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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 7 novembre 1995

.1533

[Traduction]

Le président: Je souhaite la bienvenue à notre premier témoin de cet après-midi, de Lande & Roussel. Richard Lande est expert-conseil dans le domaine des transports.

Monsieur, nous vous souhaitons la bienvenue à notre comité, et nous avons compris au poids de votre mémoire que si vous êtes rémunéré à la livre, vous devez être riche. Nous espérons que vous allez nous présenter un résumé de 15 minutes ou moins pour que nous puissions vous poser quelques questions quand vous aurez terminé. Merci, et bienvenue.

M. Richard Lande (expert-conseil en transports, Lande & Roussel): Merci, monsieur le président, je m'appelle Richard Lande. Je suis consultant en transports et avocat.

Je m'intéresse beaucoup aux lois sur les transports nationaux depuis le début de ma carrière, et j'ai eu l'occasion de représenter des nombreux expéditeurs auprès de l'Office national des transports relativement aux appels d'intérêt public, à l'interconnexion étendue, et aux prix non compensatoires. J'ai aussi rédigé un certain nombre d'articles sur les règlements qui régissent les transports, ainsi que quelques livres portant sur la Loi sur les transports nationaux, et je pense donc comprendre autant que quiconque la loi qui est proposée et son importance.

.1535

J'aimerais prendre quelques minutes pour vous expliquer ma vision du projet de loi.

[Français]

Comme je l'ai dit, je suis un avocat et un conseiller en transport, je suis propriétaire d'un bureau de conseil en transport, le plus important au Canada, et j'ai représenté des centaines d'expéditeurs dans ma carrière. La phraséologie et l'impact du projet de loi C-101 me sont familiers. Je serai très heureux de répondre à n'importe quelle question en temps et lieu cet après-midi. J'apprécie énormément d'avoir la possibilité de venir m'exprimer devant vous.

[Traduction]

Comme certains l'auront compris à la lecture de mon livret, je suis favorable au projet de loi, en général. Je pense, de plus, qu'un certain nombre d'expéditeurs y sont favorables, ou n'y sont pas opposés. J'aimerais vous citer quatre ou cinq des raisons qui expliquent, je pense, leur position.

Premièrement, la nouvelle loi va sans doute aider les compagnies ferroviaires financièrement. Les dispositions qui portent sur les céréales provoqueront sans doute une augmentation de leurs revenus. Leur productivité augmentera parce qu'elles pourront rationaliser leurs réseaux sans opposition. Le fait qu'elles ne seront plus contraintes ni par les appels d'intérêt public ni par les appels sur les prix non compensatoires les aidera à atteindre leurs objectifs financiers. Cela signifie bien sûr que les compagnies de chemin de fer deviendront plus dynamiques, plus productives, et plus sensibles aux besoins des clients.

Deuxièmement, la privatisation, qui se poursuit, de la Société Canadien National signifiera que le CN deviendra un joueur plus agressif sur le marché. Comme vous le savez sans aucun doute, la plupart des expéditeurs peuvent avoir recours aux chemins de fer, ou aux transporteurs intermodaux, ou au camionnage. Ils peuvent améliorer leur position concurrentielle en évaluant les diverses possibilités modales qui s'offrent à eux. Conséquemment, la privatisation du CN va à mon avis les aider à cet égard.

Si vous regardez la recherche que nous avons effectuée sur les chemins de fer en Nouvelle-Zélande, au Japon, et en Argentine, vous constaterez que les compagnies qui ont été privatisées servent en général leurs clients d'une manière plus flexible et sont plus sensibles à la concurrence entre les chemins de fer et le camionnage que les sociétés d'État.

La troisième raison qui me fait voir ce projet de loi d'un oeil favorable - la première étant l'augmentation des revenus du CP et du CN, et la deuxième que le CN pourra jouir d'une plus grande souplesse une fois privatisé - est qu'il préserve les dispositions essentielles qui protègent les expéditeurs qui ont besoin d'aide.

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Les dispositions qui touchent l'interconnexion étendue n'ont pas de pendant qui s'appliquerait aux expéditeurs américains. On reconnaît généralement que les trois quarts des expéditeurs canadiens sont dans la zone des 16 milles qui leur permet de profiter des tarifs qui s'appliquent aux manoeuvres interréseaux.

Comme on a préservé l'interconnexion et les tarifs connexes, et si on y ajoute les tarifs concurrentiels de lignes dont profite le 25 p. 100 des expéditeurs qui n'est pas dans la zone des 30 kilomètres, ces deux éléments combinés auront beaucoup d'impact. S'ajoutent à cela les demandes d'arbitrage et les obligations des transporteurs publics.

Donc, de fait, bien que ce projet de loi entende déréglementer les chemins de fer dans une certaine mesure, un fardeau réglementaire certain continue de peser sur eux. Conséquemment, les expéditeurs qui ont besoin de l'intervention d'un tiers peuvent très bien s'adresser à l'Office ou faire une demande d'arbitrage. C'est la quatrième raison qui m'amène à appuyer ce projet de loi.

La cinquième raison est que les dispositions exclues - par exemple, celles qui traitent des appels d'intérêt public ou de l'opposition de l'abandon d'une voie embranchement - n'étaient en général pas utilisées par les expéditeurs et n'étaient pas vues comme utiles. Même quand les expéditeurs essayaient d'y avoir recours, l'Office national des transports ne leur donnait en général pas raison.

On ne donnait généralement pas raison à ceux qui s'opposaient à l'abandon d'un embranchement, par exemple. Comme on a pu le voir dans trois causes différentes, la cause des céréales à Thunder Bay, la cause des quatre villes et du bois d'oeuvre et celle du terminal portuaire à conteneurs de la Saskatchewan, ceux qui ont tenté d'avoir recours aux appels d'intérêt public n'ont en général pas eu gain de cause devant l'Office national des transports.

Ainsi, les expéditeurs ont soit beaucoup hésité à avoir recours à ces mécanismes d'appel qui seront exclus ou, y ayant eu recours sans succès, ont été découragés. Je pense que le fait de les exclure du projet de loi n'invalide aucunement la loi dans son ensemble. C'est la cinquième raison qui me porte à appuyer le projet de loi.

La sixième raison est que je considère que cette loi équilibre d'une façon réaliste les désirs exprimés par les expéditeurs et les compagnies ferroviaires. Au Canada, aucun projet de loi ne suscitera jamais l'euphorie de tous les intervenants et de toutes les communautés d'intérêt. Il faut reconnaître que les expéditeurs et les transporteurs négocient les uns avec les autres et que chacun d'entre eux serait heureux d'acquérir un petit avantage compétitif en vertu du libellé de la loi.

Cela étant dit, la loi offre certains avantages aux chemins de fer. Comme je l'ai dit, elle allège leur fardeau réglementaire. Comme elles pourront faire de la rationalisation du côté des revenus tirés du transport des céréales, leurs revenus augmenteront sans doute dans l'ensemble. Mais le projet de loi offre aussi des avantages aux expéditeurs, puisque les dispositions qui touchent l'interconnexion, les prix de ligne concurrentiels (PLC), l'arbitrage, les obligations de transporteurs publics et les contrats confidentiels sont préservées. Le projet de loi permet aux expéditeurs de continuer à profiter de la concurrence dans leur région, il étant entendu que les expéditeurs peuvent, après tout, généralement choisir parmi plusieurs possibilités.

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Ils peuvent avoir recours aux chemins de fer, aux transports intermodaux, au camionnage; ils peuvent passer par les États-Unis pour atteindre certaines destinations, ils peuvent déplacer leurs centres de distribution, ou ils peuvent consolider leurs opérations. Les expéditeurs peuvent donc avoir recours à bon nombre de possibilités, et comme vous le savez tous, l'industrie du camionnage est atomistique. Au Canada, cette industrie est très compétitive et les taux peuvent être convenus sans dépôt public. Les expéditeurs et les compagnies de camionnage peuvent donc convenir d'un certain nombre de dispositions novatrices.

Tout cela continuera d'être possible. Ainsi, le projet de loi atteint un point d'équilibre; les expéditeurs préserveront certains avantages et les chemins de fer en gagneront de nouveaux.

J'ajoute une septième raison que vous pouvez examiner dans mon analyse. Je crois qu'un grand nombre d'expéditeurs appuient le projet de loi. J'ai fait un sondage non scientifique de mes clients pour savoir ce que plusieurs d'entre eux pensent de la loi.

Ce projet de loi importe peu à la plupart de mes clients. Pour la plupart d'entre eux, les chemins de fer ne sont qu'un élément du tout logistique qui les préoccupe. Ils s'intéressent aux règlements qui s'appliquent aux chemins de fer au même titre qu'aux palettes, qu'aux entrepôts et à la mondialisation de la demande pour certains produits. Ainsi, c'est un exercice de pure futilité que de leur demander de s'intéresser aux nuances juridiques des articles 113 et 27, par exemple.

Je leur ai demandé, toutefois, si le fait qu'ils ne pourraient plus s'opposer à l'abandon des voies d'embranchement à l'avenir les dérangeait, et s'ils pensaient que la disparition des appels d'intérêt public allait limiter leurs possibilités en matière de négociation.

Un grand nombre - pas tous - ont répondu que cela ne les dérangeait pas. Après tout, il s'agit d'un pas dans la bonne direction. Ce projet de loi confère aux chemins de fer ce dont nous jouissons dans nos industries respectives depuis de nombreuses années, la liberté. Nous pouvons rationaliser nos installations. Nous pouvons réduire le nombre de centres de distribution, ou l'augmenter. Pourquoi ne pas donner cette même liberté aux compagnies ferroviaires?

Ils reconnaissent tous que la situation financière des chemins de fer n'est pas très heureuse. Ils n'attribuent pas une grande importance à ce projet de loi, mais reconnaissent qu'il s'agit d'un pas vers la mise en place d'un environnement déréglementé.

L'une des raisons que j'ai incluses dans mon mémoire - qui représente d'ailleurs l'opinion des expéditeurs, dans leur ensemble - est que l'industrie du camionnage au Canada est presque complètement déréglementée, l'industrie ferroviaire américaine est pratiquement déréglementée, et ainsi les principaux concurrents des chemins de fer canadiens, c'est-à-dire les camions et les chemins de fer américains, sont dans une situation qui s'harmoniserait mal avec l'environnement canadien s'il devait persister tel quel.

Il faut donc se poser la question: pourquoi les chemins de fer canadiens devraient-ils être encombrés de règlements dont n'ont pas à se préoccuper leurs compétiteurs telles les compagnies de transport maritime des Grands Lacs? Les transporteurs maritimes des Grands lacs peuvent établir leurs prix comme bon leur semble. On ne peut interjeter d'appels d'intérêt public pour remettre en question les tarifs établis par ces transporteurs. Les transporteurs américains peuvent établir leurs prix en toute liberté. L'industrie du camionnage peut établir ses prix dans la confidentialité. Ainsi, pourquoi ne pas permettre aux chemins de fer canadiens de faire concurrence aux autres intervenants sur un pied d'égalité?

Cela étant dit, j'ai essayé de solliciter les opinions des gens d'une manière quasi scientifique. J'ai présenté une série de cinq conférences à divers endroits au Canada au cours des six derniers mois. Lors de chacune de ces conférences, j'ai demandé aux participants de me faire part de leurs impressions en ce qui a trait au projet de loi C-101.

Quand j'ai su que j'allais comparaître devant le comité, il ne me restait plus qu'une des cinq conférences à donner, et j'ai alors demandé aux personnes présentes de mettre leurs opinions sur papier. J'ai réuni certains de ces commentaires sur une page à la fin de mon texte intitulée «Quelles sont vos impressions du projet de loi C-101»? Je suis désolé; bien que tous aient peut-être des points de vue à exprimer à propos du projet de loi C-101, ils ne connaissaient pas tous l'orthographe parfaitement. Toutefois, il semble que les opinions soient favorables. On dit que c'est une amélioration par rapport à la loi existante, qu'il s'agit en général d'un pas qui nous rapproche du système de marchés libres, d'une mesure qui permettra à nos chemins de fer de s'améliorer et de livrer une concurrence rentable à leurs compétiteurs, etc.

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Pour conclure, je dirais que le projet de loi permettra aux expéditeurs de maintenir les éléments clés qui les protègent. Il ne mettra pas en péril leurs possibilités de négocier avec les transporteurs, et dans la mesure où on préserve certaines dispositions portant sur les interconnexions, les TLC, les demandes d'arbitrage et les obligations de transporteurs publics, je pense que les expéditeurs canadiens verront d'un oeil favorable l'adoption de ce projet de loi et ne s'y opposeront pas.

Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie de votre aimable attention.

Le président: Je vous remercie, monsieur Lande. Le comité en sait beaucoup plus maintenant qu'il a entendu votre exposé, qui était fondé sur votre vaste expérience en la matière. Nous vous remercions donc de nous avoir éclairés.

Monsieur Mercier, avez-vous une question?

[Français]

M. Mercier (Blainville - Deux-Montagnes): Monsieur Lande, je vous ai écouté avec beaucoup d'intérêt. Je relis, à la page 4, la phrase suivante:

Je crois donc comprendre que, contrairement à ce qui existe dans plusieurs pays, vous ne considérez pas le réseau ferroviaire comme un service public, mais plutôt comme une entreprise commerciale comme une autre, et que vous êtes loin de vous préoccuper de l'intérêt public.

M. Lande: Dans le passé, on considérait les chemins de fer comme l'instrument de la politique publique et on essayait de développer l'économie régionale en imposant des taux contrôlés par l'État.

On disait aussi que les taux ne pouvaient pas être discriminatoires, que si quelqu'un était plus petit ou était établi dans une petite communauté plutôt que dans une grande ville, les taux ne pouvaient pas constituer un obstacle au développement de l'industrie à l'intérieur d'une région non urbaine.

Maintenant, le monde a changé. Cela ne veut pas dire que les principes ne sont plus valables, mais à mon avis, les compagnies qui décident de s'établir à un certain endroit le font en tenant compte de certaines considérations commerciales. On ne peut pas s'attendre à ce que l'État puisse imposer un facteur de déséquilibre aux considérations d'une compagnie.

Je vous donne un exemple. Plusieurs de mes clients ont établi des centres de distribution dans différentes parties du Canada ainsi qu'aux États-Unis. Pour eux, la chose la plus importante, c'est que le produit soit commercialement concurrentiel. Il importe peu qu'ils s'établissent à un endroit ou à un autre, que leurs taux de transport soient plus élevés ou qu'il y ait une possibilité d'intervention par un bureau du gouvernement. Leur marché est tellement fragile qu'ils sont prêts, à mon avis, à se concentrer uniquement sur la capacité concurrentielle de leur produit.

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Qu'il y ait toute une série de personnes qui examinent si les taux sont justes et raisonnables, s'il n'y a pas de discrimination ou si le taux d'un tel lieu par rapport à celui d'un autre lieu est injuste, cela constitue un critère secondaire, du moins pour mes clients. Ils sont trop préoccupés par leur propre marché.

Donc, l'essentiel, pour eux, est d'avoir des contrats concurrentiels avec les chemins de fer et d'être concurrentiels avec les sociétés de camionnage.

C'est moi, monsieur Mercier, qui, au cours des sept dernières années, ai eu l'honneur de représenter la plupart des sociétés qui ont essayé de faire appliquer les clauses sur les appels à l'intérêt public et sur les arbitrages sur les offres finales. J'estime qu'il est de moins en moins possible de convaincre un client de s'engager dans ce genre d'appels.

[Traduction]

Le président: Monsieur Lande, je vous rappelle tout simplement que nos députés ne disposent que d'un certain temps pour la période des questions-réponses, et parfois, si les réponses sont trop longues, ils ne peuvent plus poser d'autres questions. Je vous prie donc d'essayer d'être aussi bref que possible.

Monsieur Mercier.

[Français]

M. Mercier: Je vous comprends bien, monsieur Lande, mais en ce qui concerne la concurrence nécessaire entre le camionnage et la ligne de chemin de fer, premièrement, je suppose que vous êtes favorable au transport bimodal.

M. Lande: Oui.

M. Mercier: Deuxièmement, en ce qui concerne le transport par camion, une partie de son coût est assumée par l'État puisqu'il entretient les routes.

M. Lande: C'est vrai.

M. Mercier: Si le domaine ferroviaire n'est pas subventionné, ne trouvez-vous pas qu'il est défavorisé par rapport à la route, puisque celle-ci bénéficie indirectement de subventions du fait que l'État l'entretient?

M. Lande: Sûrement. Vous avez raison. Est-ce que la solution est d'invalider un tel effort, comme le propose le projet de loi C-101, ou si elle ne consiste pas plutôt à faire assumer le vrai coût par l'utilisateur?

Je ne connais pas la solution, mais je suis bien d'accord avec vous qu'il n'y a pas égalité entre les deux situations.

[Traduction]

M. Gouk (Kootenay-Ouest - Revelstoke): Monsieur Lande, j'aimerais un ou deux éclaircissements pour commencer. Premièrement, vous avez utilisé deux termes; vous avez dit que la plupart des expéditeurs» aimaient ce projet de loi, ou du moins ne s'y opposaient pas, et puis vous avez parlé de «mes clients». Quand vous avez parlé de «la plupart des expéditeurs» faisiez-vous allusion à la majorité des expéditeurs canadiens, ou à vos clients, ou disiez-vous que la plupart des expéditeurs canadiens sont vos clients?

M. Lande: La plupart des expéditeurs canadiens sont mes clients. Je représente plus de 1 000 expéditeurs canadiens. Mon cabinet est le plus grand au Canada et nous avons eu la bonne fortune de représenter, en tant que conseillers juridiques, la plupart des expéditeurs qui ont de grosses exigences en matière de transport.

M. Gouk: Et vous dites que la plupart des expéditeurs canadiens sont soit en faveur de ce projet de loi, ou ne s'y opposent pas.

M. Lande: Ceux à qui j'ai parlé, ceux qui se sont rendus à mes conférences, ceux qui m'ont exprimé leurs points de vue, sont soit en faveur du projet de loi ou ne s'y opposent pas. En d'autres termes, comme je le disais auparavant, cela ne fait ni chaud ni froid à de nombreux expéditeurs, parce qu'ils dépendent pas des chemins de fer. Ils ont recours aux chemins de fer pour une partie de leurs expéditions, mais se tournent plutôt vers l'intermodal ou le camionnage pour le gros de leurs envois.

.1600

M. Gouk: Dan, je vous ai entendu le dire. Je pense que vous devez avoir un groupe très choisi de clients parce que j'ai une pile haute comme ça et je vous garantis qu'elle n'est pas aussi imposante d'habitude. En fait, elle est en moyenne deux fois moins épaisse que votre résumé et c'est encore beaucoup. À quelques exceptions près, ils sont tous contre le paragraphe 27(2) et la plupart d'entre eux, mais pas tous, sont soit contre le paragraphe 34(1), soit contre l'article 113, soit contre les deux.

Êtes-vous essentiellement favorable aux paragraphes 27(2) et 34(1) et à l'article 113? Le paragraphe 27(2) a trait au préjudice important, le paragraphe 34(1), aux demandes frustratoires et l'article 113 aux conditions commercialement équitables et raisonnables.

M. Lande: Je pense qu'il faut envisager le projet de loi dans son ensemble. Il faut tenir compte de ce qui aide les usagers du transport et de ce qui aide les expéditeurs. Aucune série d'articles ne satisfera à la perfection l'un ou l'autre de ces deux groupes. À ma connaissance, ce n'est jamais arrivé.

Pour moi, le paragraphe 27(2) et l'article 113 s'équilibrent. Je suis très heureux des articles clés sur l'interconnexion, l'arbitrage, les prix de ligne concurrentiels et les obligations de transporteur public. Selon moi, les associations d'expéditeurs qui ont comparu devant vous doivent aussi être très heureuses de savoir que, si quelque chose tourne mal et qu'on ne peut obtenir la meilleure transaction possible d'une compagnie de chemin de fer, on peut toujours s'adresser à une autre compagnie de chemin de fer pour faire assurer le transport de longue distance par un transporteur de liaison.

M. Gouk: Si la plupart des expéditeurs qui ont comparu devant nous étaient effectivement satisfaits du paragraphe 27(2), ils ont eu recours à des moyens très étranges pour nous le montrer.

Si ces dispositions vous plaisent, vous avez dû les étudier attentivement, n'est-ce pas?

M. Lande: Effectivement.

M. Gouk: Pourriez-vous me définir le «préjudice important» dont il est question au paragraphe 27(2)? Qu'est-ce que cela veut dire précisément?

