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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 8 novembre 1995

.l530

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Nous devrons nous en tenir à notre horaire aujourd'hui, chers collègues, parce que nous avons un vote à 17 h 15.

Nous examinons le projet de loi C-101, Loi sur les transports au Canada. Nous accueillons des représentants des Travailleurs canadiens de l'automobile, M. Dennis Cross, président de la section locale 101, Réseau CP, et M. Chernecki, adjoint au président.

Nous aimerions que vous nous présentiez votre exposé en 15 minutes ou moins pour que nous ayons le temps de vous poser des questions. Allez-y, messieurs, dès que vous serez prêts.

M. Bob Chernecki (adjoint au président, Travailleurs canadiens de l'automobile): Merci, monsieur le président.

Nous avons avec nous huit recommandations que nous vous demandons d'annexer à notre mémoire. Nous avons jugé important de vous résumer ce que nous pensons au juste de ce projet de loi, et c'est ce à quoi servent ces recommandations.

Tout d'abord, laissez-moi vous présenter tout le monde. Kevin Collins travaille pour le service de recherche des Travailleurs canadiens de l'automobile et Bob Hanlan est vice-président, région des Grands Lacs, section locale 100 du réseau CN. Comme M. Keyes vient de vous le dire, Dennis Cross est président de la section locale 101 du réseau CP. Je suis Bob Chernecki, adjoint au président. Mes responsabilités englobent le secteur des transports.

Je présume que les membres du comité ont parcouru le mémoire et je vous en épargnerai donc la lecture, mais j'aimerais aborder les points saillants un à un pour que vous compreniez bien ce que nous pensons de la mesure envisagée ici.

Comme vous pouvez le voir d'après notre exposé, nous sommes maintenant le plus gros syndicat des secteurs public et privé au Canada en ce qui concerne cette industrie, qui englobe le transport aérien, par chemin de fer, par camion et par autocar. Nous représentons à peu près 40 000 travailleurs en tout et nous sommes heureux de l'occasion qui nous est offerte de vous rencontrer. Ce n'est pas la première fois que nous témoignons à propos d'une question de ce genre et Bob Nault pourra vous le dire. Comme je l'ai indiqué, nous sommes heureux d'avoir l'occasion d'aborder cette question avec vous. Nous espérons que nous arriverons à vous faire comprendre ce que nous pensons au juste de la déréglementation et de la privatisation.

Le projet de loi porte sur la privatisation et la commercialisation du CN. C'est ce qu'il vise, mais d'autres modifications mineures y sont proposées aussi. Il va aider à privatiser le CN et tout le monde sait depuis bien des années ce que mon syndicat pense de la privatisation des sociétés de la Couronne et de ce que cela peut avoir comme répercussions sur les travailleurs et le pays. Nous espérons que nous ne gaspillons pas notre salive ici. Le gouvernement fédéral essaie vraiment de déréglementer complètement cette industrie.

Notre politique, que nous avons adoptée lors de notre congrès de 1991, est assez claire à ce sujet. Ce qui compte pour nous, ce sont des emplois productifs, l'unité nationale et le développement économique régional. C'est ce qui devrait compter pour vous et c'est ce que la loi devrait viser, mais je ne pense pas que ce soit le cas ici.

Nous pensons qu'il faudrait aussi essayer de trouver le juste équilibre. Il ne faudrait pas tenir compte uniquement de la rentabilité et de la viabilité économique des sociétés. Il faudrait penser aussi aux collectivités et aux répercussions que ces changements peuvent avoir pour elles.

À en juger par ce qui est proposé ici, bien des collectivités vont se retrouver sans aucun service. Comme vous, j'ai lu les observations de M. Tellier et compagnie et des manutentionnaires céréaliers. Ils ont un intérêt direct dans cette affaire.

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M. Tellier essaie de vous dire que ce projet de loi ne va pas assez loin. En fait, il aimerait voir la Loi sur les transports disparaître pour avoir le droit de faire tout ce qu'il veut, quand bon lui plaît et à sa manière; au diable les collectivités et les travailleurs.

