[Enregistrement électronique]
Le jeudi 19 octobre 1995
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte. Bonjour, chers collègues. Nous reprenons l'étude du projet de loi C-101, Loi sur les transports au Canada.
Avant toute chose, je tiens à remercier Joe Comuzzi, le vice-président, et Charles Hubbard de m'avoir remplacé ces deux derniers jours.
Je suis allé rencontrer les responsables de l'Association américaine des administrations portuaires. Ces derniers ont du mal à croire à quel point nous avons progressé dans la modernisation de notre infrastructure maritime. Tout d'abord, ils sont étonnés par la restructuration en cours et la vitesse extraordinaire à laquelle les choses avancent. Ils sont tout à fait sidérés. Nous allons avoir des nouvelles de certains d'entre eux...
M. Gouk (Kootenay-Ouest - Revelstoke): Vous auriez dû leur dire que nous n'avions pas de plan... [Inaudible - Éditeur]... et que nous n'avons pas la moindre idée quant à la façon d'y remédier.
Le président: Non, la teneur de leur message a été des plus positives. Cela s'est très bien passé. Le porte-parole s'est aussi extrêmement bien débrouillé.
En tout cas, nous accueillons aujourd'hui Ed Abbot, secrétaire exécutif de l'Association des syndicats de cheminots du Canada. Notre comité le connaît bien.
Soyez le bienvenu, Ed.
Monsieur Gouk, qui invoque le Règlement.
M. Gouk: Je tiens simplement à vérifier que l'on a donné suite à ma demande en vue d'inviter les responsables de l'ONT à comparaître. Je voudrais qu'on leur demande d'apporter une documentation précise au comité pour être en mesure de répondre à mes questions. En effet, j'aimerais leur demander si, depuis 1987, l'Office a été saisi de certaines demandes dont l'issue eut été différente si le paragraphe 27(2) avait été en vigueur à l'époque, et si, dans certains cas où l'Office a dû trancher la question, le paragraphe 34(1) aurait pu s'appliquer s'il avait été en vigueur.
Le président: Pour répondre à la première partie de votre question, je ne sais pas si c'est possible. Vous voulez savoir si l'existence d'une disposition en particulier aurait influé sur des décisions? C'est une question extrêmement hypothétique.
M. Gouk: Les responsables savent que je vais leur poser la question, et ils devront donc se préparer en conséquence.
Le président: Voici ce que nous allons faire. Le greffier a pris note de votre demande qu'il transmettra au responsable de l'ONT. Nous leur laisserons le soin de vous dire si cette question est hypothétique ou non, ou s'ils ont l'intention de faire le travail de recherche nécessaire pour essayer de répondre à votre question.
M. Gouk: Au moins, j'aurais les devants.
Le président: La demande est faite et nous verrons bien ce qu'ils ont à dire lorsqu'ils comparaîtront.
Soyez le bienvenu, monsieur Abbot. Désolé de cette interruption. Si vous pouviez vous en tenir à une quinzaine de minutes pour votre exposé, nous aurions le temps de vous poser des questions.
M. Edward G. Abbot (secrétaire exécutif, Association des syndicats de cheminots du Canada): Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité J'ai quelques observations de portée générale à faire, ce qui me prendra moins de 15 minutes. Mon exposé est très court et les membres du comité en a déjà reçu le texte, de sorte qu'il me paraît plus utile de répondre à vos questions éventuelles.
Je voudrais vous dire tout d'abord, monsieur le président, que de l'avis de notre association, le projet de loi C-101 n'est guère avantageux pour les compagnies de chemin de fer. Il n'aura pour effet que de faciliter l'abandon de certaines lignes et la création de chemins de fer d'intérêt local. C'est à peu près la seule mesure positive que renferme ce projet de loi en ce qui a trait à la diminution des coûts des chemins de fer.
Lorsque nous avons présenté notre position à M. Mazankowski lors de la publication du document intitulé Aller sans entrave, et ensuite en comparaissant devant votre comité lors de l'examen de la Loi de 1987 sur les transports nationaux, ainsi que devant d'autres tribunes, nous avons dit que nous n'étions pas totalement opposés à la déréglementation. Nous savions que cela correspondait à la tendance de l'heure et qu'il nous fallait nous adapter bon gré mal gré.
Notre position était la suivante: si l'on veut déréglementer l'industrie des transports et favoriser la concurrence au maximum, il faut aller jusqu'au bout car si le principe directeur est fondé sur la concurrence, cela signifie par définition que c'est la loi du plus fort qui s'applique. Si l'on commence ce petit jeu, c'est chacun pour soi.
Malheureusement, à notre avis, nous ne pensions pas que les circonstances propres au Canada lui permettaient de participer à ce jeu, compte tenu surtout des facteurs économiques prédominants des États-Unis, au sud de nos frontières, et de la Staggers Act de 1980, qui visait à déréglementer les chemins de fer dans ce pays. Nous étions alors un pays de 29 millions d'habitants qui se lançait dans un marché des transports nord-américains dont l'industrie du camionnage et les sociétés ferroviaires de classe 1 avaient au moins sept ans d'avance sur nous. Elles avaient eu depuis 1980 pour s'organiser et la loi que le Canada a adoptée en 1987 visait avant tout à défendre les intérêts des expéditeurs, ce que personne n'a nié.
Le ministre a dit à l'époque que c'était maintenant au tour des chemins de fer. Pour notre part, nous avons estimé que ce tour avait duré bien peu de temps.
Si quelqu'un pense que l'abandon des embranchements et la création de chemins de fer d'intérêt local sont la solution aux problèmes économiques des chemins de fer, cette personne rêve en couleur. Il existe à l'heure actuelle 12 CFIL et, étant donné notre superficie et notre population, contrairement aux Etats-Unis, il n'y a sans doute de la place que pour cinq ou six exploitants sur ligne courte de plus, au mieux, compte tenu des régions du pays qui peuvent être adaptées à cette fin.
Bien sûr, à long terme, nos risquons de constater que ces CFIL vont à l'encontre des objectifs poursuivis. Etant donné que l'exploitation d'un chemin de fer est avant tout capitalistique, lorsqu'on a comprimé les effectifs et réduit les dépenses pour maintenir ses bénéfices, on risque de constater que la sécurité est remise en cause car les réinvestissements dans l'infrastructure ferroviaire seront essentiellement fonction du chiffre d'affaires. Dans les années à venir, nous risquons donc de voir apparaître quelques petites sociétés ferroviaires qui n'atteindront jamais l'objectif qu'elles poursuivent en rêve. Tant pis. Voilà ce que nous voulons dire au sujet des CFIL.
Je tiens à signaler que les chemins de fer d'intérêt local ne représentent pas une innovation en matière de commercialisation ni un progrès quelconque. Je ne critique ni les sociétés ferroviaires ni le gouvernement à ce titre. Nous n'aimons pas le principe, mais il n'en reste pas moins que les CFIL constituent tout simplement une méthode en vue de réduire les frais de main-d'oeuvre, car le seul avantage dont jouit un exploitant de lignes secondaires par rapport à une grande société ferroviaire est le fait qu'il n'a pas de convention collective avec ses employés; il a une marge de manoeuvre qui lui permet d'utiliser ces effectifs-là où il en a besoin et il lui est possible d'entrer sur le marché et d'en sortir comme bon lui semble, en fonction de son taux de réussite. Les exploitants de CFIL ne sont pas assujettis aux obligations de transporteur public et ils n'ont d'ailleurs aucune obligation. Ils peuvent décider d'exploiter une ligne, s'enrichir et abandonner celle-ci, ce qui sera souvent le cas. Il s'agit donc d'une innovation visant à réduire les coûts.
Je voudrais simplement ajouter que la loi de 1987 et les modifications qui y sont proposées misent sur une réduction des coûts par les sociétés ferroviaires. L'une des principales façons de réduire ces coûts, et les chemins de fer ne s'en sont pas privés, c'est de comprimer les effectifs. Là encore, c'est peut-être la solution de l'avenir. Toutefois, après avoir supprimé près de 20 800 postes depuis 1984, les sociétés ferroviaires ne peuvent guère aller plus loin. Il faut un minimum d'employés pour exploiter un chemin de fer et on ne peut plus supprimer de postes. Or, nous sommes sur le point d'atteindre ce minimum.
Voici ce que nous proposons: lorsque ce sera fait, que deviendront les recettes? C'est à ce titre que nous déplorons l'absence d'initiative. Les recettes des sociétés ferroviaires ont énormément diminué entre 1984 et 1987. Les chemins de fer ont connu une augmentation de leur trafic, en tonnes par mille, mais une baisse de leurs revenus. C'est absurde, quel que soit le secteur d'activité.
Les seuls progrès enregistrés ont été du côté des dépenses. Il y a une limite à ce que l'on peut faire en matière de réduction des coûts. Il faut investir en capital pour exploiter une société ferroviaire. C'est une industrie extrêmement capitalistique. Il faut moderniser les voies.... Vous savez tous de quoi je veux parler. Le CN est endetté jusqu'au cou pour cette raison et le CP n'est guère en meilleure posture. De toute évidence, le CP va envisager d'autres options. Si le Canadien Pacifique, une véritable entreprise publique, contrairement à ce que sera le CN - car le CN va être privatisé moyennant énormément de conditions, je suppose - décide de desservir un axe nord-sud, il conclura un marché avec l'une des principales sociétés ferroviaires des Etats-Unis.
Soit dit en passant, ils sont en train de former des conglomérats. Bientôt, il y aura trois ou quatre grands chemins de fer là-bas. Nous ne serons plus que des embranchements des grands chemins de fer américains sur le marché de transport nord-américain. Si c'est ce que veut le destin, nous ne pourrons pas l'éviter, alors tant pis, mais je crois qu'il ne faudrait pas le perdre de vue.
Essentiellement, les lignes secondaires ne sont pas la solution aux problèmes de rentabilité et de compétitivité des chemins de fer. Du point de vue des revenus, pour des raisons qui échappent peut-être à la volonté du gouvernement fédéral... Je songe notamment aux taxes sur l'essence et à tous les éléments dont les chemins de fer et nous-mêmes vous parlons depuis un an; je n'ai pas besoin de reprendre ici ces arguments. Il y a les prix de ligne concurrentiels... Les Américains, eux, ont droit à des prix de ligne concurrentiels au Canada, mais la situation n'est pas la même quand c'est nous qui empruntons leurs chemins de fer.
Les chemins de fer ne sont pas compétitifs pour une multitude de raisons qui ont trait à la réglementation. Si ces entraves réglementaires ne sont pas éliminées, les chemins de fer ne mettront pas fin à leurs activités, mais suivront l'exemple de CNCP Télécommunications. Nous avons connu une situation semblable dans les années 1970, où deux compagnies cherchaient à s'assurer leur part d'un marché en diminution, et nous savons ce qui leur est arrivé. J'ai l'impression que ce sera aussi le destin des chemins de fer.
Voilà qui met fin à mes remarques, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Abbot, pour votre exposé.
Nous suivrons l'ordre habituel. Jim Gouk, vous avez la parole pour dix minutes.
M. Gouk: Bonjour, monsieur Abbot. Je suis d'accord avec vous pour dire que les lignes secondaires ne sont pas la solution. Elles ne sont pas non plus censées être la solution, mais une solution parmi bien d'autres. Dans ce contexte, je ne partage pas tout à fait votre point de vue, quand vous dites que la dernière mesure était celle des expéditeurs alors que celle-ci est celle des chemins de fer. Pour ma part, en tout cas, je ne suis pas ici pour servir ni les chemins de fer ni les expéditeurs en particulier, mais bien pour servir l'intérêt du système de transport.
S'agissant des lignes secondaires, la seule solution de rechange qui s'offre à nous à l'heure actuelle est l'abandon d'exploitation pur et simple. Il me semble que, là où il faut choisir entre l'abandon complet et la création d'une ligne secondaire, il vaut mieux opter pour la ligne secondaire que de ne pas avoir de ligne du tout. N'êtes-vous pas d'accord?
M. Abbot: Oui.
M. Gouk: D'accord.
Un des facteurs dont vous faites état dans votre mémoire et dont vous n'avez pas beaucoup parlé dans votre exposé, c'est la notion de taxation - taxes sur les propriétés, taxes sur les biens, comme vous dites, taxes sur les carburants, etc. Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il faudrait faire quelque chose en ce sens, mais je ne suis pas sûr que cela devrait se faire dans le projet de loi comme tel. Il me semble qu'il faudrait plutôt comprendre, d'après ce que vous dites, qu'il s'agit d'une question à laquelle le ministère des Transports devrait s'attaquer une fois que le projet de loi aura été adopté.
M. Abbot: Oui, j'en conviens.
M. Gouk: Je voudrais que vous nous disiez exactement quelles sont les modifications qu'il faudrait apporter au projet de loi, quels sont les articles qui devraient être modifiés et comment il faudrait les modifier à votre avis.
M. Abbot: Je n'ai aucune proposition de modifications à faire au projet de loi comme tel. Comme je l'ai déjà indiqué, la Loi sur les chemins de fer a été abrogée et incorporée au projet de loi. Là encore, dans le contexte actuel, axé sur la concurrence, etc., ce à quoi nous nous opposons... Bien sûr, sur le plan pratique, nous devons nous en accommoder. Bon, une fois que vous m'avez convaincu, vous me tenez, mais soyez conséquents.
Pourquoi diable avons-nous repris quelque chose qui remonte à la common law, la notion de transporteur public? On a retenu cette notion qui se trouvait dans la Loi sur les chemins de fer. Pourquoi? Pourquoi ne pas s'en débarrasser? Qu'avons-nous à faire de cette notion de transporteur public dans le contexte d'un système de transport axé sur le libre-échange et la compétitivité? Soyons francs jusqu'au bout. Pourquoi avons-nous un office des transports qui dit que, quand on est en concurrence avec les camionneurs et avec les Américains... et on précise dans la loi que l'on peut faire appel à l'office et que l'office peut dire: «Ce pont, tu le construiras, peu importe ce qu'il t'en coûtera»?
Avoir conservé cette notion dont l'origine remonte au siècle dernier, à l'époque où il n'y avait pas de concurrence, et l'avoir maintenant incluse... Que disons-nous au juste? Essayons-nous d'avoir le beurre et l'argent du beurre ou essayons-nous d'être à demi-enceintes, ce qui semble être une impossibilité partout sauf au Canada? Ou bien nous réglementons et nous conservons notre système de transport traditionnel, ou bien, comme c'est le cas à l'heure actuelle, c'est l'argument de la rentabilité qui l'emporte, et chacun se débrouille comme il peut. Enfin, il ne faut pas que la partie soit faussée au détriment d'un des acteurs. C'est aussi simple que cela.
M. Gouk: Très bien. C'est tout.
Le président: Vous avez soulevé d'excellents points.
Monsieur Fontana.
M. Fontana (London-Est): Je vous remercie, monsieur Abbot, et j'apprécie les observations que vous faites. C'est bien de voir que les syndicats et les chemins de fer sont du même côté, du moins sur cette question.
Je vous félicite pour certaines de vos observations, mais je voudrais les explorer un peu avec vous. Vous avez indiqué que la concurrence est très importante, qu'il faut pouvoir soutenir la concurrence avec les chemins de fer américains sur le plan de la réglementation et de la déréglementation. Je crois que M. Gouk a parlé de la création de lignes secondaires comme d'un effort pour en arriver à un juste milieu entre l'abandon total et... je crois d'ailleurs que vous avez donné votre aval à cet argument.
En ce qui concerne l'infrastructure, cependant - et je sais que vous avez indiqué que, dans le contexte de la réduction des effectifs des chemins de fer, il faudrait de toute évidence tenir compte de la sécurité et d'un certain nombre d'autres éléments - , vous conviendrez avec moi que, malheureusement, notre infrastructure dépasse à ce point nos besoins actuels que le trafic ferroviaire se fait sur environ 30 p. 100 seulement de l'infrastructure que nous avons; ainsi, pour que les chemins de fer deviennent compétitifs et plus efficaces, il s'agit de savoir ce que nous ferons de cette infrastructure...
Je sais que la question des lignes secondaires vous inquiète quelque peu, et je peux comprendre, mais quelle autre possibilité avons-nous? Si vous n'êtes pas persuadé qu'il faut choisir entre les lignes secondaires et l'abandon d'exploitation, vous devez quand même savoir qu'il nous faut trouver une solution. En avez-vous une à nous proposer?
M. Abbot: Non, monsieur Fontana, je n'ai pas de solution à vous proposer. Le groupe suivant, la Fraternité des préposés à l'entretien des voies, pourrait bien avoir un point de vue là-dessus. Pour ma part, je trouve qu'il ne fait aucun doute que nous devons régler le problème de l'infrastructure. Nous ne pouvons pas assumer le coût de l'entretien de voies qui ne reçoivent aucun trafic. C'est un luxe que nous ne pouvons pas nous permettre. Nous le reconnaissons. Si nous voulons être compétitifs, il faut réduire les dépenses.
L'envers de la médaille... Encore là, il faudrait remonter dans les annales de l'histoire, et je trouve que ce ne serait pas constructif de s'engager dans ce débat. Il n'en reste pas moins que la situation actuelle est due à la façon dont le pays a évolué au fil des ans, et nous devons maintenant réajuster le tir dans un laps de temps très court. Le problème doit être réglé, cela ne fait aucun doute. Pour que nous soyons compétitifs, nous devons maintenant prendre toutes les mesures que nous n'avons pas prises par le passé. Les règles du jeu ne sont plus les mêmes. Nous en convenons.
Il convient toutefois de signaler que même aujourd'hui, dans le contexte actuel, si les chemins de fer passent un contrat avec une usine... Naturellement, si j'étais propriétaire de l'usine, je m'attendrait à ce que les chemins de fer s'engagent dans le contrat à construire une voie d'évitement qui relierait mon usine à la voie principale et je suppose que les chemins s'attendraient à ce que je signe, mettons, pour cinq ans.
Bon, c'est très bien. Les chemins de fer construisent la voie d'évitement, puis voilà qu'au bout des cinq ans, une entreprise de camionnage installe un dépôt tout près et me dit: «Hé, je peux t'offrir un meilleur prix; pourquoi n'enverrais-tu pas ton produit par camion?» L'expéditeur pourrait alors, à juste titre, dire: «Mon contrat est expiré, j'irai voir ailleurs.»
Qu'arrive-t-il alors de la voie d'évitement qui a été construite par le chemin de fer? Le gouvernement peut-il décider que la province ou quelqu'un d'autre pourraient en avoir besoin et il faudrait donc qu'elle soit maintenue? C'est précisément ce qui est à l'origine de nos réseaux d'embranchements et de tout le reste.
Par exemple - et cela m'étonne depuis toujours - , les embranchements sont soumis à une réglementation incroyablement stricte au Canada, mais personne n'a jamais réglementé les silos. L'embranchement doit son existence au silo, car sans silo... C'est le silo qui vient en premier. Les chemins de fer construisent ensuite l'embranchement. Les embranchements ont toujours été réglementés. Par contre, l'exploitant du silo peut déplacer ses installations comme il le veut. Si le silo est déplacé, il n'y a plus de céréales. L'embranchement est toujours là, et le gouvernement dit qu'il ne peut pas être déplacé. Pourquoi pas? Parce qu'il y a un client qui se trouve tout à fait à l'autre bout. Les exploitants de silos, eux, n'ont jamais été soumis à quelque réglementation que ce soit. À mon avis, cela nuit à la productivité. Nous sommes toujours aux prises avec cette situation qui est un vestige du passé.
Il faut voir à quoi ressemble le réseau de manutention du grain. L'association canadienne des chemins de fer a proposé à la CCT il y a quelques années... Enfin, j'ai témoigné devant la commission d'enquête Hall, et nous avons indiqué que le retour à charge posait manifestement un problème à cause de la façon dont il avait évolué. Nous avons proposé qu'on essaie de rationaliser les activités des deux chemins de fer et de créer un réseau mixte. Nous aurions pu prévoir un train de mesures pour les employés touchés. Les systèmes auraient ainsi été rationalisés. Mais cela ne s'est jamais fait.
M. Fontana: Je voudrais aborder deux points avec vous. D'abord, je sais que vous avez dit que, dans le contexte de la Staggers Act et de la déréglementation aux États-Unis, la loi de 1987 était celle des expéditeurs. Vous avez indiqué que cette fois-ci, ce devrait être la loi des chemins de fer. Vous avez parlé des prix de ligne concurrentiels et de tous les droits des expéditeurs.
Êtes-vous donc d'avis que la présente mesure n'est pas nécessaire? Vos syndiqués sont-ils prêts à travailler avec les chemins de fer afin de veiller à ce que vous soyez le plus compétitifs possible, car si les droits des expéditeurs, comme on dit, n'existaient pas, il faudrait que les syndicats de cheminots travaillent en collaboration un peu plus étroite avec les chemins de fer afin que vous puissiez soutenir la concurrence par rapport aux autres modes de transport, notamment, le camionnage, qui ne sont soumis à aucune réglementation?
M. Abbot: Le mouvement ouvrier, c'est un peu comme le navire citerne; une fois qu'il a changé de cap, il faut un sacré coup de barre pour revenir en arrière. Nous devons composer avec la situation actuelle. Il ne sert à rien de ressasser les certitudes d'hier, car cela ne nous mène nulle part. Le gouvernement canadien avait peut-être tort, ou avait peut-être raison; il se trouve que le monde a accepté un contexte différent. Il faut nous adapter à ce nouveau contexte, sinon nous serons hors circuit. Nous n'y pouvons rien.
Les chemins de fer ont déjà entrepris de travailler beaucoup plus sous le signe de la collaboration. La semaine prochaine, je crois, quelques représentants syndicaux... M. Tellier a créé pour son entreprise l'équivalent des Génies. Toujours est-il que, la semaine prochaine, il remettra des prix à quelques représentants syndicaux pour l'excellent travail qu'ils ont fait pour la mise sur pied de chemins de fer internes. Si ce n'est pas là un signe de collaboration... Celui qui est récompensé par un bon mot de M. Tellier est chanceux, mais un prix alors, c'est extraordinaire.
Des voix: Oh, oh!
M. Abbot: On a donc déjà commencé à prendre des mesures, mais je dis que le jeu qu'il nous faut maintenant jouer est celui de la concurrence; alors, mettons-y tous nos efforts. Je ne suis pas contre.
Sans même y regarder à deux fois, je peux vous dire d'ores et déjà qu'il faut faire table rase et nous laisser soutenir la concurrence sur un pied d'égalité - à condition qu'on égalise les taxes sur l'essence et tout le reste, qui, si je comprends, relèvent des provinces. Si toutefois nous ne travaillons pas avec les provinces afin d'établir des règles de jeu équitables - terme que je déteste - , les chemins de fer seront encore bien plus en difficulté qu'ils le sont à l'heure actuelle.
Naturellement, ils devront rationaliser les embranchements. Naturellement, ils installeront des lignes secondaires là où c'est possible. Si c'est ce qu'il faut faire, qu'on le fasse.
Le problème, selon moi, c'est que l'avenir des chemins de fer dépend de bien d'autres choses encore. Il faut prendre d'autres mesures, qui, si je comprends bien, dépassent les paramètres de la présente mesure, mais sans lesquelles les chemins de fer ne pourront pas continuer comme à l'heure actuelle et deviendront des embranchements des États-Unis. Dans le nouveau contexte international, ce n'est peut-être pas une mauvaise idée. C'est une perspective qui ne me réjouit guère, mais si tout doit être fonction de la rentabilité, il faut prendre les mesures qui s'imposent, tout en sachant qu'il en résultera des coûts, notamment sur le plan social.
Le président: Monsieur Hubbard, s'il vous plaît.
M. Hubbard (Miramichi): Merci, monsieur le président.
Monsieur Abbot, j'écoute vos arguments, mais au paragraphe 3, de la page 2, vous semblez dire qu'il vaudrait mieux que nous supprimions le paragraphe 27(2).
M. Abbot: Non, c'est que j'ai voulu jouer au cynique.
Au premier paragraphe, je dis que nous nous opposons en principe aux embranchements, mais nous avons perdu la bataille. Il faut donc accepter notre défaite. Dans cette logique, j'enchaîne en disant que, comme nous nous opposons aux embranchements, il vaudrait mieux que nous appuyions la suppression du paragraphe 27(2), puisque l'application de cette disposition serait l'arrêt de mort des embranchements. Ainsi, nous aurions remporté la bataille. C'est un argument très circulaire, mais j'adore être conséquent.
