[Enregistrement électronique]
Le mercredi 25 octobre 1995
[Traduction]
Le président: Bon après-midi. Nous reprenons l'examen du projet de loi C-101, la Loi sur les transports au Canada.
Nous accueillons cet après-midi, de la Commission canadienne du blé, le commissaire en chef, Lorne Hehn, ainsi que Tami Reynolds, conseillère. Bienvenue au comité des transports. Nous serons contents d'entendre un résumé de votre mémoire au comité afin qu'il nous reste suffisamment de temps pour vous poser des questions, Lorne, ainsi qu'à la commission. Vous pouvez commencer quand vous le voudrez.
M. Lorne F. Hehn (commissaire en chef, Commission canadienne du blé): Bon après-midi, mesdames et messieurs. Pour commencer, j'aimerais vous remercier, monsieur le président, ainsi que le comité, pour cette occasion de comparaître devant vous. Nous sommes vraiment honorés d'être ici et de parler au nom de la Commission canadienne du blé et des 120 000 agriculteurs pour lesquels nous travaillons.
La préparation du projet de loi C-101 nous a intéressés énormément puisque cela touchera une partie importante de nos affaires. L'une des tâches les plus importantes de la Commission canadienne du blé est le transport du blé et de l'orge des producteurs jusqu'aux utilisateurs, dans 75 pays étrangers. L'efficacité avec laquelle nous accomplissons ce travail, du moins du point de vue transport, dépendra de ce projet de loi.
Dans notre mémoire, nous parlons de nombreux aspects du projet de loi C-101 qui nous conviennent et nous satisfont. Nous pensons qu'ils nous aideront à assainir l'environnement dans lequel nous travaillons, afin que nous puissions faire oeuvre utile.
Nous apprécions, par exemple, divers aspects de contrôle du projet de loi. Les paragraphes 43(1) et 43(2) prévoient la présentation par l'office d'un rapport annuel et d'une évaluation de l'application de la loi. Il s'agit d'une disposition d'évaluation très utile et d'une partie importante du projet de loi.
Le paragraphe 54(1) exige un examen de l'application de la loi tous les quatre ans, ce qui est encore une fois une suggestion très utile.
Nous aimons aussi la souplesse qui caractérise le projet de loi. Par exemple, le paragraphe 48(1) donne au gouverneur en conseil la possibilité de prendre les mesures nécessaires pour stabiliser le réseau des transports en cas de perturbation extraordinaire. C'est important.
Les articles 128 et 129 permettent à l'office d'établir un ordre d'interconnexion, d'ordonner que des installations soient fournies, de fixer des limites d'interconnexion et de déterminer les prix compensatoires.
À notre avis, ce genre de dispositions va ajouter de la valeur à nos produits, du côté du transport du grain, et va certainement bonifier la Loi sur les transports au Canada. Nous appuyons pleinement ces mesures.
Nous avons toutefois certaines préoccupations et, pendant le reste de mon exposé, je me concentrerai sur trois points essentiels qui nous préoccupent et qui risquent selon nous d'avoir un effet grave sur l'efficacité de la loi elle-même.
La première de ces questions d'importance est la référence au «préjudice important». À notre avis, cet article compliquera la procédure de règlement des différends puisque l'office devra déterminer si le demandeur subirait un préjudice important s'il n'obtient pas réparation autrement, avant que la demande soit examinée par l'Office.
Dans un cas extrême, l'office pourrait décider d'interpréter «préjudice important» comme signifiant que l'entreprise doit être acculée à la faillite, alors que ce qui est plus probable, c'est qu'un expéditeur subira des hausses graduelles des frais de transport qui nuiront gravement à sa compétitivité, à sa vente. Même avec le rendement relativement bon que nous avons actuellement, je ne crois pas qu'il soit nécessaire de rappeler au comité que le coût du transport des marchandises par rail représente à lui seul 15 à 20 p. 100 des recettes totales des ventes de céréales.
Ce paragraphe enlève aussi à l'office son pouvoir discrétionnaire d'examiner chaque demande selon son mérite et crée, à notre avis, beaucoup d'incertitude et de risque. Comme le «préjudice important» n'est pas défini, les expéditeurs et les transporteurs devront attendre que l'office ait pris un certain nombre de décisions pour avoir une idée précise du sens de ce terme.
Comme il n'y a pas vraiment de concurrence entre les chemins de fer, cela ne donne-t-il pas aux chemins de fer le pouvoir d'exiger de n'importe quel expéditeur un tarif maximum?
Aux États-Unis, on en voit déjà des preuves évidentes. Au moment même où Burlington Northern transporte des volumes de céréales record, elle impose également des tarifs record de 400$ et plus, en sus du tarif par wagon avec service garanti. On nous a dit que le ministère américain de l'Agriculture est tellement préoccupé par cette situation qu'il surveille actuellement les activités du chemin de fer et continuera de le faire à l'avenir.
Comme on le mentionne dans le mémoire conjoint de la Western Train Elevator Association et de la CCB, nous estimons que ce paragraphe affaiblit sensiblement ou annule l'effet des dispositions relatives aux expéditeurs, dont les prix de ligne concurrentiels, les recours à l'arbitrage et les obligations de transporteur public.
Il affaiblit aussi la position de négociation de l'industrie du grain face aux deux principaux chemins de fer en éliminant l'obligation de trouver une solution négociée entre les deux parties. Ce paragraphe n'existait pas dans la Loi de 1987 sur les transports nationaux et les motifs de son inclusion au projet de loi ne sont pas très clairs. L'Office national des transports a une excellente fiche de route en matière de prise de décision et par conséquent, à notre avis, cet article devrait être éliminé.
Dans leur mémoire, les chemins de fer ont demandé qu'un critère applicable aux expéditeurs captifs soit ajouté au paragraphe 27(2). Le cas échéant, on se retrouverait dans la même situation qu'avant la LTN de 1987. Ce critère a été supprimé, à notre avis, parce qu'il était extrêmement difficile de trouver une définition satisfaisante du mot «captif». Nous pensons qu'il est difficile de prouver qu'une telle situation existe et que c'est un obstacle déraisonnable pour les expéditeurs.
Dans son exposé au comité, dont nous avons vu la transcription, Transports Canada déclarait que le paragraphe 27(2) ne s'appliquait pas à l'arbitrage des offres finales, mais nous croyons le contraire. Le cas échéant, le projet de loi doit être modifié pour exclure l'arbitrage des offres finales afin que tout soit parfaitement clair.
À notre avis, l'article 27 doit permettre non seulement aux expéditeurs mais également aux autres parties intéressées de faire une demande auprès de l'office. Actuellement, en vertu de la Loi sur les transports au Canada, seuls les expéditeurs peuvent présenter une demande. Mais il est possible que des organisations agricoles, un groupe de producteurs ou même un agriculteur particulier veulent présenter une demande.
Encore une fois, je n'ai pas à rappeler au comité que les agriculteurs paient les frais de transport. Ils paient les frais et sont directement touchés par la qualité du service. En fin de compte, ils sont les véritables expéditeurs des céréales. Ils devraient par conséquent avoir la possibilité de présenter une demande.
Le deuxième point qui nous préoccupe porte sur les articles 114 à 117, soit les dispositions relatives aux expéditeurs. On y énonce les obligations des transporteurs, afin que les chemins de fer soient tenus de fournir un service et les installations nécessaires. Ces dispositions ont été conservées et sont essentiellement les mêmes que dans la LTN.
Nous partageons ce point de vue non seulement avec les expéditeurs canadiens, mais également avec les expéditeurs américains. Les chemins de fer de classe 1, les chemins de fer régionaux et les chemins de fer d'intérêt local, aux États-Unis, ont demandé que des obligations semblables soient conservées dans les mesures législatives relatives au transport, chez eux. Ces obligations imposées aux chemins de fer sont un élément du mécanisme de négociation qui est essentiel pour les expéditeurs afin de contrer le pouvoir des chemins de fer sur le marché.
Nos expéditeurs de céréales, comme bien d'autres expéditeurs, sont habituellement desservis par un seul chemin de fer. Ces mécanismes permettent un accès concurrentiel et garantissent certainement que les chemins de fer vont exiger un tarif et un service proportionnels à ce tarif.
En dernier lieu, j'aimerais parler des articles 147 à 155. Ces dispositions se rapportent plus particulièrement aux céréales. Nous sommes ravis de constater que les dispositions du projet de loi C-76 relatives aux céréales ont été intégrées au projet de loi C-101. Ces dispositions prévoient un barème de taux maximaux pour les céréales, un tarif et un examen obligatoire des effets de la loi.
Nous constatons qu'au moins un chemin de fer, dans son mémoire, a demandé que soit réintroduite l'inversion du fardeau de la preuve pour le maintien de la structure de taux maximaux. Le CN a justifié cette demande en prétendant qu'il y avait une concurrence dans le secteur du transport du grain et en affirmant que 70 p. 100 des producteurs agricoles sont à moins de 30 kilomètres d'une ligne de chemin de fer concurrente.
Ce chiffre nous dit autre chose. En effet près du tiers des agriculteurs sont à plus de 30 kilomètres d'une ligne concurrente. En outre, ces 30 kilomètres ne tiennent pas compte d'obstacles géographiques comme les montagnes, les lacs, les routes et toutes sortes d'empêchements au transport du grain. Un agriculteur peut vivre à 20 kilomètres au nord d'une ligne de chemin de fer, alors que la ligne concurrente est à 30 kilomètres au sud de la première, ce qui le place à 50 kilomètres de la ligne concurrente.
Il est très difficile de prouver qu'il y a une concurrence entre les chemins de fer dans le secteur des céréales. En fait, le CN prétend exactement le contraire dans son prospectus, que je cite:
- La part du marché des chemins de fer, dans le secteur du grain et des produits céréaliers, dépend
simplement du type de production et de sa provenance.
- Nous pensons que les auteurs de ce texte ont tout à fait raison. Chez les chemins de fer, la part du
marché des céréales dépend surtout de la provenance du produit.
En 1994-1995, 369 905 wagons de chemin de fer ont été chargés de grain pour le transport vers l'exportation, c'est-à-dire vers les ports de Vancouver, Prince-Rupert, Thunder Bay et Churchill. Cela représente 30,3 millions de tonnes. Si la moitié de ce volume était transportée par camion, cela représenterait 352 700 camions super-B, à raison de 43 tonnes par camion, sur nos autoroutes. Est-ce un scénario réaliste?
En 1993, le gouvernement a mis sur pied un programme d'urgence pour le transport par camion du grain de l'Ouest vers Thunder Bay. Vous êtes au courant. Pendant une période de deux mois, le volume total transporté par camion ne correspondait qu'à dix wagons de chemin de fer. À notre avis, ce n'est pas très réaliste.
Les dispositions relatives au transport des céréales des articles 147 à 155 représentent un équilibre des pouvoirs dans un environnement qui favorise plutôt les transporteurs; par conséquent, nous recommandons qu'elles demeurent dans le projet de loi, à condition bien sûr qu'il y ait un examen par le gouvernement, comme nous le disions plus tôt.
En conclusion, nous sommes enchantés de bien des aspects de ce projet de loi, comme je l'ai dit au début. Nous pensons que cette loi crée un cadre solide dans lequel l'industrie des céréales pourra transporter efficacement ses produits. Mais je tiens à formuler de nouveau nos trois principales préoccupations.
L'exigence figurant au paragraphe 27(2) selon laquelle l'office doit déterminer qu'un demandeur subira un préjudice important avant même d'étudier sa demande va à l'encontre de la procédure de règlement des différends et la complique.
Deuxièmement, les articles 114 à 117 selon lesquels les chemins de fer sont tenus d'offrir des services appropriés et les installations nécessaires sont essentielles pour nous et doivent être conservés.
Enfin, les articles 147 à 155, qui imposent un barème de taux maximaux pour le transport du grain, un tarif et un examen, doivent également être gardés.
Nous vous remercions de cette occasion de participer à vos délibérations et Tami et moi-même sommes prêts à répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup, M. Hehn et Mme Reynolds. La Commission canadienne du blé est très bien représentée aujourd'hui. Nous vous remercions de votre mémoire.
Passons immédiatement aux questions.
Monsieur Gouk, voulez-vous partager votre temps avec M. Hermanson?
M. Gouk (Kootenay Ouest - Revelstoke): Merci, monsieur le président. Je vais poser quelques questions puis je céderai la parole à mon collègue qui connaît mieux l'agriculture.
Votre mémoire traite de questions déjà soulevées par d'autres intervenants avant vous et dont nous avons beaucoup discuté. J'ai moi-même des préoccupations à leur sujet et je veux que nous en parlions.
Vous avez toutefois soulevé deux nouvelles préoccupations. Vous dites qu'en vertu du paragraphe 27(2), d'autres personnes que les expéditeurs devraient pouvoir présenter une demande à l'office. Vous dites que les agriculteurs paient les frais de transport. Mais lorsque ce ne sont pas eux les expéditeurs, mais plutôt des organismes qui font ça pour eux, et que ces organismes s'adresseraient à l'office, quelle procédure devraient suivre les agriculteurs pour faire une demande, en vertu des dispositions que vous proposez? Qu'est-ce qu'ils demanderaient à l'office? Que l'on déclare que leurs propres expéditeurs n'ont pas su négocier assez habilement en leur nom et qu'ils doivent retourner à la table de négociation? Quelle résolution ou quelle réparation pourraient-ils demander?
M. Hehn: En fait, l'agriculteur peut être un expéditeur s'il envoie son produit par wagon de producteur.
M. Gouk: Il a alors accès à l'office.
M. Hehn: Mais pour un particulier, c'est très difficile et cela représente une préoccupation importante.
M. Gouk: Vous parlez donc d'agriculteurs qui sont des producteurs-expéditeurs, et non des expéditeurs qui ne font pas eux-mêmes l'expédition mais qui passent par quelqu'un d'autre, et qui voudraient tout de même pouvoir interjeter appel au sujet des coûts.
Mme Tami Reynolds (conseillère, Commission canadienne du blé): Il faut également signaler que la disposition relative à l'intérêt public ne figure plus dans le projet de loi. C'était dans la LTN de 1987, mais pas dans le projet de loi C-101. Cela aurait offert aux agriculteurs un mécanisme leur permettant de faire une telle demande.
M. Gouk: Votre deuxième préoccupation se rapporte à l'article 120, qui demande aux chemins de fer de donner un préavis de 20 jours. On sait donc qu'il y aura une hausse de prix. Dans le projet de loi, on dit que la compagnie «publie la modification» des prix d'un tarif. Vous êtes les premiers à nous dire que cela ne signifie pas que le chemin de fer est obligé de dire de quelle hausse il s'agit. Honnêtement, j'ai tendance à croire que la hausse elle-même doit faire partie du préavis.
Mme Reynolds: Lorsqu'il y a eu une modification du tarif- marchandises en vertu de la LTGO, nous avons reçu un avis d'intention de hausser le tarif puis, peu de temps avant son entrée en vigueur, les nouveaux prix ont été divulgués.
Il s'agissait peut-être de circonstances exceptionnelles, puisque nous passions de la LTGO à la LTN. Mais nous avons posé la question aux chemins de fer. En effet, nous pensions que les tarifs, s'il y avait une augmentation, devaient être publiés 20 jours avant la date de leur entrée en vigueur. On m'a répondu que ce n'était pas le cas. Les chemins de fer m'ont précisé qu'ils n'avaient qu'à donner un préavis de leur intention de hausser les prix, sans nécessairement préciser de quelle hausse il s'agissait.
M. Gouk: Ce n'est pas ainsi que je vois les choses, mais je comprends votre préoccupation. Je vais examiner cela davantage parce que j'ai d'autres préoccupations qui se rapportent un peu au même sujet, de toute façon.
M. Hehn: Je pense que l'incertitude se rapportant à l'ampleur d'une hausse est aussi importante que la nouvelle de la hausse elle-même. Elle influence nos choix sur l'endroit où sera transporté et commercialisé le grain. Cela a également un effet sur le budget des producteurs.
M. Gouk: J'ai en tête une modification qui va répondre notamment à vos préoccupations.
M. Hermanson (Kindersley - Lloydminster): Avec la perte du tarif du Nid-de-Corbeau, de la LTGO, les producteurs paient maintenant le plein montant des frais de transport des céréales vers les ports. Les chemins de fer prétendent qu'avec la mise en oeuvre du plafond que vous préconisez, le plafond pour le fret prévu aux articles 147 à 155 si je ne m'abuse, ils ne pourront faire profiter d'autres lignes des gains de rendement réalisés sur leurs lignes les plus efficaces, où il y a 50 ou 100 wagons, et certains de plus grands terminaux que construisent les expéditeurs. Il y a eu une rationalisation du système.
À part le coût des chemins et toutes ces autres questions connexes, qui sont importantes, je le sais, quelle augmentation prévoyez-vous pour les tarifs-marchandises, si l'on élimine le maximum, étant donné la position concurrentielle qu'aurait le secteur du camionnage sur les courtes distances de 50 à 60 milles, disons?
M. Hehn: C'est une question à laquelle il est difficile de répondre. L'augmentation pourrait être illimitée, car je ne pense pas que le transport sur de courtes distances ait un si grand impact sur le tarif général. J'ai mentionné que 80 p. 100 des céréales transportées dans l'ouest du Canada sont destinées à l'exportation. Le camionnage n'entre pas tellement en ligne de compte dans ce cas. On ne peut simplement pas transporter des céréales par camion des Prairies à Vancouver; ce n'est pas faisable.
M. Hermanson: Ce n'est pas de cela que je veux parler. Je parle plutôt du cas où un camion pourrait faire le transport sur une distance de 50 ou 60 milles jusqu'à une ligne de chemin de fer du CN ou du CP, dans bien des cas, augmentant ainsi la concurrence pour ce tonnage entre les deux seuls chemins de fer que nous avons et qui ont la capacité de transporter des quantités importantes de céréales.
Je ne parle pas du transport vers un port. C'est évidemment hors de question. Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire qu'il est physiquement impossible de faire passer la production des Prairies à la côte par camion. Mais si l'on considère les coûts supplémentaires que les chemins de fer devront payer, d'après eux, parce qu'ils ne pourront pas faire passer les gains de rendement sur les lignes plus efficaces aux lignes inefficaces, à cause des restrictions imposées par ce plafond, je me demande si la concurrence venant du secteur du camionnage, qui est vraiment très fort sur les courtes distances, certainement sur les distances de moins de 100 milles et peut-être souvent aussi sur les distances de moins de 50 milles, parviendrait à compenser cela et à assurer un coût total pour le transport des céréales jusqu'au port qui serait inférieur à celui qu'on obtiendrait en continuant de plafonner les tarifs, sans obtenir les gains de rendement des chemins de fer sur les lignes efficaces. Je pose la question parce que les chemins de fer utilisent cela comme excuse pour ne pas réduire les tarifs sur les lignes plus efficaces.
M. Hehn: Je pense qu'il faut examiner la situation ligne par ligne. Il est certain que nous avons des lignes de chemin de fer extrêmement coûteuses. Je pense que ce que vous dites au sujet des lignes extrêmement coûteuses est vrai, mais j'estime que cela contrebalance l'élimination du plafond des tarifs. Et je reviens encore une fois au fait que nous sommes obligés d'utiliser les chemins de fer pour transporter nos produits sur des marchés d'exportation. En l'absence de ce plafond pour le tarif, qu'est-ce qui peut nous assurer que les prix resteront à un niveau qui semble raisonnable du point de vue des agriculteurs?
Nous sommes différents. Les céréales constituent un produit unique. Je pense que la Loi sur le transport du grain de l'Ouest reconnaissait ce caractère unique et c'est pourquoi nous étions protégés sur le plan des tarifs. C'est pourquoi nous avions les garanties d'exécution. C'est pourquoi il y avait des examens des coûts. C'est pourquoi on surveillait l'infrastructure des chemins de fer ainsi que leurs dépenses pour ces infrastructures. C'est pourquoi également il y avait des dispositions concernant les tarifs concurrentiels et contigus. Quand on considère l'immensité géographique de l'Ouest canadien, je pense qu'on y voit la confirmation que le plafonnement des tarifs est nécessaire.
Ce n'est pas comme si le plafonnement des tarifs signifiait que les chemins de fer ne resteront pas intacts. Le plafond est lié aux coûts. Il tient compte des coûts variables, en plus de tenir compte, je pense, d'une part raisonnable des coûts fixes. Le plafond est donc raisonnable.
Mme Reynolds: Puis-je ajouter quelque chose?
S'il est vrai qu'il y aurait concurrence, on devrait normalement voir cette concurrence maintenant. Nous avons des programmes commerciaux pour le transport et nous nous rendons souvent compte que les tarifs qu'on nous offre varient de quelques cents seulement - de moins de un dollar. Si nous pouvions vraiment voir une certaine concurrence dans d'autres aspects de nos activités commerciales actuellement, nous apprécierions bien mieux les possibilités que le camionnage pourrait présenter. Mais même avec cette possibilité maintenant, certainement en ce qui concerne les transports commerciaux, nous ne voyons pas de différence marquée.
M. Hermanson: Vous pensez donc que si les tarifs augmentaient, le camionnage ne ferait pas des incursions dans le marché. C'est vraiment ce que vous dites: si les tarifs augmentaient, il n'y aurait pas de différence quantifiable dans le...
Mme Reynolds: Essentiellement, non. Comme M. Hehn l'a dit, ce n'est pas le trafic sur de courtes distances qui fait vraiment une différence; c'est le transport sur de longues distances et c'est ce que les chemins de fer veulent accaparer. En réalité, on sait qu'on ne peut pas transporter un tonnage important d'une ligne à une autre parce qu'il n'existe pas de capacité suffisante pour le faire. On ne verra donc pas le type de concurrence qu'on aimerait voir.
M. Hermanson: Comme vous le savez, nous fonctionnons dans un vide actuellement, parce que la LTGO n'existe plus et que le projet de loi C-101 n'a pas été adopté. En outre, nous n'avons pas encore déterminé comment nous allons répartir les wagons. Le projet de loi C-101 aura-t-il des répercussions sur la répartition des wagons? Y a-t-il une disposition que nous devrions examiner dans le projet de loi C-101 en ce qui concerne la répartition des wagons, ou s'agit-il de deux domaines complètement séparés, de sorte que nous n'avons pas à nous préoccuper de faire le lien entre les deux?
M. Hehn: Cela dépend de la participation des chemins de fer dans la répartition des wagons. Si les chemins de fer seuls peuvent s'occuper de la répartition des wagons, je pense que cela devrait en effet vous préoccuper.
Comme vous le savez, il y a un comité de l'industrie qui examine la question de la répartition des wagons. Espérons qu'il trouvera une solution dans laquelle on tiendra compte des préoccupations de tous les intervenants.