Les manutentionnaires céréaliers soutiennent pour leur part que cela va peut-être diminuer l'efficience et faire augmenter leurs coûts parce que le service va être moins bon. Nous pensons à peu près la même chose. Nous sommes d'accord au moins sur ce point-là.

Tout le monde sait d'où est venue l'idée de la déréglementation ...où elle a vraiment commencé et qui en a pris l'initiative. L'industrie du transport aérien est complètement déréglementée: il y a quelques années, Air Canada a opté pour la déréglementation, et la société ne s'en tire pas tellement mieux aujourd'hui qu'à l'époque. On ne peut pas dire que la déréglementation ait tellement réussi non plus aux Lignes aériennes Canadien International. Les revenus combinés de ces deux transporteurs s'élèvent à près de 7 milliards de dollars, et les transporteurs régionaux ont des revenus supplémentaires d'au moins 700 millions de dollars. Bien sûr, Air Canada peut en profiter.

Si on regarde ce qui s'est passé ces dernières années avec l'ouverture des espaces aériens, je pense qu'on peut dire qu'on ne sait toujours pas à quoi s'en tenir. Comme vous le savez, il y a un moratoire de deux ans qui a été imposé, une période pendant laquelle les Canadiens auront le droit de s'implanter sur les marchés américains et, au bout de deux ans, les Américains vont s'implanter sur notre marché. Nous pensons que des changements importants vont survenir pendant cette période: d'autres emplois vont disparaître et une industrie canadienne très importante va perdre de sa force, l'industrie du transport aérien.

Les emplois sont toujours ce qui a compté pour nous et nous sommes préoccupés par le sort de nos travailleurs. Il y a eu de très nombreuses pertes d'emplois, tant dans l'industrie du transport aérien que celle du rail, en raison surtout des mesures de déréglementation et de privatisation prises par le gouvernement fédéral. Prenons, par exemple, les accords aériens. Air Canada avait réussi à obtenir une liaison Montréal-Atlanta; elle s'est empressée de s'installer sur ce marché, mais elle en est rapidement sortie ces derniers mois, parce que la chose n'était pas rentable pour elle.

Donc, même si l'ouverture des espaces aériens peut sembler avoir du bon pour l'instant, même si le gouvernement trouve que c'est une bonne idée, nous pensons que nous allons voir au bout de ces deux années le véritable résultat de l'ouverture des espaces aériens et de la déréglementation: de nouvelles pertes d'emplois. Les économies d'échelle ne permettront pas à l'industrie canadienne du transport aérien de survivre. Et, comme je l'ai dit, les Lignes aériennes Canadien International vont retourner voir leurs employés pour obtenir de nouvelles concessions.

En réalité, ce sont les travailleurs qui subventionnent cette entreprise de transport aérien. Certains vous diront que si cette compagnie devait disparaître, les emplois disparaîtraient eux aussi. Mais la vraie question à se poser est la suivante: faut-il la sauver aux dépens des travailleurs; si vous parliez aux travailleurs, comme je le fais lorsque je vais dans les aéroports, ils vous diraient qu'ils en ont assez de se serrer la ceinture pour que ce transporteur aérien puisse survivre.

Je trouve qu'il est important de replacer la déréglementation dans son contexte, de voir quelles auront été ses répercussions, du moins dans l'industrie du transport aérien, et c'est ce que nous essayons de faire aujourd'hui.

Si on prend les chemins de fer de catégorie 1, le CN et le CP, on peut voir que leurs revenus s'élèvent à plus de 6 milliards de dollars et leurs profits nets combinés, à plus de 400 millions de dollars. Le problème, c'est que pour soutenir la concurrence, il faut éliminer des emplois. Les dernières négociations, dont la plupart se souviendront je pense, tournaient autour d'un principe très important pour les travailleurs, la protection de leurs revenus, en même temps que l'assurance pour les collectivités de pouvoir compter sur les emplois nécessaires au bon fonctionnement et à la santé financière des municipalités. Finalement, le ministre du Travail et le ministre des Transports s'en sont pris au mouvement ouvrier et ils ont dénoncé nos conventions collectives. L'expérience a été malheureuse pour nous tous. Les travailleurs se sont mis en grève, mais ils ont reçu l'ordre de retourner au travail.

