[Enregistrement électronique]
Le mardi 31 octobre 1995
[Traduction]
Le président: Bonjour, chers collègues. Nous reprenons notre examen du projet de loi C-101, c'est-à-dire la Loi sur les transports au Canada. Nous accueillons cet après-midi le président et chef de la direction du Réseau CP Rail, M. Robert Ritchie, que nous connaissons tous très bien.
Monsieur Ritchie, bienvenue au comité. Nous vous invitons, tout d'abord, à nous présenter vos collaborateurs, et à nous faire ensuite vos remarques liminaires en vous limitant à 15 minutes, pour que nous ayons le temps de vous poser des questions.
M. Robert Ritchie (président et chef de la direction, Réseau CP Rail): Merci, monsieur le président. Je suis accompagné aujourd'hui de Rick Sallee, vice-président des ventes et de la commercialisation, et de David Flicker, vice-président des relations gouvernementales et publiques.
Je crois que je vais pouvoir faire mes remarques liminaires en moins de 15 minutes. Je commence donc immédiatement.
Mes remarques seront brèves. Lors de notre dernière rencontre, dans le cadre de discussions sur la privatisation du CN, j'avais déclaré que la relance du secteur ferroviaire constituait une excellente occasion d'instaurer des politiques opportunes, propres à favoriser l'innovation et à mettre l'industrie ferroviaire sur des assises plus solides. Aujourd'hui, la loi autorisant la privatisation du CN est adoptée, et la première étape de la refonte de la Loi sur le transport des céréales a été franchie. Nous devons maintenant nous concentrer sur le projet de loi C-101, qui vise à remanier diverses lois du domaine des transports. Qu'il suive la bonne trajectoire, et ce projet de loi pourrait, pour les chemins de fer, ouvrir la porte à des investissements accrus, sans lesquels ceux-ci ne peuvent offrir des services et des prix concurrentiels. Qu'il rate la cible, cependant, et la situation ne cessera de se dégrader.
Les lois en matière de transport ne doivent prendre ni le parti des expéditeurs, ni celui des chemins de fer, mais plutôt créer un juste équilibre. Tel doit être l'objet du projet de loi C- 101. Si nous faisons les choses comme il se doit, nous répondrons aux besoins des expéditeurs, favoriserons la concurrence et garantirons la viabilité du service ferroviaire au Canada.
Les expéditeurs sont évidemment nos clients. Or, leurs clients leur en demandent beaucoup; ceux-ci réclament en effet des prix, des formules de transport et des services améliorés. Nous avons part à cette amélioration. En fait, notre survie est liée à celle des expéditeurs. Nous devons épouser la cause de nos clients en révisant nos prix afin de les aider à conserver leur part de marché. Et cela est vrai pour tous les chemins de fer et tous les expéditeurs, fussent-ils Canadiens ou Américains. C'est là une réalité incontournable et l'un des principaux facteurs régissant les rapports entre les chemins de fer et leurs clients. On ne peut légiférer là-dessus.
Par conséquent, nos prix ont obéi aux dures contraintes des marchés de nos clients avant 1987, et encore bien davantage après. Cependant, lorsque le vent a tourné, nos prix n'ont pas remonté. Les expéditeurs n'ont vu que la courbe descendante des prix, et ils s'en sont félicités. La plupart n'ont pas remarqué la baisse des investissements ferroviaires, ni son effet sur le service et les prix.
Des conditions avantageuses pour les expéditeurs passent, il va sans dire, par des prix compétitifs, mais, dans tout débat sur les prix du transport ferroviaire, on doit tenir compte de la durabilité à long terme des services dont ont besoin les expéditeurs. Or, le secteur ferroviaire ne peut offrir des services durables que s'il est capable d'investir. Dans ce contexte, l'équilibre entre les prix qui sont pratiqués aujourd'hui et le service qui sera offert demain a tout lieu de vous préoccuper au plus haut point.
Malheureusement, le projet de loi C-101 ne règle pas les problèmes mis en lumière par la Commission d'examen de la LTN et la Commission royale sur le transport des voyageurs, et ce, parce que, semble-t-il, nous n'avons pas eu le courage d'admettre ce qui saute aux yeux de tous les critiques en la matière: le formidable appareil législatif mis en place pour favoriser la concurrence fonctionne mal. Cette loi pèche par excès. Elle apporte une solution universelle à des problèmes extrêmement précis.
Le terme «captivité» ne convient absolument pas pour décrire la situation. Presque tous les expéditeurs desservis par un seul chemin de fer ont accès à d'autres services concurrentiels. Il peut s'agir du transport routier, de formules route-rail, ainsi que de tandems transport par eau-services portuaires. Et c'est sans compter une concurrence des régions et dans son ensemble du marché on ne peut plus réelle qui se répercute de manière très concrète sur les tarifs des chemins de fer. Et malgré cela, la LTN traite tous les expéditeurs desservis par un seul chemin de fer comme s'ils étaient captifs, et le projet de loi C-101 entretient ce mythe.
La LTN de 1987 était censée laisser jouer les forces du marché. Elle s'est plutôt trouvée à réglementer la concurrence. Quel paradoxe, s'il en est un!
Nulle part ailleurs au monde le secteur des transports de surface est-il soumis à pareille réglementation.
La disposition du projet de loi C-101 relative au préjudice important peut freiner quelque peu le recours à cet argument lors de négociations, mais il n'en sera rien lorsque la concurrence est faible et qu'il pourrait y avoir «préjudice».
Les chemins de fer canadiens continueront à mener leurs activités dans le secteur des transports de loin le plus réglementé en Amérique du Nord. Tant que la réglementation pourra arbitrairement faire baisser les tarifs du transport ferroviaire en deçà des prix couramment consentis sur le marché, la situation de l'industrie sera incertaine. Or, les investisseurs détestent l'incertitude. C'est la raison pour laquelle les investissements à long terme dans l'industrie ferroviaire canadienne semblent plus risqués qu'ils ne devraient l'être.
Que réserve l'avenir pour les chemins de fer canadiens? Il s'agit là d'une excellente question.
Aux États-Unis, l'unification rapide du secteur ferroviaire permettra à ce dernier de réaliser des économies encore plus importantes: le rail américain sera aidé en cela par un contexte réglementaire plus favorable à la concurrence et plus propice à la nationalisation et aux investissements. Cette réalité représentera pour nous un défi de taille.
Par exemple, la charge de travail de l'Union Pacific, mesurée en tonnes-mille brutes, est à présent plus importante que celle du CN et du CP ensemble. Après la fusion avec Southern Pacific, cette compagnie sera au moins deux fois plus grande, et je vous fais remarquer en passant qu'il existera alors pas un, mais deux chemins de fer de cette taille. Le Burlington Northern and Santa Fe est maintenant deux fois plus grand que le CN et le CP ensemble.
Nous voulons être un transporteur de premier ordre, mais si nous ne pouvons livrer bataille dans l'arène nord-américaine, nous deviendrons inévitablement, dans le meilleur des cas, un chemin de fer régional.
Je n'ai encore trouvé personne qui puisse m'expliquer pourquoi, dans un pays où la densité du trafic ferroviaire est par définition inférieure à celle des États-Unis, on jugerait utile d'instaurer un régime réglementaire qui désavantage les transporteurs canadiens et encourage les transporteurs américains à se prévaloir de nos règlements pour venir concurrencer leurs homologues du Nord. Il s'agit en effet d'une forme de libre-échange à sens unique, et il est d'ailleurs facile de prévoir ce qui va se passer.
Si les services ferroviaires offerts aux Canadiens sont assurés par des entreprises américaines, il n'y aura pas grand-chose à réglementer au Canada - d'ailleurs il n'y a pas grand-chose de réglementé aux États-Unis à l'heure actuelle.
Je pense que nous souhaitons tous que notre réseau ferroviaire soit viable et soit exploité par des Canadiens. Nous en rêvons bien légitimement depuis que nous sommes devenus une nation. À mon avis, c'est ce que nous devrions viser encore aujourd'hui, et cet objectif devrait prendre le pas sur une réduction artificielle et temporaire des tarifs du transport.
Le grand défi du Réseau CP Rail au cours des dernières années a été de financer les dépenses en immobilisations alors que les sommes à investir allaient en diminuant. Depuis 1987, nous travaillons plus fort et gagnons moins - bien moins, et rien ne nous permet de supposer que la situation va s'améliorer.
Malgré nos efforts incessants, nous n'avons pas pu réduire nos coûts au rythme où baissaient nos revenus sous l'effet de la concurrence mondiale et des Lois sur les transports nationaux. Le résultat a été un bénéfice net insuffisant et un taux de rendement qui n'a rien pour attirer les investisseurs. Nous ne gagnons pas assez pour assurer la subsistance de notre entreprise. Ce critère fondamental nous permet d'affirmer que nous ne sommes pas viables, même si nous dégageons un modeste bénéfice.
Ces dernières années, nous avons dû limiter nos dépenses en immobilisations aux sommes que nous pouvions générer à l'interne. Cela ne suffit même pas à financer les remplacements de base; c'est donc dire qu'il ne faut même pas penser aux améliorations ni aux réductions de coûts qui pourraient découler d'une modernisation des moyens techniques.
Tout cela revient à dire que pour pouvoir faire ces investissements, nous devons réduire notre ratio d'exploitation et accroître notre rentabilité, et ce, de façon durable.
Au sein de l'entreprise, nous avons revu beaucoup de nos méthodes, rationalisé notre réseau et notre effectif, et mis l'accent sur les investissements qui rapportent le plus sur les plans de la qualité du service et de la productivité. Plus tôt cette année, nous avons dû subir une grève pour comprimer nos coûts de main-d'oeuvre. Et nous sommes actuellement en train de réaménager de fond en comble notre structure organisationnelle.
Mais nos efforts ne suffiront pas à relancer le rail: il est absolument indispensable que les pouvoirs publics modifient leurs politiques, d'autant plus que ces dernières sont à l'origine des difficultés que nous éprouvons à l'heure actuelle.
En gros, nos besoins en capital au Canada se chiffrent à 300 millions de dollars par année. Or, depuis 1989, nous avons pu nous permettre de dépenser seulement 150 millions de dollars par année. Nous avons donc été obligés de remettre à plus tard tous les travaux qui n'étaient pas de la toute première urgence.
Vous serez peut-être surpris alors d'appendre que cette année, nous comptons investir au Canada plus de 500 millions de dollars.
Pourquoi rompre si nettement avec la tendance des dernières années, me demanderez-vous?