M. Lande: Pour moi, le préjudice important désigne des dommages considérables ou graves. Si vous jugez que la situation qui vous amène à faire appel au nouvel Office des transports du Canada est intolérable parce qu'elle vous causerait un tort considérable, vous avez raison de vous adresser à lui.

M. Gouk: D'accord. Pourriez-vous également me définir les obligations «commercialement équitables et raisonnables»?

M. Lande: Selon cette expression, les tarifs ou les services offerts, dans le cas de l'expédition de matériel, correspondent à ce que le transporteur peut offrir, compte tenu du milieu concurrentiel dans lequel l'expéditeur négocie.

M. Gouk: Je ne vous suis plus ici, je dois avouer.

M. Lande: Je peux être plus...

M. Gouk: Les tarifs doivent avoir être en rapport avec le matériel, mais qu'est-ce que cela veut dire?

M. Lande: C'est juste. Je vais vous donner un exemple. Une cause, parrainée par le député Les Benjamin, a été portée devant l'ancien Office national des transports du Canada au sujet des wagons-trémies couverts. On voulait savoir si, pour respecter les obligations de transporteur public, une compagnie de chemin de fer devait toujours utiliser le matériel le plus coûteux ou si elle pouvait fournir, à quelque expéditeur que ce soit, le matériel jugé équitable et raisonnable dans les circonstances, sans que ce soit nécessairement un wagon-trémie couvert. Ce pourrait être un wagon couvert, par exemple. Et il n'est pas nécessaire non plus d'utiliser un wagon-trémie couvert à pression différentielle; ce peut être un autre genre de wagon-trémie couvert.

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L'ONT a décidé qu'il fallait examiner les circonstances pour déterminer si le transporteur respectait ses obligations de transporteur public. Autrement dit, il faut établir si c'est équitable et raisonnable dans les circonstances.

M. Gouk: L'article 113 traite principalement des tarifs, toutefois. Comment détermine-t-on qu'un tarif est commercialement équitable et raisonnable? Je ne blague pas. Il y a d'autres modifications ailleurs pour lesquelles j'aimerais utiliser l'expression «commercialement équitable et raisonnable», mais nous n'avons jamais réussi à en arriver à une définition, même après s'être mis en quatre pour le faire.

M. Lande: Quand le nouvel Office des transports du Canada fixe un tarif ou une condition - et comme une condition est un service, les obligations de transporteur public ont une incidence sur les conditions - il doit s'assurer que le tarif respecte le contexte concurrentiel de la négociation sans priver la compagnie de chemin de fer de ses revenus, par exemple, ni empêcher l'expéditeur d'en profiter.

Cet article sur les conditions commercialement équitables et raisonnables, vous l'examinez pour la première fois mais, en fait, il fait partie de différentes lois sur les chemins de fer depuis les années 1800. Dans la loi britannique sur les chemins de fer et la loi américaine sur le commerce entre les États, on utilise souvent les mots «équitable et raisonnable». Quand une des parties soutient que les compagnies de chemin de fer ne doivent pas être aussi libres que les entreprises, c'est pour dire que les tarifs devraient être équitables et raisonnables. On peut aussi dire «justes et raisonnables». Si vous jetez un coup d'oeil aux anciennes versions de la loi canadienne sur les chemin de fer, vous trouverez ces termes.

M. Gouk: La loi est suffisamment modifiée pour moi. Je vous remercie.

Le président: Avant de passer à une autre question, monsieur Lande, j'aimerais revenir aux propos de M. Gouk sur la pile de courrier qu'il a reçu d'expéditeurs opposés au paragraphe 27(2).

Corrigez-moi si je me trompe. Vous avez participé à ces audiences. Au sujet du paragraphe 27(2) ou des articles 34 ou 113, le courrier que nous avons tous reçu vient de groupes d'expéditeurs qui se ressemblent. Nous parlons de compagnies céréalières et charbonnières et de la majorité des transporteurs de ces produits qui peuvent se compter sur les doigts de deux mains. Les piles sont hautes comme ça, mais on oublie les mille autres expéditeurs qui font partie de la majorité silencieuse dans ce cas.

M. Lande: Il y a deux choses que j'aimerais dire. Premièrement, dans mon ouvrage The National Transportation Policy of Canada, j'ai signalé que beaucoup d'associations d'expéditeurs sont spécialisées. Autrement dit, il se peut qu'un groupe d'expéditeurs canadiens touchés essaie de gagner à sa cause un certain nombre d'associations. On peut ainsi s'adresser aux mêmes personnes parce que le Canada ne compte pas énormément d'expéditeurs.

Deuxièmement, même si l'industrie de la potasse, l'industrie de la pâte de bois ou l'industrie du bois de sciage éprouvait un grave problème, je pense qu'il importe pour vous de constater, comme je l'ai indiqué, que les tarifs de ces industries ont diminué d'environ 15 à 20 p. 100 depuis 1988. Même si ce sont des interlocuteurs très importants, ils ont gagné du terrain pour ce qui est des tarifs qu'ils paient. Il est peut-être temps de faire osciller le pendule du côté des expéditeurs pour qu'eux aussi aient une chance.

.1610

Le président: Je vous remercie, monsieur Lande.

Mme Terrana (Vancouver-Est): Je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie de votre exposé.

Quand vous parlez de la «majorité des expéditeurs», parlez-vous aussi des expéditeurs de l'Ouest?

M. Lande: Oui.

Mme Terrana: D'après la liste que vous avez ici, il semble tous venir de l'Ontario.

M. Lande: Vous avez tout à fait raison étant donné que la plupart des entreprises avec lesquelles j'ai travaillé ne sont pas des expéditeurs de produits en vrac.

Mme Terrana: Je viens de Vancouver. Les expéditeurs de l'Ouest craignent surtout que ces changements, auxquels s'ajoute le fait que le tarif du Pas du Nid-de-Corbeau n'existe plus, soient désastreux pour eux dans bien des cas. J'aimerais savoir si vous avez étudié la situation dans cette région du pays.

M. Lande: Oui. Les expéditeurs des provinces de l'Ouest peuvent se prévaloir des quatre éléments déterminants, à savoir l'arbitrage, les prix de ligne concurrentiels, l'interconnexion et les obligations de transporteur public.

Le Canada est un grand pays. Pour cette raison, le transport à destination et en provenance de l'Ouest est critique. Tous ceux qui s'occupent de transport savent que ce ne sont pas les mêmes transporteurs qui expédient de l'Est vers l'Ouest. En raison des grandes distances, nous évaluons habituellement qu'une entreprise établie au centre du Canada et dont 30 p. 100 du marché se situe dans l'ouest du pays, consacrera 60 p. 100 de son budget de transport pour se rendre là-bas.

À vrai dire, le transport des produits est peut-être plus critique à destination qu'en provenance de l'Ouest. J'estime toujours que le projet de loi fait le juste équilibre entre les besoins des compagnies de chemin de fer et ceux des expéditeurs.

Mme Terrana: Où la conférence évoquée sur la feuille que vous nous avez distribuée a-t-elle eu lieu?

M. Lande: Cette conférence a eu lieu il y a environ une semaine et demie à Toronto.

Mme Terrana: On a dit que nous ne sommes pas allés assez loin. Qu'en pensez-vous? Devrait-on déréglementer davantage?

M. Lande: Non, je ne crois pas qu'il aurait été sage de déréglementer davantage. Aujourd'hui, par exemple, une entreprise située au Manitoba est venue me consulter au sujet d'un problème lié au service. Je lui ai parlé immédiatement des obligations de transporteur public. Je n'aimerais pas qu'il n'y ait aucun moyen d'intervention possible.

Mme Terrana: Pensez-vous que nous avons été équitables envers les expéditeurs et envers les compagnies de chemin de fer?

M. Lande: Peu importe ce que vous faites, personne ne manifestera beaucoup d'enthousiasme parce que tous les groupes se souviennent de ce qui s'est passé en 1987.

Mme Terrana: Je le sais, mais qu'en pensez-vous?

M. Lande: J'ai beaucoup critiqué dans mes ouvrages ce qui s'est passé au Canada depuis 1987. Je crois que l'Office national des transports n'a pas vraiment appliqué certaines dispositions très innovatrices de la Loi de 1987. Je suis très content que nous apportions maintenant des changements.

.1615

Évidemment, l'expéditeur préférerait être mieux protégé. La compagnie de chemin de fer préférerait que l'on renonce à l'arbitrage et à un certain nombre d'autres éléments. Ce qui est pour le mieux, c'est que nous allons ouvrir un nouveau chapitre de la loi sur les transports au Canada et nous verrons comment les choses fonctionnent.

Mme Terrana: En plus du projet de loi.

M. Lande: Le projet de loi.

M. Comuzzi (Thunder Bay - Nipigon): Dans votre résumé, vous donnez l'impression que le projet de loi satisfait la majorité des expéditeurs du Canada; c'est peut-être la majorité en nombre, mais pas nécessairement pour ce qui est du tonnage. Est-ce exact?

M. Lande: Je pense que votre remarque est pertinente. La plupart des expéditeurs qui s'occupent du commerce au détail, qui transportent des produits de consommation, ne sont pas touchés par le projet de loi ou y sont favorables en principe. Ceux qui expédient des produits en vrac sont plus inquiets, parce qu'un plus grand pourcentage de leurs ventes, la pénétration du marché, dépend naturellement de la distance.

M. Comuzzi: Assurément. Votre rapport insisterait donc sur l'accord de la majorité des expéditeurs que vous représentez, mais pas nécessairement la majorité des clients pour ce qui est du tonnage au Canada.

M. Lande: C'est exact.

M. Comuzzi: Ce que prouvent les sociétés que vous citez aux pages 1 et 2 de votre mémoire parmi lesquelles ne figurent pas les trois principaux expéditeurs de fort tonnage du Canada, l'industrie charbonnière, l'industrie des produits du bois, à l'exception de Domtar...

M. Lande: Et Repap.

M. Comuzzi: ... et Repap, et l'industrie céréalière, à l'exception de Continental Grain. C'est exact.

M. Lande: J'ai déjà été l'avocat du Conseil des industries forestières de la Colombie-Britannique. J'ai représenté Campotex, Sultran et d'autres sociétés. Je connais les entreprises de ce genre.

Je pense que vous avez raison. Je représente le point de vue d'une partie des expéditeurs.

M. Comuzzi: Corrigez-moi si je me trompe. Vous avez illustré ici la séparation entre les compagnies de chemin de fer de l'Ouest et celles de l'est du pays. On nous a dit que les divisions du CN et du CP de l'est du Canada, à l'est de Thunder Bay, ne sont pas rentables. Les activités de ces deux entreprises sont rentables dans l'Ouest du pays. Vos arguments se fondent surtout sur la situation telle qu'elle existe dans l'est du pays. Est-ce exact?

M. Lande: Je ne dirais pas que c'est juste dans la mesure où j'ai dit plus tôt à Mme Terrana que la plupart des fabricants du centre du Canada ont besoin de tarifs concurrentiels pour leurs marchés de l'ouest du pays. Ils tiennent à ce que les tarifs ferroviaires soient suffisamment concurrentiels, à ce que les prix soient fixés de façon dynamique, à avoir des solutions de rechange pour pouvoir faire transporter leurs produits dans le reste du pays, et en particulier dans l'Ouest.

M. Comuzzi: Mais, pour l'économie de l'Amérique du Nord, l'ouest du Canada est un marché minuscule financièrement. Par rapport au Midwest américain, à la côte Est et à l'Ouest des États-Unis, le marché de l'ouest du Canada n'est vraiment pas important quand il est question d'y expédier du savon ou de la soupe Campbell, ce genre de produits, qui sont vos clients ici.

M. Lande: C'est vrai que je ne représente pas beaucoup d'entreprises américaines et que, du point de vue des États-Unis, nous ne parlons probablement pas aujourd'hui d'un marché très important. Cependant, il est important pour moi.

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M. Comuzzi: À la page 16 de votre mémoire, vous indiquez que «ce rapport ne prétend pas représenter les points de vue de ces sociétés». Vous dites également ailleurs que le projet de loi, tel qu'il est proposé, reçoit l'appui d'un grand nombre d'expéditeurs; que les expéditeurs pourront obtenir des tarifs équitables; et qu'ils continueront de profiter de la concurrence entre les compagnies de chemins de fer.

J'aimerais y revenir, mais le président va m'en empêcher.

Quand vous dites que le projet de loi, tel qu'il est proposé, reçoit l'appui d'un grand nombre d'expéditeurs, ce n'est pas tout à fait exact, à moins que l'on ajoute que c'est parmi les expéditeurs que vous représentez, comme l'indique la page 16 de votre mémoire; c'est peut-être le cas pour ce qui est du nombre d'expéditeurs, mais pas pour ce qui est du volume expédié.

M. Lande: Puis-je apporter des nuances?

M. Comuzzi: Vous avez déjà dit que vous étiez d'accord.

M. Lande: Les expéditeurs que j'ai cités à la page 16 ne sont que quelques-uns de ceux avec lesquels je fais affaire régulièrement. Ils représentent environ le tiers de mes clients, ou peut-être le quart. Ne considérez pas les entreprises énumérées à la page 16 comme étant celles que je représente.

Je n'ai pas voulu dire qu'il s'agissait de l'opinion des entreprises citées à la page 16, mais plutôt que j'ai sept raisons de croire que le projet de loi est assez bien équilibré, sans être parfait.

Une de ces sept raisons m'a été inspirée par mes clients et par les gens qui ont assisté aux conférences, qui m'ont dit qu'ils étaient en général favorables au fait que les compagnies de chemin de fer aient la chance de rationaliser leur réseau et de s'accorder aux principes du libre marché. Ce n'est qu'une de ces sept raisons.

M. Comuzzi: J'ai une dernière petite question. J'ai lu ce matin un rapport de l'Association canadienne des producteurs de pâtes et papiers, qui regroupe notamment l'Abitibi Price et St-Laurent Paperboard. Dans le rapport que j'ai lu ce matin, l'Association s'oppose à ce que vous avez ici. C'est le dilemme devant lequel nous nous trouvons.

M. Lande: Pour sortir du dilemme, il faut simplement savoir que les avantages sont différents pour chaque groupe d'expéditeurs. Certains d'entre eux se concentrent sur certains articles de la loi et estiment que le projet de loi devrait être rejeté si ces articles ne sont pas modifiés. D'autres expéditeurs croient que, dans l'ensemble, le projet de loi doit être adopté. Ils ne sont pas aussi véhéments. Selon moi, cela représente les différents aspects du milieu dont nous parlons.

Le président: Je céderai la parole à Mme Sheridan puis à M. Fontana avant de conclure.

Mme Sheridan (Saskatoon - Humboldt): Très bien, j'essaierai de faire vite parce que je sais que vous êtes préoccupé par le temps.

J'imagine que mon propos reprend ce que vient de dire M. Comuzzi et, dans un sens, ce queM. Gouk a dit. Je ne sais pas encore clairement au nom de qui vous parlez. Je pense que ce que Joe a dit au sujet de la séparation entre les expéditeurs de l'Est et ceux de l'Ouest est très pertinent.

Je regarde cette liste de noms à la page 2 et à la page 12 de votre mémoire. Je comprends les réserves que vous avez émises au sujet de cette liste. Il y a également la liste des participants au colloque d'octobre. Je vois des noms de lieux comme Montréal, Rexdale, Toronto et Markham. Ce qui distingue surtout tous ces endroits, ce ne sont pas uniquement les marchandises transportées par train mais aussi leur emplacement géographique. Il n'existe aucune comparaison entre les lieux que je viens de vous nommer et certains endroits en Saskatchewan comme par exemple Avonlea, Arborfield ou Outlook. Ce matin, nous avons eu des témoins qui nous ont fait part de leur inquiétude au sujet de la luzerne qu'ils traitent. Ils ont besoin du chemin de fer. Il existe une énorme différence géographique que vous avez d'ailleurs reconnue.

J'aimerais que vous tâchiez de me dire une fois de plus, aussi succinctement que possible, s'il s'agit effectivement de votre opinion personnelle qui s'appuie sur vos années de travail dans le domaine des transports ou si vous êtes ici au nom d'un groupe d'expéditeurs particuliers qui vous a demandé de venir présenter ce point de vue? Est-ce simplement votre opinion?

M. Lande: C'est mon opinion. Cependant, comme je me suis intéressé de très près à la Loi de 1987 sur les transports nationaux, en tâchant d'écrire sur ses répercussions possibles, je reçois également les opinions d'un certain nombre d'expéditeurs. Mais ici il s'agit uniquement de mon opinion; j'en assume l'entière responsabilité.

.1625

Mme Sheridan: L'autre jour, M. Whittington a comparu au nom de la Luscar Coal. Il a pris la parole au nom de ce groupe particulier d'expéditeurs de charbon. Vous n'êtes pas dans cette situation.

M. Lande: Non.

Mme Sheridan: Par conséquent, chaque fois que je lis «La plupart des expéditeurs...», je devrais en fait lire «J'estime que la plupart des expéditeurs...».

M. Lande: C'est bien ça: «J'estime que la plupart des expéditeurs...»

Mme Sheridan: Très bien. Ma prochaine question porte sur votre définition de «préjudice important». C'est une journée mémorable pour moi car c'est la première fois que je suis d'accord avec une déclaration du Parti réformiste. M. Gouk ne semble pas être à l'aise avec votre tentative en vue de définir ou de préciser le sens de «préjudice important». Même si les nombreuses possibilités d'interprétation de cette expression peuvent réjouir un avocat, je ne pense pas que de nombreux expéditeurs canadiens trouveraient réconfortant de constater qu'elle ait été remplacée par l'expression «tort grave».

Je ne me moque pas de vous.

M. Lande: Non, je comprends.

Mme Sheridan: Est-ce que vous comprenez ce que je veux dire? En ce qui concerne les expressions «tort grave» et «préjudice important», les tentatives en vue de les éclaircir ont échoué.

Si nous devons envisager des moyens de le faire, par exemple, au lieu de simplement supprimer cette expression... Je sais que le président préfère que vous ne vous étendiez pas trop longtemps sur la définition que l'on pourrait donner à cette expression, mais -

M. Lande: L'expression «tort important» est définie d'une certaine façon à l'article 50 de la Loi sur la concurrence et d'une autre façon dans la loi sur le dumping. On en trouve une autre définition au paragraphe 113(5) de la Loi sur les transports nationaux. C'est une expression qui n'est pas vraiment claire. Elle ne possède aucune solidité sur le plan empirique; elle fournit uniquement une orientation. Elle pourrait probablement être améliorée. S'il existait une autre façon de la rendre plus claire, ce serait vraiment bien.

Mme Sheridan: Par conséquent, si nous la laissons telle quelle, nous devrons continuer à recourir à ces autres textes de loi avant qu'un expéditeur de charbon puisse déterminer si on accédera à sa demande en vertu du paragraphe 27(2) tel qu'il est libellé à l'heure actuelle.

M. Lande: La plupart des textes de loi renferment des expressions abstraites comme «intérêt public», «politique économique», ou «politique nationale des transports». Pourquoi s'arrêter alors à cette expression en particulier?

Il me semble que le rôle de l'Office national des transports est d'interpréter des lignes directrices, des directives conceptuelles. Effectivement, dire qu'une mesure est équitable et raisonnable sur le plan commercial ou est susceptible de causer un grave préjudice ne constitue pas la solution idéale mais j'estime que cela fait quand même appel au bon sens.

S'il me fallait choisir entre accepter le projet de loi tel quel ou le rejeter parce que certains articles risquent de donner lieu à une interprétation trop générale, je l'accepterais tel quel.

Mme Sheridan: Merci.

Le président: Avez-vous terminé, Georgette?

Mme Sheridan: Merci.

Le président: Monsieur Fontana.

M. Fontana (London-Est): Permettez-moi de poursuivre cet argument concernant le paragraphe 27(2).

Vous avez une certaine expérience pour ce qui est de comparaître devant l'Office national des transports au nom des expéditeurs. De toute évidence cela ne s'est pas produit très souvent car d'après ce que nous croyons comprendre, l'Office n'a pas eu à arbitrer de telles questions. Habituellement, c'est pour permettre aux deux parties de négocier.

Par conséquent, je m'interroge sur deux choses. Je me demande si le paragraphe 27(2), c'est-à-dire la notion de «préjudice important» ou « de tort important» - appelez-la comme vous voulez - fera hésiter encore plus les expéditeurs à s'adresser à l'Office. Est-ce que cette notion les découragera de présenter même une demande et ce, malgré que nous ayons essayé de leur expliquer qu'il s'agit en fait uniquement d'une directive destinée à l'Office concernant le redressement à apporter en fonction des faits du dossier?