M. Hubbard: Vous êtes conséquent dans votre manque de conséquence.
M. Abbot: Pas du tout. Je suis conséquent. Je ne peux pas dire que je m'oppose aux embranchements, puis m'opposer à quelque chose qui signerait leur arrêt de mort.
Je dis donc que vous avez le choix. Si vous décidez de conserver la paragraphe 27(2), vous pouvez dire adieu aux embranchements. Alors, il vous faut décider: la priorité va-t-elle à l'expéditeur ou aux chemins de fer? Je m'en remets à vous. C'est à vous de décider.
Le président: D'accord, Charles. Quelqu'un d'autre? Elsie.
Mme Wayne (Saint John): Monsieur Abbot, votre association a-t-elle examiné la question de restrictions de poids qui s'applique aux camions qui circulent sur les routes?
Quand j'étais en Allemagne il y a deux ans - et j'y suis allée précisément pour examiner la question des transports, et quelques autres questions - j'ai remarqué que les camionneurs étaient soumis à des restrictions très sévères. On n'a pas besoin d'y refaire les routes tous les sept ou dix ans. Tout le trafic passe pas les chemins de fer.
Je me demande si votre association a examiné cette question et si vous avez des informations ou des travaux de recherche que vous pourriez nous communiquer à ce sujet.
M. Abbot: Au fil des ans, j'ai vu beaucoup de documents préconisant les avantages du rail, car les routes se trouvent ainsi libérées et les routes sont une responsabilité provinciale. Nous avons discuté de tout cela tellement souvent déjà, des avantages, de l'environnement et de tout le reste. Cependant, la situation actuelle est telle que tous ces arguments que nous avons présentés au fil des ans ne semblent plus s'appliquer. Nous sommes maintenant dans un contexte compétitif déréglementé. Pour ma part, j'estime que nos lois visant à assurer la protection du public sont trop affaiblies. Que voulez-vous, c'est ainsi.
Dans ce nouveau contexte, il faut donc laisser les camions faire comme ils veulent, laisser les chemins de fer faire comme ils veulent et laisser les aéroports faire comme ils veulent; c'est ce qu'on appelle la concurrence. On s'imagine que toute cette concurrence est dans l'intérêt du public. Alors, retroussons-nous les manches et allons-y. Je ne veux plus rien savoir des restrictions de poids ni de rien d'autre. Il faut foncer.
Mme Wayne: D'accord.
Le président: Joe.
M. Fontana: J'ai besoin de vérifier quelque chose, car vous m'avez mêlé.
Quand M. Hubbard vous a interrogé au sujet du paragraphe 27(2), parlez-vous vraiment du paragraphe 27(2), ou parlez-vous plutôt des droits de circulation relativement à l'abandon des embranchements?
Le paragraphe 27(2) énonce le critère du préjudice important pour ce qui est...
M. Abbot: J'avais bien compris que c'est ce dont il parlait.
M. Fontana: D'accord, alors vous pourriez peut-être me l'expliquer à moi pour que je puisse comprendre exactement tout ce que vous avez dit.
M. Abbot: Autrement dit, si le paragraphe est supprimé et que ces droits de circulation sont donnés... Soit dit en passant, ce ne sont pas les 12 chemins de fer qui exploitent des lignes secondaires qui veulent ces droits de circulation; ce sont les expéditeurs qui les réclament.
À ce moment-là, le chemin de fer devient un réseau de lignes secondaires. Au lieu qu'il joue le rôle de partenaire et de ligne d'apport à la ligne principale, il devient un compétiteur. Les chemins de fer ne se trouveraient donc pas être en concurrence avec les exploitants auxquels ils auraient cédé une ligne secondaire et l'exploitant pourrait alors réduire ses coûts et offrir un meilleur prix. Quel avantage y trouveraient-ils?
M. Fontana: Ainsi, vous dites que le paragraphe 27(2) devrait être maintenu.
M. Abbot: De toute évidence, mais il faut être logique si je réclame... J'ai toujours été contre les CFIL. Donc, même si j'ai perdu la partie il y a des années et que je dois maintenant m'y résigner, au nom de la solidarité - si je voulais la disparition des lignes d'intérêt local pour avoir ma revanche, je vous supplierais de supprimer le paragraphe 27(2).
Le président: Merci, monsieur Abbot, de votre témoignage. Nous vous remercions d'avoir pris le temps de venir nous voir.
Chers collègues, nous invitons maintenant à la table le représentant de la Fraternité des préposés à l'entretien des voies, Gary Housch.
Bienvenue à notre comité, monsieur. Nous sommes très désireux de vous entendre. Nous espérons que votre exposé ne dépassera pas 15 minutes afin que nous pussions poser quelques questions.
M. Gary Housch (vice-président, Fraternité des préposés à l'entretien des voies): Absolument.
Le président: Merci, monsieur.
M. Housch: Bonjour. Je suis certes heureux d'être ici ce matin. Je crois que votre travail est très important. Je sais que tous, vous avez les problèmes de l'industrie des transports à coeur.
Depuis toujours, le Canada regarde ce qui se passe de l'autre côté de la frontière pour y trouver des réponses à ses problèmes de transport. L'avènement de lignes d'intérêt local au Canada nous a beaucoup troublés, en 1991 et en 1992, quand le CN a vendu sa ligne de Truro à Sydney à RailTex. Le Sénat avait mené une enquête sur cette vente. Je crois que sa décision avait été plus politique que morale mais quoi qu'il en soit, il avait décidé d'approuver cette vente.
Un spécialiste américain des transports, un certain M. Dempsey qui connaissait assez bien l'industrie des transports aux États-Unis, avait comparu comme témoin. Bien que ces événements remontent à 1992, j'aimerais simplement vous rapporter ce qu'il a dit au comité du Sénat. Je crois que c'est tout à fait à propos aujourd'hui.
Il a dit:
- Je pourrais vous parler pendant des journées entières - et j'ai écrit des livres là-dessus - de la
déréglementation et de ses conséquences pour l'industrie des transports aux États-Unis.
Permettez-moi simplement de vous livrer quelques réflexions.
- Les compagnies aériennes ont aujourd'hui perdu tout l'argent qu'elles ont gagné depuis
que les frères Wright ont pris leur envol de Kitty Hawk en Caroline du Nord en 1903, plus 1,5
milliard de dollars par dessus le marché. L'industrie aérienne a connu plus de 150 faillites et 50
fusions. Nous avons aujourd'hui la flotte d'appareils la plus ancienne et la plus repeinte du
monde industrialisé.
- Y a-t-il accroissement de la concurrence dans l'industrie du camionnage? Oui et non. En
termes d'envois complets, oui. En termes d'envois de détail, colonne vertébrale du système, la
déréglementation a fait disparaître les deux tiers des compagnies générales de transport des
marchandises par route et ce secteur n'a accueilli aucune nouvelle entreprise d'importance.
- L'industrie du transport par autocar a été détruite. Nous sommes passés de deux
compagnies à une seule. Greyhound est aujourd'hui en faillite.
- Pour ce qui est de l'impact sur les petites localités, 120 d'entre elles ont disparu de la carte
aérienne et 4 500 ne sont plus desservies par les lignes d'autocar. Ce sont des chiffres modérés;
je ne parle pas des pires situations. Au moins 1 200 petites localités ne sont plus desservies par le
chemin de fer.
À propos de l'industrie ferroviaire, il a rappelé qu'en 1980, les principales compagnies de chemin de fer de première catégorie employaient environ 460 000 travailleurs. En 1988, elles en employaient 236 000, une perte de 222 000, ou 28 000 emplois par an.
Depuis 1985, nous avons perdu l'équivalent de 50 p. 100 de nos membres travaillant pour le CN et 40 p. 100 de ceux travaillant pour le CP. Pourtant je continue à entendre dire que ce sont les travailleurs qui créent les problèmes pour lesquels les chemins de fer doivent trouver des solutions.
Franchement, je trouve cela quelque peu inadmissible. Nous travaillons tous. Nous gagnons notre vie, nous avons des hypothèques, nous achetons des voitures et nous apportons notre contribution à la société et c'est là notre dignité. Je crois que mépriser les travailleurs et ne pas tenir compte de leurs préoccupations est une grave erreur. Les travailleurs ne sont pas la cause du problème. En fait, j'estime qu'ils sont en partie la solution. Nous avons clairement démontré que... Notre unité a augmenté sa productivité de 100 p. 100 depuis dix ans et c'est toute une réalisation. Pourtant je continue toujours à entendre dire que le problème ce sont les travailleurs.
En ce qui concerne le projet de loi C-101, le gouvernement fédéral a supprimé 95 p. 100 des subventions qu'il versait à l'industrie des chemins de fer dans le budget de février. Ce projet de loi supprimera en fait le peu qui reste. La LTGO a disparu le 1er août. Nous commençons a en constater les conséquences. Il y a de gros problèmes à résoudre dans notre pays si nous voulons un système ferroviaire viable.
La commission d'examen de l'ONT a découvert qu'en 1990-1991, les subventions affectées à l'infrastructure routière au Canada s'étaient montées à 4,6 milliards de dollars et ceci après déduction des taxes sur les carburants et des droits de permis. Les usagers de la route n'assument que 65 p. 100 des coûts de l'infrastructure.
Le gouvernement de l'Ontario estime le coût des accidents à environ 9 milliards de dollars par an. Si ces statistiques étaient appliquées à l'ensemble du Canada, nous arriverions à 29 milliards de dollars par an.
Pour remettre les choses en perspective, disons que le projet de loi C-101 a pour objet d'économiser environ 0,1 milliard de dollars de coûts ferroviaires en déréglementant les abandons de ligne. C'est ironique parce que l'élimination de ces lignes fera augmenter automatiquement les coûts de l'infrastructure routière. Il y aura transfert modal du rail à la route. Les spécialistes sont unanimes à dire que d'une manière générale, un transport qui commence par la route atteint généralement sa destination par la route sans jamais l'avoir quittée, bien que les liaisons intermodales aient fait quelques progrès.
Selon la Commission royale sur les transports, au Canada, le semi-remorque moyen bénéficie annuellement d'une subvention de 10 000$ même compte tenu des taxes sur les carburants et des droits de permis.
Le gouvernement a choisi le recouvrement des coûts pour les chemins de fer mais pas pour les camions qui sont le principal concurrent de ceux-ci. La concurrence aujourd'hui ne se fait pas entre les sociétés ferroviaires mais avec les camions. Elles sont passées de 70 p. 100 de part de marché à 30 p. 100. Il n'y a pas eu transfert d'un chemin de fer à un autre mais au camion.
Le budget du 27 février a éliminé l'aide au transport routier dans les Maritimes, qui représentait environ 75 millions de dollars par an, mais cela représente moins de 2 p. 100 du total de la subvention annuelle accordée à l'infrastructure routière.
Pour ce qui est du transport maritime - et nous ne sommes certes pas spécialistes en la matière et nous nous contenterons d'un simple commentaire - les subventions annuelles se montent à environ 1,1 milliard de dollars. Le recouvrement du gouvernement est d'environ 5 p. 100. Des mesures sont prises pour accroître le recouvrement dans la voie maritime mais actuellement l'administration de la voie maritime fait l'objet de fortes pressions - je suis sûr que vous ne l'ignorez pas - l'incitant à éliminer ses péages.
Les dispositions relatives à l'accès concurrentiel comme l'arbitrage et les prix de ligne concurrentiels ont durement touché financièrement à la fois le CN et le CP. On les a mis en concurrence avec les chemins de fer américains alors que ces derniers n'ont pas les mêmes dispositions permettant au CN et au CP d'avoir accès à leur trafic marchandise. Les chemins de fer américains peuvent faire payer des tarifs plus élevés à leurs clients captifs et encourager ceux qui pourraient avoir droit à des prix de ligne concurrentiels à profiter des tarifs moins élevés, les clients captifs payant la différence.
Dans le contexte de l'Intermodal Surface Transportation Efficiencies Act des États-Unis, le gouvernement fédéral investit dans des projets intermodaux qui avantagent les compagnies de transport ferroviaire de marchandises. On construit actuellement un nouvel accès ferroviaire au port de Houston et des gares rail-route dans l'Ohio et dans le Maine. Le réseau national routier désignera, au nom de l'intérêt national, les tronçons qui mèneront à des gares intermodales.
Le camionnage commercial aux États-Unis est également lourdement subventionné par les infrastructures routières inter-États. Il n'en assume que 50 p. 100 du coût.
Nous avons comparé les lois canadiennes et américaines existantes parce que je ne cesse d'entendre dire que les États-Unis nous montrent la réponse à nos problèmes et qu'il faudrait adopter leur solution. C'est d'ailleurs à mon avis l'objectif de la déréglementation de l'industrie des transports à la suite de l'adoption de la Loi Staggers en 1980.
La Staggers Act contient un barème pour les compagnies ferroviaires de transport de marchandises mais cette disposition de tarifs maximums n'entre en vigueur que si les recettes de la compagnie atteignent un seuil donné. Aujourd'hui aux États-Unis, il n'y a qu'une seule compagnie qui fait des bénéfices et pourtant nous persistons à dire que c'est l'exemple à suivre.
Les États-Unis avaient certains objectifs en 1980 lorsqu'ils ont procédé à la déréglementation au moyen de la Staggers Act. Leur industrie de transport ferroviaire était probablement dans le même état que la nôtre actuellement ou dans un état pire. La nouvelle loi devait aider les chemins de fer à se rétablir. Elle l'a fait en veillant à ce que les chemins de fer aient des revenus adéquats - des revenus qui leur permettent de fonctionner et d'attirer les investissements.
Je vous lis les objectifs de la loi, que je considère comme importants. L'article 3 prévoit ce qui suit:
- L'objet de cette loi est de permettre le rétablissement, le maintien et l'amélioration des
installations physiques et de la stabilité financière du réseau ferroviaire. Ainsi, les objectifs de
la présente loi sont les suivants:
- (1) aider les chemins de fer de la nation à rétablir le réseau ferroviaire afin de satisfaire à la
demande du commerce inter-États et de la défense nationale;
- (2) réformer le cadre réglementaire fédéral de façon à garantir un système ferroviaire sûr,
adéquat, économique, efficace et stable sur le plan financier;
- (3) aider le réseau ferroviaire à rester viable à l'intérieur du secteur privé de l'économie,
- (4) établir un processus réglementaire qui tienne compte des besoins des transporteurs, des
expéditeurs et du public; et
- - c'est probablement l'objectif le plus important -
- (5) aider au rétablissement et au financement du réseau ferroviaire.
Les dispositions relatives à l'abandon aux États-Unis sont également très différentes de celles qui se trouvent dans le projet de loi C-101. Je ne vais pas les mentionner, elles sont décrites dans notre mémoire. Il suffit de dire qu'elles sont passablement différentes. Le test de l'intérêt public, quant à lui, reste le même aux États-Unis.
Le principe vaut pour les chemins de fer d'intérêt local. Le test de l'intérêt public s'y applique. La différence fondamentale par rapport à la situation au Canada est qu'un chemin de fer qui transporte des produits à partir d'un point ou vers un point se trouvant sur une ligne inter-États relève de la réglementation fédérale. Ce trafic fait partie du commerce inter-États.
Le problème au Canada est qu'on fait intervenir la compétence provinciale pour casser les syndicats. C'est la seule raison pour laquelle le concept des lignes secondaires est si populaire; c'est un moyen de casser les syndicats. C'est aussi simple que cela.
Un autre aspect de la législation américaine est qu'elle protège, en vertu de la Railway Labor Act, les employés touchés par la vente ou l'abandon de lignes - surtout la vente de lignes.
En conclusion, nous devons envisager un réseau ferroviaire viable et un développement durable. Nous devons faire entrer dans ce projet de loi la notion d'une évaluation environnementale de l'abandon d'exploitation, nous devons essayer de voir qu'elles peuvent être les répercussions possibles de l'abandon d'exploitation. De façon générale, un tel abandon signifie un plus grand nombre de camions sur la route.
Nous devons également mieux utiliser le réseau ferroviaire dont nous disposons. Je me souviens qu'à peu près à l'époque où le CP a mis fin aux opérations de la Canadian Atlantic Railways, à cause d'une perte de 18 millions de dollars, la province de Nouveau-Brunswick annonçait qu'elle devait investir 200 millions de dollars dans l'infrastructure routière parce que cette dernière ne répondait plus à la demande. Il me semble qu'il y avait là une solution.
Une des erreurs que nous faisons dans ce pays est de considérer les modes de transport seulement, de ne pas voir l'ensemble du réseau de transport.
Je vais terminer là-dessus.
Le président: Merci, monsieur Housch. Nous avons apprécié votre exposé.
Monsieur Gouk.
M. Gouk: Je vais céder mon tour pour l'instant, monsieur le président. J'aurai peut-être une question plus tard.
Mme Sheridan (Saskatoon - Humboldt): Je comptais sur M. Gouk; je suis encore en train de prendre des notes.
Le président: Je peux demander à M. Fontana de passer en premier, si vous voulez.
Mme Sheridan: Très bien.
M. Fontana: Merci, monsieur Housch. Je pensais que vos propos étaient très sensés jusqu'à ce que vous nous disiez que la création des lignes secondaires avait pour but de casser les syndicats. C'est une idée tout à fait ridicule. Je vous signale - et ces gens font peut-être partie de vos syndicats - que le CN a créé une ligne secondaire interne dans le nord du Québec -
M. Housch: C'est le syndicat qui l'a créée.
M. Fontana: Avec la collaboration de CN, quand même. Cette ligne fonctionne très bien. Comment pouvez-vous dire que les lignes secondaires ont pour but d'éliminer les syndicats.... C'est irresponsable de votre part.
Deuxièmement, Gary, c'est mal comprendre la dimension constitutionnelle de note fédération. Il y a des éléments du secteur des transports, comme le camionnage et les chemins de fer intérieurs, qui relèvent de la compétence provinciale; ce serait peut-être une bonne chose que le gouvernement fédéral puisse imposer sa volonté aux gouvernements provinciaux à certains égards, mais ce n'est pas ainsi que notre fédération fonctionne.
Je suis entièrement d'accord avec vous lorsque vous parlez de ce que nous devons faire pour les chemins de fer et, donc, les cheminots, de la nécessité pour nous de demeurer concurrentiels et d'avoir des règles du jeu équitables et du fait que tout cela dépasse le seul cadre du projet de loi C-101. Il est à espérer que le comité examine les transports dans leur ensemble afin que nous puissions vraiment demeurer concurrentiels et continuer d'exporter.
Vous avez indiqué que pour les chemins de fer, l'impact global du projet de loi C-101 était de l'ordre de 0,1 milliard de dollars.
M. Housch: Pour ce qui est des subventions fédérales.
M. Fontana: Je me demande si vous pouvez nous expliquer comment vous en êtes arrivé à ce chiffre.
M. Housch: En réalité, le projet de loi C-101 élimine les subventions de transport des voyageurs pour l'Algoma Central Railway -
M. Fontana: Non.
M. Housch: L'Ontario Northland Railway -
M. Fontana: Non.
M. Housch: Non?
M. Fontana: Non. De toute évidence, vous n'avez pas appris la nouvelle -
M. Housch: Elles ne sont pas éliminées nécessairement. Le ministre peut user de son pouvoir discrétionnaire. Il reste que ces fonds du gouvernement fédéral étaient assurés en vertu de l'ancienne loi. Ce n'est plus le cas. Le ministre a un pouvoir discrétionnaire, j'en conviens.
M. Fontana: Les fonds seront maintenus. Vous ne pouvez donc pas dire qu'ils sont éliminés.
Voulez-vous dire que la valeur de ce projet de loi C-101, pour ce qui est d'une plus grande déréglementation des chemins de fer de façon à ce qu'ils deviennent plus concurrentiels, s'établit à 100 millions de dollars? Si c'est le cas, pourquoi nous engageons-nous dans toute cette démarche?
M. Housch: Je vous pose la question, justement. Je pense que le projet de loi C-101 est une réaction visant en partie à encourager les chemins de fer et à faire quelque chose pour eux. Je ne crois pas qu'il aille suffisamment loin, il est seulement une étape.... L'idée de la déréglementation est mauvaise au départ. C'est ma position. Cependant...
M. Fontana: Excusez-moi, mais vous citez des grands bouts de la Staggers Act, sans doute la loi la plus axée sur la déréglementation des chemins de fer dans l'histoire de l'Amérique du Nord. Vous jugez la déréglementation mauvaise, mais vous citez largement la Staggers Act afin de démontrer que la déréglementation donne de bons résultats. Elle donne de bons résultats aux États-Unis, mais non pas ici.
M. Housch: Je me demande si la Staggers Act veut vraiment dire déréglementation. Ce que nous avons nous, comme M. Abbot l'a indiqué, c'est une demi-mesure. Nous ne déréglementons pas. Nous continuons d'essayer de réglementer. Il y a les prix de ligne concurrentiels, l'arbitrage...
M. Fontana: C'est ce que je dis.
M. Housch: - et bien d'autres choses encore.
M. Fontana: Vous voulez dire que nous devrions renoncer à cette réglementation dans le projet de loi C-101?
M. Housch: Je vous répondrai de cette façon. Il y a place...
M. Fontana: Non, non - répondez-moi par oui ou non. Vous ne pouvez pas me répondre à moitié.
M. Housch: La question ne se prête pas à une réponse par oui ou par non. Vous ne pouvez pas me limiter ainsi.
Vous m'avez posé quatre questions en réalité. Je vais essayer de répondre à chacune du mieux que je pourrai.
Je pense que la déréglementation est mauvaise au départ. Il doit y avoir une surveillance essentielle de la part du gouvernement. Il peut sembler à prime abord avantageux d'abandonner une ligne quelconque alors que cet abandon risque de coûter cher au pays.
Je prends la Saskatchewan comme exemple. La Saskatchewan fait face à un défi de taille avec la disparition de la LTGO et le regroupement des élévateurs. Elle pourrait avoir à assumer des dépenses supplémentaires de 96 millions de dollars par année au titre de l'entretien des routes. Qu'aurions-nous accompli? Nous aurions réalisé des économies, mais forcer quelqu'un d'autre à assumer des frais supplémentaires. Nous devons tenir compte de tous les facteurs lorsque nous prenons ce genre de décisions.
Pour ce qui est de votre accusation selon laquelle je suis irresponsable lorsque je dis que les lignes secondaires ont pour but de casser les syndicats, je voudrais dire deux choses. D'abord, je conviens avec vous que notre constitution nous impose certains paramètres. Je vous signale cependant également qu'avant 1987 - c'était peut-être aussi dans la loi de 1987, parce qu'une loi rétroactive a été adoptée après le début des activités de la Central Western Railway - les chemins de fer étaient considérés comme dans l'intérêt général du Canada. C'était dans l'ancienne loi sur les chemins de fer. En vertu de la Constitution, donc, les chemins de fer relevaient du gouvernement fédéral. L'Algoma Central Railway, qui mène toutes ses activités à l'intérieur de la province de l'Ontario, relevait de la réglementation fédérale sous l'ancienne Loi sur les chemins de fer.
Pour faire disparaître les obligations du successeur - on en parle tous les jours dans les journaux - il faut pouvoir acheter de l'autre société une ligne qui se trouve entièrement à l'intérieur d'une province; on peut ainsi contourner le Code canadien du travail en ce qui concerne les obligations du successeur à l'endroit des syndicats sur cette ligne. C'est ce qui s'est produit dans la Goderich-Exeter Railway Company Ltd., ainsi que dans le cas de RailTex. On peut certainement dire que c'est une façon sûre d'éliminer un syndicat.
Je suis d'accord avec vous. Je suis fier de l'entente intervenue dans le nord du Québec. Nous en sommes arrivés à une solution dans ce cas. Nous pouvons faire la même chose ailleurs. Cependant, l'industrie doit être prête à agir à cet égard, et on ne fait que commencer à y penser.
Je rappelle que cette ligne a été mise en vente. Le CN voulait la vendre. Ce sont les syndicats qui ont communiqué avec le CN pour essayer de trouver une solution de rechange. Voyons les choses telles qu'elles sont. Nous sommes fiers de cette réalisation. Nous avons dû négocier dur, mais nous avons réussi. Nous pouvons faire la même chose ailleurs, mais nous devons procéder avec plus de circonspection.