Le président: Mme Cowling, et ensuite M. Comuzzi.
Mme Cowling (Dauphin - Swan River): Merci, monsieur le président, et bienvenue, monsieur Hehn.
Ma question porte sur un commentaire que vous avez fait au sujet du caractère unique des céréales. Pourriez-vous faire une comparaison entre le transport des céréales et celui d'autres produits transportés par chemin de fer?
Mon autre question porte sur les changements considérables qui sont survenus dans l'Ouest canadien: croyez-vous qu'il faudrait une période d'adaptation ou de transition avant de passer à un régime déréglementé? Que pensez-vous de la déréglementation complète du système ferroviaire?
M. Hehn: Ce sont de très bonnes questions et je ne suis pas surpris que vous les ayez posées, étant donné que vous venez d'une région rurale du Manitoba. Les agriculteurs nous posent certainement des questions de cette nature.
Tout d'abord, permettez-moi de répondre à votre première question: quelle est la différence entre les céréales et les autres produits transportés en vrac? Je pense qu'il y a une différence marquée. Si nous comparons les céréales à des produits comme le charbon, la potasse ou le soufre, il faut être très prudents. Premièrement, nous brûlons le charbon et nous mangeons les céréales. Les céréales sont des produits alimentaires et il y a des questions de santé et de qualité qui s'appliquent aux céréales mais ne s'appliquent certainement pas au même degré aux autres produits en vrac, bien que je reconnaisse qu'il y a différents niveaux de qualité pour le charbon et la potasse également.
Je pense que la plus grande différence, cependant, est le fait que les céréales proviennent de ce que j'appellerais 120 000 manufactures au lieu ou de quatre ou cinq mines. La deuxième grande différence réside dans le fait que si l'on considère seulement les céréales produites dans l'Ouest du Canada, on y trouve sept céréales principales, et que chaque grande sorte de céréale comporte plusieurs catégories. Il y a par exemple sept catégories de blé. Il y a au moins deux grades dans chaque catégorie, en plus d'autres variétés selon les protéines et la qualité. Il y a donc là aussi une différence. Il ne s'agit aucunement d'une simple opération de stock à stock. C'est une opération extrêmement bien coordonnée.
Et nous, dans l'Ouest du Canada, sommes très différents à un autre point de vue. Si nous comparions notre système à celui des États-Unis, par exemple, notre ratio d'entreposage par rapport aux céréales transportées sur des marchés d'exportation est très différent de celui de notre principal concurrent, les États-Unis. Les Américains disposent, par exemple, d'espace d'entreposage commerciale utilisable équivalent à un peu plus de 200 millions de tonnes. Ils exportent environ 90 millions de tonnes. Notre situation est exactement l'opposée. Nous disposons d'espace commerciale utilisable pour environ 12 millions de tonnes, alors que nous exportons 30 millions de tonnes. Nous devons donc être d'autant plus méticuleux quant à la quantité de céréales que nous apportons.
Si vous voulez parler d'un système d'approvisionnement automatique ou d'un système d'approvisionnement sur demande, nous devrions qualifier le nôtre de système d'approvisionnement sur demande et le leur de système d'approvisionnement automatique. Nous tenons compte de la demande à partir des exploitations agricoles. Nous commençons avec un cycle de planification de trois mois et nous le réduisons à un cycle de transport de cinq semaines, une fois que nous avons confirmé les contrats de vente. C'est tout à fait différent d'une opération de stock à stock lorsque l'on charge le navire à partir du stock de produits de qualité. Notre stock est constitué de 120 000 exploitations agricoles et nous devons donc être méticuleux.
Quant à votre question concernant une période de transition, je pense que cela dépend de l'ampleur du changement. Étant donné certains des changements que nous entrevoyons et les coûts des transports auxquels les agriculteurs font maintenant face, il faut certainement un certain temps pour nous permettre de faire entrer en ligne de compte certains de ces énormes changements qui surviendront dans l'ensemble du secteur agricole. Je pense qu'une période d'au moins 10 ans n'est pas déraisonnable comme période de transition. Le groupe de cadres supérieurs examine également cette période de transition comme un facteur important.
Pour ce qui est de votre question sur la déréglementation complète, je dois avouer que je ne sais pas comment répondre, sauf en disant que lorsqu'on vit dans un pays qu'on ne peut traverser en moins de cinq heures d'avion, et lorsque notre subsistance et notre économie dépendent tellement des exportations, je ne vois pas comment ce pays peut exister et être concurrentiel dans un contexte mondial si le gouvernement n'offre pas une infrastructure pour aider dans le secteur des transports. Je pense que c'est impératif.
Mme Cowling: Merci.
Le président: Il nous reste encore cinq minutes. Monsieur Comuzzi.
M. Comuzzi (Thunder Bay - Nipigon): Merci, monsieur le président, et bienvenue, madame Reynolds et monsieur Hehn.
Parlons un instant des wagons désignés. Je pense que la Commission canadienne du blé possède 22 000 ou contrôle...
M. Hehn: Non, nous en possédons 2 000, mais nous sommes aussi responsables de la gestion de 2 000 wagons loués. Nous sommes donc responsables de la gestion d'un total de 4 000 wagons.
M. Comuzzi: Qui possède ou contrôle les autres wagons désignés?
M. Hehn: Le gouvernement possède directement 13 000 wagons, nous en possédons 2 000 et le gouvernement en loue 2 000, pour un total de 17 000; en outre, chaque province en possède 1 000. Les chemins de fer fournissent également leur propre matériel et on loue en outre directement du matériel supplémentaire. Par exemple, nous louons des wagons directement pour le marché américain. Au total, je crois que nous disposons actuellement d'environ 25 000 wagons, n'est-ce pas, Tami?
M. Comuzzi: Le total se situe entre 23 000 et 25 000.
Mme Reynolds: En effet.
M. Comuzzi: Voyez-vous un avantage à ce que la Commission du blé demeure propriétaire ou responsable de ces wagons qui relèvent actuellement du gouvernement canadien et des wagons qui relèvent de la Commission du blé?
M. Hehn: Il y en a en effet, mais je pense qu'on peut voir cela de deux points de vue: le point de vue du contrôle ou le point de vue de la gestion.
Nous possédons en effet l'infrastructure nécessaire pour ce qui est de la propriété même des wagons. Quant à la façon dont on les utilise par la suite, c'est une autre question. Je pense donc que du point de vue de la propriété, nous avons tout ce qu'il faut pour gérer cela et nous pourrions le faire sans aucune difficulté.
M. Comuzzi: Vous êtes donc d'avis, parce que vous vous occupez d'environ 20 p. 100 - je pense que c'est le chiffre que vous avez donné - du volume de transport ferroviaire par le CP et le CN, qu'en contrôlant les wagons de céréales, que ce soit en les possédant ou en les gérant, les agriculteurs auraient un certain pouvoir. Est-ce la position de la Commission du blé? C'est ce que j'essaie de confirmer.
M. Hehn: Notre opposition au cours des réunions des cadres supérieurs était dans ce sens, c'est-à-dire qu'il serait en effet logique que la Commission du blé soit propriétaire des wagons et réponde à tous les besoins... Si les wagons étaient vendus aux agriculteurs pour 1$, par exemple, nous pourrions nous occuper des détails administratifs concernant ces wagons et nous assurer que les droits des agriculteurs sont protégés.
C'est la position que nous avions avant d'entreprendre les réunions avec les cadres supérieurs. Nous espérons qu'il en ressortira un consensus et je ne suis donc pas certain de la nature de ce consensus.
M. Comuzzi: Mais c'est un élément très important des préoccupations des agriculteurs, n'est-ce pas?
M. Hehn: Oui, je le dirais en effet.
M. Comuzzi: Vous vous opposeriez à la vente des wagons désignés à l'un ou l'autre des chemins de fer.
M. Hehn: Il me semble que si l'on vendait les wagons à un prix raisonnable - que ce soit la valeur non amortie ou la valeur du marché - et si cela se reflétait dans les tarifs pendant un certain nombre d'années, les agriculteurs seraient en réalité propriétaires de ces wagons de toute manière, alors pourquoi ne pas leur en transférer la propriété dès le début et en tenir compte dans les tarifs?
Je répète cependant que c'était notre position avant le début des réunions des cadres supérieurs. La discussion continue toujours pour en arriver à un consensus.
M. Comuzzi: Pourriez-vous informer le comité de ce que sera votre position au sujet de ces wagons désignés?
M. Hehn: Certainement.
M. Comuzzi: Je vous remercie.
Il me reste une seule autre question, monsieur le président. Au cours de ces réunions, nous entendons d'une part les représentants des chemins de fer nous demander essentiellement d'éliminer le régime de réglementation, de nous débarrasser de certaines voies et de les laisser devenir rentables; ils disent que leurs services sont concurrentiels - qu'il y a de nombreux facteurs permettant la concurrence; ils disent qu'il y a concurrence entre les chemins de fer, qu'il y a le camionnage et d'autres éléments... et que l'agriculteur est en fin de compte le client et qu'ils doivent satisfaire leurs clients. C'est l'une des positions dont on nous a fait part.
L'autre position dont on nous parle est la crainte que les usagers du réseau n'aient pas tellement confiance. L'un dit faites-nous confiance, nous ferons du bon travail pour vous. D'autre part, on dit qu'on n'est pas vraiment prêt.
C'est essentiellement de cela que nous parlons. C'est une question de confiance, n'est-ce pas?
M. Hehn: Lorsque je regarde ce qui se passe aux États-Unis, où existe le type de système que vous décrivez, dans un certain sens, c'est-à-dire où la réglementation est minimale, je suis plutôt inquiet.
J'ai mentionné que cette année, nous nous trouvons dans une situation où le chemin de fer le plus efficace aux États-Unis, en ce qui concerne le transport des céréales, Burlington Northern, connaît des mouvements record de grain, des volumes record. Cette société impose également des surcharges record de 400$ et plus par wagon, en plus du tarif régulier.
Je suis donc inévitablement préoccupé. Si je peux parler en tant qu'agriculteur, monsieur le président, je me dis qu'on m'a toujours donné à croire que lorsqu'on a une production record, les coûts unitaires diminuent.
Les chemins de fer semblent dire non, les coûts augmentent et nous devons donc demander davantage pour ces wagons. Dans un contexte aussi compliqué, pourquoi donc nous demander si l'on peut laisser ceux qui sont préoccupés par le marché prendre toutes ces décisions, surtout si l'on tient compte du fait que nos ventes et notre mise en marché se font en fonction de chaque produit, tandis qu'aux États-Unis, on fait tout en fonction des marchandises? Nous ne sommes pas seulement sensibles aux fluctuations des prix, l'un de nos meilleurs outils dans notre panoplie pour la mise en marché est la qualité, l'uniformité et également des services de qualité - nous accompagnons nos ventes d'un ensemble de services techniques.
Je pense donc que nous sommes très différents dans la façon dont nous fonctionnons et cela nous a permis de trouver un créneau sur le marché que personne d'autre ne possède sauf l'Australie. Cela nous a bien réussi.
M. Comuzzi: Merci. Je n'ai plus d'autres questions.
Le président: Monsieur Gouk.
M. Gouk: Je veux seulement obtenir une précision. Une partie de votre commentaire concernant l'arbitrage m'a échappé. Vouliez-vous parler du règlement d'un conflit en vertu du projet de loi C-101 ou parliez-vous de la législation du travail en général?
Mme Reynolds: Nous parlions du projet de loi C-101.
M. Gouk: Est-ce que vous avez bien dit que vous n'appuyez pas les dispositions sur l'arbitrage? Pourriez-vous nous répéter brièvement ce que avez dit?
Mme Reynolds: En ce qui a trait à l'arbitrage, nous avons simplement signalé que d'aucuns se demandent s'il faut d'abord franchir l'étape du préjudice important avant d'avoir recours à l'arbitrage. Certains pensent qu'on peut avoir recours directement à l'arbitrage sans démontrer qu'il y a eu préjudice important.
M. Gouk: Est-ce que c'est ce que vous proposez?
Mme Reynolds: Oui.
M. Gouk: Très bien. Merci. Je voulais simplement cette petite précision.
Le président: Monsieur Fontana.
M. Fontana (London-Est): Je dois vous signaler que cela existe déjà. Peut-être que les précisions qu'on a apportées ont trop tardé, mais je crois que le sous-ministre adjoint l'a indiqué fort clairement. Selon le projet de loi, certaines questions, comme les PLC et l'interconnexion, relèvent bel et bien de l'office. L'article 27 le précise clairement.
L'arbitrage ne relève absolument pas de l'office. Ainsi, ces choses sont complètement distinctes. Je ne sais pas pourquoi certains des témoins ont confondu les choses, mais l'office ne s'occupe absolument pas d'arbitrage mais simplement des choses qui lui sont confiées. Je crois qu'au cours des deux dernières semaines, nous avons essayé de préciser que ces choses étaient complètement distinctes; il n'y a aucun doute là-dessus, et le seul doute qui pourrait exister serait celui que cherche à soulever un avocat qui veut faire des sous.
De plus, en ce qui a trait au paragraphe 27(2), je dois vous poser la question à nouveau. Cette disposition n'empêche aucunement les intéressés d'avoir accès à l'office; il s'agit simplement d'une disposition sur la réparation. On ne dit pas du tout qu'il faudra franchir un obstacle supplémentaire pour avoir accès à la commission, mais simplement que la commission ou l'office déterminera s'il y a eu préjudice important avant de prendre une décision à l'égard d'une réparation.
Encore une fois, je crois que nous avons essayé à maintes reprises d'indiquer qu'il ne s'agit pas d'un double obstacle. On ne refuse aucunement l'accès à l'office. Pourquoi pensez-vous qu'on limite l'accès à l'office?
Mme Reynolds: Merci de nous avoir apporté cette précision. Pour ce qui est de l'arbitrage, si ce que vous dites est vrai, pourquoi ne pas l'insérer dans le projet de loi. Il serait fort simple d'ajouter une disposition en ce sens et d'éviter ainsi tout malentendu.
Si ce que vous dites est vrai, c'est parfait. Nous voudrions cependant que ce projet de loi le précise pour éviter tout malentendu.
Quant à votre deuxième point, à notre avis le paragraphe 27(2) indique que l'office doit décider s'il y a préjudice important, si l'intéressé n'avait pas demandé une réparation avant que l'office ne procède à l'examen de la demande. C'est là notre interprétation de cette disposition.
Si nous nous trompons, peut-être faudrait-il alors modifier le libellé de cette disposition pour que les intéressés comprennent bien qu'il ne s'agit pas là d'un autre obstacle qu'il faut franchir avant que l'office étudie la demande.
M. Fontana: Très bien.
J'aimerais vous poser quelques petites questions supplémentaires. Vous ne faites aucune mention, dans votre mémoire, de l'article 138 qui porte sur les droits de circulation. J'en conclus donc que vous ne vous opposez pas à cette disposition ni aux articles 140 à 146 qui portent sur le transport et l'exploitation. Ces dispositions ne vous inquiètent aucunement?
Mme Reynolds: Nous n'avons pas adopté de position sur les droits de circulation et les dispositions touchant à l'abandon ne nous inquiètent pas vraiment.
M. Fontana: Que voulez-vous dire quand vous dites que n'avez pas adopté de position? Voulez-vous dire que cela n'intéresse aucun vos membres? Voulez-vous dire que cela ne vous touche aucunement? J'en déduis que vous êtes d'accord.
Vous avez parlé des bons aspects du projet de loi, mais je crois que si vous ne faites pas mention de certaines dispositions, elles ne vous préoccupent pas. Vous devez donc appuyer les dispositions dont vous n'avez pas parlé.
M. Hehn: Ces dispositions auront un impact sur nos membres, mais nous laisserons les principaux intéressés, les propriétaires des chemins de fer et des camions, faire des commentaires sur cette partie du projet de loi.
La Commission canadienne du blé sait que l'abandon de certaines lignes aura un impact sur l'entreposage commercial, mais nous avons constaté que des investissements importants seront faits du côté de la capacité de transport. Ce qu'on perdra du côté entreposage commercial pourrait être compensé par les activités qui se dérouleront du côté de la capacité de transport, car il y aura de nouvelles installations. Je crois que ce sont ceux qui construisent les voies, soit les autorités locales et les municipalités, qui seront le mieux en mesure de répondre à ces questions.
Le président: Madame Sheridan.
Mme Sheridan (Saskatoon - Humboldt): La question que je vous poserai vous donnera l'occasion de faire des commentaires sur des choses que vous n'avez pas abordées dans votre exposé. Je vous demanderai peut-être de répondre à cette question comme agriculteur.
Ma circonscription est semblable à celle de Marlene, qui représente une circonscription entièrement rurale, tandis que la mienne est en partie composée de municipalités rurales en Saskatchewan. Certains agriculteurs s'inquiètent des répercussions du projet de loi C-101. Je ne critiquerai pas les avocats. D'autres l'on déjà fait, et après tout je suis avocate et mon amour propre est déjà durement ébranlé.
Certains demanderont aux agriculteurs pourquoi ils se plaignent. Ils diront que le transport des céréales et des produits connexes représente environ 25 p. 100 du trafic ferroviaire total, et que les agriculteurs représentent donc un groupe de pression assez important. Ils demanderont quel est le problème des agriculteurs; ils diront que les agriculteurs devraient pouvoir conclure une entente avantageuse avec les sociétés ferroviaires. Ils diront qu'ils devraient avoir de bons outils de négociation. Ils diront que les agriculteurs ne devraient pas se plaindre, mais agir comme un groupe de pression, ce qu'ils peuvent faire.
Que répondrez-vous à ceux qui tiendront de tels propos?
M. Hehn: Je peux vous donner un exemple, du point de vue de la Commission canadienne du blé. Comme vous le savez, la commission s'occupe d'une bonne fraction de ces activités de transport ferroviaire. Il y a des tarifs confidentiels, et je ne peux pas vous les donner, mais lorsque nous avons voulu obtenir des soumissions l'année dernière pour le transport ferroviaire pendant l'hiver, il n'y avait que quelques sous de différence entre les deux soumissions reçues.
Je crois que nous sommes captifs. Il en va de même pour les agriculteurs. Je crois que le secteur de la céréaliculture est captif. Il s'agit-là d'une grave préoccupation. Si vous êtes à la merci de deux transporteurs, et qu'il n'y a aucune autre concurrence...ce n'est pas comme le camionnage; en effet, il suffit de consulter les pages jaunes pour trouver 75 entreprises de camionnage avec lesquelles je pourrais communiquer pour obtenir le meilleur prix possible. Vous ne pouvez cependant pas procéder de cette façon avec les deux sociétés ferroviaires si elles représentent les seuls services auxquels vous pouvez faire appel pour le transport des céréales. Nous sommes en fait captifs.
Le président: J'aimerais poser une dernière question avant de passer aux témoins suivants. J'ai pris note des commentaires que vous venez de faire, Lorne. D'après vous, combien faudrait-il de transporteurs pour qu'il existe vraiment concurrence dans le secteur?
M. Hehn: Comme il est question d'un prix qui se situe entre 20 et 30$, j'aurais cru qu'il y aurait eu une différence d'au moins 50c. ou 1$ entre les soumissions. C'est peut-être tout simplement une coïncidence.
Le président: Si vous allez chez McDonald ou chez Burger King pour acheter un hamburger, vous serez surpris de constater qu'il existe très peu de différence entre leurs prix.
M. Hehn: Certains jours c'est le cas, d'autres pas.
Le président: Je crois que vous comprenez ce que je veux dire.
M. Hehn: Oui.
Le président: Monsieur Hehn et madame Reynolds, je vous remercie beaucoup d'avoir bien voulu témoigner devant le comité.
M. Comuzzi: Monsieur le président, il faut en parler davantage.
Le président: Le temps est écoulé, Joe. Nous devons passer au témoin suivant.
Je vous remercie beaucoup de votre témoignage.
Mesdames et messieurs, nous accueillons maintenant quelqu'un que nous connaissons bien, M. T. Norman Hall, président de l'Association des armateurs canadiens.
Je vous souhaite de nouveau la bienvenue devant le comité, monsieur Hall. Je vous prie de nous présenter les personnes qui vous accompagnent aujourd'hui. Si vous vous en tenez à quinze minutes pour votre exposé, nous aurons ainsi le temps de vous poser des questions ainsi qu'à vos collaborateurs.
M. T. Norman Hall (président, Association des armateurs canadiens): Vous présumez donc que nous voudrons répondre à vos questions, monsieur le président?
Le président: Tout à fait.
M. Hall: Je vous remercie beaucoup, monsieur le président. Il va falloir que nous cessions de nous rencontrer de cette façon, à toutes sortes d'audiences.
M'accompagnent aujourd'hui le capitaine Réjean Lanteigne, directeur des opérations maritimes de l'Association des armateurs canadiens, et un expert-conseil retenu par notre association, M. Ed Weinberg, ancien membre de l'Office national des transports. Bon nombre d'entre vous le connaissent sans doute déjà.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais vous faire le récit d'une petite histoire qui m'a été racontée la semaine dernière à une conférence à laquelle je participais à la Nouvelle-Orléans, et où le ministre au déjeuner, a récité le bénédicité. Je crois que cette histoire présente une analogie avec le projet de loi C-101.
Au cours d'un safari en Afrique, quelqu'un s'éloigna du groupe de chasseurs. Soudainement, une troupe de lions s'approcha. Le chasseur prit ses pattes à son cou. Tout à coup, il se rendit compte qu'il ne parviendrait jamais à devancer les lions et il s'agenouilla pour prier. Lorsqu'il leva les yeux, il s'aperçut que les lions s'étaient tous agenouillés avec lui. Voilà la bonne nouvelle. La mauvaise nouvelle, c'est la prière qu'ils récitaient: «Mon Dieu, bénissez cette nourriture que nous allons maintenant consommer».
L'Association des armateurs canadiens représente 12 entreprises exploitant 104 navires-majors canadiens assurant le transport de marchandises principalement dans les eaux intérieures, sur les Grands Lacs, dans la voie du Saint-Laurent, sur la côte est du Canada et dans l'Arctique.
Avant de commencer, au nom des membres de notre association, permettez-moi de féliciter le comité pour son rapport intitulé Une stratégie maritime nationale. L'AAC estime que les recommandations hardies et axées sur l'avenir du rapport se sont faites trop longtemps attendre. Les armateurs canadiens se sont réjouis d'apprendre que les ministres des Transports et des Pêches et Océans l'ont bien accueilli et que le gouvernement compte mettre en oeuvre les recommandations qu'il contient - et nous espérons que ce sera plus tôt que plus tard.
Le président: Je vous remercie du compliment, monsieur.