Je me demande simplement si à votre avis - puisque vous possédez certaines connaissances et une certaine expérience à cet égard - cela risque vraiment de causer des difficultés et s'il ne s'agit pas d'une impression?

.1630

M. Lande: Je vous en donnerai un bref exemple. J'ai représenté une société qui a fait appel à l'Office national des transports en soutenant qu'elle avait perdu une possibilité de transport - il s'agissait du transport de sel fin - parce que les prix étaient non compensatoires. L'Office national des transports a déclaré que les prix étaient inférieurs au coût du transport ferroviaire mais que cela ne causait pas de tort important à l'industrie. La société que j'ai représentée a indiqué avoir subi un préjudice d'environ six millions de dollars. Elle a dû mettre un de ses navires en cale et considérait que cela lui avait causé un tort important.

Nous sommes alors allés devant la Cour d'appel fédérale et par une décision majoritaire de trois voix contre deux, la voix décisive étant celle du juge en chef de la Cour d'appel fédérale, la Cour a déclaré qu'un préjudice important signifie qu'une société doit faire faillite. C'est la définition de fixation d'un prix abusif.

Cependant le juge en chef de la Cour d'appel fédérale - et l'affaire est maintenant devant la Cour suprême - a déclaré que tort important signifie tort important. Cela signifie qu'un certain tort a été causé. C'était un tort notable. C'était quelque chose de grave. Ce n'est pas que la société devait faire faillite mais qu'elle avait subi un tort grave.

Cette expression est donc en fait complexe. Il serait préférable qu'il existe une formule plus claire. Le règlement qui accompagne la loi pourrait peut-être prévoir certains paramètres, mais à l'heure actuelle -

M. Fontana: D'accord, je pense que cette explication suffit.

Pour ce qui est de la solution de rechange, pourrais-je vous poser une question? Ici encore je n'ai pas eu l'occasion de parcourir le document. Manifestement vous avez beaucoup d'expérience. Je pense que M. Naud a demandé à certains expéditeurs quels sont ceux qui sont captifs et ceux qui ne le sont pas, dans quel secteur s'exerce ou non la concurrence et quelle a été la tarification par groupe de produits depuis 1988. Je pense que certains de ces renseignements s'y trouvent.

Vous semblez dire que dans la plupart des cas, à l'exception de certains expéditeurs de vrac, il existe une assez bonne concurrence au pays entre plus d'un chemin de fer ou plus d'un mode de transport. Par conséquent, si je vous demandais de protéger ceux qui sont les plus vulnérables, ceux qui sont réellement captifs, serait-il dans notre intérêt de tâcher de définir la captivité selon le modèle américain? Si l'on définissait la captivité, cela fournirait-il une certaine orientation à l'Office pour ce qui est de déterminer ce qui constitue un préjudice important?

M. Lande: Le modèle américain donne une très mauvaise définition de la captivité. À ma connaissance, à une seule occasion le Interstate Commerce Commission a déclaré qu'une société charbonnière était en fait assujettie à la dominance du marché. Par conséquent, sur les centaines d'interventions possibles, cette commission a jugé qu'il n'y avait eu captivité que dans un seul cas.

Je ne crois pas qu'il soit utile d'avoir un critère de captivité. De plus, bien qu'à mon avis le paragraphe 27(2) ne favorise pas les expéditeurs, la loi devrait être étudiée dans son ensemble. L'arbitrage des propositions finales ne favorise pas les transporteurs. Les obligations de transporteur public ne favorisent pas les transporteurs. Tout bien pesé, certains aspects favorisent les expéditeurs et d'autres favorisent les transporteurs; il se trouve que le paragraphe 27(2) favorise les transporteurs.

Dans l'ensemble, le projet de loi est valable. Il n'est parfait pour personne.

Le président: Merci, monsieur Lande. Nous sommes heureux de constater que le projet de loi C-101 vous semble équilibré et nous vous remercions de la présentation que vous avez faite au comité.

M. Lande: Je tiens à vous remercier de m'avoir entendu.

Le président: Nous invitons maintenant les représentants de l'Association canadienne du gaz.

.1635

John Klenavic et Robert Waldon représentent l'Association canadienne du gaz. Nous vous souhaitons la bienvenue à notre comité, messieurs Klenavic et Waldon. Si vous pouviez nous faire votre présentation en 15 minutes ou moins, nous aurions des questions à vous poser. Merci.

M. Robert Waldon (superviseur, Gestion foncière, Union Gas Ltd., Association canadienne du gaz): Merci beaucoup, monsieur le président. Compte tenu de votre charge de travail, je vous promets d'être bref. J'espère que nous pourrons vous aider et nous vous remercions de cette occasion de comparaître devant vous aujourd'hui.

Je m'appelle Robert Walson. Je suis superviseur de la gestion foncière à Union Gas à Chatham en Ontario. Je suis accompagné de John Klenavic, qui est vice-président des politiques à l'Association canadienne du gaz.

Nous avons un certain nombre de questions importantes concernant le franchissement par desserte des voies ferrées. Comme je l'ai dit, nous serons brefs. Nous avons une très brève présentation que nous pourrions déposer, avec votre permission, monsieur le président, et qui traite plus en détails des questions abordées dans la lettre du 27 septembre que vous a adressé l'association. Je pense qu'elle permettrait d'étoffer un peu plus certains renseignements qui ont été présentés plus tôt.

Le président: Bien sûr, le greffier se chargera de la déposer. Merci.

M. Waldon: Merci beaucoup. Vous connaissez peut-être notre association, l'Association canadienne du gaz. Elle représente 320 membres de l'industrie du gaz, y compris toutes les grandes sociétés de transport par gazoduc et de distribution de gaz naturel au Canada. Ensemble, ces sociétés servent environ 4,3 millions de clients résidentiels, commerciaux et industriels qui utilisent le gaz naturel pour le chauffage et l'énergie.

Les entreprises de transport par gazoduc sont réglementées par les gouvernement fédéral ou provincial et les projets de construction de gazoducs sont approuvés uniquement s'ils sont considérés être dans l'intérêt public. Nous assurons donc un service essentiel aux particuliers et aux entreprises qui dépendent du gaz naturel pour leurs besoins en chauffage et en énergie.

Nous considérons que le projet de loi C-101 offre l'occasion, comme l'a déclaré M. Douglas Young, de moderniser et de rationaliser la réglementation régissant les chemins de fer en s'attaquant à un certain nombre de difficultés historiques concernant le franchissement par desserte des voies ferrées.

Fondamentalement, nous reconnaissons que les services ferroviaires et les services publics tels que les gazoducs sont des services essentiels pour la société canadienne. En fait, les gazoducs et les chemins de fer sont dans une grande mesure complémentaires. Les gazoducs assurent une source économique d'énergie à un grand nombre des mêmes entreprises dont les produits sont expédiés par rail. Il convient donc que le comité envisage d'apporter des améliorations au projet de loi C-101, qui contribueront également à moderniser et à rationaliser le processus permettant aux services publics de franchir les voies ferrées.

Afin d'atteindre les particuliers, les collectivités et les entreprises qui souhaitent profiter des avantages économiques et environnementaux qu'offre le gaz naturel, les gazoducs doivent souvent franchir les voies ferrées. Les voies ferrées font partie de notre environnement artificiel. Il faut que les responsables des chemins de fer et des gazoducs puissent s'acquitter de leur mandat dans l'intérêt public de façon à favoriser la sécurité, l'efficacité et la fiabilité de leurs services.

Les lois et les règlements actuels régissant le franchissement par desserte des voies ferrées appuient adéquatement l'objectif visé en matière de sécurité. Les procédures de conception, de construction et d'inspection ont été éprouvées et ces deux industries ont une excellente tradition de sécurité. Cependant, nous considérons que le processus réglementaire actuel régissant le franchissement n'a pas contribué à favoriser l'efficacité, ni la fiabilité. Nous estimons respectueusement que le projet de loi C-101, selon son libellé actuel, ne tient pas compte lui non plus de ces préoccupations.

Laissez-moi vous expliquer. La livraison du gaz naturel doit être efficiente. Cela veut dire qu'elle doit se faire rapidement et au coût le plus bas possible. Pour franchir une voie ferrée, toutefois, les installations de service public doivent tout d'abord présenter une demande à la compagnie de chemin de fer. Malgré les autres précédents fédéraux qui exigent une réponse rapide aux demandes de franchissement, une compagnie de chemin de fer n'est nullement tenue de le faire.

D'après notre expérience, il faut d'habitude entre trois et six mois à une compagnie de chemin de fer pour proposer un accord de franchissement, même si le franchissement répond aux normes exhaustives en matière de conception et de construction contenues dans le décret général E-10 de l'ONT, qui est le règlement régissant les franchissements de voies ferrées de même qu'aux codes de l'Association canadienne de normalisation.

.1640

Ce délai d'attente exerce d'énormes pressions sur la société de pipeline pour qu'elle accepte les conditions des compagnies de chemin de fer quelles qu'elles soient. Il s'agit notamment d'indemnités rigoureuses qui dépassent le niveau d'indemnisation qu'une société de pipeline doit verser à la compagnie de chemin de fer aux termes du décret général E-10 de l'ONT; du droit d'une compagnie de chemin de fer d'annuler unilatéralement ou d'imposer l'enlèvement ou la réinstallation d'un pipeline à court préavis de manière à rendre l'enlèvement ou la réinstallation impossible sans interruption majeure du transport et de la livraison du gaz; du paiement de frais d'application, d'administration et de location aux compagnies de chemin de fer que l'ONT et les tribunaux ont constamment refusé d'accorder et qui ne font que majorer le coût de la fourniture d'un service essentiel; d'accords qui sont de part leur nature un permis et non un intérêt enregistré permanent dans les emprises des compagnies de chemin de fer.

Les tentatives déployées tant par des particuliers que par l'industrie pour régler ces problèmes avec les principales compagnies de chemin de fer ont échoué.

Le seul recours de la société de service public consiste à présenter une demande de franchissement à l'Office des transports du Canada mais cela prolongerait le délai, jusqu'à 108 jours ou plus, comme le prévoit l'article 29 du projet de loi C-101. Cela va à l'encontre de l'objectif d'un service de pipeline efficient.

Nous estimons que le projet de loi C-101 devrait être modifié pour que les compagnies de chemin de fer soient tenues de répondre rapidement aux demandes de franchissement par desserte.

Il faudrait également mettre en place un mécanisme moins officiel et plus rapide de présentation des demandes à l'OTC, lequel permet que se poursuivre les franchissements conformes aux normes en attendant l'arbitrage des conflits sur les conditions des franchissements.

Nous demandons également que le projet de loi C-101 soit amendé afin de tenir compte de la position sur les frais qu'a toujours soutenu l'ONT et les tribunaux; à savoir que l'on interdise aux sociétés de chemin de fer d'exiger des frais d'application, d'administration, de location pour l'approbation d'un accord de franchissement.

Nous devons également indiquer respectueusement que le projet de loi C-101 dans sa forme actuelle ne garantit pas que les sociétés de pipeline vont continuer de fournir un service essentiel. Il en est ainsi parce que les compagnies de chemin de fer ne sont pas tenues d'informer les sociétés de service public de l'abandon ou de la vente proposée de leurs droits de passage. Elles ne sont pas non plus tenues de protéger les installations existantes des sociétés de service public lors de la vente des emprises.

Ces ventes peuvent être faites à des personnes qui n'ont pas l'intention d'utiliser le terrain à des fins ferroviaires. Si cette utilisation entraîne une excavation ou une construction ou va à l'encontre de la sécurité et du fonctionnement du pipeline existant, le pipeline risque alors d'être endommagé sans compter une interruption possible du service ou même une atteinte à la personne ou à la propriété.

De plus, si des accords sont assignés à un acheteur par la compagnie de chemin de fer, celui-ci risque d'invoquer les articles portant sur la réinstallation et l'enlèvement qui sont fréquents dans les accords de franchissement conclus avec la compagnie de chemin de fer.

Dans tous les cas, l'enregistrement d'une servitude permanente au Bureau d'enregistrement immobilier pertinent protégerait le pipeline et informerait adéquatement tout acheteur des droits de passage de la compagnie de chemin de fer. Nous demandons donc respectueusement que le projet de loi C-101 soit modifié de manière à exiger la protection des sociétés de service public lorsqu'une voie ferrée est abandonnée et avant qu'elle soit mise en vente.

En résumé, l'ACG propose trois amendements au projet de loi C-101: premièrement, que l'on exige des compagnies de chemin de fer qu'elles répondent aux demandes de franchissement des sociétés de service public dans les 30 jours et que l'on mette en place un mécanisme d'arbitrage accéléré pour régler les conflits en ce qui concerne les conditions des accords de franchissement qui retarderaient la construction des franchissements conformes aux normes; deuxièmement, que l'on exige des compagnies de chemin de fer qu'elles avertissent les sociétés de service public de leur intention d'abandonner une voie ferrée de même que d'accorder un droit de passage enregistré afin de protéger les installations de la société avant la vente d'une voie ferrée à un tiers, et enfin, que l'on interdise aux compagnies de chemin de fer d'exiger des frais d'application, d'administration ou de location en ce qui a trait aux franchissements par desserte.

Nous croyons que ces amendements faciliteront aux sociétés de pipeline le franchissement des voies ferrées et leur permettront d'assurer leur service essentiel d'une manière qui encourage la sécurité, l'efficience et la fiabilité. Ils sont conformes aux objectifs déclarés du projet de loi C-101 qui consiste à moderniser le transport par chemin de fer au Canada en reconnaissant les besoins légitimes d'autres parties qui sont touchées par la présence et l'abandon d'installations ferroviaires.

Monsieur le président, il s'agit là de notre mémoire. Nous vous remercions de l'attention que vous y apporterez. Nous serons heureux de répondre à toute question que les membres du comité voudront bien nous poser.

Le président: Merci, monsieur Waldon.

.1645

Simplement par curiosité, combien de fois la société gazière a-t-elle franchi des voies ferrées par le passé?

M. Waldon: Je ne pourrais vous donner un chiffre précis, mais je dirais à coup sûr qu'il y a des dizaines de milliers de franchissements.

Le président: Vous avez donc demandé aux compagnies ferroviaires de franchir leurs voies des dizaines de milliers de fois.

À combien de reprises avez-vous préparé une proposition qui disait au CN ou au CP: «Nous voulons franchir votre voie à tel point de raccordement. Si l'on se fonde sur la dernière expérience, voici combien il nous en coûte, quels étaient les frais et ainsi de suite. Voici le coût approximatif que nous estimons, la proposition et le montant d'argent. Qu'en pensez-vous?

M. Waldon: Monsieur le président, nous n'avons pas cessé de négocier avec le CN depuis quatre ans.

Le président: C'est une simple question. Vous présentez à la compagnie une demande pour franchir une voie et vous y précisez le montant que vous allez payer. Combien de fois avez-vous fait cela?

M. Waldon: Il est impossible de dire à une compagnie de chemin de fer combien vous proposez de payer. La compagnie de chemin de fer exige simplement des frais de service. Étant donné la nécessité de fournir ces installations de pipeline rapidement, la société de pipeline n'est pas en position de négociateur.

Le président: Croyez-vous que le service serait offert rapidement si votre proposition à la compagnie de chemin de fer en ce qui a trait au franchissement incluait un chiffre approximatif fondé sur le dernier franchissement?

M. Waldon: Est-ce que je pense que le fait de proposer des frais de service à la société de chemin de fer accélérerait le franchissement?

Le président: Si le montant d'argent qu'il vous en coûte pour effectuer le travail et les frais qui s'y rattachent étaient contenus dans la proposition lorsque vous la présentez à l'origine... Pour épargner du temps et de ne pas attendre des mois, le chiffre est déjà là. Vous dites simplement à la compagnie, mettons-nous au travail plutôt que de lui dire nous aimerions faire ceci, vous nous dites ensuite combien cela va coûter au lieu de jouer ce jeu de navette. Vous vous plaignez du temps qu'il leur faut pour vous faire une proposition.

M. Waldon: Par le passé, ce ne sont pas les négociations relatives aux frais qui ont empêché d'obtenir ces accords de franchissement, mais le fait que les compagnies de chemin de fer prennent un temps fou à traiter les demandes. Ces demandes de franchissement sont conformes aux normes de conception de même qu'au décret général E-10. Elles sont assez simples. Elles ont été présentées à de nombreuses reprises et il n'y a vraiment aucune raison pour qu'elles ne soient pas traitées rapidement. Je ne crois pas que les frais eux-mêmes interviennent dans le processus.

Le président: Donc, ce n'est pas ce facteur qui retarde le processus et ce n'est pas pour cette raison que vous présentez ensuite une demande à l'ONT. Vous voulez tout simplement obtenir l'autorisation de traverser la ligne de chemin de fer.

M. Waldon: La loi actuelle précise qu'il faut obtenir cette autorisation. Nous devons d'abord nous adresser à la compagnie de chemin de fer et c'est à ce niveau-là que les retards commencent à s'accumuler.

Pour ce qui est des demandes présentées à l'ONT, il y en a eu, dans le passé, qui portaient non seulement sur les frais, mais également sur les modalités des accords de franchissement. Il faut également en présenter lorsqu'un pipeline ne correspond pas aux normes de conception du décret général E-10.

Le président: Monsieur Mercier.

[Français]

M. Mercier: Monsieur Waldon, vous parlez du problème du croisement d'un gazoduc avec une ligne de chemin de fer. Ce problème est analogue à celui que rencontrent les municipalités quand une route doit traverser une ligne de chemin de fer. Je suis sensibilisé à ce problème.

Vous dites que vous estimez essentiel de garder un organisme tel que l'Office, auquel il est possible de soumettre des questions litigieuses, notamment quant aux frais imposés pour les croisements avec un gazoduc.

Le projet de loi, au paragraphe 27(2), dit comment on peut demander l'arbitrage de l'Office:

En d'autres mots, je vois ici que le projet de loi ne prévoit que la demande d'arbitrage par un expéditeur et ne prévoit l'arbitrage de l'Office que dans le cas d'un envoi et non pas d'un croisement.

.1650

Estimez-vous que cet article devrait être modifié de manière à couvrir de façon explicite le cas d'une traverse et non pas d'un envoi, et le cas qui est le vôtre plutôt que celui d'un expéditeur?

[Traduction]

M. John Klenavic (vice-président, Politique, Association canadienne du gaz): Cela ne réglerait aucun problème sur le plan administratif, monsieur le président. Ce ne sont pas les frais qui sont en cause. Les tarifs imposés aux expéditeurs peuvent, eux, présenter un problème en vertu de l'article que vous avez cité.

Dans ce cas-ci, c'est l'autorisation de traverser la ligne de chemin de fer, assortie d'un droit de passage, qui pose problème. Habituellement, le pipeline ne traverse pas la ligne de chemin de fer, puisque tous les travaux se font sous terre, ce qui est un peu différent d'une route municipale qui, elle, traverse la voie ferrée.

M. Waldon: Monsieur le président, j'aimerais ajouter quelques précisions.

L'article 102 du projet de loi porte sur les franchissements. Il précise que nous devons d'abord obtenir de la compagnie de chemin de fer l'autorisation de traverser la ligne de chemin de fer. C'est à ce niveau-là qu'il y a des retards.

[Français]

M. Mercier: Vous dites que vous aimez que l'Office national des transports garde une possibilité d'arbitrage. Il me semble que dans ce cas-là, il faudrait qu'il soit dit explicitement que les cas de traverse peuvent être soumis à l'arbitrage de l'Office.

[Traduction]

M. Waldon: Je m'excuse, monsieur Mercier, je ne suis pas sûr d'avoir compris la question. Pouvez-vous la répéter?

[Français]

M. Mercier: Je dis que dans la disposition qui prévoit la demande d'arbitrage auprès de l'Office, on prévoit les cas d'envoi, d'expédition, mais pas les cas de traverse. Trouvez-vous qu'il y a là une lacune ou si vous trouvez que l'autre disposition vous couvre suffisamment?

[Traduction]

M. Waldon: Je ne peux pas vous donner une opinion juridique là-dessus. Je ne suis pas un avocat. Je ne m'occupe que des franchissements. Toutefois, le processus pourrait être grandement amélioré s'il existait une sorte de mécanisme d'arbitrage.