Je crois beaucoup aux négociations tripartites, à l'intervention de toutes les parties intéressées afin de voir quelles sont les solutions. Je pense que ce pourrait être une façon de procéder dans ce cas-ci. Je vois beaucoup d'organismes où sont représentées trois ou quatre parties - les chemins de fer, les syndicats, les expéditeurs et le gouvernement. Il pourrait y en avoir un, fut-il ponctuel. Je pense qu'il pourrait être utile à tous les intéressés.
Le président: Merci, monsieur Fontana.
Madame Sheridan.
Mme Sheridan: Merci. Je vous souhaite la bienvenue.
Je me dois de répondre à certaines de vos affirmations, parce que j'ai fait partie du groupe de travail chargé d'examiner la privatisation du CN et que j'ai déjà entendu ces arguments. Il m'apparaît que vous êtes ici pour jouer un rôle bien précis et que vous avez un style oratoire qui convient très bien aux circonstances. Je ne suis pas sûre cependant qu'il vous aide beaucoup à réaliser ce que vous dites être un de vos objectifs: faire en sorte que les syndicats participent à l'élaboration de solutions dans le cadre du processus dont vous venez de parler pour convier à la table toutes les parties intéressées.
Je suis de la Saskatchewan. Je me dois de contester vos propos, comme l'a fait M. Fontana, selon lesquels les chemins de fer d'intérêt local relèvent de la compétence provinciale et c'est là une façon de casser les syndicats. En Saskatchewan, l'argument de la compétence provinciale ne tient pas parce que le gouvernement NPD de la province a des lois qui empêchent ce genre de choses. Certains font valoir l'argument contraire selon lequel ce sont les lois provinciales qui nuisent au développement des lignes secondaires. L'envers de la médaille est que vous soutenez qu'on ne peut pas casser les syndicats...
M. Housch: Exactement.
Mme Sheridan: Voilà justement la difficulté. Votre exposé est si axé sur le syndicat et sur la protection de ses membres qu'à mon avis, il contredit - car les actes sont plus éloquents que les paroles - votre objectif d'amener les parties intéressées à trouver une solution qui permettra d'offrir un bon système de transport dans toutes les régions du pays.
Je puis vous affirmer que ce projet de loi représente un pas en avant dans l'élaboration d'une politique nationale des transports qui tient compte des réalités financières et qui reconnaît, comme vous l'avez dit à maintes reprises, que le Canada est différent des États-Unis. Notre motivation n'est pas uniquement financière. Si vous lisez la déclaration qui figure à l'article 5, vous constaterez qu'elle est tout à fait différente de celle que vous avez citée dans la législation américaine. Notre loi reconnaît effectivement l'importance du développement économique régional et le respect des domaines de compétence provinciaux et fédéraux, et ainsi de suite.
Par conséquent, ce n'est pas la position égoïste du syndicat que je veux entendre, mais plutôt la façon dont le syndicat va participer à la recherche de la solution. Que feriez-vous pour vous assurer que les parties intéressées se mettent ensemble, non pas uniquement pour faire avancer leur dossier personnel mais pour faire des propositions concrètes et raisonnables qui seront acceptables pour le plus grand nombre possible dans le cadre d'un consensus quelconque?
Vous avez cinq minutes.
M. Housch: C'est une question difficile. Je ne sais pas si je pourrai y répondre même si vous me donniez une heure. Je pense qu'il faut de la volonté, de la reconnaissance, et je pense que les parties commencent à reconnaître que nous sommes peut-être dans une crise et qu'il faut y remédier. La crise ne touche pas seulement le secteur ferroviaire. Elle touche l'ensemble du système des transports au Canada. D'après ce que j'ai entendu chez les camionneurs et d'après ma petite expérience dans le secteur aérien, je dirais qu'il y a probablement beaucoup de gens qui aimeraient vraiment que l'on fasse quelque chose.
Il est très difficile de savoir comment procéder. À moins que le gouvernement n'encourage la mise en place d'un arrangement formel ou informel quelconque, je ne sais pas si la situation va jamais changer. Toutefois, il existe beaucoup de choses sur lesquelles la plupart des parties pourraient généralement s'entendre. Par exemple, l'abandon d'exploitation. Les questions relatives aux abandons à courte vue pour des gains à court terme pourraient être réglées assez rapidement. Je crois que les expéditeurs ont certainement des préoccupations à ce sujet, de même que les syndicats et, d'une autre manière, les compagnies de chemins de fer. Quoi qu'il en soit, on peut sans doute trouver des solutions si tout le monde y met du sien.
Je pense que je me suis peut-être exprimé un peu fermement à cause de mes racines. Mais en toute honnêteté, je pense que le mouvement syndical a été très marginalisé dans les débats d'aujourd'hui, et c'est peut-être pourquoi nous parlons un peu plus fort que nous ne le devrions. Cependant, nous avons vu de nombreux cheminots perdre leur emploi - en fait, il en a été de même pour la plupart des employés du secteur des transports. Ce sont des gens qui veulent gagner leur vie et avoir la dignité que confère un emploi. C'est peut-être de là que vient ma frustration, et je m'en excuse sincèrement.
Le président: Je pense que le message est compris, mais vous avez été un peu rude au début de votre témoignage. Cependant, ne pensez-vous pas que la création de lignes secondaires, loin d'être une attaque contre les syndicats, est un moyen de préserver des emplois là où on les aurait peut-être tous perdus en fin de compte? Les lignes secondaires n'ont pas pour but de faire disparaître les syndicats, même si cette disparition peut en découler. Votre message a été reçu. Seulement, notre intention n'est pas d'éliminer les syndicats, mais de préserver les emplois, même si la dissolution du syndicat peut découler de la création d'une ligne secondaire.
M. Housch: Je suis d'accord avec vous dans une certaine mesure. C'est ce qu'à dit Mme Sheridan. Dans les provinces dirigées par un gouvernement du NPD - et l'Ontario en est un exemple...
Le président: En était un exemple.
M. Housch: Exactement - en était un exemple. D'aucuns se sont répandus en injures, estimant que la Loi 40 empêchait la création des lignes secondaires. Si enfin la disposition relative aux droits du successeur ne pose aucun problème, cela m'indique clairement que, si les sociétés sont des acheteurs potentiels des lignes secondaires, la syndicalisation pose un problème. Les sociétés ne veulent pas de syndicat.
Le président: Je ne veux pas sortir du sujet pour débattre de la Loi 40 ici, c'est certain.
Monsieur Gouk, êtes-vous prêt?
M. Gouk: Je pourrais peut-être m'aventurer également sur ce terrain, mais je pense qu'on en a suffisamment parlé.
J'ai quelques questions. Dans la liste des amendements que vous proposez, vous voulez que l'on ajoute un paragraphe 3 à l'article 53, mais à la première ligne de votre texte, il y a des prévisions de coûts au paragraphe 1(3). S'agit-il plutôt du 1(c)?
M. Housch: Oui, en effet. Excusez-moi.
M. Gouk: Au point suivant, qui porte essentiellement sur les offres relatives à la vente ou à l'abandon d'une ligne ferroviaire, dois-je comprendre que vous seriez beaucoup plus favorable à la création d'une ligne secondaire intérieure qu'à la vente de la compagnie afin de créer une ligne secondaire qui, comme vous l'avez dit, entraîne la disparition du syndicat - intentionnellement ou non?
M. Housch: Eh bien, absolument. Je pense que les intervenants du secteur doivent trouver des solutions. Nous l'avons montré. Nous devons redoubler d'effort, et j'assume une partie de cette responsabilité. Je pense aussi que nous devons travailler davantage au sein de notre secteur. Nous avons une industrie très mûre qui n'a pas beaucoup de marge de manoeuvre pour augmenter ses recettes. Ce n'est qu'en se fracturant que l'industrie peut vraiment aspirer à la croissance. Il y aurait au moins de la croissance dans les lignes secondaires même si l'ensemble du secteur stagne.
M. Gouk: Voyez-vous, l'un des problèmes réside dans le fait que les lignes secondaires - vous dites qu'elles tuent les syndicats et que les entreprises veulent s'éloigner de ces derniers - sont extrêmement courtes. Étant donné qu'elles sont si courtes et que leurs activités sont si réduites, elles n'ont pas les ressources nécessaires pour embaucher un grand nombre d'employés susceptibles de se spécialiser dans des secteurs particuliers. Par conséquent, les descriptions de poste et les types d'emploi qu'un employé peut occuper sont beaucoup plus nombreux que dans une compagnie de chemin de fer nationale disposant d'une gamme plus vaste d'emplois spécialisés. C'est à ce niveau que se situe l'urgence. L'objectif visé n'est pas d'éliminer les syndicats. C'est en essayant de rationaliser les lignes secondaires que l'on finit invariablement par éliminer les syndicats.
L'article 145, qui figure également sur la liste, énonce la procédure à suivre pour montrer qu'on a consulté la population et tenu compte de sa position, et qu'on a ensuite consulté le gouvernement fédéral et peut-être aussi les autorités provinciales et municipales. Avez-vous envisagé une procédure semblable qui permettrait aux chemins de fer de montrer qu'ils ont essayé de mettre sur pied une ligne secondaire interne avec les syndicats avant de consulter quelqu'un d'autre? Voyez-vous la nécessité d'envisager une disposition semblable?
M. Housch: Pour être honnête avec vous, je n'y ai jamais pensé. Mais ce serait une excellente idée d'envisager un tel mécanisme dans la loi. Je pense que c'est très intelligent. En fait, je pense que l'entreprise - et même le syndicat - devraient être tenus d'essayer de parvenir à une entente avant d'aller plus loin. C'est très logique et je pense que c'est une excellente proposition.
M. Gouk: Puis-je m'attendre à ce que votre syndicat et les autres engagiez un débat pour élaborer une proposition quelconque à cet effet et me l'envoyer le plus rapidement possible?
M. Housch: Avec plaisir. C'est une excellente idée.
M. Gouk: Merci.
J'en ai terminé, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Gouk.
M. Nault.
M. Nault (Kenora - Rainy River): Merci, monsieur le président.
Garry, j'ai lu votre mémoire, j'ai du mal à déterminer si vous êtes pour ou contre le projet de loi C-101. Je pense qu'il est important de le savoir.
En ce qui me concerne, bien entendu, je connais le mandat d'un syndicat, peut-être plus que quiconque dans cette salle, car j'ai travaillé pour un syndicat pendant un certain nombre d'années. Le mandat d'un syndicat consiste tout d'abord à protéger ses membres.
Le problème évident auquel le secteur ferroviaire a été confronté au cours des dix dernières années est dû en partie à de nombreuses pertes d'emploi, et ce pour un certain nombre de raisons. L'on pourrait dire que l'une de ces raisons est que la loi de 1987, qui était axée sur les expéditeurs, a créé des problèmes économiques considérables pour les compagnies ferroviaires et pour l'ensemble du secteur, d'où la nécessité de négocier avec les syndicats - et cela s'est peut-être déroulé de façon déloyale - afin de compenser les pertes, parce que le gouvernement avait érigé des obstacles devant le secteur ferroviaire.
Si j'ai bien compris, ce projet de loi vise à équilibrer les choses afin que les compagnies ferroviaires puissent être rentables, ce qui serait évidemmment une bonne chose pour les travailleurs de ce secteur.
Dans votre exposé, vous avez insisté sur certains problèmes qui vous préoccupent. Par exemple, vous vous demandez s'il faut créer des lignes secondaires ou abandonner des lignes. Honnêtement, du point de vue syndical, je pense qu'il est assez évident pour nous tous que nous sommes en face de deux options. Soit nous acceptons d'autres types de compagnies ferroviaires différentes des grandes sociétés actuelles, et je pense évidemment aux lignes secondaires, soit nous acceptons que si nous voulons avoir un secteur ferroviaire rentable au Canada, il faudra abandonner de nombreuses lignes à cause de la concurrence qu'elle se livre.
Une fois de plus, en tant que syndicat - et mes propos ne sont peut-être pas si différents de ceux de M. Abbot - vous ne pouvez pas avoir les deux. Soit vous vous efforcez de protéger les employés en donnant aux compagnies la possibilité d'être compétitifs, soit vous faites du militantisme en critiquant le virage à droite ou à gauche du gouvernement.
Nous ne pouvons vraiment pas faire grand'chose pour combattre le manque d'intérêt des provinces à l'égard des droits de succession. Les gouvernements provinciaux sont élus démocratiquement. Ils ne veulent pas de droit de succession chez-eux. Je n'y peux vraiment pas grand'chose. C'est peut-être la raison pour laquelle toutes les compagnies veulent prêter avec les provinces: elles ne veulent pas avoir à faire aux droits de succession prévu par le fédéral. Nous les avons déjà, comme vous le savez bien.
J'aimerais donc savoir, de votre point de vue, si votre syndicat estime qu'il s'agit d'un bon départ, d'un mauvais départ ou d'une initiative complètement mal orientée. Peut-être préférez-vous conserver la LTN de 1987 telle quelle, loi qui, à mon avis, n'a pas été très bonne pour l'ensemble des syndicats.
J'aimerais savoir si vous appuyez le projet de loi dans une certaine mesure ou si vous le rejetez tout simplement. Quelle est exactement votre position? Dans le mémoire que j'ai lu ce matin, vous ne nous avez vraiment rien dit à ce sujet, sauf qu'il y a beaucoup de choses que vous ne souhaitez pas.
M. Housch: Je pense que vous avez probablement raison. Nous appuyons le projet de loi C-101 dans une certaine mesure. Nous avons des préoccupations relatives à l'impact environnemental des abandons, à leur incidence sur les emplois et aux questions syndicales sur les lignes secondaires.
Nous avons des préoccupations au sujet de la LTN DE 1987, mais en ce qui concerne vos observations relatives aux droits de succession, la modification de la loi sur les chemins de fer a mis fin aux droits de succession pour les syndicats, car il ne s'agissait plus d'une ligne vendue intégralement dans une province ni d'une entreprise fédérale. Avant ce changement, ce domaine relavait du gouvernement canadien et il était géré dans l'intérêt national. La modification de la Loi sur les chemins de fer a supprimé les droits de succession en ce qui concerne les lignes secondaires.
M. Nault: En effet, c'était en 1991 ou 1992. Ce sont les conservateurs qui l'ont fait.
M. Housch: Sauf tout le respect que je dois au domaine de compétence provinciale, cela a été fait par le gouvernement fédéral. À l'époque, le gouvernement a décidé de permettre à ces lignes de se placer sous l'autorité provinciale au lieu de conserver son pouvoir législatif à leur égard. C'est ce qui a permis aux compagnies ferroviaires de vendre des lignes secondaires au mépris des droits du successeur.
M. Nault: Je reviens à la question originale. Serait-il exact d'affirmer que, d'une manière générale, votre syndicat appuie l'orientation de ce projet de loi, qui vise à rendre le secteur ferroviaire plus rentable, plus concurrentiel et plus viable du point de vue économique? Il y a deux options ici. Nous pouvons adopter la démarche socialiste d'extrême gauche, qui consiste à racheter toutes les compagnies de chemin de fer et les exploiter avec l'argent du contribuable. C'est la première option.
M. Housch: C'est le cas du CN.
M. Nault: En effet.
Des voix: Oh. Oh!
M. Nault: Nous essayons de changer cette situation parce que le gouvernement n'a pas d'argent. Nous pouvons essayer d'augmenter les impôts, mais vos membres vous diront ce qu'ils m'ont dit, à savoir qu'il ne faut même pas tenter de le faire parce qu'ils paient déjà assez d'impôt.
D'une part, je sais ce que vos membres pensent de l'impôt et, d'autre part, je sais que le CN a été subventionné pendant de nombreuses années avec l'argent des contribuables. Nous essayons de changer le système pour que cette compagnie soit compétitive et rentable et pour que vous conserviez vos emplois.
Le projet de loi C-101 permettrait-il d'atteindre cet objectif? Si tel n'est pas le cas, dites-le nous maintenant. En tant que syndicat, si vous préférez que nous achetions toutes les lignes pour les exploiter... Nous pourrions également acheter le CP, car dans la conjoncture actuelle, cette compagnie est également dans une situation désespérée. Elle n'est pas rentable et elle le dit. Si elle ne l'est pas, on demandera au gouvernement du Canada de l'acheter. On lui dira de ne plus vendre le CN, mais d'acheter le CP, car la compagnie ne peut pas être rentable parce que nous ne lui donnons pas la possibilité de fonctionner comme une entreprise.
L'argumentation de certains expéditeurs est vraiment intéressante. Je n'ai pas eu l'occasion de leur parler à tous, mais jusqu'ici, après les avoir entendus, je crois qu'ils ne considèrent pas les compagnies ferroviaires comme des entreprises commerciales. Ils estiment que ce sont des infrastructures qui doivent être entretenues par le gouvernement du Canada et, par conséquent, peu importe le montant d'argent que les compagnies ferroviaires perdent. Les expéditeurs pensent que les politiciens doivent s'occuper des chemins de fer. Voilà l'un de leurs arguments.
De plus, je pense que les chemins de fer sont comme les compagnies de camionnage et de transport maritime. Ils doivent gagner de l'argent et ils en ont le droit. Je voudrais que les travailleurs et les travailleuses des chemins de fer nous disent si nous allons dans la bonne direction ou si nous nous trompons.
M. Housch: Je pense que le projet de loi est nettement meilleur que la LTN de 1987. Il s'agit d'un pas dans la bonne direction. Si votre intention est d'améliorer la viabilité des chemins de fer, nous devons le préciser dans le projet de loi. Inscrivons-le. Si votre intention est de respecter et d'encourager la sécurité et les droits des travailleurs, inscrivons-le dans la loi. Si tel n'est pas le cas, ne l'inscrivons pas. Mais si l'intention est d'accroître la viabilité des chemins de fer, d'en promouvoir la croissance et de les encourager à conserver autant d'infrastructures que possible, nous devons l'écrire dans la loi.
Les chemins de fer - et l'ensemble du secteur des transports au Canada - constituent le moteur économique du pays. Si nous n'avons pas un système de transport - routier, ferroviaire ou aérien - viable et efficace, notre économie va en souffrir. Et les collectivités qui vont perdre les services dont elles disposent maintenant vont en souffrir. C'est ce que les expéditeurs essaient de vous dire. Il est très important que nous étudiions la question.
M. Nault: Oui.
Le président: Monsieur Althouse, allez-y.
M. Althouse (Mackenzie): Mes collègues ont posé certaines questions qui présument que parce que vous représentez un syndicat, votre seul intérêt est de créer des chemins de fer qui vous permettent à vous et aux membres de votre syndicat de gagner leur vie. Et pourtant, étant donné que je suis toujours le dernier à prendre la parole, j'ai eu le temps de lire votre exposé.
Mme Wayne: Non, c'est moi qui suis la dernière.
M. Althouse: Ah bon, c'est vous qui l'êtes aujourd'hui?
Mme Wayne: Je suis toujours la dernière ici. C'est le seul comité où je le sois du reste.
Des voix: Oh, oh!
M. Althouse: De toute façon, dans le dernier tiers de votre exposé, sur lequel vous ne vous êtes pas attardé, vous faites des comparaisons intéressantes entre ce projet de loi et la Staggers Act. Étant donné que ce qui sous-tend les dispositions de cette loi semble être la concurrence et la capacité à concurrencer au-delà des frontières, ce que vous dites ici est fort intéressant. Vous dites que dorénavant les chemins de fer n'auront plus pour première priorité l'intérêt public au Canada. Vous dites que cet objectif sera abandonné et pourtant la Staggers Act garantit la restauration et le financement du réseau de chemins de fer et veille à ce que les chemins de fer fassent partie du réseau de transport nécessaire au commerce entre les États et au maintien des installations nécessaires à la défense nationale.
Vous exprimez des inquiétudes. Ainsi, vous semblez penser que les dispositions de ce projet de loi sont contraires à l'édification de la nation jusqu'à un certain point alors qu'on sait que la raison essentielle des chemins de fer était l'édification de la nation.
Cet aspect de la question intéresse-t-il le moindrement votre organisation? Vous inquiétez-vous strictement des emplois? Vous est-il égal de travailler pour une société de chemin de fer américaine ou canadienne? Les membres de votre syndicat ont-ils des inquiétudes à long terme quant au sort du Canada une fois que l'infrastructure aura été morcelée et que le service d'un océan à l'autre ne sera plus une exigence?
M. Housch: Je ne peux pas prédire l'avenir mais en vertu des dispositions de ce projet de loi, on peut facilement concevoir que nous serons tributaires des transporteurs américains pour la livraison des marchandises à l'avenir. Nous avons donc une décision à prendre. Les Canadiens souhaitent-ils avoir un réseau de transport canadien? Je vais vous citer un chiffre de mémoire: environ 70 p. 100 de tous les conteneurs qui quittent les ports de la côte ouest en direction de l'Est passent par les voies ferrées américaines.
Maintenant que l'on supprime la Loi sur le transport du grain de l'Ouest, bien des groupes d'agriculteurs, surtout au Saskatchewan, veulent expédier leurs céréales via les États-Unis. La Alberta Wheat Pool est en train de construire un terminal à Sweet Grass dans le Montana, sur la ligne du chemin de fer Burlington Northern. On envisage d'expédier des céréales canadiennes par camion jusqu'à ce terminal pour qu'elles puissent ensuite emprunter la Burlington Northern. Voilà donc un autre élément qu'il faut prendre en compte. Que restera-t-il de l'infrastructure canadienne?
M. Althouse: N'est-il pas vrai qu'une des raisons qui incite à procéder ainsi est le fait que les terminaux qui se trouvent aux extrémités, dans les ports, sont presque tous propriété du gouvernement américain et loués, à vils prix, aux usagers?
M. Housch: Actuellement, entre Saskatchewan et Vancouver, les tarifs de marchandises sont inférieurs à ceux qui sont exigés par la Burlington Northern même pour les tranches de wagons qui font le trajet entre Montana et Seattle. Et la seule chose qui fasse la différence, ce sont les frais d'entreposage. Aux États-Unis, les silos appartiennent à l'État ou encore à des compagnies céréalières qui les louent à un tarif très bas. Les compagnies céréalières américaines font des bénéfices en commercialisant les céréales et non pas en les entreposant, tandis qu'au Canada c'est l'inverse.
M. Althouse: Et aux États-Unis, le gouvernement subventionne le chargement et le déchargement des céréales du fait qu'il est propriétaire des terminaux, etc., n'est-ce pas?
M. Housch: C'est cela.
M. Althouse: Et le trafic intermodal sur les cours d'eau est lui aussi assez...
M. Housch: Le fleuve Mississippi est gratuit. La plupart des voies d'eau aux États-Unis sont très fortement subventionnées et en fait contrôlées par des exploitants américains. Je ne pense pas qu'un exploitant étranger puisse opérer sur les voies d'eau intérieures américaines.
Le président: Merci beaucoup.
La dernière et non la moindre, Elsie Wayne.
Mme Wayne: Merci, monsieur le président.
Oublions un instant que vous représentez les syndicats. À la page 10 de votre rapport vous parlez des subventions au transport routier et je trouve cela très inquiétant.
Mon collègue libéral de l'autre côté a déclaré que les expéditeurs s'attendaient à ce que l'on finance les voies ferrées parce qu'elles font partie de l'infrastructure. Je dirais que les compagnies de transport routier voient les routes de la même façon.
Pensez-vous que si notre comité et le ministère des Transports à Ottawa avaient fait une étude comparative de ce qu'il en coûte pour aménager et entretenir le réseau routier au Canada, la Transcanadienne d'un océan à l'autre, et de ce qu'il en coûte de maintenir un réseau ferroviaire, ils auraient découvert qu'il en coûte plus cher de maintenir le réseau routier à cause des poids-lourds que de maintenir le réseau ferroviaire?
M. Housch: C'est une très bonne question.
En 1993, nous avons demandé à un expert-conseil de préparer une étude comparative du camion et du train. Cette étude a porté sur tout ce qui est caché. Elle tenait compte du coût des permis, de la taxe sur le carburant, mais aussi des subventions versées en vertu de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest. On a découvert que pour une tonne-kilomètre de marchandises transportées par rail, le coût externe moyen était de 51. Par camion, il était de plus de 2,5 c. par tonne-kilomètre.
Si vous voulez un exemplaire de cette étude, nous pourrons vous la faire parvenir.
Mme Wayne: Oui, j'aimerais bien.
M. Housch: Je vais l'envoyer au greffier du comité.
Mme Wayne: Merci beaucoup.
Le président: Merci monsieur Housch. Nous vous remercions d'avoir présenté un mémoire au comité aujourd'hui. Nous allons en tenir compte dans nos délibérations.