M. Hall: Je vous en prie, monsieur.
La stratégie maritime nationale témoigne d'une réelle compréhension de l'importance du trafic des grains d'exportation pour la Voie maritime du Saint-Laurent, les opérations des armateurs canadiens ainsi que les installations portuaires et de manutention des grains allant de Thunder Bay aux ports de Baie-Comeau et de Port-Cartier situés dans le nord du Québec.
Le rapport reconnaît aussi le fait que sur le trajet de retour, les bateaux qui transportaient du minerai de fer à partir des ports de Pointe Noire, Sept-Îles et Port-Cartier, dans le nord du Québec, sont chargés de grains destinés à des ports de l'est. Je cite le rapport:
- Le grain d'exportation, le minerai de fer des mines du Québec et du Labrador ainsi que le
charbon de la Colombie-Britannique et de l'Alberta constituent les principaux biens qui
transitent par la Voie maritime.
Nous sommes ici cet après-midi pour discuter du projet de loi C-101 renfermant certaines dispositions qui, lorsqu'on tient compte d'autres initiatives gouvernementales, risquent de grandement compromettre le succès commercial de cette formule. Ces dispositions ont de sérieuses conséquences négatives pour les ports et les transporteurs maritimes pour ce qui est du transport du grain vers l'Est et du transport du minerai de fer vers l'Ouest. Elles vont à l'encontre d'une concurrence juste et équitable entre les différents modes de transport à l'est de Thunder Bay.
Le mémoire de l'AAC porte sur trois points principaux: les conséquences pour la rationalisation des chemins de fer d'une liberté illimitée; l'absence de prix compensatoires dans les secteurs autres que le transport ferroviaire; et, même s'il n'en est pas question dans la loi, l'élimination de la flotte de wagons-trémies couverts appartenant au gouvernement et financés par les contribuables.
L'AAC comprend que le projet de loi C-101 vise clairement à favoriser le renouvellement des chemins de fer pour leur permettre de mieux concurrencer les autres modes de transport au Canada. Le projet de loi leur donnera beaucoup plus de latitude pour rationaliser leur équipement, ce qui permettra en grande partie au gouvernement d'atteindre son objectif. La rationalisation des lignes à faible densité et à très faible densité entraînera des économies de 260 millions de dollars par année.
Grâce à cette rationalisation, on pourra peut-être sous peu remettre sur pied le projet de coproduction, qui a récemment connu un échec, pour les voies ferroviaires principales dans le nord de l'Ontario à l'est de Thunder Bay. Compte tenu du fait que cette région se caractérise par un terrain difficile, des conditions climatiques dures, des besoins en entretien élevé et une faible densité d'utilisation des lignes, les deux chemins de fer pourront réaliser des économies importantes par la coproduction et l'abandon de l'une des deux lignes principales.
L'abandon de la seconde ligne principale et la consolidation du tonnage des deux chemins de fer sur une seule ligne ferroviaire permettront à ceux-ci de réaliser d'importantes économies d'échelle ainsi que d'importantes économies aux plans capitaux et coûts de fonctionnement. La ligne principale restante sera parallèle à la ligne Grands Lacs - Voie maritime du Saint-Laurent, elle sera reliée au principal mode de transport maritime et offrira donc un nouveau service concurrentiel à bas prix.
Les chemins de fer, comme les autres modes de transport, doivent pouvoir rationaliser leurs installations sous-utilisées. Abstraction faite du fait qu'une plus grande rationalisation des chemins de fer constituera une menace concurrentielle pour le mode de transport maritime, l'Association des armateurs canadiens appuie néanmoins l'initiative du gouvernement.
L'industrie maritime s'inquiète cependant beaucoup du fait que le projet de loi C-101 ne comporte pas un prix compensatoire pour les tarifs de transport commerciaux. Depuis l'adoption de la Loi nationale des transports de 1967 sous Jack Pickersgill, l'exigence de prix compensatoires a empêché les chemins de fer d'enlever aux armateurs leur cargaison maritime. Ce tarif n'est peut-être pas moderne, mais il est encore plus nécessaire aujourd'hui maintenant que les accords confidentiels sont la règle qu'avant 1987 lorsque les tarifs étaient publics.
Au cours des deux ou trois dernières années, les membres de l'AAC ont pu constater à plusieurs reprises que le CN, en particulier, a fixé des prix non compensatoires pour améliorer son encaisse et sa part du marché. L'AAC estime que cette pratique est conforme à une politique exposée par le CN lorsqu'il a comparu devant le comité le 31 mars 1993, politique que nous avons incluse à notre mémoire.
Au cours des dernières années, parce qu'ils devaient faire concurrence à des prix non compensatoires, les armateurs ont perdu le transport de milliers de tonnes de sel et d'importants volumes de céréales au détriment de mode de transport de l'est du Canada offrant des tarifs de transport non compensatoires et bénéficiant de subventions dans le cadre de la LTGO. Nous avons aussi appris que contrairement aux principes économiques classiques dans le domaine du transport et étant donné des tarifs de transport clairement non compensatoires, le CN peut faire concurrence à des camions citernes de 25 000 tonnes sur des distances de moins de 200 milles, et cela malgré le fait qu'il doit acquérir des wagons pour marchandises et consentir des investissements importants pour remplacer les rails. Nous faisons allusion à ce qu'on appelle l'ultra train dont le coût est de 48 millions de dollars. En outre, si nous avons bien compris, on n'a pas tenu compte du coût de la ligne principale qu'on considère comme un coût irrécupérable.
Nous avons aussi constaté qu'au lieu d'être transportées par bateau, un million de tonnes de potasse et plusieurs centaines de tonnes de charbon métallurgique à destination des États-Unis sont maintenant transportées par chemin de fer par les filiales américaines de chemins de fer canadiens. Il s'agit des mêmes tonnages que les tonnages de grain en direction de l'Est et de minerais de fer du Québec et du Labrador qui sont transportés sur la voie maritime, comme l'a fait remarquer le comité dans son rapport sur la stratégie maritime nationale. Cela montre clairement que les chemins de fer s'intéressent maintenant au transport de marchandises de faible valeur pour lesquelles le délai de livraison peut être plus long, marchandises qui ont jusqu'ici été transportées par voie maritime.
Nous rappelons respectueusement au comité que l'absence d'un critère sur les prix compensatoires ne représente pas nécessairement un cadeau pour les expéditeurs. Lorsque le CN a comparu devant le comité permanent à la Chambre des communes le 31 mars 1993, il a expliqué les répercussions que pourrait avoir pour la compagnie et ses services l'application de prix non compensatoires:
- Le CN fonctionnant strictement sur une base commerciale, il ne peut se permettre de fournir des
services ferroviaires si la situation économique est telle qu'il perd de l'argent. S'il lui faut
assumer ce fardeau financier supplémentaire, le CN devra imposer ailleurs des tarifs plus
élevés. Or, si nous imposons des tarifs plus élevés, sur d'autres tronçons, l'expéditeur d'un
produit que nos trains transportent se voit donc désavantagé.
Le nouveau paragraphe 27(2) présentera un obstacle supplémentaire pour les expéditeurs captifs qui pourraient vouloir obtenir réparation par voie de règlement. La fixation des prix par les services ferroviaires à des taux non compensatoires afin de prendre une part du marché au secteur maritime aura pour effet d'augmenter les frais de transport maritime jusqu'aux ports du nord de Québec de Sept-Îles, Pointe Noir et Port-Cartier et à partir de ces ports-là. Il en va de même pour le transport du minerai brésilien importé qui est transféré dans le port de Québec en route vers les Grands Lacs.
À l'exclusion de Québec, ces ports ne sont pas physiquement branchés sur le réseau national ferroviaire et dépendent donc de services maritimes essentiels pour atteindre les marchés. Il en résultera donc une augmentation des tarifs maritimes due à la perte de fret à l'aller, fret qui se fera plutôt par transport ferroviaire à coût inférieur au coût de revient, grâce à des prix non compensatoires. Si la perte de cet important transport à l'aller, comme celui du grain, devait persister, cela pourrait mettre en danger la présence de longue date du minerai de fer Québec-Labrador à des prix concurrentiels, sur le marché des minerais extrêmement concurrentiels des Grands Lacs.
D'après le rapport sur une stratégie nationale maritime, il est clair que votre comité comprend bien les liens qui existent entre les mouvements à l'aller et au retour.
Le gouvernement envisage également de céder sa flotte de 13 120 wagons-trémies couverts. D'après un article paru récemment dans le Globe and Mail, le gouvernement pourrait choisir de vendre sa flotte aux chemins de fer au prix de 1$. Or, cette flotte financée par les deniers publics a été acquise à quelque 570 millions de dollars et a été entretenue par les agriculteurs de l'Ouest et par le gouvernement en vertu de la LTGO au coût de presque 5 000$ par wagon par année.
Les wagons de transport de marchandises sont, quant à eux, quasiment neufs. Vendre cette flotte de wagons à grain aux chemins de fer à un prix moindre que leur prix de remplacement - c'est-à-dire environ 1 milliard de dollars - constituerait une subvention injuste de la capacité de chargement ferroviaire de chemins de fer. Cela permettrait également d'utiliser sans contrainte ces wagons dans l'Est du Canada et permettrait au secteur ferroviaire de transporter le grain destiné à l'Est en faisant la concurrence directe au transport maritime.
En permettant aux chemins de fer d'utiliser ces wagons à l'Est de Thunder Bay, on leur donne une capacité de chargement ferroviaire subventionnée par le contribuable qui concurrence directement la capacité de chargement maritime des compagnies privées financées et entretenues par les armateurs. C'est inadmissible, même si cette question ne relève peut-être pas du projet de loi C-101.
Les dispositions du projet de loi portant sur une plus grande liberté dans la rationalisation des lignes de chemin de fer - et qui s'appliquent particulièrement aux chemins de fer principaux - auxquelles s'ajoute l'absence du critère de prix compensatoires ainsi que l'éventualité que le gouvernement cède sa flotte de wagons-trémies couverts, auront pour effet composé de nuire directement à ce qui a été décrit jusqu'à maintenant comme une formule fructueuse ayant donné de bons résultats. Ces trois facteurs combinés nuiront considérablement aux armateurs, à la voie maritime, aux ports du Québec et de l'Ontario et à l'importante industrie du minerai de fer de Québec-Labrador, et ce sans qu'il y ait de justification commerciale ou de production.
Les armateurs canadiens accueillent d'un bon oeil une concurrence intermodale juste avec les installations ferroviaires rationalisées de l'Est du Canada. Toutefois, il ne faudrait pas exiger d'une industrie maritime privée qu'elle puisse concurrencer des capacités de chargement ferroviaire subventionnées par le gouvernement à des prix en deçà du prix de revient et de concurrencer des services ferroviaires à des prix non compensatoires tels que ceux qui sont établis dans les contrats confidentiels.
L'Association des armateurs canadiens a appuyé devant le comité parlementaire Nault la privatisation du Canadien National. Or, le fait que la population sache que la compagnie de chemin de fer CN essaie d'augmenter ses liquidités en fixant le prix de ses services à un taux moindre que le prix de revient pour mieux concurrencer les autres modes de transport n'aidera en rien la vente prochaine des actifs du CN.
Les investisseurs ne seront sans doute pas impressionnés par le fait que la compagnie de chemin de fer établit le coût de ses services ferroviaires à des taux non compensatoires pour améliorer sa part du marché. La dette du CN s'établissant à 1,5 milliard de dollars ne sera en rien diminuée par des prix qui pourraient contribuer à augmenter ses liquidités mais qui ne contribueront en rien à la rentabilité du chemin de fer ni à couvrir ses coûts. De même, les prix non compensatoires n'aideront pas la compagnie à remplacer ces usines ni ne l'aideront à payer les dividendes sur ses actions ordinaires.
Il devient donc tout à fait pertinent de se rappeler ce qu'a toujours maintenu le Canadien Pacifique au sujet des prix compensatoires chaque fois qu'il comparaissait au comité:
- Aucune définition des coûts autres que les frais variables à long terme n'a été sérieusement
envisagée comme fondement d'un taux compensatoire minimum prévu par la loi. Les frais
variables à long terme constituent le fondement le plus pertinent, car on reconnaît ainsi que
seules les recettes supérieures à ce niveau couvriront les coûts des ressources investies dans le
transport des marchandises, y compris le coût des wagons et des locomotives, et contribueront à
la valeur de la compagnie de chemin de fer en tant qu'entreprise active. Les niveaux de recettes
supérieures aux frais variables à long terme contribuent aux frais constants de la compagnie de
chemin de fer qui doivent être couverts pour que celle-ci puisse continuer d'être une entreprise
viable. L'actuel recours à l'établissement de frais variables à long terme pour déterminer les
tarifs minimums est le fruit d'une étude exhaustive s'échelonnant sur de nombreuses années.
- Les frais variables à long terme comportent deux éléments. Premièrement, les frais doivent
varier pour tenir compte des changements dans le volume du trafic. Deuxièmement, il doit
s'agir de frais «à long terme», c'est-à-dire qu'ils doivent comprendre tous les frais variables,
qu'ils varient à court terme, à moyen terme ou à long terme... il est absolument nécessaire que
les recettes soient égales ou supérieures aux frais variables à long terme.
- Il faut qu'il soit clair que tout tarif d'interconnexion fixé par l'Office doit être plus élevé que les
coûts variables du transport des produits. Le CP s'inquiète de l'éventualité que l'Office fixe des
tarifs qui respectent le critère établi à l'article 113 - soit le tarif commercialement équitable et
raisonnable - mais qui pourrait être en deça des coûts variables du chemin de fer. De plus, en ne
parlant plus de «compensatoire», on n'entend plus nécessairement par taux compensatoire le
fait qu'il doit être rentable; en fait, il ne représente qu'un partie du coût total des chemins de fer.
Enfin, il vaut la peine de noter qu'aux États-Unis, là où tous les chemins de fer sont privés, on exige que les tarifs-marchandises dépassent les coûts variables normaux à raison d'un supplément minimum raisonnable. En outre, je vous ferai remarquer qu'en vertu du programme de refonte du secteur maritime par le gouvernement fédéral auquel a pris part votre comité, l'industrie maritime doit assumer le recouvrement des coûts représentant les services de la garde côtière, à raison d'un montant pouvant aller jusqu'à 60 millions de dollars par année pendant quatre ans.
Le projet de loi C-101 introduit deux nouveaux critères en matière de prix compensatoires - à savoir les paragraphes 129(3) et 134(4) - qui n'existent pas dans la loi de 1987, de même qu'une autre obligation, à l'article 113, celle que les prix soient commercialement équitables et raisonnables dans le secteur ferroviaire. Toutefois, on n'exige rien d'équivalent pour le prix de transport des marchandises qui fasse concurrence à ce mode de transport. Cette omission est illogique et porte préjudice au transport maritime. En effet, la flotte de transport en vrac maritime privé et les investissements maritimes se trouvent donc désavantagés par rapport aux obligations de liquidités à court terme des chemins de fer qui établissent des prix inférieurs et non rentables sans que cela se justifie pour des raisons commerciales. Cela témoigne d'une politique destructive et irresponsable du point de vue commercial et d'une pratique inéquitable et inadmissible pour les membres de l'Association des armateurs canadiens.
Puisqu'il est pertinent de considérer les frais variables à long terme pour des questions relatives aux transporteurs ferroviaires et qu'il l'a été pour ce qui est du versement de 7,7 milliards de dollars en subventions aux termes de la LTGO, dont 1,5 milliard de dollars représentaient des contributions aux chemins de fer, il est tout aussi pertinent d'en tenir compte dans la détermination des prix compensatoires. Si les frais variables à long terme sont pertinents pour ce qui est de déterminer les pertes liées à des milliers de kilomètres d'embranchements non rentables, ils le sont tout autant dans la détermination des pratiques de prix abusif.
La tarification d'un service ferroviaire en deçà des coûts à des prix non compensatoires constitue une mesure anticompétitive et va tout à fait à l'encontre de l'intention du ministre «d'assurer la viabilité à long terme et la compétitivité du secteur ferroviaire au Canada.» L'Association des armateurs du Canada prie le Comité permanent des transports de rétablir les mêmes règles du jeu pour tous en matière de compétition intermodale entre le mode ferroviaire et le mode maritime en recommandant au ministre des Transports d'inclure et de renforcer des dispositions relatives aux prix compensatoires dans le projet de loi C-101 pour assurer la compétitivité intermodale dans les tarifs de marchandises commerciales.
Je vous remercie de votre attention et je me ferai un plaisir de m'efforcer de répondre à toutes vos questions. Merci beaucoup.
Le président: Merci, monsieur Hall. Nous apprécions le travail de l'Association canadienne des armateurs qui, comme c'est son habitude, passe tout projet de loi au peigne fin et nous présente un mémoire avec grande éloquence.
Monsieur Hall, il serait peut-être utile pour certains d'entre nous que vous consacriez quelques minutes de plus à nous expliquer exactement ce que vous entendez par des prix compensatoires.
M. Hall: Eh bien, n'étant pas du secteur ferroviaire, je vais demander à M. Weinberg de compléter ma réponse. D'après ce que j'en comprends, il s'agit de prix qui doivent suffire à couvrir les frais variables. Évidemment, l'imagination est au pouvoir dans le service de comptabilité des sociétés ferroviaires, de sorte que les frais variables pourront varier d'une entreprise à l'autre. Je ne pourrais donc pas vous donner de réponse définitive, pas plus que l'ONT, d'ailleurs. Je vais demander à M. Weinberg de répondre.
M. Ed Weinberg (expert-conseil, Association canadienne des armateurs): Les frais variables à long terme des sociétés ferroviaires englobent les coûts d'exploitation directs, la rémunération du capital au coût autorisé pour le capital variable - autrement dit, les wagons et les locomotives. Puisqu'il faut payer ces éléments d'actif, ils sont inclus dans le calcul des frais.
On inclut également les coûts d'amortissement des immobilisations et des installations; l'ensemble des frais généraux des sociétés ferroviaires; l'ensemble des avantages et des coûts qui concernent les sociétés ferroviaires. Il faut également comptabiliser les salaires des équipages, les frais de réparation de locomotives et de wagons, la signalisation, les installations physiques - toute la gamme des éléments constituants d'une société ferroviaire. Il s'agit donc d'englober l'ensemble des coûts du transporteur ferroviaire et, comme prévu dans la définition du CP, non seulement les frais à court terme, mais également les frais à moyen et à long termes. Il s'agit de tenir compte de l'ensemble des coûts.
Ce sont ces mêmes frais qu'on a comptabilisés pour le calcul selon la LTGO - vous vous souvenez des chiffres - et pour la détermination des embranchements non rentables. Ces mêmes coûts ont également servi pour le calcul des subventions des expéditions en provenance de l'Atlantique, aux termes de la Loi sur les subventions au transport des marchandises dans la région Atlantique. Ces mêmes coûts servent dans tout calcul de prix de revient qu'effectue le gouvernement, y compris ceux qui concernent VIA Rail, dont il a été question l'autre jour.
Le président: Comment se fait-il, alors, que l'article 113 ne dissipe pas vos inquiétudes?
M. Weinberg: C'est parce que l'article 113 laisse beaucoup de place à la subjectivité. Son libellé est raisonnable, mais il n'énonce aucun critère. Que veut-on dire par «juste et raisonnable»? Ce qui est juste et raisonnable pour le transporteur ferroviaire ne l'est pas nécessairement pour l'expéditeur. Ce qui est juste et raisonnable pour la société ferroviaire peut englober la nécessité d'un prix compensatoire, de frais à court terme ou toute autre exigence. Tout dépend de ce que la société ferroviaire considère comme étant le court terme dans la conjoncture - c'est fondamental.
Le président: Merci, monsieur Weinberg.
Monsieur Gouk.
M. Gouk: Messieurs, estimez-vous que les sociétés ferroviaires doivent fonctionner en tout temps selon le mode des revenus compensatoires?
M. Weinberg: Oui, monsieur.
M. Gouk: Exploite-t-on toujours les navires selon des tarifs en fonction de taux compensatoires?
M. Hall: Oui, c'est le cas. Je me permets de souligner que, dans le cas des sociétés ferroviaires, il y en a deux. Pour ce qui est de notre groupe, il s'agit de 12 sociétés qui se font concurrence en tout temps. Elles s'efforcent de faire en sorte que les mêmes règles du jeu s'appliquent à tous. Dans le cas contraire, ou si une société tente d'offrir des prix non compensatoires, l'entreprise ne survit pas très longtemps.
Il y a 10 ans, nous avions 136 navires; aujourd'hui nous en avons 104. Notre association comptait 18 membres il y a 10 ans et elle en compte maintenant 12. On peut donc dire que la concurrence existe. Et je puis vous dire que nous savons fort bien que, compte tenu de la situation du secteur, la rentabilité de nos exploitations est proche du point mort, sinon nous serions en train de construire de nouveaux navires.
M. Gouk: Je fais régulièrement la navette par avion entre Montréal et la Colombie-Britannique. Je fais affaire avec deux transporteurs aériens canadiens. Supposons que ces transporteurs fonctionnent à pleine capacité entre Vancouver et Montréal et qu'ils n'ont pas suffisamment de passagers pour atteindre le seuil de rentabilité au retour, de Montréal à Vancouver. S'agit-il alors d'une exploitation non compensatoire ou bien s'agit-il d'une exploitation commerciale normale?
M. Hall: Il s'agit, d'après moi, d'une exploitation commerciale. Comme je l'ai dit, nous nous inquiétons tout particulièrement de la perte du marché céréalier, un marché traditionnel de la Voie maritime du Saint-Laurent depuis ses débuts. C'est probablement l'ouverture de mines de minerai de fer au Québec et au Labrador qui a favorisé la construction de la voie maritime. Les grandes aciéries et les grandes sociétés minières américaines ont découvert ces gisements de minerai et je suis convaincu qu'elles ont réussi à inciter les deux gouvernements - celui des États-Unis et celui du Canada - à construire la voie maritime, de manière à ce qu'elles puissent utiliser des navires plus gros et moins coûteux.
Auparavant, nous ne bénéficiions pas de ces cargaisons de retour. Il y avait bien le bois de pâte et d'autres matières premières, mais, graduellement, le bois de pâte a fini par perdre toute importance. Il était devenu trop coûteux de le transporter par navire à cause des trop fortes quantités, de sorte que le transport se fait maintenant par camion. Dans notre secteur d'activité, il faut être prêt à prendre des risques et à s'adapter... Le secteur du transport aérien est quelque peu différent du nôtre, je suppose. Le transporteur est autorisé à offrir un service régulier et c'est ce qu'il doit faire.
M. Gouk: Puis-je obtenir une autre précision? Supposons qu'un transporteur ferroviaire transporte un produit du point A au point B. Pour refaire le même circuit, il doit évidemment faire revenir les wagons au point d'origine. Supposons maintenant que ce transporteur accepte de transporter des marchandises à un prix moindre que le plein prix compensatoire, pour être concurrentiel. C'est tout de même un revenu par rapport au fait de ne rien transporter au retour puisque, de toute manière, le transporteur doit ramener les wagons au point d'origine. S'agit-il d'une situation plausible.