Je ne pense pas que cet article permette de régler le problème. Toutefois, s'il y a une lacune, alors oui, il serait avantageux d'avoir un mécanisme d'arbitrage pour régler les différends que soulève la question des franchissements.

[Français]

M. Mercier: Je suis d'avis qu'il y a là lacune.

[Traduction]

Le président: On ne s'entend pas sur ce point.

Monsieur Gouk.

M. Gouk: J'ai devant moi l'article 102. Il dit, si j'ai bien compris, que vous pouvez présenter une demande à l'Office si vous avez un problème. Ce dernier prendra une décision, ce qui constitue essentiellement une forme d'arbitrage. Vous dites qu'il lui faut jusqu'à 120 jours pour rendre une décision. Vous voudriez que le délai soit moins long?

M. Waldon: Il ne faut pas oublier qu'il faut avant cela demander à la compagnie de chemin de fer si elle accepte que le franchissement soit construit et dans quelles conditions. Parfois, cela peut prendre jusqu'à six mois.

M. Gouk: Est-ce que le problème vient du fait que certaines décisions sont prises rapidement tandis que d'autres prennent plus de temps, ou ont-elles toutes tendance à faire l'objet d'un processus assez long?

M. Waldon: Cela varie d'une région à l'autre.

M. Gouk: Lorsque vous obtenez l'autorisation d'aller de l'avant avec le projet, qui installe le gazoduc, la société gazière ou la compagnie de chemin de fer?

M. Waldon: C'est l'entrepreneur de la société gazière qui installe le gazoduc.

M. Gouk: Est-ce que le trafic ferroviaire est perturbé pendant les travaux?

M. Waldon: De manière générale, non. Il ne devrait pas être perturbé. La compagnie de chemin de fer affecte des signaleurs sur le terrain par mesure de sécurité, et les travaux de construction peuvent être organisés de manière à éviter le trafic ferroviaire, par exemple.

M. Gouk: Mais vous devez habituellement creuser au lieu de percer un tunnel, n'est-ce pas?

M. Waldon: En général, nous creusons d'abord de chaque côté de l'emprise du chemin de fer et ensuite sous terre, de sorte que le trafic ferroviaire n'est pas perturbé.

M. Gouk: Et il leur faut quand même tout ce temps pour rendre une décision.

Vous devez parfois traverser des terrains privés.

M. Waldon: Oui, absolument.

M. Gouk: Qu'arrive-t-il si un propriétaire refuse de vous laisser traverser ses terres?

.1655

M. Waldon: Cela dépend de la situation. Dans le cas des pipelines qui ont été approuvés par l'Office national de l'énergie ou par l'organisme de réglementation provincial, si les parties de ne peuvent s'entendre parce qu'il s'agit d'un projet d'intérêt public, les terres peuvent être expropriées. Il n'existe pas de tel recours pour les lignes de distribution qui alimentent en gaz naturel les foyers et les entreprises et qui sont construites en vertu d'accords de concession négociés avec les municipalités locales.

M. Klenavic: Avant d'exproprier les terres, il faut passer par le mécanisme d'arbitrage que prévoit la Loi sur l'Office national de l'énergie. Si un propriétaire n'accepte pas l'emplacement choisi pour la construction du pipeline, il peut interjeter appel.

Mais cette procédure est rarement utilisée. Il y a quelques années, la compagnie Pipeline Interprovincial a entrepris des travaux en vue d'installer des pipelines sur les terres de quelque 900 propriétaires. Il a fallu demander la tenue d'une audience d'arbitrage, mais les deux parties ont retiré leurs objections le jour où l'audience devait avoir lieu.

M. Gouk: Donc, combien de temps faut-il normalement pour obtenir les autorisations nécessaires en vue d'installer des conduites sur des terrains privés?

M. Waldon: Encore une fois, cela dépend de la complexité du dossier et de la nature des terrains en question. Il est difficile de dire de manière précise combien de temps il faut pour obtenir les autorisations.

M. Gouk: Concernant les terrains privés, est-ce que la superficie requise pour installer des conduites est identique, supérieure ou inférieure à celle qui est requise pour les franchissements?

M. Waldon: Je dirais qu'elle est supérieure.

M. Gouk: Et dans le cas passages, jugez-vous la procédure acceptable?

M. Waldon: La construction de passages doit, bien entendu, faire l'objet de négociations - la société de pipelines et le propriétaire doivent conclure une entente - tandis que la construction de franchissements est une activité beaucoup plus réglementée.

M. Gouk: Est-ce qu'il faut plus de temps pour construire un franchissement qu'un passage?

M. Waldon: Vous voulez dire sur un terrain privé?

M. Gouk: Oui.

M. Waldon: Absolument.

M. Gouk: Seriez-vous satisfait si, essentiellement, les emprises des compagnies de chemin de fer étaient considérées comme des terrains privés et non comme des couloirs ferroviaires?

M. Klenavic: Il y a là une légère différence étant donné que le propriétaire est indemnisé pour l'utilisation du terrain et que certaines conditions lui sont imposées - par exemple, aucune installation ne peut être construite sur le pipeline. Dans ce cas-ci, il s'agit d'un service de distribution de gaz qui croise un autre service public, tous les deux dans le but de servir l'intérêt public; les frais finissent par être payés par l'usager.

M. Waldon: On pourrait aussi utiliser l'exemple d'un pipeline qui croise un autre pipeline ou d'un pipeline qui croise une ligne électrique ou une autre desserte. De manière générale, il n'y a pas de problèmes et les plans sont approuvés à l'avance. Si les normes de conception sont respectées, il n'y a aucun problème.

M. Nault (Kenora - Rainy River): Est-il juste de dire que lorsque vous présentez une demande à l'Office, le principal différend entre votre société et les compagnies de chemin de fer porte sur le coût?

M. Waldon: Je ne crois pas que ce facteur constitue la principale source de friction. Les modalités des ententes peuvent constituer une source de préoccupation, tout comme l'imposition de frais, surtout lorsque la plupart des franchissements par desserte qui croisent divers services n'entraînent pas de frais et que l'inspection et la vérification se font gratuitement, comme dans le cas des pipelines.

M. Nault: Il s'agit essentiellement de savoir s'il faut payer ou non - parce que si vous dites que les compagnies de chemin de fer sont des services publics, je suppose qu'on ne s'entend pas sur ce point. Le projet de loi précise au paragraphe 28(2) que des arrêtés provisoires peuvent être pris. Donc, si les différends entre votre société et les compagnies de chemin de fer portent non pas sur la question de savoir si vous pouvez utiliser ou traverser les chemins de fer, mais sur certaines modalités de l'entente - essentiellement, les coûts - qu'est-ce qui vous empêche de...? Si vous êtes d'accord, vous allez devoir installer le pipeline à cet endroit-là et demander ensuite à l'Office de trouver une solution au problème. Pourquoi n'essayez-vous pas d'obtenir un arrêté provisoire? Parce que, de toute façon, c'est l'Office qui va trancher la question.

.1700

M. Waldon: Je ne connais pas la procédure que vous êtes en train de décrire.

M. Nault: Vous parlez de l'article 29 dans votre mémoire. Le paragraphe 28(2) dispose que:

Ce qui veut dire qu'il peut vous donner le feu vert en quelques jours seulement, non pas en 120 jours. Cette procédure est prévue dans la loi. Vous n'y avez jamais eu recours?

M. Waldon: Je ne peux pas vous dire si cette procédure est prévue dans la loi actuelle. Si elle l'est, je ne sais pas si la compagnie y a déjà eu recours.

M. Klenavic: Il est possible que la compagnie de pipeline soit obligée, plus tard, de déplacer ou de fermer le pipeline - ce qui n'est pas une bonne façon de faire les choses - si l'arrêté provisoire n'est pas confirmé. S'il l'est, vous n'avez pas besoin d'un tel arrêté.

M. Nault: Non, je vous ai demandé si, dans la plupart des cas, et je me fie à vos propos, le différend portait surtout sur les coûts. Vous ne voulez pas payer. Il me semble que les compagnies de chemin de fer ont accepté de vous laisser utiliser ou traverser leurs lignes plusieurs milliers de fois. Donc, le débat porte plutôt, dans la plupart des cas, sur les frais que devra assumer votre entreprise pour installer un pipeline sous la voie ferrée.

Donc, s'il s'agit d'une question de coûts et que vous demandez à l'Office de trancher le différend, qu'est-ce qui vous empêche d'obtenir un arrêté provisoire pour poursuivre vos travaux, étant donné que l'Office rendra sa décision d'ici 120 jours?

M. Waldon: Le fait d'utiliser un arrêté provisoire est une idée intéressante; je demanderai à la compagnie de se pencher là-dessus. Mais pour ce qui est de la question des coûts, je tiens à dire que les modalités des accords de franchissement constituent habituellement la principale source de friction.

Oui, les coûts nous préoccupent. Nous voulons fournir une source d'énergie économique. Toutefois, nous devons tout de même, dans le cadre du processus actuel, nous adresser à la compagnie de chemin de fer et attendre de connaître sa réponse avant de demander l'intervention de l'ONT.

M. Nault: Entendu. Je crois comprendre que cette procédure figure dans la loi actuelle. Je suis étonné de voir que vous n'y avez jamais recours étant donné que, dans la plupart des cas, le différend porte sur les coûts.

Ma deuxième question, et c'est la dernière sur le sujet, concerne la protection des intérêts des sociétés propriétaires de pipeline en cas de vente ou d'abandon des lignes de chemin de fer. D'après le projet de loi C-101, si personne ne veut acheter une ligne abandonnée, si on ne réussit pas à la vendre à quelqu'un qui continuera de l'exploiter, vous pouvez en faire l'acquisition si aucun des paliers de gouvernement ne souhaite l'acheter, pour protéger votre droit de passage ou je ne sais quoi. Ne jugez-vous pas cette protection suffisante? Vous avez la possibilité, comme n'importe quelle autre société ou entreprise, d'acheter ce droit de passage.

M. Waldon: Il faut savoir qu'en général, nous traversons ces emprises de chemin de fer. Il y a quelques occupations longitudinales, mais elles sont l'exception plutôt que la règle. Ce qui nous intéresse se limite véritablement à l'emplacement du franchissement plutôt qu'à toute la longueur de l'emprise du chemin de fer.

M. Nault: Oui, c'est ce que je veux dire. Dans la plupart des cas, vous achetez des terres à des propriétaires privés. Qu'est-ce qui vous empêche d'acheter -

M. Klenavic: Excusez-moi, mais nous n'achetons pas de terres habituellement. Il s'agit plutôt d'une entente conclue relativement à un droit de passage.

M. Nault: Un droit de passage.

M. Klenavic: Oui, le propriétaire de la terre en conserve la propriété.

M. Nault: Voulez-vous parler de propriétaires privés?

M. Klenavic: Oui.

M. Nault: Essentiellement, vous ne pensez pas que ce soit une bonne idée d'acheter ces terres pour protéger vos intérêts. Vous pensez que vous devriez obtenir un droit de passage automatique.

M. Waldon: Je crois que si nous devions acheter les emprises de chemin de fer pour protéger les divers franchissements, les sociétés de pipeline deviendraient des propriétaires assez importants, et cela ne correspond pas vraiment aux objectifs de notre entreprise.

Le président: Merci. Nous avons une dernière question, posée par M. Guimond; nous continuerons ensuite le débat.

.1705

[Français]

M. Guimond (Beauport - Montmorency - Orléans): Vous dites qu'un des sujets qui vous préoccupent est la protection des intérêts des sociétés propriétaires en cas de vente ou d'abandon. Pour nous, sujets au droit civil, au Québec, il est clair que lorsqu'un terrain est vendu assorti d'une servitude de gazoduc, par exemple, les nouveaux propriétaires demeurent liés par l'obligation imposée par la servitude.

Pourquoi voulez-vous qu'on ajoute à cela? En common law, dans le reste du Canada, ce n'est pas clair? Les gens peuvent-ils perdre leurs droits si le terrain ou la ligne de chemin de fer est vendu ou abandonné? Le propriétaire de pipeline perd-il son droit? Doit-il renégocier avec le prochain propriétaire?

[Traduction]

M. Waldon: À l'heure actuelle, les compagnies de chemin de fer n'accordent pas de droit de passage aux pipelines. Elles nous donnent un permis, qu'elles peuvent annuler unilatéralement.

Si l'exploitation du chemin de fer est abandonnée et que l'emprise est vendue à un tiers, il se peut que cette tierce partie cherche à appliquer les clauses d'annulation du permis.

Il y a des lois provinciales qui protègent les droits de ceux qui ont des intérêts dans les terres; cette protection est habituellement assurée par l'enregistrement de l'accord pertinent au bureau d'enregistrement immobilier ou, dans le cas du Québec, dans les procès-verbaux du notaire local. Comme nous ne recevons qu'un permis plutôt qu'un droit de passage, il n'est pas possible d'enregistrer et de lier ces intérêts à la propriété.

[Français]

M. Guimond: Concernant le délai que vous demandez, vous trouvez que l'Office rend ses décisions beaucoup trop tard, ce qui vous fait perdre du temps. Que diriez-vous si on modifiait le paragraphe 102(3)? Ce paragraphe prévoit que s'il n'est pas possible de conclure une entente, l'Office peut autoriser la construction ou désigner le responsable de l'entretien. On pourrait peut-être forcer l'Office à rendre un décision dans un certain délai au paragraphe 102(3). Quel genre de délai pourrait vous satisfaire?

[Traduction]

M. Waldon: Permettez-moi de préciser; nous ne voulons pas dire que l'ONT, en tant qu'office, est lent à réagir. Nous disons que la période précédant le moment où l'on peut s'adresser à l'ONT est longue et, d'après ce que nous comprenons du projet de loi, l'ONT pourrait disposer d'un délai de 120 jours au moins, si pas plus. Cela ne veut pas dire qu'il prendrait tout ce temps là.

Lorsqu'un franchissement d'un chemin de fer par pipeline respecte tous les règlements pertinents - les arrêtés E-10, ainsi que ceux de l'Association canadienne de normalisation - de telle sorte qu'il s'agit d'un franchissement standard et que toutes les parties en comprennent bien la conception, s'il y a conflit au sujet des clauses de l'entente, il faudrait le mettre de côté pour permettre le franchissement par pipeline. Le conflit pourrait être réglé par l'entremise d'un genre de mécanisme d'arbitrage ou de négociation, dont le caractère serait peut-être moins officiel que celui de la présentation d'une demande à l'ONT. Cela serait peut-être à l'avantage de toutes les parties, au chapitre des économies et de l'assouplissement du processus.

M. Guimond: Merci.

Le président: Vous parlez de dizaines de milliers de franchissements. À combien s'élèvent approximativement les frais annuels que vous payez?

M. Waldon: Je ne pense pas pouvoir citer des chiffres pour l'industrie dans son entier.

Le président: Non, mais en ce qui concerne votre propre société.

M. Waldon: Des centaines de milliers de dollars dans tous les cas. Cela représente de 150 000 à 200 000 $ par an environ.

Le président: Ce sont les frais versés à la compagnie de chemin de fer?

M. Waldon: Oui et nous avons chaque année une révision des divers frais de la compagnie de chemin de fer. Nous recevons souvent des avis d'augmentation.

Le président: Messieurs, je vous remercie pour l'exposé que vous avez présenté au comité. Nous vous remercions du travail que vous avez accompli. Bonne chance.

M. Waldon: Merci.

Le président: J'invite maintenant nos prochains témoins qui représentent la Grain Services Union.

.1710

Monsieur Wagner, bienvenue au Comité des transports. Nous vous saurions gré de bien vouloir nous présenter votre rapport en l'espace de 15 minutes de manière que nous puissions ensuite vous poser quelques questions.

M. Hugh J. Wagner (secrétaire général, Grain Services Union): Merci, monsieur le président.

Nous avons plusieurs observations à faire sur le projet de loi C-101. En outre, comme je l'ai indiqué à votre greffier, nous vous laisserons pour examen ultérieur une étude d'impact, commandée par l'Union, sur les effets de l'abandon d'exploitation des lignes de chemin de fer et de la fusion des silos régionaux découlant d'un tel abandon. À mon avis, ces deux processus sont inextricablement liés l'un à l'autre.

Monsieur le président et membres du comité, je représente un groupe de personnes qui travaillent essentiellement dans l'industrie des silos régionaux de l'ouest du Canada, principalement en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba. En ce qui concerne le projet de loi C-101, nous nous inquiétons en particulier des aspects relatifs à l'abandon d'exploitation d'embranchements ferroviaires et des répercussions d'un tel abandon sur l'infrastructure et les collectivités rurales, ainsi que sur les emplois dans cette industrie.

À l'heure actuelle, 4 000 employés environ travaillent directement dans les silos régionaux primaires. Ils travaillent dans près de 900 collectivités et dans quelque 1 400 emplacements de silos. Le processus instauré par le projet de loi C-101, ou plus exactement, par le budget fédéral de février, avant le dépôt du projet de loi C-101 et l'élimination de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest, suscite de graves inquiétudes à propos de la viabilité de l'emploi et, partant, de la viabilité d'un nombre important de collectivités rurales des Prairies.

Nous ne nous opposons pas au changement, même en faisant un effort d'imagination, mais à notre avis, avant d'apporter des changements systématiques à la structure et au fondement actuels de notre système de transport, il faut en examiner tous les coûts et les répercussions.

Par exemple, en octobre dernier le groupe du 16 mai de l'honorable Ralph Goodale, dont mon union est membre, s'est réuni à Regina (Saskatchewan). À cette réunion, les dirigeants des six grandes sociétés céréalières ont présenté un énoncé des perspectives d'avenir intitulé: «Vision for the Grain and Oilseed Industry in the Year 2005».

Sur les cinq objectifs, les trois premiers indiquent que le Canada disposera de la structure de production, de commercialisation, de transport et de manutention la plus efficace, la plus viable et la plus compétitive du monde; ensuite, il faudrait s'engager à donner à nos clients ce qu'ils veulent, là où ils le veulent et quand ils le veulent, qu'il s'agisse de produits non préparés ou de produits transformés; enfin, nous doublerons collectivement notre capacité d'exportation et de transformation des céréales et oléagineux.

Au nom de l'organisation que je représente, je peux dire que nous souscrivons à ces objectifs, mais comme dans le cas de toute déclaration ou tentative humaine, ce sont les détails d'application qui poseront des problèmes. Par conséquent, au sein de notre organisation, nous avons pris des mesures pour envisager l'avenir et c'est la raison pour laquelle nous avons commandé l'étude, que je vous laisse, qui s'intitule: «The Impact of Elevator Consolidation».

Nous avons procédé de la sorte pour répondre en partie au manque d'information. Je ne sais pas si les membres du comité le savent ou non, mais dans le cadre de toutes les discussions et de tous les débats qui ont lieu au sujet de déréglementation du transport, qu'il s'agisse des voies ferroviaires, du camionnage, des tronçons particuliers d'expédition ou des industries subsidiaires et satellites, comme l'industrie céréalière, il faudrait assortir toute loi visant la soi-disant déréglementation d'un élément qui prévoit un processus d'adaptation à l'intention des travailleurs.

Notre industrie du transport représente littéralement des dizaines de milliers d'emplois. Jusqu'à présent, aucun processus d'adaptation cohérent, bien pensé, n'a été prévu à l'intention des travailleurs, lorsqu'ils sont touchés par des changements comme celui que représente le projet de loi C-101. Plus que quiconque, celui qui travaille dans un silo - et la collectivité dans laquelle il vit - va être touché par les dispositions du projet de loi C-101 relatives à l'abandon d'exploitation des lignes de chemin de fer.

.1715

Pas plus tard que vendredi dernier, le groupe de travail ministériel sur les soi-disant lignes d'acier léger a publié son rapport à Toronto. Les 860 kilomètres d'embranchement qui faisaient l'objet d'un examen seront, je crois, abandonnés assez rapidement, probablement d'ici le printemps prochain. Quelque 100 travailleurs en subiront directement les conséquences, puisqu'ils perdront carrément leur emploi dans les silos. En outre, les équipes d'entretien et d'exploitation du chemin de fer seront touchées, de même que l'assiette de l'impôt dans ces collectivités rurales, ainsi que les coûts réels d'entretien des routes.