D'abord, parce que nécessité fait loi. Si nous ne voulons pas avoir à déposer notre bilan, nous nous devons d'effectuer les travaux de remplacement et de réfection qui pressent. La fable du lièvre et de la tortue nous enseigne ce qui arrive à ceux attendent trop. C'est d'ailleurs ce qui est arrivé à Penn Central et cela pourrait bien nous arriver aussi.
Deuxièmement, parce que nous choisissons de faire acte de foi dans la relance du secteur ferroviaire en général et le projet de loi C-101 en particulier: nous croyons que dans l'ensemble, ils vont créer une atmosphère plus propice à l'investissement dans le rail. Nous prenons évidemment un risque en prévoyant un tel niveau d'investissement; cela en vaudra-t-il la peine?
Eh bien, au cours des quatre prochaines années, nous prévoyons de prendre d'autres risques. Étonnamment, c'est ce que nous voulons faire; c'est ce que nous devons faire. Mais pour pouvoir le faire, nous avons besoin de votre aide.
Actuellement, la somme des changements proposés dans le cadre de la relance du rail permet à peine d'envisager un modeste accroissement de l'investissement; le porter à un niveau de 500 millions de dollars ou plus semble donc impensable. Le projet de loi C-101 n'a pas ramené le balancier: les expéditeurs y conservent la plupart des avantages qu'ils ont acquis en 1987. L'équilibre n'est donc pas atteint. Par conséquent, nous voyons mal sur quoi se fonde la vive réaction des expéditeurs contre le projet de loi.
En 1987, les expéditeurs ont demandé que la LTN laisse jouer davantage les forces du marché. On a répondu à leurs attentes en créant des contrats confidentiels. Ils ont aussi demandé qu'on leur accorde une certaine protection là où la concurrence était faible. Leurs voeux ont de nouveau été exaucés. En fait, on est allé beaucoup plus loin encore, leur permettant d'employer ces mécanismes de protection même dans des situations où les forces du marché n'étaient pas nécessairement en cause.
C'est donc pour faire contrepoids à ce privilège exagérément généreux que le concept de «préjudice important» a été incorporé dans le projet de loi C-101. On veut ainsi que ce recours soit offert aux expéditeurs qui ont des motifs légitimes de s'en prévaloir, ce qui correspond davantage à l'objectif original des dispositions en question.
Si les préoccupations des expéditeurs tiennent à d'éventuelles contraintes d'accès à la protection de l'Office, essayons plutôt de mieux définir les critères d'admissibilité. D'aucuns craignent, par exemple, que le traitement des demandes de protection ne devienne un processus en deux temps; ce n'est pourtant pas ce que prévoit le projet de loi. Mais s'il persiste une certaine ambiguïté à cet égard, faisons en sorte que la formulation soit claire et précise. Et si la notion de préjudice porté aux intérêts d'un expéditeur est jugée nébuleuse, assurons-nous que la loi définit de façon suffisamment précise les modalités d'intervention de l'Office.
Dans sa forme actuelle, le projet de loi n'apporte que de très rares innovations; dans une certaine mesure, les efforts de relance du secteur ferroviaire se sont terminés en queue de poisson. Bien que nous le soutenions toujours, le projet de privatisation du CN a fait l'objet de tellement d'additions qu'il y a lieu de remettre en question la volonté des autorités de maintenir l'équilibre concurrentiel au chapitre des investissements ferroviaires. La réforme du transport céréalier laisse planer des doutes quant à l'atteinte des niveaux d'efficience et d'investissements ferroviaires requis. En raison des dispositions sur le niveau de service, les chemins de fer canadiens, contrairement à leurs concurrents, sont exposés à des interventions aléatoires de la part des autorités régulatrices. Enfin, le projet de loi ne reconnaît pas la nécessité d'assurer la viabilité financière des chemins de fer; on n'y fait en rien écho au lien fondamental entre la capacité de mobiliser des capitaux et la qualité du service.
Le projet de loi comporte néanmoins de modestes améliorations pour l'industrie ferroviaire. La simplification de la procédure de vente des lignes en est une. Il en va de même pour la disposition qui assujettit la protection qu'offre l'Office aux expéditeurs à la démonstration de sa nécessité. Soustraire les négociations commerciales à l'emprise de la réglementation est en effet un bon moyen de montrer que l'on envisage les perspectives d'avenir des chemins de fer sous un jour positif. C'est un indicateur auquel les investisseurs sont susceptibles de réagir favorablement. Enfin le projet de loi facilite la réduction des coûts en permettant aux chemins de fer d'intérêt général d'opérer les rationalisations de réseaux qui s'imposent.
En revanche, aucune réforme d'ordre fiscal, touchant notamment les taxes, n'a encore été proposée dans le cadre de la relance du rail. Les taxes et impôts grevant les facteurs de production imposent des charges directes aux chemins de fer, alors que paradoxalement, toutes les parties souhaitent et recherchent la réduction des coûts. Comme ces charges sont déraisonnablement élevées, elles présentent un formidable potentiel de compression accrue des coûts.
Dans l'ensemble, le projet de relance du rail n'a pas atteint ses objectifs. Le projet de loi C-101 peut cependant être amélioré, et je vous encourage vivement à le faire.
Merci beaucoup.
Le président: Merci, monsieur Ritchie. Comme c'est leur habitude, les responsables du CP ont épluché le projet de loi et nous ont présenté un mémoire très clair, solide et complet. Je ne sais pas au juste qui a préparé votre mémoire, mais je tiens à dire à ceux qui en sont les auteurs qu'ils ont fait un excellent travail. Nous apprécions tout particulièrement l'annexe qui explique en détail les divers amendements que vous proposez. C'est très utile pour les membres du comité et nous vous en remercions.
M. Ritchie: Merci. La majorité d'entre eux sont présents dans la salle et ils seront donc ravis d'entendre vos commentaires, monsieur le président.
Le président: Nos félicitations.
Nous passons donc à la période des questions; nous allons suivre la procédure habituelle. Monsieur Mercier, vous avez la parole.
[Français]
M. Mercier (Blainville - Deux-Montagnes): Monsieur Ritchie, c'est très intéressant. J'aimerais que vous précisiez votre point de vue sur le préjudice dont l'expéditeur a à faire la preuve pour pouvoir demander l'intervention de l'Office national. De quelle manière cette notion un peu nébuleuse de préjudice devrait-elle être précisée?
[Traduction]
M. Ritchie: À notre avis, cette notion est déjà clairement définie dans le projet de loi. Nous attirons également votre attention sur le fait que la jurisprudence relative à cette notion de préjudice important est déjà assez substantielle. Mais je crois que mon collègue, M. Flicker, voudrait apporter quelques précisions à ce sujet.
M. David W. Flicker (vice-président, Relations gouvernementales et publiques, Réseau CP Rail): Nous avons entendu dire que certains expéditeurs sont convaincus qu'aux termes du paragraphe où il est question de préjudice important, soit le paragraphe 27(2), tel qu'il est actuellement rédigé, une procédure à deux étapes sera désormais la réalité - autrement dit, l'application du critère du «préjudice important» représenterait un obstacle supplémentaire, puisqu'il faudrait passer par là avant que le bien-fondé de la demande puisse être déterminé.
Cette interprétation nous a beaucoup surpris, d'ailleurs, parce que quand on lit la disposition en question, on constate que ce n'est pas du tout ce qu'elle dit. Il est clair, en ce qui nous concerne, qu'il n'y aura qu'une seule étape, puisque l'Office ne pourra rendre sa décision qu'après avoir tenu compte de l'ensemble des circonstances.
Si l'on estime qu'une plus grande précision s'impose dans cet article, une solution possible serait d'ajouter quelque chose pour que l'article se lise ainsi: «s'il estime, compte tenu des circonstances» - et c'est là qu'on ajouterait quelque chose - «et après examen de la demande, que celui-ci subirait autrement un préjudice important».
C'est une préoccupation qui nous semble un peu artificielle mais à laquelle on pourrait facilement répondre en modifiant quelque peu la formulation de cet article.
M. Gouk (Kootenay-Ouest - Revelstoke): En ce qui concerne les amendements que vous avez proposés, notamment la définition de «matériel roulant» et sous la même rubrique, certains changements qui visent le paragraphe 106(1)a), quelle pourrait être, d'après vous, l'incidence négative de ces dispositions si les modifications que vous proposez ne sont pas retenues?
M. Ritchie: Puisque j'ai demandé à M. Flicker de vous expliquer les changements, je vais maintenant lui donner l'occasion de répondre à votre question.
M. Flicker: La question du matériel roulant, dont il est question dans les articles 6 et 106, est importante à plusieurs égards.
L'un des effets tout à fait anormaux et probablement involontaires de l'article qui présente les définitions - c'est-à-dire l'article 6 - tel qu'il est actuellement rédigé, tient au fait que l'expression «matériel roulant» désigne ici tout matériel muni de roues destiné à servir sur les rails d'un chemin de fer, ce qui pourrait comprendre une vaste gamme de matériel et de véhicules munis de roues qui ne sont pas destinés à servir sur les rails d'un chemin de fer. Autrement dit, il suffirait de mettre quelque chose sur un wagon plat pour que ce critère soit satisfait.
En proposant cet amendement, nous avons voulu nous assurer que la définition serait la plus adéquate possible en tenant bien compte de la réalité. Nous sommes d'ailleurs convaincus que telle était l'intention du Parlement.
L'article 106 concerne les contrats de garantie, et il a justement pour objet de faciliter le financement de tout matériel que pourrait vouloir acquérir le Réseau CP Rail, le CN ou toute autre compagnie ferroviaire sous réglementation fédérale, afin qu'elles puissent obtenir du financement sur la base de leur matériel roulant, tel qu'il est défini dans la loi. Le changement proposé permettrait de simplifier les modalités et d'assurer plus facilement le financement de toute une gamme de matériel ferroviaire.
M. Gouk: Dans le même ordre d'idée, quels sont les avantages pour le Réseau CP Rail du paragraphe 27(2) et que risqueriez-vous de perdre si ce paragraphe devait disparaître?
M. Flicker: Ce paragraphe nous fait comprendre que le Comité ainsi que vos collègues au Parlement se sont rendu compte que la situation actuelle est injuste. En 1987, la loi a été modifiée de façon fondamentale et à ce moment-là, le mouvement du pendule a fortement favorisé les expéditeurs. D'ailleurs, ce ne sont pas les responsables du CP qui le disent; le ministre de l'époque l'avait affirmé et le compte rendu des débats tenus à la Chambre en est la preuve. Le fait est qu'on a décidé de façon tout à fait délibérée de changer l'équilibre entre les expéditeurs et les compagnies de chemin de fer.