M. Hall: C'est une réalité du secteur.
M. Gouk: Pourtant, vous dites que vous ne le permettriez pas, étant donné que le transporteur ne doit pas transporter ce fret de moindre importance jusqu'au point A à moins que les prix de transport pratiqués ne compensent la totalité des frais variables d'exploitation entre le point B et le point A.
M. Hall: Comme je l'ai déjà dit, certains de nos navires ne transportent rien au retour. Parfois, il n'y a rien à faire. On obtient tant par tonne pour le transport de A à B, mais on n'arrive pas à trouver un chargement pour revenir de B à A.
M. Gouk: En réponse à une question antérieure, vous m'avez déclaré que, d'après vous, les sociétés ferroviaires ne devaient transporter des produits que dans la mesure où les prix étaient compensatoires.
Or, si un transporteur ferroviaire doit faire revenir ses wagons du point B au point A et que, ce faisant, il transporte des marchandises, même si le prix n'est pas compensatoire, ce transporteur fait beaucoup plus d'argent que s'il se contentait d'un retour léger vers le point A pour que les wagons puissent reprendre le cycle.
M. Hall: Au départ, les wagons ne leur appartiennent même pas.
M. Gouk: Je crois que vous obscurcissez le débat. Qu'ils appartiennent aux transporteurs ou qu'ils appartiennent à d'autres, là n'est pas la question. Le fait est que le transporteur doit acheminer les wagons sur le point A pour pouvoir s'en servir à nouveau. Si l'acheminement sur le point A lui coûte 100 000$ et qu'on lui verse 50 000$ pour transporter des marchandises alors est-ce que le transporteur perd 50 000$, ou bien est-ce qu'il réalise 50 000$?
M. Weinberg: Je répondrai tout d'abord à votre première question. Pour ce qui est des sociétés aériennes, ces dernières, contrairement aux transporteurs ferroviaires, exploitent en fonction d'une capacité fixe et d'une marchandise périssable. Autrement dit, si un vol doit être maintenu et si certains sièges sont inoccupés, on offre des rabais au lieu de ne rien obtenir du tout. Or, les sociétés ferroviaires ne fonctionnent pas de la même façon.
Deuxièmement, en ce qui concerne le trajet de retour, je pense que vous présumez qu'à notre avis, les trains devraient revenir entièrement à vide. Ce n'est pas vrai. Les coûts des compagnies de chemin de fer - et je ne l'ai pas dit dans ma réponse à M. Keyes - comprennent un coefficient de retour à vide qui tient compte du fait que ces compagnies ramènent effectivement le matériel, de la même façon que dans le secteur maritime. Un wagon couvert qui va de Vancouver à l'Est du Canada transporte normalement quelque chose sur une partie du trajet retour.
Nous ne disons pas que les différents éléments doivent être compensatoires. À notre avis, quand vous recherchez un trafic maritime avec des wagons qui reviendront entièrement à vide, les prix doivent être compensatoires. C'est pour cela que nous proposons une exigence de prix compensatoires pour un trafic concurrentiel dans tous les modes.
Le sel qui est acheminé de Windsor à Bécancour - je ne devrais peut-être pas en parler parce que l'affaire est devant la Cour fédérale - est transporté dans des wagons-trémies qui reviennent entièrement à vide, et le tarif est encore inférieur aux coûts. Auparavant, c'est le secteur maritime qui transportait cette marchandise. À mon avis, il s'agit-là d'un cas de prix abusifs.
M. Gouk: Pourrions-nous revenir un peu en arrière? Je tiens à clarifier les choses. Vous dites que les wagons reviennent, mais depuis quand parlons-nous des wagons-trémies vides? De toute façon, ces wagons seraient revenus à vide...
M. Weinberg: Il n'y a pas de raison. Les wagons en question ne circulent pas sur ce trajet; par conséquent, afin d'offrir ce service, on fait circuler entre Windsor et Bécancour des wagons chargés de sel qui reviennent à vide. Ces wagons ne sont utilisés que pour transporter du sel.
Dans le cas du secteur maritime...
M. Gouk: De toute façon, il faut que le train circule; le problème se pose en ce qui concerne les wagons que l'on y ajoute.
M. Weinberg: Pas nécessairement. Nous parlons d'environ 400 000 tonnes de sel. Il s'agit de chargements complets.
Je conviens avec vous que peu nous importe si l'on pratique des prix non compensatoires sur des lignes secondaires quelque part dans un coin perdu. Mais quand il s'agit de marchandises importantes transportées par le secteur maritime à un taux inférieur au coût réel, nous faisons exception.
M. Gouk: Il y a peut-être un problème en ce qui concerne le CN, car il s'agit d'une société appartenant au gouvernement fédéral, mais pourquoi une société privée transporterait-elle des marchandises à perte et de façon régulière?
M. Weinberg: L'autre jour, vous avez posé cette question aux représentants de VIA Rail. Je ne vais pas m'étendre sur les mérites de l'affaire. Je m'y connais un peu parce que j'ai siégé dans cette société.
Vous demandez comment elle peut vouloir être rentable et réduire ses coûts quand elle perd de l'argent. J'ai posé la même question. Comment une société ferroviaire peut-elle gagner de l'argent en pratiquant des prix inférieurs à ses coûts? Elle ne le peut pas, à moins qu'elle ne soit à la recherche d'une plus grande part de marché.
La différence - et c'est à l'honneur du CN - réside dans le fait que cette société fonctionne dans une région du pays bien en deça de ses capacités. Je vous dirais même que toutes les activités qui se déroulent à l'est de Thunder Bay appartiennent à cette catégorie. Cela est particulièrement vrai dans la région de l'Atlantique. Dans l'Est du Canada, cette situation a découlé de la perte du trafic au profit du camionnage.
M. Gouk: Autrement dit, le secteur ferroviaire ne devrait pas être capable de rivaliser directement avec le secteur maritime, et ce dernier ne devrait pas être capable de rivaliser directement avec le secteur ferroviaire.
M. Weinberg: Non. Ils devraient être capables de rivaliser, mais avec des chances égales et de façon rentable. Nos membres se livrent concurrence avec des prix supérieurs à leurs coûts.
M. Gouk: Vous avez fait une analogie avec VIA Rail. Ce qui me préoccupe, c'est que cette société utilise l'argent du contribuable pour faire la concurrence au secteur privé. Une société privée doit rendre des comptes à ses actionnaires.
M. Hall: Le CN est également subventionné par le contribuable, du moins jusqu'ici. Tous les problèmes que nous avons eus avec les chemins de fer concernent le CN. Je pense à l'affaire des céréales. Il s'agissait d'une affaire d'interfinancement de la subvention accordée à Thunder Bay en vertu de la LTGO, ce qui n'aurait pas dû se faire.
L'affaire du sel dont M. Weinberg a parlé représente aussi des centaines de milliers de tonnes. Ce n'est pas une mince affaire. Dans le cas de la potasse, je pense qu'un million de tonnes a progressivement disparu au fil des ans. Il a été impossible de savoir pourquoi jusqu'à ce que, subitement, nous nous rendions compte qu'ils utilisaient les chemins de fer américains.
M. Gouk: Pensez-vous alors qu'il faut faire la différence entre cette compagnie appartenant à l'État ou financée par le contribuable, par opposition à une société privée?
M. Hall: Tout porte à le croire, car nous n'avons pas eu de problème avec le CP.
M. Gouk: La privatisation serait-elle donc une solution?
M. Hall: Je l'espère.
M. Gouk: Je voudrais bien entendre les questions de mes collègues d'en face. Allez-y, monsieur le président.
Le président: À mon avis, cela ne change rien.
Monsieur Hubbard.
M. Hubbard (Miramichi): Vous nous avez donné une liste d'environ 12 compagnies faisant partie de votre association. Combien de navires possèdent-elles? Avez-vous jamais fait ce calcul?
M. Hall: Elles en possèdent cent quatre.
M. Hubbard: Sont-ils tous enregistrés au Canada?
M. Hall: Les équipages sont canadiens - mais les navires ne sont pas nécessairement construits ici. Cependant, même s'ils ne sont pas construits au Canada, nous avons payé des droits de douane pour les importer.
M. Hubbard: Quand vous parlez donc de l'égalité des chances, la plupart des autres facteurs sont comparables dans les deux modes de transport.
M. Hall: Nous disons que nous n'avons pas reçu de subventions. Il s'agit de navires que nous avons construits et qui nous appartiennent. Nous payons tous les coûts. Nous ne recevons de subventions pour aucun service opérationnel, quel qu'il soit.
M. Hubbard: Les lois actuelles relatives à la concurrence s'appliqueront-elles après l'adoption du projet de loi C-101?
M. Hall: Si j'ai bien compris - et M. Weinberg peut apporter les éclaircissements là-dessus - le projet de loi supprime la disposition de la LTN relative aux prix non compensatoires, et nous oblige à recourir au tribunal de la concurrence. Je pense que c'est très difficile, et le savoir-faire à ce niveau n'est peut-être pas aussi bon que celui dont disposait l'ONT.
Est-ce exact?
M. Weinberg: Oui.
Il y a un autre élément. La sanction imposée par le tribunal de la concurrence est une accusation pénale. L'ONT ne doit obéir qu'à l'exigence de relever les taux à des niveaux compensatoires. Le problème est assez grave quand on prouve qu'il y a pratique de prix abusifs devant le tribunal de la concurrence.
M. Hubbard: Dans votre mémoire, vous dites que vous préférez l'ONT au tribunal de la concurrence.
M. Weinberg: C'est exact. Normalement, en vertu de la législation précédente, c'est-à-dire les LTN de 1967 et 1987, l'affaire était toujours portée devant l'organisme de réglementation des transports et non pas devant le tribunal de la concurrence.
M. Hubbard: Si j'ai bien compris, il a fallu attendre des années pour que certaines des questions soient réglées.
M. Weinberg: En effet.
M. Hubbard: Préférez-vous cette méthode?
M. Weinberg: Non. Nous voulons une méthode renforcée.
Revenons un peu en arrière. La loi de 1967 adoptée sous Pickersgill stipulait que tous les prix doivent être compensatoires. Dans la loi de 1987, on dit que tous les prix doivent être compensatoires, mais qu'un prix peut être moins que compensatoire s'il n'est pas abusif.
Le président: Beaucoup de conservateurs comprendront.
M. Weinberg: Depuis que la Commission d'examen de la Loi sur les transports nationaux a préconisé que l'on élimine l'exigence des prix compensatoires, nous avons vu les cas que M. Hall a mentionnés.
Le président: Il est intéressant que vous parliez d'égalité des chances, de navires construits au Canada, etc. Monsieur Hall, ne pourrait-on pas soutenir que, même si les armateurs assument leurs coûts, il y a beaucoup d'infrastructures qui existent et qui permettent aux navires de circuler? Par exemple, le service de la Garde côtière vous est offert. Les camionneurs ne contribuent pas à l'entretien des routes. Les sociétés ferroviaires ne paient pas pour utiliser les rails. Vous n'assumez pas tous les coûts de la voie maritime.
Je suppose que les chances sont égales pour tout le monde si personne n'assume tous ces coûts.
M. Hall: Je suis tenté de vous rappeler les recommandations que vous avez formulées dans votre rapport.
Le président: Nous travaillons là-dessus. Nous en entendrons parler bientôt.
M. Hall: Sans aucun doute. Je pense que nous vous avons indiqué, lorsque nous avons comparu au sujet de la principale stratégie de l'ALÉNA, que nous étions tout à fait prêts à payer notre juste part dans le cadre d'une formule quelconque de récupération des coûts, mais avant de le faire, nous voulons être tout à fait sûrs que les services offerts correspondent à nos besoins. Il ne s'agit pas d'un luxe; nous sommes enclins à penser qu'au fil des ans, il y a eu du laxisme et du gaspillage, et il est temps de rationaliser.
En tant que membre du Conseil consultatif du transport maritime, je puis vous dire que nous commençons à avoir des problèmes avec les gens du ministère des Transports parce qu'ils se rendent compte subitement que nous voulons vraiment réduire les services et les coûts. On assiste donc à une levée de boucliers, ce qui crée des problèmes.
Parallèlement, en raison de son difficile emploi du temps, le ministre des Transports veut que son ministère agisse très rapidement. Il a un calendrier et il veut qu'une décision soit prise d'ici la fin décembre sur le genre de pilule empoisonnée que nous sommes censés avaler en ce qui concerne la récupération des coûts; ainsi, il peut déposer la décision, l'inclure dans le budget et commencer à collecter en avril.
Nous n'avons pas encore fait le reste du travail. Je n'ai pas la moindre idée de ce qu'il en coûte pour exploiter un brise-glace par jour. Je ne veux pas perdre inutilement du temps là-dessus, mais je veux simplement vous donner une idée de la frustration que nous éprouvons quand notre volonté de coopérer se heurte à un refus.
Quand j'ai demandé ces renseignements - et j'attends toujours la réponse depuis six mois - on s'est contenté de nous communiquer le nombre de jours disponibles pour certains brise-glace et le coût par jour disponible. Qu'est-ce que cela signifie? Si vous travaillez, vous avez des coûts d'équipage et de carburant. Si vous ne travaillez pas, vous n'avez rien. Vous avez simplement des coûts d'investissement et d'amarrage. La comptabilité ne se fait pas de cette façon. Ces gens-là n'ont aucune idée de la différence entre les coûts fixes et les coûts variables.
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Nault.
M. Nault (Kenora - Rainy River): Merci, monsieur le président.
Je voudrais aborder deux questions. L'une porte sur le fait qu'il est intéressant de recourir à l'OCT, que l'on appelait auparavant l'ONT, pour contester la fixation de prix abusifs, alors que dans la plupart des pays du monde, on recourt au tribunal de la concurrence. Si j'ai bien compris, dans la plupart des cas, cette instance est beaucoup plus solide ailleurs qu'elle ne l'est au Canada.
En tant qu'industrie, ne préféreriez-vous pas porter plainte au tribunal de la concurrence pour ne pas avoir de dispositions relatives à la concurrence dans un projet de loi qui vise à rendre le fonctionnement du secteur plus souple? À mon avis, la fixation de prix abusifs n'a pas sa place dans une Loi sur les transports nationaux, quelle qu'elle soit.
Ne préféreriez-vous pas que nous fassions appel à M. Manley pour lui demander de réviser la Loi sur la concurrence? Cette loi comporte tellement de lacunes qu'un camion ou même un bateau pourrait y passer. Tel est le véritable problème, et c'est pour cela que l'on propose des solutions superficielles dans la Loi sur les transports.
M. Hall: Je n'ai jamais comparu devant le Tribunal de la concurrence, mais je l'ai fait à plusieurs reprises devant l'ONT. Je dois accepter ce que les autres ont dit; la procédure est très lente et coûteuse.
Je ne connais pas le Tribunal de la concurrence. Je n'en sais absolument rien. M. Weinberg pourrait peut-être vous en parler.
M. Weinberg: Vous parlez de la possibilité pour les chemins de fer de calculer leurs coûts. Je l'ai fait pendant dix ans et j'en sais quelque chose.
C'est l'ONT qui a établi les tarifs de transport du grain dans l'Ouest, qui étaient fondés sur les coûts. Il a établi des embranchements non rentables, qui sont fondés sur les coûts. Il a établi les subventions dans l'Est, qui étaient fondées sur les coûts. Il a approuvé les accords d'exploitation entre VIA et le CN qui sont fondés sur les coûts. En d'autres termes, il a un savoir-faire que le Tribunal de la concurrence n'a pas. C'est une première chose.
M. Nault: Avant de passer à autre chose, est-ce là la seule raison pour laquelle nous n'avons qu'un organisme disposant d'un savoir-faire dans ce pays?
M. Weinberg: Non.
M. Nault: Pourquoi ne pouvons-nous donc pas développer un savoir-faire au Tribunal de la concurrence?
M. Weinberg: Vous le pouvez, et vous pouvez également y affecter le personnel de l'ONT. Le problème réside dans le fait que la sanction est beaucoup plus élevée. La fixation de prix abusifs est considérée là-bas comme une infraction grave.
M. Nault: À juste titre.
M. Weinberg: Il s'agit d'une infraction au criminel.
Essayons d'examiner honnêtement et objectivement la situation du CN, dont les recettes annuelles se situent entre 3 et 4 milliards de dollars. Cette société n'est pas très rentable, mais son chiffre d'affaires est très élevé. Allez-vous arrêter le président du CN et l'emprisonner parce que l'un de ses agents d'exploitation a fait du zèle sous prétexte que les tarifs n'étaient pas compensatoires?
C'est le genre de choses que vous devez évaluer. Je ne sais pas si les armateurs veulent le faire ou s'ils veulent être impliqués dans ce genre de litige extrêmement coûteux. Toutefois, ils le feront si cela est nécessaire.
M. Nault: Très bien.
Je voulais poser cette question à M. Weinberg en raison de son expertise. Je sais qu'il occupe maintenant d'autres fonctions, mais je sais également qu'il connaît très bien l'office et son fonctionnement.
Le nouveau paragraphe 25(2) - et je présume que, dans une certaine mesure, c'est Ed qui a révisé ce paragraphe - érigera un nouvel obstacle, très différent de ce que les expéditeurs ont dit du paragraphe 27(2). Cela signifie que vous avez une interprétation tout à fait différente et même ce que j'appellerai une définition différente. J'aimerais bien savoir ce que vous pensez de ce nouvel obstacle qui nuit à la possibilité d'assouplir la réglementation. Je tiens à ce que vous nous disiez ce que vous pensez de cette disposition.
M. Weinberg: Vous allez regretter d'avoir posé cette question, car je pourrais y répondre pendant longtemps.
M. Nault: Pas nécessairement.
M. Weinberg: Je m'inspire de mon expérience à la Commission canadienne des transports et à l'Office national des transports, car j'ai travaillé dans les deux organismes. La CCT avait 16 membres et 1 employé. L'ONT en avait 8. L'OTC veut en avoir 3 environ.
M. Nault: Plus les employés à temps partiel.
M. Weinberg: En effet.
Ce n'est un secret pour personne que la plupart des gens qui sont nommés à des conseils n'ont pas une connaissance approfondie du calcul des coûts et des tarifs dans le secteur ferroviaire. Ce ne sont pas des spécialistes des transports. Ils sont nommés pour d'autres raisons et viennent d'autres secteurs. Il s'agit ici d'un domaine très spécialisé.
Je suis venu de l'industrie, même si on ne l'admet pas. J'ai travaillé pour le Canadien Pacifique pendant 12 ans avant d'aller à la CCT et à l'ONT. J'ai été analyste des coûts pendant 8 de ces 12 ou 13 années. Je travaillais donc dans ce domaine de façon quotidienne; je sais ce qu'il en est. Je ne dénigre pas les membres actuels et les anciens membres; ils n'ont simplement pas les connaissances nécessaires.
Le paragraphe 27(2) stipule que l'on doit examiner un tarif pour déterminer s'il est concurrentiel ou s'il cause un préjudice injustifié. Comment peut-on s'attendre à ce que des personnes nommées essentiellement pour des raisons politiques et les fonctionnaires travaillant à Ottawa connaissent mieux la situation d'un expéditeur engagé dans la concurrence?
Récemment encore, j'ai assisté à l'arbitrage dans l'affaire Wabush Lake. J'ai conseillé cette entreprise. Prenons l'affaire Wabush Lake comme exemple. C'est une compagnie qui produit 4,5 millions de tonnes de fer au Labrador. Il n'y a pas de routes - enfin, il y en a, mais le camionnage est impossible. La compagnie est allée en arbitrage. Elle transporte son produit sur une ligne ferroviaire appartenant à un concurrent, qui utilise la même ligne.
Alors, mettons ce régime dans la nouvelle loi. Vous dites qu'il ne vaut pas pour l'arbitrage - j'ai moi-même un problème. Pourquoi parle-t-on de prix ou de service? C'est de cela qu'il s'agit au moment de l'arbitrage - de prix et de service, et avant de pouvoir aller à l'arbitrage, il faut présenter une demande à l'Office ou à l'OTC. On ne peut pas aller directement à l'arbitrage; il faut d'abord demander à l'Office la permission de passer à l'étape suivante.
M. Fontana: Non.
M. Weinberg: Non? Qu'en est-il alors du prix qui est fixé? N'est-ce pas à l'Office qu'il appartient d'appliquer ce prix, et le critère de «commercialement équitable et raisonnable» n'intervient-il pas à ce moment-là? Comment l'Office, qui est composé de gens...? Je ne les dénigre pas; ce sont des gens bien intentionnés et très compétents. Mais ils n'ont pas les antécédents et ils n'ont certainement pas les compétences de ceux qui travaillent dans le domaine et qui sont directement concernés, à savoir l'expéditeur et le chemin de fer en cause.
Vous direz qu'ils sont plus en mesure de juger que les parties concernées? Eh bien, j'ai du mal à accepter cela, puisque je sais pertinemment ce qui se passe de part et d'autre dans une situation comme celle-là.
Il me semble que le paragraphe 27(2) constitue un obstacle en droit. Vous pouvez être sûr que les chemins de fer interviendront chaque fois qu'une demande sera présentée; on n'en sortira jamais. Un critère de recevabilité semblable existait déjà quand c'était la CCT. Avant de réussir à faire entendre une cause dite d'intérêt public, il fallait des années de correspondance entre les chemins de fer et l'expéditeur pour déterminer s'il y avait effectivement eu préjudice. Je vous assure que ce n'est pas simple. J'étais là.
M. Nault: Très bien. D'après ce que j'en sais, on ne faisait presque jamais appel à l'Office pour régler les différends.
M. Weinberg: C'est juste.
M. Nault: En fait, on s'en servait plutôt comme atout dans les négociations. Or, vous venez de me donner l'impression que nous avons beaucoup d'information sur le recours à l'Office pour des questions relevant du paragraphe 27(2) ou sur le système qui existe à l'heure actuelle aux termes de la LTN, alors qu'on ne s'en sert jamais en fait. Je suis donc un peu perplexe, parce que vous avez semblé dire que nous avons acquis tellement d'information et de connaissances du fait que le système est en place depuis 1987, mais il n'est même pas utilisé.
M. Weinberg: Je m'explique. Le système n'est pas utilisé et c'était le but recherché.
C'est moi qui ai rédigé cette partie. Je sais donc quel était l'objet visé. J'étais au Cabinet du ministre à l'époque et c'est moi qui ai rédigé la partie qui traite de l'accès concurrentiel de même que les dispositions sur le règlement des différends. Avec ces dispositions, l'intention n'a jamais été d'amener l'expéditeur à se tourner vers les chemins de fer américains. L'intention n'a jamais été qu'on se rende jusqu'à l'arbitrage. L'intention était plutôt de donner à l'expéditeur qui n'avait pas accès aux services d'un concurrent un certain levier pour négocier avec le chemin de fer dont il est captif. C'est tout ce qu'on visait par ces dispositions.