Si l'on va plus loin - et je ne crois pas que l'avenir prévu pour ces 860 kilomètres d'embranchement ait grandement surpris tous ceux qui, parmi nous, suivent l'industrie et ont activement contribué à son développement - ce qui nous inquiète essentiellement, ce sont les deuxième, troisième et quatrième vagues d'abandon d'exploitation d'embranchements. D'après l'étude que nous avons commandée, il semble que par suite du projet de loi C-101, de 2 500 à 9 500 kilomètres d'embranchement pourraient être abandonnés, selon les délais. Même d'après Agriculture Canada, quelque 4 800 kilomètres seront abandonnés.

D'après l'étude que nous avons commandée, nous nous dirigeons vers une configuration où quelque 110 silos de fin de ligne remplaceront les 1 400 silos régionaux actuels. Souhaitons-nous un tel système et sera-t-il vraiment à l'avantage d'une agriculture diversifiée et des collectivités qui dépendent de l'agriculture et du transport: telle est la question dont il n'est pas tenu compte ici et qui, nous le prétendons, mériterait de l'être.

Bien évidemment, l'abandon d'exploitation d'embranchements va entraîner certaines économies qui prendront en fait la forme de transferts de coûts. Les compagnies de chemin de fer et les sociétés céréalières pourront faire des économies au chapitre des travaux d'entretien et d'amélioration, des coûts que représentent les silos et leur main-d'oeuvre, mais ces économies représenteront des augmentations de coûts pour les agriculteurs et les travailleurs dans les collectivités où ils vivent et travaillent.

Se posent également des questions environnementales et de sécurité et, en fin de compte, on peut se demander à qui profitent les économies découlant d'un processus d'abandon d'exploitation beaucoup plus rapide, tel que le prévoit le projet de loi C-101?

Lorsque l'on compare la situation du Dakota-du-Nord à celle de la Saskatchewan, du Manitoba ou de l'Alberta, on s'aperçoit que le coût d'expédition d'une tonne de céréales du Dakota-du-Nord à la côte ouest des États-Unis n'est pas moins élevé qu'au Canada. La question que nous posons est donc la suivante: Pourquoi nous précipitons-nous dans ce qui pourrait éventuellement porter un coup fatal à la majeure partie de notre infrastructure de transport qu'en tant que contribuables nous avons payée, dont nous dépendons en tant que manutentionnaires et responsables du transport des produits, que nous avons bâtie et pour laquelle nous avons fait des sacrifices?

Le système, considérablement rationalisé, est devenu fort efficace et aucun autre pays ne surpasse le Canada à cet égard. Nous avons eu des problèmes de temps à autre, mais nous croyons qu'il est possible de les résoudre sans avoir à abandonner systématiquement l'exploitation du réseau ferroviaire des Prairies.

Comme je le disais plus tôt, 4 000 personnes sont actuellement employées dans les silos des Prairies. D'après les experts, il est prévu en l'espace de cinq ans de réduire ce groupe de moitié et ensuite, de le réduire encore pour qu'il ne compte que 1 650 employés environ.

.1720

Les frais de personnel du système actuel s'élèvent à 124 millions de dollars. Les prévisions à plus long terme diminuent ces dépenses de plus de la moitié. En outre, en utilisant un effet de multiplication, on arrive à une baisse annuelle de l'activité économique des trois provinces des Prairies de 150 à 200 millions de dollars. Cela ne tient pas compte de la perte de l'assiette de l'impôt que subiront les collectivités rurales, les chemins de fer et les sociétés de silos représentant les contribuables les plus importants.

Qui profitera des économies résultant de la fusion? Si j'avais la chance de pouvoir rédiger un amendement au projet de loi C-101 - et, d'après ce que j'ai entendu des témoins précédents, il s'agit d'une mesure législative très complète et il ne fait aucun doute que vous avez entendu beaucoup de témoins défendre leurs intérêts personnels et vous en entendrez probablement beaucoup plus encore - je dirais que le processus de prise de décisions à propos de l'abandon d'exploitation des embranchements devrait être confié aux intervenants. En d'autres termes, les agriculteurs, les travailleurs qui s'occupent des embranchements, les chambres de commerce régionales devraient, avec des représentants des gouvernements provinciaux et fédéral, constituer des groupes en mesure de prendre des décisions définitives quant à l'abandon d'exploitation d'un embranchement, puisque ce sont ces personnes qui, au bout du compte, paieront les frais.

Je suppose qu'il n'existe pas de moyen facile ou commode d'organiser une telle participation des intéressés. J'ai eu, entre autres, l'idée, que je recommande pour le compte de mon organisme aux ministres des Transports et de l'Agriculture, de former un comité régional pour chaque circonscription fédérale située dans les trois provinces. Chaque comité régional, présidé par le député de la circonscription, regrouperait des représentants de tous les groupes intéressés. Il prendrait la décision finale concernant l'abandon de la ligne secondaire.

M. Comuzzi: C'est du sadisme.

M. Wagner: Du sadisme, dites-vous? Peut-être bien, mais c'est voulu.

Donc, nous recommandons, avant que soit facilité l'abandon d'une voie ferrée dont la construction et l'entretien ont coûté des centaines de millions de dollars au contribuable canadien, d'en examiner d'abord l'impact sur le coût total, qui dépasse les simples coûts de routes supplémentaires, les économies réalisées à l'entretien et ainsi de suite. Il faudrait faire une évaluation complète des coûts et des avantages entraînés pour la collectivité qui dépend du réseau ferroviaire.

Le président: Monsieur Mercier, si vous le voulez bien.

[Français]

M. Mercier: Monsieur Wagner, vous dites que, dans le cas d'un projet d'abandon d'une ligne secondaire, la décision devrait être laissée aux représentants fédéraux, provinciaux et locaux, et que le député, en fin de compte, déciderait. Croyez-vous qu'il est très réaliste que cette décision soit prise par des organismes et des personnes extérieurs à la compagnie de chemin de fer qui, bien évidemment, devrait assumer les conséquences financières de la décision prise par d'autres? Est-ce que cela vous paraît réaliste?

[Traduction]

M. Wagner: Non seulement c'est réaliste, mais c'est aussi démocratique. On dira peut-être que la ligne secondaire appartient au chemin de fer. Toutefois, je vous rappelle que cette ligne secondaire a été construite, entretenue et exploitée avec l'aide considérable des contribuables canadiens. L'utilisateur du service paye aussi un tarif appréciable. Des gens ont investi des millions de dollars de leurs propres fonds dans la construction d'installations qui dépendent de cette ligne secondaire. Nous ne parlons pas ici du tarif exigé par le chemin de fer pour le fret, mais bien de l'existence d'une plate-forme lui permettant de faire ce transport.

.1725

L'approche est peut-être inhabituelle, différente de ce qui est envisagé dans le projet de loi. Cependant, je soutiens que cette approche est la plus démocratique, parce qu'elle permet à ceux qui sont touchés de prendre eux-mêmes la décision. Ils pourraient fort bien décider d'abandonner la ligne secondaire. Les lignes secondaires ne seront pas toutes maintenues, et elles ne le devraient pas.

[Français]

M. Mercier: Merci. Je vous fais simplement remarquer que l'optique que vous proposez est à 180 degrés de ce qui est dit dans ce projet de loi qui, lui, ne se préoccupe pas de l'intérêt public, mais de l'intérêt des compagnies.

[Traduction]

M. Wagner: Vous et moi pourrions fort bien être d'accord sur ce point.

M. Gouk: Êtes-vous conscient qu'il existe, dans le projet de loi, des dispositions qui interdisent au chemin de fer, si les terres lui ont été cédées par le gouvernement, d'en disposer à son gré? Savez-vous qu'il doit les rendre au gouvernement?

M. Wagner: Vous avez raison.

M. Gouk: Vous seriez d'accord avec cela et vous iriez même jusqu'à inclure les terres que les chemins de fer ont achetées ou acquises d'une autre façon?

M. Wagner: C'est exact.

M. Gouk: Je suis perplexe. Par contre, je comprends votre raisonnement.

À mon arrivée à Ottawa, je pensais, moi aussi, qu'on avait donné toutes les terres aux chemins de fer, que s'ils cessaient d'exploiter les voies ferrées, ils devaient nous les rendre. Depuis lors, j'ai eu le temps d'apprendre mes leçons: je sais maintenant combien de terres leur ont été cédées, combien les chemins de fer ont dû débourser de plus pour construire les voies ferrées, ce qu'ils ont dû faire des terres et de quelle manière. Les gouvernements de l'époque m'ont semblé un peu plus fins que ceux d'aujourd'hui: d'après ce que j'ai pu constater, ils s'en sont assez bien tirés lorsqu'ils ont cédé aux chemins de fer des terres situées en plein champ et morcelées en damiers et qu'ils leur ont dit: «Nous vous donnons nos terres. La seule façon d'en tirer profit est de les vendre. Vous avez donc tout intérêt à y construire des villes, à y attirer des gens et tout le reste si vous voulez qu'on utilise les voies ferrées que nous vous demandons de construire». Cela porte à réfléchir.

Je sympathise beaucoup avec vous. J'éprouve moi-même des difficultés analogues, mais dans une bien moindre mesure, en ce qui concerne l'abandon de lignes. Ce serait plutôt la méthode qui me préoccupe.

L'idée d'essayer de conserver toutes les lignes et de faire acheter par les autorités locales les terres lorsque le chemin de fer décide de ne plus exploiter une ligne va davantage dans le sens de l'intérêt public. Les autorités locales ont alors le choix d'acquérir les terres soit individuellement, en tant que municipalités, soit de concert avec des groupes de citoyens intéressés ou des syndicats, selon le cas.

Si j'ai bien compris, vous accepteriez un tel processus. Par contre, vous n'estimez pas devoir en payer la facture.

M. Wagner: Lorsque nous parlons des terres, je ne suis pas sûr s'il est question de maintenir le service ou de conserver la terre sur laquelle est construite la voie ferrée.

Je suppose que la propriété des terres me préoccupe moins, en fin de compte, que le maintien du service ou la participation de la collectivité au débat sur les options, car la fermeture d'une ligne secondaire entraîne inévitablement une augmentation de la circulation sur les routes municipales et les routes de section, etc. Cette utilisation accrue du réseau routier a un prix. Je dis que la collectivité devrait participer à la prise d'une décision aussi complexe, car elle devra faire plusieurs choix.

La manière ou l'opportunité de dédommager le chemin de fer est une autre question, à mon avis légitime, qu'il faudra examiner. Il se peut que le chemin de fer affirme pouvoir continuer d'exploiter la ligne secondaire s'il reçoit X dollars par tonne ou, dans le cas d'une ligne particulière, s'il peut exiger tant de plus pour le transport du fret. De telles augmentations feraient partie des options qu'aurait à examiner la collectivité, qui pourrait fort bien juger qu'en dépit d'un accroissement des tarifs, l'option est préférable à une utilisation accrue du réseau routier provincial.

La collectivité pourrait aussi décider d'acheter la ligne et d'en faire un chemin de fer d'intérêt local. À l'examen, l'idée pourrait paraître plus attrayante et même avoir un certain cachet, mais je soutiens que, la plupart du temps, elle n'est pas vraiment viable si la ligne est exploitée seule ou même en conjugaison avec quelques autres. Il faut un réseau beaucoup plus important pour supporter...

M. Gouk: Ne pourrait-il pas arriver, toutefois, que le chemin de fer soit, tenu aux termes de la présente loi, de rendre publique son intention de vendre la ligne secondaire ou de s'en défaire?

.1730

Plutôt que de vouloir acheter et exploiter une ligne sur courte distance, ne serait-il pas possible de demander au chemin de poursuivre son exploitation en vous montrant disposés, si vous le pouvez, à faire certaines concessions qui lui permettront de le faire? Vous pourriez négocier.

Si un autre achète la ligne et qu'il est disposé à l'exploiter comme chemin de fer, parfait. Par contre, s'il ne l'est pas, vous pourriez simultanément envisager des négociations, plutôt qu'une offre d'achat, en vue de l'encourager à poursuivre son exploitation en lui offrant de nouveaux débouchés.

M. Wagner: Cette option pourrait fort bien être préférable à l'exploitation sur une courte distance ou à l'abandon. En fait, le Syndicat national des cultivateurs a commandé une étude sur le sujet, étude dont les auteurs ont recommandé de former une autorité ferroviaire régionale, dans les Prairies, pour justement donner suite à ce genre d'idée. Plutôt que de laisser le CN ou le CP se retirer du secteur, leur présence serait maintenue, mais sous une autre forme.

Je suis sûr qu'avec la participation de la collectivité, différentes solutions et possibilités seront mises de l'avant et, même si cette démarche est plus longue, je la préfère nettement à l'autre option qui consiste à tout abandonner, car une fois que les lignes sont abandonnées, elles ne pourront être rétablies.

M. Gouk: Je vous remercie.

Mme Sheridan: Je vous remercie de cet exposé.

J'ai une question difficile à vous poser. Je sympathise moi-même avec ce que vous dites. Cependant, ce n'est pas de la sympathie que vous demandez et elle ne vous sera pas très utile, de toute façon.

Vous me rappelez beaucoup la personne qui a témoigné ici avant vous ce matin et qui représentait la Saskatchewan Association of Health Organizations. Elle nous a parlé de l'impact qu'aurait l'abandon sur les petites localités. Moi-même, je viens d'un petit village de 49 âmes. Je sais donc de quoi vous parlez.

Cependant, nous sommes ici aujourd'hui pour examiner un projet de loi qui est censé aider les chemins de fer à se comporter comme des entreprises et à prendre des décisions commerciales. L'une de ces décisions pourrait bien être que tel tronçon de la voie ferrée n'est pas rentable et qu'on ne peut, en tant qu'entreprise, le conserver, tout comme l'agriculteur décide de ne pas faire certaines cultures, une année donnée, ou de passer de l'élevage du bétail à la culture du grain, etc. Ce sont-là des décisions commerciales que l'on ne peut s'empêcher de prendre par pitié pour le voisin.

Vous avez décrit un modèle fondé sur la participation des intéressés. Tout d'abord, je ne voudrais jamais, au grand jamais, avoir à présider ce comité.

Une voix: Moi non plus.

Des voix: Oh, oh!

Mme Sheridan: Merci.

Vous avouerez qu'il existe un réel conflit d'intérêts entre tous ces groupes car, en bout de ligne, si vous voulez conserver votre emploi au silo, il vous sera difficile de vous prononcer en faveur de l'abandon de la voie ferrée.

J'ai un autre point que j'aimerais soumettre à votre réflexion: les coffres des gouvernements, qu'il s'agisse des autorités municipales, régionales, provinciales ou fédérales, sont vides. Quel que soit l'ordre de gouvernement, la source de ces fonds demeure le travailleur du silo ou l'agriculteur. Il est donc dans le meilleur intérêt de tous de dépenser cet argent le plus judicieusement possible.

La Saskatchewan rurale doit trouver des moyens de faire tourner son économie tout en permettant d'y vivre dans la dignité. Ne vaut-il pas mieux trouver d'autres moyens de dépenser cet argent à de telles fins, plutôt que de soutenir des lois désuètes ou de poursuivre l'exploitation de lignes sans égard à leurs coûts? Plutôt que d'investir dans l'entretien, par exemple, d'une ligne non rentable, pourquoi ne pas y renoncer, faire un petit effort d'imagination et investir dans un projet utile?

La question est longue. J'en suis désolée. Toutefois, pouvez-vous y répondre?

.1735

M. Wagner: Vous avez raison. Les gens ont tendance à agir en fonction de ce qu'ils perçoivent comme étant leurs intérêts personnels, mais tout dépend de l'approche adoptée.

Je vous donne un exemple. Voilà 20 ans que je négocie des conventions collectives dans le secteur de la manutention du grain dans les Prairies; durant cette période, le nombre de points de livraison et de silos a diminué de moitié. Pourtant, il n'y a jamais eu d'interruption ou de conflit de travail du fait, en partie, que la main-d'oeuvre a été invitée à participer, par l'intermédiaire de son syndicat, à l'adaptation aux changements et que, dans une certaine mesure, elle en a été le moteur.

Bien que la santé financière des chemins de fer nous préoccupe, je soutiens que la grande majorité des lignes secondaires sont rentables. Le trafic n'a pas subitement disparu. Depuis l'abrogation de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest et l'élimination de la subvention qui était versée directement aux chemins de fer, l'agriculteur-expéditeur paie le plein tarif. Ainsi, les chemins de fer obtiennent autant sous ce nouveau régime qu'auparavant.

Si le chemin de fer décide que l'exploitation n'est pas suffisamment rentable et qu'il abandonne son réseau de lignes secondaires, le hic, c'est que l'agriculteur, le travailleur ou la localité ne fait pas vraiment des économies. Les coûts sont simplement déplacés. Plutôt que de consacrer nos rares ressources à l'entretien de voies ferrées et au transport de marchandises en vrac par le moyen le plus efficace possible - donc par chemin de fer - , nous refilerons le coût et le trafic au réseau routier qui, avec le temps, devra être reconstruit aux frais du contribuable, déjà taxé au maximum.

Le président: Je cède maintenant la parole à Mme Terrana.

Mme Terrana: Dans le projet de loi à l'étude, certaines dispositions visent la vente de ces lignes secondaires. Ne répondent-elles pas à vos besoins? Vous parlez de former un nouveau comité, un autre comité présidé par Georgette...

Mme Sheridan: Je le fais avec plaisir.

Mme Terrana: Venant de la ville, je n'y trouverais aucun plaisir.

Ne croyez-vous pas que les dispositions du projet de loi à l'étude tiennent compte de vos intérêts?

M. Wagner: Je ne le crois pas. Les chemins de fer d'intérêt local ne sont pas la solution car, pour que l'exploitation de la ligne soit rentable, il faut avoir un trafic assez important.

Des deux chemins de fer d'intérêt local actuellement exploités dans les Prairies, le plus ancien est le Central Western Railway, en Alberta, qui exploite environ 250 kilomètres de voies secondaires. Sans subvention, il ne serait pas rentable. Or, il reçoit des subventions d'environ 1 million de dollars par année. En fait, aux termes de la loi et des modifications apportées à la Loi sur le transport du grain dans l'Ouest ou de son abrogation, on a autorisé un précompte du producteur de 10 cents par tonne qui servira, en réalité, à soutenir les chemins de fer d'intérêt local. On voit bien qu'à eux seuls, ils ne peuvent s'en tirer.

Mme Terrana: Par contre, s'il existe des intéressés, comme vous le prévoyez - entreprises, syndicats, etc. - , il est peut-être bon pour une localité d'avoir à sa disposition une petite ligne secondaire qu'elle peut utiliser comme elle le veut pour transporter son grain. Vous devriez peut-être y réfléchir. Cela pourrait être un bon investissement.

M. Wagner: J'y réfléchirai, mais je n'y vois pas grand intérêt.

Le président: Anna, je vous remercie. Joe Fontana a maintenant la parole, après quoi nous pourrons passer à un autre témoin.

M. Fontana: Monsieur le président, j'ai besoin d'éclaircissements. Il me semble que le témoin, monsieur Wagner, est le seul à croire que le service sur courte distance n'est pas une bonne idée. En fait, les chemin de fer d'intérêt local qui ont témoigné devant le comité se réjouissent à l'avance des débouchés qui s'offriront. Les gouvernements provinciaux se sont prononcés en faveur de ce genre d'exploitation. Le CN et le CP ont manifesté la volonté de former des partenariats. Les expéditeurs réclament le service.

Je puis comprendre que, dans son propre intérêt, un syndicat protège d'autres syndiqués. Toutefois, il faut manifester un petit peu plus de sympathie à l'égard de ceux-là même qui sont venus témoigner - y compris les exploitants de silos à grain - selon lesquels les lignes sur courte distance feront partie de la solution au problème de l'abandon, comme l'a mentionné M. Gouk.

.1740

Autre point, le modèle que vous avez proposé est excellent. Bien qu'il ne soit pas réaliste de proposer que nous cédions les chemins de fer aux intéressés, lorsque les chemins de fer auront rendu public leur plan triennal, il est peut-être dans l'intérêt de ces mêmes intéressés de se regrouper très rapidement, y compris les gouvernements provinciaux qui détiennent une grande part de responsabilités en matière de transport même s'ils aiment prétendre le contraire. En fait, les provinces ont un très grand rôle à jouer dans l'établissement de leurs propres réseaux de transport au service de leurs collectivités.

Je ne voulais simplement pas vous laisser donner l'impression que les lignes sur courte distance ne sont pas la solution. Bien au contraire, elles seront la solution aux maux de transport au Canada. Ce sont elles qui sauveront vos emplois et qui assureront la survie des producteurs qui souhaitent livrer leurs produits à vos installations à bien moindre coût.

