

Une autre option est de vendre la ligne, de la vendre pour la valeur actualisée des rentrées de fonds futures de cette ligne. Je suis sûr que cela se fait. Je ne connais pas de cas précis au Canada, mais je sais que c'est une façon de faire.

La troisième option est de négocier avec quelqu'un et de lui accorder un bail ou une hypothèque ou quelque chose du genre et de le tenir étroitement aligné sur le chemin de fer principal afin que tout le trafic emprunte le chemin de fer principal. Je pense que ce que nous essayons de dire c'est que dans les cas où il semble que le chemin de fer principal n'a tout simplement pas les moyens d'exploiter un tronçon de voie en raison de sa structure de coût, il n'y a aucun mal à permettre la création d'une voie secondaire - soit en vendant la compagnie, soit en vendant la ligne, mais en permettant que les rails soient utilisés pour une voie secondaire.

Vous remarquerez que nous disons dans notre mémoire qu'il devrait y avoir des frais pour l'utilisation de la voie principale, mais que ces frais doivent être justes et équitables. Nous ne disons pas que cela doit être gratuit. Nous ne disons pas qu'ils pourront circuler n'importe où. Au contraire, nous limitons cette possibilité. Nous ne pouvons pas imaginer que cela puisse nuire aux expéditeurs à l'autre bout de la ligne car s'ils sont à l'heure actuelle tributaires de cette voie secondaire, il est peut-être beaucoup plus dans l'intérêt de l'exploitant de cette voie secondaire de s'occuper de cet expéditeur.

M. Fontana: Merci. Cependant, je suis sûr que vous comprenez également... Je suppose, en dernière analyse, que c'est pour cette raison que je vous demandais si nous devrions laisser le marché régler... Il y a des centaines d'ententes relatives aux droits de circulation à l'heure actuelle, et elles n'ont pas été imposées par une loi, mais ont été négociées volontairement. Il est évident que le système fonctionne bien.

Vous dites n'avoir pas été obligés d'avoir recours à l'ONT. Nous espérons que personne n'aura jamais à s'adresser à l'OTC. En fait, 99 p. 100 des cas sont réglés à l'amiable. Dans bien des cas, la menace du recours à l'OTC est un levier suffisant pour faciliter la poursuite de négociations positives.

Est-ce que vos clients ou vos membres nous disent que nous devrions inscrire dans la loi les droits de circulation sur les voies secondaires alors que le marché semble fonctionner, et ce, malgré les observations sur la Constitution et la compétence des provinces, etc.?

M. Zier-Vogel: À ma connaissance, il existe déjà des droits de circulation, mais uniquement pour les chemins de fer fédéraux; il n'existe encore rien entre les chemins de fer fédéraux et ceux qui sont réglementés par les provinces.

.1645

M. Fontana: Mais si.

M. Zier-Vogel: Sur les droits de circulation?

M. Fontana: Bien sûr.

M. Zier-Vogel: Très bien. Je m'excuse. Je n'étais pas au courant.

M. Fontana: Bien sûr.

M. Hubbard: Avez-vous, pour votre association, des chiffres et des données sur les sommes dépensées chaque année pour les divers modes de transport ainsi que le pourcentage représenté par les chemins de fer à ce titre: 10 p. 100, 20 p. 100, 30 p. 100?

M. Collinson: Je regrette, mais je n'ai pas ces chiffres avec moi. Toutefois, je m'engage, au nom de l'AMC, à faire de notre mieux pour vous fournir ces chiffres d'ici quelques jours.

M. Hubbard: Ils sont donc disponibles?

M. Collinson: Je pense que nous pouvons certainement vous donner une estimation raisonnablement exacte.

M. Hubbard: Dans votre mémoire, à la page 2, vous parlez de la nation canadienne, des manufacturiers canadiens qui doivent pouvoir faire face à la concurrence internationale et nationale. Or, vous semblez dire que pour ce qui est des chemins de fer, qui sont subventionnés par le gouvernement canadien probablement depuis 1867, vous pensez que nous en sommes rendus au point où nous pouvons maintenant dire: débrouillez-vous; réussissez ou échouez, selon ce que décidera le marché.

Est-ce votre philosophie en matière de chemin de fer?

M. Zier-Vogel: Oui, sans aucun doute.

M. Hubbard: Donc, le gouvernement devrait cesser de subventionner et d'aider les chemins de fer et d'essayer de maintenir les lignes dans certaines régions dans l'intérêt national ou régional.

M. Zier-Vogel: Nous dirions, je pense, que le Canada a raison d'essayer de vendre le CN. C'est un chemin de fer qui n'est plus du tout ce qu'il était.

Pour ce qui est de savoir si certaines lignes doivent recevoir l'aide des différents gouvernements, je ne sais pas. Cela dépend sûrement de la situation ou des circonstances précises entourant chacune des lignes.

M. Hubbard: Parlons maintenant de l'Office. J'imagine que votre association a une structure administrative. Si un manufacturier dans une région quelconque du pays estime qu'il est victime de discrimination dans l'application de la loi ou de la réglementation, y a-t-il un organisme, un comité ou un groupe au sein de votre association qui pourra aider ce manufacturier? Ou doit-il se débrouilller seul avec les questions juridiques et les autres problèmes qu'il peut avoir en s'adressant à l'Office?

M. Zier-Vogel: Vous voulez dire pour s'adresser à l'OTC?

M. Hubbard: Oui.

M. Collinson: Certainement, l'AMC défendrait et appuierait activement ce manufacturier de toutes les façons possibles pour l'aider à surmonter toutes les difficultés ou démêlés que ce manufacturier pourrait avoir dans sa relation avec l'Office.

Dans certains cas très rares, l'AMC s'est occupée directement de présenter une demande quelconque relative au droit administratif afin d'amener certains changements à ce niveau au sein de l'Office. À cet égard, je crains que les expéditeurs ne soient encore très souvent obligés de se débrouiller eux-mêmes.

M. Hubbard: Ce que vous nous dites donc, c'est que certains petits manufacturiers pourraient être très durement touchés par une série de règlements administrés par un office et ne pas avoir les ressources ou l'aide financière nécessaires pour faire des démarches auprès du gouvernement.

M. Collinson: Oui, monsieur. Ça pourrait devenir une affaire de vie ou de mort pour certaines petites entreprises membres.

M. Nault: Je voudrais discuter de la question des chemins de fer sur courtes distances pour voir si je peux comprendre.

Je crois savoir qu'en fait, les voies secondaires peuvent avoir des droits de circulation. Il leur suffit d'obtenir une charte fédérale, de devenir un chemin de fer fédéral. Qu'est-ce qui empêche les membres de votre association d'obtenir une charte fédérale et d'obtenir ainsi leurs droits de circulation? Où serait le problème?

M. Zier-Vogel: Leur métier ce n'est pas d'exploiter de petits chemins de fer.

M. Nault: Si vous essayez de dire qu'il est impossible d'obtenir une charte ou d'obtenir des droits de circulation, alors que c'est en fait possible, ne pensez-vous pas qu'il serait également prudent de donner aux provinces le pouvoir d'imposer leur volonté si elles ne veulent pas leur accorder de droits de circulation? À l'heure actuelle, vous avez les deux: vous pouvez obtenir une charte fédérale et des droits de circulation. Ou vous pouvez obtenir une charte provinciale sans droits de circulation. Qu'est-ce que vous pouvez demander de mieux?

Je crois savoir que tout le monde veut une charte provinciale car ils peuvent échapper aux obligations de successeurs, évidemment, qui réduisent...

M. Fontana: Pas en Ontario.

M. Nault: Pas encore en Ontario, mais bientôt, d'après ce que j'ai entendu dire.

.1650

Mais ce que j'essaie de dire c'est qu'en fait vous avez déjà ce que vous demandez. C'est dans la loi. Ça existe dans la vieille loi. Ça se trouvera dans la nouvelle loi qui est proposée. Il ne devrait donc pas y avoir de problèmes. Si vous voulez vraiment faire concurrence aux grosses compagnies, obtenez une charte fédérale. Si ce n'est pas ce que vous voulez faire et si vous voulez rester dans les ligues mineures, alors restez sur la scène provinciale et négociez tout simplement avec les lignes principales pour fournir des produits qui seront expédiés au marché sur les lignes principales.

Que pensez-vous de cet argument? C'est en fait ce qui existe maintenant.

M. Zier-Vogel: Je ne connais pas beaucoup de voies secondaires provinciales qui ont une charte fédérale. En connaissez-vous?

M. Nault: Non, car elles n'en ont pas fait la demande. Mais j'ai entendu dire que quelqu'un allait le demander. C'est un peu compliqué; mais j'ai également entendu dire que nous allions rendre cette possibilité assez facile. C'était un peu plus difficile de faire une telle demande dans le bon vieux temps, mais nous allons changer cela.

M. Zier-Vogel: Avec l'OTC?

M. Nault: Bien sûr, vous pouvez obtenir une charte.

M. Zier-Vogel: Dans la mesure où cela se produit, les dispositions relatives aux droits de circulation réciproques s'appliquent entre chemins de fer fédéraux. Je sais cela. Mais je ne connais pas beaucoup de cas où cela se fait sauf peut-être entre le CN et le CP ou certains chemins de fer de catégorie 1 aux États-Unis. Je n'ai pas la moindre idée du pouvoir de négociation entre les deux chemins de fer ni de la raison pour laquelle le principal transporteur accorderait des droits de circulation à un chemin de fer sur courtes distances doté-d'une charte fédérale mais exploité au niveau provincial. Alors je ne peux pas vous répondre. Je ne sais pas.

M. Nault: VIA Rail est l'un des principaux chemins de fer à charte fédérale. Il circule constamment sur les voies du CN et du CP. Il ne semble avoir aucun mal à négocier des ententes et à utiliser les voies des autres compagnies.

Alors ce que vous dites, et ce que je dis moi aussi je suppose, c'est que nous avons l'habitude de penser aux voies secondaires en termes de petits tronçons de 60 ou 100 km. Mais que se passe-t-il si un Américain arrive et s'il achète un tas de voies secondaires et qu'il devient tout à coup un chemin de fer régional et que, soudainement, il décide qu'il veut faire concurrence aux principaux chemins de fer et demande une charte fédérale? Cette possibilité existe déjà. Ça ne vous pose pas de problème?

M. Zier-Vogel: Si cette option existe déjà et qu'elle est régie par des règles fédérales, cela ne nous inquiète pas, car ça existe. Il y a des droits de circulation réciproques.

M. Nault: Mais il y a quelque chose qui suscite ma curiosité. Lorsque l'Association des manufacturiers dit que c'est parfaitement acceptable, c'est un peu comme si je vous disais que je vais me lancer dans la fabrication, mais que je veux utiliser votre usine.

C'est le même genre d'argument que vous nous présentez. Le CN et le CP sont propriétaires de ces voies ferrées... ni plus ni moins; on pourrait faire valoir que ce ne devrait pas être le cas. Mais, aux fins de cette discussion, admettons que le CP, une entreprise privée, est propriétaire de ces voies. Vous nous dites que même s'il s'agit d'une société privée, elle devrait permettre aux autres compagnies d'utiliser ses voies, à un tarif raisonnable. Seraient-ils obligés de s'adresser à l'Office pour savoir ce que serait un tarif raisonnable?