Le paragraphe 27(2) représente par conséquent une tentative modeste pour ramener le balancier plus près du centre.
M. Gouk: Pourriez-vous me nommer quelques-uns de ses effets positifs, en ce qui vous concerne, ou inversement, me dire quelles seraient les répercussions négatives d'une loi qui n'incluait pas ce genre de disposition?
M. Ritchie: Comme je l'ai mentionné dans mes remarques liminaires, les dispositions de la LTN de 1987 prévoyant l'accès aux autres transporteurs ferroviaires étaient conçues à une époque où les expéditeurs n'avaient absolument pas de choix. À notre avis, le paragraphe 27(2) permettra à l'Office de déterminer justement quels choix s'offrent à l'expéditeur. Si ce dernier a le choix entre toute une série de possibilités - qu'il s'agisse du transport routier, du transport ferroviaire ou d'une combinaison de formules - c'est-à-dire camion, rail et bateau - l'Office pourrait décider que l'expéditeur n'est pas lésé par la position de négociation de la compagnie de chemin de fer.
M. Gouk: En ce qui concerne l'amendement que vous proposez au paragraphe 51(3), au sujet des renseignements qu'il faudra fournir au ministre, vous dites que vous ne voulez pas être tenu de lui fournir cette information s'il peut l'obtenir d'une autre source. Mais si vous possédez déjà ces renseignements concernant votre propre compagnie, je me demande pourquoi vous voulez l'obliger à passer par Statistique Canada, plutôt que de les lui fournir. Encore une fois, j'aimerais bien que vous m'expliquiez ce qui vous motive à demander cet amendement?
M. Ritchie: Il n'est pas possible d'obtenir tous ces renseignements de Statistique Canada. La collecte de ce type d'information est d'ailleurs le fait d'une époque où les chemins de fer étaient réglementés. Nous essayons à présent de progresser et donc d'en arriver à une situation où les chemins de fer ne seront pas réglementés. Cela nous coûte cher de préparer cette information. Et à notre avis, elle ne sera plus du tout nécessaire dans le cadre de ce nouveau régime. Donc, en ce qui nous concerne, ces renseignements sont inutiles.
M. Gouk: Je passe maintenant à l'amendement que vous proposez au paragraphe 129(4). À votre avis, quelle est la différence entre le libellé original et celui que vous proposez?
M. Flicker: Cet article concerne l'interconnexion. L'idée ici - et nous ne nous y opposons pas vraiment - c'est que si quelqu'un avait un droit d'interconnexion avant la vente d'une ligne ferroviaire à un chemin de fer secondaire, ce droit continue d'exister.
Nous avons d'ailleurs relu l'article 129 à de nombreuses reprises. À notre avis, comme la formulation n'est pas claire, l'intention ne l'est pas davantage. Le libellé que nous avons proposé pour le paragraphe 129(4) est censé dire essentiellement la même chose mais de façon plus claire et directe. Si vous mettez les deux dispositions l'une à côté de l'autre, je pense que vous conviendrez avec moi que le sens est à peu près le même, mais que la formulation de notre amendement est plus simple et directe. Voilà ce que nous proposons:
- «Le droit au transfert de trafic aux termes de la présente Section sera maintenu, nonobstant
la cession, en application de la Section V, des droits de propriété ou d'exploitation sur une partie
de la ligne de chemin de fer raccordée.»
- Cela signifie donc que si nous vendons ou transférons une ligne ferroviaire en application
de la Section V, nos droits en matière d'interconnexion resteront intacts. À mon sens, le libellé
actuel du projet de loi est moins simple et direct.
M. Gouk: Est-ce qu'il en va de même pour le paragraphe 130(2)?
M. Flicker: Oui, absolument. Encore une fois, le libellé que nous proposons se veut aussi clair et direct que possible, pour que nous soyons sûrs de dire exactement ce que nous voulons dire dans cet article.
M. Gouk: En ce qui concerne l'amendement que vous proposez à l'article 97, conviendriez-vous avec moi que les conditions obligatoires dont il est question dans cet article sont maintenues lorsqu'il y a vente, cession ou transfert de terres possédées par le chemin de fer? Autrement dit, si vous vendez à quelqu'un d'autre - et il faudrait évidemment que l'acheteur soit au courant et que le libellé du contrat reflète cette obligation - les conditions associées à la ligne ferroviaire en question sont automatiquement transférées à l'acheteur; en d'autres termes, ces conditions sont maintenues en cas de vente?
M. Flicker: Excusez-moi. Vous avez parlé de l'article 97?
M. Gouk: Oui, l'article 97. Il faudrait que je regarde dans votre document pour voir à quelle page se trouve votre projet d'amendement.
M. Flicker: C'est à la page 31.
Ici nous ne cherchons pas à modifier les conditions auxquelles vous faites allusion. Nous proposons simplement d'ajouter une réserve au début de l'article 97, qui se lirait donc ainsi:
- «Sauf en cas de transfert d'une ligne, notamment par vente, cession ou bail, en vue de la
continuation de l'exploitation, ou de transfert d'une ligne, notamment par vente, cession ou
bail, en vertu de la Section V...»
- L'objet de cet ajout est de prévoir cette éventualité, ce qui n'avait pas été fait dans la
formulation originale de l'article 97.
M. Gouk: Pour ce qui est du recours à l'arbitrage, en ce qui vous concerne, trouvez-vous avantageux - et je suis sûr que vous serez en mesure de me nommer au moins un avantage - de conserver la procédure actuelle, qui prévoit que l'une des parties présente sa dernière offre dans l'ignorance totale, si l'on peut dire, alors que l'autre partie a la possibilité d'examiner cette offre, de modifier la sienne et de présenter ensuite une dernière offre fondée sur des renseignements plus ou moins confidentiels? Pourquoi cette façon de faire? Cette pratique est-elle justifiée, d'après vous?
M. Flicker: Je ne pense pas qu'on puisse dire qu'il s'agit de renseignements confidentiels.
M. Gouk: Ce sont des renseignements qui vous sont donnés ouvertement, disons. Tout se fait dans la transparence.
M. Flicker: Oui.
M. Gouk: À mon avis, l'une des parties a un avantage par rapport à l'autre. Pourquoi cette façon de faire?
M. Flicker: Je ne pense pas qu'on puisse dire que c'est un avantage. À mon avis, on a prévu cette procédure pour une bonne raison et sur les conseils des légistes qui ont rédigé le projet de loi, lesquels ne cherchaient évidemment pas à rendre service aux chemins de fer en prévoyant le recours à l'arbitrage. Ce n'est pas du tout quelque chose que nous avons réclamé.
Je pense qu'il y a néanmoins plusieurs raisons pour lesquelles on a voulu prévoir cette procédure. D'abord, rappelez-vous qu'un chemin de fer ne peut jamais prendre l'initiative de recourir à l'arbitrage. Aux termes de la loi, telle qu'elle existe actuellement, l'expéditeur est le seul qui puisse prendre l'initiative de recourir à l'arbitrage. Évidemment, si c'est l'expéditeur qui en prend l'initiative et qui met tout le processus en branle, il semble logique que les chemins de fer puissent présenter leur offre en dernier.
De même, cela n'empêche pas un expéditeur d'opter pour une autre solution, en ce sens qu'une fois que la compagnie ferroviaire a fait son offre, l'expéditeur a toujours le droit soit de l'accepter, soit de se retirer de la procédure d'arbitrage. Par conséquent, il n'y a aucune obligation pour l'expéditeur. Il peut opter pour l'arbitrage, et décider ensuite d'y mettre un terme, s'il le désire. Vu cette réalité, il semble clair que pour l'expéditeur, cette procédure peut être très avantageuse.
Il faut tout de même que quelqu'un présente la dernière offre, car sinon on doit nécessairement opter pour l'arbitrage des propositions finales. Étant donné qu'on essaie d'éviter l'arbitrage et de négocier un règlement, il ne serait pas logique de créer une situation où les deux parties seraient tenues de présenter leur offre en même temps. La procédure ici n'est pas la même que celle suivie pour ce qu'on appelle l'arbitrage des propositions finales. Dans la situation qui nous concerne, il est tout à fait normal - et je pense que les études menées à ce sujet le démontrent - que la partie qui prend l'initiative de recourir à l'arbitrage, et qui a toujours la possibilité d'y mettre fin, ne présente pas la dernière offre.
Mme Sheridan (Saskatoon - Humboldt): Ma première question concerne le paragraphe 27(2) au sujet duquel M. Mercier vous a déjà interrogé. Si j'ai bien compris, vous avez dit que la jurisprudence traitant de cette notion de «préjudice important» est déjà considérable. Je m'attendais à ce que vous donniez d'autres précisions à ce sujet en répondant à M. Mercier.
Je voudrais donc vous demander de le faire maintenant. Quelle est votre définition de ce terme? Vous avez tout à fait raison de dire que la grande majorité des expéditeurs ont très mal réagi à ce terme ainsi qu'à d'autres qu'on retrouve dans les articles 34 et 113. Mais tenons-nous en pour l'instant au «préjudice important». Quelle est la signification de ce terme pour les chemins de fer, selon l'interprétation de ces diables d'avocats qui ont toujours des conseils à donner?
M. Ritchie: Comme je ne suis pas avocat...
Mme Sheridan: Vous avez plus de chance que moi.
M. Ritchie: Mon estimé collègue à gauche n'est pas avocat non plus, alors je vais permettre à David de continuer ses explications.
M. Flicker: Il est vrai que je suis avocat - ou plutôt que j'exerçais le droit à un moment donné - mais il ne faut surtout pas le dire à ma mère. De toute façon, je me suis remis dans le droit chemin. Vous m'avez posé une question au sujet de la signification du terme «préjudice important».
Mme Sheridan: Oui. Est-ce que ce terme veut vraiment dire quelque chose?
M. Flicker: Oui, absolument.
Mme Sheridan: Quoi, au juste?
M. Flicker: Permettez-moi de dire tout d'abord que le choix du terme n'est pas particulièrement heureux. Disons que nous n'aurions pas choisi d'utiliser cette expression si on nous avait demandé de rédiger le projet de loi, mais il n'en reste pas moins que l'Office et les tribunaux se sont montrés tout à fait capables de l'interpréter convenablement.