M. Housch: Merci.
Le président: Nous accueillons maintenant les représentants des collectivités desservies par le chemin de fer Algoma Central en la personne du maire Jean-Marie Blier, maire de Hearst en Ontario.
Bienvenue monsieur. Pouvez-vous nous présenter les gens qui vous accompagnent aujourd'hui.
M. Jean-Marie Blier (maire, Hearst, Algoma Central Railway Communities): Merci, monsieur le président.
Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité. Permettez-moi de vous présenter les membres de notre délégation.
Le sous-préfet de Dubreuilville, Mme Thérèse Proulx; l'administrateur de Nord-Aski, Sylvie Fontaine; et Bruce Strapp, directeur exécutif de la Société de développement économique de Sault Ste Marie. Je m'appelle Jean-Marie Blier et je suis le maire de Hearst.
Nous les représentants des collectivités desservies par le chemin de fer Algoma Central sommes ici aujourd'hui pour exprimer le besoin d'une démarche permanente et transparente qui permettrait de déterminer si un service de passagers exige une protection législative et un appui financier.
Nous tenons à remercier les membres du comité de nous donner l'occasion de faire un exposé et par la même occasion, nous voulons remercier le ministre des Transports qui, le 29 septembre dernier, dans un communiqué, a bien expliqué que même si les dispositions du projet de loi n'offraient pas un mécanisme direct permettant de verser au chemin de fer Algoma Central Inc. une subvention pour exploiter son service passagers, les pouvoirs conférés à l'article 49 du projet de loi permettaient de conclure un contrat de subventions d'exploitation pour le service passagers du chemin de fer Algoma Central.
[Français]
Même s'il est clair dans le projet de loi C-101 que:
- 49. Le ministre peut, avec l'agrément du gouverneur en conseil..., conclure des accords de
mise en oeuvre de la politique nationale des transports... ou des accords sur les questions de
transport que le ministre estime indiquées.
- il n'y a rien dans cet article, ni dans aucun autre article du projet de loi qui obligerait une
compagnie à exploiter un service de trains de voyageurs, qu'une subvention soit requise ou non.
Il n'y a pas non plus de référence législative au montant de subvention que le ministre peut
autoriser, ni aucune référence à la durée d'une subvention avant révision. Finalement, le projet
de loi ne prévoit pas de révision indépendante majeure ou aucune autre forme de procédure
équitable, comme cela existe présentement dans la Loi sur les chemins de fer.
Les décisions subséquentes du Comité de transport par chemin de fer de 1977, 1982, 1987 et 1992 ont déterminé que
- le service de trains de voyageurs entre Sault-Sainte-Marie et Hearst... continue d'être un
service non économique
- et que
- l'auteur de la demande ne devra pas interrompre ses services de train-passager entre
Sault-Sainte-Marie et Hearst...
Il est important de noter que le ministre, de par le projet de loi C-101, n'est pas tenu de faire une telle révision. Il est approprié ici de citer un extrait de la décision la plus récente de l'Office national des transports du Canada, qui renvoie à des décisions antérieures exigeant la continuation du service.
[Traduction]
La décision la plus récente de l'Office national des transports se lit comme suit:
- Intérêt public
- La Corporation de la ville de Hearst s'en ait référée à la Décision no 647-R-1989 en date du 28
décembre 1989 par laquelle l'Office reconnaît implicitement qu'il y va de l'intérêt du public de
maintenir un service ferroviaire passagers.
- Dans ladite décision, en analysant l'incidence régionale des opérations ferroviaires, l'Office
déclare à la page 10 qu'il «...est toujours d'avis que le chemin de fer Algoma Central a une
importance économique et sociale capitale pour la région».
- Dans une décision précédente sur la même question, la Décision 34-R-1989, en date du 20
janvier 1989, l'Office déclare à la page 7, «que le chemin de fer Algoma Central est important et
dans certains cas essentiel pour les collectivités, les entreprises et les particuliers qui doivent
compter sur ses services» et conclut «...que le chemin de fer a une importance économique et
sociale fondamentale pour la région concernée».
En 1990, le Canada Consulting Cresap a mis à jour une étude socio-économique antérieure sur l'impact de la perte du service de trains de voyageurs. L'impact direct de dépenses liées au tourisme était de 5,4 millions de dollars sur le train, avec 17,5 millions de dollars additionnels dépensés dans les collectivités desservies par l'ACR, pour un total de 23 millions de dollars par année. Cette même étude soulignait les liens entre le transport de passagers et le transport de machandises et concluait que ni l'un ni l'autre ne pourrait survire seul.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, dans notre mémoire, nous présentons les conséquences relatives et l'importance du service régulier pour nos collectivités. Nous vous encourageons à lire ces passages, ou alors vous voudrez peut-être nous interroger sur ces répercussions à la fin de notre exposé. Nous croyons que la priorité pour nous est de vous convaincre de la nécessité d'établir une procédure équitable dans la loi.
[Français]
M. Blier: Le ministre a indiqué qu'il utiliserait l'article 49 du projet de loi C-101 pour continuer la subvention de trains de voyageurs à Algoma Central Railway Inc. Il est important que nous comprenions tous en quoi consiste cet article.
- 49. Le ministre peut, avec l'agrément du gouverneur en conseil et aux conditions précisées
par celui-ci, conclure des accords de mise en oeuvre de la politique nationale des transports
énoncée à l'article 5 ou des accords sur les questions de transport que le ministre estime
indiquées.
Il n'y a pas de règles pour déterminer la base sur laquelle cette subvention sera payée, ni sa durée, ni son montant, en dollars ou en pourcentage, ni les facteurs qui devront être utilisés pour la justifier. Même si le ministre peut conclure une entente, il doit avoir un partenaire bien disposé.
Il n'y a rien dans le projet de loi pour forcer une compagnie de chemin de fer qui veut se débarrasser de son service de trains de voyageurs à continuer à l'exploiter, que le service subisse une perte ou fasse un profit. Il semble y avoir un manque d'assurance des deux côtés.
Vous vous souviendrez que l'Office national des transports du Canada a une liste de sujets qu'elle doit prendre en considération: la perte réelle subie par le service de trains de voyageurs, les autres services existants, l'effet probable sur d'autres transporteurs si le service était autorisé à cesser, les besoins futurs en transport de la région et, naturellement, l'intérêt public.
Selon le projet de loi C-101, la décision relève entièrement du ministre.
[Traduction]
Mme Proulx: D'un groupe de politiciens à un autre, est-ce que cela ne ferait pas plus de sens que le sujet soit décidé par un organisme indépendant, comme le nouvel Office des transports du Canada, plutôt que de laisser le ministre vulnérable soit à des accusations de favoritisme politique ou à des accusations de ne pas se soucier des gens d'une région? N'est-il pas préférable d'avoir un ensemble de règlements définis que tout le monde connaît, comprend et avec lesquels tout le monde peut travailler, plutôt que de compter sur des considérations mal définies? Pour les communautés de l'ACR, le processus existant a bien marché depuis 1961, et nous croyons fermement que cela devrait continuer.
Monsieur le président, membres du comité, nous vous suggérons, à la page 15 de notre mémoire, une modification précise qui, d'après nous, répondra à nos préoccupations.
M. Bruce Strapp (directeur exécutif, Algoma Central Railway Communities): Avant de conclure, j'attire votre attention sur une déclaration publiée mercredi par la compagnie de chemin Algoma Central Railway Inc. Elle dit clairement que ACRI cessera de fournir un service régulier de transport de passagers en raison du montant actuel des subventions. C'est une raison de plus pour nous de souhaiter une protection législative.
Il est important pour le bien-être économique de nos collectivités que vous reconnaissiez que le maintien d'une subvention directe pour les transport de passagers permettra au gouvernement fédéral d'obtenir un important rendement sur son investissement. Il y a suffisamment d'emplois et de dépenses qui dépendent de cette ligne pour que le gouvernement puisse récupérer le montant de la subvention lorsque les travailleurs paient leurs impôts.
Pour nos collectivités, il est important de savoir que nous avons accès à un processus en bon et due forme et transparent et qu'il y a une disposition législative qui autorise le ministre ou le gouvernement à faire ce que nous leur demandons. Nous reconnaissons bien sûr qu'il y a deux subventions dans ce cas et nous voulons conserver les deux jusqu'à ce que nous trouvions les moyens d'assurer la rentabilité de cette entreprise.
Nous vous remercions encore une fois de nous avoir donné l'occasion de faire cet exposé et nous serons heureux de répondre à vos questions.
Le président: Merci.
[Français]
Cela fait plaisir de voir des personnes qui représentent les communautés desservies par l'Algoma Central Railway ainsi que les députés de Cochrane - Supérieur et d'Algoma.
[Traduction]
J'ai déjà vu ça. Lorsque des représentants des collectivités de M. St. Denis ou de M. Bélair sont à Ottawa, ceux-ci ne sont jamais trop loin et je suis heureux de voir que malgré leur emploi du temps très chargé, ils ont trouvé le temps de se joindre à nous aujourd'hui. Je vais inverser l'ordre habituel des questions pour faire changement et je vais commencer par M. St. Denis.
M. St. Denis (Algoma): Merci, monsieur le président.
Je vous souhaite la bienvenue à Ottawa. Aux fins du procès-verbal, sachez que la ligne qui relie Sault Ste. Marie et Hearst traverse la partie ouest de ma circonscription et dessert un certain nombre de très petites collectivités, dont celles du nord qui sont, en gros, celles qui sont représentées ici aujourd'hui.
Je comprends très bien le point de vue que vous exprimez dans votre mémoire. Je ne voudrais pas dire que les plans d'attaque ont été dressés, mais je suppose qu'à cause de l'annonce faite hier par Algoma Central Railway Inc., nous savons du moins quel est l'enjeu et nous pouvons maintenant en discuter.
J'aimerais profiter des quelques minutes dont je dispose pour vous demander de me décrire de votre mieux comment vous voyez les négociations entre toutes les parties intéressées et quels résultats vous pensez que ces négociations donneront. La compagnie propose soit une augmentation des tarifs, soit une réduction des services. Il y a peut-être d'autres mesures qui pourraient être prises. Étant donné que le monde change, peut-être que les gouvernements voient les choses de façon différente, mais en même temps, nous voulons tous maintenir un service ferroviaire qui est très important pour ces collectivités.
En laissant de côté les partis pris, si j'ose les appeler ainsi, ou les intérêts de clocher que l'on pourrait avoir, comment voyez-vous les résultats des négociations entre toutes les parties intéressées?
M. Strapp: Nous avons eu l'occasion de rencontrer des représentants de Algoma Central Railway qui a créé un groupe de travail. Je pense que tout le monde à la table des négociations reconnaît que le gouvernement fédéral veut cesser de verser des subventions. Nous le savons et nous comprenons que tous les niveaux de gouvernement veuillent se retirer de tout cela. Nous dirigeons des administrations locales et nous connaissons les mêmes difficultés financières.
Je pense que tout le monde veut travailler ensemble pour essayer de trouver les moyens de rendre cette entreprise viable, et nous examinons divers scénarios où nous négocions en tant que collectivités. Nous allons examiner les tarifs et les horaires pour essayer de réduire les coûts pour un jour ne plus avoir besoin à la fois des subventions de la compagnie de chemin de fer et de celles du gouvernement fédéral et dans l'espoir même que la compagnie de chemin de fer obtiendra un rendement sur son investissement et que nous pourrons continuer à offrir un certain service aux gens des collectivités.
Bien sûr, lors de la première réunion, nous avons exposé nos positions respectives. Les collectivités sont en quelque sorte prises entre les deux et la compagnie dit qu'elle cessera de fournir une subvention de 35 p. 100 ou 40 p. 100 pour couvrir les pertes; elle ne fait pas d'argent avec la subvention. Nous savons que le gouvernement fédéral va offrir une subvention, mais nous espérons qu'il protégera les compagnies de chemin de fer et les incitera à rester à la table de négociation.
Ce que nous craignons c'est que si la loi ne nous encourage pas à chercher des moyens d'assurer la viabilité du service de trains de voyageurs, il sera très facile pour les compagnies de rompre les négociations. Tant qu'elles contribuent à la subvention, elles auront à coeur de donner le ton pour essayer de rendre cette activité rentable.
Notre autre préoccupation c'est que même si elles en font une activité rentable - et c'est ce que les collectivités souhaitent - dans l'ensemble, les choses ne changeront pas, et nous nous retrouverons dans la même situation où elles peuvent très facilement abandonner la ligne.
Je pense que c'est pour cette raison que nos collectivités jugent qu'il est important de maintenir la loi, de donner au moins aux collectivités le temps de réagir et nous voulons jouer un rôle de catalyseur.
Les compagnies essaient de nous faire porter le fardeau, comme vous pouvez le constater en lisant la dernière ligne où il est question de subventions provenant des collectivités. Eh bien, les collectivités ne peuvent pas faire cela. La Loi sur les municipalités nous interdit de faire cela dans notre province. Vous savez peut-être que dans la région desservie par Algoma Central Railway, nous faisons de gros efforts pour créer un climat propice aux affaires. En tant que collectivités, nous faisons de la promotion et du marketing. Nous avons à coeur de travailler pour que cette activité soit rentable.
M. St. Denis: Je pense que l'une des principales choses que vous nous dites c'est que vous pensez qu'il faudrait qu'il y ait un mécanisme pour obliger la compagnie à poursuivre les négociations, comme le prévoit la loi actuelle.
Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites qu'il faut penser à long terme. J'espère qu'à long terme la situation ne continuera pas à se détériorer et que les pertes ne s'alourdiront pas mais qu'en fait les choses s'amélioreront. Nous devons donc essayer de trouver un moyen de garder tous les joueurs dans la partie, surtout la compagnie, du moins à court et à moyen terme.
Je ne veux pas dire du mal de la compagnie, mais est-ce évident à vos yeux que les pertes qu'elle affiche sont en fait de véritables pertes? J'ai entendu des opinions divergentes: que les pertes sont réelles et qu'on peut jouer avec les chiffres sans être malhonnête. Il y a bien des façons honnêtes de présenter les choses et je me demande si vous sentez que vous pouvez faire un commentaire à ce sujet.
[Français]
M. Blier: Il est très difficile de répondre. Je crois qu'il faudrait poser la question directement à l'Algoma Central Railway Inc. Nous, les municipalités, n'avons demandé aucun rapport financier à la compagnie. Ce sera certainement un point dont nous discuterons dans les mois à venir. Nous comprenons qu'il s'agit d'un projet à long terme, mais nous ne sommes pas prêts présentement à assurer le service à 100 p. 100. Nous voulons que l'Algoma Central Railway Inc., les municipalités, les stakeholders et le gouverneur général nous donnent le temps nécessaire pour nous y préparer.
[Traduction]
M. St. Denis: Je ne voudrais monopoliser tout le temps, monsieur le président. Merci beaucoup.
Le président: Merci monsieur St. Denis.
Monsieur Gouk.
M. Gouk: Mesdames et messieurs, bonjour.
Dans tout le pays, de ma ville natale de Castlegar en Colombie-Britannique jusqu'à St. John's à l'autre bout du pays, il y a de nombreuses gares de passagers désaffectées parce que ces régions qui avaient auparavant un service de train de voyageurs l'ont perdu.
Je suppose que la première question que je veux vous poser nonobstant tous les bons documents que vous nous avez apportés, c'est: pourquoi les contribuables, par l'entremise du gouvernement fédéral, devraient-ils subventionner votre région, et non pas toutes les autres qui ont perdu leur service ferroviaire?
[Français]
M. Blier: Il y a beaucoup de raisons pour appuyer notre demande. Dans le nord de l'Ontario, de Hearst à Sault-Sainte-Marie, nous avons déjà un train de passagers ainsi qu'un train de marchandises. Cela est très important pour l'économie locale, pour le tourisme, pour que les gens puissent se rendre visite et développer leurs industries.
Nous pensons que le gouvernement devrait subventionner notre service ferroviaire parce que nous payons aussi des impôts au fédéral, que nous vivons dans une région très éloignée des grands centres et que la situation est difficile pour nos industries minière et forestière.
Comme nous n'avons pas accès à d'autres moyens de transport, le train est très important pour nous.
[Traduction]
M. Gouk: Je comprends ce que vous dites, mais pour ce qui est des impôts, toutes ces autres collectivités - y compris la mienne - qui, comme je le mentionnais, ont perdu les services, en paient eux aussi. Nous avons également des activités minières et forestières dans notre région, et ça été une grosse perte que d'être privés de nos chemins de fer.
Je n'essaie pas de critiquer le fait que vous soyez ici en train de faire ce qui est pour vous un devoir, c'est-à-dire représenter votre région. Mais nous devons avoir une perspective plus large: les impôts des citoyens canadiens. Si je vous disais: oui, nous devrions vous subventionner, alors je voudrais savoir quoi dire aux contribuables des autres régions, comme la mienne, qui n'en ont pas. Je vis dans une région montagneuse. L'hiver, nous voyageons dans des conditions très difficiles. Il arrive que les routes soient fermées. Mais nous n'avons plus de service ferroviaire. Nous l'avons perdu. Ce n'est plus une option.
L'une des choses que vous mentionnez dans votre mémoire c'est qu'il y a des facteurs économiques dans le sud, comme le coût des autoroutes, etc., qui font contrepoids dans cette subvention. Je pense que c'est une solution très réaliste, mais il doit incomber à la région qui veut y avoir recours de préparer les documents, y compris des faits précis irréfutables, et de les présenter au ministre. J'ose espérer que le ministre accueillerait favorablement cette demande si elle était fondée sur des faits qui seraient tous justifiés. Si vous pouvez justifier les faits que vous présentez et qu'on ne vous écoute pas, alors, bien sûr, il y a d'autres solutions auxquelles vous pouvez avoir recours.
Mais je maintiens que le fardeau repose sur la région, car il y a des centaines et des milliers de régions dans ce pays. Le gouvernement ne peut pas le faire région par région ou cas par cas et en assumer les frais lorsque vous avez entre les mains les faits qui concernent votre région. Seriez-vous prêts à préparer ce genre de mémoire contenant des données factuelles montrant que le coût net pour les gouvernements serait moins élevé s'il maintenait ce service ferroviaire plutôt que de l'abandonner et de mettre fin à la subvention?
M. Strapp: Je pense qu'il y a autre chose qu'il faut savoir au sujet de notre situation particulière. Il s'agit du nombre de passagers qui utilisent ce service comparativement aux autres collectivités. Ces voyageurs sont tributaires du service ferroviaire. À certains endroits, il n'existe pas de route et pas d'autres moyens pour se déplacer.
Il ne s'agit pas seulement de servir les collectivités, mais aussi certaines entreprises qui dépendent du service ferroviaire. Il y a environ 3 000 touristes qui font affaire avec les entreprises le long de la ligne et qui n'ont pas d'autre accès. Il y a un certain nombre d'habitants qui ont des chalets ou des camps. Le seul moyen pour eux de se rendre à leur chalet pour profiter de leurs loisirs et jouir d'une certaine qualité de vie, c'est de prendre le train.
Je pense qu'il y a un certain nombre de personnes qui sont dans cette situation qui dépendent entièrement du train. Je pense que le gouvernement fédéral en tient compte depuis 1961, et c'est peut-être ce qui explique que ce service a été maintenu, contrairement à ce qui s'est produit dans d'autres collectivités.
Pour ce qui est de faire des études sur les incidences économiques et sur ce qu'il en coûtera au gouvernement fédéral, on nous demande d'en faire chaque fois qu'il s'agit de rationaliser les choses. Il y a déjà assez d'études qui ont montré quelles sont les incidences économiques.
Il est parfois difficile pour nos collectivités d'obtenir des gouvernements fédéral et provincial ce genre de renseignements précis quant aux mesures fiscales qui pourraient être avantageuses. Il est parfois difficile pour nous de faire ce genre d'étude.
M. Gouk: Est-ce que votre région a déjà envisagé d'offrir elle-même un service ferroviaire quelconque, puisque je pense que vous n'auriez pas besoin de 30 ou 40 wagons, mais probablement de trois ou quatre pour répondre aux besoins régionaux?
Il me semble qu'Algoma voudrait abandonner ce service parce qu'elle perd de l'argent. Elle n'a pas d'autre service de train de voyageurs et n'a donc pas besoin de ces voitures à voyageurs. Vous pouvez vous procurer pour 500 000$ un système Brandt qui vous permettra d'exploiter cinq ou six de ces voitures pour le coût de fonctionnement d'une semi-remorque. Vous pourriez négocier quelque chose avec Algoma pour vous équiper à un prix relativement faible, et vous auriez alors votre propre système. Vous en seriez les propriétaires et les exploitants.
M. Strapp: Nous offrons déjà des services de transport, du moins à Sault Ste. Marie, où nous avons un service d'autobus, mais, en tant que collectivité nous n'avons vraiment pas l'intention de nous lancer dans l'exploitation de chemins de fer. À partir de l'expérience au niveau fédéral et provincial, nous commençons à savoir ce qu'il arrive lorsqu'un gouvernement essaie de diriger une entreprise. Nous préférons vraiment ne pas nous mêler de cela.
M. Gouk: Vous pourriez quand même parler à la compagnie d'autobus et travailler avec elle et Algoma pour vous procurer les voitures et les droits de circulation; un système Brandt ne coûte pas tellement plus cher qu'un autobus. Ce serait peut-être une nouvelle possibilité d'affaires formidable.
M. Strapp: Nous pourrons transmettre cette idée au groupe de travail et en discuter avec lui peut-être.
M. Gouk: Oui. Je serai heureux de vous en parler plus longuement.
Mme Wayne: J'ai dans ma circonscription l'une de ces collectivités dont M. Gouk parlait où on a construit une gare flambant neuve il y a trois ans et qui est maintenant inutilisée parce qu'il n'y a pas de train. Alors, monsieur le maire, je compatis avec vous, parce que le gouvernement n'a pas pris en considération les besoins et la qualité de vie. Certaines lettres que je reçois vous mettraient les larmes aux yeux, surtout celle que j'ai reçue hier d'une personne handicapée qui essayait de rentrer chez elle à Saint John, au Nouveau-Brunswick.
Alors, je compatis grandement. Sincèrement. Dans les autres régions du Canada on n'a pas pris en considération la qualité de vie lorsqu'on a éliminé les trains pour des raisons strictement financières. Vous n'êtes donc pas au bout de vos peines.
Avez-vous informé la Fédération canadienne des municipalités de votre situation et lui avez-vous demandé de l'aide? Je vous pose la question parce que j'ai déjà été membre de ce comité des transports. Est-ce qu'elle vous appuie lorsque vous dites que vous avez besoin d'un service voyageurs?
[Français]
M. Blier: Non, nous n'avons pas présenté cette demande à la Fédération canadienne des municipalités, mais nous pensons le faire en 1996, lors de la prochaine réunion.
[Traduction]
Mme Wayne: Je le ferais aussi rapidement que possible, étant donné que le gouvernement envisage...
M. Fontana: La FCM comparaît la semaine prochaine.
Mme Wayne: Oui, le comité des transports de la Fédération canadienne des municipalités comparaît la semaine prochaine. Vous pourriez peut-être communiquer avec lui avant.
Pouvez-vous me dire quelle est la population de la région que vous représentez ici aujourd'hui?
[Français]
M. Blier: Dans la région de Hearst, cela représente à peu près 10 000 habitants. Pour Dubreuilville et Wawa...
Mme Proulx: Pour ce qui est de Wawa, je n'en suis pas certaine. À Dubreuilville, il y a 1 100 habitants. Savez-vous combien il y en a à Wawa, Bruce?
[Traduction]
M. Strapp: Grosso modo, cela représente pour cette région 100 000 personnes.
Mme Wayne: Autrement dit, cette ligne dessert quelque 100 000 personnes au total.
M. Strapp: Oui. Cette ligne est aussi un atout pour le tourisme. En effet, des touristes américains l'empruntent, et cela vient en aide à certains commerces.
Mme Wayne: Oui, c'était aussi mon cas.
M. Strapp: Entre autres stratégies, Hearst est une collectivité qui souhaite abandonner sa dépendance face à une industrie unique, et le tourisme est l'un des outils pour la réalisation de ce mandat. Jean-Pierre peut en parler.
Mme Wayne: Je comprends. J'ai moi-même organisé une conférence réunissant les représentants d'associations touristiques américaines.
Quoi qu'il en soit, vous êtes sans doute dans une meilleure position que je ne le suis, peut-être parce que vous avez des députés du coté ministériel. Cela vous sauvera peut-être, mon cher. Autrement, si ce n'était pas de cela, vous ne tireriez sans doute pas votre épingle du jeu.