M. Zier-Vogel: Ils pourraient s'entendre entre eux. Mais en quoi est-ce que cela est différent des rapports entre Bell et Unitel et en quoi est-ce différent des pipelines de gaz naturel ou de pétrole en Alberta, où il y a de petits pipelines qui relient les petits puits aux principaux réseaux de collecte? Ça se fait là aussi.

M. Nault: Il n'y a pas de différence. Mais il me semble que cette possibilité existe déjà. Il suffit d'obtenir une charte fédérale.

M. Zier-Vogel: Je ne sais pas tout ce qu'il y a à savoir sur, mettons, un chemin de fer qui fait 60 milles dans une province et qui aurait une charte fédérale. J'hésite beaucoup à me prononcer là-dessus, car je n'y connais rien. Je ne sais pas. Je ne peux pas commenter.

M. Nault: Très bien. L'autre question que je voulais poser concerne la rémunération des services. Vous semblez très mécontents d'être obligés de payer si vous faites une démarche frustatoire auprès de l'Office, mais nous savons tous ce que vous pensez de notre dette et de notre déficit. Pourquoi ne pas simplement imposer un système de rémunération des services? Vos membres sont tous de grandes entreprises. La plupart de ces expéditeurs ne sont pas des poids légers. Ils sont tous capables de payer leur part. Vous venez tout juste de dire que les chemins de fer sont riches, ils sont donc capables de payer leur part. Pourquoi ne pas simplement avoir un système de rémunération pour tous les services, pourquoi ne pas enlever les dispositions relatives aux démarches frustratoires et faire payer ceux qui s'adressent à l'Office, afin que ça ne coûte rien aux contribuables?

.1655

M. Zier-Vogel: Pour le reste, c'est en fait possible. Regardez seulement ce que fait la Garde côtière pour ce qui est des brise-glaces; on peut dire que parce qu'on le fait maintenant pour les brise-glaces, on va le faire, pourquoi ne pas penser qu'on en arrivera là? Pourquoi pas.

De notre point de vue, si nous avons l'impression qu'une situation nous porte préjudice, il nous faut ensemble décider des efforts à déployer. Nous portons ces efforts sur le problème lui-même: Quel est-il et quel est le recours? Le recours est par exemple quelque chose que l'Office est habilité à faire. Ensuite, nous disons, que si l'Office est d'accord avec vous à ce sujet, on peut également lui montrer que quel que soit le problème, il va vous causer un préjudice important. C'est alors que quelqu'un demande ce que c'est?

On peut espérer que d'ici là on aura une certaine idée de ce que c'est et de ce qu'en dit la jurisprudence. Jusque-là, tout ce que l'on peut dire c'est que nous ne savons pas trop.

Ensuite, on peut se demander pourquoi nous avons à franchir tous ces obstacles alors que nous n'avons pas la moindre idée de ce qu'ils sont. Nous déclarons qu'en fait il faut que la solution soit commercialement équitable et raisonnable et non pas seulement équitable et raisonnable. La question est encore de savoir ce que cela signifie et, là encore, nous n'en sommes pas certains.

La dernière chose est quelle est la définition, jusqu'à quel point peut-on parler de «frustratoire» et à partir de quand est-ce quelque chose qui mérite une prime? Est-ce que «frustratoire» signifierait que l'on a raison pour ce qui est du prix de ligne concurrentiel mais que l'on ne répond pas aux critères de préjudice important? Je ne sais pas. Je ne sais pas où se situe la limite. C'est ce qui nous ennuie probablement plus que toute autre chose.

Nous comprenons la nature de «frustratoire» parce que nous nous y heurtons également, comme vous le savez, sur le plan commercial.

Le président: Est-ce que l'AMC et les autres expéditeurs ont tellement peur? Vous semblez vouloir toujours insister sur le marché libre et, à la page 3, vous dites que le secteur ferroviaire canadien est plus exposé aux forces du marché libre. Vous parlez de commercialisation et du fait que vous êtes favorables à la création de lignes secondaires et vous insistez sur la concurrence, les forces du marché libre, etc.

Si vous avez un expéditeur et un exploitant de chemin de fer et que vous vous mettez d'accord sur ce qu'il va en coûter de transporter vos produits par chemin de fer, je ne comprends pas pourquoi vous ne pouvez pas dire que vous êtes assez sûrs de vous pour savoir que si vous ne pouvez vous mettre d'accord là-dessus, vous vous adresserez au gouvernement. Que celui-ci s'assurera qu'il y a des propositions finales ou un arbitrage sur le coût d'expédition de ces marchandises.

On laisse tomber l'interconnexion, les prix de ligne concurrentiels, les aides à l'expédition et tout le reste.

Vous n'avez donc plus à vous inquiéter du paragraphe 27(2) et de tout autre article qui ennuie à l'heure actuelle les expéditeurs, et nous adoptons un régime de réelle concurrence entre les expéditeurs et les chemins de fer. Nous, nous sommes là pour nous assurer, avec l'OTC, que s'il y a un problème, il sera réglé par le biais d'un arbitrage des propositions finales.

M. Zier-Vogel: Dans ce cas alors, pourquoi structurer l'OTC comme il l'est actuellement? Pourquoi ne pas simplement...

Le président: Parce que l'OTC essaie de trouver l'équilibre entre ce que vous voulez et ce que souhaitent les chemins de fer.

Nous essayons de vous dire que si on veut diminuer la réglementation qui existe sur les chemins de fer, etc., on pourrait dire, écoutez, débarrassons-nous de toutes ces bêtises et à vous de négocier avec les chemins de fer et si vous ne parvenez pas à vous entendre, nous aurons recours à un arbitrage des propositions finales.

M. Collinson: Pour qu'un système de libre marché ou que tout autre système qui y ressemble fonctionne, l'AMC maintient qu'il faut avoir un bon système de tribunaux, un bon système juridique que les responsables puissent mettre en application. C'est nécessaire dans tout contexte qui ressemble de près ou de loin à la libre entreprise. Démanteler totalement cette structure reviendrait à créer une situation dans laquelle ce ne serait plus possible.

.1700

Le président: Peut-être que de votre point de vue, ce serait possible.

Vous pourriez avoir recours aux tribunaux. Ces tribunaux seraient l'OTC. Vous pourriez avoir recours à la police. L'OTC déciderait par un arbitrage des propositions finales si votre entente était équitable ou non - un point c'est tout; pas de définition de «frustratoire» ni de paragraphe 27(2). On en reviendrait au plus petit commun dénominateur sans s'occuper de tout le reste.

M. Zier-Vogel: Alors pourquoi ne pas avoir propsé cela? Pourquoi avoir...

Le président: En tant qu'expéditeur, seriez-vous favorable à une telle proposition?

M. Zier-Vogel: Non. J'ai beaucoup de mal à comprendre ce qui ne va pas actuellement dans les dispositions de la Loi sur les transports nationaux. Pourquoi ériger des barrières?

M. Fontana: En fait nous simplifions la LTN.

Le président: Ma foi, nous essayons de le faire. Comme vous le dites dans votre propre rapport, débarrassons-nous de certains des règlements qui freinent le système, qui créent des problèmes entre les expéditeurs et l'administration. Débarrassons-nous de tout cela. Ménageons un certain climat de concurrence entre les expéditeurs, les chemins de fer, etc.

En tout cas... C'est un argument. Évidemment, on ne veut pas tout supprimer quand il s'agit d'une loi aussi importante.

Il nous reste trois témoins, Joe. Vous avez 30 secondes.

M. Fontana: Nous sommes ici parce que c'est la première fois depuis huit ans que l'on essaie de réviser entièrement cette loi. Aussi, si vous êtes favorables à une suggestion qui reviendrait à éliminer tout ça et ne laisser à l'OTC que l'arbitrage des propositions finales, d'en faire l'arbitre et le médiateur ultimes pour toutes ces questions, et c'était là je crois la question du président, plutôt que de créer une bureaucratie et une réglementation plus lourdes, il faut le dire.

Permettez-moi de vous poser encore une question. Vous comprenez certainement que les chemins de fer sont importants pour notre pays et pour votre association, très importants. La situation est sérieuse. Les gens disent que les chemins de fer sont de grosses entreprises et qu'elles peuvent se payer ceci et cela... La réalité est que ni l'une ni l'autre de ces entreprises peuvent se féliciter de sa situation financière. Nous le savons et vous devez le savoir aussi. Est-ce que les chemins de fer sont tellement importants pour le pays et pour l'association? Que devrait à votre avis faire ce Comité, et partant, le gouvernement, afin d'assurer qu'en définitive, nous aurons au Canada un secteur ferroviaire viable?

M. Zier-Vogel: Les chemins de fer sont certainement importants. Par ailleurs, les difficultés n'ont pas été provoquées par les expéditeurs ni par l'administration, mais par le genre de régime de calcul des coûts dont les chemins de fer ne se sont débarrassés que cette année.

M. Fontana: Cessez de chercher les coupables. Je voudrais simplement que nous parvenions à organiser quelque chose qui nous permette d'avoir des chemins de fer viables au Canada. À moins que vous vouliez que les camionneurs fassent tout. C'est eux que nous allons entendre après, de toute façon.

M. Zier-Vogel: Je dirais qu'il faut maintenir telle quelle la LTN, et ajouter les dispositions nécessaires pour que les chemins de fer se débarrassent des lignes qu'ils veulent abandonner et tout ira bien.

Le président: Pour les expéditeurs.

Je dois vous interrompre parce que nous sommes presque déjà une heure en retard. Messieurs, merci beaucoup de votre participation.

Si toutefois vous étiez favorables à une telle motion, nous pourrions considérablement simplifier cette loi.

Merci, messieurs.

Chers collègues, nous souhaitons maintenant la bienvenue à l'Association canadienne du camionnage et à son président, M. Gilles Bélanger, ainsi qu'à son directeur des affaires gouvernementales, M. Graham Cooper.

Messieurs, bienvenue. Nous nous réjouissons de vous entendre.

M. Gilles Bélanger (président, Association canadienne du camionnage): Monsieur le président, membres du Comité, nous tenons à remercier le Comité de nous avoir donné cette occasion de comparaître pour présenter notre point de vue sur la Loi sur les transports au Canada.

Depuis 1937, l'Association canadienne du camionnage est reconnue comme la voix de l'industrie du camionnage au sujet des questions d'intérêt national et international. Les transporteurs qui en sont directement membres ainsi que les sept associations provinciales et régionales de camionnage qui y sont affiliées font en sorte qu'elle représente plus de 2 000 camionneurs pour le compte d'autrui à l'échelle nationale.

.1705

Je suppose que nos commentaires et préoccupations portent davantage sur ce que ne contient pas le projet de loi que sur ce qu'il contient.