Il n'est pas inhabituel que des termes qui n'ont jamais été définis soient utilisés un jour dans un projet de loi. Je dirais même que c'est très fréquent. Cela fait partie de l'évolution normale des lois: à différents intervalles, des décisions judiciaires sont rendues qui éclaircissent la signification de diverses dispositions législatives. C'est bien pour cela qu'on a des tribunaux et qu'on permet aux gens de se faire entendre.
Cette disposition n'a rien de magique ni d'obscur. D'ailleurs, dans le secteur des transports, l'Office national des transports et les tribunaux ont pu sans grande difficulté définir de façon assez large, d'ailleurs, une disposition très semblable qu'on retrouve dans la LNT de 1987 où il est également question de préjudice important. Je pense qu'on y fait également allusion dans les dispositions de la LNT de 1987 concernant le tarif compensatoire minimal.
Les tribunaux se sont penchés sur la question dans l'affaire Upper Lakes Group Inc. contre l'ONT et CN Rail. La Cour fédérale d'appel, présidée par le juge Hugessen, n'a pas eu de mal à définir ce terme. Je pourrais évidemment essayer de vous dire en quoi consistait sa définition, mais je pense qu'il serait peut-être plus utile que je vous fournisse la référence au complet par la suite. Encore une fois, ce n'est pas du tout inhabituel. Cela a déjà été fait par le passé, sans entraîner de difficulté particulière ni pour les tribunaux ni pour l'Office.
Si vous voulez savoir s'il y aurait d'autres possibilités, en ce qui concerne le libellé, je suis sûr qu'il y a en fait de nombreuses formulations possibles, et nous serions très heureux de vous en donner éventuellement quelques exemples. Mais à mon sens, ce ne sera peut-être pas nécessaire, étant donné que l'Office a l'habitude d'aborder ce genre de question.
Mme Sheridan: Je suis tout à fait prête à croire que l'Office et éventuellement les tribunaux pourraient nous trouver une définition adéquate, mais je pense que tout cela fait très peur aux expéditeurs, qui se demandent justement ce que va être cette définition.
Pour résumer, donc, si j'ai bien compris, vous estimez que l'emploi de ce terme est justifié au paragraphe 27(2) parce que les gens seraient moins susceptibles de présenter des doléances qui n'étaient pas vraiment sérieuses. Par contre, les expéditeurs vous diront que l'Office à reçu en réalité très peu de plaintes de ce genre jusqu'à présent, et qu'il est donc curieux que le législateur ait pris l'initiative d'incorporer dans la loi une condition assez importante - et qui n'a pas encore été définie - à un moment ou son utilité reste à prouver, si l'on se fonde sur la situation actuelle.
M. Ritchie: Nous espérions que tout cela pourrait se régler dans le cadre du projet de relance du rail. Des études indépendantes menées par l'ONT et la Commission royale ont permis de constater que la Loi nationale sur les transports de 1987 posait problème à plusieurs égards. Les rédacteurs de cette dernière n'y ont pas abordé la question de l'adéquation du réseau ferroviaire ou de la nécessité d'empêcher les gens de se prévaloir de mesures de protection spéciales si la concurrence qui existe est appropriée. Donc, pour nous, ce sont des mesures modestes qui vont nous permettre de favoriser de tels concepts dans la Loi sur les transports.
Mme Sheridan: À la fin de votre exposé liminaire, vous avez dit que le projet de loi C-101 est muet sur la question de la réforme fiscale. Que nous recommanderiez-vous dans ce domaine, vu que cette question relève de la responsabilité des provinces? Dans la province que je représente, la Saskatchewan - si mes souvenirs des témoignages que nous avons reçus l'an dernier à la même époque sont exacts - les taux d'imposition imposés aux chemins de fer par la province sont parmi les plus élevés au Canada. Pourriez-vous m'expliquer exactement ce que vous vouliez dire au sujet des taxes? Vous l'avez mentionné en passant sans vraiment donner de précisions. En fait, j'étais prête à rédiger moi-même une disposition sur la réforme fiscale pour la faire incorporer dans la loi, tellement cette question me semble importante.
M. Ritchie: Excusez-moi, j'aurais peut-être dû y consacrer un peu plus de temps.
Mme Sheridan: Cet état de choses fait énormément de tort aux chemins de fer, et j'aimerais bien savoir quel moyen d'action vous nous recommanderiez.
M. Ritchie: Si nous n'y avons pas consacré beaucoup de temps, c'est parce que le président m'avait demandé d'être assez bref, et que par le passé, nous avons déjà longuement parlé de questions de réforme fiscale devant le comité.
Que peut faire le gouvernement fédéral?
Eh bien, ce que nous souhaiterions tout d'abord c'est qu'il modifie la déduction pour amortissement pour qu'elle soit analogue à celle prévue aux États-Unis. C'est-à-dire que plutôt que de prévoir 18 ou 20 ans pour passer notre matériel en charges, faisons-le en huit ans. Ainsi nous pourrions acheter davantage de matériel plus efficace, qui utiliserait moins de carburant, serait plus écologique et nous permettrait de bien affronter nos concurrents sur la scène internationale.
Deuxièmement, le gouvernement peut jouer un rôle de chef de file en modifiant la taxe d'accise sur le carburant. Une bonne proportion de cette taxe - je crois qu'il s'agit de 7c. le litre - est versée au gouvernement fédéral. Toutes les études fiscales indiquent qu'il n'est jamais avantageux d'imposer les intrants économiques. D'une part c'est caché, et d'autre part, cela favorise l'inefficacité, puisque l'expéditeur ne choisit pas en fonction du coût. Donc, nous pensons que le gouvernement fédéral devrait jouer un rôle de chef de file dans ce domaine en réduisant ou en éliminant la taxe d'accise fédérale.
Il est vrai que nous avons un problème de déficit, mais par le passé, le gouvernement aurait hésité à le faire en se disant que s'il éliminait cette taxe, les provinces en créeraient une pour la remplacer.
Nous en avons donc discuté avec les responsables provinciaux, et la majorité d'entre eux nous disent qu'ils ne créeraient pas une taxe provinciale analogue si l'autre devait disparaître. En fait, nous travaillons de très près avec les provinces. Il y a eu des progrès dans nos discussions avec les provinces du Québec et de la Colombie-Britannique. Nous sommes également en discussion avec les provinces de la Saskatchewan et de l'Alberta pour essayer de réduire les taxes sur les intrants qui représentent, à notre sens, une charge pour l'économie.
Donc, nous demandons essentiellement au gouvernement fédéral de modifier la déduction pour amortissement afin qu'elle soit analogue à celle qui existe ailleurs en Amérique du Nord, et de prendre l'initiative en ce qui concerne les taxes sur le carburant.
Mme Sheridan: Merci.
Le président: Il nous reste encore quelques minutes. Nous pouvons prévoir un autre tour de questions, si vous le souhaitez. Bon, très bien. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, chers collègues, nous allons passer maintenant à des tours de cinq minutes.
Monsieur Gouk, vous avez donc la parole.
M. Gouk: Il y a une question en particulier que je voudrais aborder brièvement avec vous. Quand vous décidez de mettre en vente une ligne ferroviaire qui vous appartient, en règle générale, vous la mettez en vente et ensuite il y a toute une série d'étapes à suivre, selon que cela concerne les gouvernements fédéral, provincial ou municipal. Seriez-vous contre l'idée de prévoir dans le cadre de cette procédure, que vous offriez aux syndicats la possibilité d'en faire une opération secondaire interne? En ce qui vous concerne, serait-ce un changement positif ou négatif, et pourriez-vous nous dire pourquoi?
M. Ritchie: À notre avis, cette possibilité existe déjà. La phase des négociations commerciales prévoit des délais suffisamment longs pour permettre à toutes les parties, y compris les syndicats, de se présenter et de voir si elles souhaitent acheter la ligne ou proposer un arrangement commercial quelconque. Il n'est pas nécessaire que ce soit un achat; il pourrait s'agir d'un bail sous une forme ou une autre, et je peux vous assurer que les syndicats ne seraient aucunement exclus de discussions de ce genre.
M. Gouk: Mais dans votre réponse, vous parlez toujours de vente. Préférez-vous prévoir une procédure qui va vous permettre de vous départir de la ligne ferroviaire en question, un point c'est tout? Ne pensez-vous pas que l'idée d'en faire une ligne secondaire interne pourrait être une option viable, ou préférez-vous éviter ce genre d'arrangement, de peur que cela vous empêche de la vendre?
M. Ritchie: Si vous me permettez, je voudrais tout d'abord vous dire qu'en ce qui nous concerne, l'exploitation de toute ligne secondaire nécessite une sorte de partenariat, et que tel sera le cas même si les liens entre nous et l'exploitant de cette ligne ne passent pas par une participation ou nos employés. Pour nous, ce genre de relation pourrait exister s'il y avait vente, location ou concession de certains éléments d'actif, selon ce qui nous semblerait être l'arrangement commercial le plus avantageux à prendre pour la ligne en question.
En ce qui concerne les lignes secondaires internes - les discussions à ce sujet sont maintenant tellement fréquentes qu'elles ont acquis un caractère officiel - nous travaillons de très près avec nos syndicats pour élaborer un protocole ou conclure une entente qui nous donnerait plus de souplesse et nous permettrait de payer moins dans le cas de certaines lignes.
Mais avant d'offrir cette ligne à d'autres, je pense que nous essaierions d'abord de déterminer si nous souhaitions en faire une ligne secondaire interne plutôt que de conclure un autre arrangement. Mais à mon sens, nous n'avons pas besoin de prévoir ces possibilités dans la loi; ce n'est pas nécessaire. Nous pouvons simplement essayer de faire quelque chose dans le cadre de notre propre structure, puisque c'est plus facile à contrôler à ce moment-là. Nous n'avons pas besoin de changer quoi que ce soit; nous pouvons considérer ce genre de changement comme une simple mesure de réduction des coûts. Jusqu'à présent, nous n'avons pas encore réussi à négocier une entente avec nos syndicats sur les lignes secondaires internes, mais d'après ce qu'on m'a dit, cela ne saurait tarder.
M. Fontana (London-Est): Je voudrais vous remercier, monsieur Ritchie, ainsi que les autres représentants de CP, de nous avoir présenté une proposition et des recommandations aussi complètes. J'ai des questions à vous poser au sujet de certaines de vos recommandations, mais je dois vous avouer que je ne sais trop quelle est la solution pour ce qui est d'établir un meilleur équilibre. Les expéditeurs se présentent devant nous en grand nombre, en affirmant que les chemins de fer leur font payer trop cher, qu'ils se servent allégrement de leur position dominante, qu'il n'y a pas de véritable concurrence et que par conséquent, ils veulent garder tout ce qu'ils ont obtenu dans la LTN de 1987. Ils ne veulent pas que les droits qui leur ont été accordés à ce moment-là soient le moindrement diminués dans le projet de loi C-101.