Quoi qu'il en soit, j'ai de la sympathie pour vous, parce que, personnellement, j'ai perdu la mienne rapidement.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Merci, Elsie.
Mme Wayne: De rien, mon cher. C'est ainsi que les choses se passent.
Le président: Elsie, si vous voulez traverser le parquet, nous pourrions sans doute arranger quelque chose.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Monsieur Bélair, vous avez la parole.
[Français]
M. Bélair (Cochrane - Supérieur): Monsieur le président, je vous remercie de me permettre de poser une question à mes collègues municipaux du nord de l'Ontario.
Dans la présentation, il y a un angle qui a été négligé et c'est celui du développement régional. Il faut se souvenir que chez nous, le service ferroviaire a toujours eu pour mission d'assurer le transport des matériaux quand il y avait de nouvelles mines ou de nouvelles concessions forestières à exploiter.
Ma question s'adresse à M. Blier. Supposons que la ligne ferme demain matin. Quel impact cette fermeture aurait-elle sur l'exploitation des forêts et des mines?
M. Blier: Ce serait certainement une catastrophe pour nos industries primaires. Vous savez, dans notre région, nous avons ce qu'on appelle des one-town industries. À Hearst et à Dubreuilville, c'est l'industrie des pâtes et papier et à Sault Ste. Marie et Wawa, c'est l'industrie sidérurgique.
Chaque municipalité tire son gagne-pain d'une ressource principale, mais il est important d'en développer d'autres. À titre de représentants de municipalités, je crois qu'il est de notre devoir de promouvoir le tourisme et de créer d'autres activités économiques afin que l'économie de notre région ne soit pas dépendante d'une seule ressource.
Le tourisme est important à Sault Ste. Marie et à Hearst parce qu'il y a beaucoup d'Américains du Michigan et du Wisconsin qui viennent visiter le canyon Agawa. Les statistiques contenues dans le mémoire le démontrent bien.
Par ailleurs, comme notre région est couverte de neige six à sept mois par année, la motoneige y est une activité très courue par beaucoup de touristes du sud de l'Ontario, du Québec et d'un peu partout au Canada et aux États-Unis. Nous avons aussi des projets touristiques importants de chasse et de pêche pour inciter les gens à visiter notre coin de pays.
M. Bélair: Monsieur le président, tout le monde a reçu une copie du mémoire et vous remarquerez que le long de la ligne de l'Algoma Central, il y a un très grand nombre de petites communautés qui seraient complètement isolées si elles perdaient le service de l'Algoma. D'autre part, si jamais de nouvelles mines étaient découvertes, les propriétaires auraient à investir de très grosses sommes d'argent pour assurer la liaison avec les principales route du nord de l'Ontario.
Ma question à M. Blier est donc celle-ci: Qu'est-ce qui arriverait si un propriétaire de mine refusait d'exploiter sa mine et de créer les nouveaux emplois dont nous avons tellement besoin?
M. Blier: On sait que l'Algoma Central va peut-être abandonner son service de passagers. Si tel est le cas, cela affectera certainement le transport de marchandises et, comme je l'ai mentionné plus tôt, ce sera une catastrophe pour notre économie régionale parce que nos industries ont besoin de ce service-là.
M. Bélair: Il y a environ un mois, les communautés se sont rencontrées à Sault Ste. Marie pour discuter de l'impact du C-101 sur l'Algoma Central. Si je me souviens bien, à cette réunion, on a parlé de ce qui pourrait être fait pour que la ligne reste ouverte bien que les subventions à long terme du fédéral soient en suspens. Quels efforts pensez-vous déployer pour vous assurer que les revenus de l'Algoma augmentent, compensant ainsi la perte de subventions?
M. Blier: Les communautés veulent former un comité pour rencontrer l'Algoma Central Railway et lui démontrer qu'il est possible de résoudre le problème à condition de travailler ensemble. Aujourd'hui, le partenariat est devenu très, très important dans les secteurs industriel, privé et public.
Nous sommes fiers du service que nous avons et nous ne voulons certainement pas le perdre, car alors nous reculerions 100 ans en arrière.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Blier.
Madame Terrana.
[Français]
Mme Terrana (Vancouver-Est): J'ai deux questions. Je viens de l'Ouest, de Vancouver, mais j'ai quand même des questions pour vous. Je voudrais savoir quels autres modes de transport vous avez et quel accès vous avez à ces modes de transport.
M. Blier: L'autre mode de transport que nous avons est le camion, mais comme les camions empruntent la route primaire, les moulins à scie, les usines de contreplaqué ou les mines ne peuvent y avoir accès à certains endroits. Elles doivent donc envoyer leurs marchandises par train.
Mme Terrana: Donc, vous vous servez de ce train pour les passagers et aussi pour le transport des marchandises.
M. Blier: Oui, madame.
Mme Terrana: Combien de personnes prennent ce train chaque année?
[Traduction]
Mr. Strapp: Le service ferroviaire voyageurs a une clientèle de 20 000 à 25 000 voyageurs.
Mme Terrana: Par année?
M. Strapp: Oui.
Mme Terrana: Quelle est la distance entre Hearst et Sault Ste. Marie?
[Français]
M. Blier: Trois cents milles.
Mme Terrana: Soixante mille kilomètres?
M. Blier: Non, 300 milles.
Mme Terrana: Ah, milles! Je m'excuse, je pense toujours en kilomètres.
M. Blier: C'est 580 kilomètres.
Mme Terrana: Est-ce que les municipalités ont un plan d'action pour arriver à une entente?
[Traduction]
M. Strapp: À l'heure actuelle, les collectivités participent à un groupe de travail créé par la société ferroviaire. Des exploitants d'auberges touristiques y participent, et des associations de vacanciers se joignent maintenant à nous. Des résidants de petites communautés font aussi partie du groupe.
Nous envisageons divers moyens pour favoriser la viabilité, y compris des tarifs équitables, des zones et des horaires. Nous nous penchons également sur certains règlements qui risquent de faire augmenter les coûts des exploitants de CFIL, comme cette exigence d'avoir «deux paires d'yeux» dans l'unité de tête. Comment définit-on cette deuxième paire d'yeux? La personne en question doit-elle être un ingénieur dûment qualifié, ou serait-il possible que ce soit un serre-frein ayant reçu une formation spéciale?
Nous essayons de voir si on ne pourrait pas se servir des ressources humaines du train des voyages organisés - qui a d'ailleurs fait de grands progrès sur la voie de la viabilité - pour venir en aide au service voyageurs. Ce serait la responsabilité de l'Algoma Central Railway.
Nous examinons toute la région, car nous ne sommes pas sans reconnaître que notre clientèle est en majeure partie très près de Sault Ste. Marie, alors qu'environ 2 000 ou 3 000 voyageurs seulement se rendent à Hearst. Il y a des tas de gens qui vivent entre Hearst et Sault Ste. Marie, mais nous ne savons pas combien d'entre eux sont des propriétaires de chalets, des touristes ou des résidents.
On commence à entendre parler beaucoup d'équipes de hockey de Dubreuilville qui prennent le train pour se rendre à Hearst. On m'a raconté qu'un membre d'une famille s'était cassé la jambe un jour où le mauvais temps rendait les routes impraticable. Cette famille a donc eu recours au service ferroviaire voyageurs pour aller à Sault Ste. Marie faire réduire la fracture. Il s'agit là d'anecdotes à caractère humain. On peut parler de viabilité économique et de tout ce que vous voudrez, mais c'est pratiquement une institution culturelle...
Mme Terrana: De combien de temps avez-vous besoin pour formuler ce plan d'action?
M. Strapp: Nous sommes très exigeants.
Mme Terrana: Dans quel sens?
M. Strapp: À mesure que le groupe de travail progresse, nous espérons faire enquête sur la viabilité. Nous souhaitons vivement, en tant que communauté, que l'Algoma Central Railway prenne nos efforts au sérieux. En vertu de la réglementation que l'on propose, il est très facile pour ses représentants de quitter la table, alors que si la société contribuait à la subvention, elle aurait intérêt à ce que la ligne soit viable.
Un grand nombre d'employés d'Algoma Central Railway vivent à Sault Ste. Marie et à Dubreuilville et souhaitent que le service ferroviaire soit viable. Nous espérons qu'ils travailleront en ce sens, mais nous nous inquiétons beaucoup, car nous avons toujours un groupe d'actionnaires qui vient des États-Unis et qui est beaucoup plus concurrentiel. Certains de ses membres ne tiennent pas du tout compte du coeur des communautés. Voilà d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles nous souhaitons garder ces intervenants à la table.
Mme Terrana: Diriez-vous que plus de gens prennent le train que l'automobile?
M. Strapp: L'automobile est certainement plus populaire, mais il y a dans certaines régions captives des résidents qui ne peuvent prendre leurs voitures. Il y a des gens qui se rendent à leurs chalets en empruntant avec des véhicules à quatre roues motrices d'anciennes routes forestières, mais bien d'autres ne disposent pas de ce moyen d'accès.
M. Nault: Passons maintenant à la question de l'abrogation de la loi et de l'incidence que cela aura sur la collectivité. Une chose suscite particulièrement mon intérêt dans ce débat, soit qu'Algoma Central est manifestement forcée d'offrir un service voyageurs, alors qu'il ressort clairement de la discussion que nous avons qu'elle n'est pas du tout intéressée à le faire.
Cela me rappelle le même argument que nous évoquions il y a plusieurs années maintenant avec VIA. Lorsque le CN et le CP dirigeaient VIA directement, ils s'avéraient totalement incapables de gérer un bon service voyageurs, de toute évidence parce que cela n'était pas leur point fort.
Premièrement, il a été dit clairement aux personnes qui sont ici aujourd'hui et à nous tous que le ministère est prêt à offrir une subvention de quelque 2 millions de dollars. Or, on fait valoir qu'il en coûte 3 millions de dollars pour exploiter cette ligne en particulier. Je doute que cela soit effectivement vrai, compte tenu du fait que nous sommes en présence d'une entreprise qui ne veut pas gérer un service voyageurs.
La mesure à l'étude a pour objet de donner aux sociétés ferroviaires de transport de fret l'occasion d'assainir leurs finances et de faire des économies en prenant des décisions fondées sur ce qui leur convient le mieux à titre d'entreprises. C'est un tout autre débat que celui qui consiste à évaluer la présence d'un service voyageurs unique et l'incidence socio-économique de son retrait, ce qui est précisément notre propos ce matin.
Tout d'abord, je voudrais savoir si vous convenez qu'Algoma Central ne veut pas être présente dans le secteur voyageurs. Deuxièmement, votre groupe de travail a-t-il envisagé un entrepreneur qui souhaiterait se lancer dans le service ferroviaire voyageurs, comme cela s'est fait avec succès dans les Rocheuses? Je ne doute pas une seconde que nous puissions connaître le même succès dans le Nord de l'Ontario si nous pouvions trouver quelqu'un qui soit intéressé à gérer le service voyageurs.
Le principal obstacle en l'occurrence est notre hésitation à changer notre façon de voir les choses et notre désir de conserver le système en vigueur depuis des années en forçant des entreprises à faire ce qu'elles ne veulent pas faire. Le projet de loi vise à mettre un terme à cela. Nous avons forcé le CN, le CP et Algoma Central, par l'intermédiaire du Wisconsin Central, à faire des choses qu'ils ne veulent pas faire ou pour lesquelles ils estiment ne pas être doués. En conséquence, il va de soi que nous n'obtenons pas un bon service.
Pour en revenir à l'argument de Reg sur le développement régional - et c'est une question très importante dans toutes les régions du pays - ,si le gouvernement fédéral est disposé à injecter 2 millions de dollars dans le service voyageurs pour favoriser le développement régional, ne pensez-vous pas que la province devrait elle aussi participer au processus dans cette perspective de développement régional également?
Je trouve très curieux que le nouveau gouvernement se retire du développement régional dans le Nord de l'Ontario. Il souhaite que le gouvernement fédéral continue d'être présent, mais il ne veut pas l'être lui-même. En conséquence, s'il s'agit d'une question de développement régional - et c'en est une - il va de soi que les autorités provinciales devraient participer. Je suis aussi convaincu que les municipalités devraient également faire leur part pour le développement régional. Voilà pourquoi elles ont à leurs services des agents de développement économique; en tout cas, c'est ce qu'on nous dit.
Ne pensez-vous pas qu'il serait préférable de permettre aux gens qui ne sont pas intéressés par ce secteur de s'en retirer, et de cesser de les forcer à faire des choses qu'ils ne veulent pas faire de toute façon? Ne pensez-vous pas que nous devrions tourner la page et trouver quelqu'un qui veuille vraiment gérer votre service voyageurs? C'est une question un peu emberlificotée, mais je pense qu'elle établit le contexte dans lequel s'inscrit le projet de loi.
M. Strapp: Dans l'ensemble, je peux vous dire que les collectivités sont tout à fait d'accord avec cela. Je ne pense pas que nous devrions forcer la main à quelque entreprise que ce soit. Nous souhaitons créer un climat d'affaires sain au Canada, et en particulier dans notre région.
Nous avons réalisé de grands progrès dans notre région. Il y a trois ans, toute la ligne allait être abandonnée. L'ACR, la société canadienne, souhaitait se retirer du secteur et l'avait dit à maintes reprises.
Les représentants des collectivités se sont réunis avec les autorités provinciales et ont été en mesure d'intéresser un exploitant de chemin de fer sur courtes distances, le Wisconsin Central, à créer une compagnie canadienne et à la gérer. Nous avons rencontré M. Burkhardt, qui était président du Wisconsin Central Railway.
Un grand nombre d'entre vous savent que le train de voyages organisés était menacé parce que le Wisconsin Central ne souhaitait pas être présent dans ce secteur. Nous avons réuni les différents intervenants autour d'une table et constitué des partenariats communautaires. Sault Ste. Marie joue la carte du marketing, la SEE et la ville faisant de gros efforts pour essayer de remplir le train avec des voyages organisés. Cela est maintenant devenu fort rentable, et la compagnie est très dynamique maintenant. Elle sait que c'est une excellente occasion d'affaires, qui a apporté des retombées intéressantes pour la région. Nous voulons afficher la même attitude à l'égard du service ferroviaire voyageurs.
Le plus important, c'est de ne pas laisser passer l'occasion de protéger les communautés qui sont représentées ici. Au cours de la période de transition, nous savons qu'il faudra que cette opération soit viable. C'est l'objectif que nous visons, qu'on le réalise avec l'ACR ou qu'on confie à un autre exploitant la gestion d'un service voyageurs.
Je pense que le gouvernement fédéral, les municipalités et les entreprises ont toute la même vision, mais comment s'y prendre pour la réaliser? Dans l'intervalle, nous ne voulons pas qu'il y ait d'interruption de service. L'expérience de nombreuses autres communautés qui ont perdu leur service ferroviaire nous a appris qu'il est dix fois plus difficile de le restaurer par la suite, et pendant que d'autres réfléchiront aux façons dont nous pouvons nous en sortir, les commerces vont fermer. Les camps et les gîtes vont fermer. Et si ensuite nous essayons de ressusciter le service voyageurs, ils ne seront pas là.
La continuité est donc au premier rang de nos préoccupations, mais je pense que nous visons tous les mêmes objectifs.
M. Nault: Je voudrais poser une brève question si je le peux, avant que Jean s'apprête à répondre à ma longue question.
La province subventionne-t-elle ce processus en particulier d'une façon ou d'une autre?
M. Strapp: Non, pas du tout. Je ne connais pas les détails liés à l'entrée en scène du Wisconsin Central et à la façon dont on s'y est pris pour atténuer les atteintes à l'environnement causées par l'emprise sur les terres en question. Je pense qu'il vous faudrait poser ces questions au ministère des Mines et du Développement du Nord. Ses fonctionnaires ont été mêlés au dossier, mais ils n'ont guère diffusé d'information sur leur participation.
[Français]
M. Blier: Comme contribuables, nous savons que l'Algoma Central devra profiter du temps où elle a encore une subvention annuelle de 3 millions de dollars pour revoir sa visibilité au sein des communautés de Hearst jusqu'à Sault Ste. Marie. S'il n'est pas conscient de l'importance du service pour nous, nous, nous en sommes conscients.
[Traduction]
Le président: Parce que le temps nous manque, je me dois de mettre un terme aux questions maintenant.
Je remercie les représentants de l'Algoma Central Railway Communities de leur exposé. Je vous remercie d'être venus jusqu'ici.
[Français]
M. Blier: Merci.
[Traduction]
Le président: Nous poursuivons, chers collègues. Je demanderais maintenant aux représentants de la Canadian Dehydrators Association de venir à la table. Nous souhaitons la bienvenue à Garry Benoit, directeur administratif de la Canadian Dehydrators Association.
Bienvenue, monsieur Benoit. Nous sommes impatients d'entendre votre exposé, qui, je l'espère, ne dépassera pas les 15 minutes, pour que nous puissions poser des questions. Merci.
M. Garry F. Benoit (directeur administratif, Canadian Dehydrators Association): Monsieur le président, je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant le comité. Ma déclaration liminaire ne prendra pas plus de 15 minutes.
Nous avons d'ailleurs déjà envoyé un mémoire écrit, qui vous a sans doute été remis à l'avance. J'ai aussi demandé qu'on vous distribue un document qui présente en abrégé certains des points essentiels de notre mémoire.
Monsieur le président, je vais vous relater un grand succès canadien. La Canadian Dehydrators Association représente 80 p. 100 de l'industrie de transformation de la luzerne au Canada. Depuis plusieurs années maintenant, le gouvernement fédéral cite nos usines membres comme des modèles d'une industrie à valeur ajoutée dans les Prairies. La plupart des usines sont situées en Saskatchewan et en Alberta, mais il y en a aussi au Manitoba et dans l'Est du Canada.
Cette industrie est cruciale pour les petites collectivités rurales où sont situées les usines. Nous y fournissons plus de 1 000 emplois directs à temps plein et à temps partiel et un grand nombre d'autres emplois indirects dans le secteur tertiaire. Cette valeur ajoutée représente environ 75 millions de dollars par année.
Dans nos usines, nous produisons de la luzerne granulée déshydratée, des granules séchées au soleil, des cubes de foin de taille régulière, petite ou mini. Quatre-vingt p. 100 de cette production totale est exportée et, dans l'Ouest du Canada, ce pourcentage grimpe à 90 p. 100 de la production des Prairies. Nous avons des marchés stables au Japon, en Corée, à Taiwan et aux État-Unis, et nous exportons vers environ 25 pays chaque année.
Un programme de développement des marchés fort dynamique nous aide à pénétrer sur de nouveaux marchés. En 1994, nos exportations ont atteint 650 000 tonnes, d'une valeur de 100 millions de dollars, ce qui représente une augmentation de 100 p. 100 depuis les dix dernières années.
À tort ou à raison, les Canadiens n'ont pas la réputation d'encourager leurs entreprises à succès. Aujourd'hui, nos membres craignent que ce succès ne soit compromis par une série de mesures fédérales qui ne tiennent pas compte du contexte dans lequel ils fonctionnent.
La réalité est la suivante. Comme toujours, nous oeuvrons sur un marché international de produits alimentaires extrêmement compétitif et fortement subventionné, ce qui fausse les règles du jeu. Nos prix doivent être concurrentiels, sinon nous risquons de perdre des ventes au profit de nos concurrents étrangers. Le prix du sous-produit de provende continue d'être déprimé par rapport à ceux du blé et du canola, qui, comme vous le savez, ont grimpé en flèche récemment.
Nos usines doivent faire concurrence au blé et au canola pour obtenir les matières premières ou les acres dont elles ont besoin pour produire ces matières premières. Nos coûts de livraison jusqu'à l'océan ont plus que doublé avec l'abrogation de la subvention prévue dans la Loi sur le transport du grain de l'Ouest cet été. En outre, notre industrie fait face à un nombre croissant de problèmes liés au transport ferroviaire. Nous avons du mal à obtenir le service et à acheminer nos produits vers les ports.
Évidemment, la Loi sur le transport du grain de l'Ouest ne permettait pas les frais de stationnement et d'entreposage. Cette loi ayant disparu, on a déjà imposé à nos produits des frais de stationnement et d'entreposage, même si, à titre de petits expéditeurs de produits spécialisés, bien souvent nous ne sommes absolument pas responsables des retards qui surviennent.
À cela s'ajoute la perspective d'autres changements dans la législation fédérale qui risquent de nuire à notre industrie. Monsieur le président, c'est l'ébauche de la Loi sur les transports au Canada, ou le projet de loi C-101, qui m'amène ici aujourd'hui. Nos usines sont concernées au premier chef par le cadre réglementaire de l'industrie du rail. Les coûts liés au transport ferroviaire et le piètre service peuvent faire la différence entre une vente profitable ou non.
Compte tenu de l'expérience de nos usines à titre d'expéditeurs, nous avons des préoccupations bien précises suscitées par l'insensibilité du projet de loi C-101 face à de nombreuses questions d'importance cruciale pour notre industrie. Pour acheminer nos produits vers les marchés, nous n'avons pas d'autre choix que le chemin de fer. Par conséquent, il est essentiel d'instaurer une réglementation efficace permettant un équilibre entre le caractère monopolistique des sociétés ferroviaires et les expéditeurs captifs.
Tout d'abord, nous nous inquiétons de l'abandon de lignes ferroviaires et des chemins de fer sur courtes distances. Nous ne sommes pas d'accord pour que l'on force des entreprises à exploiter des lignes ferroviaires non rentables, mais les chemins de fer peuvent rendre une ligne non rentable à la suite de certains choix d'investissement ou en n'offrant pas un service de qualité. Ainsi, une ligne prétendument non rentable pourrait fort bien être rentable si elle était gérée par un exploitant de CFIL ayant moins de frais généraux.
Le projet de loi C-101 offre peu de possibilités, premièrement, pour que les expéditeurs négocient l'exploitation des lignes prétendument non rentables de manière à rapporter aux compagnies de chemins de fer un rendement satisfaisant; deuxièmement, pour que les expéditeurs puissent exploiter eux-mêmes les lignes en question; ou troisièmement, pour que ces lignes puissent être achetées par une compagnie de chemins de fer d'intérêt local. Rien dans le projet de loi ne vient faciliter ou encourager les grandes compagnies à vendre ces lignes à des CFIL.
Exploiter une ligne non rentable en en assumant intégralement le coût pourrait être pour les expéditeurs une solution de rechange qui coûterait encore moins cher que de déménager leurs installations d'entreposage et de transformation ou de transporter par camions leurs produits jusqu'à une autre ligne de chemin de fer. Il y a quelques années, une importante entreprise de transformation de la Saskatchewan a décidé, pour des raisons strictement commerciales, de déménager ses installations, afin de quitter une ligne dont l'abandon était prévue et de s'installer près d'une ligne en acier de forte densité et d'une grande artère routière. Le coût a été énorme. L'entreprise a accusé un recul important que peu d'usines peuvent se permettre.
Une autre usine située sur la même ligne a décidé de rester sur place. L'entreprise négocie actuellement avec le CN pour essayer de maintenir la ligne en exploitation.
Par conséquent, nous recommandons de faire en sorte que les expéditeurs puissent négocier des taux supérieurs au maximum pour les lignes dont l'abandon est prévu. L'autre possibilité, nommément le rachat par une ligne secondaire, devrait être envisagée dans le cadre du processus d'arbitrage. La procédure d'abandon doit prévoir obligatoirement le recours à la consultation et à une forme quelconque d'arbitrage ou d'appel.
Les droits de circulation pour les lignes secondaires sont nécessaires pour assurer qu'il y ait concurrence. Ces droits devraient exister au moins jusqu'au point de correspondance avec la ligne de chemin de fer de prédilection. Par conséquent, la CDA recommande que l'on prenne des mesures en vue d'encourager les grandes compagnies de chemins de fer à vendre les lignes qui sont mal desservies ou dont l'abandon est prévu.
Deuxièmement, nous sommes tout aussi préoccupés par la faiblesse de la réglementation concernant le service. En l'absence d'une telle réglementation, il est possible que des lignes ne soient pas abandonnées, mais ne soient tout simplement pas desservies. Ainsi, ces lignes non desservies continueraient d'être visées par le taux maximal du barème, ce qui empêcherait une ligne secondaire concurrente de se lancer sur le marché.