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Nous parlons ici des pressions qui s'exercent, de réduction des effectifs, de compressions budgétaires et d'un changement d'orientation par rapport à ce qui existait avant. Nous avions auparavant beaucoup de respect pour les structures nationales comme les entreprises de transport aérien et les chemins de fer. Pour une raison ou une autre, ce respect a fini par disparaître au cours des ans. Tout cela, parce qu'on veut avant tout faire des profits, parce que les gens veulent se tailler une place sur les marchés mondiaux, ce qui est impossible la plupart du temps.

Nous avons de sérieuses réserves à propos de cette mesure législative et c'est pourquoi nous sommes venus vous dire qu'il faut la revoir, la mettre à jour, faire en sorte qu'elle soit plus progressiste.

En tant que syndicat, nous avons cerné plusieurs préoccupations en ce qui concerne les lignes secondaires. Bien entendu, la question tourne autour de la viabilité économique de ces lignes secondaires, de la sécurité au travail et des droits des travailleurs.

L'expérience des chemins de fer sur courtes distances n'a pas été très heureuse aux États-Unis. Comme vous pouvez le voir dans notre mémoire, un bon nombre des CFIL américains sont voués à la faillite. Chaque année, aux États-Unis, de 15 à 25 % des lignes secondaires disparaissent, et ce sont là les chiffres officiels que je vous donne. Plus de 20 % des 138 lignes secondaires créées en 1986 ont été une perte totale. Évidemment, étant donné la valeur élevée du matériel et des actifs, cela représente un échec monumental.

Ce que vous envisagez dans ce projet de loi, et ce que le gouvernement conservateur provincial envisage dans la loi 5, c'est la création de chemins de fer interprovinciaux, de chemins de fer d'intérêt local ou CFIL comme on les appelle. Le seul critère de comparaison que vous avez, et le seul critère de comparaison que nous avons comme travailleurs, c'est ce que nous avons pu observer jusqu'à maintenant. Et ce que nous avons pu observer jusqu'à maintenant se résume à une érosion de nos droits de négociation collective, à des mises à pied, à des faillites. Tout cela a des retombées sur les collectivités et sur le bien-être de ces collectivités et du pays tout entier.

J'aurais quelques mots à dire au sujet des droits des travailleurs. Notre mémoire est déjà un peu dépassé. Nous parlons, à la page 10, des droits du successeur pour les syndicats, et nous parlons de la Colombie-Britannique ainsi que de la Saskatchewan. Cela n'est plus vrai dans le cas de l'Ontario. Comme je l'ai déjà dit, la loi 7 a fait disparaître, entre autres choses, les droits des travailleurs de cette province en vertu des dispositions régissant les droits du successeur. C'est ce qui arrive lorsque des lignes passent de la compétence du fédéral à celle des provinces. Si les CFIL continuaient à relever de la compétence du fédéral, deux questions seraient réglées: les normes de sécurité fédérales continueraient à s'appliquer et nous conserverions les droits que nos conventions collectives nous garantissent.

Donc, pour nous, il est très important que ce projet de loi règle ce genre de question. Nous tenions à venir vous dire ce qui compte vraiment, ce qui a de l'importance pour nous, parce que nous savons ce qui va arriver. Nous pouvons vous donner certains exemples, dans le cas du CN. Si les chemins de fer sont autorisés à faire ce qu'ils veulent ici, ils vont créer « ou l'économie va créer... toute une série de chemins de fer d'intérêt local. Ils vont essayer ensuite de démanteler nos conventions collectives, après quoi ils vont essayer de nous ramener à la table des négociations pour obtenir des concessions, ou nous dire tout simplement que c'est cela ou rien. De longues négociations s'annoncent entre les syndicats et les chemins de fer de catégorie 1 sur toutes ces questions.