Par contre, les compagnies de chemins de fer prétendent que leur situation est grave, qu'en fait, le marché est concurrentiel, et que puisque les expéditeurs ont obtenu ce qu'ils voulaient en 1987, c'est maintenant le tour des chemins de fer, et que par conséquent, le comité doit s'efforcer d'établir un juste équilibre entre les deux positions.
Je ne sais pas si tout cela est vrai ou faux, mais je me demande si vous et les expéditeurs vous rencontrez de temps en temps pour discuter de vos problèmes respectifs, afin que ces derniers puissent mieux comprendre la situation des compagnies de chemin de fer et que vous soyez plus à même de comprendre les besoins des expéditeurs? J'ai l'impression qu'il y a une divergence d'opinions très marquée entre vous deux, d'après la façon dont vous présentez vos positions respectives. Le gouvernement et le comité veulent s'assurer que notre système des transports sera efficace, abordable, et concurrentiel pour les expéditeurs qui doivent vendre leurs produits et pour les producteurs, et qu'en fin de compte, les compagnies de chemin de fer seront à même d'assurer la livraison de ces produits au marché auquel ils sont destinés en temps opportun. Qui donc a raison?
Pendant que vous préparez votre réponse, je pourrais peut-être vous poser une autre question... Votre proposition consiste, dans une certaine mesure, à supprimer la totalité des droits des expéditeurs puisqu'ils ne sont pas nécessaires, d'après vous - pour les expéditeurs, il s'agit du droit à la concurrence réglementée ou, disons, à la concurrence obligatoire, puisqu'ils ne font pas confiance aux chemins de fer - et à mettre en place un nouveau régime qui favorise la concurrence, étant donné que vous devez concurrencer les entreprises de transports routier et maritime, afin que les producteurs et les expéditeurs puissent bénéficier des meilleurs tarifs possibles.
Auriez-vous donc l'obligeance de répondre à ces quelques questions?
M. Ritchie: Ce sont des questions assez larges. Pour ce qui est des tarifs, vous me demandez qui a raison. Évidemment, les deux parties estiment avoir raison. En ce qui me concerne, il faut des études sérieuses et factuelles pour trouver une solution, et j'espère que vous avez accès à de telles études, mais je ne suis pas sûr que ce soit le cas.
M. Fontana: Non.
M. Ritchie: Vous savez qu'en termes réels, nos prix sont inférieurs de 40 p. 100 à ce qu'ils étaient en 1987. Vous savez que nos actions languissent sur le marché boursier, et que ce n'est pas uniquement à cause d'Unitel. Les chemins de fer ne constituent pas un investissement intéressant au Canada. Vous savez que l'on parle beaucoup de la privatisation du CN. Ce sera une vente difficile. Vous savez que les prix augmentent terriblement dans le secteur de la pâte et du papier, et même le prix du papier journal de notre propre employé a doublé au cours des six derniers mois.
Ce sont des faits. Au Canada, voilà déjà un certain temps que les transporteurs se présentent comme des victimes. Bien sûr, il est normal qu'ils ne veuillent rien abandonner de ce qu'ils ont obtenu en 1987. Mais nous savons que les expéditeurs qui ne travaillent qu'avec une seule compagnie ferroviaire locale pour des transports originaires du Canada sont moins nombreux qu'aux États- Unis. Ils sont également moins nombreux qu'aux États-Unis à recevoir des marchandises dont c'est la destination finale.
Nous savons que la concurrence du marché est là. C'est pour cela que nos prix diminuent. Nous sommes par exemple en concurrence avec les mines de charbon sur le CN. C'est tous les jours que nous sommes en concurrence.
M. Fontana: Les deux nous disent que vos prix sont les mêmes et qu'en fait il n'y a pas vraiment de concurrence.
M. Ritchie: Je ne sais pas quels sont les prix au CN, mais je sais...
M. Fontana: Vous le savez, il n'y a pas de différence.
M. Ritchie: J'espère que vous ne les connaissez pas parce qu'ils sont confidentiels. Je ne sais pas. S'ils disent que c'est la même chose, alors vous admettrez qu'ils stagnent parce que nous avons des coûts analogues et nous travaillons dans le même environnement.
M. Fontana: Comment pouvons nous faire pour que les expéditeurs comme les compagnies de chemin de fer y trouvent leur compte? Si le projet de loi C-101 n'assure pas l'équilibre adéquat, n'est d'aucune utilité aux compagnies de chemin de fer et risque donc d'être problématique, bien que vous ayez dit, me semble-t-il, que les abandons d'exploitation, la création de chemins de fer d'intérêt local, toutes ces dispositions vont être très intéressantes pour les compagnies de chemin de fer et les expéditeurs de même que...
Laquelle des recommandations 1, 2, 3 et 4 à la page 40 de votre mémoire faudrait-il choisir pour atteindre l'équilibre recherché cette fois? Les dispositions sur les transporteurs publics? Sur le niveau de service? Les droits de circulation, c'est bien sûr ce que voudraient les expéditeurs, mais que faut-il pour cela? De toutes les recommandations de la page 40, laquelle est la plus importante?
M. Ritchie: Les recommandations 1, 2 et 3 sont classées par ordre de priorité.
M. Fontana: Il serait possible de dire à l'article 5 du projet de loi que l'autonomie financière des chemins de fer est un principe... Là encore, ce serait être bien de le préciser et nous pouvons peut-être le faire. Je ne sais pas si cela suffirait à vous rapporter de l'argent. C'est pourquoi je veux aller au fond du problème pour savoir exactement ce qu'il faut mettre dans le projet de loi pour rectifier la situation.
M. Ritchie: Nous donnons là beaucoup de précisions qui devraient vous permettre de mieux comprendre les questions qui inquiètent les expéditeurs, particulièrement en ce qui a trait au paragraphe 27(2) et...
M. Fontana: Je ne m'intéresse pas à cela. Je parle de ce qui est nécessaire pour vous.
M. Ritchie: En fait, nous recommanderions de garder le projet de loi tel quel, avec les petits changements que nous avons présentés ici. Si l'on voulait parler de la garantie d'un revenu adéquat, il faudrait reprendre la rédaction et tout reprendre à zéro, et l'on s'inspirerait alors des dispositions du Staggers Act aux États-Unis. Ce n'est pas au programme. D'après nous, pour régler la question de la suffisance des revenus, il faut suivre l'exemple des États-Unis.
Le président: Si vous me permettez d'ajouter une question supplémentaire à celle que vous a posée le secrétaire parlementaire tout à l'heure, c'est vous qui avez fait remarquer qu'il est ridicule de parler de «réglementation de la concurrence». Si l'on essaie de s'écarter de la voie de la réglementation, comment répondez-vous alors à ce qu'ont dit certains au cours de la réunion précédente par exemple, c'est-à-dire que nous devrions supprimer certaines des dispositions concernant les expéditeurs et qui vous dérangent mais rétablir l'équilibre et réduire la réglementation en supprimant aussi les articles 27, 34 et 113 pour qu'il n'y ait plus de concurrence réglementée et que la concurrence puisse véritablement jouer - sauf, naturellement, pour l'arbitrage, votre dernier bastion de compromis, que vous pourriez ne jamais avoir à invoquer ou à utiliser ou à appliquer?
M. Ritchie: Il faudrait s'attarder un peu sur cette notion de captivité. Nous avons là toute une série de dispositions législatives visant à régler le problème de la concurrence alors que nous ne le comprenons pas vraiment.
Je ne pense vraiment pas qu'il soit possible de définir la concurrence dans tous les cas, partout et pour tous les expéditeurs.
Nous devons nous poser la question suivante: les chemins de fer dominent-ils les négociations lorsqu'il n'y a qu'un seul transporteur ferroviaire? Si la question est oui, il faut alors savoir si celui-ci tarifie ses services sans restriction.
Question suivante: cela veut-il dire que lorsqu'il n'y a qu'un seul transporteur ferroviaire pour servir le client, celui-ci ne tient pas compte des autres formes de concurrence? Ces autres formes de concurrence sont celles que j'ai décrites et elles sont importantes. Il y a la concurrence du marché. Il y a la concurrence modale.
Il y a aussi l'effet de levier. Certains expéditeurs ont un point local et un point où il y a concurrence. Ils se servent de ce dernier comme d'un levier au point local.
Il faut donc se demander si le transporteur ferroviaire domine le marché? Si oui, en abuse-t-il? Si la réponse est oui, nous pensons que l'orientation adoptée par le gouvernement d'intégrer cela à une loi d'application générale, en l'occurrence la loi de la concurrence, est la bonne et devrait régler la question. Pourquoi serait-ce différent de ce qui se passe pour les autres lois qui régissent nos clients et leurs clients? Pour nous, ce sont des principes fondamentaux.
Ce n'est pas cette formule qui a été choisie. Nous avons opté pour des solutions ponctuelles.
Mme Cowling (Dauphin - Swan River): Merci de votre exposé. J'ai deux ou trois questions à vous poser. Comme je viens de l'Ouest, je trouve que la question de l'industrie céréalière est importante... du point de vue des expéditeurs également. Pouvez- vous dire au comité quelle est la proportion des recettes du CP provenant du transport des céréales et dans quelle mesure vous êtes tributaire du secteur du grain?
M. Ritchie: Environ 25 p. 100 de nos revenus au Canada proviennent des céréales. C'est presque 30 p. 100 aux États-Unis. Nous dépendons très étroitement de l'industrie céréalière, comme vous le voyez d'après ces chiffres. Lorsque la récolte des céréales est bonne et que le marché est en forme, les revenus du secteur ferroviaire augmentent.
Mme Cowling: De nombreux expéditeurs qui ont comparu devant le comité nous ont dit que le transport du grain était très différent de celui des autres produits à partir des Prairies et de l'Ouest, à cause du ramassage, du classement, etc. Êtes-vous d'accord pour dire que les céréales ne devraient pas être traitées comme les autres produits?
M. Ritchie: Le régime n'est pas le même actuellement. Il y a un système de réglementation et de déréglementation différent.