La médiocrité du service ferriviaire peut nuire à nos exportations sans avoir la moindre incidence sur les profits des compagnies de chemins de fer. Comme beaucoup de nos expéditeurs sont captifs des chemins de fer, le mauvais service n'a que très peu d'incidence sur le volume transporté ou les revenus par tonne. Il faut absolument prévoir des dispositions exigeant un service efficace.
Nos préoccupations relativement au projet de loi C-101 portent précisément sur l'article 113 et les paragraphes 27(2) et 34(1), et sur le retrait du paragraphe 40(3) de la LTN. Nous craignons que l'ajout de l'article 113 n'impose des contraintes au nouvel Office des transports du Canada. En effet, cet article stipule que toute ordonnance relative aux prix et aux conditions visant les services doit être commercialement équitable et raisonnable. Le problème, c'est qu'il n'y a pas de définition. Chaque expéditeur et compagnie de chemins de fer pourra interpréter à sa guise l'expression «équitable et raisonnable». Cette disposition ne figurait pas dans la LTN et créerait un nouvel obstacle pour les expéditeurs qui cherchent une meilleure affaire en matière de tarifs ou de services.
Nous recommandons que la disposition sur le niveau de service comporte des règlements clairs et des pénalités en cas de violation par les compagnies de chemins de fer.
Nous sommes catégoriquement contre le paragraphe 27(2) et recommandons qu'il soit retranché du projet de loi. Il ne figurait pas dans la LTN de 1987 et suscite des inquiétudes pour nos expéditeurs et pour tout le secteur du grain. Le paragraphe 27(2) empêcherait l'Office des transports du Canada d'accorder une aide relativement aux tarifs ou aux services, à moins que l'office ne soit convaincu que le demandeur subirait autrement un «préjudice important». Là encore, l'absence de définition de «préjudice important» crée de l'incertitude et donne un atout supplémentaire aux transporteurs.
Le paragraphe 34(1) ne comporte pas non plus de définition et crée une incertitude de nature à décourager des demandes valables.
Le projet de loi C-101 comporte par ailleurs une grave omission: l'absence de toute disposition relative à des ordonnances provisoires permettant d'accorder une aide immédiate en attendant l'audition d'une demande. Cette aide est essentielle pour nous, parce que des usines pourraient être acculées à la ruine, faute d'un service adéquat.
La CDA recommande donc que le paragraphe 27(2) et l'article 34 soient retirés. Le paragraphe 40(3) de la LTN relatif aux ordonnances provisoires devrait être ajouté à la nouvelle loi, et l'article 113 devrait comporter une définition claire et précise.
Nous croyons que la disposition du projet de loi C-101 sur le barème ne reprend pas intégralement les dispositions de la LTGO relativement à l'établissement du prix de revient entier. On propose des tarifs maximums qui seraient fondés sur les tarifs actuels rajustés en fonction de l'inflation dans le secteur ferroviaire. Si l'index ne reflète pas les gains de productivité dans l'Ouest, les taux maximums pourraient bien être supérieurs au coût réel du transport du produit par rail depuis la région de l'Ouest.
Les expéditeurs devraient profiter des gains de productivité. Avant que l'on décide de mettre fin à la protection des taux après l'an 2000, il faudra faire une évaluation minutieuse des conséquences de cette éventuelle protection pour les expéditeurs.
Nous réclamons un régime de réglementation bien fait afin d'assurer un équilibre entre les intérêts des expéditeurs et ceux des compagnies de chemins de fer. Nous craignons que le projet de loi C-101 n'affaiblisse la protection que la LTN de 1987 avait accordée aux expéditeurs, même si pendant les consultations qui ont précédé l'élimination de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest on nous a dit qu'il n'y avait pas lieu de s'inquiéter, que la loi protégerait suffisamment les expéditeurs et qu'elle était équilibrée en l'absence de tout ce qu'on y a rajouté.
Ces dernières semaines, nos usines ont déjà subi le contrecoup des pouvoirs monopolistiques exercés par les compagnies de chemins de fer.
Premièrement, les usines qui ont investi dans des installations de chargement multi-wagons pour être plus efficaces subissent maintenant la baisse des tarifs d'encouragement décrétée par les chemins de fer. Les expéditeurs sont maintenant moins encouragés à constituer des trains-blocs, parce que les compagnies de chemins de fer ont modifié les règles de manière à exiger que tous les wagons aillent au même terminus pour bénéficier des tarifs d'encouragement.
Également, certaines usines se sont fait dire par les chemins de fer que de nouveaux frais de pesage de 300$ à 500$ par wagon seraient ajoutés à la facture de transport. Chaque usine devra donc se doter d'installations de pesage au coût d'environ 60 000$.
Voilà donc les principales préoccupations de nos membres. Nos inquiétudes sont réelles, et nous vous exhortons à les prendre au sérieux. Elles sont fondées sur l'expérience que nos expéditeurs, qui sont relativement de petite taille, ont acquise après des années de négociation avec les chemins de fer.
Je me ferai un plaisir de répondre à toute question.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Benoit, pour votre excellent résumé d'un rapport très étoffé.
Nous allons maintenant passer aux questions. Monsieur Gouk, vous avez la parole.
M. Gouk: Monsieur Benoit, j'ai lu votre mémoire et j'ai souligné les points qui vous préoccupent. Je voudrais avoir des précisions sur deux d'entre eux.
Tout d'abord, vous faites des observations sur la création et l'exploitation de lignes secondaires. Franchement, j'ai peine à concevoir qu'une compagnie de chemins de fer puisse délibérément rejeter une offre valable émanant d'une compagnie, sachant pertinemment qu'elle pourrait obtenir moins que cette offre, puisqu'elle doit s'adresser aux diverses autorités locales et régionales. Si quelqu'un offrait 2 millions de dollars pour des actifs qui ont une valeur de récupération d'un million de dollars, pourquoi la compagnie refuserait-elle cette offre, puisqu'elle devrait alors accepter les offres des diverses autorités gouvernementales quant à la valeur de récupération?
M. Benoit: Je ne suis pas certain de comprendre votre question.
M. Gouk: Vous avez dit que vous êtes inquiets parce que rien dans le projet de loi ne les oblige à accepter une offre quelconque, sauf aux termes des dispositions qui les obligent à accepter des offres de plus en plus basses émanant des divers gouvernements. Par conséquent, si une compagnie privée souhaitait acheter la ligne pour en faire une ligne secondaire et offrait un prix supérieur à la valeur de récupération, quelle raison une compagnie de chemins de fer pourrait-elle invoquer pour refuser une telle offre?
M. Benoit: Ce que je dis essentiellement au sujet des lignes secondaires, c'est que les grandes compagnies de chemins de fer devraient être encouragées à remettre les lignes qu'elles ne veulent pas desservir à des exploitants de lignes secondaires. Nous sommes en faveur de cela et nous voulons que le projet de loi facilite la chose.
M. Gouk: Il y a des aspects de ce projet de loi que je préfère à d'autres, mais l'un des éléments que j'aime bien, c'est justement la procédure d'abandon qui fait en sorte que l'on évite de forcer par règlement les compagnies de chemins de fer à rendre leurs lignes financièrement non viables, ce qui veut dire les laisser à l'abandon et tout cela, afin d'avoir le droit de les abandonner. Le projet de loi stipule le contraire, c'est-à-dire que ces lignes peuvent être viables et que si l'on veut s'en débarrasser, on peut tenter de les vendre n'importe quand, et si l'on n'a pas d'acheteur, on peut les abandonner. Je trouve que c'est l'un des aspects les plus positifs du projet de loi. J'essaie de comprendre pourquoi vous trouvez que c'est le contraire.
M. Benoit: Nous avons une usine qui est située le long d'une voie ferrée en acier léger. Je m'inquiète beaucoup de savoir si l'on va.... Ils n'en sont pas à leur première ronde d'abandon. Dans le cas de ces lignes, il y a probablement eu beaucoup de consultations, et ils devraient finir par abandonner ces lignes. Ils le feront probablement dans l'avenir, mais ils veulent avoir la possibilité de prouver leur point.
L'une des inquiétudes vient du fait qu'avec un plan triennal et tout cela, il semble qu'il y aura un long préavis et qu'un CFIL pourrait venir s'emparer de la ligne. En fait, ce plan triennal peut être modifié en tout temps, et je pense qu'au bout du compte cela revient à un préavis de 60 jours.
Ce que nous voulons, c'est un encouragement, au lieu de laisser les grandes compagnies garder ces kilomètres de voies qu'elles ne desservent pas vraiment, peut-être parce qu'il y a une pénalité de 10 000$ le mille à payer en cas d'abandon, ou pour quelque raison que ce soit.
Il me semble que nous sommes sur la même longueur d'onde, Jim. Nous voulons que le projet de loi encourage la concurrence en permettant aux chemins de fer d'intérêt local de reprendre ces lignes.
M. Gouk: Je voudrais également avoir des précisions sur le paragraphe 27(2). Beaucoup d'expéditeurs sont venus nous dire qu'ils craignent que cette disposition ne les empêche même de se faire entendre de l'office pour exprimer leurs préoccupations. Le CN nous a dit exactement le contraire, à savoir que ce n'est pas à leurs yeux un obstacle suffisant, qu'ils veulent un critère de sélection plus rigoureux. Si la disposition était modifiée de manière à préciser explicitement qu'il ne s'agit pas d'un contrôle d'entrée, que l'office entendrait vos doléances et prendrait une décision, et si cette solution était une option possible, cela apaiserait-il vos craintes relativement au paragraphe 27(2)?
M. Benoit: Je résumerais ma position et celle des intervenants de notre secteur en disant qu'il ne faut pas tenter de réparer ce qui n'est pas cassé. J'ai ici une liste de tous les griefs déposés auprès de l'office de 1987 à 1994. Elle n'est pas très longue. Il y a un paragraphe pour chaque demande, et le tout prend 18 pages.
M. Gouk: J'aimerais bien mettre la main sur cette liste. Le seul problème, dans le cas de dispositions comme le paragraphe 27(2), c'est qu'il arrive parfois qu'il y a un tort manifeste d'un côté ou de l'autre; mais vous, vous dites qu'il ne faut pas réparer ce qui n'est pas cassé, c'est-à-dire que vous voulez vous en débarrasser. Les compagnies de chemins de fer, elles, nous disent qu'elles ont vraiment besoin de cela, et nous devons donc choisir dans un sens ou dans l'autre. Moi, je demande s'il n'y aurait pas un compromis raisonnable qui vous serait acceptable, à vous et peut-être aux compagnies de chemins de fer. Elles disent qu'elles y tiennent absolument. Si vous voulez absolument vous en débarrasser, nous devrons donc trancher dans le vif. Y aurait-il une solution mitoyenne, consistant à assurer que cela ne puisse interdire aux expéditeurs de faire entendre leurs griefs?
M. Benoit: L'ancienne loi ne prévoyait rien de tel. Il ne semble pas y avoir de problème. Notre secteur n'était pas régi par la LTN, mais par la LTGO. Mais tous ceux à qui nous en avons parlé dans le secteur de la LTN nous ont dit qu'à leur avis, ce n'était absolument pas nécessaire.
À mon avis, la solution consiste à s'en débarrasser complètement. Je suppose que je n'ai aucun compromis ni solution mitoyenne à offrir. Si la logique de cette disposition m'apparaissait plus claire, je pourrais peut-être y réfléchir davantage.
Le président: Madame Sheridan.
Mme Sheridan: Premièrement, dans la liste des dispositions qui vous préoccupent, il y a l'élimination du paragraphe 40(3) de la Loi sur les transports nationaux.
M. Benoit: Non. Je crois que c'était plutôt l'inclusion.
Mme Sheridan: Non, votre difficulté tient à ce que cette disposition est enlevée. Voulez-vous qu'elle soit incluse?
Quoi qu'il en soit, vous vous êtes dit préoccupé de l'absence dans la nouvelle loi de pouvoirs permettant à l'office de rendre des ordonnances provisoires. C'est bien cela?
Cela figure à la page 4 de votre résumé.
M. Benoit: Oui.
Mme Sheridan: Tout ce que je voudrais dire, c'est qu'à mon avis ce problème est réglé, parce que si vous vous reportez au paragraphe 28(2) du projet de loi, vous verrez que l'office peut bel et bien prendre un arrêté provisoire.
M. Benoit: D'accord.
Mme Sheridan: Que dites-vous de cela en fait d'intervention rapide? Vous êtes venu ici; vous l'avez réclamé, et vous avez eu gain de cause.
M. Benoit: D'accord, c'est fait.
Je devrai réfléchir quelque peu à cela, mais notre grief tenait au fait que le paragraphe 40(3) de la LTN de 1987 semblait être manquant.
Mme Sheridan: Je ne veux pas vous mettre sur la sellette, mais examinez tout cela à tête reposée, car je crois que le paragraphe 28(2) est en fait l'équivalent du paragraphe 40(3).
M. Benoit: D'accord.
Mme Sheridan: Je suis de la Saskatchewan. Vous revenez constamment à l'une de vos usines située le long d'une ligne secondaire. Pouvez-vous la nommer?
M. Benoit: L'usine dont je parle se trouve à Arborfield, le long d'une voie en acier léger. Il s'agit d'une usine de transformation de taille moyenne qui produit probablement près de 50 000 tonnes par année.
Mme Sheridan: Très bien; je me demandais seulement de laquelle vous parliez.
Je vais maintenant faire des observations générales sur l'exposé que vous venez de nous faire, et je vous permettrai ensuite de répondre.
D'une part, si je prends votre argumentation globalement, vous semblez soutenir qu'il faut alléger l'appareil et laisser les divers intervenants faire leur travail. Vous voulez expédier des produits, et les compagnies de chemins de fer veulent les transporter. Pourtant, même si vous dites vouloir réduire la bureaucratie et la paperasse, il me semble que les diverses demandes que vous présentez aboutiraient justement à créer davantage de paperasse. Comme M. Gouk l'a signalé, certaines de vos suggestions relatives à l'abandon auraient pour résultat d'accroître la bureaucratie et garantiraient que le gouvernement continuera de se mêler de la gestion des chemins de fer ou de l'expédition des marchandises.
Pouvez-vous dissiper mes inquiétudes et me confirmer qu'il n'y a pas d'illogisme dans votre argumentation?
M. Benoit: Au sujet des dispositions qui ont été insérées dans ce projet de loi et qui ne figuraient pas dans la LTN, par exemple le paragraphe 27(2), la crainte du secteur des céréales, c'est que cela entraînera justement des coûts supplémentaires et une bureaucratie plus lourde, en imposant presque une deuxième série d'audiences, et que cela fera traîner les choses. Il me semble que c'était plus clair et moins lourd dans l'ancienne loi.
Je suppose que l'abandon est une situation grave pour une usine. Ce n'est pas comme un agriculteur, qui doit de toute façon mettre son grain dans son camion; s'il doit conduire 20 ou 30 milles de plus, ce n'est pas une grosse affaire. Mais pour une usine de transformation qui risque de perdre sa voie ferrée, il n'y a vraiment pas de solution de rechange.
Vous avez parlé d'emplois dans les localités rurales; tout ce que nous demandons, c'est ceci: après la première ronde d'abandon, il pourrait y avoir des lignes figurant sur la liste à l'égard desquelles il n'y aurait pas eu suffisamment de consultation; nous voulons nous assurer que l'expéditeur inquiet ait quelqu'un à qui s'adresser pour faire connaître ses vues à ce sujet.
Le président: Merci.
Une brève question, monsieur Althouse.
M. Althouse: Dans le résumé de votre intervention où il est question des dispositions relatives au niveau de service, vous mentionnez la nécessité de la livraison juste-à-temps, surtout dans votre secteur, qui comporte seulement quelques catégories de produits. Votre grief, c'est qu'il faut de 36 heures à deux semaines, et même parfois plus, pour transporter par chemin de fer vos produits depuis l'usine jusqu'au navire, ce qui vous empêche de faire de la livraison juste-à-temps à cause de l'absence de rigueur dans le service.
Vous avez évoqué ce problème, mais vous ne semblez proposer aucun remède, du moins pour ce qui est du projet de loi. Ou bien croyez-vous que la solution, c'est de conclure des contrats avec les compagnies de chemins de fer elles-mêmes?
M. Benoit: Il s'agit d'une certaine façon d'une question de niveau de service. Maintenant que notre industrie peut être obligée de payer des droits de stationnement...
M. Althouse: La vôtre peut l'être, mais pas l'industrie ferroviaire.
M. Benoit: C'est exact. On doit imposer une pénalité quelconque aux sociétés ferroviaires si elles ne fournissent pas le service et n'acheminent pas les wagons vers l'endroit où ils devraient être.
Il y en a beaucoup qui semblent croire que notre industrie devrait être comme toutes les autres industries céréalières, que nous devrions acheminer nos produits vers Vancouver, les entreposer dans un silo, et ensuite les charger sur les navires.
Nos produits ne sont jamais entreposés. Ce serait illogique de le faire et tout à fait inutile. À mon avis, il devrait y avoir quelque chose qui incite les sociétés ferroviaires à adopter une méthode d'expédition directe au moment adéquat et à coordonner leurs activités pour nous fournir les wagons au moment opportun, et non pas trois semaines avant. Le problème, c'est que cela peut prendre trois semaines plutôt que 36 heures.
Si nous sommes obligés de payer des droits de stationnement, nous allons devoir obtenir des wagons quand nous en avons besoin, nous allons devoir obtenir les services voulus et nous allons devoir savoir combien de temps nous devrons attendre, et il faudra aussi prévoir des pénalités si les sociétés ferroviaires ne respectent pas les délais.
M. Althouse: Vous ne proposez aucun amendement. Je sais que c'est très difficile, parce que c'est aussi ce que j'aurais voulu faire. Il faut modifier en même temps toutes sortes de dispositions dans la loi, et cela prend des pages et des pages.
M. Benoit: C'est le cas, je pense, de la plupart des dispositions dont j'ai parlé qui ont un rapport avec le paragraphe 27(2) et les autres. Si ces stipulations supplémentaires ajoutées à la Loi sur les transports nationaux de 1987 dissuadent les expéditeurs d'avoir recours à ces mécanismes parce que leurs appels risquent d'être considérés comme étant non fondés...
M. Althouse: Et frustratoires, ou quel que soit le mot utilisé.
M. Benoit: ...il y aura un problème. Selon moi, les dispositions relatives aux expéditeurs doivent être...
M. Althouse: Préservées.
M. Benoit: ...aussi efficaces que possible.
Le président: Monsieur Nault, vous pouvez poser une question rapide.
M. Nault: Merci, monsieur le président. Ma question a trait à la première page du mémoire et à la façon dont on peut promouvoir la concurrence.
Je ne comprends pas très bien où vous vous situez là-dessus. Vous dites dans votre mémoire que le projet de loi C-101 ne donne pas des chances égales de négocier aux sociétés ferroviaires et aux expéditeurs.
Vous dites ensuite:
- La LTN de 1987 non plus n'est peut-être pas efficace pour promouvoir la concurrence, vu que
ce qui fonctionnait bien pour un petit nombre d'expéditeurs pourrait ne pas fonctionner aussi
bien pour les expéditeurs agricoles, qui sont maintenant plus nombreux qu'auparavant.
M. Benoit: Je veux dire que les sociétés ferroviaires sont favorisées.
M. Nault: Ah, bon. Pensez-vous qu'il faudrait établir davantage de règlements pour aider les expéditeurs?
M. Benoit: Non, il ne faut pas plus de règlements, mais plutôt moins d'obstacles. Autrement dit, il faudrait simplement les dispositions de l'ancienne LTN qui fonctionnaient bien.
Le président: Il semblerait que l'ancienne LTN était suffisante.
M. Benoit: Oui. Pourquoi prévoir toutes ces choses supplémentaires? Il n'y avait pas de problèmes auparavant. Il n'y avait pas tellement de plaintes. Pourquoi ajouter toutes ces dispositions au moment où le transport des céréales va relever de la LTN? Y a-t-il vraiment un problème?
Le président: Merci, monsieur Nault.
M. Nault: Merci.
Le président: Monsieur Benoit, je vous remercie de votre exposé. Nous vous en sommes reconnaissants.
Chers collègues, nous accueillons maintenant M. David Baker, coordonnateur de projets de Transportation Action Now Inc.
Mr. Baker, vous êtes le bienvenu. Vous pouvez nous présenter ceux qui vous accompagnent et faire votre exposé.
M. David Baker (conseiller juridique, Transportation Action Now Inc.): Merci, monsieur le président. Je suis le conseiller juridique de Transportation Action Now. Je suis accompagné de Sam Savona, membre du conseil. C'est lui qui donnera un aperçu des activités de notre organisme. Ensuite, je vous parlerai des deux questions soulevées dans notre mémoire.
M. Sam Savona (membre du conseil, Transportation Action Now Inc.): Bonjour, mesdames et messieurs.
Nous sommes une coalition de 83 organismes représentant des personnes handicapées de toute la province. Notre organisme s'occupe de questions qui préoccupent nos membres. Nous existons depuis 1987. Depuis le départ, nous préconisons des services de transport accessibles non seulement dans toute la province, mais aussi dans tout le pays.
Le président: Merci, monsieur Savona.
Monsieur Baker.
M. Baker: Monsieur le président, il y a deux questions sur lesquelles nous voulons nous concentrer aujourd'hui. Il y a d'abord la nécessité d'élaborer des normes nationales d'accès pour les autobus interurbains. L'autre question, dont nous ne parlons pas de façon détaillée dans notre mémoire, mais que nous voulons vous signaler, a trait au paragraphe 37(1), selon lequel les normes mises au point par ce qui est maintenant l'Office national des transports, qui s'appellera sous peu l'Office des transports du Canada, devront être approuvées par le gouverneur en conseil. Je vais parler de ces questions une à la fois.
Je pense qu'il est juste de dire que, pour les personnes âgées et les personnes handicapées du Canada, le principal problème d'accès dans le domaine des transports a trait aux autobus interurbains. Dans ce domaine, les autobus interprovinciaux sont régis par le gouvernement fédéral. Par ailleurs, selon la Loi sur le transport par véhicule à moteur, le pouvoir d'octroyer des permis aux autobus interprovinciaux est conféré aux provinces. Cela veut dire que les provinces ont l'entière responsabilité en matière d'octroi des permis.
Le problème, c'est que si l'on remonte jusqu'en 1984, on constate que chaque fois qu'il a été question d'accès dans les commissions du transport routier des diverses provinces, celles-ci ont décidé qu'elles n'avaient pas vraiment le pouvoir de s'occuper de la question d'accès parce que ce pouvoir ne leur avait pas été délégué par le gouvernement fédéral.
En 1974, par exemple, la Commission du transport routier de l'Ontario a examiné le cas de Lew et Jean Blancher, qui, soit dit en passant, célèbrent aujourd'hui leur 25e anniversaire. C'était il y a 21 ans. Ils étaient nouveaux mariés et essayaient de voyager par autobus. On leur a refusé l'aide qu'ils avaient pu obtenir déjà dans le passé.
Ils ont donc fait appel à la Commission du transport routier de l'Ontario, qui a déclaré que, même si elle sympathisait avec les plaignants et était convaincue que le gouvernement ferait quelque chose pour résoudre le problème - c'est-à-dire en fournissant à la commission le pouvoir nécessaire pour s'en occuper elle-même - ce n'était pas possible à ce moment-là. La commission a dit que c'était malheureux, mais que telle était la situation. Depuis, 21 ans ont passé.
La question a été soulevée à maintes reprises, notamment par l'organisme de M. Savona quand le permis de Grey Coach en Ontario a été transféré à Greyhound, et la commission a rendu le même genre de décision à ce moment-là en disant qu'elle ne pouvait pas statuer sur la question de l'accessibilité dans le cadre d'un transfert de permis. On a aussi soulevé la question relativement au transport vers l'aéroport par autobus. La Commission du transport routier a encore une fois refusé de reconnaître qu'elle avait compétence pour s'occuper du problème.
On a aussi porté plainte auprès de l'Office national des transports relativement à l'accès, et le problème a plus tard été résolu quand on a transféré le permis d'une compagnie qui fournissait un service inaccessible à une autre qui fournissait un service accessible. La question n'a donc jamais été vraiment réglée.
Ce n'est cependant pas de cela que nous discutons aujourd'hui. Selon toutes les probabilités, le transport vers les aéroports relève maintenant du gouvernement fédéral.