Essentiellement, le projet de loi ne traite plus de camionnage. Cela nous inquiète et c'est essentiellement ce dont nous voulons vous entretenir. Les suggestions que nous aimerions faire au sujet de la LTC auraient une incidence sur la Loi sur les transports routiers (LTR).

La loi proposée sur les transports au Canada ne dit mot du pouvoir de réglementation qu'a le gouvernement fédéral sur l'industrie du camionnage. Toutefois, le sommaire du texte législatif, contenu à la page 1a du projet de loi C-101, mentionne que le texte modernise la législation en matière de transport constituée par la Loi sur les transports nationaux de 1987 et qu'il déréglemente le transport routier.

Dans un document intitulé simplement La Loi sur les transports au Canada, publié en juin 1995 par Transports Canada pour décrire la loi et transmettre un message du ministre des Transports, on retrouve à la page 10, des détails supplémentaires sur la question du pouvoir de réglementation:

Nous nous inquiétons donc des responsabilités qui seront déléguées à partir de ce moment. Allons-nous revenir à la situation de 1954 qui obligeait à passer par les tribunaux pour déterminer qui avait compétence sur quoi?

Cependant, le texte de la Loi sur les transports au Canada ne précise pas clairement le genre de réglementation qu'on confiera au gouvernement fédéral ni ne précise en vertu de quel texte législatif ce pouvoir réglementaire sera appliqué.

Il est inconcevable que le camionnage, qui représente 45 p. 100 du PIB des transports, qui représente plus de 25 milliards de dollars pour l'économie canadienne, ne soit pas considéré dans la politique des transports nationaux du Canada.

Cette politique nationale est énoncée à l'article 5 du projet de loi. Puisque le camionnage ne figure pas au projet de loi et qu'il n'est pas question de la Loi sur les transports routiers, la politique concernant les transports nationaux ne s'applique pas au camionnage.

Nous recommandons par conséquent de modifier les dispositions de la Loi sur les transports au Canada de façon à:

En janvier 1988, la Loi de 1987 sur les transports routiers était promulguée. Il s'agissait d'un amendement à la loi de 1967 qui visait la déréglementation. Il y était précisé comment les choses se passeraient, car du fait qu'il y avait délégation de pouvoirs aux provinces, le gouvernement fédéral devait prévoir les divers aspects du processus de déréglementation.

.1710

C'est chose faite. Les diverses mesures ont été prises et il n'existe aujourd'hui pratiquement plus aucune réglementation économique. Toutefois, dans la LTR, il est toujours fait mention des licences et du régime en vigueur avant la déréglementation.

Cette loi doit être modifiée. Il faut maintenant rédiger une toute nouvelle version de la LTR, en mettant l'accent sur la sécurité.

À notre avis, lorsqu'on rédigera une nouvelle version de la Loi sur les transports routiers, il faudrait préciser clairement que l'entrée et la présence sur le marché du transport routier extra-provincial seront déterminées uniquement en fonction des critères de sécurité définis dans la loi. La réglementation fondée sur les critères économiques devrait être expressément interdite, quelle que soit l'administration en cause. La définition des critères de sécurité inscrite dans la loi devrait comprendre le Code canadien de sécurité pour les transporteurs routiers, et notamment la norme d'examen de conformité avec les critères de sécurité, laquelle détermine la cote de sécurité d'un transporteur routier, en plus des exigences actuelles visant la connaissance du règlement sur le transport des marchandises dangereuses et la conformité avec ce règlement, la conformité avec les lois provinciales sur la sécurité routière et le maintien d'une protection minimale en assurance-responsabilité civile.

En faisant référence à l'obligation de conformité avec le Code canadien de sécurité, la Loi sur les transports routiers devrait préciser que l'émission, la mise à jour et le retrait des certificats de conformité avec les critères de sécurité seront réglementés de façon uniforme par toutes les administrations provinciales. Naturellement, toute référence aux permis d'exploitation devrait être supprimée.

Pourquoi est-ce que je parle maintenant de la Loi sur les transports routiers? C'est parce que les questions visées par la LTR doivent être prévues dans la LTC en déterminant ce qui sera réglementé et par quels moyens.

Au cours des mois qui viennent, l'Association canadienne du camionnage fera la promotion de ces changements et d'autres changements connexes de la LTR, dans ses discussions avec Transports Canada et le Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé. Nous espérons que, le moment venu, le Comité permanent des transports appuiera les principaux objectifs de ces recommandations, notamment l'élimination de toute forme de réglementation économique de l'industrie du transport routier et l'application uniforme des normes de sécurité routière dans toutes les provinces et tous les territoires.

Le président: Merci, monsieur Bélanger, de votre exposé.

Il y manque toutefois quelque chose, des propositions d'amendement précises. Seriez-vous disposés à rédiger certaines propositions d'amendement et à les transmettre au Comité, pour qu'il puisse les examiner?

M. Bélanger: Oui, monsieur.

Le président: Merci, nous vous en sommes reconnaissants.

Monsieur Chatters.

M. Chatters: Je suis surpris. Il est rare d'entendre des groupes témoigner devant notre Comité en disant qu'ils sont exclus de la loi. Vous devriez en être reconnaissants, et peut-être l'êtes-vous. C'est peut-être pour cette raison que l'industrie du camionnage a su soutenir la concurrence du chemin de fer dans notre pays, même s'il lui est impossible d'acheminer d'importants volumes de marchandises en une seule fois. L'industrie du camionnage est très concurrentielle par rapport aux chemins de fer. C'est peut-être aussi parce qu'elle est moins réglementée.

En dehors de ce projet de loi, si j'ai bien compris, vous demandez la conclusion d'un accord fédéral-provincial entre le ministre des Transports et les ministres de la Voirie provinciaux, de façon à uniformiser la réglementation en matière de sécurité, assurance et octroi de permis dans tout le pays. J'ai l'impression que cela sort un peu du cadre du projet de loi C-101.

M. Bélanger: Nous nous rappelons l'époque horrible des années cinquante, où nous n'étions pas visés par la Loi sur les transports de l'époque. Nous n'étions absolument pas régis par le fédéral. Chaque province faisait ce que bon lui semblait à l'égard du camionnage. Il n'existait pas d'industrie nationale. Il y avait dans tout le pays une foule de petites entreprises de camionnage régionales, mais aucune industrie nationale.

.1715

Les choses sont peu à peu rentrées dans l'ordre dans le secteur du camionnage lorsque les décisions judiciaires des années cinquante ont obligé le gouvernement fédéral à adopter une réglementation.

Permettez-moi de revenir sur une de vos remarques en vous disant que nous ne voulons pas de la réglementation. Nous voulons que le gouvernement fédéral et la Loi sur les transports au Canada fassent en sorte que les provinces n'imposent pas une réglementation économique aux entreprises de camionnage à l'avenir parce que ces dernières ne sont pas visées par la nouvelle loi. C'est l'assurance que nous voulons obtenir. Nous ne voulons pas plus de réglementation. Nous voulons simplement nous assurer qu'il est précisé dans la Loi sur les transports au Canada que le camionnage continuera d'être déréglementé.

M. Chatters: Je ne suis pas totalement d'accord avec votre raisonnement, mais au moins je comprends un peu mieux votre position.

M. Fontana: Je suis heureux de vous voir, Gilles.

Je pense comprendre votre position, mais j'ai l'impression que vous souhaitez que votre industrie soit mentionnée dans la LTC pour éviter que, à l'avenir, quelqu'un ne puisse vous jouer des tours.

Comme vous le savez, le gouvernement fédéral a pour l'essentiel déléguer la responsabilité de l'industrie du camionnage aux provinces, à l'exception des dispositions de la Loi sur les transports routiers actuellement en vigueur.

D'après vous, donc, il y a deux façons de procéder. En premier lieu, il faut modifier la Loi sur les transports routiers. Ce sera pour une autre occasion car cela n'est pas l'objet de notre débat d'aujourd'hui.

En ce qui a trait au projet de loi C-101, vous proposez d'y faire état des rapports existant entre le gouvernement fédéral et les provinces relativement à la déréglementation du camionnage.

M. Bélanger: Tout d'abord, le problème, c'est que la Loi sur les transports au Canada énonce notre politique nationale des transports, mais en faisant état de trois modes uniquement.

M. Fontana: C'est exact.

M. Bélanger: Autrement dit, la politique nationale des transports au Canada est une politique visant le transport ferroviaire, aérien et maritime. Il n'y est pas question du camionnage, qui compte pour 45 p. 100 du PIB découlant des transports. C'est deux fois plus que le deuxième secteur en importance.

La politique nationale sert de point de repère à ceux qui veulent interpréter des initiatives et les règlements divers et variés dans ce secteur.

Disons que la politique nationale stipule une tendance à la déréglementation, ce que prévoit le projet de loi C-101. Cela ne s'applique pas au camionnage. Autrement dit, demain matin, lorsque la loi entrera en vigueur, une province - l'Ontario et le Québec - risque de changer d'avis e de réglementer à nouveau le camionnage comme c'était le cas avant 1987. Nous serons à nouveau assujettis à une réglementation économique par défaut. Il nous faudra alors saisir à nouveau la Cour suprême du Canada de notre cause en lui demandant d'intervenir auprès des responsables pour les empêcher d'agir ainsi.

Le président: Une simple précision. Vous parlez de l'Ontario ou du Québec, mais de toute façon, le fédéral n'a aucune compétence constitutionnelle à l'égard du camionnage à l'intérieur de la province.

M. Bélanger: Non.

Le président: Nous ne sommes responsables que du camionnage interprovincial.

M. Bélanger: Je parle uniquement des transporteurs extra-provinciaux, qui transportent 70 p. 100 de toutes les marchandises au Canada. Même si à l'heure actuelle le trafic est interprovincial, les transporteurs qui acheminent ces marchandises sont des entreprises extra-provinciales qui tombent sous la compétence du gouvernement fédéral.

M. Fontana: Gilles, vous avez soulevé une question des plus intéressantes. Le ministre nous a donné l'occasion, avant la deuxième lecture du projet de loi, d'en examiner tous les aspects. Vous soulevez un problème particulier et nous essaierons d'obtenir une réponse car votre question est très importante.

M. Bélanger: Le problème, c'est que le gouvernement du Canada n'a pas délégué ses pouvoirs aux provinces car il ne peut pas le faire aux termes de la Constitution. Comme il a été pris au dépourvu en 1954, le gouvernement a fabriqué du jour au lendemain une loi appelée la Loi sur le transport par véhicule à moteur et a dit aux provinces: Continuez d'octroyer, avec notre bénédiction, des permis aux transporteurs et faites-le pour les transporteurs extra-provinciaux comme pour les transporteurs locaux.

.1720

Nous n'avons plus de permis, cependant. Qu'allons-nous dire aux provinces, maintenant, pour réglementer le camionnage?

M. Fontana: Il faut bien dire en toute justice - reprenez-moi si je me trompe - qu'il n'y a rien non plus dans la LTN de 1987 au sujet du camionnage.