Je ne crois pas être naïf en disant que non, en fin de compte, les céréales ne devraient pas être traitées différemment des autres produits. Il n'y a pas de différence entre les céréales et les autres produits pour nos opérations aux États-Unis, et ça fonctionne. Je pense que nous devrons en arriver là au Canada et l'exercice actuel va bien dans cette direction. Nous pensons que nous allons trop lentement et que nous allons nuire aux intérêts de nos producteurs de céréales, au lieu de les aider, en laissant croire que les compagnies ferroviaires et les gouvernements peuvent tout faire et peuvent les protéger. Nous ne pensons pas que ce soit le cas. Il ne nous paraît pas possible de mêler la réglementation et les forces du marché et nous l'avons dit très clairement.
Mon ami, Rick, connaît beaucoup mieux la question que moi. C'est lui qui traite avec l'industrie du grain.
M. Rick A. Sallee (vice-président, Marketing et Ventes, CP Rail): En fait, on nous a déjà demandé si nous rencontrions nos clients et la réponse est naturellement, oui, et nous essayons de discuter des différents problèmes et de les régler. J'espère que nos clients reconnaîtront que nous essayons d'aller au fond des choses et de nous attaquer au coeur du problème.
Quoi qu'il en soit, nous avons eu de nombreuses discussions avec Transports Canada au sujet des dispositions législatives sur les céréales. Lorsque le ministre a annoncé ses intentions dans ce domaine, il nous a paru que l'on se dirigeait vers une économie de marché et vers une plus grande concurrence dans le secteur des céréales. C'est ainsi qu'il a présenté les choses au départ.
À mon avis, le ministre de l'Agriculture et le ministère de l'Agriculture craignaient aussi, comme les agriculteurs canadiens de l'Ouest, que, du fait de la suppression des subventions, les agriculteurs soient obligés de payer immédiatement et ils trouvaient qu'il fallait une période de transition pour nous faire passer d'un système très réglementé à un système de marché. Je pensais que telle était l'intention; que nous nous dirigions vers un système de marché. Les choses ont un peu changé. Nous ne savons pas exactement quelle direction nous allons suivre après les années 1999 et 2000. C'est un souci pour les investisseurs. Je pense que c'est également un problème pour les agriculteurs. Que va-t-il se passer? Y aura-t-il tout le temps une réglementation? Faut-il se préparer à la concurrence?
Beaucoup de nos clients l'ont dit, et ils ont été nombreux à le faire, mais j'ai aussi entendu des agriculteurs dire: «Ce qui est important pour moi, surtout maintenant, c'est que heureusement, les prix des céréales sont bons et, oui, le coût est très important pour moi, la concurrence aussi, mais il me faut des wagons et des locomotives et je veux profiter du marché actuel».
Voilà la situation et voilà le genre de discussion que nous avons eue. Nous voudrions savoir où nous allons. Nous pouvons nous accommoder d'un système réglementé. Nous le faisons depuis 1984 et plus. Nous pouvons nous accommoder de la concurrence, mais si l'on mélange les deux, on crée une grande incertitude.
Mme Cowling: Monsieur le président, j'ai encore une question qui porte sur les choix entre les différents systèmes en concurrence. Je crois que, dans votre exposé, vous avez dit que le transport routier était également une possibilité. Il y a des régions de l'Ouest, où l'industrie céréalière est très importante, et où la route n'est pas une option en raison des obstacles géographiques en direction de l'Ouest.
Cela m'amène à la question que je voulais vous poser: Pouvez- vous nous dire quelle partie de votre réseau ferroviaire vous avez l'intention de transférer à des CFIL? Sur combien de ces lignes pensez-vous supprimer le service?
M. Ritchie: Il est très difficile de dire combien de lignes vont être supprimées et combien vont être transférées d'une façon ou d'une autre.
Notre réseau ferroviaire représente actuellement 18 500 milles. Au cours des deux années à venir environ, nous pensons rationaliser quelque 2 400 milles. Je n'emploie pas le mot «rationaliser» pour éviter de parler d'«abandon». Cela signifie que ces lignes seraient gérées différemment.
Les lignes qui ne seront plus en service sont essentiellement celles qui ont été retenues dans l'exercice Robson.
Rick, cela faisait combien de milles? Vous vous en souvenez?
M. Sallee: C'est environ 270 milles pour le CP. Je crois qu'au total, il y avait environ 530 milles ou quelque chose comme ça.
M. Chatters (Athabasca): Je m'étonnais, étant donné que votre première priorité était d'inclure l'article sur l'autonomie financière et, à l'article 54, la mention «produisant des revenus adéquats».
J'ai un peu de mal à accepter cette idée dans la mesure où, bien souvent, lorsque des CFIL ont repris des segments de vos lignes et de celles du CN, ils ont réussi à rentabiliser leur exploitation. D'après les témoignages précédents et d'après la discussion, je vois que vous n'avez pas pu assurer la rentabilité de l'exploitation dans ces cas-là en raison du régime de gestion et d'organisation du travail qui vous lie. J'avoue qu'il m'est difficile de soutenir l'idée d'inclure une disposition sur les «revenus adéquats» dans la loi alors que d'autres ont réussi, en étant plus efficaces au niveau de la gestion et de la main- d'oeuvre, à rentabiliser leurs opérations, ce que vous n'avez pas pu faire. C'était la première chose.
Quant à la deuxième, je voulais vous demander de faire un bref commentaire, simplement par curiosité. Je me demandais pourquoi vous préconisiez la suppression de l'article 48, sur les perturbations extraordinaires. Vous voulez que les pouvoirs soient donnés au Parlement plutôt qu'à l'exécutif. Dans notre système parlementaire, avec un gouvernement majoritaire, l'exécutif, c'est- à-dire le premier ministre et son Cabinet, peut suivre son programme sans aucune restriction, en dépit des protestations de l'opposition au Parlement. Je voudrais savoir pourquoi vous pensez que cette formule serait préférable au système actuel.
M. Ritchie: Est-ce que je peux répondre à la première partie et M. Flicker à la deuxième?
Tout d'abord, je crois avoir parlé assez longtemps de la question du niveau de revenu. Nous voudrions que ceci soit intégré à l'ensemble de la loi mais sans oublier que l'on ne peut faire payer le service plus cher que ce que permettrait la concurrence. C'est tout ce que nous demandons. Permettez-nous de demander le maximum en fonction de la concurrence, celle des autres modes ou celle du marché. Lorsqu'il y a une domination du marché, il pourrait y avoir une certaine clause sur le prix maximum, là encore, comme aux États-Unis. Nous ne demandons pas un taux de rentabilité garanti comme une entreprise de services publics. Nous vous demandons simplement de nous permettre de gagner le maximum possible en respectant les règles du marché.
N'oubliez pas que nous n'avons pas les mêmes pouvoirs que les CFIL. Ce n'est pas un défaut génétique qui nous empêche d'exploiter à profit une compagnie de chemin de fer, mais vous avez vu au printemps que nous n'avions pas le droit d'être en grève, contrairement à un chemin de fer d'intérêt local.
Depuis 115 ans que notre compagnie existe, il y a eu des cas où l'on a ordonné le retour au travail pour des problèmes qui ne relevaient pas de la direction. Dans certains cas, c'est juste, mais je crois que certaines causes se trouvent ici aussi.
C'était une industrie réglementée. Nous avons un système de relations de travail qui en atteste. On ne peut pas le faire disparaître d'un coup de baguette magique. J'aimerais que ce soit possible. Nous avons fait un essai loyal. J'ai félicité le ministre des Transports d'avoir tenté de présenter au Parlement une loi équilibrée de retour au travail au printemps dernier. Je crois qu'il y est parvenu mais c'est tout un cheminement, et il va nous falloir un bon moment pour y arriver.
David, alinéa 48(1)a).
M. Flicker: Inutile de vous dire, monsieur, que c'est un article très vaste. Quelqu'un a dit que c'est comme la Loi sur les mesures de guerre en miniature. Ce n'est pas le genre de chose que l'on voit habituellement dans la législation canadienne ou dans un système constitutionnel comme le nôtre. C'est une disposition très large.
Naturellement, nous admettons qu'il y a des composantes pratiques en ce sens qu'un gouvernement majoritaire a effectivement beaucoup de pouvoir au Parlement. Je ne veux pas exagérer, mais on préfère toujours que les questions soient présentées et débattues au Parlement, c'est encore un peu sacro-saint. Il y a pour tout le pays, une ouverture, une transparence et une visibilité qui disparaissent si la question est confiée uniquement à l'exécutif. Le Parlement a prouvé à de nombreuses reprises qu'il pouvait se mobiliser très rapidement.
C'est donc finalement une question de confiance dans les délibérations de la Chambre et du Sénat. Non que l'on fasse moins confiance au gouverneur en conseil mais, avec notre système constitutionnel, c'est là que les questions de ce genre devraient être tranchées.
M. Chatters: Je suis rassuré de voir que le public a encore tellement confiance dans la force du Parlement.
Le président: Merci.
Monsieur Gouk, vous vouliez poser une question supplémentaire à ce sujet.
M. Gouk: Il s'agit des «lieux de correspondance» à l'article 112. Actuellement, le texte se lit comme suit:
- où la ligne d'une compagnie de chemin de fer est raccordée à celle d'une autre compagnie de
chemin de fer...
M. Flicker: Sauf votre respect, ce n'est pas si simple. La situation n'est pas toujours tranchée; tout dépend du degré de contrôle exercé par la compagnie qui l'utilise sur la ligne appartenant à une autre compagnie.
Franchement, il n'est pas nécessaire que le Parlement se préoccupe de cette question. L'Office l'a déjà fait dans la jurisprudence. Au cours des deux ou trois dernières années, il y a eu quelques causes dans lesquelles des compagnies ferroviaires circulant sur les lignes d'une autre ont cherché à obtenir des droits d'interconnexion.
Dans l'une de ces causes, la réponse a été non. La compagnie qui circulait sur l'autre ligne ne contrôlait pas l'opération. Dans l'autre cas, la réponse a été oui. Ce n'est donc pas toujours clair; tout dépend du niveau de pouvoir d'exploitation que détient la compagnie sur la ligne qui appartient à une autre compagnie de chemin de fer.
La situation a été réglée. On voit, si l'on étudie la question, que l'ONT a été saisi du problème et l'a très bien résolu.
Mme Terrana (Vancouver-Est): En fait, d'autres ont posé mes questions. Je n'en ai plus qu'une d'ordre général qui porte sur ce nouveau projet de loi.
Pensez-vous que le projet de loi C-101 soit nécessaire ou la LTN de 1987 suffit-elle?
M. Ritchie: Absolument, nous trouvons que le projet de loi C-101 est tout à fait nécessaire. C'est un petit pas mais un premier pas.
Mme Terrana: Mais vous avez des recommandations.