Dans une affaire dont mon cabinet s'occupe pour des clients d'Ottawa, nous avons demandé à l'Office national des transports de trancher la question de l'accessibilité pour le service d'autobus interprovincial entre Ottawa et Hull, puisque cela relève de la compétence fédérale. L'ONT a jugé que, aux termes de la Loi sur le transport par véhicule à moteur, cette question ne relevait plus du gouvernement fédéral, et n'était donc pas visée par la loi fédérale étant donné que le pouvoir d'octroyer des permis a maintenant été délégué aux provinces.
Nous semblons donc nager dans l'incertitude, étant donné que personne n'est apparemment habilité à s'occuper de cette question. Elle touche un moyen de transport qui prend de plus en plus d'importance à notre époque, où le service ferroviaire interurbain perd de son importance et le coût du transport aérien devient prohibitif, surtout entre les petites localités et pour les personnes à faible revenu, comme les personnes âgées et handicapées. Ce service est de plus en plus hors de leur portée. Le seul moyen de transport qu'il leur reste est l'autobus interurbain, et le seul service au Canada à ne pas être assujetti à des normes d'accessibilité est l'autobus interurbain.
Des efforts ont déjà été déployés dans ce domaine. En 1981, le rapport Obstacles du comité parlementaire spécial concernant les handicapés recommandait d'agir. À la fin des années 80, le ministre des Transports déléguait certains pouvoirs à l'Office national des transports, qui, à son tour, préparait un rapport concluant à la nécessité d'imposer des normes nationales dans ce secteur, normes qui se compareraient à celles que l'on trouve dans la Loi sur le transport par véhicule à moteur eu égard au transport des produits dangereux. Comme il était nécessaire d'élaborer une norme nationale, on a trouvé une façon de le faire. On recommandait aussi d'élaborer une norme semblable dans le cadre de la Loi sur les transports nationaux. Le rapport a été déposé auprès du gouvernement.
Il y a eu ensuite des consultations entre le ministère des Transports et ses homologues provinciaux et territoriaux, puis la décision en juillet 1993 d'adopter une norme nationale. En fait, on s'entendait même sur les détails précis de la norme nationale, que j'ai d'ailleurs sous les yeux. Je répète donc que c'est juste avant la dernière élection qu'on s'est entendu sur une norme nationale, et même sur ses détails précis. Toutefois, rien n'était dit sur les mécanismes d'application de la norme.
Enfin, en 1990, George Bush entérinait une loi, l'Americans with Disabilities Act, prévoyant l'élaboration de normes d'accessibilité au transport par autobus aux États-Unis. Les Américains se sont donc attaqués au problème, et, d'après ce que j'ai vu en Europe, la Commission européenne a pour sa part élaboré elle aussi des normes.
L'anomalie se trouve donc au Canada. Pour les personnes handicapées, l'absence de normes est très grave. Des gens comme M. Savona n'ont au fond aucun accès à un mode de transport important, considéré de façon générale comme accessible et abordable pour tous, alors qu'il n'est pas accessible aux personnes handicapées.
Nous vous demandons donc d'amender le projet de loi et d'envisager une façon d'élaborer des normes nationales. Je crois savoir que l'on s'est demandé si cela devrait se faire sous l'égide de la Loi sur le transport par véhicule à moteur, ce qui obligerait à déléguer aux commissions provinciales du transport routier l'application de la norme; ou si cela devrait se faire sous l'égide de ce que l'on appelle actuellement la Loi sur les transports nationaux, dont l'application est confiée à ce qui deviendra l'Office des transports du Canada...
Les personnes handicapées préfèrent la deuxième solution. Nous préférerions que son application soit confiée à l'Office des transports du Canada, de sorte qu'une seule norme soit élaborée à l'échelle nationale, étant donné qu'en général les commissions provinciales du transport routier n'entendent pas les plaintes individuelles et ne s'occupent pas de l'application des normes. Au fond, elles ne font que délivrer des permis et s'intéressent surtout aux entreprises de transport.
De l'avis des personnes handicapées, les mécanismes d'application de l'Office national des transports leur sont utiles, conviviaux et accessibles, et nous espérons que ce sera le même type de mécanisme d'application, voire le même mécanisme, qui s'appliquera. En un mot, Transportation Action Now demande que l'on accorde à l'OTC, sous l'égide de la Loi sur les transports nationaux, l'autorisation de recevoir les plaintes; nous demandons aussi que l'on autorise, par la voie d'une disposition ou d'une norme nationale, l'établissement de critères nationaux visant l'accessibilité aux autocars.
J'aborderai maintenant plus brièvement la question des normes. En vertu de la Loi sur les transports nationaux, les normes d'accessibilité, élaborées par l'Office national des transports, doivent être approuvées par le bureau du premier ministre et, en bout de ligne, par le gouverneur en conseil. Bien que cette voie hiérarchique ait été modifiée en ce qui concerne les articles portant sur les normes relatives aux handicapés, le paragraphe 37(1) prévoit désormais à peu près la même filière. Le paragraphe dit que:
- Tout règlement pris par l'Office en vertu de la présente loi est subordonné à l'agrément du
gouverneur en conseil.
Je ne sais si nous aurons la possibilité de vous expliquer par des exemples ce dont nos gens pâtissent, mais ceux que nous représentons n'ont actuellement qu'un seul recours: les plaintes faites en leur nom propre. Il est évident qu'il y a une façon beaucoup plus efficace de faire, et c'est d'élaborer des normes en consultant l'industrie des transports, comme on l'a fait aux États-Unis.
Il est remarquable de constater à quel point la situation au Canada diffère de celle qui existe aux États-Unis. Les normes établies et leurs mécanismes d'élaboration remontent aux gouvernements républicains des années 80 et du début des années 90. Au Canada, il existe un comité fédéral-provincial-territorial qui pourrait s'entendre sur des normes nationales s'appliquant au transport interurbain par autocar, mais deux ans plus tard, il n'existe toujours aucun moyen d'appliquer cette norme nationale.
Je m'en tiendrai à cela.
Le président: Merci, Monsieur Baker et Monsieur Savona.
Monsieur Savona, ce qui nous intéresserait, c'est que vous nous donniez des exemples concrets de difficultés auxquelles des handicapés se sont heurtés dans le domaine du transport. Beaucoup d'entre nous ont déjà reçu des documents d'organisations de personnes handicapées de leur circonscription relatant les difficultés auxquelles elles se heurtent, mais nous aimerions que vous nous fournissiez vous-même quelques exemples.
M. Savona: Je pourrais vous en donner un tout de suite. Il y a deux ans, j'ai voulu me rendre à Windsor, en Ontario, pour le mariage de la fille de mon cousin. Or, il n'y avait qu'un seul train, mais comme il partait à une heure qui ne me convenait pas, je n'ai pas pu me rendre à Windsor. Mon exemple illustre le fait que le transporteur ne permettait pas à une personne handicapée de voyager seule, mais exigeait qu'elle soit accompagnée, ce qui représentait évidemment des coûts supplémentaires. Voilà le type de cas auxquels on se heurte tous les jours.
Le président: Tous ceux qui sont ici présents comprennent votre frustration, monsieur Savona. Merci beaucoup de cet exemple.
Monsieur Gouk.
M. Gouk: Monsieur Baker, si j'ai bien compris, les Américains ont selon vous résolu le problème de façon satisfaisante?
M. Baker: En gros, oui.
M. Gouk: Quel genre d'accès aux autobus existant aux États-Unis voudriez-vous voir au Canada? Comment cela marche-t-il là-bas?
M. Baker: En fait, je crois que les consultations devant mener à l'élaboration de normes en matière de transport par autobus sont terminées, ou presque... je ne puis vous le dire à coup sûr. Tout était censé se terminer cette année par l'adoption d'une norme nationale qui régirait le transport interurbain par autocar en vertu de l'Americans with Disabilities Act.
La loi, adoptée en 1990, établit en détail un certain nombre de normes. Des normes ont été appliquées de façon provisoire, mais la norme officielle - la question principale étant évidemment l'accès des fauteils roulants aux autobus - s'inscrit dans le processus d'élaboration des règlements. C'est le Département des transports qui, aux États-Unis, est chargé d'élaborer les normes, de concert avec l'Architectural and Transportation Barriers Compliance Board. La commission s'occupe des normes imposées aux véhicules, et le Département des transports s'occupe des autres normes s'appliquant aux divers services de transport.
M. Gouk: Vous dites que cette consultation est pratiquement terminée. Les compagnies d'autocars ont-elles déjà appliqué certaines de ces dispositions?
M. Baker: Il y a des normes intérimaires, et les normes qui étaient contenues dans la loi de 1990 sont appliquées.
M. Gouk: C'est ce que j'aimerais savoir. Que voulez-vous?
M. Baker: Je ne connais pas toutes les normes, mais le gros problème, c'est l'accès à ces autocars en fauteuil roulant. Il y a eu toutes sortes de propositions, mais je crois comprendre que la norme énoncée dans la version canadienne de 1993 est copiée sur la norme américaine: l'application de la norme pour le transport des personnes en fauteuil roulant doit être progressive, c'est-à-dire que les compagnies n'ont pas à renouveler leur parc, mais si elles achètent de nouveaux autocars il faut qu'ils soient accessibles pour les fauteuils roulants.
M. Gouk: Une sorte de plate-forme montante?
M. Baker: Oui, et la technologie existe. En fait elle a été mise au point au départ par Transports Canada.
M. Gouk: Est-ce que ce sont des personnes handicapées qui doivent elles-mêmes se charger de la manoeuvre? Ou peuvent-elles être aidées d'une manière ou d'une autre pour monter à bord de l'autocar? Est-ce une norme acceptable?
M. Baker: Dans les deux cas il s'agit d'une plate-forme mécanique manoeuvrée par le chauffeur de l'autocar. En fait il s'agit d'une rampe d'accès à l'autocar. Le chauffeur aide la personne à passer de la rampe à l'intérieur de l'autocar.
Je crois que vous avez entendu hier les représentants du Conseil des Canadiens handicapés. Vous devez savoir que pour eux, c'est une question très délicate. Je ne sais pas exactement ce qu'ils ont dit, mais je crois que dans tous les cas ils réclament des monte-charges.
Aux États-Unis le principe de l'accès fonctionnel a été accepté, que le monte-charge soit fixe à l'arrêt d'autocar ou intégré aux autocars eux-mêmes. Sauf erreur de ma part, c'est la norme aux États-Unis.
M. Gouk: Pour les avions, les monte-charges ne sont pas toujours possibles, surtout lorsqu'il s'agit de petits appareils à hélices. Il faut donc une aide personnelle, avec du matériel spécial. Est-ce que ce serait une norme admissible aux yeux de votre organisation?
M. Baker: Je crois qu'à partir de 1990, aux États-Unis, les personnes handicapées pouvaient être manuellement hissées à bord des autocars de cette manière. C'est ainsi depuis 1990. Il n'y a rien de ce genre chez nous. En d'autres termes, c'est ce que M. et Mme Blancher demandaient déjà en 1974, et il n'y a toujours rien de ce genre aujourd'hui.
Serait-ce acceptable? Ce n'est pas la solution souhaitée, pour des raisons que vous pouvez comprendre. Ce n'est pas ce que stipule la norme américaine, pas plus que cette norme-ci ne le stipulerait. Je crois que cette norme prévoyait cette assistance manuelle sur une base intérimaire pendant une période de transition fondée sur la durée de vie des autocars actuellement en service - je ne sais plus si c'était 10 ans - jusqu'à ce que tout le parc soit renouvelé. Mais pendant ces années les nouvelles technologies devaient être progressivement mises en place.
M. Gouk: Il y a une dernière chose que j'aimerais savoir. Disons qu'une compagnie a un parc de centaines d'autocars. Si l'application de ce règlement est progressif et que cette compagnie achète trois nouveaux autocars, cela fait trois autocars offrant ce service et 97 qui ne l'offrent pas. Comment la personne handicapée peut-elle savoir que c'est un des trois bons?
M. Baker: Pendant la période de transition, la personne handicapée doit appeler à l'avance la compagnie d'autocars pour l'informer qu'elle empruntera un de ses véhicules à telle ou telle heure, généralement avec un préavis de 24 heures. Je ne me souviens plus de ce que prévoit le règlement sur une base intérimaire, mais il y a une période de transition.
C'est ce que les Blancher demandaient déjà en 1974, mais en vain. A partir du moment où il y a un début de commencement.... Je crois que les handicapés ont été patients. Je crois qu'ils sont prêts à encore être patients, à condition de voir une lumière au bout du tunnel qui ne soit pas celle d'un train de VIA Rail.
Le président: Merci, monsieur Gouk.
Monsieur Nault.
M. Nault: J'ai un commentaire et une question.
Si tout le monde était d'accord, y compris les provinces.... D'une part, je suis un peu surpris de cet accord des provinces. D'autre part, elles continuent à se dégager de leur devoir d'adopter leurs propres normes acceptables pour les personnes handicapées et les personnes âgées. Je trouve cela surprenant, mais je n'ai pas lu tous les documents, ce qui me désavantage un peu.
Par contre, toutes les provinces et les territoires sont d'accord. Si tel est le cas, savez-vous si les provinces ont fait des démarches pour que nous en faisions état dans ce projet de loi?
M. Baker: J'ai parlé au représentant provincial de l'Ontario. Je sais que leur mémoire n'en parlait pas, ce qui nous a un peu déçus, mais en même temps je sais qu'ils continuent à être favorables à l'établissement d'une norme nationale; c'est le conseiller politique chargé de ces questions qui me l'a lui-même dit. Bien évidemment je ne peux rien dire pour les autres provinces, mais j'ai avec moi la norme qui a été approuvée par la communauté fédérale-provinciale-territoriale, et je me ferais un plaisir de la communiquer.
Je crois que c'est la nature fédérale de cette initiative qui posait un problème. Je crois que le tournant décisif a été pris quand l'Ontario s'est déclaré favorable à la création d'une norme nationale. Que je sache, cela n'a pas changé, mais si tel n'est pas le cas nous aimerions énormément en être informés. Ce qui a changé, c'est la mort apparente de l'initiative fédérale. L'initiative fédérale semble avoir disparu, et, à franchement parler, on ne nous a pas dit pourquoi.
M. Nault: Je ne suis pas le porte-parole du gouvernement, mais je peux vous promettre personnellement qu'avant que ce comité ne termine ses travaux je m'arrangerai pour savoir d'une manière ou d'une autre la raison pour laquelle cette norme ne figure pas dans ce projet de loi, s'il est bien vrai qu'avant les dernières élections les provinces, les territoires et le gouvernement fédéral s'étaient mis complètement d'accord. Apprendre que tout le monde est d'accord sur une question dans ce pays est une véritable révélation. C'est rare. Je tiens donc à me renseigner.
Ensuite, je demanderai en votre nom au ministre si l'inclusion de cette norme dans ce projet de loi pose un problème au gouvernement. Il doit y avoir une explication.
Se repasser la balle d'une compétence à l'autre, vieille technique canadienne, ne résout rien du tout. Bien sûr, nous avons transféré ces responsabilités aux provinces à leur demande, mais elles ne veulent pas prendre de décisions. Elles veulent que nous les prenions à leur place.
Cela me rappelle le cas du ministère des Ressources naturelles, en Ontario, où le gouvernement fédéral avait compétence en matière de pêches. Nous avons fait le transfert, mais on dirait depuis que les problèmes ne font que se multiplier. Je peux certainement m'engager au nom du gouvernement à trouver l'explication. Nous n'en savons pas plus que vous.
C'est le seul commentaire que je puisse faire.
Le président: Merci, monsieur Nault.
M. Baker: Pourrais-je répondre brièvement, monsieur?
Il est indispensable qu'il y ait des normes nationales. Il ne peut y avoir de normes différentes d'une province à l'autre. Cela poserait des problèmes interprovinciaux comme on en a pour le transport des produits dangereux. Il faut que cette norme soit nationale.
J'avais cru comprendre que le compromis, si vous voulez, c'était que cette norme nationale soit appliquée provincialement. Encore une fois, les intéressés ne considèrent pas que c'est la solution la plus souhaitable. Cependant, je crois qu'ils seraient prêts à accepter n'importe quoi, puisque cela fait déjà plus de 20 ans qu'ils attendent.
Le président: Merci, monsieur Baker.
Monsieur Savona, merci d'avoir pris le temps de venir nous voir et d'avoir fait l'effort de venir nous voir.
M. Baker: Pourrais-je ajouter une petite chose que j'ai oubliée? La Loi canadienne sur les droits de la personne autorise l'adoption de normes équivalentes à des règlements sans l'approbation du gouverneur en conseil. Je suggère en conséquence que, tout au moins dans le domaine des normes d'accessibilité pour les personnes handicapées, on modifie le paragraphe 37(1) pour en faire l'équivalent de l'article 22.1 de la Loi sur les droits de la personne.
Le président: Merci, monsieur Baker. Encore une fois, merci, monsieur Savona.
Chers collègues, notre dernier témoin d'aujourd'hui est Mme Denise Hill, présidente de la Division du transport aérien du Syndicat canadien de la fonction publique. Nous l'invitons à venir s'asseoir à la table.
Bienvenue à notre comité. Si vous pouviez nous présenter la personne qui vous accompagne, nous pourrions ensuite vous entendre. Merci.
Mme Denise Hill (présidente, Division du transport aérien, Syndicat canadien de la fonction publique): Je suis accompagnée aujourd'hui de Richard Balnis. Il est l'agent principal de recherche du Syndicat canadien de la fonction publique.
Je vous remercie de nous avoir invités à comparaître devant vous à propos du projet de loi C-101. Comme nous vous l'expliquions dans notre lettre du 1er septembre, la Division du transport aérien du SCFP représente quelque 8 000 agents de bord et travaillant aussi bien pour Air Canada que Canadien, Air Alliance, Air Nova, Air Ontario, Air Transat, Canadian Regional Airlines, First Air et Inter-Canadien.
Notre syndicat s'est toujours vivement intéressé aux règles économiques façonnant notre industrie, comme l'ont bien montré nos témoignages et nos dépositions devant le Comité permanent des transports quand la Loi sur les transports nationaux de 1987 a été promulguée et quand Air Canada a été privatisée, devant la Commission d'examen de la Loi sur les transports nationaux, et quand le Comité des transports a examiné le rapport final de cette commission.
Notre analyse du projet de loi C-101 a été rendue difficile par le manque de tableau de concordance et de notes explicatives accompagnant la loi, tout particulièrement dans les parties I et II de la loi, qui nous touchent le plus. Je suis certaine que la majorité d'entre vous ont eu la même réaction quand ce texte de 120 pages a atterri sur leurs bureaux à la toute fin du mois de juin, avant que la Chambre n'ajourne.
Heureusement, nous avons eu l'aide de trois responsables de Transports Canada, qui après avoir lu notre premier mémoire nous ont volontairement accordé trois heures de leur temps pour nous expliquer le projet de loi, répondre à nos questions et mettre en relief les principales initiatives du projet de loi C-101. J'aimerais en profiter pour remercier publiquement Mme Valérie Dufour, directrice de la Politique nationale de l'air, et deux de ses collaborateurs, M. Bernard Labrosse et M. Brian Oliver. Bien que nous ne soyons pas d'accord avec tout ce qu'ils nous ont dit et que notre mémoire d'aujourd'hui reflète nos opinions et pas forcément les leurs, ils ont fait du bon travail et méritent d'être remerciés.
Pour revenir au projet de loi C-101 lui-même, nous comparaissons devant vous aujourd'hui non pas comme les défenseurs de la déréglementation aérienne, mais comme ses principales victimes. Nous ne sommes pas les seuls. Nombre de nos employeurs, de compagnies aériennes et de passagers le sont aussi. Que dire d'une politique gouvernementale qui fait de ses bénéficiaires des victimes? N'y allons pas par quatre chemins. Après près d'une décennie de déréglementation aérienne l'échec de cette politique est avéré. Notre industrie du transport aérien régulier est très concentrée, avec très peu de concurrence réelle et de surcapacité.
Ses deux principales compagnies ont perdu deux milliards de dollars entre 1989 et 1993 et sont couvertes de dettes, conséquence d'une concurrence à outrance visant à l'élimination mutuelle. Malgré une augmentation spectaculaire des tarifs, ce qui n'a pas avantagé les consommateurs, l'industrie continue à perdre de l'argent. Le transport aérien est devenu moins pratique pour les passagers, et il y a eu perte de service dans certaines régions. Enfin, les transporteurs canadiens de niveaux 1 et 2 ont supprimé quelque 16 000 emplois entre 1989 et 1994, y compris 10 600 à Air Canada et à PWA.
La déréglementation aérienne repose sur une concurrence libre et ouverte, mais cette approche, qui à l'origine avait pour objectif l'augmentation de la concurrence, a en fait mené à moins de concurrence. Aujourd'hui notre industrie aérienne continue à demeurer instable malgré la trêve apparente entre Air Canada et Canadien.
Cette analyse figurait dans trois documents accompagnant le mémoire que nous vous avons présenté le 1er septembre.
À notre avis, les problèmes de notre industrie aérienne peuvent être directement imputés au comportement autorisé et encouragé par la réglementation de nos employeurs. L'absence de réglementation a rendu le gouvernement fédéral impuissant à défendre l'intérêt public dans un contexte de libre concurrence. La déréglementation nous a fait passer d'un quasi-monopole réglementé par le gouvernement au nom de l'intérêt public à une industrie dominée par deux participants principaux servant avant tout leurs propres intérêts.
Il est clair que ces compagnies, dans un contexte déréglementé, sont incapables de gérer les transports aériens au nom de l'intérêt de la population canadienne. Nous sommes donc tout à fait favorables à cette Loi sur les transports au Canada proposée par un ministre qui a eu la possibilité de corriger les erreurs de la Loi sur les transports nationaux de 1987 imposée par le gouvernement conservateur précédent.
Malheureusement, le projet de loi C-101 ne répare pas les dégâts. Au contraire, la déréglementation aérienne est poussée encore plus loin, et les dégâts étendus. C'est inacceptable.
Nous vous proposons aujourd'hui notre projet de réglementation intelligente pour l'industrie aérienne canadienne. À notre avis, la restauration de la stabilité dans l'industrie aérienne et la préservation à long terme de deux compagnies aériennes canadiennes viables au service de l'intérêt public ne sont possibles que si on adopte une réglementation intelligente. Cette réglementation intelligente doit toucher quatre secteurs: la capacité et les routes, les tarifs, la santé financière et la viabilité commerciale et les droits des travailleuses et travailleurs.
Notre approche est à l'opposé de ce que propose le projet de loi C-101. Il faut se résigner à la réalité que la concurrence n'est pas une fin en soi, mais seulement un outil pour atteindre les objectifs énoncés à l'article 3 du projet de loi. Quand la concurrence devient destructrice, comme le comité permanent l'a lui-même reconnu dans son rapport de juin 1993 sur la commission d'examen, à l'apogée de la crise aérienne au Canada, où les deux principaux transporteurs tentaient de s'éliminer mutuellement, «la solution, c'est une réglementation plus intelligente pour contrôler les mécanismes du marché», pour servir l'intérêt public. C'est exactement ce que nous proposons, nous croyons, dans notre projet.
Vous trouverez aux pages 20 à 24 de la version anglaise et aux pages 22 à 26 de la version française du mémoire que nous avons déposé aujourd'hui nos quatre principales conclusions et les 19 recommandations de changement à la réglementation que nous proposons. L'explication de ces changements est résumée dans les trois pages suivantes de mon exposé, dont nous vous laisserons également des copies.
Capacité et routes: l'assouplissement des exigences d'entrée et de sortie a permis aux compagnies de restructurer l'industrie aérienne en fonction de leurs propres intérêts. Les deux principaux transporteurs ont utilisé des pratiques de fixation de prix destructrices et leur capacité comme armes pour mener à la ruine financière et à l'élimination de leurs concurrents plus faibles. Ces pratiques ont affaibli l'industrie aérienne et gaspillé les ressources de la société.
De nouveaux règlements sont nécessaires pour atteindre les objectifs suivants: une concurrence gérée et juste, la justification d'une nouvelle capacité, la protection des transports actuels et la protection des services actuellement offerts aux petites communautés. Ces objectifs de politique publique peuvent être atteints grâce à des règlements qui intègrent à la procédure d'octroi de licences l'impact que peut avoir l'arrivée de nouveaux venus sur la stabilité de l'industrie, qui fixent un seuil de conditions à remplir avant de pouvoir offrir un nouveau service et qui requièrent des justifications documentées en cas de retrait d'un service.