Si j'essaie de résumer, cela m'amène à nos recommandations que je tiens à examiner avec vous.

La première, c'est qu'il faudrait renverser la tendance à long terme visant à déréglementer le système national de transport, tendance que le projet de loi C-101 contribue à développer. Il faudrait prendre le temps de s'arrêter pour voir où nous allons, et adopter en tant que pays la politique nationale des transports que le gouvernement fédéral nous a promise lorsqu'il a été élu. Nous attendons toujours.

Selon nous, il faudrait porter une attention particulière aux principes suivants le moment venu d'adopter une politique nationale, et nous les énumérons: l'unité nationale, les normes de sécurité pour les travailleurs et les travailleuses et pour le public, la protection de l'environnement, l'accès à des services marchandises et passagers pour tous les Canadiens et Canadiennes, de même que l'équilibre entre les divers modes de transport en vue de leur intégration.

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Nous pensons que toute entreprise devrait être détenue en priorité par une régie publique et qu'il faudrait discuter de la question de savoir à qui la déréglementation profite le plus. Il faudrait se doter d'une politique des transports tenant compte de la nécessité d'un système de transport national qui serait réglementé par l'État et lui appartiendrait.

Il y a aussi, bien entendu, la question de la tarification et, comme je l'ai dit tout à l'heure, celle de la politique, mais il ne faudrait pas oublier non plus VIA Rail. Je pense que la plupart d'entre vous savent que VIA Rail n'est pas propriétaire des voies ici. Le CN se dirige vers la privatisation et VIA circule sur ses voies.

Cela dit, j'imagine qu'il faut se poser la question suivante: lorsqu'il y aura eu privatisation, comment VIA va-t-elle pouvoir assurer un service d'un océan à l'autre sur des voies dont le gouvernement n'est plus propriétaire? Les pressions vont s'intensifier et j'imagine que les nouveaux propriétaires du CN vont forcer VIA Rail à payer plus cher l'utilisation des voies. Raison de plus pour démanteler cette entreprise, ce qui nous attend, je pense, dans un avenir rapproché. Nous avons l'impression que le gouvernement n'a plus aucune idée de ce dont le pays a vraiment besoin comme services de transport nationaux.

Donc, lorsqu'on analyse ce qui arrive au CN et au CP et ce qui est arrivé au CP, on ne peut qu'en venir à la conclusion que VIA Rail va se trouver dans une situation économique précaire parce qu'on va la forcer à payer plus cher pour utiliser les voies. Où s'en vont notre système de transports en commun et nos chemins de fer?

La dernière recommandation, et probablement la plus importante pour nous, c'est qu'il faudrait se garder de compromettre les droits des travailleurs et travailleuses en suivant la tendance à exploiter des lignes secondaires et à utiliser de la main-d'oeuvre à bon marché que préconisent des entreprises américaines comme Railtex, qui n'ont que faire des droits de négociation collective des travailleurs et travailleuses.

Monsieur le président, vous nous avez alloué très peu de temps pour une question très importante. Je sais que le comité a un vote cet après-midi, mais j'implore ici votre indulgence. Il y a des exemples que certains de mes collègues pourraient vous donner, peut-être Dennis Cross, de ce que cela veut dire ou pourrait vouloir dire pour certaines collectivités. Nous serons brefs.

Le président: Malheureusement, nous devons entendre 105 témoins pendant la période qui nous a été allouée. De telles décisions ne sont pas prises à la légère. Votre exposé a déjà duré près de vingt minutes, soit environ huit minutes de plus que la moyenne. Je vais donc devoir vous demander, monsieur Chernecki, de tout nous résumer en une minute pour que nous puissions poser aux Travailleurs canadiens de l'automobile certaines questions portant précisément sur le projet de loi C-101.