M. Ritchie: Oui. Vous nous avez demandé vos recommandations, madame, et nous avons pris la liberté de vous les présenter. Nous vous remercions de votre indulgence à cet égard.
M. Easter (Malpèque): Il est évident que le principal problème dans ce projet de loi c'est de parvenir à un juste équilibre entre les expéditeurs et les compagnies de chemin de fer. Vous savez sûrement que de très nombreux membres du secteur du grain ont demandé avec insistance que l'on supprime les paragraphes 27(2) et 34(1), de même que l'article 113. Ces demandes viennent non seulement des expéditeurs mais aussi des organisations de producteurs et des gouvernements. Je veux simplement noter dans la discussion d'aujourd'hui qu'il y a encore un autre partenaire qui vient s'ajouter à ceux dont nous avons parlé, et c'est celui qui paie la note. C'est le producteur dans le cas du secteur du grain.
Dans l'ouest du Canada, rien n'est plus important pour les collectivités que le réseau ferroviaire parce que si les compagnies de chemin de fer essaient, au nom de l'efficacité, de réduire leurs opérations et si les expéditeurs, les compagnies céréalières en l'occurrence, cherchent à rationaliser leurs activités et ferment les élévateurs, les répercussions peuvent être très lourdes pour les collectivités elles-mêmes qui risquent d'être asphyxiées.
Nous devons donc absolument trouver le juste équilibre.
Le problème pour moi, en ce qui concerne les paragraphes 27(2) et 34(1) et l'article 113, c'est que l'on semble croire que le système judiciaire va protéger ceux qui ont des difficultés. Dans ma vie précédente, j'ai pu voir des cas où les compagnies de chemin de fer étaient attaquées devant les tribunaux, et j'ai toujours trouvé l'expérience très négative dans la mesure où les compagnies de chemin de fer ont, pour protéger leurs intérêts, des ressources financières et juridiques bien supérieures aux nôtres.
Ainsi, pour parvenir à cet équilibre, en sachant qu'il y a une très forte opposition à ces articles de la loi que certains souhaitent voir supprimer, pensez-vous qu'il y ait une possibilité de compromis? Vous avez une proposition sur le paragraphe 27(2). Je ne suis pas sûr que ce soit beaucoup mieux. Pensez-vous que le comité ou le gouvernement du Canada puissent trouver un moyen terme, compte tenu de l'opposition que suscitent ces articles et votre position à ce sujet et les inquiétudes que vous dites justifiées?
M. Ritchie: Vous avez soulevé de nombreuses questions mais il ne faut pas oublier que le grain est dans une situation particulière dans ce projet de loi et qu'il est toujours réglementé. Les articles dont nous parlons ne s'appliquent donc pas.
En ce qui concerne les autres expéditeurs, y a-t-il un moyen terme? Non, il n'y en a pas. Nos revenus sont tellement insuffisants que ça devient ridicule. Je crois que toutes ces critiques, tout ce que l'on vous dit, visent surtout à faire pression pour encourager le pays à trouver un moyen terme. Ce n'est pas nécessaire. Ces propositions sont modestes. Nous n'enlevons aucun poids aux dispositions concernant les expéditeurs. Ceux-ci sont encore mieux protégés que tous les autres expéditeurs avec lesquels ils sont en concurrence en Amérique du Nord.
Où est le problème? Nous ne pensons pas que ce soit un obstacle qui empêche d'avoir accès à l'Office. Ce ne sera pas un gros problème devant les tribunaux. Nous avons proposé un libellé qui devrait permettre d'apaiser leurs légères craintes, si elles sont réelles. Je crois qu'ils veulent que ce soit supprimé, mais cela ne me paraît pas juste. Ce n'est pas une bonne politique publique. La loi de 1987 n'était pas une bonne politique publique et nous pouvons la corriger maintenant. Ne faisons pas de compromis qui pourraient tout compromettre.
M. Easter: Pour ceux qui sont dans l'industrie, ou les producteurs là-bas, je voudrais revenir à une déclaration faite par le Syndicat du blé de l'Alberta. Il s'agissait de la LTN que ceci va remplacer. On disait que la LTN:
- permet à une compagnie de chemin de fer d'exploiter pleinement la nature captive...
- ...et je sais que vous avez déjà soulevé cette question...
- du grain et la force de marché qu'il représente pour les expéditeurs. Les prix demandés aux
agriculteurs augmenteront pour refléter ce caractère captif. Les exigences concernant le
rendement
- ...et c'est le point clé, les exigences concernant le rendement des compagnies de chemin de fer...
- sont beaucoup plus faibles que dans la LTGO et rien ne dit qu'il n'y aura pas un autre
effondrement massif comme celui qui s'est produit en 1993-1994.
Du point de vue des producteurs, la question essentielle est de savoir si les compagnies de chemin de fer s'acquitteront de leurs obligations de façon juste et raisonnable en acheminant le produit jusqu'à son marché, qu'il soit destiné à l'exportation ou au marché intérieur, de façon à permettre aux agriculteurs de rester compétitifs. Du point de vue des producteurs, transport et marketing ne font qu'un.
Beaucoup ont des doutes sur vos capacités. Le problème s'est posé en 1993-1994. Il y a eu aussi les promesses que les compagnies de chemin de fer ont faites en 1984 dans le cadre de la LTGO, lorsque vous avez dit que vous alliez fournir le matériel roulant, que vous alliez créer des emplois, et vous ne l'avez pas fait. Il y a donc eu des problèmes. Qu'y a-t-il pour nous faire croire que, si nous acceptons ces modifications au projet de loi, vous allez effectivement assumer vos obligations en vertu de la loi: matériel roulant, affectation des wagons, etc.?
M. Ritchie: Il y a les dispositions sur le niveau de services dans le projet de loi. La loi nous oblige à fournir le service.
Je ne partage pas le point de vue du député lorsqu'il dit que nous n'avons pas assumé nos obligations après 1984. Je crois que si.
Il y a un caractère cyclique commun à tous les produits agricoles. Je ne pense pas qu'il ait été dans l'intérêt des agriculteurs qui paient la note que nous prévoyions des wagons pour toutes les éventualités parce que cela aurait fait partie de leurs coûts. Ce n'est pas ce qu'ils souhaitent et ce ne serait pas efficace pour une société de transport. On ne peut jamais, absolument jamais, fournir une flotte de base qui s'adapte à toutes les fluctuations.
Je crois que nous sommes à la hauteur. Nous avons créé des emplois dans l'Ouest. Nous avons construit des installations de nettoyage des wagons. Nous avons construit un atelier d'entretien des locomotives à Winnipeg, d'entretien des wagons à Moose Jaw. Nous avons construit un tunnel. La liste est encore longue.
Rick, voulez-vous ajouter quelque chose sur la situation concernant le grain? Je sais que vous vous en occupez en ce moment.
M. Sallee: Je crois avoir déjà comparu devant vous, monsieur Easter, à propos des pénuries de wagons. Je ne veux pas revenir encore sur cette question, si ce n'est pour dire que c'étaient des circonstances exceptionnelles. Je ne crois pas que c'était intentionnel. Il y avait une pénurie de wagons en Amérique du Nord. Mais les mesures que nous avons prises... La situation a suscité beaucoup d'inquiétude et de nervosité, mais je crois que nous avons pris des mesures positives et fermes. On craignait que la situation ne se reproduise en automne dernier, mais ça n'a pas été le cas. Je pense que les membres de l'industrie, l'OTG et les autres groupes intéressés le reconnaissent.
Nous essayons vraiment de mobiliser nos ressources pour satisfaire les producteurs. Les compagnies de chemin de fer vont devoir aborder ce problème de confiance d'une façon différente, et d'une façon très positive. Comme vous le savez, la loi précédente prévoyait des réunions de producteurs. Il n'y avait parfois pas grand monde à ces réunions. Ensuite, sachant que de grands changements s'annonçaient, nous avons dépensé près d'un demi-million de dollars en publicité pour essayer d'informer les agriculteurs, sans jamais être sûrs que tout cela soit lu et compris.
La solution est peut-être en fait de travailler en relations beaucoup plus étroites avec les dirigeants des groupes de producteurs, les personnes qui prennent le temps qu'il faut, comme Larry Maguire. Il y en a toute une série qui représentent ou prétendent représenter les producteurs. Comment parvenir à améliorer la confiance? C'est peut-être une façon de créer des liens de confiance.
Le président: Merci.
Pour que ce soit noté, je voudrais signaler à mon honorable collègue qui a dit que nous ne devions pas oublier ceux qui paient la facture, les producteurs, que la semaine dernière, le comité a entendu de nombreux représentants de producteurs, comme l'Association des producteurs d'oléagineux, les producteurs de blé, M. Maguire, que Rick a cité, les United Grain Growers, les groupes des grains et des oléagineux, etc.
Je tiens à vous assurer, monsieur Easter, que ces producteurs ne sont absolument pas oubliés; pas à ce comité, en tout cas.
Mme Wayne (Saint John): Monsieur Ritchie, la ligne de Saint- Jean à Sherbrooke, lorsqu'elle appartenait au CP, va de...
M. Fontana: [Inaudible - Éditeur]
Mme Wayne: Non que je m'y intéresse, Joe, comme M. Ritchie le sait.
N'est-ce pas une chance que je sois la dernière sur la liste, Rob, au lieu de la première, comme avant?
Lorsque vous en étiez propriétaires, la ligne de Saint-Jean à Sherbrooke, qui passe par le Maine, a été désignée «parcours entièrement situé au Canada» en vertu de la LTN 1987. Vous l'avez vendue et, comme vous le savez, c'est maintenant la New Brunswick Southern Railway.
Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de jeter un coup d'oeil au paragraphe 131(4). J'ai parlé de la question à des personnes de chez vous qui ont assisté à ces réunions, et je me demande si vous avez examiné ce paragraphe, parce qu'apparemment, il pose un problème pour notre New Brunswick Southern Railway et le libellé suscite beaucoup d'inquiétude. Avez-vous pu le regarder?
M. Ritchie: Oui, et nous pensons que c'est une anomalie et que le libellé ne correspond pas exactement à ce que l'on voulait dire. Nous n'aurions aucune objection à ce que le texte soit modifié pour revenir au sens initial, c'est-à-dire que cela ferait partie du réseau ferroviaire canadien.