Tarifs: la déréglementation a entraîné une très forte augmentation de la moyenne des tarifs économiques et spéciaux pour les consommateurs et des bénéfices économiques pour l'ensemble de l'industrie. Le seul mécanisme permettant de contrôler les pratiques de fixation de prix déloyales est l'article 50 de la Loi sur la concurrence, qui s'est avéré inefficace.
Les transporteurs aériens devraient avoir l'autorisation de fixer des tarifs selon une échelle souple établie et contrôlée par un organisme de réglementation. Les planchers et les plafonds que nous proposons pour les tarifs fondés sur le concept européen préviendraient une concurrence suicidaire tout en produisant des tarifs raisonnables pour les consommateurs. Ces tarifs doivent être fixés de manière à couvrir tous les coûts des compagnies et de manière à permettre à l'industrie de moderniser sa flotte.
Solvabilité et viabilité commerciale: la déréglementation de l'industrie du transport aérien a produit énormément de volatilité dans le segment des vols réguliers de l'industrie du transport aérien au Canada. Les nouveaux joueurs ont miné l'intégrité des réseaux nationaux liant les diverses régions de notre pays, ont augmenté les risques de danger pour les passagers, ont laissé les consommateurs en plan, et ont exploité leurs employés en leur imposant des bas salaires et des conditions de travail inacceptables. Voilà les conséquences sociales de la déréglementation.
Nos propositions pour la réglementation, fondées encore une fois sur les exigences en vigueur en Europe, exigeraient que les transporteurs existants et les nouveaux arrivés prouvent leur solvabilité et leur viabilité commerciale avant de délivrer une licence. Des organismes de réglementation devraient fixer des normes économiques et financières simples, mais bien précises.
Droits des travailleurs: la déréglementation et la privatisation du secteur du transport aérien ont entraîné des mises à pied, une précarité d'emploi, des mauvaises conditions de travail, des gels de salaire et des coupures, ainsi qu'un climat de peur au travail. Dans l'avenir immédiat, il pourrait y avoir d'autres pertes d'emplois et une érosion plus poussée du niveau de vie des travailleurs. Des concessions de la part des travailleurs ne vont pas sauver ce secteur. Il faudrait plutôt une nouvelle politique de transport qui reconnaisse l'importance des emplois. Il faudrait des dispositions d'accès à la formation et de protection pour les employés menacés. Il faut aussi une loi pour garder les emplois ici au Canada.
Nos propositions sont justifiées, raisonnables, et constituent une politique de transport saine et viable. Tous pourraient bénéficier de ces mesures: l'industrie du transport aérien, les consommateurs, les employeurs et tous les Canadiens. Nos propositions donneraient lieu à une loi et une politique qui seraient meilleures que le projet de loi C-101.
Je voudrais maintenant prendre quelques moments pour discuter de certains articles du projet de loi.
La première catégorie d'articles englobe ceux qui sont gravement déficients et qui devraient être supprimés ou reformulés de fond en comble par le Comité permanent des transports.
Rôle du nouvel Office des transports du Canada: en vertu du projet de loi C-101, ce nouvel office ne serait plus autonome et ne serait qu'un organisme purement administratif responsable d'appliquer les mesures contenues dans la politique et de suivre les directives ministérielles. On voit l'importance de ces changements à plusieurs niveaux; il suffit de mentionner la suppression du critère de l'intérêt public contenu dans la loi, l'incapacité de l'office de mener ses propres enquêtes en matière de sécurité, l'ancien paragraphe 35(3) qui est remplacé par l'article 38, et la responsabilité du rapport annuel qui sera refilé à Transports Canada en vertu des articles 51 et 53.
Ces changements pourraient faciliter la tâche du ministre, mais ne vont pas assurer l'élaboration d'une bonne politique de transport pour tous les Canadiens. Lorsque les Conservateurs ont officiellement annoncé la déréglementation du secteur en 1987, la mesure a été contestée, c'est le moins qu'on puisse dire, surtout au niveau de la sécurité. Si ces changements sont apportés, ceux qui établissent la politique seront ceux qui l'évaluent, ce qui, à notre avis, est tout à fait incacceptable. Voilà pourquoi les responsabilités prévues au paragraphe 35(3) devraient être remises au nouvel office, tout comme la responsabilité du rapport annuel, et on devrait prévoir les ressources nécessaires à la réalisation de ces tâches de façon autonome.
Région désignée: nous avons déjà dit dans notre lettre du 1er septembre 1995 que nous nous opposons à la suppression du concept de région désignée. Le résultat serait la déréglementation du Nord. Ce comité s'est déjà penché sur cette question dans son rapport sur la CELTN publié en juin 1993. À l'époque, il a constaté que l'office n'utilisait pas la méthode de l'inversion du fardeau de la preuve prévue par la loi et craignait que la surcapacité ne devienne un problème grave, accompagné de toutes les conséquences qui en ont découlé dans le Sud.
Par ailleurs, lorsque Canadian North a interrompu son service, les habitants d'Iqaluit, par exemple, craignaient de perdre leur service aérien et de subir des hausses excessives de tarifs pour les vols directs offerts par les sociétés monopolistiques. À la lumière des conséquences néfastes de la déréglementation du secteur du transport aérien dans le Sud du Canada, nous ne voyons aucune raison d'imposer le même sort aux résidents du Nord, surtout si on prévoit apporter le changement prévu à l'article 65, à savoir réduire de moitié le délai d'avis pour interrompre le service.
L'ajout de l'article 48 sur les perturbations extraordinaires reflète le désir du ministre de pouvoir intervenir lorsque les marchés de transport déréglementés, y compris les lignes aériennes, deviennent dysfonctionnelles et, par conséquent, se désintègrent. Le ministre des Transports veut pouvoir invoquer la Loi sur la concurrence pour remédier aux problèmes causés par la rivalité destructive.
Puisque nous serions les premières victimes d'un tel dysfonctionnement du marché, nous croyons qu'il est essentiel de garder l'article 48, mais nous croyons que c'est trop peu, trop tard. Il n'y aura aucun critère, et c'est un pouvoir de réserve tel qu'on n'en a pratiquement jamais vu dans une loi canadienne.
S'il faut prouver que les règlements sont bien fondés, il s'agit de penser à l'article 48. Soit que nous avons des règlements bien fondés, soit on subit les conséquences de nos erreurs.
La deuxième catégorie d'articles est celle qui, à notre avis, représente les premières mesures à prendre pour les rendre efficaces.
Études de solvabilité: il est bien temps que Transports Canada s'intéresse à la solvabilité des nouveaux transporteurs. Les directives politiques prévues à l'aliné 86(1)b) sont un bon exemple de l'intérêt que l'office aura à fixer des exigences financières minimales pour quiconque voudra exploiter un service transfrontalier entre le Canada et les États-Unis. Ces mesures protégeront les consommateurs et les travailleurs des effets néfastes des activités de lignes aériennes louches.
L'ajout du sous-alinéa 62a)(iv) comme condition de délivrance de nouvelles licences est une bonne idée, car cela représente une autre exigence financière.
Toutefois, il faut aller plus loin.
Tout d'abord, la portée du paragraphe 64(1) doit être accrue pour inclure l'exigence de répondre à des critères financiers régulièrement. Dans la Communauté européenne, le troisième train de mesures de libéralisation de l'industrie aéronautique contient plusieurs exigences de cette nature qui pourraient servir d'exemple pour le Canada, y compris l'obligation des transporteurs aériens d'assurer une rentabilité et de bonnes mesures de sécurité en tout temps, ce qui est l'article 1, et un rapport annuel sur la situation financière et économique du transporteur aérien, prévu à l'article 5(4).
Deuxièmement, l'ajout de l'article 64(3) est une bonne idée aussi pour régler la situation des nouveaux transporteurs chancelants. Cependant, cette disposition doit aller plus loin et inclure les mesures à imposer aux exploitants vraiment malhonnêtes.
Tout comme les États-Unis ont essayé de régler l'affaire de Frank Lorenzo en invoquant H.R. 2461, par exemple, nous devons régler le cas de Robert Obadia, qui, selon les éditions du 28 et du 29 septembre 1995 de la Montreal Gazette, fait l'objet d'une enquête de la GRC pour aliénation frauduleuse de biens pour échapper à ses créanciers, y compris 1 300 anciens employés, et qui a aussi été impliqué dans les activités de deux lignes aériennes qui ont fait faillite, à savoir Nationair et Astoria.
Si on suit l'exemple des législateurs américains, nous devrions interdire la délivrance de licences à quiconque a eu le contrôle d'un ou de plusieurs transporteurs aériens et a suspendu leurs activités plus de deux fois grâce à la procédure de faillite.
Puisque nous savons que l'idée derrière l'article 61, c'est de créer une autorité législative pour fixer les règles des ententes de location mouillée, telles que les accords de partage des codes de vol et d'affrètement partiel, nous appuyons cette initiative. Bien sûr, le problème se pose toujours lorsqu'on étudie les détails d'une réglementation de ce genre.
Entre-temps, nous devrions aller un peu plus loin et imposer une interdiction législative de cabotage pour que les rédacteurs du nouveau règlement soient sûrs de la politique. Si notre interprétation est bonne, l'article 10(6)a) de la nouvelle entente sur les ciels ouverts conclue entre le Canada et les États-Unis devait interdire le cabotage ou le quasi-cabotage. Pour protéger l'avenir du secteur canadien, on devrait interdire le cabotage dès maintenant dans la nouvelle Loi sur les transports au Canada et ne pas compter uniquement sur les règlements.
En conclusion, je voudrais vous remercier encore une fois de nous avoir donné l'occasion de comparaître aujourd'hui. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup, Denise, pour votre exposé. Il était très détaillé, et nous avons noté vos suggestions.
Monsieur Gouk.
M. Gouk: Je n'ai pas de questions pour le moment. Je dois prendre le temps de relire vos suggestions. De toute évidence, vous avez fait beaucoup de travail, et je dois prendre le temps de lire votre document. J'ai votre numéro; alors, lorsque je l'aurais lu, je vous appellerai si je veux avoir des précisions ou des explications.
Le président: Monsieur Nault.
M. Nault: Monsieur le président, j'ai un problème précis. Les témoins nous ont présenté des propositions dans leur document concernant le Nord du Canada... et je me demande si pour eux les Territoires du Nord-Ouest constituent le «Nord du Canada» et s'ils laissent pour compte ceux d'entre nous qui vivent dans le Nord de l'Ontario ou de la Saskatchewan. D'après nos expériences dans le Nord de l'Ontario, je puis dire aux témoins que depuis que nous y connaissons la déréglementation il y a eu une augmentation énorme du nombre de vols effectués par les transporteurs aériens, tandis qu'avec l'ancien régime de règlements, à peu près dans tous les cas, nous étions limités à un vol par jour si on avait de la chance. Bien sûr, l'avion était alors un peu plus gros que ceux que l'on utilise maintenant.
Évidemment, je suis très fier de ce que nous ayons un transporteur aérien régional qui s'appelle Bearskin Lake Air Service; c'est un transporteur qui a du succès et qui fait voler plus d'avions que presque n'importe qui dans les territoires du Nord ou dans les parties septentrionales du Canada, et ses avions se rendent dans presque toutes les communautés qui s'y trouvent.
J'aimerais donc savoir si les témoins parlent de mon coin de pays, parce que, depuis le début de la déréglementation, mon expérience se trouve tout à fait à l'opposé de la leur.
D'autre part, je représente plus de communautés autochtones que n'importe qui d'autre au Canada. Ces communautés sont en train de conjuguer leurs forces pour lancer leurs propres compagnies d'aviation.
On semble dire - et j'aimerais avoir des éclaircissements là-dessus - qu'ils ne pourraient pas avoir leur part de ce marché parce qu'ils couperaient les prix ou qu'ils feraient concurrence à Bearskin. De toute évidence, les premières nations à qui j'en ai parlé veulent faire concurrence à Bearskin parce qu'à leur avis ses prix sont trop élevés. Ces gens ont mis sur pied leurs propres compagnies d'aviation et commencent à jouer le jeu.
Donc, toute cette question des restrictions visant les routes et les régions ou de constitution de zones... Il me semble que si c'est mal fait, cela pourrait nuire à une région comme la mienne, qui semble se débrouiller très bien avec la déréglementation. Dans une ville comme Kenora, où nous n'avions qu'un vol par jour avec le système réglementé, il y en a maintenant six, sept ou huit. Pour moi, c'est avantageux. L'avion est beaucoup plus petit et inconfortable, mais, Dieu m'en est témoin, il y a des jours où j'aimerais qu'on en ait quelques-uns de plus avec des toilettes. Mais je me rends de Kenora à Thunder Bay, où j'embarque dans un plus gros avion pour me rendre à destination.
J'aimerais bien avoir quelques jets plus gros. Je ne dis pas non. Mais pour ce qui est de la fréquence des vols, pour moi, c'est une amélioration.
Vous proposez de restreindre à la fois l'accès et la concurrence en créant des zones. Je ne m'oppose pas à ce que l'on exige que les entrepreneurs qui voudraient se lancer dans ce genre d'affaire aient les reins solides, parce que vous avez raison: il y a des gens malhonnêtes partout, mais je viens quand même d'une région où nous avons connu un certain succès.
Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Richard Balnis (agent principal de recherche, Syndicat canadien de la fonction publique): Vous voulez d'abord avoir une définition de ce qu'est le Nord. Nous nous servons de la définition des régions au nord du 55e parrallèle. Cela n'inclut pas votre région. Il s'agit du Grand Nord. Il ne s'agit pas du Nord de l'Ontario, mais des zones désignées définies dans le projet de loi.
Pour ce qui est des meilleurs services offerts grâce à la déréglementation, le nombre de vols et de sièges a augmenté à certains endroits, mais ailleurs, comme à Sault Ste. Marie, Sudbury - un peu plus au sud de ce qui vous intéresse - il y a eu une diminution du nombre de vols et de sièges. Les conditions varient d'un marché à l'autre.
Il y a eu une augmentation à Kenora. Ailleurs, nous avons regardé... Dans notre mémoire à la Commission d'examen de la Loi sur les transports nationaux, nous avons montré qu'il y avait perte de services et baisse du nombre de vols et de sièges sur certaines routes. Tout dépend donc du marché.
Notre proposition n'était pas destinée à interdire à qui que ce soit de percer sur le marché. Nous parlons de la création d'un seuil. Prenons l'exemple de Bearskin... Je ne connais pas la compagnie. Pour être plus sûr, appelons-la transporteur aérien X. Si le transporteur aérien X fournit de mauvais services à des tarifs élevés, notre proposition n'empêchera pas une compagnie autochtone dynamique d'entrer sur le marché pour fournir ces services.
Le problème se pose lorsque deux transporteurs ou plus essaient de pénétrer un marché saturé. Le résultat est un match nul où chacun essaie d'acculer l'autre à la faillite. Nous croyons que c'est du gaspillage et que cela ne sert aucun intérêt au niveau des politiques publiques. Parfois, la concurrence peut être destructrices.
Donc, nous ne cherchons pas à empêcher de nouveaux entrepreneurs de se lancer en affaires pour rendre le secteur plus efficace. Nous ne voulons pas empêcher la ligne aérienne B de s'établir sur le marché pour obliger la ligne aérienne A à faire son travail. Cependant, nous voulons éviter que ces deux lignes aériennes s'entre-tuent. C'est du gaspillage.
Ainsi, nous représentons les agents de bord d'Air Canada et de Canadian Airlines à la fois, et je peux vous dire que pendant les deux ans où Canadian Airlines était sur le point de disparaître, il fallait voir l'angoisse de tous ceux qui, avec 25 ou 30 ans d'ancienneté, risquaient de perdre leur emploi parce que l'équipe rouge et l'équipe bleue avaient décidé de s'entre-tuer; à notre avis, cela ne servait pas la politique des transports et constituait un gaspillage des ressources de la société.
Nous ne voulons pas retourner à l'ancienne CAB, ni à l'ancienne CTC. C'est pour cela nous parlons de règlementation intelligente. Notre idée découle de ce que le Comité permanent des transports a dit en juin 1993 à propos des marchés qui ne fonctionnent pas toujours. Ce qu'il faut faire, c'est réglementer plus intelligemment. Et à notre avis, nos propositions contribuent à une réglementation plus intelligente.
M. Nault: Monsieur le président, c'est là la question que je voulais aborder. Je n'ai pas de statistiques avec moi, mais j'ai l'impression - c'est peut-être une perception, donc corrigez-moi si je me trompe - qu'il est très difficile pour nous de discuter de la réglementation du passé par rapport à la déréglementation actuelle.
Regardez combien de passagers prennent l'avion maintenant, par rapport à 20 ou 30 ans, lorsque la réglementation était très stricte. Je crois que vous reconnaîtrez avec moi que les gens ont radicalement changé d'attitude quant à l'utilisation des lignes aériennes.
Par conséquent, nous comparons franchement des torchons et des serviettes. Nous ne pouvons pas vraiment remonter à l'époque de la réglementation et dire que cela marchait beaucoup mieux. Il est impossible de faire cela, nous devons tenir compte de l'environnement d'aujourd'hui.
Dans le projet de loi, vous suggérez que le ministre a apporté des améliorations, mais vous dites aussi qu'il n'est pas allé assez loin. C'est bien ce que pensez? Aimeriez-vous qu'il aille un peu plus loin?
Évidemment l'une des grandes préoccupations du ministre, et il l'a dit publiquement à plusieurs reprises, c'est la volonté des deux grands transporteurs de se faire la guerre jusqu'à ce que l'un des deux lâche, pour ainsi dire. C'est pour cela qu'il a inséré, dans le projet de loi, une section qui lui permet de régler cette situation de façon efficace.
Je crois que vous êtes d'accord avec cela. J'ai l'impression que, d'une part, vous approuvez l'orientation générale du projet de loi, mais que, comme tous les syndicats ou l'ensemble de la population, vous aimeriez que le projet de loi aille un peu plus loin et prévoit certaines choses que, si vous aviez été ministre, vous auriez fait à votre façon. C'est bien ce que vous pensez?
M. Balnis: Vous soulevez plusieurs questions. Vous parlez de revenir en arrière. Certes, on peut reprocher aux syndicats de tout simplement se présenter devant le Comité permanent des transports pour dire: Nous vous l'avions bien dit. Mais je crois que nous avons relevé le défi et que nous sommes allés plus loin. Nous avons dit que c'était différent. Lorsqu'il a introduit la déréglementation des lignes aériennes aux États-Unis, Alfred Kahn a dit que l'omelette était tellement battue qu'il ne serait plus jamais possible de reconstituer les oeufs. Nous reconnaissons que c'est impossible, mais préparons une meilleure omelette.
C'est pour cela que nous avons proposé une réglementation intelligente en disant que nous relevions le défi. Nous ne faisons pas retour en arrière. Les idées ont changé, l'industrie a changé, les voyageurs ont changé. Assurons-nous quand même que nous pouvons gérer la concurrence afin qu'elle soit équitable et non pas destructrice.
Si vous pensez que nous essayons de dire que le ministre est allé assez loin, non, il y a bien des articles du projet de loi C-101 où il déréglemente davantage et supprime les pouvoirs de l'Office. Nous ne sommes pas d'accord avec cela.
Prenons l'article 48 sur les perturbations extraordinaires. Pour comprendre ce que le ministre veut faire grâce à cet article, il faut se mettre à sa place lorsqu'il voit tous les jours dans les journaux qu'Air Canada et Canadian Air Lines cherchent à s'entre-tuer. Nous pouvons comprendre sa frustration. Il doit traiter avec 16 000 employés d'une ligne aérienne et avec 16 000 de l'autre qui lui téléphonent et lui envoient des télécopies et ainsi de suite. Que doit-il faire?
Nous comprenons le désespoir qui sous-tend l'article 48, mais nous disons qu'il est trop tard à ce moment-là. Il faut retourner aux fondements mêmes de l'industrie et prendre les mesures pour éviter la bagarre.
Quant à se réunir dans une salle, il est maintenant trop tard puisqu'ils se sont organisés pour s'entre-tuer. Nous pensons que s'ils connaissent les règles du jeu, ce genre de comportement destructeur sera freiné au début plutôt qu'à la fin.
Nous essayons tout simplement de nous montrer responsable, nous aussi, en essayant de vous aider. Nous ne venons pas vous dire que nous l'avions prévu ou que vous devriez retourner en 1984. Étant donné la crise que nous connaissons, nous vous disons tout simplement que l'article 8 ne réglera rien mais que d'autres mesures pourraient être efficaces, à notre avis. Voilà le pourquoi de notre offre.
Certes, nous avons déposé le document aujourd'hui seulement et vous n'avez pas eu le temps de le lire. De plus, bon nombre d'entre vous s'occupent d'autres questions pressantes.
M. Nault: Les chemins de fer, pas vrai?
Je vous pose cette dernière question avant de clore la réunion. Beaucoup de gens au Canada croient que la raison de cette bagarre entre Canadian et Air Canada est qu'il ne devrait y avoir qu'une ligne aérienne au Canada. Notre pays et sa population sont trop petits pour faire vivre deux gros transporteurs aériens.
Si j'ai bien compris le sens de votre proposition, vous ne voulez pas qu'un gros transporteur soit vainqueur et vous préférez conserver deux petites compagnies, car nous pourrons ainsi dire que nous avons deux transporteurs aériens nationaux. Mais la réalité est tout autre parce qu'il n'y a pas un assez gros bassin de population. Nous ne tenons pas compte des transporteurs régionaux. Eux se trouveront toujours là parce que les gros ne veulent pas aller jouer dans les plates-bandes régionales.
Pensez-vous vous aussi qu'il n'y a pas suffisamment de revenus pour faire vivre deux gros transporteurs aériens chez nous?
M. Balnis: Notre syndicat représente les employés des deux transporteurs et nous avons donc débattu longuement et durement de cette question. Nous croyons que le Canada peut faire vivre deux transporteurs nationaux. Cependant, les deux ne peuvent survivre que si un règlement empêche ce genre de guerre.
Si vous décidez qu'il devrait y avoir un transporteur principal au Canada, ce sera la pire issue possible du débat qui entoure notre politique des transports, car Air Canada, notre transporteur réglementé dominant il y a 15 ans, sera alors remplacé par un autre transporteur dominant, qu'il s'appelle Air Canada, Canadian ou Maple Flot, nom proposé par Scotia McLeod, maintenant que tout le domaine est déréglementé. Ce transporteur pourra faire la pluie et le beau temps et nous ne croyons pas que ce soit là l'aboutissement rationnel d'une politique gouvernementale.
M. Nault: Monsieur le président, j'aimerais conclure mon intervention de la façon suivante.
Honnêtement, bon nombre de pays en Europe, ceux dont vous parlez, n'ont qu'une seule ligne aérienne nationale.
M. Balnis: Manifestement, vous avez parlé à Air Canada, avec tous leurs graphiques.
M. Nault: Non, je ne parle pas aux lignes aériennes, vous avez donc un avantage sur moi, tout comme M. Gouk.
Je suis plutôt d'avis que nous avons un bassin de population très limité et qu'il y a trop d'avions qui circulent, et que c'est pour cette raison que nous avons ces guerres de prix. Elles se battent pour un montant très limité de revenus. C'est pour cela que les lignes aériennes se font de la concurrence. Ce n'est pas parce qu'elles veulent s'entre-tuer.
C'est tout ce que j'ai à dire. On pourrait en parler toute la journée, je sais que ces gens me regardent un peu bizarrement. Ils me disent qu'ils n'ont rien mangé depuis ce matin.
M. Balnis: Oui, c'est l'heure du déjeuner.
J'aimerais vous donner à penser avant que vous n'alliez manger. Si les Européens n'ont qu'une compagnie d'aviation et le Canada deux, songez au marché des États-Unis. Songez à la concentration qui s'est développée avec le nombre compagnies d'aviation qui ont fait faillite et qui se sont regroupées. D'après les analystes financiers à qui j'ai parlé, US Air, qui est beaucoup plus grand qu'Air Canada, va disparaître d'ici à la fin de l'année. Il y aura une fusion.
Le président: Il se peut que Northwest soit une meilleure ligne aérienne.
Monsieur Gouk, avez-vous d'autres choses à dire?
M. Gouk: Non, merci.
Le président: Merci, Denise et Richard. J'ai été heureux de vous revoir. Vos visages nous sont familiers ici au Comité, et nous vous remercions d'avoir pris le temps de venir ici pour faire votre présentation. Merci.
Mme Hill: Merci.
M. Nault: Ce sont des habitués du Comité, de toute évidence.
Le président: Chers collègues, je vous revois la semaine prochaine. La séance est levée.