M. Wagner: Malgré tout le respect que je vous dois, monsieur, je ne crois pas que nous arrivions à nous entendre sur cette question. J'aimerais souligner que les chemins de fer CN et CP n'ont pas de raison d'être contre l'idée des lignes sur courte distance, car celles-ci leur permettent de s'en tirer à très bon compte. S'ils se sont prononcés en faveur de ces lignes, les gouvernements provinciaux n'ont toutefois pas manifesté beaucoup d'empressement à en faciliter l'établissement à grande échelle. Or, il faudrait qu'ils le fassent.

La principale difficulté causée par les chemins de fer d'intérêt local réside dans le fait que, à moins d'avoir un réseau suffisamment important pour produire un chiffre d'affaires comparable et, de la sorte, permettre de l'interfinancement, ils ne survivront pas.

M. Fontana: J'ignore si vous avez analysé chaque modèle de chemin de fer d'intérêt local, mais ils ne sont pas tous subventionnés - il n'y en a pas encore beaucoup au pays, mais leur nombre augmentera. Vous parlez peut-être de la ligne de l'Ouest qui, effectivement, touche les 10 cents par tonne. Cependant, il existe, en Ontario, des lignes secondaires qui sont rentables sans l'apport de subventions et il y en aura beaucoup d'autres dans la région atlantique.

M. Wagner: Je n'en doute pas, car les marchés, les réseaux et les clientèles varient.

M. Fontana: Vous avez tort cependant de laisser croire qu'une ligne sur courte distance ne peut survivre dans l'Ouest, sans subvention.

M. Wagner: Aucune d'entre elles n'a survécu.

M. Fontana: Il n'y en a pas beaucoup dont on puisse s'inspirer.

M. Wagner: On le saura avec le temps, je suppose. Cependant, je ne crois pas qu'il y aura un boom de chemins de fer d'intérêt local, ni que ceux-ci s'avéreront, à petite échelle, la solution au problème.

Le président: Monsieur Wagner, je vous remercie d'avoir présenté le mémoire au comité et d'avoir répondu à nos questions. Nous vous en savons gré.

M. Wagner: C'est moi qui vous remercie.

Le président: J'invite maintenant les représentants de Transport 2000 Québec à s'asseoir à la table.

Nous accueillons M. Normand Parisien, directeur-coordonnateur de Transport 2000 Québec. Monsieur Parisien, je vous souhaite la bienvenue. J'espère que votre exposé ne durera pas plus de 15 minutes, de sorte que nous puissions vous poser des questions par la suite.

[Français]

M. Normand Parisien (directeur coordinateur, Transport 2000 Québec): Bonsoir, monsieur le président, membres du Comité. Notre président n'a malheureusement pas pu se libérer pour participer à cette présentation. C'est à regret qu'il vous en fait part par mon entremise.

Nous désirons présenter nos excuses au Comité pour ne pas avoir présenté de version anglaise du document. Nous allons néanmoins vous faire part de certaines préoccupations tout de suite après sa lecture et exprimer en anglais certains commentaires et préoccupations, et aussi apporter certaines précisions sur ce projet de loi C-101.

[Traduction]

Nous nous excusons de n'avoir pas soumis de version anglaise du mémoire, mais nous n'en avions ni le temps ni l'argent. Plus tard, nous vous ferons part de certaines conclusions et observations. Nous vous excuserez peut-être, car nos collègues de Transport 2000 Canada nous ont dit qu'ils avaient présenté leur mémoire en anglais seulement.

.1745

Transport 2000 est un organisme à but non lucratif qui défend l'intérêt public pour tout ce qui touche aux réseaux et aux services de transport du Québec.

[Français]

Monsieur le président, nous avons des préoccupations très fortes vis-à-vis de ce projet de loi, dont les impacts sont répartis de différentes façons au Canada. Exception faite de l'abolition des subventions dans le cadre de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest, nous craignons l'abandon accéléré de voies ferroviaires secondaires dans plusieurs régions du Québec.

Nous aimerions d'abord mentionner que l'esprit du projet de loi peut très bien s'appliquer au transport aérien, dans la mesure où nous croyons que le transport aérien doit fonctionner de plus en plus dans un contexte international concurrentiel. Nous écartons d'emblée les politiques protectionnistes pour le secteur du transport aérien et partageons les objectifs du projet de loi à cet égard. Dans cette perspective, nous croyons que pour les sociétés aériennes, sauf pour des questions de sécurité évidentes où la réglementation doit rester très forte, cette perspective est inévitable.

Par contre, à notre avis, il en va tout autrement du transport ferroviaire. Les systèmes terrestres sont avant tout des systèmes de transport intérieur qui ne peuvent être totalement soumis à la concurrence, laquelle est de plus en plus forte au niveau international.

Même aux États-Unis, où existe un recours à d'autres types de politiques sur le plan de la gestion des politiques économiques, il y a une réglementation plus forte depuis 1991. D'ailleurs, à la fin de notre annexe, il y a une déclaration du Congrès des États-Unis qui a été faite à la suite de l'adoption de l'Intermodal Surface Transportation Efficiency Act, à l'automne de 1991, par une très large majorité des membres du Congrès.

Nous aimerions porter à votre attention le fait qu'en juin 1993, ce savant comité a formulé des recommandations au ministre des Transports, qui n'a toujours pas répondu à plusieurs d'entre elles. Vingt-cinq recommandations ont été présentées et, selon nous, le projet de loi C-101, qui est à l'étude présentement, ne traite pas de ces considérations. On va en mentionner quelques-unes.

À l'époque, peu importe quel gouvernement était au pouvoir, il y avait eu unanimité des partis à la Chambre sur ce rapport-là. Dans notre système de démocratie parlementaire, il est important que le gouvernement apporte des réponses à de tels documents. Monsieur le président, vous étiez à l'époque le vice-président du Comité des transports et un des signataires de ce rapport.

Premièrement, la question des demandes d'abandon de voies secondaires nous préoccupe au plus haut point. Le Comité demandait au gouvernement que soit défini un réseau ferroviaire de base à l'échelle du Canada, et cet exercice ne semble pas avoir abouti. Le ministère des Transports du Québec avait présenté, en 1991, une proposition en vue de l'établissement d'un réseau ferroviaire de base régional, mais dans la conjoncture économique actuelle, le gouvernement québécois n'a virtuellement pas les moyens d'investir dans la modernisation des infrastructures ferroviaires, et il n'y a rien dans le projet de loi C-101 là-dessus.

.1750

Cependant, aux États-Unis, on investit massivement dans la modernisation des infrastructures, même dans un régime d'exploitation décentralisé où le recours à l'entreprise privée est assez étendu. Évidemment, on peut comprendre cela, puisqu'il y a une masse critique importante dans ce secteur d'activité pour permettre qu'il y ait un secteur privé concurrentiel. Chez nous, il est plus difficile d'avoir l'équivalent.

En ce qui concerne le transport des passagers, la seule référence qui y est faite dans ce document, c'est de prévoir la circulation des trains de passagers. Lorsqu'il y a cession de voies ferrées principales ou secondaires, on demande à VIA Rail si elle veut continuer à les exploiter. À notre avis, ce n'est pas suffisant pour assurer la stabilité des services ferroviaires du réseau de VIA Rail.

Par exemple, en septembre, le ministre des Transports a dû préciser, à la suite de l'expression de certaines préoccupations, la politique qui découlerait de cette loi pour les services de passagers autres que ceux de VIA Rail. Par exemple, il y a Quebec North Shore and Labrador Railway, Ontario Northland et Algoma Central Railway Inc. Il n'y a toujours pas de projet de loi qui a été déposé pour assurer un programme d'immobilisations et d'exploitation pour VIA Rail sur une période suffisamment longue.

Une autre recommandation du rapport de votre prédécesseur qui est restée en suspens portait sur une détermination vaste et rigoureuse de l'intérêt public. Cela revient très fréquemment dans le document. Il n'y est pas fait référence dans le projet de loi C-101. Même l'actuel Office national des transports n'a pas un corridor suffisamment précis pour s'aventurer sur ce terrain. Alors, il est très difficile pour la population d'exprimer ses préoccupations en matière d'intérêt public, puisqu'il y a toutes sortes de considérations de politiques des transports qui sont au centre des besoins de la communauté.

Un exemple particulier de cela, c'est la protection de l'environnement et les questions énergétiques. Le projet de loi C-101 n'en fait pas mention, alors que c'était une préoccupation importante du comité, qui demandait au ministre des Transports d'inclure les considérations environnementales dans l'élaboration d'une politique. C'est pourquoi le comité rejetait les conclusions de la Commission d'examen de la Loi sur les transports nationaux.

Lorsqu'il est question des politiques des transports - on en parle à l'article 5 - , à notre avis, il n'y a pas là le contenu d'une politique des transports qui nous fasse entrer dans le XXIe siècle. Vous comparerez le projet de loi et la U.S. Congress declaration of policy sur tous les enjeux de la politique des transports aux États-Unis. Si on ne s'intéresse pas à ces préoccupations, il sera très difficile d'avoir au XXIe siècle un système de transports qui assurera la durabilité.

Dans ce contexte, on aura au XXIe siècle un réseau routier qui sera défoncé par les camions, des correspondances aux États-Unis pour voyager entre différentes régions du Canada, un environnement dégradé et des infrastructures qui se détérioreront.

.1755

Est-ce qu'il faudra emprunter à la Banque mondiale pour moderniser les systèmes de transport, pour les rendre plus efficaces et pour qu'ils soient plus efficients sur le plan énergétique?

Il était important, monsieur le président, que nous portions ces considérations à votre attention.

Pour nous, le délai de 15 jours est tout à fait insuffisant. Il nous paraît hautement fantaisiste que les ministères des Transports, advenant des cessions d'emprises ou de lignes sans aucun programme d'infrastructures, puissent acquérir ces tronçons qui seront abandonnés.

C'est pourquoi le comité, en 1993, demandait qu'il y ait une mise en réserve des emprises abandonnées et qu'on puisse les acquérir dans l'intérêt public.

Voilà, monsieur le président, l'essentiel de nos préoccupations.

[Traduction]

Le président: Je vous remercie, monsieur Parisien.

Monsieur Guimond, si vous voulez bien passer aux questions.

[Français]

M. Guimond: Monsieur Parisien, je vous remercie pour votre présentation. Je me dois, pour être équitable et constant avec moi-même, mes collègues ayant eu le plaisir de voir ou d'entendre ma réaction lorsque des mémoires ont été déposés dans une seule des deux langues officielles du Canada, de vous faire la même remarque. Ça me fait saigner le coeur, mais je me dois le faire.

Lorsqu'un groupe comparaît devant un comité du Parlement du Canada, son mémoire doit être rédigé dans les deux langues officielles. J'ai fait exactement le même commentaire ce matin à un groupe de la Saskatchewan. J'ai fait une crise à la Fédération canadienne des municipalités, dont ce n'était pas la première offense.

Monsieur Parisien, vous semblez vouloir que l'Office national des transports ait un rôle à jouer. Je suis assez critique à l'égard de l'Office, en ce sens que je considère que les demandes d'abandon de lignes qui étaient faites étaient un quasi-automatisme.

Vous dites, à la page 4, que l'Office national des transports du Canada, cet organisme de réglementation, deviendrait une coquille vide. Comment le projet de loi C-101 perçoit-il l'Office, selon vous?

M. Parisien: À notre avis, ce qu'on veut faire de l'Office national des transports n'est pas très clair dans le projet de loi. Selon notre analyse, les sociétés de chemins de fer qui veulent améliorer leur situation financière ont demandé au gouvernement d'assouplir la procédure de rationalisation des voies ferrées. C'est l'esprit dans lequel le projet de loi a été élaboré, selon nous.

Il y a eu différentes règles d'harmonisation de la fiscalité au niveau de la taxation des corridors ferroviaires, mais un autre irritant, selon les sociétés de chemins de fer, était qu'il fallait déréglementer pour faciliter le processus d'abandon. Les compagnies se plaignent du fait que ça prend six mois ou un an.

À notre avis, c'est essentiel. L'Office national des transports est un instrument du public, lui permettant d'exercer cette vigilance pour ne pas qu'on aliène des portions importantes des réseaux ferroviaires qui ont été constitués au fil des 10 dernières années et qui sont en quelque sorte un patrimoine collectif.

On ne peut pas faire abstraction de la contribution du réseau ferroviaire à la communauté, au développement économique régional et à l'efficacité des systèmes de transport. À notre avis, il y a là une diversion: les sociétés ferroviaires prétendent vouloir la renaissance du rail avec ce projet de loi. Ça va aussi loin que cela.

.1800

À notre avis, il ne faut pas simplement rationaliser les infrastructures que doivent supporter les compagnies de chemins de fer et améliorer la situation financière. Pour nous, il est important que le Parlement équilibre les impératifs privés et les impératifs publics, qui doivent être gérés par l'Office national des transports.

L'Office est un mandataire du législateur qui doit s'assurer que l'intérêt public sera sauvegardé dans l'application des politiques fédérales de transport.

M. Guimond: Transport 2000 Québec semble dire que le projet de loi C-101 n'est pas nécessairement utile; en tout cas, s'il est utile, il n'a pas été présenté devant la bonne instance. Étant donné qu'il est relié davantage à des considérations financières, il aurait dû être présenté au Comité des finances ou ailleurs. C'est une des choses que je voulais vous entendre dire.

De plus, vous semblez dire qu'on n'aurait pas eu besoin du projet de loi C-101 si le gouvernement en place avait appliqué les 25 recommandations du rapport Corbett, auquel notre président a souscrit. Il l'a signé. J'ai cru comprendre, ayant fait la lecture du rapport Corbett, qu'il s'agissait d'un rapport unanime. Ainsi, il n'y a pas eu de rapport dissident. Autrement dit, si le gouvernement actuel appliquait les 25 recommandations du rapport Corbett préparé par les progressistes-conservateurs... Je suppose qu'il est porteur de la gale parce qu'il a été préparé par les progressistes-conservateurs, mais de toute façon, j'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Parisien: Oui, c'est notre point de vue. En ce qui concerne la situation fiscale des sociétés de chemins de fer, évidemment, il y a des difficultés pour elles dans la mesure où il n'y a pas de concurrence. Elles ne sont pas traitées sur un pied d'égalité avec l'industrie du camionnage qui, comme free rider, peut utiliser des infrastructures financées par les contribuables. Les sociétés de chemin de fer doivent payer des taxes foncières sur des corridors alors que ce n'est pas la situation pour le réseau autoroutier.

Même dans ce domaine, le problème ne pourra être réglé, puisque l'imposition foncière est de compétence provinciale. Ce projet de loi ne va pas régler le problème de la taxation des installations ferroviaires et, en particulier, des corridors. Ce projet de loi ne va pas résoudre ce problème.

On comprend beaucoup la difficulté qu'ont les chemins de fer à concurrencer l'industrie du camionnage, mais on pense que le projet de loi C-101 n'est pas la solution: c'est un instrument pour résoudre d'autres problèmes et non les problèmes de fiscalité concurrentielle.

Je ne sais pas si j'ai répondu à la question, mais l'Office national des transports, dans ce contexte... Pour pouvoir concurrencer l'industrie du camionnage, les sociétés de chemins de fer vont abandonner des éléments d'actifs pour améliorer leur rendement d'exploitation. À notre avis, l'Office n'aura plus la possibilité qu'il avait d'être un instrument pour le public et d'exercer une certaine vigilance dans l'aliénation du patrimoine. Le réseau ferroviaire, pour nous, fait partie du système national de transport au même titre que le réseau autoroutier ou aéroportuaire.

Aux États-Unis, on se dirige vers l'intégration des infrastructures, alors qu'ici, on va plutôt vers le démembrement de celles-ci. Cela nous préoccupe au plus haut point, non seulement pour des raisons sociales ou environnementales, mais aussi parce qu'il sera très difficile, sur le plan économique, de concurrencer les États-Unis.

[Traduction]

Le président: Je vous remercie, monsieur Guimond.

Monsieur Fontana, vous vouliez ajouter quelque chose. Je vous prierais de le faire maintenant, après quoi nous pourrons reprendre. Mme Wayne a également une question à poser.

.1805

M. Fontana: Je ne voudrais pas que vous croyez qu'en ce qui concerne le service de transport de passagers, le projet de loi à l'étude aggravera le sort de VIA. J'espère vous convaincre que cette mesure comporte de nombreux éléments positifs, car, grâce à ce projet de loi, VIA sera non seulement un chemin de fer, mais aussi un expéditeur. L'entreprise jouira donc à la fois des droits du chemin de fer et des droits de l'expéditeur, y compris du droit à l'arbitrage, et ainsi de suite. Par conséquent, je crois que le service de transport de passagers de VIA s'en trouvera amélioré.

De plus, en ce qui concerne la subvention du transport de passagers par rail qui est versée à d'autres que VIA, il faudrait prendre note qu'aux termes du projet de loi, le gouverneur en conseil et, par conséquent, le ministre en verse déjà et qu'il a annoncé le maintien de cette pratique.

Mme Wayne (Saint John): Les recommandations que vous faites au nom de Transport 2000 Québec, ce soir, ont-elles l'appui de Transport 2000 Ontario et du siège social de Transport 2000, ou sont-elles le fait de votre groupe uniquement?

M. Parisien: Nous accordons beaucoup plus d'importance à ces questions en raison du processus d'abandon. La plupart de nos préoccupations portent sur le projet de loi actuellement à l'étude devant le comité. Cependant, l'idée que nous nous faisons d'un réseau de transport à coût raisonnable rejoint essentiellement celle des autres.

Je pense qu'il y aura un énorme débat à la conférence internationale mixte de l'OCDE et du gouvernement du Canada qui se tiendra à Vancouver. La vice-première ministre vient de demander à la table ronde nationale de l'environnement et de l'économie d'adopter une série de principes concernant le transport durable. De nombreux pays partout dans le monde sont en train de s'acheminer vers le transport durable. Il y a certaines préoccupations en ce qui concerne -

Mme Wayne: L'environnement...

M. Parisien: Je pense que nous partageons la même vision mais que son application peut varier d'une région à l'autre. Ce n'est pas un problème mais nous estimons que le gouvernement fédéral doit montrer la voie en assurant une certaine coordination au sein de chaque région pour la mise en commun de certains objectifs mais de manière à décentraliser les opérations et la gestion d'une façon plus efficace.

Mme Wayne: Vous considérez donc que le projet de loi C-101 devrait tenir compte de la qualité de vie des gens dans les régions et que nous ne devrions pas uniquement essayer de faire nos frais, si je puis dire.

M. Parisien: Oui, nous estimons que la portée de l'objectif visé est trop étroite.

Le président: Merci, monsieur Parisien. Nous vous remercions de votre présentation au comité.

M. Parisien: Merci, monsieur le président.

Le président: Enfin, nous cédons la parole à M. Ashley, de l'Office national des transports.

.1810

Monsieur Ashley, nous vous souhaitons la bienvenue au comité. Je crois comprendre que vous aimeriez nous présenter une déclaration préliminaire. Nous passerons ensuite directement aux questions.

M. Ron Ashley (conseiller juridique, Office national des transports du Canada): Merci, monsieur le président. Au nom de M. Gilles Rivard, président de l'Office national des transports, je tiens à vous remercier d'avoir invité les représentants de l'Office à comparaître devant vous dans le cadre de votre examen du projet de loi C-101, soit le projet de loi sur les transports au Canada.

[Français]

Je m'appelle Ron Ashley et je suis avocat à l'Office national des transports du Canada. J'agis aujourd'hui à titre de représentant de Me Gilles Rivard. Ce fut sa décision de me déléguer, car il souhaitait qu'un porte-parole de l'Office soit présent afin de vous faire part de commentaires plus approfondis relativement à toute question que vous pourriez aborder aujourd'hui.

[Traduction]

M. Rivard m'a demandé de comparaître devant vous aujourd'hui car il tient beaucoup à vous prêter main-forte dans l'accomplissement de votre mandat. Il est d'avis que, en qualité de président de l'Office, s'il devait témoigner devant vous, il ne serait probablement pas en mesure de vous fournir des commentaires approfondis sur le projet de loi, que ce soit en matière de contenu ou de procédure.

En tant qu'avocat et président, Me Rivard est des plus respectueux de son mandat de dirigeant de l'Office. Son rôle en est un de juge ou, si vous voulez, d'agent d'un organisme quasijudiciaire. En tant que président de l'Office, il doit régler les différends relatifs aux questions qui relèvent de la compétence législative de l'Office. Ainsi, l'Office est un tribunal dont les membres sont juges. Ils doivent procéder à l'audition d'éléments de preuve et de plaidoiries dont ils sont saisis pour chaque cas individuel, pour rendre ensuite une décision suivant leurs interprétations de la loi.