M. Bélanger: Oui, il y a quelque chose. En 1987, la loi indiquait que le gouvernement du Canada était chargé des cinq modes, avait compétence sur les cinq modes: le rail, le transport aérien, le transport maritime, les pipelines et le camionnage; et la loi précisait comment le gouvernement fédéral devait exercer ses pouvoirs dans le domaine aérien, ferroviaire, etc. Pour le camionnage, la loi prévoyait que ceux qui n'étaient pas exemptés étaient soumis aux dispositions de la LTVM. Il y avait donc une mention dans la loi qui nous permettait d'interpréter...

M. Fontana: C'est ce que vous demandez. Très bien.

M. Bélanger: Nous pouvions interpréter la politique nationale de cette façon relativement aux transporteurs.

M. Fontana: C'est un bon argument.

Le président: Merci, Gilles. Nous attendrons de recevoir les modifications que vous proposez. Nous les examinerons et verrons si nous pouvons les inclure dans la LTC.

M. Nault: Avant de nous engager plus avant en ce qui concerne les modifications, pourrions-nous demander aussi au ministère pourquoi l'industrie du camionnage n'est pas mentionnée dans ces documents?

Le président: Certainement.

M. Nault: À moins que ce ne soit tout à fait à la fin, je ne l'ai pas vu.

Le président: Moi non plus.

M. Nault: Il faudrait que ce soit dans le cinquième ou le sixième cahier.

Le président: Nous essaierons de le trouver pour vous et de vous citer la page.

Nous invitons maintenant à la table le représentant de l'Association minière du Canada, en la personne, premièrement, de M. Robert J. Keyes; il n'y a aucun lien avec le président Keyes, même si c'est épelé de la même façon.

Vous ignoriez que Keyes était un nom polonais, n'est-ce pas?

Une voix: Nous sommes tous issus du même ancêtre, monsieur le président.

Le président: M. Robert J. Keyes est vice-président de l'Association minière du Canada pour les affaires économiques.

Bienvenue au Comité, monsieur Keyes. Vous êtes accompagné, je pense, de M. John Murphy, directeur des transports. Nous sommes prêts à vous entendre.

M. Robert J. Keyes (vice-président, Affaires économiques, Association minière du Canada): Merci beaucoup. Nous sommes très heureux de comparaître devant le Comité. Le transport est un sujet crucial pour l'industrie minière.

Comme vous l'avez mentionné, je suis accompagné aujourd'hui de M. John Murphy, directeur des transports chez COMINCO à Vancouver. Il représente également la «Mining Association of British Columbia».

Vous avez reçu un exemplaire de notre mémoire. Je ne vais pas le repasser en détail. Je vais me borner à faire quelques observations en guise d'introduction.

D'abord, l'association est l'association nationale de l'industrie minière du Canada, qui comprend l'exploration minière, l'extraction, la fusion, l'affinage et les produits demi-ouvrés. Nos membres comptent pour la plus grande partie de la production canadienne de métaux et de principaux matériaux industriels.

Le projet de loi C-101 est une mesure cruciale pour nous et tout le Canada, croyons-nous. Et l'économie canadienne est l'une de celles qui comptent le plus sur le transport dans le monde. Notre petite population, notre territoire étendu et notre forte dépendance envers le commerce international rendent notre réseau de transport plus crucial pour notre bien-être économique que ce n'est le cas pour beaucoup d'autres nations.

L'opinion de notre industrie est particulièrement importante pour les raisons suivantes:

Les minéraux et les métaux génèrent plus de la moitié du fret payant qui transite par le système de transport ferroviaire.

.1725

Notre industrie a besoin d'un système de transport concurrentiel pour soutenir l'emploi et l'économie de quelque 150 collectivités du pays dont l'activité dépend entièrement ou de façon importante des minéraux et des métaux.

Les minéraux et les métaux comptent pour 18 p. 100 de la valeur des exportations canadiennes. Pour maintenir ce rendement, nous devons être concurrentiels, et le coût des transports a un impact important sur la compétitivité.

Pour la plupart des produits miniers, les augmentations de coût, pour quelque raison que ce soit, ne peuvent pas être transmises aux clients; en effet, les prix sont établis sur les marchés internationaux et échappent au contrôle des producteurs. La nature cyclique de l'activité du secteur force les producteurs miniers à réduire leurs coûts de façon draconienne de façon à rester concurrentiels. Un des éléments importants de nos coûts est le transport; cet élément crucial de nos coûts doit être soumis aux mêmes conditions et contraintes concurrentielles que celles auxquelles sont assujetties les entreprises minières elles-mêmes.

Enfin, beaucoup d'entreprises sont établies dans des régions éloignées du pays. Elles y sont desservies par un seul chemin de fer. Et souvent, elles n'ont pas accès à d'autres modes de transport. Il est donc crucial que le régime réglementaire assure un équilibre concurrentiel entre les expéditeurs et les transporteurs.

Permettez-moi de vous faire part de nos principales préoccupations en ce qui concerne le projet de loi.

Nous tenons au départ à déclarer notre appui de façon générale à la réforme des chemins de fer. Une plus grande efficacité et une meilleure rationalisation du régime réglementaire aideront les chemins de fer à offrir un bon service et un service concurrentiel. Cependant, même si le projet de loi C-101 ne semble pas mettre fin aux dispositions sur l'accès concurrentiel contenues dans la LTN de 1987, nous estimons que les changements proposés ont pour effet d'annuler l'objet initial de la loi et de limiter grandement la capacité des expéditeurs d'avoir accès aux recours prévus en cas de besoin.

Quels sont les articles qui causent le plus de difficultés?

Le premier est le paragraphe 27(2) sur l'établissement d'un préjudice important. Cette disposition ajoute un fardeau qui n'existe pas actuellement. Nous ne savons pas ce qu'il signifie ni comment il s'appliquera. À notre avis, il ne serait pas facile d'établir l'existence d'un préjudice important.

Le paragraphe 34(1) fait peser la menace qu'un expéditeur puisse être tenu de payer une indemnité pour une plainte jugée frustratoire. Est-il vraiment nécessaire? Y a-t-il tant d'abus à l'intérieur du système? Cette mesure pourrait dissuader les expéditeurs d'utiliser les recours légitimes.

Troisièmement, le paragraphe 40(3) de la LTN, sur les injonctions interlocutoires, n'est pas repris dans le projet de loi C-101. Le retard apporté à accorder réparation pourrait nuire, peut-être de façon permanente, à la compétitivité des expéditeurs.

Quatrièmement, l'article 113 stipule que les prix et les conditions de service doivent être commercialement équitables et raisonnables. Comment pourra-t-on en juger? Qu'est-ce qui est commercialement équitable et raisonnable dans le contexte du projet de loi? Le concept n'est pas défini.

Nous demandons si ces nouveaux obstacles sont vraiment nécessaires compte tenu de l'expérience avec la LTN de 1987. Les chemins de fer et leurs clients sont parvenus à conclure de nombreux contrats sans avoir à s'en remettre aux recours réglementaires. Les dispositions sur l'accès concurrentiel qui ont été introduites en 1987 ont grandement contribué à ces succès.

Notre mémoire aborde d'autres questions: l'accès et les droits de circulation pour les lignes secondaires, les exigences d'intérêt public, l'interconnexion et les prix de ligne concurrentiel et les contrats confidentiels. Compte tenu des contraintes de temps, je n'en discuterai pas maintenant en détail. Nous serons cependant disposés à répondre aux questions sur ce sujet.

En guise de conclusion, votre Comité doit se demander si la loi proposée crée un cadre réglementaire qui assure un juste équilibre concurrentiel entre les expéditeurs et les transporteurs. En tant qu'expéditeurs, nous avons besoin du service ferroviaire. En tant que transporteurs, les chemins de fer ont besoin du trafic créé par notre secteur et souhaitent l'obtenir. Ces considérations devraient former la base d'un partenariat.

Il incombe au gouvernement de créer un milieu propice à l'établissement de ce partenariat de façon juste, équilibrée et efficace. À notre avis, certains éléments du projet de loi vont à l'encontre de cet objectif. Nous sommes prêts à en discuter avec vous.

Merci.

Le président: Merci de votre exposé, monsieur Keyes.

Monsieur Chatters.

M. Chatters: Vous semblez partager les préoccupations des témoins précédents, pour autant que les termes utilisés sont mal définis. Vous êtes d'accord de façon générale avec l'orientation et l'objet du projet de loi, mais vous déplorez l'absence de définitions et vous craignez qu'il faille des années avant que les termes puissent être précisés par les tribunaux. C'est juste?

.1730

M. R. Keyes: Oui. En attendant que ces questions soient précisées, il y aura de l'incertitude. Les conditions de la concurrence changeront rapidement tandis que le résultat des discussions demeurera aléatoire. Il y a place à toutes sortes d'interprétations. Il faudra du temps avant que les expéditeurs sachent exactement à quoi s'en tenir.

Je vais demander à mon collègue de compléter ma réponse.

M. John Murphy (Association minière du Canada): Les dispositions de la Loi de 1987 étaient assez précises et nous y étions habitués. Nous savions quels étaient nos recours en vertu de la loi. Nous ne pouvons que nous inquiéter des modifications apportées aux termes sans raison apparente.

M. Chatters: Personne jusqu'à présent n'a mentionné les dispositions sur l'arbitrage exigeant que la partie qui s'estime lésée présente une demande à l'autre partie; en d'autres termes, elle doit donner à l'autre partie l'avantage d'examiner son offre finale avant que cette dernière ne fasse son offre à elle. Cette disposition vous inquiète-t-elle? Je suis surpris qu'il n'en ait pas été question.

M. Murphy: Nous avons essayé de garder notre mémoire le plus court possible. Nous savons que les expéditeurs du pays ont de nombreuses autres préoccupations.

Il semble effectivement y avoir un problème avec les dispositions sur l'arbitrage telles qu'elles sont rédigées actuellement. Dans le cadre de cette procédure, les deux parties présenteraient leurs offres à l'aveuglette. De cette façon, les chemins de fer auraient une deuxième chance.

La façon de procéder n'est pas nouvelle. Elle n'en diminue pas la valeur de l'arbitrage pour autant. Il en sera sûrement question avec les autres expéditeurs.

M. Nault: Bienvenue au Comité, messieurs.

J'écoute les témoignages depuis cet après-midi. Il est évident que les divers expéditeurs ont les mêmes préoccupations. Le point qui m'intéresse en particulier relativement à la loi est que depuis 1987 il y a eu relativement peu de cas où les gens ont demandé à l'Agence d'agir en tant qu'arbitre final ou de voir si les chemins de fer avaient des pratiques inappropriées. Je crois comprendre qu'il y en a eu moins d'une demi-douzaine.

Il faut donc en conclure que cette disposition du projet de loi ne fait pas que prévoir une procédure; il faut en conclure que vous vous débrouillez assez bien dans vos négociations avec les chemins de fer. La possibilité que la procédure puisse être invoquée pour d'autres motifs que des pratiques inappropriées de la part des chemins de fer, sert peut-être de moyen de pression aux expéditeurs. Autrement, il y aurait des centaines de cas qui passeraient par l'Office.