L'expérience est d'ailleurs venue le confirmer. En tout, deux décisions seulement ont été prises relativement aux prix de ligne concurrentiels et deux décisions d'arbitrage. C'est ainsi que les dispositions devaient fonctionner. Si toutefois vous érigez maintenant un autre obstacle, il n'y aura plus du tout de ces décisions.
Il ne faut pas l'oublier: s'agissant d'arbitrage et de prix de ligne concurrentiels, le premier critère qui s'applique est celui de savoir si l'expéditeur est captif et s'il a accès à des services concurrentiels. C'est le premier critère qui est énoncé dans la disposition. Pourquoi vouloir ajouter une disposition qui exige de déterminer si l'expéditeur subit un préjudice de quelque autre façon ou s'il a d'autres possibilités qui s'offrent à lui? Voilà essentiellement où je veux en venir.
M. Fontana: J'invoque le Règlement, monsieur le président. Étant donné qu'on dressera le procès-verbal de nos délibérations, je suis sûr que Ed voudrait qu'on corrige ce qu'il vient de dire. L'article 162 prévoit, non pas la possibilité, mais l'obligation pour l'Office de renvoyer la question à l'arbitrage. On dit bien «l'Office renvoie la question»; il y a donc une grande différence.
M. Weinberg: Je souhaite que vous ayez raison, que ce soit bien ainsi qu'il faille interpréter la disposition. Les interprétations juridiques que j'ai entendues - et j'en ai entendu plusieurs de plusieurs cabinets d'avocats respectés qui ont eu à se pencher sur cette question - indiquent que le libellé de la disposition est quelque peu ambigu et pourrait être interprété comme je l'ai dit.
M. Fontana: Tous les avocats disent la même chose. C'est pour cela qu'ils sont si grassement payés.
M. Weinberg: Je suis d'accord avec vous, mais ne serait-il pas plus facile d'exclure expressément cette possibilité?
M. Nault: C'est pour cette raison que je vous ai posé la question. Nous aimerions bien savoir s'il y aurait lieu de préciser le libellé pour que les gens aient l'assurance que les dispositions veulent bien dire ce qu'ils pensent qu'elles veulent dire.
M. Weinberg: Dans ce cas, je dirais qu'il suffirait d'ajouter peut-être trois ou quatre mots. Cette disposition ne s'applique pas à l'arbitrage. Sinon, la disposition peut rester telle quelle. Il suffirait de préciser qu'elle ne s'applique pas à l'arbitrage. C'est tout ce qu'il faut faire.
M. Nault: D'accord, merci.
Le président: Messieurs, à moins qu'il y ait d'autres questions urgentes, je voudrais que nous prenions congé de nos témoins pour que nous puissions aller voter, puis nous reviendrons dans une vingtaine de minutes pour entendre les quatre derniers groupes de témoins que nous accueillons aujourd'hui.
Y a-t-il d'autres questions pour ce groupe?
Merci, messieurs Hall et Weinberg. Je suis désolé qu'on ne vous ait pas posé des questions aujourd'hui, capitaine, mais vous étiez là pour appuyer vos collègues.
Le capitaine Réjean Lanteigne (directeur, Association des armateurs canadiens): Nous reviendrons devant vous bientôt.
Le président: Sans doute.
Messieurs, merci beaucoup d'être venus nous présenter votre point de vue. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer.
Chers collègues, nous irons voter et nous reviendrons tout de suite après; il nous reste quatre groupes à entendre. Nous devrions être de retour dans une vingtaine de minutes, mesdames et messieurs. La séance est donc suspendue pour 20 ou 30 minutes.
PAUSE
Le président: Chers collègues, nous commencerons par souhaiter la bienvenue au président et chef de la direction de RailTex.
Bonjour, monsieur. Soyez le bienvenu à notre comité. Nous sommes prêts à entendre votre exposé. Si vous pouvez nous le résumer en 15 minutes, nous aurons ainsi le temps de vous poser des questions.
M. Bruce M. Flohr (président et chef de la direction, RailTex Inc.): Je vous remercie, et je remercie aussi les membres du comité de leur présence et du temps qu'ils veulent bien consacrer à débattre de cette question très importante.
RailTex est le plus important exploitant de lignes sur courtes distances en Amérique du Nord. À l'heure actuelle, nous avons 25 chemins de fer. Nous exploitons quelque 3 400 milles de voies ferrées. Nous en avons dans 20 États, dans deux provinces canadiennes et au Mexique. En 1994, nous avions un revenu net de 75 millions de dollars et un bénéfice après impôt de 6,9 millions de dollars. Cette année, notre revenu augmentera de 50 p. 100.
Nous exploitons à l'heure actuelle une ligne ferroviaire en Ontario qui va de Stratford à Goderich, et une autre en Nouvelle-Écosse, qui relie Truro à Sydney. Nous avons également fait l'acquisition de l'ancien Central Vermont, qui était la propriété du Canadien National. Nous en sommes devenus propriétaires le 4 février 1995.
Les employés de trois de nos chemins de fer ont décidé d'être représentés par un syndicat.
Pour chacun des trois chemins de fer que nous avons achetés au Canadien National, nous avons versé au Canadien National le prix de vente total en espèces au moment de l'acquisition. Au Canada, c'est la Banque nationale du Canada qui détient notre dette. Le Canadien National ne garantit aucune part de notre dette ni aucune part de notre revenu.
Nous ne recevons aucune garantie d'emprunt au Canada ni du gouvernement fédéral ni des provinces. Nous ne bénéficions d'aucun dégrèvement fiscal au Canada ni d'aucune subvention gouvernementale. Nous recevions à un moment donné une toute petite subvention au titre de la péréquation pour le transport dans les Maritimes, mais ce programme n'existe plus.
Nous sommes très contents d'exercer notre activité au Canada. Cependant, le processus auquel il faut se prêter pour faire approuver au Canada l'acquisition d'un chemin de fer est très tortueux. Le projet de loi C-101 de la Chambre répond de manière certaine à nos préoccupations à cet égard.
Dans le cas de notre chemin de fer Goderich-Exeter, en Ontario, il a fallu 19 mois à partir de la date à laquelle nous avons signé l'entente avec le Canadien National jusqu'à ce que nous puissions donner le premier tour de roue. Dans le cas du chemin de fer dont nous avons fait l'acquisition en Nouvelle-Écosse, il a fallu 12 mois à partir de la signature de l'entente jusqu'à la mise en service du chemin de fer. Par conséquent, le projet de loi C-101 contribuera de manière certaine à réduire de beaucoup ce délai, puisqu'il a pour effet de faire disparaître le processus d'approbation fédérale et de ne conserver que le processus d'approbation provinciale.
Cela est d'autant plus important qu'il peut se produire deux choses pendant le délai.
Tout d'abord, le chemin de fer vendeur peut décider de réduire ses travaux d'entretien. Je suis heureux de pouvoir vous dire que ce n'est pas ce qu'a fait le Canadien National. Mais il n'en a pas toujours été ainsi quand nous avons fait l'acquisition de certains autres chemins de fer. C'est donc une possibilité qui existe quand il y a un long délai.
Seconde préoccupation, qui est encore plus importante, quand les expéditeurs savent que le chemin de fer est à vendre et qu'il s'écoule un certain laps de temps entre le moment où il est vendu et le moment où le nouvel exploitant le met en service, ils sont dans l'incertitude. Ils ont des décisions à prendre en tant qu'entrepreneurs, de sorte que, tant qu'il y a incertitude, ils préfèrent généralement faire davantage appel au transport routier. Ils ne reviennent généralement pas aux chemins de fer par la suite. Il faudrait donc réduire la durée du processus d'approbation, et c'est ce que fait le projet de loi C-101.
Dans mon mémoire, j'explique de façon beaucoup plus détaillée pourquoi les grands chemins de fer vendent certaines de leurs voies ferrées. Je me contenterai ici de vous l'expliquer brièvement dans les grandes lignes. Les chemins de fer vendeurs sont surtout motivés par le désir de réduire les effectifs afin d'accroître la rentabilité, en raison des différents corps de métier avec lesquels ils doivent traiter.
Prenons, par exemple, le chemin de fer de la Nouvelle-Écosse que le Canadien National exploitait avec 110 employés; nous exploitons le même chemin de fer avec 47 employés, et notre volume a en fait augmenté de 20 p. 100. Et quand nous en avons fait l'acquisition, le Central Vermont avait 161 employés; nous l'exploitons maintenant avec 85 employés. Nous sommes donc en mesure d'exploiter ces chemins de fer de manière plus efficiente parce que nous ne nous heurtons pas au cloisonnement des métiers qui réduit de beaucoup l'efficacité des chemins de fer.
Les grands chemins de fer veulent également vendre pour améliorer leur rendement du capital investi. Ils essaient de mieux utiliser leurs actifs. Ils veulent un service plus fréquent sur les lignes d'apport qui relient les industries rurales à leur réseau principal. Ainsi, dans le cas du chemin de fer que nous avons acheté en Ontario, le CN l'exploitait trois fois par semaine seulement, alors que nous assurons le service jusqu'au lieu de correspondance avec le CN à Stratford six jours par semaine.
Par ailleurs, la vente de certaines lignes permet généralement d'améliorer l'approvisionnement en wagons. Les chemins de fer vendeurs peuvent ainsi mieux utiliser leurs cadres, qui n'ont pas à s'occuper des embranchements. Invariablement, nous semblons augmenter la clientèle du secteur ferroviaire. Enfin, bien entendu, nous permettons d'éviter l'abandon.
Cela m'amène à mon point suivant au sujet de la situation ici au Canada. Le Canadien Pacifique indique que 53 p. 100 de ses voies ne sont utilisées que pour 5 p. 100 de son chiffre d'affaires. La compagnie voudra se débarrasser de ces voies sous-utilisées, notamment celles qui se trouvent dans les provinces des Prairies. Paul Tellier, du CN, a indiqué que 50 p. 100 des voies de la compagnie à l'est de Winnipeg devraient être éliminées, que 20 p. 100 devraient être transformées en lignes secondaires et que 30 p. 100 devraient être carrément abandonnées. Si donc le Canada veut sauver son infrastructure ferroviaire rurale, il devra faire quelque chose pour permettre à des compagnies comme RailTex de venir faire l'acquisition de ces embranchements.
On pourra ainsi non seulement continuer à sauver ces embranchements et à alimenter les réseaux principaux, mais on pourra ramener le transport sur des courtes distances dans le secteur ferroviaire. Notre chemin de fer de Goderich le montre bien. Nous y transportons des céréales sur une distance moyenne de 40 milles jusqu'au silo de Goderich, d'où elles peuvent ensuite être acheminées par les compagnies de navigation dont vous venez d'entendre le témoignage. Tout ce que nous avons fait, c'est que nous avons commencé à demander un demi-cent de moins le boisseau que le transporteur routier.
Pas l'été dernier, mais l'été d'avant, nous avons fait disparaître 900 camions de la route qui traverse le centre-ville de Goderich pendant les mois d'août et de septembre, qui sont des mois où le tourisme bat son plein. Le silo céréalier de l'endroit qui se contentait auparavant d'une aire de déchargement suffisante pour deux wagons en reçoit maintenant 25. C'est vous dire à quel point on apprécie le transport ferroviaire sur de courtes distances. Il s'agit d'une différence énorme par rapport aux grands chemins de fer.
Aux États-Unis, notre Interstate Commerce Commission a réalisé une étude après la mise en service de bon nombre de chemins de fer d'intérêt local. Je crois qu'il est important que le comité se rende compte de ce que les expéditeurs ont dit après que les chemins de fer ont été confiés à des exploitants de lignes secondaires.
Au chapitre du service, 52 p. 100 des clients ont indiqué que le service s'était amélioré, tandis que 5 p. 100 seulement ont noté une détérioration. Pour ce qui est des prix, 20 p. 100 ont indiqué que les prix avaient baissé, alors que 12 p. 100 seulement ont dit qu'ils avaient augmenté. Il est particulièrement important de signaler que c'était les petits expéditeurs qui avaient constaté les améliorations les plus considérables, car les gros expéditeurs étaient déjà bien servis.
Si toutefois le projet de loi a vraiment pour but de sauver les services ferroviaires dans les régions rurales du Canada, deux autres questions doivent être réglées. La première est celle des droits du successeur. À l'heure actuelle, les droits du successeur existent dans trois provinces: l'Ontario, la Saskatchewan et la Colombie-Britannique. Nous ne sommes pas contre les syndicats, mais nous sommes contre le cloisonnement des corps de métier, obligation qui incombe au vendeur et qui est transférée à l'acheteur de par le contrat de vente. Le résultat est désastreux.
Si nous avions eu à assumer l'obligation du successeur quand nous avons acheté notre chemin de fer en Ontario, nous aurions eu à traiter avec huit syndicats différents. Nous avions pensé que le mieux que nous puissions faire serait d'exploiter le chemin de fer avec un minimum de 12 personnes, et pourtant nous l'exploitons avec seulement huit personnes. Ç'aurait été une personne par syndicat, si nous avions été soumis à cette obligation.
Nos employés ont décidé qu'ils voulaient être syndiqués. C'est la Fraternité des ingénieurs de locomotives qu'ils ont choisie. C'est très bien. Il n'est toutefois jamais question dans nos négociations de cloisonnement des métiers, et c'est la seule chose à laquelle nous nous opposons à cause du manque d'efficacité qui en résulte.
À l'heure actuelle, les droits du successeur s'appliquent à toutes les voies sur lesquelles circulent les trains de VIA, puisqu'il s'agit d'une entreprise fédérale, de même qu'aux voies qui traversent les frontières provinciales. Dans les Prairies, il y a plusieurs embranchements qui devraient logiquement être transformés en lignes secondaires et qui traversent les frontières provinciales. À l'heure actuelle, la législation fédérale concernant les droits du successeur les rend peu attrayants pour le transport sur de courtes distances, du moins à nos yeux.
L'autre question qui a été soulevée au cours des audiences concerne les droits de circulation. C'est quelque chose que préconise tout particulièrement la Ligue canadienne de transport industriel. Tout d'abord, je m'oppose aux droits de circulation parce qu'ils ne sont pas nécessaires.
Dans un article paru dans «Railway Age», on dit que RailTex n'achète que les chemins de fer qui donnent accès à deux grands chemins de fer. C'est faux. En fait, deux des trois derniers chemins de fer que nous avons acquis, celui de la Nouvelle-Écosse et celui de l'Orégon, que nous avons mis en service le 31 décembre dernier, n'ont accès qu'à un seul transporteur. Nous ne demandons pas mieux que de conclure des ententes comme celles-là, car il s'agit vraiment de partenariat.
Les grands chemins de fer veulent s'occuper du transport sur de longues distances. Ils ne veulent tout simplement pas avoir à s'occuper de faire l'assemblage au préalable. Ça, c'est notre boulot. Nous faisons donc l'acquisition de chemins de fer qui ne donnent accès qu'à un seul chemin de fer. C'est d'ailleurs le cas de 10 de nos 25 chemins de fer. Vous n'avez qu'à interroger les expéditeurs qui se servent de ces chemins de fer; ils ne voient aucun inconvénient à ce que nous ne puissions assurer la connexion qu'avec un seul transporteur.
Par ailleurs, si jamais les droits de circulation étaient garantis par la loi, ce serait la fin du transport sur courtes distances. Du moins, c'est ce que m'a dit le président législatif du United Transportation Union des États-Unis.
C'est que les syndicats américains savent que le chemin de fer vendeur ne voudrait pas perdre son trafic au profit d'un troisième chemin de fer. Il veut le garder pour lui. Il ne veut tout simplement pas s'occuper de l'assemblage préalable. Au lieu de vendre à un chemin de fer d'intérêt local et de perdre ensuite ce trafic au profit d'un troisième chemin de fer, il décidera tout simplement de ne pas vendre. Il laissera tout simplement l'embranchement se dessécher sur la vigne.
Nos syndicats aux États-Unis se servent de cela comme tactique à l'heure actuelle pour essayer d'empêcher la vente de ces embranchements. Je ne peux pas prouver que c'est ce qui se fait au Canada, mais je peux certainement prouver que c'est le cas aux États-Unis.
En conclusion, le projet de loi C-101 règle le problème que nous cause le long délai nécessaire pour obtenir l'approbation d'un chemin de fer, mais il ne règle pas tous les problèmes relatifs au service ferroviaire rural au Canada. Le comité doit être conscient du fait qu'il faut éliminer les droits du successeur sur les routes VIA et sur les lignes qui traversent les frontières provinciales afin de régler les problèmes qui se posent à l'égard de ces deux types de lignes. Il ne faudrait pas par ailleurs accorder de droits de circulation, qui permettraient l'accès à un troisième chemin de fer.
Si vous voulez en savoir plus à notre sujet, je n'ai pas d'actions dans le Reader's Digest, mais l'édition canadienne de novembre qui vient de sortir contient un article de cinq pages au sujet du Cape Breton and Central Nova Scotia Railway. Il y est question, entre autres, de l'enthousiasme des employés à travailler dans ce genre d'environnement. Il y a également dans la documentation que je vous ai remise un article de journal publié par le Canadien National reprenant les propos de trois de nos employés selon lesquels ils sont emballés de travailler pour ce nouveau genre de chemin de fer.
Je me ferai maintenant un plaisir de répondre aux questions du comité.
Le président: Merci de votre exposé clair et condensé, monsieur Flohr. Nous apprécions beaucoup cette façon de procéder.
M. Gouk: Je suis d'accord avec ce que vous dites. Je suis contre les droits du successeur pour les mêmes raisons que vous. C'est une source de problèmes dans ma circonscription en Colombie-Britannique. J'espère que nous n'aurons bientôt plus qu'une seule province qui maintiendra les droits du successeur, de sorte que nous pourrons nous en servir comme exemple.
C'est cependant la première fois que j'entends la suggestion portant qu'ils devraient être supprimés dans le champ de compétence fédéral, et je l'examinerai de près.
Votre exposé est venu appuyer ma position, ce qui ne m'a pas surpris. Aussi, je n'ai pas de questions à vous poser. Merci beaucoup.
M. Flohr: J'aimerais ajouter quelque chose au sujet des droits du successeur. Selon la logique de la loi, ils peuvent être justifiés lorsqu'il s'agit de transactions où la nature de l'entreprise reste essentiellement la même une fois vendue. Cependant, lorsqu'une nouvelle structure de gestion est implantée, lorsque de nouveaux principes de travail sont introduits, les droits du successeur ne s'appliquent tout simplement pas.
M. Gouk: Non seulement votre point de vue est le même que le mien, mais vos arguments pour le justifier sont également les mêmes. Pour reprendre votre analogie, nous sommes fermement sur les rails.
Une voix: [Inaudible - Éditeur]
M. Gouk: Avec tous ces Libéraux autour de moi, je me fais des amis là où je peux.
Le président: Monsieur Fontana.
M. Fontana: Merci, monsieur Flohr, de nous avoir fait part de vos connaissances au sujet d'une partie du projet de loi et d'une politique du gouvernement qui nous enthousiasment tous, la création de chemins de fer sur de courtes distances. Vous nous avez indiqué comment la chose peut se faire et comment nous pouvons améliorer le processus.
J'ai été particulièrement intéressé par ce que vous avez dit au sujet de vos relations avec vos employés, parce que je pense que c'est là une question clé. Un de vos employés, David Swales, si je comprends bien, vous a adressé beaucoup de compliments. Nous aimerions peut-être l'entendre directement. Ce n'est pas que je ne fais pas confiance à son patron, mais je pense que le fait de l'entendre en personne pourrait être intéressant en cette période de transition.
M. Flohr: J'en ai déjà parlé au personnel du comité; vous recevrez une lettre demandant que M. Swales comparaisse devant vous. Nous essaierons d'organiser une telle rencontre. Il est l'un des employés que le Reader's Digest cite assez abondamment.
M. Fontana: Merci beaucoup.
J'aimerais vous interroger au sujet de votre expérience avec le système américain tel qu'il peut être relié au projet de loi C-101. Nous voulons créer non pas seulement des chemins de fer principaux rentables, mais également des chemins de fer sur de courtes distances. Le but est évidemment de faire en sorte que les localités et les expéditeurs puissent profiter d'une meilleure concurrence et d'un meilleur service.
Y a-t-il des aspects du projet de loi C-101 que nous pouvons parfaire? Nous avons entendu des plaintes au sujet d'un certain nombre d'articles. À la lumière de votre très grande expérience avec le système américain et le système mexicain, vous vous êtes portés acquéreurs de lignes aux États-Unis, croyez-vous que le projet de loi C-101 et le régime que nous mettons en place soient suffisants, non pas seulement pour ce qui est de permettre aux chemins de fer sur de courtes distances d'avoir accès aux marchés plus rapidement, mais également pour ce qui est de permettre aux localités et aux expéditeurs de profiter de ces nouvelles possibilités le plus rapidement possible? En d'autres termes, pouvons-nous écourter l'échéancier de façon importante?
M. Flohr: Le projet de loi C-101 a une particularité, il fait beaucoup de place aux provinces, et chaque province risque d'avoir son propre processus. Aux États-Unis, toute la question relève de l'Interstate Commerce Commission, un organisme fédéral; les États n'ont pas voix au chapitre; c'est la grande différence entre les deux systèmes.
Au Canada, vous accordez une plus grande place aux provinces. À moins que vous ne vouliez revenir en arrière - et je ne pense pas que vous soyez prêts à le faire pour un tas de raisons - vous constaterez que chaque province procédera différemment. Nous passons beaucoup de temps à rencontrer les représentants des provinces où nous voyons les plus grandes possibilités. En juin, justement, j'ai discuté de la question avec les représentants de la Saskatchewan; la province a une loi sur les droits du successeur.
Les provinces commencent à avoir une meilleure idée de la façon de procéder. L'Ontario est en train d'adopter sa propre loi sur les chemins de fer. Nous pensons que ce qu'elle propose est intéressant.
C'est donc une différence entre les deux régimes, mais je ne pense pas qu'elle soit suffisante pour justifier de grands changements.
Je suis d'accord personnellement avec les dispositions sur le préjudice important. Le témoin qui m'a précédé les a critiquées. Je trouve excellent quant à moi que la question soit renvoyée à un office qui sera composé d'experts. Quoi qu'on en dise, c'est ce qui est prévu. Si l'office est vraiment composé d'experts, le législateur procède d'une façon très responsable en ce qui concerne le préjudice important.