M. Nault (Kenora - Rainy River): Ma première question porte sur les CFIL et l'intérêt des expéditeurs, semble-t-il. Ce n'est pas que les expéditeurs veuillent acheter des chemins de fer ou se lancer dans l'industrie ferroviaire, mais ils semblent s'intéresser de très près aux droits de circulation. Pouvez-vous me dire, d'après ce que vous savez, dans quel but les expéditeurs nous répètent régulièrement, dans tous les mémoires que nous avons reçus, que les CFIL devraient pouvoir avoir des droits de circulation? Où est l'intérêt pour les expéditeurs, que gagneraient-ils en obtenant des droits de circulation?
M. Ritchie: Leurs tarifs baisseraient certainement. Ils passeraient un excellent moment pendant un an ou deux à circuler sur les lignes des chemins de fer d'intérêt général. La valeur du bien s'en trouverait réduite, et je vous assure que s'il y a une chose qui rend notre conseil d'administration fou, c'est de ne pas avoir le contrôle de ses biens. Il demande pour quelle raison il paierait.
Beaucoup d'expéditeurs croient qu'il a suffi d'installer les voies il y a 115 ans et de les laisser là sans y toucher. Nous remplaçons les rails sur le tronçon de Calgary à Vancouver tous les cinq ans environ. Ils s'usent très vite. Nous ne les remplacerions pas si les expéditeurs pouvaient y avoir accès. Ils disent: «Mais nous allons payer», et nous demandons: «Comment?» La discussion s'arrête là. Ils n'expliquent jamais comment ils paieraient. Un taux moyen? Cela ne fonctionne pas.
M. Nault: L'autre question rejoint ce dont parlait M. Easter. Nous sommes nombreux autour de cette table et aussi dans l'ensemble du pays, j'en suis sûr, à penser que les compagnies de chemin de fer ont un rôle d'intérêt public à jouer. Dans ce projet de loi, le gouvernement s'écarte de cette idée selon laquelle les compagnies ferroviaires doivent jouer un rôle d'intérêt public, au détriment de leurs actionnaires et de leur bilan. Pour vous, qui vous intéressez sûrement à l'intérêt public, comment doit agir le gouvernement canadien si, par exemple, une compagnie de chemin de fer juge qu'une ligne n'est plus utile à ses opérations mais que quelqu'un dans la région - à Saint John, par exemple - décide qu'elle est absolument indispensable au développement régional?
Comment le gouvernement doit-il régler cette question tout en considérant que les compagnies de chemin de fer sont des entreprises comme les autres, qui ont le droit de faire des bénéfices et de prendre des décisions rationnelles? Comment concilier les deux?
Comme vous le savez, dans le débat qui se déroule autour de cette table et dans le pays, on vous considère comme un service d'utilité publique qui doit servir à améliorer le Canada, répondre aux intérêts des producteurs et des expéditeurs, mais qui pense aux actionnaires du CP et du CN dans ce cas?
J'essaie moi-même de résoudre l'équation. En tant que Canadien, qu'en pensez-vous? Comment devons-nous agir étant donné l'importance du chemin de fer et de l'industrie ferroviaire pour des régions comme l'ouest du Canada, par exemple?
M. Ritchie: C'est un problème, et cela nous ramène encore au même point, l'équilibre. Monsieur Nault, vous l'avez mentionné à propos des CFIL.
Je pense que le processus en place, qui est parfaitement visible, donne largement de préavis à tous ceux qui pourraient être intéressés à exploiter un CFIL et aux trois paliers de gouvernement qui pourraient être intéressés à en acheter un en dehors du cadre normal des négociations commerciales si aucun CFIL n'est acheteur.
À notre avis, les administrations ont tout le temps voulu pour prendre leurs dispositions afin d'acheter à la juste valeur marchande, c'est-à-dire dans bien des cas le simple prix coûtant des éléments d'actif. Ces gouvernements peuvent alors décider s'il y a une raison d'intérêt public de subventionner cette exploitation ferroviaire.
M. Nault: Ma dernière question concerne le critère d'intérêt public en ce qui concerne l'abandon d'embranchements particuliers ou de n'importe quelle voie ferrée d'ailleurs. Naturellement, pour les compagnies de chemin de fer, c'est la densité qui est la grosse question. C'est la densité du trafic sur une ligne qui détermine manifestement l'analyse de coût, et par conséquent les pertes ou les bénéfices que vous allez avoir. Quand vous vous adressez à l'Office pour abandonner une ligne, est-ce que vous suivez un cheminement différent de celui que vous avez autour de la table du conseil d'administration quand vous décidez que vous allez abandonner une ligne particulière, ou utilisez-vous la même formule?
L'idée qui semble assez répandue quand on parle plus précisément de densité, c'est que si l'on s'en tient uniquement à ce critère, il y a de nombreuses lignes dans ce pays qui ne seraient pas viables. Dans certains cas, l'Office risque de pécher par excès de zèle et de vous obliger à poursuivre l'exploitation de lignes où la densité de trafic est bien inférieure à la moyenne nord-américaine. Franchement, nous sommes déjà bien en dessous de la moyenne nord-américaine pour tout notre réseau. Est-ce que la formule que vous utilisez à votre conseil est différente de celle de l'Office, ou est-ce à peu près la même?
M. Ritchie: Mon collègue vient de dire que ce n'était plus le cas. Quand une compagnie veut abandonner une ligne, l'Office accepte cette décision comme une décision commerciale valable. Je pense que l'Office comme la loi partent du principe que les compagnies ferroviaires veulent rester en affaires. Les compagnies ferroviaires veulent réussir dans leur domaine, et elles prennent les décisions commerciales qui vont dans l'intérêt...
M. Nault: Je le sais bien, monsieur Ritchie. Ce n'est pas cela que je veux savoir. Je pose ma question parce que certains intervenants ont dit au comité que lorsqu'une compagnie va vendre une ligne, et surtout lorsqu'il va y avoir abandon d'une ligne particulière... Maintenant que l'Office n'interviendra plus, comment les collectivités pourront-elles dire leur mot dans la décision? Comment pourront-elles comprendre les motifs de votre décision si en fait...? Proprement dit, ce que je vous demande, c'est si l'on pourrait dire aux collectivités qu'elles peuvent utiliser la formule qu'utilise l'Office ou si vous allez vous fonder sur une formule différente correspondant à vos besoins particuliers.
M. Ritchie: Il y a le préavis, il y a les négociations commerciales et il y a enfin la possibilité de rachat aux trois paliers de gouvernement. Rien n'empêche ces gouvernements d'être présents au niveau des démarches commerciales, où l'on invitera tout le monde à venir examiner la situation commerciale de ces lignes.
L'ancienne formule de l'Office était complexe, mais je pense que dans l'ensemble elle donnait des résultats corrects. Pourrait- elle s'appliquer à toutes les lignes commerciales sur lesquelles nous allons nous pencher? À mon avis, non.
Vous vouliez savoir ce que peut faire le public. Les représentants du public peuvent négocier avec nous s'ils veulent exploiter cette ligne. Comprenez bien encore une fois que nous voulons collaborer et que nous serons prêts à transiger pour les encourager à le faire.
[Français]
M. Mercier: Vous dites que les gouvernements peuvent présenter un offre d'achat pour un tronçon de ligne que vous abandonneriez. Selon vous, les délais pour ce faire sont-ils suffisants? Et, dans l'éventualité où les gouvernements fédéral et provinciaux ne voudraient pas acheter ce tronçon, croyez-vous qu'un délai de 15 jours serait suffisant pour qu'une municipalité puisse manifester son intention d'acheter un tronçon de ligne alors qu'elle doit entamer un processus assez long d'emprunt pour y arriver?
[Traduction]
M. Ritchie: C'est une remarque valable. Disons qu'à notre avis, dans l'ensemble, l'échéancier est satisfaisant. Nous pourrions discuter au niveau du comité pour voir comment répartir cet échéancier entre les négociations commerciales et les discussions avec les trois paliers de gouvernement. Si nous n'avons pas présenté de recommandations, je pense que nous pourrions le faire. Cela donnerait aux municipalités un peu plus de temps sans prolonger l'échéancier total.
Le président: Le secrétaire parlementaire fait un rappel au Règlement, un bref rappel au Règlement.
M. Fontana: Merci, monsieur le président. Je sais que nous sommes pressés.
Monsieur Ritchie, au début de votre exposé, vous nous avez demandé si le comité avait fait ou faisait une étude sur les prix individuels, pour entrer dans le détail des opérations des expéditeurs. Pourriez-vous nous fournir des renseignements nous permettant de faire une telle analyse?
Les représentants de l'ONT vont venir nous rencontrer, et nous pourrons leur poser des questions, mais pour nous permettre d'obtenir des faits concrets, pourriez-vous communiquer au comité, sous pli confidentiel s'il s'agit de renseignements sensibles, des renseignements non sur des expéditeurs particuliers mais sur des catégories d'expéditeurs et éventuellement les coûts ou les prix facturés? Cela pourrait aider le comité à discuter de cette question.
M. Ritchie: Nous avons le plus grand respect pour cette procédure et cette institution, et nous vous fournirons tous les renseignements que nous pourrons. Nous avons des contrats confidentiels pour lesquels nous nous sommes engagés à ne pas communiquer d'information. À part cette réserve et la question du manque de personnel - j'ai dit à l'autre député que nous avions fait des coupures dans un souci d'efficience - nous nous ferons un plaisir de vous fournir ces informations, monsieur Fontana.
M. Flicker: La loi nous interdit de divulguer des informations. Divulguer des renseignements concernant des contrats confidentiels serait une violation de la Loi sur les transports nationaux.
M. Fontana: Oui, bien sûr.
Le président: Monsieur Ritchie, merci beaucoup pour votre exposé.
M. Flicker: Monsieur le président, M. Ritchie m'a demandé de vérifier les chiffres de taxe. Je voulais m'assurer que vous aviez bien compris que la taxe d'accise fédérale sur le carburant est de 4c. le litre.
M. Ritchie: Merci, David. On a l'impression que c'est 7c.
Des voix: Oh, oh.
Le président: Messieurs, merci d'être venus répondre à nos questions.
Bill Blaikie, qui doit parler à 17h30, est arrivé en avance. Dans une minute environ, la cloche va sonner pour nous appeler à un vote à 17h15, et Bill a donc consenti à revenir demain. Nous avons un créneau entre 17 heures et 17h30, et nous n'allons donc pas être obligés d'interrompre son exposé dans quelques instants pour devoir revenir plus tard. Je crois qu'il va y avoir une série de votes, donc cela nous évitera de revenir après.
Merci, Bill. C'est très gentil de votre part.
Nous reprendrons donc demain après-midi à 15h30 et nous entendrons M. Blaikie de 17 heures à 17h30.
La séance est levée.