Pouvez-vous me dire si mon intuition...? Mon intuition en tant qu'homme n'est peut-être pas aussi bonne que celle d'une femme, mais j'ai nettement l'impression que la raison pour laquelle vous voulez que les choses restent telles quelles est que vous voulez que les chemins de fer jouent le jeu selon les règles des expéditeurs et non pas en essayant de voir ce qui pourrait contribuer le plus à leur réussite en tant que société. Qu'en pensez-vous?

M. Murphy: Il n'y a pas eu tellement de bombes nucléaires de lancées non plus...

M. Fontana: Il a suffi d'une.

M. Murphy: ...mais leur effet n'en a pas été diminué pour autant.

Si je me fie à mon expérience personnelle... nous nous sommes occupés du cas d'une mine assez importante qui pouvait être considérée comme très captive. Nous avons essayé de voir ce que nous devions faire pour être entendus de façon raisonnable en vertu des règles de l'ancienne CCT. Qu'il suffise de dire qu'au bout du compte, nous avons décidé que nous n'étions pas en mesure de participer à ce processus.

.1735

Les dispositions relatives à l'accès n'ont pas été utilisées. C'est grâce à la fois à la loi, aux chemins de fer et aux expéditeurs s'il n'a pas été nécessaire d'y avoir recours. Mais étant donné les états financiers de tout expéditeur, grand ou petit, en comparaison des ressources des chemins de fer, il faut qu'une sorte de tribunal indépendant puisse veiller à ce que les deux parties qui se présentent à la table soient raisonnables.

M. Nault: Une partie de votre mémoire porte sur l'article 138, selon lequel un chemin de fer fédéral doit satisfaire aux exigences relatives à l'intérêt public en faisant une demande de droits de circulation sur un autre chemin de fer. Vous dites ensuite que cela ne concorde pas avec l'élimination de ces critères d'intérêt public, ailleurs dans le projet de loi.

Aurait-on raison de prétendre qu'il y a une disposition relative à l'intérêt public lorsque les expéditeurs peuvent s'adresser à l'Office pour forcer les chemins de fer à continuer à offrir un service?

Il y a quelques mines dans ma circonscription, comme le confirmera Bob. Pouvez-vous imaginer ce qui arriverait à une mine importante si un chemin de fer qui la dessert décidait tout à coup de ne plus transporter ses marchandises?

Pouvez-vous imaginer les protestations du public dans cette région, si l'on prouvait que cette mine était encore très prospère, que des volumes considérables de marchandises étaient expédiés par train et qu'il n'y avait pas d'autre moyen de transport disponible pour cette mine? Le député de cette région et, bien entendu, la population, seraient très contrariés par l'attitude du chemin de fer et n'hésiteraient pas à le faire savoir.

C'est en fait à cause de cet argument relatif à l'intérêt public que l'on ne s'est pas adressé souvent à l'Office. Les gens n'hésiteront pas à se faire entendre. Le mécanisme que vous avez envisagé n'est pas nécessaire.

J'essaie simplement de comprendre pourquoi, d'une part, on estime que les dispositions relatives à l'intérêt public doivent être maintenues alors que, d'autre part, on demande leur élimination du projet de loi. En vous adressant à l'Office pour régler vos litiges avec les chemins de fer, vous veillez à l'intérêt public, d'une façon ou d'une autre, du moins de votre point de vue. Autrement, comme vous êtes des compagnies privées, vous négociez comme avec tout autre organisme, clients potentiels ou transporteurs.

J'essaie de savoir si vous voulez ou non que l'on garde dans le projet de loi les dispositions relatives à l'intérêt public.

M. Murphy: Nous parlons surtout des incohérences qui se rapportent à ces dispositions.

Le président: C'est justement cette incohérence qui a frappé certains de nos membres et qui les a portés à demander pourquoi il n'y a pas de parallélisme.

M. Nault: Mais à ce sujet, je veux savoir si votre association est en faveur des dispositions relatives à l'intérêt public qui se rapportent aux chemins de fer qui doivent les respecter dans certains règlements, actuellement. Voulez-vous qu'on conserve ces dispositions ou qu'on les supprime?

M. Murphy: Je ne pense pas m'être penché sur de nombreuses dispositions dont on discute ici, dans le contexte large de l'intérêt public qui nous intéresse actuellement. Je ne vois pas les choses de la même façon. Je pense que pour l'aspect commercial, il s'agit de dispositions qui vont contribuer à ce que les transporteurs soient raisonnables pendant les négociations. Je ne pense pas qu'on puisse aller au-dessous de l'intérêt public dont nous avons parlé, en vertu de la Loi sur les chemins de fer. Je ne pense pas qu'il s'agisse de la même chose.

.1740

M. Nault: Vous ne pensez donc pas que les chemins de fer devraient avoir le droit de retirer leurs services à leur guise, quand ce n'est pas dans leur propre intérêt?

La situation est la même que pour toute société minière, qu'il s'agisse de Placer Dome, de Noranda, ou d'une autre. Quand elles estiment qu'il n'est pas souhaitable de construire une mine quelque part dans le nord de l'Ontario, elles ramassent leurs affaires et vont ailleurs. Le gouvernement ne leur dit pas qu'elles n'ont pas le droit d'agir ainsi. Honnêtement, on ne vous empêche pas d'aller où vous voulez.

Pourtant, d'après vous, nous devrions dire aux chemins de fer de conserver certains tronçons de lignes, qu'ils soient rentables ou non. C'est en gros ce que vous proposez à l'Office, pour ce qui est des expéditeurs captifs, n'est-ce pas?

Ai-je raison?

M. Murphy: Je pense que certaines dispositions du projet de loi permettent aux chemins de fer d'abandonner ou de vendre des lignes qui ne sont pas rentables. Nous n'avons pas d'objection au sujet des dispositions du projet de loi décrivant la procédure que doivent suivre les chemins de fer lorsqu'ils ne font pas d'argent avec un tronçon.

M. Hubbard: Il semble qu'environ la moitié des revenus de fret totaux, au Canada, provienne du secteur minier. Il y a quatre ou cinq grandes marchandises et certaines mines sont actuellement captives de l'un ou l'autre chemin de fer. C'est un fait accepté.

Au sujet des collectivités éloignées dont parlait M. Nault, 150 collectivités canadiennes ont investi principalement dans le secteur minier ou en dépendent pour leurs principales activités économiques. Combien d'entre elles sont captives des chemins de fer? Autrement dit, combien de villes minières pourraient disparaître si les chemins de fer les reliant à la ligne principale n'étaient pas rentables?

M. R. Keyes: Attendez que je fasse un calcul sur ce petit bout d'enveloppe.

M. Murphy: En attendant, permettez-moi de dire quelque chose.

Les expéditeurs de charbon font partie de l'Association minière. Ils sont dans une catégorie tout à fait différente du reste des sociétés minières, qui utilisent de temps en temps le transport aérien pour transporter toutes sortes de choses, du concentré au lingot d'or.

Je pense qu'on parle réellement de captivité lorsqu'il s'agit de transporter des millions de tonnes à partir d'un certain point.

Il y a ensuite la deuxième catégorie, où l'on trouverait sans doute les électeurs de M. Nault, où cette partie des coûts de cette exploitation ne peut être réduite autant qu'on le voudrait, ce qui fera un jour de n'importe quel projet, un projet non rentable.

M. Hubbard: D'après votre réponse, je comprends que toutes les collectivités minières du pays, dont certaines se rencontreront à Ottawa cette semaine... Vous ne pouvez nommer une collectivité qui vous a dit: «Représentez-nous auprès du Comité». Nous serions très préoccupés si cela se produisait.

Ma propre ville risque fort de disparaître par suite de certaines dispositions du projet de loi C-101.

.1745

M. R. Keyes: Je ne pense pas qu'on ait présenté les choses sous un jour aussi négatif, mais au bout du compte, c'est une question de compétitivité dans le transport. Les tarifs de transport peuvent avoir une incidence importante sur les collectivités qui expédient d'importants volumes de concentré ou de produit, et avoir par conséquent de graves conséquences pour la rentabilité d'une exploitation.

Je ne peux pas vous dire que telle ou telle collectivité va disparaître. Là n'est pas la question. Les coûts de transport sont l'un des coûts qui doivent être assumés. Ils s'ajoutent tous les uns aux autres et font partie d'une même équation. Mais pour certaines marchandises, le coût du transport est une partie importante du coût à la livraison dans un port, par exemple, pour un exportateur. Les sociétés ont beaucoup fait pour réduire les autres coûts et améliorer leur productivité et elles doivent faire de même du point de vue des coûts de transport. Il faut les contrôler de près.

M. Fontana: J'ai deux ou trois choses à dire. Tout d'abord, on a affirmé qu'en 1987, lors d'un examen semblable, les expéditeurs ont beaucoup profité de la déréglementation qui a fait baisser le coût du transport. Vous avez de toute évidence fait des études à ce sujet. Depuis 1987, le coût du transport a-t-il baissé pour vos marchandises?

M. Murphy: Oui.

M. Fontana: De combien?

M. Murphy: Il faudrait que je fasse une analyse plus précise, mais je dirais qu'il s'agit d'une baisse de 10 à 15 p. 100 en moyenne, avec dans certains cas des réductions de près de 50 p. 100.

M. Fontana: Évidemment, tout le monde veut continuer à réduire les coûts afin de devenir plus concurrentiels; en effet, l'industrie minière canadienne est en concurrence avec celle des États-Unis, de l'Amérique du Sud ou de tout autre endroit où peuvent aller les sociétés minières pour en avoir vraiment pour leur argent. Il est bien entendu dans notre intérêt de veiller à ce que les transporteurs nous offrent le service le plus efficace à un faible coût, afin de relever le défi de la concurrence et de vendre nos biens aux autres clients du monde, autrement, on n'est pas concurrentiel.

M. R. Keyes: C'est vrai.

M. Fontana: Par conséquent, tous peuvent y gagner en efficience si le coût total du produit est réduit, surtout compte tenu du fait que l'industrie minière est un exportateur important.

Par conséquent, et cela se rapporte également à la question de la compétitivité... Vous savez évidemment ce qu'on fait aux États-Unis. Avez-vous parlé à des gens de ce secteur, aux États-Unis, pour savoir quels sont leurs coûts de transport et quel genre de règlement ou de déréglementation s'applique là-bas aux chemins de fer? Si vous prenez le modèle américain et que vous comparez les chemins de fer canadiens et américains, vous constatez que chaque règlement et chaque contrainte imposés aux chemins de fer font augmenter les coûts par rapport à ceux des transporteurs et expéditeurs américains, qui n'ont aucun droit particulier chez eux.

Je veux bien comprendre. Si vous devez vaincre la concurrence sur le marché, dites-moi comment vous y arriverez si vos efforts doivent être consacrés à la réduction des coûts de transport par rapport à ceux des transporteurs américains?

M. Murphy: Tous les produits miniers sont vendus aux prix mondiaux. Nous ne pouvons contrôler ces prix. Si nous nous livrons concurrence, c'est pour voir qui devra le dernier fermer ses portes, lorsque ses coûts seront incontrôlables.