Vous ne pouvez pas régler jusqu'au moindre détail, relativement à ce qui constitue des prix compensatoires, par exemple. Il en a été question plus tôt. Je pense que c'est une façon beaucoup plus responsable de procéder que de renvoyer la question à un office qui pourra compter sur des experts. Si ce n'est pas le cas, vous devrez exiger que l'office fasse appel à des experts.
Je suis rassuré à ce sujet cependant. Sauf pour ce qui est du point que j'ai soulevé, qui a davantage trait aux relations industrielles qu'aux questions de transport, je pense que le projet de loi est bon.
M. Fontana: Je reviens au paragraphe 27(2), parce que je pense qu'il pourrait être intéressant de savoir exactement à quoi vous vous attendez relativement au préjudice important. Est-ce un désavantage pour les expéditeurs et les chemins de fer que de passer par le processus? En vertu de la LTN de 1987, les gens n'avaient pas à passer par l'Office ou le processus d'arbitrage très souvent. Ils pouvaient s'entendre entre eux.
Que se passera-t-il pour ce qui est du préjudice important ou de la réparation - non pas pour ce qui est de l'accès, les gens sont portés à confondre les deux questions?
M. Flohr: Pour ce qui est de la réparation plutôt que de l'accès? D'abord, je pense qu'il doit toujours y avoir une tierce partie qui puisse intervenir lorsque les deux principales n'arrivent pas à s'entendre. Aux États-Unis, notre Interstate Commerce Commission joue ce rôle. Elle peut intervenir dans de telles circonstances. Elle peut également forcer les deux parties principales à faire tous les efforts nécessaires en vue d'en arriver à une entente.
Pour ce qui est des sanctions, je ne sais pas. Je ne connais pas suffisamment les détails, à savoir si c'est l'office qui établirait les sanctions... Je ne peux pas vous aider à cet égard. Je dis simplement que le fait d'avoir un office qui agisse en tant que tierce partie, qui ait le maximum de souplesse, est important.
Le président: Monsieur Comuzzi.
M. Comuzzi: En vous écoutant défiler vos antécédents, monsieur Flohr, je me disais que vous aviez peut-être une possibilité ici... Il y a un chemin de fer à vendre. On cherche quelqu'un qui puisse l'exploiter. Il n'y a pas de subvention gouvernementale, il faut qu'il soit rentable, il y a un ensemble de circonstances. Ce pourrait être une occasion pour vous.
Monsieur le président, j'avoue que j'ignorais qu'il y avait des droits du successeur dans le champ de compétence fédéral... Pouvons-nous demander au greffier de nous trouver cette loi?
Dites-moi, monsieur Flohr, vos chemins de fer possèdent-ils leurs propres wagons?
M. Flohr: Pas dans tous les cas. Nous possédons toutes nos locomotives, toutes nos voies; pour ce qui est des wagons, c'est selon la situation. Nous nous fions habituellement aux chemins de fer sur longues distances pour ce qui est de notre approvisionnement en wagons, mais s'ils ne nous en fournissent pas pour une raison ou pour une autre, comme dans le cas du transport des céréales sur de courtes distances par exemple, nous allons chercher nos propres wagons et les utilisons à nos fins. Nous en avons un peu moins de 1 000 actuellement.
M. Comuzzi: Sur la ligne secondaire Goderich, vous transportez des céréales de l'Ontario, je pense - du blé blanc?
M. Flohr: Oui, et du maïs.
M. Comuzzi: Avez-vous des wagons désignés pour effectuer ce transport?
M. Flohr: Nous avons des wagons désignés. Nous les réservons à cette fin en août et en septembre; après, nous nous en servons ailleurs. Certains sont envoyés en Virginie pour y transporter les arachides récoltées en octobre et en novembre; d'autres sont envoyés au Michigan pour y transporter des fèves comestibles. Ensuite, ils sont envoyés au Missouri en décembre, en janvier et en février pour y transporter de la nourriture pour volaille, et de là, ils sont dirigés vers le Texas pour le début de la récolte du blé du printemps en mai et en juin. Nous les déplaçons partout en Amérique du Nord, de façon à suivre le rythme des récoltes.
M. Comuzzi: Comment arrivez-vous à suivre un des wagons désignés que vous possédez vous-mêmes une fois qu'il se retrouve sur les grandes lignes traversant le pays?
M. Flohr: Nous suivons le mouvement de nos wagons au moyen d'un système informatique centralisé; nous effectuons une vérification quotidienne, de sorte que nous savons où ils se trouvent.
M. Comuzzi: Vous reviennent-ils?
M. Flohr: Ils nous reviennent sans problème de façon générale. Il y a parfois des incidents lorsqu'ils passent d'un chemin de fer à l'autre; il arrive qu'un agent local ait besoin d'un wagon-trémie libre, par exemple, et qu'il nous en emprunte un pour un voyage. Après un voyage, nous arrivons habituellement à récupérer le wagon en question. C'est la raison pour laquelle nous retraçons nos wagons quotidiennement. Le retour n'est pas un problème.
M. Comuzzi: Pour toutes les lignes, la désignation de wagons, leur disponibilité, leur emplacement à un moment ne constituent pas un problème?
M. Flohr: Non.
M. Comuzzi: Merci.
Le président: Monsieur Hubbard - pour une brève question?
M. Hubbard: Une brève question, dans laquelle je peux probablement faire entrer deux ou trois points.
Depuis quand votre société existe-t-elle?
M. Flohr: Nous avons commencé en 1977.
M. Hubbard: Vos pourcentages pour l'entretien des rails et de l'infrastructure sont-ils aussi élevés que chez les autres sociétés comme le CN, le CP et certaines grandes sociétés américaines?
Quelle est la vitesse des trains sur vos rails? Vos rails servent-ils également au transport des passagers?
M. Flohr: Sur la majorité de nos voies, nous ne dépassons pas 25 milles à l'heure. Nous avons réduit la vitesse de 40 à 25 milles à l'heure sur plusieurs de nos voies parce que nous n'avions pas besoin d'aller aussi vite dans la plupart des cas du fait que nous devions nous arrêter tous les cinq milles pour prendre d'autres wagons.
Dans le cas du Central Vermont Railway, qui est devenu le New England Central Railroad, Amtrak s'en sert de Palmer, Massachusetts, à St. Albans, c'est une partie de l'itinéraire vers Montréal. Nous maintenons la même vitesse que les trains de voyageurs sur cette voie, soit 60 milles à l'heure.
Pour ce qui est de l'autre partie de votre question - le montant que nous consacrons à l'entretien des voies - c'est habituellement moins que pour les grands chemins de fer. Pour commencer, nous ne roulons pas à 60 milles à l'heure, mais bien à 25 milles à l'heure, ce qui réduit les coûts. Deuxièmement, nous avons très peu de voies qui accueillent plus d'un train par jour dans les deux sens, ce qui réduit l'usure.
Les grands chemins de fer peuvent acheminer 20 ou 30 trains par jour sur une voie, ce qui risque d'user les rails beaucoup plus rapidement, et les rails sont un poste de dépense très important. C'est ce qui explique pourquoi les grands chemins de fer doivent dépenser beaucoup plus que nous au titre de l'entretien. Le remplacement des rails coûte très cher. Nous n'avons pas à le faire aussi souvent parce que nous n'avons qu'un train par jour et que nos rails ne s'usent donc pas.
M. Hubbard: Dans votre budget annuel, combien consacrez-vous à l'entretien des voies et à l'amélioration de l'infrastructure?
M. Flohr: Tout dépend du chemin de fer, mais actuellement ce peut être de 3 000$ le mille à 7 000$. Tout dépend également de la densité de la circulation le long de la ligne. Pour notre ligne New England Central, le montant est plus élevé à cause d'Amtrak. Je n'ai pas le chiffre exact pour cette ligne, mais j'ai les chiffres pour les autres groupes généraux.
M. Hubbard: J'avais une autre question, monsieur le président. Puis-je la poser?
Le président: Certainement.
M. Hubbard: Quelle est la moyenne...
M. Comuzzi: Comment vos trains...
M. Hubbard: Allez-y à ma place, Joe.
M. Comuzzi: De combien de wagons vos trains sont-ils habituellement composés?
M. Flohr: Nos trains ne comptent probablement pas plus de 30 wagons en moyenne. Pour le New England Central, c'est à peu près 65 wagons. Notre chemin de fer au Missouri a des trains unitaires pour le charbon qui comptent 110 wagons. Pour la plupart de nos chemins de fer, cependant, la moyenne est de 20 à 30 wagons par train; ce ne sont pas de très grands trains.
Le président: Merci, monsieur Comuzzi.
Monsieur Hermanson.
M. Hermanson: Merci, monsieur le président. Je suis heureux d'être revenu. J'ai dû m'absenter pendant quelques minutes, ce qui m'a fait rater votre exposé.
J'ai trois très brèves questions à votre intention. À la lumière de ce que vous avez dit à mes collègues, je pense que vous devriez soumettre une offre pour le CN. Vous arriveriez peut-être à faire des miracles.
M. Fontana: [Inaudible - Éditeur]
M. Hermanson: C'est le problème, et nous vous l'avions dit.
J'ai trois questions. Premièrement, quel est votre point de vue concernant le plafonnement des tarifs marchandises? L'appuyez-vous ou vous y opposez-vous, et pourquoi? Deuxièmement, pourquoi les expéditeurs de céréales devraient-ils payer 10c. la tonne de plus pour défrayer les coûts supplémentaires des chemins de fer sur de courtes distances? Troisièmement, le projet de loi C-101 encourage-t-il des sociétés comme le CP et le CN à laisser aux chemins de fer sur de courtes distances des lignes en assez bon état pour que les opérations soient rentables? Je vous pose cette dernière question parce que je suis des Prairies et que j'ai vu le CN et le CP laisser des embranchements se dégrader au point où ils ne peuvent plus intéresser le moindre chemin de fer sur de courtes distances.
M. Flohr: La première question sur le plafonnement des tarifs marchandises rejoint d'une certaine façon la deuxième concernant les 10c. la tonne pour les céréales. J'avoue ne pas connaître très bien les détails de ces deux propositions parce que nous n'avons pas de lignes visées par cela actuellement dans les provinces des Prairies. Je passe donc par-dessus ces deux questions, parce que je ne suis pas en mesure de vous donner un avis éclairé. De façon générale, je suis en faveur d'un marché libre - et donc de prix déréglementés - parce que c'est de cette façon que fonctionnent et réussissent nos autres chemins de fer.
La troisième question était si la loi permettait la cession des embranchements avant qu'ils ne soient dans un état tel qu'ils n'intéressent plus personne. Je pense que la loi proposée y tend. J'ai indiqué que pour la ligne Goderich en Ontario il s'est écoulé 19 mois entre la signature des documents et le début des opérations du chemin de fer. Nous avons réduit ce délai à 12 mois en Nouvelle-Écosse, mais 12 mois c'est encore trop long. Si le projet de loi est adopté, je m'attends à ce qu'il y ait beaucoup d'activités très rapidement, soit d'ici un an ou deux, de sorte que les lignes n'auront pas le temps de se détériorer davantage.
M. Hermanson: Mais vous n'avez pas de position pour ce qui est de savoir si 10c. la tonne...car c'est précisément aux lignes secondaires que cela profite.
M. Flohr: Oui, c'est pour les lignes secondaires dans les provinces des Prairies. Comme nous n'avons pas de lignes secondaires là-bas, je ne sais pas quels autres aspects économiques entrent en jeu là-bas. Si c'est nécessaire ou non. Alors je préfère ne pas répondre plutôt que de vous donner un avis erroné.
M. Hermanson: Très bien. Je vous remercie.
Le président: Une petite question de M. Althouse.
M. Althouse (Mackenzie): Vous avez mentionné qu'il s'était écoulé beaucoup de temps entre la mise en service des lignes que vous avez achetées au Canada et la signature du contrat de vente. Je me demande combien de temps il vous faut pour décider d'acheter une ligne. Est-ce que la très courte période prévue dans le projet de loi à l'étude après l'annonce d'abandon, suivie de la très courte période après laquelle les trois gouvernements peuvent intervenir est suffisante pour vous permettre de décider si vous voulez acheter une ligne? Cette période serait-elle assez longue si vous n'étiez pas déjà dans le domaine ferroviaire? Seriez-vous en mesure de pouvoir même évaluer la situation?
M. Flohr: Le délai prévu dans le projet de loi ne nous pose aucun problèmes. Lorsque nous analysons une ligne, nous parlons aux principaux expéditeurs sur cette ligne, car la pire chose qui pourrait nous arriver serait d'acheter un chemin de fer, en croyant avoir une certaine base d'affaires pour nous apercevoir plus tard que l'usine ou le silo-élévateur ferme - dépenser de l'argent pour s'apercevoir qu'il n'y a pas de débouchés. Nous pouvons analyser la situation très rapidement, de sorte que ce délai n'est pas un problème pour nous.
D'après ce que j'ai vu ici au Canada, je pense vraiment que même si le délai est court, l'objectif réel consiste à donner la chance à tout le monde. Je suis convaincu qu'en traitant avec le CN et le CP, si les petites compagnies sur courtes distances ne trouvent pas cela intéressant, elles auront la patience d'attendre pour voir si la province veut intervenir et acheter.
Le problème consiste à déterminer s'il y a des entreprises qui utilisent la ligne secondaire de toute façon. S'il n'y en a pas, alors la province voudra-t-elle dépenser de l'argent vraiment à des fins de développement économique?
En Ontario à l'heure actuelle, il y a la ligne d'Owen Sound - le CN s'est complètement retiré et le CP vient d'annoncer qu'il allait abandonner cette ligne. Les gens de la région d'Owen Sound se demandent s'il vaut la peine d'acheter la ligne tout simplement pour la garder à des fins de développement économique? À mon avis, il est beaucoup plus difficile d'en arriver à une décision à cet égard par rapport au temps qu'il nous faudrait pour dire oui ou non.
M. Althouse: Donc, ce sera beaucoup plus difficile pour les collectivités qui ne sont pas déjà dans ce domaine, n'est-ce pas?
M. Flohr: Oui. Elles devront décider si elles veulent garder les chemins de fer à des fins de développement économique.
M. Althouse: Combien existe-t-il en Amérique du Nord de lignes secondaires aussi importantes que les vôtres? Il n'y en a pas énormément, n'est-ce pas?
M. Flohr: À l'heure actuelle, il y en a environ 520 en Amérique du Nord, et la plupart se trouvent aux États-Unis. En 1980, il n'y en avait environ que 250, alors il y a eu une croissance considérable aux États-Unis. La croissance a été plus lente ici au Canada, mais que ce soit aux États-Unis ou au Canada, on peut attribuer cette croissance aux mêmes raisons - les raisons que j'ai données précédemment.
Le président: Merci, Vic.
Monsieur Flohr, merci beaucoup. Vous êtes très bien informé et très clair, comme je l'ai déjà dit, et nous vous remercions de votre exposé.
M. Flohr: Eh bien, nous aimons faire des affaires ici au Canada et nous espérons pouvoir en faire davantage. Merci, monsieur le président.
Le président: Merveilleux. Merci.
Nous invitons maintenant le Western Producer Car Group à prendre place à la table.
Pendant qu'ils s'approchent de la table, chers collègues, j'ai demandé au greffier d'aller parler à la AZPAA Rural Development Corporation et au Zenon Park Economic Development Committee qui présenteront un exposé conjoint lorsque nous aurons entendu ce groupe-ci. Nous entendrons donc ces deux groupes et nous pourrons leur poser des questions lorsqu'ils seront devant nous.
Messieurs, bienvenue au comité. Du Western Producer Car Group, nous avons le vice-président, Murray Christensen. Murray, je vous demanderais de nous présenter ceux qui vous accompagnent aujourd'hui et de nous faire votre exposé en 15 minutes ou moins de façon à ce qu'il nous reste du temps pour vous poser ainsi qu'à vos collègues certaines questions qui découleront de votre exposé.
M. Murray Christensen (vice-président, Alberta, Western Producer Car Group): Merci, monsieur le président, de l'occasion qui nous est donnée de venir vous présenter notre point de vue. Je m'appelle Murray Christensen et je suis accompagné aujourd'hui de Ralph Bowditch.
Le Western Producer Car Group est un groupe d'agriculteurs des quatre provinces de l'Ouest dont le mandat est de promouvoir l'efficience du mouvement du grain vers les marchés. À la suite d'un sondage que nous avons effectué par la poste, les 1 060 producteurs ont donné trois raisons pour lesquelles nous chargeons des wagons réservés aux producteurs: premièrement, pour protéger le droit des producteurs à charger directement leur grain dans des wagons ferroviaires; deuxièmement, pour utiliser plus efficacement notre système de transport; et troisièmement, en raison du rendement économique supérieur lorsque des wagons sont directement chargés.
Nous sommes tous les deux venus ici aujourd'hui parce que le Western Producer Car Group est d'avis qu'il faudrait insister sur certains critères de base si l'on veut changer la façon dont le grain est acheminé dans l'Ouest canadien. En outre, nous avons l'appui de bon nombre d'autres segments de l'industrie du grain qui veulent un système de transport et de manutention efficient et déréglementé.
Trois points doivent être soulignés. Tout d'abord, il est établi que la concurrence contribue à maintenir des prix de revient moins élevés. Deuxièmement, l'efficience est l'un des avantages que permet une vive concurrence. Troisièmement, il est nécessaire d'avoir une industrie axée sur le marché. Dans un système réglementé, il n'est pas possible de voir ou d'utiliser des messages clairs du marché. Dans l'économie mondiale d'aujourd'hui il est nécessaire d'avoir la liberté de choix et des marchés non réglementés.
Nous sommes d'avis que bon nombre des groupes qui ont comparu devant votre comité sont passés à côté d'un point très important à cause de leur intérêt direct et d'un manque de vision par rapport aux changements dans notre secteur. Les changements les plus importants sont ceux qui touchent le producteur et le client, car ce sont eux qui influencent l'offre et la demande de grain. Tous les autres groupes de service se retrouvent quelque part au milieu, mais ces groupes doivent toujours se rendre compte que leur rôle est secondaire par rapport à celui des 125 000 producteurs de l'Ouest canadien et de leurs clients.
Cette année, les coûts de transport subissent une augmentation de 80 à 125 p. 100. Le transport constitue un intrant pour la production d'une récolte, tout comme les engrais, les herbicides, l'amortissement de la machinerie, et les taxes. Aucun autre facteur de production du grain de l'Ouest n'a augmenté aussi rapidement que le coût du transport ferroviaire après l'élimination de la subvention du Nid-de-Corbeau. Par conséquent, les déductions pour le transport constituent le chef de dépenses le plus important par acre de production de grain.
M. Ralph Bowditch va vous donner un exemple de la façon dont cela a affecté son exploitation agricole dans le centre de la Saskatchewan.
M. Ralph Bowditch (vice-président, Saskatchewan, Western Producer Car Group): Merci, Murray.
Tout d'abord, j'aimerais vous dire ce qui est arrivé à mon exploitation agricole cette année. J'aimerais vous demander de vous reporter à la page 2 du document que je vous ai remis. J'espère que vous l'avez tous reçu.
J'ai produit 2 790 tonnes de grain en 1995. Si j'expédie ce grain à Vancouver, cela va me coûter un peu plus de 102 000$ en frais de transport. Cela représente une augmentation de 55 000$ cette année, ou 120 p. 100. Les coûts de transport de Tisdale à Thunder Bay ont augmenté d'environ 115 p. 100. Cette augmentation est attribuable à l'élimination de la subvention du Nid-de-Corbeau.
À la page 3, vous trouverez une analyse de chaque récolte par tonne. Dans le cas de l'avoine, en date du 16 octobre, j'obtenais 137$ la tonne. La moyenne provinciale des coûts au comptant pour produire une tonne d'avoine dans la zone de terre noire était d'environ 76,30$ la tonne, soit une différence de 60,70$ la tonne. Mes coûts de transport jusqu'à Vancouver sont de 36,64$ ou 60 p. 100 de mon rendement net au comptant. Pour l'orge, c'est encore pire, soit 124 p. 100.
Si vous passez à la page suivante, vous verrez que j'y ai regroupé le lin, le blé et le Canola. Ce sont des marchandises dont le prix est plus élevé et, par conséquent, le pourcentage de mes tarifs n'est pas aussi élevé: 20 p. 100 pour le lin, 35 p. 100 pour le blé et 13 p. 100 pour le Canola. Ce sont donc les cinq cultures que j'ai produites sur ma ferme.
Ici, on peut facilement voir que mes produits dont le prix est le moins élevé - soit l'avoine et l'orge, ne peuvent plus être expédiés à Vancouver ou à Thunder Bay. Pourquoi est-ce que je les cultive toujours? Je les cultive parce que j'ai changé.
Cette année, 100 p. 100 de ma production d'avoine sera envoyée par camion à Portage la Prairie pour être transformée pour les marchés américains. L'an dernier, toute ma production est allée à Lakehead. Ma production d'orge ira à des parcs d'engraissement dans l'Ouest canadien si elle n'est pas vendue pour le maltage, ce qui rapporte davantage. Ma production de Canola ira à Thunder Bay plutôt qu'à Vancouver. Je tiens à vous rappeler que le Japon est toujours notre plus gros client et qu'il achète à partir de Vancouver.
Le lin ira également à Thunder Bay à cause des tarifs marchandises. Un autre obstacle que je n'ai pas encore réussi à surmonter, c'est ce qui m'arrive pendant les mois d'hiver, lorsque Thunder Bay ferme. Je ne peux pas livrer de grain, du moins pas en faisant des profits.
Comme vous pouvez le voir, à l'avenir, je ne pourrai pas acheminer toute ma production vers les marchés en passant par les installations portuaires à cause du tarif marchandise. J'essaie de trouver de nouveaux marchés, et de m'y adapter. Pour qu'ils me soient utiles, les chemins de fer doivent être concurrentiels et pour l'être, il faut qu'ils soient déréglementés.
Lorsque l'agriculteur de l'Ouest a renoncé à la subvention du Nid-de-Corbeau qui représentait environ 10 millions de dollars par semaine, on nous a dit que cela faisait partie du marché qu'on nous offrait. Le marché était le suivant. Renoncez à la subvention du Nid-de-Corbeau et Ottawa déréglementera le transport du grain afin d'aider à compenser les coûts supplémentaires.
Nous avons fait notre part; nous avons renoncé à la subvention. On aurait pu nous obliger à y renoncer, mais nous l'avons fait volontairement. Dans mon cas, cela représente entre 55 000 et 41 000$ par an si j'expédie toute ma production à Vancouver ou Thunder Bay. Cependant, le gouvernement, lui, a manqué à sa promesse. Le gouvernement n'a pas tenu parole. Nous n'avons aucune amélioration de rendement pour récupérer ces coûts supplémentaires, si ce n'est que de nous adapter.