M. Chernecki: Nous aurions un ou deux exemples à vous donner.

Le président: Une minute, ce n'est pas assez long pour que vous nous donniez des exemples, monsieur Chernecki.

M. Chernecki: C'est plus que ce que M. Harris a bien voulu nous accorder, et nous vous en remercions.

M. Dennis Cross (président, Section locale 101, Réseau CP, Travailleurs canadiens de l'automobile): Je dirais qu'il s'agit en majorité dans le cas de notre syndicat de préposés à l'entretien et à l'inspection du matériel roulant pour le Canadien Pacifique, le Canadien National et VIA Rail. Nous représentons également des employés de bureau et certains employés de soutien du CN et de VIA.

Nous nous demandons surtout si le gouvernement sait vraiment dans quoi il s'embarque lorsqu'il dit être prêt à autoriser les chemins de fer à annoncer quelles sont les lignes dont ils aimeraient se défaire dans un délai de trois ans.

Le Canadien Pacifique va annoncer la semaine prochaine ce qu'il entend faire de ses lignes entre Windsor, en Ontario, et Québec. Ce à quoi nous nous attendons, comme syndicat, c'est que lorsque la compagnie va se conformer à la loi et annoncer de quelles lignes elle va se dépouiller en trois ans, cela va englober la ligne principale qui dessert l'est du Canada, exception faite des gares intermodales très rentables de la région de Toronto. Le Québec et l'Ontario n'arriveront certainement pas à maintenir ce genre d'infrastructure à moins d'investir au bas mot 1 milliard de dollars pour le Canadien Pacifique seulement.

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Tel qu'il est actuellement rédigé, ce projet de loi va avoir d'énormes répercussions pour les chemins de fer. Prenons, par exemple, les services assurés par le Canadien National dans l'ouest canadien. Comment une province comme le Manitoba, d'où je viens, va-t-elle maintenir le service jusqu'à Churchill? Elle n'y arrivera pas et le projet de loi, dans sa forme actuelle, ne permettra pas du tout au gouvernement fédéral de protéger les intérêts des collectivités qui vivent le long de cette ligne.

Je vais m'arrêter ici et nous allons répondre à vos questions.

Le président: Merci, monsieur Cross, monsieur Chernecki, de votre exposé au comité.

Nous allons passer aux questions. Allez-y, monsieur Mercier.

[Français]

M. Mercier (Blainville - Deux-Montagnes): Messieurs Cross et Chernecki, je suis bien d'accord avec vous pour dire que c'est une loi qui a une vision mercantiliste, qui ne s'occupe pas du service public et qui ne se préoccupe pas beaucoup de l'intérêt des travailleurs. Dans cette optique, il faut bien constater qu'un bon nombre de voies secondaires sont déficitaires. La loi prévoit que, quand une voie secondaire est déficitaire, la compagnie peut la mettre en vente; ce tronçon est racheté ou bien ne l'est pas par un intérêt privé, et s'il n'est pas racheté, un gouvernement peut le faire. Maintenant, dans l'optique mercantiliste de ce projet de loi, que faudrait-il faire dans le cas où une ligne secondaire serait déficitaire? Ici, il est prévu qu'un CFIL, par exemple, pourrait la racheter. Mais vous dites, probablement avec raison, que vous risqueriez de ne pas avoir une convention collective aussi intéressante que celle que vous avez en ce moment si vous deviez renégocier avec ce CFIL. D'autre part, si la ligne déficitaire était supprimée, des emplois seraient supprimés.

Ne trouvez-vous pas que dans ce cas-là, le CFIL peut être considéré comme un moindre mal, qu'il est préférable à la suppression de la ligne? Je parle ici dans l'intérêt des travailleurs, parce qu'il serait préférable que le tronçon soit repris par un CFIL plutôt que d'être supprimé. Sinon, que pensez-vous qu'il faille faire quand un tronçon est déficitaire? Doit-il être subventionné dans l'intérêt public? Doit-il être vendu à un CFIL si possible ou doit-il être abandonné? Qu'est-ce qu'il faut faire?