[Français]

Puisque Me Rivard doit accomplir ses fonctions à titre d'agent quasi judiciaire, tout commentaire dont il pourrait vous faire part pourrait être interprété comme s'il avait un parti pris ou une préférence marquée ou personnelle quant à la façon dont les choses devraient être ou seront.

[Traduction]

En qualité de juges, M. Rivard ainsi que les autres membres de l'Office sont des décideurs qui ne peuvent s'exprimer que par l'entremise de leurs décisions, dont chacune porte sur un cas particulier. Ainsi, ils ne peuvent offrir, ni n'offrent-ils, de commentaires sans avoir pris connaissance de faits et ils ne prodiguent aucun conseil reposant sur des hypothèses ou des éventualités. En outre, et ce qui est plus important surtout, ils ne peuvent formuler des commentaires sur des politiques que préconise le gouvernement.

Ainsi, par exemple, contrairement aux enquêteurs du Bureau de la politique de concurrence et aux enquêteurs de Revenu Canada, les membres de l'Office ne peuvent rendre de jugement préalable sur ce qui est permis ou non en vertu de la loi, ou sur ce qui fera l'objet d'un examen, parce que certaines questions de droit seraient soulevées.

La différence réside en ceci: les enquêteurs susmentionnés agissent comme des policiers, ce qui n'est pas le cas en ce qui a trait aux membres de l'Office. Comme je l'ai mentionné auparavant, ce sont plutôt des décideurs quasijudiciaires.

[Français]

J'aimerais mentionner que le président a transmis un mémoire au ministre des Transports sur le projet de loi C-101, dans lequel il lui fait part de ses commentaires sur divers aspects de celui-ci ou plutôt sur divers problèmes d'ordre administratif que comporte, selon lui, le projet de loi, comme par exemple les difficultés apparentes qu'entraînerait le fait de compter seulement trois membres permanents au sein du nouveau tribunal.

Je crois comprendre que les cadres supérieurs de Transports Canada se penchent actuellement sur ces commentaires.

[Traduction]

Dans son mémoire au ministre, M. Rivard indique clairement qu'il ne lui incombe nullement de formuler des commentaires sur d'importantes politiques gouvernementales. Il soutient que le rôle d'un tribunal fédéral et quasi-judiciaire, comme l'Office, est d'accepter et d'appliquer les politiques gouvernementales, lesquelles sont prescrites par des textes législatifs dûment adoptés par le Parlement. C'est pour cette raison précise que M. Rivard a respectueusement décliné votre invitation antérieure à assister à la réunion de votre comité.

.1815

[Français]

Me Rivard m'a expressément demandé de respecter cette règle. Je répondrai à toutes vos questions aujourd'hui en tenant compte de cette directive.

[Traduction]

En conclusion, je dois souligner que, plus tôt cette année, Me Rivard avait offert aux cadres supérieurs de Transports Canada toute aide technique dont ils pourraient avoir besoin lors de la rédaction de l'ébauche du projet de loi.

Ces derniers ont accepté l'offre et, par conséquent et à la demande de Me Rivard, trois employés de l'Office, y compris moi-même, avons travaillé dans les bureaux de Transports Canada au printemps et avons pris part, à titre de conseillers techniques, à la rédaction de l'ébauche du projet de loi.

[Français]

J'espère avoir apporté des précisions quant à la nature et à l'étendue de ma participation aujourd'hui.

[Traduction]

En tenant compte de ces commentaires, je ferai de mon mieux pour vous prêter assistance au cours de l'examen du projet de loi.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Ashley. Je reconnais que vous n'êtes que le messager mais j'espérais que nous aurions droit à une présentation pas mal plus étoffée que ce truc que nous venons de recevoir de M. Rivard.

Monsieur Guimond, vous avez la parole.

M. Ashley: Monsieur le président, si je -

Le président: Une réponse n'est pas nécessaire. Je vais maintenant passer à -

M. Ashley: Je peux apporter des précisions au sujet de la demande du greffier concernant les deux articles du projet de loi auxquels vous avez consacré beaucoup de temps et d'énergie. Aimeriez-vous que j'aborde directement la question de la demande de comparution?

Le président: Monsieur Ashley, je n'ai pas l'intention de me lancer dans ce débat avec vous. Je veux simplement dire que nous aurions aimé en savoir plus sur le travail accompli par l'Office, les raisons, les chiffres. Nous aurions pu avoir une présentation plus étoffée.

M. Ashley: Je suis prêt à répondre à toutes -

Le président: Je comprends que vous n'êtes que le messager. Ce n'est donc pas la peine que je m'en prenne à vous aujourd'hui. Je ne demande pas de réponse.

Monsieur Guimond, vous avez la parole.

[Français]

M. Guimond: Ma question s'inscrit un peu dans la même foulée. Il ne faudrait pas tirer sur le messager! J'ai de la chance que le bon Dieu m'ait donné une bonne mémoire. Cela me rappelle Gordon Baker, l'avocat représentant Jack Matthews relativement au projet de loi C-22 sur l'aéroport Pearson. Je lui posais des questions. Il était le représentant de Jack Matthews, mais Jack Matthews lui avait dit de ne pas parler. Heureusement, le Sénat a fait la lumière là-dessus. Ça me rappelle cela.

De toute façon, je dois demander au secrétaire parlementaire du ministre des Transports si le comité pourra avoir une copie de ce que M. Rivard a présenté au ministre. Il y a peut-être là des choses intéressantes. Est-ce qu'il nous sera possible, monsieur le secrétaire parlementaire, d'avoir copie de cela? Est-ce que vous pouvez nous le fournir, monsieur Ashley?

[Traduction]

M. Ashley: Il a été envoyé en septembre au ministre et je peux obtenir des instructions du président à cet égard. Si le comité n'arrive pas à l'obtenir auprès du Cabinet du ministre, alors la réponse est oui, je demanderai des instructions.

Le président: Le greffier du comité se chargera de communiquer avec le secrétaire parlementaire pour déterminer si nous pouvons obtenir ce rapport.

M. Ashley: D'accord.

[Français]

M. Guimond: J'aimerais soulever un autre point, monsieur Ashley. Vous dites que vous et deux autres employés de l'Office avez travaillé avec les fonctionnaires de Transports Canada pour rédiger l'ébauche du projet de loi, mais je dois comprendre que vos recommandations n'ont pas été retenues, parce que M. Rivard a dit, entre autres, qu'il y avait des difficultés apparentes au fait de nommer seulement trois membres permanents. On part de neuf pour aller à trois, ce qui a été retenu dans le projet de loi C-101. Je suppose que vous aviez une position différente. Quelle était la position de l'Office quant au nombre de membres permanents que le nouvel Office devait compter?

[Traduction]

M. Ashley: Votre question soulève deux aspects. Le premier concerne ma position lorsque j'ai agi comme conseiller technique auprès des cadres supérieurs de Transports Canada. Le deuxième concerne la position actuelle du président.

Je peux dire qu'en ce qui concerne sa position actuelle, il prévoit que même si la nouvelle loi entraîne une diminution de la charge de travail dans le secteur ferroviaire, il y aura environ 400 à 450 dossiers par mois dans les secteurs du transport aérien, maritime et ferroviaire qui devront être signés par les membres de l'Office. D'après son expérience, pour des raisons de maladie, de congé et d'obligations professionnelles, il peut arriver qu'en vertu de la nouvelle loi deux membres constituent un quorum. Il deviendra alors pratiquement impossible de prendre certaines de ces décisions.

.1820

Fait intéressant, en vertu de la nouvelle loi, un grand nombre de ces décisions continueront d'être prises dans le secteur aérien, surtout en ce qui concerne le délicat marché du service international à la demande et le marché du service international régulier. Les membres seront appelés à prendre des décisions les fins de semaine. Je crains - et c'est un sentiment que partage le président - que la capacité de l'Office à s'acquitter de ses fonctions à l'avenir risque de se trouver affaiblie s'il compte seulement trois membres à temps plein.

Il y a bien sûr des membres temporaires bien qu'en vertu de la nouvelle loi ils ne seront pas obligés de résider dans la région de la capitale nationale. Il est également possible que ces membres temporaires soient engagés dans un but bien précis, par exemple pour leurs compétences dans le calcul des frais ferroviaires. Je pense que l'on peut difficilement exiger d'un membre temporaire spécialisé dans le calcul des frais ferroviaires qu'il se prononce sur un dossier concernant le transport aérien international. Je pense que l'on peut difficilement avoir de telles attentes et qu'il serait sans doute malvenu de le faire.

M. Guimond: D'accord, j'ai une dernière question.

[Français]

Est-ce que vous avez eu l'occasion, dans vos discussions avec les fonctionnaires de Transports Canada, d'exprimer votre opinion quant à la désignation des membres de l'Office? Le projet de loi C-101 prévoit qu'on continue selon le même système de patronage. Je l'ai déjà mentionné àM. Rivard directement. De toute façon, j'ai déjà mentionné à ce comité - et j'ai parié de l'argent avec des amis - que le mandat de M. Rivard ne se terminerait pas, étant donné qu'il avait été nommé par les progressistes-conservateurs, et je le maintiens!

En ce qui a trait aux nouveaux membres de l'Office, est-ce que vous avez fait vos recommandations? Au lieu de les nommer par patronage politique, on pourrait avoir un autre mode de désignation. Est-ce que vous y avez réfléchi? Voulez-vous que ce soit le gouverneur en conseil qui les nomme?

.1822

[Traduction]

M. Ashley: J'ai entendu des arguments en ce sens mais quant à savoir si l'Office a entrepris de faire une présentation en ce sens, je l'ignore.

M. Gouk: Il y a environ quatre semaines, j'ai demandé, par l'intermédiaire du président de l'Office, qu'ils comparaissent comme témoins et j'ai demandé expressément qu'ils soient prêts à répondre à la question suivante: Sur toutes les causes entendues par l'Office depuis 1987, combien d'entre elles auraient été touchées par les dispositions, telles qu'elles se lisent à l'heure actuelle, du paragraphe 27(2) du projet de loi sur les transports au Canada?

M. Ashley: Je suis tout à fait disposé à approfondir cette question avec vous aujourd'hui.

M. Gouk: J'ai simplement besoin d'un chiffre.

M. Ashley: Ce sera un peu laborieux mais je ferai de mon mieux pour y répondre.

Votre question concerne non seulement le paragraphe 27(2) mais également l'article 34. Depuis 1987, l'Office a été saisi d'environ 4 000 à 5 000 cas. Un grand nombre d'entre eux concernent le transport aérien mais beaucoup d'entre eux concernent le transport ferroviaire. Je sais que votre comité s'intéresse particulièrement aux dispositions relatives à l'accès concurrentiel dans le secteur ferroviaire.

Tous ceux qui ont comparu devant l'Office à titre de requérants, qu'il s'agisse de transporteurs, d'expéditeurs ou de municipalités, ont attiré l'attention de l'organisme sur les éléments de preuve et les arguments qui devaient être fournis à l'Office en vertu de la loi. Le libellé du paragraphe 27(2) est entièrement nouveau et n'a donc pas encore été utilisé devant l'Office. Je vous décrirai un cas où on utilise une formulation ou une expression semblable et j'y arrive dans une minute, si vous le voulez bien.

L'Office ne peut agir ni se prononcer sans preuve, et uniquement après avoir entendu les éléments de plaidoiries. Je n'ai pas l'intention de débiter des lieux communs, ni de jouer les avocats hésitants et abscons, mais il est impossible pour l'Office de répondre à cette question.

Le président: C'est un nouvel article: «hésitants et abscons».

Des voix: Oh, oh.

.1825

M. Gouk: C'est le cas de le dire. Vous vous seriez bien entendu avec un autre témoin qui a comparu devant nous plus tôt aujourd'hui.

J'ai plusieurs autres questions. Il est évident que je n'aurai pas de réponse à celle-ci.

Le président: Allez-y, posez-les.

M. Gouk: Qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire «préjudice important»? Définissez-moi ça, selon le point de vue de l'Office. Supposons que je suis un expéditeur qui comparaît devant vous et que vous allez soit m'aider soit me montrer la porte selon votre interprétation de «préjudice important». De quoi s'agit-il?

M. Ashley: Vous ne voulez pas savoir à quel stade de la procédure cela intervient, c'est-à-dire au début ou à la fin?

M. Gouk: Non, je vous demande quel en est le sens. Je veux savoir ce que ça peut bien vouloir dire.

M. Ashley: Je vous indiquerai les arguments qui pourraient être présentés à l'Office quant au sens de cette expression.

D'un côté, on pourrait invoquer l'argument selon lequel - et je peux vous assurer que cet argument sera invoqué, le simple fait qu'un expéditeur soit incapable d'acheminer ses produits jusqu'au marché parce qu'une compagnie de chemin de fer refuse de lui accorder un prix de ligne concurrentiel, constitue par définition un préjudice important qui nuit à la capacité d'un expéditeur d'acheminer ses produits jusqu'au marché.

De l'autre côté, on pourrait présenter des éléments de preuve et des arguments soutenant qu'en ce qui concerne l'incapacité d'un expéditeur à acheminer ses produits jusqu'au marché, on considérera qu'il n'y a un préjudice important que si l'expéditeur se voit obligé de fermer son usine.

Cette expression peut avoir d'autres sens. L'expéditeur peut être incapable de pénétrer des marchés étrangers. Quel est le pourcentage de son profit net qui dépend de sa capacité de pénétrer un marché intérieur ou un marché étranger? Cette incapacité à pénétrer un marché ou à obtenir un prix de la compagnie de chemin de fer influera-t-elle sur sa capacité à engager des employés, à prendre de l'expansion, à demeurer concurrentiel ou à mettre sur pied une nouvelle usine? Voilà tous les sens que peut avoir cette expression.

Je peux vous assurer, d'après mon expérience, que tous ces arguments seront invoqués devant l'Office. J'aimerais ajouter qu'un tribunal spécialisé qui gagne 85 p. 100 des appels auprès du Cabinet et 95 p. 100 des appels auprès de la Cour d'appel fédérale fera un très bon travail à l'aide de cette loi si c'est la loi qu'il doit utiliser.

M. Gouk: Vous voyez le problème. Vous venez de me donner une série incroyable d'arguments y compris la possibilité qu'un expéditeur doive faire faillite pour que l'Office tranche en sa faveur. Et on dit aux expéditeurs, ne vous inquiétez pas à propos du paragraphe 27(2), c'est une très bonne disposition qui ne vous causera aucun tort tant que vous êtes prêts à faire faillite. Je trouve cela absolument ahurissant.

Nous avons entendu le même genre d'argument de l'autre type qui a comparu. Je suis absolument révolté de constater que l'Office, sachant exactement ce que je veux - à savoir une définition claire et un exemple clair des paragraphes 27(2) et 34(1), mais surtout du paragraphe 27(2)... Est-ce un problème? Si le paragraphe 27(2) n'existe pas, cela vous empêche-t-il de faire votre travail?

M. Ashley: Non.

M. Gouk: Au cours des huit dernières années, avez-vous eu de la difficulté à faire votre travail?

M. Ashley: La réponse à cette question est non, monsieur, cela n'empêchera pas l'Office de faire son travail. Il n'a pas le choix, il doit faire son travail.

M. Gouk: Passons maintenant à autre chose. Pouvez-vous m'indiquer ce que signifie «équitables et raisonnables commercialement» à l'article 113 du projet de loi? Comment faites-vous pour déterminer ce qui est équitable et raisonnable commercialement?

M. Ashley: Je suppose que par prix et conditions équitables et raisonnables commercialement, on veut dire concurrentiels. Ce qui est considéré concurrentiel dépend du marché de produits, du marché géographique, de l'élasticité de la demande pour ce produit, des aspects temporels, du rendement de la production, de la structure du marché, du comportement et du rendement du marché.

Dans la pratique, cela signifierait rentrer dans ses frais fixes, dans ses frais variables moyens à long terme, la contribution aux frais fixes et peut-être un rendement du capital individuel. Mais il serait faux de dire aujourd'hui que ce sera ainsi désormais que l'Office agira dans chaque cas.

Les représentants du Bureau de la concurrence ont comparu devant vous. Cette loi est fondée sur la concurrence sur le marché. Selon la jurisprudence établie en vertu de la Loi sur la concurrence, les tribunaux ont déclaré que même un prix non compensatoire, un prix inférieur au prix coûtant peut être un prix équitable et raisonnable commercialement et être un prix concurrentiel. Les denrées périssables, la surproduction - la jurisprudence en vertu de la Loi sur la concurrence démontre qu'un prix équitable et raisonnable commercialement peut être interprété de différentes façons dans différentes circonstances et que ce qui peut être considéré équitable et raisonnable commercialement aujourd'hui ne le sera pas forcément demain.

.1830

Si tel est le cas, je peux vous assurer que l'Office examinera tous ces facteurs. Il y est obligé.

M. Gouk: Permettez-moi de reprendre ce que vous venez de dire. Lorsque je vous ai interrogé sur le sens de préjudice important, vous avez dit «les arguments qui pourraient être présentés...» Lorsque je vous ai interrogé sur le sens d'équitables et de raisonnables commercialement, vous avez dit «je suppose que cela signifie...» C'est drôlement loin d'être rassurants pour les expéditeurs.

J'essaie de voir un peu les deux côtés de la situation. J'ai indiqué aux personnes ici présentes que je ne suis pas en faveur des compagnies de chemin de fer, ni en faveur des expéditeurs ou des producteurs, je suis en faveur de l'économie. J'essaie de trouver où se situe l'équilibre là-dedans.

Si je pensais pouvoir trouver quelque chose d'acceptable dans les dispositions du paragraphe 27(2)... Dites à M. Rivard qu'il a fait une gaffe monumentale. Je trouve méprisable son refus de venir répondre à nos questions honnêtement. J'attends ce moment depuis quatre semaines et j'ai perdu tout ce temps à attendre. Si c'est la façon dont agit l'Office national des transports, si c'est la façon dont il prend des décisions... Bon sang! Pas étonnant que les expéditeurs soient inquiets. «Je suppose...» «les arguments qui pourraient être présentés...» - ce n'est absolument pas rassurant, monsieur Ashley.

M. Ashley: L'office, à l'exception de moi-même et de deux autres employés, n'a absolument pas participé à l'ébauche de ce projet de loi. On a fait appel à mes services à la dernière minute en tant que conseiller technique. Je puis vous assurer que mes conseils ont été ou acceptés ou rejetés.M. Rivard m'avait demandé de travailler à la rédaction du projet de loi. C'est là où commence et finit la participation de l'office à l'élaboration de cette mesure législative. Dire que M. Rivard n'aurait pas dû agir ainsi est tout à fait déplacé.

M. Gouk: Puis-je alors présumer d'après ce que vous dites que vous - ce serait difficile pour vous de le dire - n'approuvez pas nécessairement ces dispositions, mais que vous allez les appliquer du mieux que vous pourrez? Ces choses sont hautement subjectives et l'ONT, qui deviendra bientôt l'OTC, devra faire de son mieux pour appliquer cette mesure législative.

M. Ashley: C'est exact, monsieur.

M. Gouk: Je m'excuse de m'être laissé emporter. Ma colère était peut-être mal dirigée, mais vous pouvez voir où se situe mon appréhension - l'absence d'objectivité dans tout ceci, essayer de répondre au nom des expéditeurs, et de l'ONT, dans la mesure où vous l'avez représenté, c'est me dire qu'ils ont probablement tout à fait le droit de s'inquiéter.

Mme Sheridan: Je vais voir si je comprends ce que vous dites. Premièrement, en toute justice pour vous, il faut donner une explication à des gens comme M. Gouk, qui est tellement bouleversé par ce que votre présence ici n'apporte pas. Le fait est que l'ONT - qui deviendra l'OTC - est un organisme quasi-judiciaire, et je ne sais pas si vous ou quelqu'un d'autre qui y travaille peut répondre aux questions dans l'abstrait. Si vous adressiez au juge de la Cour du Banc de la Reine et lui demandiez jusqu'où vous pourriez conduire imprudemment avant qu'un tel geste ne constitue de la négligence criminelle et que vous suiviez ensuite les conseils du juge, aucun juge au Canada ne répondrait à cette question parce que cela dépend des circonstances.