Le prix du blé est bon à l'heure actuelle, vous pouvez voir ici mon pourcentage pour le coût au comptant en ce qui concerne le blé. Il est toujours possible de faire de l'argent et expédier du blé. Qu'arrivera-t-il lorsque le prix du blé passera à 2$? Je n'aurai pas d'autre possibilité, car la production de blé relève de la Commission canadienne du blé, de sorte que je dois le livrer à la Commission. Je n'ai pas la possibilité que j'ai dans le cas de l'orge ou de l'avoine.
En terminant, j'aimerais dire que chaque producteur investit davantage dans l'industrie du grain que tout autre segment de l'industrie. Si nous ne faisons pas de profits et si ne nous restons pas en affaires, tous ceux qui fournissent des services de stockage du grain, de manutention, de commercialisation et de transport - bon nombre des témoins que vous avez déjà entendus - feront eux aussi faillite. Les coûts supplémentaires sont toujours transmis aux clients ou aux producteurs.
Je vous remercie. Je donne la parole de nouveau à Murray.
M. Christensen: Nous avons besoin d'améliorations de rendement dans les systèmes de transport, de manutention et de commercialisation pour pouvoir faire face à ces dépenses supplémentaires. Le tarif doit être lié au coût, non pas à la distance. En plafonnant les tarifs marchandises, on envoie le mauvais message au secteur privé, qui est prêt à investir dans les terminus intérieurs, ce qui permettrait d'obtenir un rendement financier positif qui était offert avant que la clause d'examen ne soit ajoutée. Il faudrait éliminer tout plafonnement des tarifs marchandises.
Le système de transport du grain est réglementé depuis de nombreuses années. Nous pensons que le moment est venu de changer. Il faudrait essayer quelque chose qui n'a jamais été essayé dans ce secteur. Il faudrait déréglementer et faire en sorte que tous les segments de l'industrie soient axés sur le marché et sensibles à celui-ci.
Pour améliorer le rendement, nous avons besoin de ce qui suit: la possibilité de commercialiser et de livrer notre grain à un silo de collecte, un terminus intérieur ou un wagon réservé au producteur-commerçant de notre choix. La concurrence fait baisser les coûts. Ensuite, nous devons avoir un choix en matière de transport. Nous devons avoir le choix d'utiliser n'importe quel réseau ferroviaire ou routier en Amérique du Nord. La concurrence fait baisser les coûts. C'est la seule façon pour nous de commercialiser la récolte que nous produisons le plus efficacement possible comme le font les producteurs partout ailleurs dans le monde.
Nous demandons aux membres de votre comité de donner aux producteurs la chance d'être concurrentiels lorsqu'ils acheminent leur grain vers le marché tout comme ils le sont dans la production. En faisant cela pour moi et pour les 125 000 autres producteurs, vous créez et encouragez une industrie d'entrepreneurs, et ces entrepreneurs créent de la richesse dans toutes les collectivités des régions rurales de l'Ouest canadien. L'économie des Prairies est axée sur le grain, et tout le monde sait qu'un agriculteur qui a de l'argent dans les poches le dépense. C'est donc une bonne chose pour l'économie tant dans les régions urbaines que rurales.
Toutefois, nous avons d'importantes réserves en ce qui touche le libellé de l'article 155 concernant le grain. Nous recommandons des modifications précises à cet article pour que le texte législatif ait les effets qui étaient prévus à l'origine.
Les règlements en matière de transport qui sont proposés risquent de porter un coup fatal à l'avenir de l'industrie du grain. Par contre, vous pouvez encourager la productivité, le changement et les profits nécessaires pour assurer l'avenir des producteurs de grain. Leur avenir est entre vos mains.
Dans notre mémoire, vous trouverez un certain nombre de recommandations bien précises concernant le projet de loi C-101, et nous serons heureux d'en discuter avec vous. Je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de venir vous présenter le point de vue du Western Producer Car Group.
Le président: Monsieur Christensen, je vous remercie du rapport et du résumé que vous avez présentés à notre comité, et nous remercions M. Bowditch qui nous a fait part de son point de vue personnel avec beaucoup de franchise. Merci beaucoup, messieurs.
Pour des raisons évidentes, je vais inverser l'ordre des intervenants pour la période de questions. Monsieur Fontana.
M. Fontana: Merci, monsieur le président, et permettez-moi de remercier M. Christensen et M. Bowditch qui nous ont fait part de leur point de vue avec beaucoup de franchise.
Pour vous dire la vérité, je suis tout à fait d'accord avec votre philosophie. Je pense que ce que le gouvernement tente de faire - c'est-à-dire créer un réseau de transport efficace et concurrentiel étant donné que le projet de loi C-101 est lié....
De toute évidence, vous avez soulevé certaines autres préoccupations qui n'ont absolument rien à voir avec le Comité des transports et qui ont tout à voir avec la Commission canadienne du blé et qui sont plutôt des préoccupations en matière d'agriculture, et je le comprends. Mais pour ce qui est de vouloir être en mesure de faire concurrence dans un libre marché... De toute évidence, notre comité et le gouvernement souhaitent faire baisser les coûts de transport pour tout le monde. Cela veut dire cependant que les chemins de fer doivent être rentables et que vos coûts doivent être moins élevés afin d'être concurrentiels sur le marché mondial.
Vous savez cependant, Ralph, pourquoi nous avons dû éliminer la Loi sur le transport du grain de l'Ouest. Il a fallu l'éliminer en raison des accords commerciaux mondiaux en ce qui a trait aux subventions.
Pour être équitable - et je vous remercie de nous avoir donné d'excellents renseignements concernant votre propre entreprise personnelle, nous vous en savons gré car parfois ces chiffres en disent long - mais le gouvernement vous a versé une indemnisation à la suite de l'élimination de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest. Je ne sais pas à combien ce montant s'élevait et si vous voulez nous le révéler, mais vous ne l'avez pas mentionné ici. Par conséquent, je pense qu'il serait équitable de mentionner aux fins du compte rendu qu'un montant forfaitaire a été versé aux producteurs en compensation de la perte de la subvention aux termes de la Loi sur le transport du grain.
M. Bowditch: Je ne l'ai pas mentionné car nous ne savons pas ce que c'est. Nous ne l'avons jamais vu.
M. Althouse: Le chèque est dans le courrier, n'est-ce pas?
M. Bowditch: Je ne le sais pas, car nous n'avons rien vu encore, et je crois comprendre que nous ne recevrons rien avant janvier. Ce n'est rien à côté de ce que nous avons perdu; ce n'est rien à côté des chiffres que je vous ai donnés.
M. Fontana: Je ne sais pas si cela sera suffisant, mais de toute évidence on essaie de vous indemniser pour la perte de cette subvention.
En fin de compte, ce que vous dites c'est que vous voulez un réseau beaucoup plus efficace et concurrentiel. Ne pensez-vous pas que le projet de loi C-101 fait partie de l'engagement pris par le gouvernement, car c'est de cela qu'il s'agit: de la déréglementation.
M. Bowditch: Certainement.
M. Fontana: Vous avez dit que l'une des façons de déréglementer ou de devenir beaucoup plus efficace et concurrentiel consistait à éliminer le plafonnement et à réduire les coûts. À votre avis, l'élimination de la disposition de temporarisation et, si en fait le comité décidait d'en faire la recommandation, l'élimination du plafonnement sont-elles des mesures que vous et d'autres producteurs seriez prêts à appuyer? Les producteurs ne sont pas de toute évidence unanimes pour dire qu'il faut éliminer le plafonnement.
M. Bowditch: Personnellement, je pense que oui. Cependant, je dois vous mettre en garde. Je parle d'autre chose dans ma déclaration. Nous ne pouvons pas tenir compte uniquement du transport. Je suis désolé, mais tout est relié.
M. Fontana: Naturellement, je serais d'accord avec vous, mais malheureusement notre comité ne peut pas régler les problèmes en matière d'agriculture. Nous pouvons faire des recommandations et parler à nos collègues du Comité de l'agriculture afin qu'ils examinent les autres aspects de la question, mais pour le moment, nous ne pouvons que traiter de la question des coûts de transport dans le cadre du projet de loi à l'étude.
Quelles sont vos suggestions? Le projet de loi C-101 va-t-il assez loin en matière de déréglementation? Vous parlez de la déréglementation totale pour obtenir des gains de rendement.
M. Christensen: Permettez-moi d'ajouter quelques observations. Nous sommes certainement d'accord avec le projet de loi en ce qui concerne l'abandon des lignes. Ce faisant, nous espérons que les chemins de fer seront en mesure de transférer toutes les recettes et tous les coûts vers les lignes les plus efficaces. Dans les Prairies, particulièrement en Saskatchewan, on a mis en place un réseau de terminaux intérieurs. Bon nombre de ces installations sont en attente car les incitatifs en matière de tarifs marchandises ont été éliminés. Nous prévoyons que le transport et le rassemblement du grain de l'Ouest se feront dans des endroits plus centraux.
Cet après-midi, M. Hehn de la Commission canadienne du blé a dit qu'environ 80 p. 100 du blé est exporté à l'extérieur des Prairies, mais il n'est pas nécessaire de le faire à partir d'autant d'endroits que nous le faisons aujourd'hui. Si nous réduisons le nombre d'endroits, le réseau de transport devrait pouvoir transmettre certains gains de rendement aux producteurs.
M. Fontana: Entre 20 et 25 p. 100 du trafic ferroviaire total est pour le transport du grain. J'ai déjà entendu parler de domination du marché, de pouvoir du marché, etc., mais il me semble que vous avez beaucoup de pouvoir ici sur le marché. Je sais que dans certains cas, il n'y a pas d'autres possibilités, sauf si vous pouviez acheminer votre produit vers le Sud, et à ce moment-là vous pourriez obliger les chemins de fer, l'industrie du camionnage ou tous les autres à entrer dans le jeu de la concurrence, car si j'ai bien compris, il n'y a pas de concurrence et on abuse du marché, etc.
Il me semble qu'avec vos 120 000 producteurs, y compris les expéditeurs - je suis d'accord avec ce que vous dites au sujet de l'amélioration du rendement concernant les envois - vous devriez avoir suffisamment de pouvoir sur le marché pour influencer les chemins de fer.
M. Bowditch: Je suis d'accord avec vous. Je ne vois pas comment on pourrait dire que nous n'avons pas de pouvoir sur le marché.
Le président: C'est pourquoi ils veulent de la concurrence et avoir leurs propres wagons.
Madame Terrana.
Mme Terrana (Vancouver-Est): Je viens de Vancouver et le port se trouve dans ma circonscription, de sorte que ce que vous avez dit a l'effet d'un coup de poignard. En outre, j'ai fait partie du groupe de travail sur la rationalisation du CN. Ce qui m'inquiétait constamment, si nous devions éliminer la subvention du Nid-de-Corbeau, c'était de perdre l'industrie du grain.
Au sein de vos organisations, de votre société, y a-t-il d'autres producteurs qui font ce que M. Bowditch fait?
M. Christensen: Certains des chiffres ne seraient pas exactement les mêmes, mais oui, nous le faisons tous; nous devons tous le faire.
Mme Terrana: Lorsque vous dites «tous», voulez-vous parler de la Saskatchewan et du Manitoba?
M. Christensen: Une bonne partie de l'orge en Saskatchewan et au Manitoba reste dans les Prairies, oui.
M. Bowditch: Restera.
M. Christensen: Et restera de plus en plus. Mais la plupart des exportations à partir de Vancouver sont des exportations de blé et de Canola qui, en fait, augmentent en même temps. Les produits qui coûtent moins cher ne peuvent être expédiés pour l'exportation en raison du projet de loi.
M. Bowditch: N'oubliez pas que je suis du nord de la Saskatchewan. Mon tarif marchandise est élevé dans votre port. Ce sera le contraire pour son tarif marchandise en Alberta. Donc, nous prenons le grain de l'Alberta et nous l'expédions à Vancouver, et nous prenons mon grain et l'expédions à Thunder Bay. C'est très bien, mais tout à coup cette année on se retrouve avec un surplus de colza à Thunder Bay alors que Vancouver en manque.
Mme Terrana: Vous avez dit qu'il y avait trop d'endroits. Voulez-vous parler des endroits où on va chercher le grain pour l'acheminer vers le marché?
M. Christensen: Il y a trop de points dans les Prairies où l'agriculteur peut livrer son grain afin de le charger sur des wagons ferroviaires. Nous aimerions consolider ces points.
M. Hermanson: Merci, messieurs, d'avoir comparu devant notre comité. Nous aimons votre attitude. Je pense que si un plus grand nombre de Canadiens avaient cette attitude, nous n'aurions sans doute pas une dette de 560 milliards de dollars.
Vous représentez un groupe de producteurs qui ont des wagons réservés et vous dites que vous voulez mettre un terme au plafonnement du tarif marchandise et que vous voulez la déréglementation totale du réseau de transport. Je vais vous poser quelques questions assez difficiles.
Si le réseau de transport était entièrement déréglementé, ne craindriez-vous pas alors que ceux qui ont le plus de pouvoir de négociation, notamment le Saskatchewan Wheat Pool, Pioneer Grain, Cargill, etc., aient alors le monopole pour ce qui est de l'allocation des wagons, et que les utilisateurs de wagons réservés aux producteurs ne puissent avoir accès aux wagons car ils n'auraient pas les 1 500 places que les grandes sociétés ont?
M. Christensen: En 1992, une étude a été faite par un comité supérieur du transport du grain. Cette étude révélait que dans 60 p. 100 des cas, dans l'industrie on ne trouvait pas plus de 10 wagons en place. L'un des facteurs de rendement dont les chemins de fer parlent toujours, c'est du nombre de wagons en place. Donc, dans plus de 50 p. 100 des cas, dans les Prairies, on ne pouvait trouver plus de 10 wagons en place, et ces chiffres sont toujours assez vrais aujourd'hui, d'après ce que nous croyons comprendre.
Nous allons changer si l'industrie en général change à cet égard.
M. Hermanson: Donc, vous ne tentez pas de maintenir les wagons réservés aux producteurs?
M. Christensen: Non. Nous voulons rendre le réseau de transport, de manutention et de commercialisation plus efficient. Je suis d'accord avec le député d'en face lorsqu'il dit que votre comité se préoccupe uniquement des questions de transport. Mais comme la Commission canadienne du blé l'a déjà dit, l'industrie du grain est unique. C'est parce que le transport, la manutention et la commercialisation sont réglementés pour nous.
M. Hermanson: Supposons que les tarifs marchandises ne soient pas plafonnés et qu'ils augmentent, particulièrement dans votre région, Ralph. Vous et tous vos voisins tentez d'acheminer votre production d'orge et d'avoine vers les acheteurs américains ou les acheteurs canadiens dans les Prairies. Pensez-vous que vous pourriez vendre vos produits si tous les agriculteurs de la Saskatchewan et peut-être des Prairies essayaient de vendre leurs produits localement parce qu'ils n'ont pas les moyens de payer des coûts de transport plus élevés?
M. Bowditch: Je dois répondre qu'il est probable que non. Cependant, à l'heure actuelle, j'ai davantage de débouchés pour ma production de grains qui ne relève pas de la Commission que pour ma production qui relève de la Commission. Nous allons dans la bonne direction. Nous passons par une période de transition à l'heure actuelle, et je pense qu'avec le temps l'industrie va s'implanter davantage dans l'Ouest. Il y a déjà beaucoup d'usines d'extraction de l'huile qui viennent s'installer dans ma région. Avec le temps, c'est ce qui va arriver; je l'espère.
M. Hermanson: Vous ne vous inquiétez pas de la transition de la situation actuelle à...
M. Bowditch: Certainement. Je ne serais pas agriculteur si je ne m'inquiétais pas. Je vous ai dit ce qu'il m'en coûtait à moi. Oui, je suis très préoccupé. Comme je l'ai dit, nous sommes prêts à prendre des mesures, mais vous devez en faire autant.
M. Hermanson: Bon nombre d'expéditeurs - et vous êtes producteurs-expéditeurs - ont soulevé des questions concernant deux ou trois dispositions du projet de loi, plus particulièrement des termes «préjudice important», «frustratoire» et «fardeau». Nous savons tous de quels articles il s'agit.
A titre de membres du Western Producer Car Group et d'expéditeurs, partagez-vous cette préoccupation, ou estimez-vous que ces dispositions ont peu d'importance et qu'elles ne vous poseront pas de problèmes?
M. Christensen: Le projet de loi n'est pas parfait, mais nous, du groupe, estimons qu'il prévoit une protection satisfaisante des droits des expéditeurs. Notre principale objection porte sur l'article 155, la clause de temporarisation.
M. Hermanson: C'est la disposition qui établit le tarif maximal.
M. Christensen: Oui.
Le président: Messieurs, je vous remercie beaucoup d'être venus témoigner devant notre comité. Nous vous savons gré des efforts et du temps que vous avez consacrés à votre témoignage. Votre mémoire nous est très utile. Merci.
M. Christensen: Merci.
Le président: Chers collègues, nous entendrons maintenant un exposé conjoint de la AZPAA Rural Development Corporation et du Zenon Park Economic Development Committee.
Nous souhaitons la bienvenue à Peggy Reavie de la AZPAA Rural Development Corporation et à Céline Favreau, agente de développement économique du Zenon Park Economic Development Committee.
Nous écouterons vos exposés avec intérêt. Nous vous remercions de bien vouloir les présenter ensemble. Vous avez la parole.
Mme Peggy Reavie (AZPAA Rural Development Corporation): Le présent mémoire est déposé par la AZPAA Rural Development Corporation et au nom des résidents, fermiers et gens d'affaires de la région. Située dans le nord-est de la Saskatchewan, la AZPAA RDC représente les villages de Aylsham et de Zenon Park, la ville de Arborfield et la municipalité régionale de Arborfield, pour un total de 1 500 habitants. Il n'y a que le village de Aylsham qui n'est pas directement touché par la question de l'abandon de lignes de chemin de fer.
Un des buts principaux de la RDC est la diversification économique. La région représentée par la RDC dépend essentiellement de l'agriculture et, en raison de la proximité de la réserve forestière, de la foresterie. L'accent est mis sur la diversification et la valeur ajoutée.
L'exemple le plus frappant de diversification dans la région est l'usine de déshydratation de la luzerne: les fermiers locaux cultivent la luzerne et la vendent à l'usine de déshydratation de la région. La luzerne est transformée en granule, et le produit déshydraté est exporté, surtout au Japon. En 1990, les statistiques suivantes portant sur l'industrie de la déshydratation dans la région de la AZPAA RDC ont été compilées, et les données confirment qu'à l'époque, l'industrie de la déshydratation de la luzerne était l'employeur le plus important de la région.
A l'époque, il y avait l'usine de déshydratation Parkland, à Zenon Park, qui avait été mise sur pied en 1968 et avait créé 17 emplois à temps plein et 108 à temps partiel. Cette usine louait 40 000 acres de luzerne des agriculteurs et exportait 82 000 tonnes de luzerne déshydratée.
L'usine de déshydratation Carlea, à Aylsham, a ouvert ses portes en 1984. Elle employait 10 personnes à temps plein et 50 à temps partiel. Elle louait 28 000 acres et exportait 50 000 tonnes de luzerne déshydratée.
L'usine de déshydratation Arborfield, dans la ville du même nom, s'est ouverte en 1971. Elle employait alors 14 personnes à temps plein. En 1990, elle employait 50 personnes à temps partiel et, depuis, ce chiffre est monté à 102, il s'agit pour la plupart d'agriculteurs de la localité. Cette usine louait 25 000 acres de terre et exportait 50 000 tonnes de luzerne déshydratée.
Depuis 1990, l'usine de déshydratation Parkland, poussée par la possibilité de l'abandon des chemins de fer, a quitté la région de Zenon Park, qui fait partie de la ligne secondaire Arborfield, pour s'installer près d'une autre ligne secondaire à l'extérieur de la région de la RDC. Leur nouvel emplacement est desservi par deux lignes secondaires utilisées à la fois par le CP et le CN, ce qui procure à l'entreprise une meilleure viabilité à long terme et la possibilité d'obtenir des tarifs marchandises avantageux. Même si l'usine de déshydratation Parkland est située assez près de la région pour créer de l'emploi, les avantages directs de la présence d'une industrie de cette taille dans la région ont été perdus.
La ville de Arborfield, la municipalité régionale de Arborfield et le village de Zenon Park sont adjacents à une ligne des chemins de fer nationaux du Canada, la ligne secondaire Arborfield, utilisée pour le transport du grain et des produits de la luzerne provenant de l'usine de déshydratation. Quoique la ligne de Arborfield demeure une ligne à faible densité en acier léger (de légères améliorations y ont été apportées), on lui affecte néanmoins un volume impressionnant de marchandises.
En dix ans, le volume moyen de livraisons aux élévateurs, et les expéditions subséquentes, s'est élevé à 48 100 tonnes métriques. La ligne secondaire s'étend sur 19,4 milles. Le rapport tonne/mille calculé est d'environ 2 500 tonnes de grain par mille, et l'on calcule la même proportion pour les granules déshydratés.
La ligne secondaire de Arborfield semble donc relativement viable, même si l'on ne tient compte que du transport du grain. Jusqu'à cette année, un moratoire fédéral empêchait l'abandon des lignes de chemin de fer. Le décret d'interdiction prévenait officiellement tout abandon de lignes de chemin de fer dans les Prairies jusqu'à l'an 2000. Cependant, avec l'annulation du décret d'interdiction, l'existence de la ligne secondaire Arborfield est menacée. Par conséquent, l'avenir de l'usine de déshydratation Arborfield et de l'économie locale sont aussi en péril.
Même s'il serait injustifié d'abandonner une ligne qui transporte un volume aussi élevé de marchandises, la AZPAA RDC a mené une étude de préfaisabilité en 1992 afin d'examiner la viabilité du chemin de fer secondaire Arborfield au moment d'un éventuel abandon.
Les résultats de l'étude indiquent que le volume de marchandises et l'amélioration partielle du chemin de fer secondaire permettrait à une société privée d'exploiter la ligne advenant un abandon par le CN. Cependant, le projet de loi C-101 semble retreindre notre pouvoir de prendre des mesures afin de conserver notre ligne de chemin de fer secondaire.
Une autre source d'inquiétude est que si la ligne de chemin de fer est abandonnée et qu'aucune disposition n'est prise pour entretenir les chemins de fer secondaires, les producteurs de grains et peut-être ceux de produits déshydratés, devront prendre la route pour transporter leurs produits à l'usine la plus proche, ce qui entraînerait des dommages accrus pour les réseau routier, ce qui en retour occasionnera des coûts supplémentaires (sous forme d'impôts) pour les contribuables locaux.