M. R. Keyes: Surtout si l'on tient compte du cycle du prix des métaux depuis 1987... Les coûts de transport ont baissé, mais les prix des métaux sont...

M. Fontana: Je suis de Timmins. Je suis au courant.

M. Murphy: La concurrence est au niveau mondial. Si vous voulez parler plus particulièrement des États-Unis, vous constaterez que... Prenons mon exemple, celui de COMINCO. Une bonne part de la matière première parcourt 2 500 milles avant la transformation. Le produit final doit à son tour parcourir 2 500 milles pour parvenir au marché.

.1750

Dans le cas de la plupart des opérations minières américaines, les marchés sont assez régionaux. Cinq cent milles est un long trajet pour eux.

D'après moi, vous verrez que pour une vaste gamme de produits miniers aux États-Unis, la grande majorité est transportée par camion, en raison des distances et du rayon du marché qu'ils essaient de desservir.

Certes, il est très difficile de faire des parallèles avec la situation canadienne. Les producteurs de l'Europe, du Japon et de l'Extrême-Orient sont typiquement plus près de l'eau.

En moyenne, nos coûts de distribution sont de 4 à 5c. la livre. Nous faisons concurrence à d'autres producteurs à l'étranger qui vendent leurs produits en Amérique du Nord et au Canada, et qui peuvent transporter ces produits pour environ 2c. la livre.

M. Fontana: Donc, il est évidemment dans votre intérêt de bâtir un système qui est très concurrentiel et très efficace.

M. Murphy: Je crois qu'il est dans notre intérêt de nous assurer que le système est le plus efficace possible.

M. Fontana: Donc, l'abandon et toutes ces mesures qui étaient en place auparavant et que nous modifions maintenant n'auront pas, de toute évidence, un impact positif. C'est la même chose pour les lignes secondaires, qui pourraient avoir un impact positif pour certains intervenants du secteur minier dans le cas où ils voudraient être servis par un mode en particulier.

Je veux soulever un point concernant le paragraphe 27(2), car on y a fait référence à plusieurs reprises aujourd'hui.

Dans votre définition d'un expéditeur captif, est-ce que l'expéditeur est tributaire d'un chemin de fer ou d'un mode de transport? Je vous pose la question, car pour pouvoir cerner le concept de préjudice important, nous devrons déterminer si oui ou non l'expéditeur est vraiment captif. À mon avis, être vraiment captif peut vouloir dire être tributaire d'un mode de transport, et non pas nécessairement d'un seul chemin de fer.

Comment définiriez-vous ce concept - ou comment devrions-nous essayer de le définir, si jamais nous devions essayer de le faire?

M. Murphy: Un chemin de fer est certainement la définition facile. Un mode de transport pratique est certainement une définition populaire. Je ne me rappelle pas exactement du libellé, mais la ICC a fourni une définition de la notion qui l'avait saisie assez bien.

M. Fontana: C'est utile.

Deuxièmement, vous avez parlé du paragraphe 28(2), de l'injonction interlocutoire. Vous devez savoir que le projet de loi C-101 n'a éliminé qu'une partie de la disposition sur l'injonction - c'est-à-dire celle qui traitait de la notion ex parte. Le reste demeure intact, comme il l'est dans la loi de 1987. Je ne sais pas si cela vous rend un peu plus heureux.

M. R. Keyes: J'examinerai cet aspect.

M. Fontana: Vous devriez être au courant.

Le président: Messieurs, merci beaucoup pour votre exposé devant le Comité. Nous avons votre mémoire.

.1755

Chers collègues, notre dernier témoin ce soir est un représentant de Stentor politiques publiques Télécom Inc., M. Greg van Koughnett, qui est le vice-président, Affaires juridiques et civiles.

Monsieur van Koughnett, bienvenue au Comité. Veuillez nous présenter les collègues qui vous accompagnent cet après-midi et ensuite commencer votre exposé.

M. Greg van Koughnett (vice-président, Affaires juridiques et civiles, Stentor politiques publiques Télécom Inc.): Bonjour monsieur le président et membres du Comité. Merci beaucoup de nous avoir donné l'occasion de faire des commentaires devant vous aujourd'hui. Mes observations ne seront pas très longues, mais je crois qu'elles portent sur des questions de politique publique importantes.

Avant d'aller plus loin, j'aimerais vous présenter mes associés,

[Français]

Me Suzanne Morin, conseillère juridique à notre compagnie, Stentor politiques publiques Télécom Inc.,

[Traduction]

et M. Keith Ledingham, gérant régional du Réseau Accès, et de notre plus grand actionnaire, Bell Canada.

Nous représentons Stentor, une alliance des grandes compagnies de téléphone du Canada. Les membres de Stentor comprennent non seulement Bell Canada, mais aussi AGT, BC Tel, Island Tel, Manitoba Telephone System, Maritime Tel & Tel, Newfoundland Tel, New Brunswick Telephone, NorthwesTel, Québec-Tél, and SaskTel.

[Français]

Les compagnies Stentor sont les principaux fournisseurs du service téléphonique public au Canada, détenant environ 90 p. 100 des lignes téléphoniques du pays.

[Traduction]

Ensemble, les compagnies représentées au sein de Stentor fournissent des services locaux et d'interurbain dans chaque province et chaque territoire du Canada et emploient plus de 85 000 personnes.

Si je parle au nom des compagnies de téléphone du Canada, les questions que je soulève aujourd'hui importent également à d'autres entreprises de services publics, notamment celles du gaz, de l'électricité, du pipeline et du câble.

Étant des fournisseurs de services téléphoniques, les compagnies regroupées dans Stentor sont depuis des décennies assujetties à diverses obligations statutaires. Pour pouvoir s'acquitter de ces obligations, les compagnies regroupées dans Stentor sont habilitées à aménager leurs lignes à travers des voies publiques et d'autres lieux publics. C'est d'ailleurs depuis 1903 que la Loi sur les chemins de fer reconnaît ce droit de traverser les voies ferrées. Ces droits sont essentiels à la prestation d'un service de communications téléphoniques universelles et de haute qualité aux Canadiens, un service qui est un des meilleurs au monde.

Dans une ordonnance générale émise il y a plus d'une génération, l'Office des transports de l'époque a établi les circonstances permettant d'installer des lignes traversant une ligne de chemin de fer. Il en résulte qu'un plan du croisement proposé doit être soumis à la compagnie de chemin de fer et doit être rejeté avant que la question puisse être renvoyée à l'Office des transports en vue d'une décision. Ce processus assez lourd demande un minimum de six mois.

Les compagnies regroupées au sein de Stentor ont trois préoccupations à soulever par rapport au projet de loi C-101. Je vais faire un bref résumé de chaque question et suggérer des amendements que nous jugeons nécessaires pour atténuer ces préoccupations rapidement, facilement, et sans frais pour les contribuables canadiens.

Notre première préoccupation porte sur la réticence des compagnies de chemin de fer à accepter les décisions répétées de l'Office des transports concernant les frais imposés aux services publics lorsque leurs équipements franchissent les voies ou les emprises des chemins de fer. La politique de l'Office national des transports et de ses prédécesseurs a toujours été de permettre aux services publics de franchir les voies ferroviaires sans dédommagement lorsqu'il n'y a pas eu de dommages au terrain appartenant à la compagnie de chemin de fer. Les compagnies de téléphone ont bien tenté d'obtenir l'accord des compagnies de chemin de fer pour installer des équipements de télécommunications dans les emprises ferroviaires sans devoir payer des frais, mais cela a toujours été en vain. L'Office a pris le parti d'examiner chaque cas individuellement, mais il tranche toujours de la même manière.

Il y a actuellement des milliers de croisements de lignes téléphoniques dans les emprises de voie ferrée, sans compter les installations des autres services publics. S'il fallait recourir à une procédure décisionnelle chaque fois qu'une ligne franchit les emprises, les dépenses seraient exagérées. Cela coûte de l'argent à l'Office de rendre ces décisions à la pièce, ce qui est un moyen peu judicieux d'utiliser des fonds publics. Cela entraîne des frais pour les entreprises que de s'adresser à l'ONT. En plus de faire augmenter le coût des services, ce sont les services à la population qui accusent des retards.

.1800

À notre avis, le statu quo maintiendrait une politique publique inacceptable et dépassée.

Le premier problème est un problème de temps. Les compagnies de téléphone doivent fournir rapidement le service à leurs abonnés. Compte tenu des délais, elles ne peuvent pas demander l'autorisation de l'ONT.

Dans bien des cas, la compagnie de téléphone s'en remet aux conditions de la compagnie ferroviaire pour pouvoir respecter ses engagements de service auprès de ses clients. Conscients de cette situation, les compagnies ferroviaires continuent à profiter de la situation. L'article 102 du projet de loi C-101 reviendrait à entériner des dispositions analogues à celles de l'ordonnance générale, c'est-à-dire à perpétuer cette situation déplorable.

Stentor demande que le projet de loi C-101 soit modifié de manière à codifier les décisions prises de longue date par l'Office et ses prédécesseurs en matière de dédommagement. Cet amendement réduirait la charge de travail du nouvel Office des transports du Canada et en ferait un organisme de réglementation plus souple et moins éparpillé, comme le veut d'ailleurs le gouvernement.

Le deuxième problème concerne la protection des intérêts des compagnies de téléphone en cas de vente ou d'abandon de lignes de chemin de fer.

Les compagnies de chemin de fer ont toujours refusé d'accorder des servitudes susceptibles d'enregistrement qui seraient rattachées à la propriété en cas de vente de celle-ci. Le problème se pose lorsqu'une compagnie ferroviaire vend ou subdivise sa propriété. Il peut arriver que l'acheteur ou d'autres parties, comme des entreprises d'excavation ou de forage pétrolier, ignorent où se trouvent les installations des compagnies de téléphone ou autres services publics.

Le but de l'enregistrement et du régime cadastral est de fournir un service d'archives permettant aux acheteurs d'être au courant de tous les intérêts et de toutes les utilisations dont le terrain fait l'objet. En refusant d'accorder des servitudes susceptibles d'enregistrement, les compagnies ferroviaires vont à l'encontre de tout le principe du système d'archivage et créent un grave problème de politique publique.

Stentor estime donc qu'il est essentiel pour les compagnies de téléphone et d'autres services publics au Canada que le projet de loi C-101 soit amendé de manière à leur garantir l'usage continu de leurs croisements ferroviaires si une compagnie de chemin de fer décide d'abandonner des lignes, de modifier l'affectation de sa propriété ou d'en céder la possession à un tiers.

Le troisième problème sur lequel je souhaiterais attirer votre attention aujourd'hui concerne les clauses de responsabilité et d'indemnisation que contiennent les contrats de passage des voies ferrées.

L'ONT a décrété qu'un service public ne doit pas être rendu responsable de la négligence d'une compagnie ferroviaire. Néanmoins, ces compagnies ferroviaires continuent d'exiger des compagnies de téléphone et d'autres services publics de telles garanties et indemnisations.