Avant de perdre beaucoup de temps à tenter d'obtenir de l'ONT qu'il définisse dans l'abstrait ce qu'est un préjudice important, nous devons reconnaître qu'un organisme quasijudiciaire est régi par ce genre de choses. Quelque grande que soit notre colère ou notre frustration, cela importe peu étant donné que c'est ainsi que fonctionnent les organismes quasijudiciaires.

Cela ne règle pas les problèmes que je peux éprouver en ce qui a trait à l'absence d'une définition au paragraphe 27(2) ou à l'égard de certains des autres articles dont nous avons entendu parler, mais une chose me semble évidente c'est que si nous ne conférons pas à nos organismes quasijudiciaires le droit de juger, cela portera finalement préjudice à l'expéditeur, à la compagnie de chemin de fer et à tout autre demandeur qui se présente devant lui - si cet organisme juge au préalable une affaire avant que le demandeur ait la chance de présenter ses éléments de preuve et qu'elle fasse l'objet d'un jugement impartial.

.1835

C'est le fondement de notre système judiciaire tout entier. Même si cela est frustrant, nous sommes tenus en tant que parlementaires de prendre ces décisions et de nous assurer que ce soit les bonnes. C'est la raison pour laquelle nous écoutons tous ces témoins. Je veux bien qu'on me donne des définitions sans équivoque, mais je suppose que nous nous trompons d'adresse en nous tournant vers vous pour obtenir cette information.

M. Ashley: Comme avocat, je puis vous dire que l'office n'a pas le droit d'essayer de rédiger la mesure législative ou de dire à ce comité si elle est bonne ou mauvaise ou si l'on devrait y apporter des amendements. Je ne peux faire cela. L'office doit accepter la politique gouvernementale dans sa forme codifiée. Après coup, il s'occupe de l'appliquer.

L'office a toujours appliqué la loi sans scrupule. La CCT l'a fait également mais je ne peux me présenter ici et vous dire si par important on veut dire substantiel ou que par substantiel on veut dire plus que de minimes en droit et de moins que complet. Je ne peux vous le dire et si M. Rivard était ici, il ne le pourrait pas non plus.

Ce qu'il adviendra de ces articles dépendra de chaque cas particulier. Si la loi est subjective, les précédents élimineront cette subjectivité. Un cas s'ajoute à un autre, et puis une autre offrira aux expéditeurs, aux transporteurs et à n'importe quelle municipalité qui s'adresse à l'agence une notion selon laquelle bien qu'une demande soit subjective dans sa formulation, elle demande est logique, lisible et prévisible. C'est le principe qui régit l'office.

Je suis désolé de ce discours interminable, mais je ne peux dire à ce comité ce qu'important veut dire ou dans quelle mesure la loi devrait être amendée pour calmer les expéditeurs.

M. Fontana: Monsieur Ashley, même s'il se peut que nous soyons tous un peu déçus queM. Rivard ne soit pas ici, je ne comprends pas l'emportement de M. Gouk. Je croyais que vous lui donniez un éventail de définitions de l'expression préjudice important.

M. Gouk s'est énervé tout à coup lorsque vous lui avez dit que cela pourrait vouloir dire que l'office rendrait ses décisions selon chaque cas particulier - je crois que c'est ainsi que vous avez dit que vous évalueriez la demande - que cela signifie ou non que quelqu'un allait faire faillite. Mais je vous ai aussi entendu parler de concurrence, de taille des installations et de toutes sortes d'autres facteurs, de sorte que je ne comprends pas pourquoi M. Gouk s'est emporté dès que vous avez mentionné une série de critères dont pourrait tenir compte l'ONT selon chaque cas particulier.

Est-ce que je me méprends sur ce que vous avez ou est-ce plutôt M. Gouk qui se méprend?

M. Ashley: Monsieur Fontana, ce que j'ai essayé de faire c'est de montrer que si le paragraphe 27(2) est adopté, je m'attendrais à ce que M. Rivard et les autres membres entendent des éléments de preuve et des exposés sur une série d'options. Je ne dis pas cela en me regardant le nombril, je me fonde sur mon expérience avec le critère actuel prévu par le 113(5) - nuire notablement à un concurrent, réduire notablement la concurrence.

J'ai travaillé à ces causes ayant trait au prix compensatoire minimum et j'ai entendu les éléments de preuve du transporteur et de l'expéditeur. Ils se rangent dans la gamme de ceux dont je viens tout juste de parler.

M. Fontana: Même en l'absence du paragraphe 27(2) n'est-ce pas ce que fait l'office à l'heure actuelle en ce qui concerne les éléments de preuve? Il tient compte de tous ces facteurs. Les transporteurs et les expéditeurs plaident leur cause auprès de l'office en invoquant qu'ils n'ont pu en arriver à une entente relativement à un accès concurrentiel. Ils invoqueront l'effet important qu'une décision peut avoir sur le transporteur, l'expéditeur ou une municipalité. N'est-ce pas ce qui se passe à l'heure actuelle?

.1840

M. Ashley: Avec tout le respect que je vous dois, monsieur Fontana, non. Ce qui arrive maintenant, c'est qu'il y a seulement deux ou trois articles qui utilisent une formulation analogue. J'ai parlé du paragraphe 113(5). Il y est question du prix compensatoire minimal. Cela ne s'appliquera pas aux termes de la nouvelle mesure législative. Le critère dans ce cas est que le prix réduit notablement la concurrence ou nuit notablement à un concurrent. Il y a des éléments de preuve et des exposés à cet égard.

Il y a un autre article dont la formulation est semblable. Il s'agit de l'article 59 où il est question de préjudice à l'intérêt public. On n'a pas maintenu cet article. À cet égard, des éléments de preuve et des exposés ont été également présentés.

En ce qui concerne les droits de circulation, qui seront maintenus aux termes de la nouvelle mesure législative, le critère est que ce soit équitable ou nécessaire dans l'intérêt public.

Ces articles comportent un critère du genre de celui dont il est question au paragraphe 27(2), mais on parle de large impact. Le paragraphe 27(2) vise un expéditeur en particulier. L'office a de l'expérience en ce qui a trait à des évaluations plus larges de l'effet, que ce soit sur le marché en général ou sur la concurrence. J'ai bien peur alors que la réponse à cela soit non, mais un non nuancé.

M. Fontana: L'une des réserves qu'ont exprimée certains expéditeurs c'est que le préjudice important serait soit un critère préalable ou une première étape pour avoir accès à l'office. Vous essayiez de dire à M. Gouk là où interviendrait le critère du préjudice important. Si l'on se fonde sur la formulation du paragraphe 27(2), croyez-vous qu'il s'agira d'un pré-critère pour avoir accès à l'office ou, comme l'ont dit les représentants de Transports Canada et le ministre, que cela est censé être une direction pour l'office en ce qui a trait à la réparation, à la décision une fois que vous avez entendu tous les éléments de preuve?

M. Ashley: Je peux répondre précisément à cette question. Je sais que le ministre a dit qu'il n'a pas l'intention que le paragraphe 27(2) soit une mesure de dernier recours dans le cadre de la fonction quasi-judiciaire. Je sais que le paragraphe 27(2) n'a rien à voir avec le paragraphe 290 de la Loi sur les chemins de fer, qui mentionne un critère prima facie très important: s'agit-il ici d'une affaire qui justifie une audition par l'office? Le paragraphe 27(2) ne fait pas cela.

Tout ce que je peux dire, c'est que le ministre a déclaré qu'il a l'intention de faire en sorte que le paragraphe 27(2) soit considéré comme un dernier recours. Je ne peux vous en dire plus, monsieur Fontana. Je suis désolé.

M. Fontana: Mais n'est-il pas clair qu'il constitue un dernier recours? C'était ma question.

M. Ashley: Je serai très franc avec vous. Cette disposition, selon l'interprétation que lui donneront les avocats, sera considérée à la fois comme un premier et un dernier recours.

Mme Wayne: Pouvez-vous nous dire si les expéditeurs aux États-Unis bénéficient, tout comme les expéditeurs au Canada, de prix de ligne concurrentiels?

J'ai cru comprendre qu'aux États-Unis, l'expression marché captif veut dire la même chose que pouvoir de marché. Qu'est-ce qu'on entend par cela?

M. Ashley: J'essaierai de vous l'expliquer le plus clairement possible. Si je n'y arrive pas, puis-je vous répondre par écrit?

Mme Wayne: Certainement.

Le président: Il faudra envoyer votre réponse au greffier, monsieur Ashley.

M. Ashley: Très bien.

Je crois comprendre qu'aux États-Unis, cette question relève de la compétence de l'ICC et que les expéditeurs bénéficient de dispositions relatives à l'accès concurrentiel. Vous avez entendu des témoignages, parfois contradictoires, à ce sujet. Certains soutiennent que ces dispositions n'existent pas. Je ne suis pas de cet avis. Elles existent, par exemple, pour les droits de circulation, entre autres.

Toutefois, je ne peux pas vous dire si les expéditeurs, aux États-Unis, bénéficient eux aussi de prix de ligne concurrentiels. J'ai l'intention de me renseigner, dès ce soir, auprès de mes collègues.

M. Comuzzi: Je ne sais pas si l'on peut considérer mon intervention comme une question, monsieur le président, mais j'aimerais parler de la structure des comités de la Chambre des communes.

Si un comité de la Chambre convoque un témoin devant lui et que ce témoin envoie plutôt un émissaire, est-ce que le comité n'a pas droit à des explications?

.1845

Le président: Je ne crois pas...

M. Comuzzi: J'aimerais qu'on réponde à ma question.

Le président: C'est ce que j'essaie de faire.

M. Comuzzi: D'accord.

Le président: Je n'en ai pas encore discuté avec le greffier, mais je crois que nous avons déjà abordé cette question. Il existe pour cela une procédure bien établie. Vous pouvez, monsieur Comuzzi, demander au comité de présenter cette requête à la Chambre, avec une motion, ainsi de suite.

M. Ashley: Puis-je dire quelque chose, monsieur le président?

Sauf votre respect, la demande de comparution a été adressée à l'adjoint administratif du président. Dans son invitation, qui était rédigée en français, le comité affirmait qu'il souhaitait entendre le point de vue de représentants de l'Office. Encore une fois, sauf votre respect, quand le président a vu cela, il a pensé que je serais le mieux placé pour représenter l'Office. Je suis mieux en mesure de répondre à vos questions que le président, parce que je suis sûr qu'il regretterait, un jour, son manque d'objectivité et je ne sais quoi. Cela le détruirait totalement...

Le président: Monsieur Ashley, il ne faut pas exagérer. Il se contenterait tout simplement de répondre «sans commentaire», et je ne crois pas que cela le dérangerait beaucoup. Il ne répondrait pas aux questions comme vous le faites aujourd'hui. Mais nous y reviendrons une autre fois. SiM. Comuzzi veut aborder la question de nouveau, il peut le faire.

M. Comuzzi: Est-ce qu'un des greffiers peut m'expliquer la procédure à suivre?

Le président: Le greffier peut le faire. Elle figure dans le Règlement.

Avez-vous une autre question? Non? D'accord. Nous pouvons céder la parole à M. Gouk.

M. Gouk: Pour revenir aux questions de M. Fontana, qui voulait savoir pourquoi j'étais très choqué par toutes ces réponses différentes qu'on a données - et je n'en veux pas particulièrement à M. Ashley - , je dirais qu'il a été très franc et je lui en sais gré. Le problème, c'est que j'ai dit à Moya Greene, de Transports Canada, que cette expression était très subjective. Elle m'a répondu, ainsi qu'à d'autres députés de l'autre côté - dont M. Fontana - , qu'elle était très claire; on utilise souvent ce terme et donc sa définition est très claire, bien que personne n'ait été en mesure de nous en fournir une.

J'ai écouté les arguments des expéditeurs et je me suis demandé si leurs craintes étaient justifiées ou non, s'ils étaient légèrement ou complètement paranoïaques. Or, voilà que l'organisme même qui doit rendre ces décisions nous dit qu'il ne sait pas ce que cela veut dire, qu'ils devront se pencher là-dessus. Vous ne le dites pas explicitement, mais les rédacteurs du projet de loi nous disent «Faites-nous confiance, le sens sera sans doute très clair, selon l'interprétation que nous déciderons de donner à cette expression au fur et à mesure que les décisions seront rendues». Il ne s'agit pas d'un premier recours, même si c'est ce que les avocats vont essayer de démontrer. Et Dieu sait quand vous allez pouvoir présenter votre demande à l'OTC.

Je trouve cela inquiétant, mais vous n'y êtes pour rien. Je me suis laissé emporter par la colère et je m'en excuse; ce n'était pas dirigé contre vous. Ce projet de loi est très pénible. J'espère que vous comprenez la position dans laquelle nous nous trouvons.

Comme ma question était bien précise, M. Rivard aurait pu lui-même - ou par votre entremise - , me donner une réponse plus claire quand je lui ai demandé de m'expliquer l'impact qu'aurait eu le paragraphe 27(2) sur son secteur au cours des huit dernières années. Mais il était peut-être incapable de le faire, puisque vous dites que, pour être en mesure d'appliquer une règle, il faut d'abord la comprendre. En toute honnêteté, vous ne savez pas ce que cela veut dire. Je suppose que, dans un sens, vous avez répondu à ma question.

M. Ashley: Monsieur le président, j'aimerais dire à M. Gouk que je ne lui en veux pas. Je suis un avocat et on crie après moi tout le temps. Je présume qu'on va continuer à le faire.

M. Gouk: Nous aussi, nous sommes habitués à ce genre de chose. Cela fait partie du métier.

M. Ashley: Je le sais par expérience, parce que j'ai participé en 1986 au processus de modification de la Loi sur la concurrence. Il était question, dans cette loi, de la «diminution sensible de la concurrence». Cette expression a soulevé beaucoup de discussions à l'époque. Qu'est-ce qu'on voulait dire par «sensible»? Est-ce qu'on voulait dire considérable? Négligeable? Appréciable? Ils voulaient qu'on quantifie cette diminution. Est-ce qu'elle représentait 10 p. 100 des parts de marché? Vingt p. 100? Après de nombreuses discussions - comme vous êtes en train de le faire maintenant - , le comité a décidé qu'on ne pouvait pas fournir de chiffres précis.

.1850

Encore une fois, il est dangereux d'être trop précis. J'essaie d'être clair, mais je dois être prudent. Je vous explique les choses en tant qu'avocat.

Pour ce qui est de savoir si M. Rivard aurait pu vous fournir plus de renseignements, sauf votre respect, je ne le crois pas. Je vous ai donné beaucoup plus de renseignements qu'il n'aurait été en mesure de vous fournir. Je sais que ma réponse ne vous satisfait pas. Les membres de l'Office sont comme les membres de l'ONE, du CRTC. Ils ne peuvent pas spéculer; ils ne peuvent pas émettre des opinions fondées sur des hypothèses. Sauf votre respect, on ne peut pas utiliser comme exemple un cas où aucune preuve n'a été établie en vertu du paragraphe 27(2) et spéculer sur l'impact qu'il aurait pu avoir.

M. Gouk: Pour reprendre vos propres paroles, «sauf votre respect», vos explications ne sont pas très claires, mais vous n'y êtes pour rien. Vos explications ont peut-être été utiles, je ne le sais pas.

Le président: Eh bien, moi,j'estime que l'exemple donné par M. Ashley est très utile. Cela prouve que, pour être en mesure d'expliquer une définition, il faut avoir un cas bien précis sur lequel se fonder. Donc...

M. Gouk: Après le fait accompli: signez ici et nous vous dirons si...

Le président: Eh bien, Jim, donne-moi un exemple...

M. Gouk: Si je peux tout simplement...

Le président: Non, laissez-moi finir. Monsieur Gouk, vous venez de parler pendant cinq minutes, et je veux finir ce que j'ai à dire, d'accord? Et cela n'aide pas M. Comuzzi.

Monsieur Fontana, voulez-vous terminer? J'en ai assez. Je ne peux rien lui expliquer parce qu'il ne veut pas m'écouter.

M. Fontana: Cette question est très importante. Nous avons devant nous un témoin important et nous essayons de régler une question très grave.

Monsieur Ashley, vous avez dit que vous aviez soumis certains cas à la cour d'appel et que vous les aviez remportés. Vous vous inspirez peut-être des décisions rendues par d'autres organismes quasijudiciaires. Je me demande si vous avez déjà entendu l'expression «préjudice important». Est-ce que cette notion pose un problème aux tribunaux?

M. Ashley: Monsieur le président, je connais bien le système judiciaire et je connais très bien aussi le sens du mot «important». Cependant, je ne peux pas vous dire si les tribunaux ont déjà examiné cette notion.

M. Fontana: Permettez-moi de vous donner un exemple concret que nous avons utilisé avec les témoins qui ont comparu devant nous. Comme vous le savez, le paragraphe 27(2) sert à accorder une réparation, non pas à déterminer si une demande est recevable ou non. Je suis déçu de vous entendre dire que vous pourriez... Eh bien, il n'est pas difficile de comprendre que les avocats peuvent invoquer les deux arguments.

Si, par exemple, une compagnie de chemin de fer décide d'augmenter le prix de ligne concurrentiel de 1, 2 ou même 3 p. 100, et que l'expéditeur ne peut absorber cette hausse... Et dans la plupart des cas, comme vous le savez monsieur Ashley, ils ne s'adressent pas à l'Office; ils ne présentent même pas une demande d'arbitrage. Très peu de cas ont été soumis aux agences depuis 1987, ce qui prouve que le système fonctionne dans une certaine mesure. Si l'expéditeur estime que la compagnie de chemin de fer va trop loin, est-ce qu'il peut soumettre son cas à l'Office, sans prouver que cette hausse de 3 p. 100 lui causerait un préjudice important? Peut-il s'adresser à l'Office tout simplement parce qu'il pense cette hausse de 3 p. 100 est déraisonnable? Croyez-vous que la notion de «préjudice important» pourrait aider l'Office à déterminer la réparation qui doit être accordée à l'expéditeur?

.1855

M. Ashley: Je crois que le ministre a déclaré que c'était bien son intention, monsieur Fontana.

M. Gouk: Est-ce qu'on pourrait avoir une réponse plus précise?

Le président: Jim, s'il vous plaît.

Avons-nous maintenant terminé?

M. Ashley: Si la question est de savoir si une hausse de 3 p. 100 cause un préjudice important à l'expéditeur, la réponse est que, selon la loi, il revient à l'expéditeur, et non au transporteur, de le prouver.

M. Fontana: Quels critères l'Office utiliserait-il pour déterminer que la hausse de 3 p. 100 causerait un préjudice important à l'expéditeur?

M. Ashley: J'ai une liste de critères qui serait sans doute pris en considération par l'Office, monsieur Fontana.

M. Fontana: Pourriez-vous en énumérer quelques-uns ou les déposer auprès du comité?

M. Ashley: Je suis prêt à le faire maintenant. Je l'ai établie en me fondant sur mon expérience personnelle et les discussions que j'ai eues avec mes collègues. Quelle incidence ce tarif aura-t-il sur la viabilité à long terme de l'expéditeur? Quelles sont les répercussions à court terme? Quel impact net aura-t-il? Empêchera-t-il l'expéditeur d'accroître sa part du marché intérieur, de continuer à desservir le marché intérieur ou de poursuivre ses activités dans les marchés d'exportation? Quelle est la nature des biens? Combien d'autres marchés l'expéditeur dessert-il? Peut-il utiliser les services d'un autre transporteur? Est-ce que les tarifs de cet autre transporteur sont plus élevés? S'agit-il d'un transporteur intermodal? Intramodal? Ce tarif risque-t-il d'empêcher l'expéditeur d'accroître ses activités? Quel impact va-t-elle avoir sur le marché d'exportation ou le marché de destination? Est-ce qu'une hausse de 3 p. 100 empêcherait l'expéditeur de pénétrer le marché ou rendrait cette pénétration plus difficile?

Voilà les critères que j'ai été en mesure d'établir, monsieur Fontana.

M. Fontana: Je crois que cette liste est très utile. Merci.

Le président: Merci, Joe.

Monsieur Ashley, j'ai dit au début que votre déclaration liminaire était plutôt vide. Toutefois, vos réponses à nos questions étaient, elles, fort instructives.

Merci d'avoir comparu devant notre comité aujourd'hui et d'avoir fait votre possible pour répondre aux questions.

M. Ashley: Merci, monsieur le président.

Le président: C'est moi qui vous remercie.

Chers collègues, notre prochaine réunion aura lieu demain après-midi, à 15 h 30.

La séance est levée.

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