Si on adopte le projet de loi C-101 sans faire de modifications qui permettraient l'exploitation d'un chemin de fer secondaire, l'usine d'Arborfiled aura peut-être à s'installer ailleurs, à transporter ses produits par camion jusqu'à une autre ligne, ou tout simplement à fermer ses portes.
La perte de la ligne de chemin de fer occasionnerait aussi la disparition des élévateurs à Zenon Park et Arborfield, soit celui de la Saskatchewan Wheat Pool à Zenon Park et ceux de Pioneer Grain et de United Grain Growers à Arborfield. Ces sociétés n'auront d'autre choix que de déménager si le projet de loi C-101 est adopté sans modifications permettant d'appliquer d'autres solutions si les sociétés ferroviaires abandonnent effectivement leur ligne de chemin de fer.
La situation qui prévaut est due au monopole du CN dans le nord-est de la Saskatchewan. En vertu de la nouvelle législation, le choix de d'exploiter les chemins de fer secondaires et d'abandonner les tronçons tout simplement reviendra entièrement au CN. Si le CN ne veut pas partager ses revenus avec une société de chemin de fer secondaire elle pourrait refuser de le faire sans que la société en question puisse avoir recours à une forme d'arbitrage. Le CN, en raison de son monopole, serait encore raisonnablement sûr d'obtenir tous les grains et les produits déshydratés.
Comme vous pouvez maintenant le constater, la situation soulève des questions délicates et complexes et menace le gagne-pain des agriculteurs, gens d'affaires et employés de la région de la RDC. Le projet de loi C-101, tel qu'il est présenté maintenant ne leur laisse aucune possibilité de conserver les installations dont ils ont besoin pour poursuivre leurs activités avec succès.
La AZPAA Rural Development Corporation estime que deux modifications doivent être apportées au projet de loi C-101 pour qu'il soit acceptable. La première porte sur l'arbitrage. Il convient d'ajouter au projet de loi une disposition qui permettrait aux sociétés ferroviaires fédérales et provinciale d'avoir accès à un mécanisme d'arbitrage.
Ce mécanisme d'arbitrage est nécessaire en raison de la différence de taille et de pouvoir entre les sociétés ferroviaires fédérales et provinciales. Cette disposition viserait les différends touchant le prix d'achat et le contrat d'exploitation et empêcherait les sociétés ferroviaires d'abandonner une ligne sans la vendre. En effet, les dispositions faisant déjà partie de la nouvelle loi exigent que les sociétés ferroviaires mettent leur ligne en vente.
En ce qui concerne les droits de circulation, cette disposition permettrait à une société de chemin de fer d'emprunter une ligne d'une société ferroviaire fédérale pour atteindre un point d'échange avec une autre société ferroviaire de son choix. De cette façon, l'entreprise expéditrice qui emprunte une ligne secondaire et la société de chemin de fer secondaire auraient toutes deux accès aux lignes des concurrents afin de créer un environnement favorable à la concurrence.
En conclusion, la AZPAA Rural Development Corporation aimerait ajouter que tous les ordres de gouvernement ont favorisé le développement économique des régions rurales de la Saskatchewan en tant que façon de promouvoir la diversification et la valeur ajoutée. La Loi sur les transports au Canada risque d'annuler une grande part du bon travail qui a été fait jusqu'à maintenant et de limiter ce qui pourrait être fait à l'avenir.
J'ai annexé à notre mémoire des données sur les répercussions financières que le projet de loi aurait sur les collectivités. Puis-je pendant quelques minutes les passer en revue avec vous?
Le président: Étant donné qu'il s'agit de chiffres, nous allons les considérer comme ayant été lus et ils feront partie du compte rendu. Nous aimerions laisser un peu de temps à Mme Favreau.
Merci, madame Reavie, de votre exposé.
Madame Favreau.
Mme Céline Favreau (agente de développement économique, Zenon Park Economic Development Committee): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité permanent des transports, le mémoire que vous tenez entre les mains est présenté par le Zenon Park Economic Development Committee au nom du village de Zenon Park et de la communauté agricole environnante.
Zenon Park est situé dans le nord-est de la Saskatchewan, région qui vit principalement de l'agriculture, et qui se démarque par la richesse de son potentiel de diversification agricole, comme elle le montre depuis un certain nombre d'années. Dans notre région, le traitement à valeur ajoutée est une réalité depuis la fin des années 1960. L'histoire reconnaît Zenon Park comme étant la capitale mondiale de la déshydratation de la luzerne. C'est là qu'a pris naissance le traitement de la luzerne. Aujourd'hui, on y trouve des secteurs tels que celui de l'abeille coupeuse de feuilles qui sert à la production de graines de luzerne, le plus important transformateur de miel de la Saskatchewan, les producteurs de bétail et de céréales organiques, des scieries de bois qui exportent leurs produits et les producteurs de cultures spécialisées telles que les pois, les lentilles, les graines à canaris, les fines herbes et les épices, et les graines de tournesol.
Comme nous sommes le comité d'expansion économique d'une petite communauté rurale de la Saskatchewan, nous avons de bonnes raisons d'être préoccupés par certaines des modifications apportées à la Loi sur les transports nationaux qui deviendra bientôt la Loi sur les transports au Canada. En effet, en plus d'avoir un effet direct sur le mode de vie de notre collectivité, le projet de loi remet entre les mains des compagnies ferroviaires l'avenir de l'Ouest canadien. Nous estimons que pour bien comprendre les conséquences profondes de la mise en oeuvre des modifications que vous proposez à la Loi sur les transports au Canada, vous devez d'abord comprendre les répercussions du développement économique dans les régions rurales agricoles.
Notre collectivité est située le long du chemin de fer du Canadien National, sur un tronçon nommé Arborfield Sub; nous avons appris au printemps de 1995 que ce tronçon devait être abandonné. Nous avons immédiatement organisé des réunions avec la collectivité voisine d'Arborfield, en raison de nos inquiétudes quant à l'avenir de l'usine de déshydratation de luzerne d'Arborfield, située au bout du tronçon, ainsi que celui des silos de notre localité. Après nous être concertés pour communiquer avec le CN afin de savoir à quoi tenait la décision d'inscrire notre tronçon, pourtant achalandé, sur la liste des voies qui devaient être abandonnées, liste qui ne comprenait jusque-là que des lignes peu achalandées, on nous a informés à l'automne de cette même année que notre tronçon avait été retiré de la liste pour l'instant.
Depuis lors, nous avons organisé des réunions en collaboration avec la société de développement rural de notre région afin d'évaluer comment on pourrait organiser une voie secondaire dans notre région. Comme l'a dit Peggy, la société de développement rural a procédé en 1992 à une étude de préfaisabilité sur la viabilité de l'exploitation d'une voie secondaire. Des résultats ont montré que, comme il s'agit d'un tronçon à fort volume, qui est utilisé pour l'expédition du grain et des produits de la luzerne, il pourrait être exploité comme voie secondaire. Selon toutes les parties concernées, l'option de voie secondaire pourrait être viable dans notre secteur puisque les répercussions de la perte du service ferroviaire desservant notre région aurait un effet tout à fait dévastateur pour nos collectivités. Ces effets seraient les suivants: la perte des emplois actuels à l'usine de déshydratation d'Arborfield, qui est le plus important employeur du secteur; la fermeture de l'usine aurait des effets sur la communauté agricole locale puisque la culture de la luzerne est une solution de diversification qui profite à tous les agriculteurs de la région; la perte des impôts que versent actuellement aux collectivités le chemin de fer et les élévateurs à grain.
Dans notre région seulement, l'abandon de la ligne ferroviaire aurait comme conséquence directe de priver l'économie locale de 2,6 millions de dollars par an. Cette somme ne tient pas compte des autres pertes, telle que la perte du secteur de déshydratation de la luzerne et des acheteurs de grain. En outre, l'abandon de cette ligne aurait des effets sur les producteurs qui fournissent les céréales et les produits bruts ainsi que sur les secteurs qui desservent les usines et les silos.
Le village de Zenon Park participe à l'expansion économique de la région depuis 1988, parce que les habitants réalisent parfaitement que l'avenir de leur collectivité est entre leurs mains. Quand un projet de loi comme le projet de loi C-101 est adopté par le Parlement et qu'il semble nuire à des activités d'expansion économique comme la diversification agricole, nous avons l'impression que nos initiatives sont délibérément freinées.
Voici qui vous aidera à comprendre les différents niveaux de développement économique qui existent dans le Canada rural d'aujourd'hui. Notre collectivité de Zenon Park, qui compte 260 habitants, s'est dotée d'une organisation de développement économique active, comme bien d'autres grandes localités.
Zenon Park collabore avec trois autres municipalités au sein de la AZPAA Rural Development Corporation. Toutes ces municipalités participent aussi à des projets de développement régional grâce à l'aide du Comité de développement des collectivités financé par le gouvernement fédéral. Il s'agit d'une région qui compte environ 55 000 habitants qui est en train d'établir sa propre société de développement économique régionale et ou, pour ce faire, on tient régulièrement des réunions de partenariat pour communiquer des informations sur les programmes et pour assurer la collaboration à tous les niveaux possibles.
La Loi de 1987 sur les transports nationaux garantissait l'accès de tous aux avantages de la concurrence; elle considérait l'infrastructure ferroviaire comme un actif qui ne devait pas être éliminé s'il pouvait être utile, par exemple, sous forme de voie secondaire.
Selon le libellé actuel du projet de loi C-101, la Loi sur les transports au Canada laissera aux compagnies de chemins de fer le soin de décider de l'avenir de l'infrastructure ferroviaire du Canada, sans égard aux besoins des expéditeurs et aux intérêts collectifs.
Nous souhaiterions que deux changements soient apportés au projet de loi si on veut qu'il ne nuise pas à l'expansion économique. Le premier de ces changements porte sur l'arbitrage et le second, sur les droits de circulation.
Notre région, le village de Zenon Park et les municipalités avoisinantes faisant partie de notre société de développement rural, sommes fiers du chemin que nous avons fait pour diversifier notre économie et assurer la pérennité de la vie rurale. Nous comprenons également les avantages que procure le changement pour l'accès à un avenir comme celui-là, mais nous sommes également conscients des situations qui, comme celles-là, nous mettent à la merci des chemins de fer, et nous sommes prêts à nous battre pour conserver nos droits et notre mode de vie.
Du point de vue du développement économique, ce qui nous préoccupe le plus, c'est que, même si nous déployons tous les efforts possibles, au Canada rural, pour moins dépendre des subventions et pour ajouter de la valeur à nos ressources, les nombreux paliers de gouvernement, les industries urbaine et agricole et les médias continuent de croire que l'exode des campagnards vers les grands centres urbains est une possibilité.
Les habitants des régions rurales ne tiennent pas à se joindre aux nombreux citadins du Canada qui font la queue devant les banques alimentaires. Comme l'a dit le Syndicat national des cultivateurs dans le mémoire qu'il a présenté à votre comité:
- Les réseaux ferroviaires représentent plus qu'un actif détenu par une compagnie. Ils font
partie de l'infrastructure de l'économie. Une ligne ne devrait pas être abandonnée sans que l'on
ait auparavant réfléchi aux effets possibles de cet abandon sur les collectivités touchées, sur le
réseau de transport et sur l'économie en général.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, madame Favreau, de votre excellent exposé. Madame Reavie, merci. J'avais dit à mes collègues que nous gardions la meilleure pour la fin; vous m'avez donné raison.
On dirait que la ligne ferroviaire de Zenon Park dont vous nous avez parlé est précisément le genre de tronçon dont un entrepreneur ou un groupe de gens voudraient s'emparer pour l'exploiter. Ce projet de loi augmentera les perspectives de ceux qui veulent agir ainsi, n'est-ce pas?
Mme Favreau: De plusieurs façons, c'est ce qui se produit. Notre inquiétude concerne l'arbitrage. C'est difficile pour un simple particulier d'être confronté à un organisme de grande taille, et dans notre région, le CN détient un monopole. Alors toutes sortes de possibilités se présentent.
Par exemple, Arborfield Dehy a fait des démarches auprès du CN, leur demandant ce qu'il souhaitait ou ce qui devrait se produire afin de garder notre ligne en exploitation. Le CN a répondu que la ligne avait besoin de réfection. Dehy leur a demandé combien coûterait la réfection de cette ligne, parce que lorsqu'ils songent à déménager, cela peut leur coûter très cher. S'il était possible de moderniser suffisamment cette ligne pour rester là où ils sont, ils seraient prêts à le faire. Le CN a répondu que la note coûterait 600 000$. L'usine de déshydratation a dit qu'elle la paierait, et le CN s'est retiré de la table.
Le président: Avec une offre de ce genre, je ne serais pas étonné qu'un entrepreneur privé se présente pour acheter cette ligne secondaire, accepter votre offre et passer aux actes. Je suis étonné que vous ne le fassiez pas. Mais c'est tout ce que je dirai.
Passons aux questions des collègues.
Monsieur Hermanson.
M. Hermanson: Merci de votre exposé.
Venant moi-même d'une petite ville rurale en Saskatchewan, je comprends l'esprit dans lequel vous vous présentez devant notre comité et je l'apprécie beaucoup. Je vois également que vous souhaitez maintenir la viabilité de votre communauté, parce qu'elle vous est très chère. Ceux autour de cette table qui n'ont jamais vécu dans ce genre d'environnement trouvent peut-être cela un peu difficile à comprendre. Mais c'est semblable à l'inquiétude que nous ressentons actuellement à la pensée que nous allons peut-être perdre une province. C'est très déconcertant.
Ce même sentiment, qui peut sembler sans importance lorsqu'il s'agit de quelques centaines ou quelques milliers de personnes, peut vous toucher très profondément lorsque vous êtes dans cette situation-là personnellement parce que vous avez travaillé très fort pour bâtir votre communauté que vous chérissez. Je comprends donc vos préoccupations et j'en partage certaines, parce que moi aussi j'apprécie la vie rurale.
J'ai apprécié votre exposé ainsi que les commentaires du président sur la viabilité d'une ligne secondaire dans cette région. Disons que cette option de ligne secondaire échoue et que rien ne se passe. Est-il possible de transporter la luzerne déshydratée par camion? Est-ce commercialement faisable de transporter cette marchandise par camion à une ligne en exploitation.
Venant moi-même d'un milieu rural de la Saskatchewan, je sais qu'à certains moments de l'année, les chemins de fer ne circulent pas. Ils n'envoient pas de wagons sur ces lignes secondaires pendant des mois, mais la vie doit continuer. Lorsque cela se produit avec la luzerne déshydratée, est-ce que ce produit est entreposé jusqu'à ce qu'un train arrive ou est-ce qu'on le transporte par camion temporairement jusqu'à ce que les wagons arrivent? Je ne connais pas assez bien l'industrie de la déshydratation pour savoir comment cela se passe.
Mme Reavie: Nous avons toujours eu la chance de ne pas nous retrouver dans cette situation-là. Notre ligne ferroviaire n'est pas du genre... Comme je l'ai dit plus tôt, c'est une ligne à faible densité et à volume élevé. Mais nous avons toujours pu obtenir des wagons toute l'année sauf en des circonstances exceptionnelles. Mais autrement, on a toujours fait en sorte que les wagons continuent à circuler sur la ligne ferroviaire.
L'usine de déshydratation a elle-même mené une étude de faisabilité ces derniers mois et a envisagé trois options. La première consiste à transporter leurs marchandises à une autre ligne par camion, la seconde, à déménager l'usine de déshydratation, et la troisième à fermer ses portes.
L'option la plus viable serait de dépenser un million de dollars pour la réfection de la ligne et continuer à fonctionner comme nous l'avons toujours fait. C'est l'option la plus viable.
Le camionnage est une possibilité, mais il s'agit d'un très fort volume de marchandises, et la ligne où il faudrait se rendre se situe 20 milles plus loin. Il faudrait probablement transporter la marchandise par camion au même endroit où Parkland Dehy a déménagé, un emplacement central entre les deux lignes. C'est quelque chose qu'ils vont peut-être devoir faire, mais une ligne secondaire serait préférable pour eux.
M. Hermanson: Avez-vous discuté du projet de loi C-101 avec le CN? Est-ce que les pourparlers au sujet de la réfection de la ligne et des 600 000$ ont eu lieu avant le dépôt du projet de loi C-101? Si le projet de loi est adopté, le CN serait-il prêt à réexaminer votre offre, à faire les travaux nécessaires ou à permettre la création d'un CFIL?
Mme Reavie: La Société n'a absolument pas dit qu'elle serait prête à faire ce genre de chose à l'avenir. Il semble qu'elle...
M. Hermanson: Avez-vous soulevé la question de nouveau?
Mme Reavie: L'usine de déshydratation était en discussion constante avec le CN jusqu'à la semaine dernière. J'ai contacté les responsables de l'usine, qui venaient de s'entretenir avec quelqu'un du CN, qui leur a dit que l'abandon de notre ligne n'est pas prévu pour le moment. Rien ne sera fait cette année, ni l'année prochaine, leur a-t-on dit. Cependant, il est probable que l'on envisage l'abandon de la ligne dans deux ans.
Si les règles du jeu sont équitables, pourquoi la société refuse-t-elle de garder la ligne en exploitation si quelqu'un d'autre accepte de payer les frais de remise en état? Pourquoi le CN abandonnerait-il un embranchement qui est rentable et ne lui coûte rien?
Avec les expéditions des céréales et des produits déshydratés, notre collectivité représente des recettes de 4,5 millions de dollars pour le CN. Pourquoi fermer un embranchement viable? Nous ne contestons pas l'abandon d'embranchements qui ne sont pas viables, qui coûtent de l'argent au CN. Par contre, nous contestons l'abandon d'embranchements qui sont toujours très viables et indispensables à certaines industries.
M. Hermanson: Merci, monsieur le président.
Le président: Je me dois de vous présenter M. Tom Payne, président et ingénieur en chef de la Central Western Railway. Il écoute patiemment dans la salle et va comparaître devant nous demain. Il aimerait peut-être acheter ce tronçon de ligne.
Avez-vous une question à poser, monsieur Hubbard?
M. Hubbard: J'aimerais savoir si cet embranchement prend fin dans votre village? S'agit-il du type d'embranchement qui...
Mme Reavie: L'embranchement prend fin chez nous. L'usine de déshydratation se trouve tout au bout de la ligne.
M. Hubbard: Donc il s'agit de combien de milles de voies ferrées en tout?
Mme Reavie: Il s'agit de 19,4 milles.
M. Hubbard: Donc environ 20 milles de voies ferrées. Et on nous a dit tantôt qu'il coûte environ 7 000$ le mille à RailTex pour faire faire...
Le président: Le coût est de 3 000$ à 7 000$ pour l'entretien de la voie ferrée.
M. Hubbard: Si je comprends bien, en une année a environ 4 000 wagons transportent des produits entre vos collectivités et la ligne principale. Est-ce que c'est...
Mme Reavie: Vous parlez du volume total? Je n'ai pas de chiffres concernant le nombre de wagons. Je n'ai que les chiffres concernant les volumes.
M. Hubbard: Donc en principe quelqu'un comme M. Payne pourrait acheter et exploiter le CFIL.
Mme Reavie: Oui, c'est une possibilité. Si nous ne pouvons pas garder le chemin de fer sous sa forme actuelle, nous espérons que les clauses d'arbitrage permettront des négociations équitables pour y parvenir. Est-ce que les dispositions concernant l'arbitrage permettront des négociations équitables concernant l'achat de cette ligne?
Le président: Merci, monsieur Hubbard.
Monsieur Althouse.
M. Althouse: Vous estimez que l'arbitrage prévu dans le projet de loi ne s'applique pas aux négociations concernant le prix de vente de la ligne. Avez-vous des suggestions à nous faire pour résoudre ce problème plutôt que de remettre en place une procédure d'arbitrage visant les achats?
Mme Reavie: Nous nous demandons si les articles 27 et 34 seront un obstacle au processus de négociation.
M. Althouse: D'après vous l'ancienne loi était très satisfaisante en ce qui concerne les négociations?
Mme Reavie: Oui, car en vertu de l'ancienne loi, le CN était autorisé à abandonner tant de voies ferrées par an. Notre ligne aurait pu être du nombre. Le CN ne l'a pas fait pour des raisons que nous ignorons. Mais s'il l'avait abandonnée, avec le processus équitable de négociation qui était prévu, nous aurions pu acheter l'embranchement. Je suis sûre que c'est ce qui aurait eu lieu. Nous ne savons pas pourquoi le CN n'a pas vendu l'embranchement à ce moment-là, ni pourquoi il a préféré attendre jusqu'à maintenant...
M. Althouse: Il est de l'intérêt de votre collectivité de garder son usine de déshydratation de luzerne. La collectivité est capable de recueillir des fonds assez rapidement, de telle sorte que le délai plutôt court entre l'abandon et la décision d'acheter ne constitue pas un problème dans votre cas.
Mme Reavie: Non, car nous avons mis en place certaines mesures, et nous envisageons la situation depuis pas mal de temps. Cependant, il serait probablement plus facile si le délai était plus long. S'il était le même que celui prévu dans l'ancienne loi, je pense que cela faciliterait le processus de négociation.
M. Althouse: Pouvez-vous nous dire combien de temps il faut compter pour recuillir des fonds dans votre région? Il vous a fallu combien de temps pour trouver les fonds nécessaires à la construction de la première usine de déshydratation? Est-ce qu'une réunion a suffi, ou est-ce que ça pris un certain temps?
Mme Reavie: Ça pris un certain temps.
M. Althouse: Vous vous souvenez du temps qu'il vous a fallu?
Le président: Tout est très progressif, comme tout ce M. Hermanson a dit de la Saskatchewan rurale, etc. Nous espérons que le projet de loi va susciter ce genre de progrès.
M. Althouse: C'est le genre de progrès qui existe dans le nord-ouest depuis 30 ans, et qui n'a pas été reconnu...
Le président: Malheureusement, les progrès n'ont pas égaler nos attentes à cause d'un manque de stimulants. Maintenant, nous pourrions encourager ces collectivités à faire la transformation des produits dans la province, avant de les charger dans des wagons.
M. Althouse: Il faut encourager la population à rester dans cette région éloignée. Le problème c'est que nous sommes loin des centres de population, et si l'on élimine...
Le président: La population du village n'est que de 260 personnes, avec 55 000 habitants aux alentours. Ce n'est pas mal.
Je vous remercie beaucoup mesdames Reavie et Favreau, d'avoir participé à nos travaux, d'avoir présenté vos exposés et d'avoir répondu à nos questions.
Est-ce votre première comparution devant le Comité des transports?
Mme Reavie: Oui.
Le président: Félicitations. Nous vous remercions de votre excellent exposé. Merci.
Chers collègues, nous reprendrons nos travaux demain matin à 9h30 dans cette salle. Merci.
La séance est levée.