Cette pratique là encore entraîne le dépôt de nombreuses demandes auprès de l'Office. Ainsi, le refus des compagnies ferroviaires de respecter les décisions antérieures de l'ONT se traduit une fois de plus par le gaspillage d'argent public. Nous recommandons que le projet de loi C-101 soit modifié de manière à codifier une fois de plus les décisions de l'ONT en matière d'indemnisations.

Si l'on apportait une solution aux trois problèmes que j'ai esquissés, cette solution aurait des retombées financières et opérationnelles considérables non seulement sur les compagnies de téléphone, mais sur l'ensemble des services publics au Canada. Elle aurait aussi des conséquences positives dans la mesure où elle permettrait à ces mêmes services publics de respecter leurs obligations de service auprès des Canadiens.

Ce qui est peut-être le plus important aux yeux de votre Comité, c'est le fait que ces modifications permettraient une économie de fonds publics dans la mesure où elles éviteraient aux services publics de devoir faire des démarches superflues auprès de l'organisme qui succédera à l'ONT.

Ces problèmes ne sont pas compliqués, pas plus que les solutions que nous proposons. On peut régler rapidement et facilement ces problèmes au moyen de simples modifications. Ces modifications permettraient d'uniformiser les activités des services publics canadiens et d'économiser des fonds publics sans le moindre effet néfaste sur les autres aspects de la politique des transports au Canada.

.1805

En conclusion, je voudrais simplement vous répéter les trois modifications essentielles que nous souhaiterions voir apporter au projet de loi C-101: premièrement, un amendement stipulant que les compagnies de chemin de fer ne peuvent pas exiger de dédommagement lorsque le croisement n'entraîne rien de plus qu'une servitude et ne cause aucun préjudice à la propriété de la compagnie de chemin de fer; deuxièmement, un amendement stipulant que les droits de passage accordés aux entreprises de services publics restent attachés à la propriété; et troisièmement, un amendement codifiant la politique de l'ONT qui stipule qu'un service public n'est pas responsable de la négligence d'une compagnie ferroviaire.

J'ajoute enfin que les compagnies regroupées dans Stentor seraient heureuses d'apporter leur aide à la rédaction des textes législatifs nécessaires pour réaliser les amendements que nous demandons aujourd'hui.

[Français]

Merci, monsieur le président, pour votre attention.

[Traduction]

Monsieur le président, mes collègues et moi-même serons maintenant heureux de répondre aux questions du Comité.

Le président: Merci, monsieur van Koughnett. Vous pourriez peut-être nous fournir le texte exact des amendements que vous proposez et des suggestions sur lesquelles nous pourrions nous pencher.

M. van Koughnett: Avec plaisir, monsieur le président. Merci.

Le président: Je voudrais une petite précision: Quand vous posez une ligne et que vous devez traverser une voie ferrée, vous payez un droit unique, ou un droit mensuel ou un droit annuel? Est-ce que vous devez le payer au CN et au CP?

M. van Koughnett: Au CN et au CP, effectivement. Les deux compagnies estiment qu'elles doivent examiner séparément chaque croisement. Elles exigent un droit annuel et des frais administratifs. Il y a donc un droit unique plus des frais annuels.

Le président: Les deux compagnies de chemin de fer vous demandent le même montant?

M. van Koughnett: Non, en fait le CP demande plus cher.

Le président: Le CP demande plus que le CN?

M. van Koughnett: Oui.

Le président: Donnez-nous un exemple de montants des droits pour la pose d'un câble qui passerait sous une voie ferrée.

M. van Koughnett: Tout dernièrement, sur le territoire de Bell Canada, le CN demandait 500$ et le CP 700$.

Le président: Ce sont les frais administratifs?

M. van Koughnett: Non, c'est le droit annuel.

Le président: C'est le droit annuel pour la ligne qui passe sous la voie ferrée?

M. van Koughnett: Par endroit géographique.

Le président: Il peut donc y avoir 20 lignes qui passent au même endroit géographique?

M. van Koughnett: Oui.

Le président: Ou une multitude de lignes? J'ai l'impression que le gouvernement se fait avoir là.

Mais en ces temps de négociations, seriez-vous prêts à dire à ces vilaines compagnies de chemin de fer qui exigent de telles sommes: «Écoutez, si nous devons vous payer des frais d'utilisation pour faire passer cette ligne sous la voie ferrée parce que vous allez envoyer quelqu'un s'assurer sur place que les conditions de sécurité ont bien été respectées», etc. etc...

M. van Koughnett: Bien sûr. Nous avons toujours dit que nous étions prêts à assumer les frais réels. En fait, c'est exactement ce que prévoient les décisions de l'ONT et de la société avant lui. Le problème, c'est que les compagnies de chemin de fer savent très bien qu'elles nous ont à leur merci parce que nous devons fournir le service à nos clients le plus rapidement possible, alors qu'elles n'y sont pas tenues, d'après les décisions antérieures, car l'Office a un rôle de décision qui suppose donc qu'il examine chaque demande individuellement.

Le président: Et si c'est le CN ou le CP, jusqu'où s'étendent ces zones géographiques? C'est un certain nombre de milles des deux côtés de la voie?

M. van Koughnett: Je parle de chaque croisement.

Le président: Oh, vous voulez dire que chaque croisement est une zone géographique?

M. van Koughnett: Oui.

Le président: Monsieur Chatters.

M. Chatters: Ayant moi-même une certaine expérience de ce domaine, je suis entièrement d'accord avec ce que vous dites. Les compagnies de chemin de fer ne coopèrent guère dans ce domaine.

Où voudriez-vous insérer cet amendement dans le projet de loi?

M. van Koughnett: L'article 102 accomplit déjà une partie du chemin puisqu'il codifie l'ordonnance générale E-11 de la Commission canadienne des transports, c'est-à-dire l'ordonnance générale en question; il suffirait donc d'aller un peu plus loin pour accomplir ce que l'ONT ne s'est pas jugé capable de faire, puisqu'il se considère comme un tribunal spécialisé chargé de se prononcer au cas par cas sur les affaires. Autrement dit, l'article 102 ou l'article 103 pourrait suivre la codification de l'ordonnance générale numéro E-11 en stipulant que la politique qui a été réaffirmée à chaque fois par l'ONT est désormais inscrite dans la loi et s'applique dans tous les cas.

.1810

M. Chatters: Vous voulez dire que les décisions ont établi un précédent mais qu'il n'a jamais été énoncé sous forme de loi.

M. van Koughnett: C'est cela.

À notre avis, quand un office rend à chaque fois la même décision, il faut bien décider à un moment donné de faire des économies et surtout d'économiser l'argent des contribuables, ce que l'on pourrait faire en inscrivant cela dans la loi de manière à empêcher les compagnies de chemins de fer de continuer à nous rançonner.

M. Chatters: Merci.

M. Fontana: Je voudrais tout de même être sûr. Les compagnies dem téléphone versent actuellement certains montants aux autres services publics et aux municipalités. Quand vous vous utilisez les poteaux d'Hydro-Ontario ou les poteaux d'une compagnie de télévision par câble, vous leur versez quelque chose?

M. van Koughnett: Les câblodistributeurs n'ont pas de poteaux. Ils se servent des nôtres.

M. Fontana: Mais vous leur faites payer quelque chose?

M. van Koughnett: Oui, conformément aux tarifs établis par le CRTC. Pour ce qui est des services d'électricité, dans l'ensemble nous nous partageons les poteaux. Il y a des dispositions différentes pour chaque...

M. Fontana: J'essaie simplement de comprendre comment les choses fonctionnent. Si Stentor veut faire payer tant à un autre transporteur à chaque fois que quelqu'un veut se servir de ses installations - et il s'agit maintenant de sociétés privées, ou en tout cas ce sera le cas du CN - et il s'agit maintenant de sociétés privées, ou en tout cas ce sera le cas du CN, et qu'il s'agit de leurs terrains, il ne s'agit donc plus de terres publiques mais de terrains privés - dans ce cas, en vertu de quel principe dites-vous que vous ne devriez pas payer alors que tous les autres devraient payer pour utiliser vos installations? J'essaie de comprendre la logique de cette argumentation.

M. van Koughnett: En fait, si vous remontez à avant le 1er avril 1976, c'est la Commission canadienne des transports qui était compétente dans les deux domaines - aussi bien les frais que nous pouvions exiger des compagnies de câblodistribution embryonnaires à l'époque que les frais que les compagnies ferroviaires pouvaient demander aux compagnies de téléphone.

La distinction que la société a établie est probablement justifiée. Les compagnies de câblodistribution, et vraisemblablement les nouveaux concurrents à l'avenir qui se servent de poteaux ou plutôt de conduites souterraines dans les rues, comme c'est plus souvent le cas, utilisent nos installations et doivent donc payer un certain montant. Évidemment, nous jugeons ce montant insuffisant, mais en tout cas ces compagnies doivent payer leur part de l'entretien de ces installations.

En l'occurrence, la CCT a estimé, et je crois que c'est logique, que nous n'utilisions pas vraiment les installations. Nous allons faire le travail nous-mêmes, c'est-à-dire que nous enterrons nos lignes ou que nous les faisons passer au-dessus des voies ferrées à une hauteur fixée par l'office de manière à ce qu'elles ne puissent pas être heurtées par les trains. Le personnel de la compagnie de chemin de fer n'intervient aucunement dans le travail et les installations de la compagnie de chemins de fer ne sont pas du tout mises à contribution.

M. Fontana: Mais je ne parle pas simplement des frais exigés par les compagnies de chemins de fer. Il y en a aussi avec les municipalités ou d'autres services publics. Il y en a partout. Les companiges de chemins de fer vous font payer des droits et à votre tour, vous en faites payer à d'autres entreprises, non? Alors à mon avis, ou bien personne ne paie, ou bien tout le monde paie.

Est-ce que cela vous poserait un problème de payer si vous pouviez obtenir la servitude que vous demandez? Votre installation est manifestement liée à la terre, et si cette terre est vendue à une autre compagnie de chemins de fer ou à une municipalité, ou si vous en perdez le contrôle lorsque la ligne est abandonnée, vous allez bien être obligé de conclure une entente quelconque avec le nouveau propriétaire, non?

M. van Koughnett: Si, vous avez raison.

Si nous disons que nous ne devrions pas verser d'indemnisation, c'est pour une raison que ne cessent de répéter depuis le début du siècle les organismes responsables. Le raisonnement est le suivant: puisque la loi nous impose de fournir un service à nos clients, ce n'est pas comme si nous demandions une faveur particulière à la compagnie de chemin de fer et il faudrait que l'on tienne compte du marché.

Si je veux faire passer ma corde à linge au-dessus de votre cour, vous allez peut-être penser que le fait de sécher le linge en plein air est dans l'intérêt public et vous seriez d'accord avec un séchoir solaire, mais nous allons pouvoir nous entendre sur une forme quelconque d'indemnisation.

M. Fontana: Du moment que vous faites sécher mes vêtements, je n'ai pas d'objection.

M. van Koughnett: Si la commission a décidé autrement, c'est parce qu'elle s'est dit que nous étions une organisation qui a des obligations imposées par la loi, et qu'au lieu de nous laisser à la merci des forces du marché, il valait mieux nous laisser passer gratuitement.

Mais je voudrais répondre à l'autre moitié de la question. En effet, si ce n'était que l'argent qui était en jeu, nous ne serions probablement pas ici aujourd'hui. C'est le délai qui pose un problème.

.1815

Les compagnies de chemin de fer savent qu'en raison de l'importance grandissante des télécommunications et des compétiteurs, les clients ont besoin de ces services sur-le-champ et non pas dans trois jours. Par conséquent, les compagnies de chemins de fer peuvent fixer des coûts comme bon leur semble, sachant que nous ne ferons appel au processus judiciaire que de temps en temps lorsque nous sommes vraiment mécontents mais que la plupart du temps, nous payerons.

M. Fontana: Vous pourriez essayer l'autre moyen c'est-à-dire de le faire tout de même et de les laisser intenter des procédures pour voir si elles vont récupérer les 500$ ou 700$ au tribunal des petites créances et voir jusqu'où ce raisonnement ira.

M. van Koughnett: Il y a des précédents déjà bien établis. Les câblodistributeurs font la même chose avec nos installations depuis des années.

M. Fontana: Vous devriez peut-être essayer d'en faire autant.

M. Nault: J'ai du mal à suivre. Vous avez laissé entendre que les compagnies de chemins de fer ont refusé d'accepter la décision. Qu'entendez-vous par «refuser»? Voulez-vous dire que vous vous adressez à l'office, qu'il rend une décision en votre faveur, mais que les compagnies de chemins de fer lui font un pied de nez en se disant que peu importe la décision, elles vont agir à leur guise.

M. van Koughnett: ...jusqu'au franchissement suivant. Je m'excuse; je ne voulais surtout pas laisser entendre que les compagnies de chemins de fer ne respecteraient pas une décision précise sur un franchissement en particulier.

Dans un sens, c'est la faute du texte législatif. Je ne veux pas vous donner l'impression que les compagnies de chemins de fer sont infâmes, ce serait injuste. La vérité, c'est que le texte législatif leur permet de faire ce qu'elles font actuellement.

M. Fontana: Tous les autres l'ont fait aujourd'hui.

M. van Koughnett: Comme dans la pratique on examine le cas de chaque franchissement individuellement et que la décision est prise par un tribunal quasi-judiciaire, les compagnies de chemin de fer en profitent. Chaque fois que l'office rend une décision, elle s'applique au cas en question seulement. La fois suivante, la compagnie de chemin de fer dit: «Eh bien, nous croyons que dans ce cas-ci, la compagnie a encourru de véritables frais» ou «le personnel de la compagnie a consacré du temps afin de faciliter le travail, donc nous croyons que le précédent ne s'applique pas en l'occurrence. Nous voulons présenter ce cas à l'office, où vous pouvez nous payer le montant exigé».

M. Nault: Donc, ils ne peuvent pas codifier.

M. van Koughnett: L'office est de cet avis.

M. Nault: Oui, mais ils ont le pouvoir de le faire maintenant s'ils le veulent.

M. van Koughnett: J'ai fais exprès pour éviter cette question cet après-midi, car il s'agit d'une question de droit et je n'ai pas fait assez de recherches à ce sujet.

L'office croit qu'il ne serait pas approprié de codifier, et ce serait négligent de ma part si je disais que l'office avait mal interprété la loi, car je n'ai pas encore fait de travail nécessaire pour pouvoir affirmer une telle chose.

M. Nault: Évidemment, nous sommes tous très intéressés. Quel est le coût annuel pour l'organisme que vous représentez? Combien est-ce que cela représente pour les compagnies de chemins de fer? Le montant doit être assez élevé, car lorsqu'on y pense, les compagnies de chemin de fer étaient là avant que nous ayons l'autorité d'agir dans bien des cas, donc il faut franchir des lignes de chemin de fer partout au pays.

M. van Koughnett: Oui. Je dois faire appel à mon ami M. Ledingham, car je ne connais plus la réponse à cette question.

M. Keith Ledingham (directeur général, Réseau Accès, Bell Canada; Stentor Telecom Policy Inc.): Pour Bell Canada uniquement, il y a 16 000 franchissements. La facture se compose de deux montants: environ 140 000$ pour le CN et de 15 000$ à 20 000$ pour le CP, si je ne m'abuse. Il s'agit là de la location annuelle; à cela s'ajoutent les frais que nous payons pour les franchissements individuels ainsi que les frais liés aux services fournis par la compagnie de chemin de fer pour la signalisation et la sécurité.

M. van Koughnett: Il y a également des coûts administratifs au sein de la compagnie pour rester au courant du nombre de franchissements individuels. En d'autres mots, nous devons conserver un système de dossiers pour chaque franchissemnt. Les factures rentrent et nous les payons et ainsi de suite. Traiter de ces franchissements individuellement représente un lourd fardeau.

C'est exactement la même chose, et probablement d'une plus grande importance aux yeux des membres du comité. L'office, qu'il s'agisse de l'ONT ou du nouvel OTC, fait face au même problème, étant donné il s'occupe de la question au cas par cas. Chaque année, il y a de nouveaux franchissements et par conséquent de nouveaux dossiers qui doivent être ouverts.

.1820

M. Nault: C'est utile, parce que vous demandez un changement de règles qui obligerait à accepter le fait que les compagnies CN-CP perdraient des revenus. C'est évident pour tout le monde. Je voulais savoir quels étaient les coûts au juste.

Évidemment, il y a une différence entre un câble sous la terre et un câble qui passe au-dessus de la terre. J'imagine que les compagnies souhaitent davantage vous facturer - et le problème que pose l'indemnisation devient plus critique - lorsque vous placez des câbles sous les voies que lorsque vous les placez au-dessus. Est-ce vrai?

M. van Koughnett: Nous avons discuté de cette question plus tôt cet après-midi.

Monsieur Ledingham, voulez-vous essayer d'y répondre?

M. Ledingham: Les deux cas causent des problèmes différents pour les compagnies de chemins de fer. La question de la sécurité est plus grande lorsqu'on place un câble sous les voies, car déranger les rails comporte des risques. Les franchissements aériens sont toujours un obstacle, ou pourraient en être un sur le plan visuel.

Ils traitent des deux cas comme étant problématiques. J'ignore lequel est le pire.

Souvent, les franchissements aériens ne touchent pas aux installations du tout. Il y a des poteaux de chaque côté de l'emprise et c'est juste un câble qui passe par-dessus la voie.

M. Nault: Vous devez quand même payer pour le câble qui passe par-dessus l'emprise?

M. Ledingham: Ils nous louent l'espace dans l'air.

M. Fontana: Est-ce que nous en obtenons notre juste part?

M. Nault: Voici ma dernière question.

J'ai l'impression que cette question relève autant du CRTC que des transports. J'imagine que c'est une question qui date depuis très longtemps. Avez-vous déjà demandé au CRTC de déclarer que vous êtes obligés de fournir un certain service, et par conséquent qu'il devrait y avoir une décision obligeant les compagnies de chemins de fer de vous donner accès? Est-ce que cela a déjà été fait, ou est-ce que c'est la première fois que vous soulevez votre grief par rapport aux compagnies de chemins de fer?

M. van Koughnett: À vrai dire, c'est drôle que vous posiez cette question. J'ai passé onze ans au CRTC, et à mon arrivée, on m'a chargé du dossier complexe qui était la distinction entre les compétences du CRTC et de la CCT, qui est maintenant l'ONT. Ces dossiers étaient toujours la responsabilité du plus jeune avocat pour la raison suivante: la question était si ennuyeuse que personne d'autre ne devrait être obligé de l'examiner.

En effet, il semblait que la bonne réponse était que cette question était du ressort de la CCT. Pour assurer que ce soit le cas et pour mettre un peu d'ordre dans d'autres textes, un décret conformément à la Loi sur les restructurations et les transferts d'attribution dans l'administration publique, a été adopté pour transférer de nouveau ces responsabilités à la CCT, car il y a eu une rupture un peu ambiguë le 1erxx avril 1976, lorsque Telecom a été transférée de la CCT.

Il n'y avait aucun inspecteur. Le CRTC n'a jamais eu d'inspecteur pour inspecter les voies, tandis que la CCT en avait, donc la responsabilité est revenue à la CCT. C'est pour cette raison que je ne crois pas qu'il s'agisse d'une question pour le CRTC.

Le président: J'irai peut-être un peu plus loin. Lorsque vous placez ce câble sous la voie, vous devez vous adresser à l'ONT. Avez-vous déjà pensé dire à l'ONT: «Pourquoi ne pas cesser de faire affaire avec vous? Pourquoi ne négocions-nous pas directement un paiement unique avec les compagnies de chemins de fer pour toutes les fois où nous voudrons installer les câbles sous les voies?»

M. van Koughnett: On a déjà essayé. Bien que cette question remonte au début du siècle, elle est toujours d'actualité. Il y a eu deux cas cette année, un concernant Bell Canada et l'autre, la ville d'Edmonton. L'office préfère traiter des cas individuellement.

Le président: Monsieur Ledingham, vous êtes un représentant de Bell. Si, avec un amendement, on fixait un paiement unique raisonnable pour le franchissement qui entraînerait des économies pour Bell, est-ce que les comptes de téléphone seraient réduits proportionnellement en conséquence?

Des voix: Oh, oh!

Le président: Il ne dit rien.

M. Fontana: J'ai été si critiqué à propos du comportement frustratoire, je crois que vous devriez cesser de payer. Cette nouvelle disposition va obliger les compagnies de chemins de fer à s'adresser à l'OTC, et l'office va rejeter le cas et les accuser d'actes frustratoires.

Des voix: Oh, oh!

M. Fontana: Ça pourrait marcher.

M. Chatters: N'y a-t-il pas déjà un précédent pour ce genre de situations lorsqu'il s'agit de routes municipales? En général, la municipalité vous permettra de franchir la route ou de circuler parallèlement à celle-ci en échange d'un montant unique.

M. van Koughnett: À vrai dire, cette question relève du CRTC. Les municipalités en réalité imposent des montants différents, et de temps en temps, le CRTC est appelé à rendre une décision sur le montant exigé pour éviter les abus. Le modèle est le même; c'est-à-dire si les parties ne peuvent pas se mettre d'accord, elles peuvent s'adresser au CRTC.

.1825

M. Chatters: Mais il s'agit d'un montant unique?

M. van Koughnett: Non, c'est un paiement annuel.

M. Chatters: C'est aussi un paiement annuel permanent?

M. van Koughnett: C'est un coût permanent.

Le président: Merci, monsieur van Koughnett, d'avoir comparu devant notre comité. Nous apprécions le temps que vous nous avons consacré.

M. van Koughnett: Merci beaucoup, monsieur le président. Nous travaillerons sur les amendements.

Le président: Merci beaucoup, madame Morin et M. Ledingham.

Chers collègues, nous reprenons demain matin à 9h30 à la salle des chemins de fer.

La séance est levée.

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