[Traduction]

M. Chernecki: C'est une bonne question. Non, nous ne pensons pas qu'il devrait être abandonné. L'histoire de notre pays fait ressortir l'importance que nous attachons à un système national de transport public. Si une collectivité devait se trouver sans service, je pense que l'État serait tenu de subventionner cette ligne. Si cela s'avérait absolument impossible, si cette ligne était déficitaire et sans avenir, alors, peu importe la loi, ce serait la faillite. Quelqu'un voudra peut-être l'exploiter.

Je pense que nous sommes en train de détruire ce qui faisait autrefois l'attrait de notre pays, et au nom de quoi? Au nom de la privatisation, et au nom du profit. Le pays a une obligation dans ce cas-ci, celle d'accorder son appui financier.

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VIA Rail est un exemple typique. Il se trouve toujours des députés pour critiquer le fait que nous subventionnons VIA Rail. Si des collectivités doivent renoncer au service ferroviaire, au service passagers, je mets ces mêmes députés au défi de se lever et d'expliquer pourquoi ils ont appuyé l'élimination de ce service. Nous avons dans ce cas-ci des obligations.

Une voix: [Inaudible]... le service.

Le président: S'il vous plaît. Votre tour va venir.

M. Chernecki: Le pays et les parlementaires ont l'obligation de veiller à ce que nous ayons un service passagers national.

Deux mots pour répondre à votre question: il n'y en a pas.

Pour ce qui est des travailleurs, des syndiqués, à notre avis, il faudrait qu'il y ait... que soient maintenues nos conventions collectives. Pourquoi des travailleurs devraient-ils accepter une diminution de salaire pour la seule raison qu'un chemin de fer a changé de propriétaire? Ils ne devraient pas y être obligés. Qu'un préposé aux wagons travaille pour un chemin de fer d'intérêt local ou pour un chemin de fer de catégorie 1, ses fonctions ne changent pas. Pourquoi devrait-il se contenter de moins? Ce n'est pas à lui de subventionner les profits d'une compagnie ferroviaire, et c'est ce que nous essayons de vous dire.

Je comprends votre question, et je demanderai à Dennis «

M. Cross: Je pense qu'il faut faire attention. Quand on parle de chemins de fer sur courtes distances, on pense habituellement à des lignes comme celles de Goderich-Exeter en Ontario ou de Truro-Sydney en Nouvelle-Écosse, en réalité, de lignes secondaires. Il y a très peu de gens qui travaillent sur ces lignes et nos membres du CP ne seront pas tellement touchés. J'en représente 4 300 à l'échelle du pays, et un tout petit nombre d'entre eux seulement travaillent sur des lignes secondaires. Mais de la façon dont la loi proposée est rédigée, elle englobera des lignes comme celle qui va de Québec à Windsor, ce corridor. C'est ce à quoi songe le Canadien Pacifique.

Après que le gouvernement fédéral a refusé de lui vendre les lignes du CN à l'est de Winnipeg, il a annoncé qu'il ferait de deux choses l'une. Soit qu'il se défasse du corridor entre Québec et Windsor et entre Windsor-Niagara Falls-Hamilton, et il n'y aura plus aucune concurrence dans l'est à moins que l'un des gouvernements provinciaux en assure l'exploitation. Soit qu'il abandonne la ligne qui va de Sudbury à Thunder Bay, et dont personne ne voudra. Toutes ces collectivités vont cesser d'être desservies par le rail dans le nord de l'Ontario. CP va faire l'une de ces deux choses au cours des deux prochaines années.

Ce que le Réseau CP entend faire... On n'aura plus de vue d'ensemble. Il y aura un petit tronçon par-ci, un petit tronçon par-là, et on va se préoccuper de micro-économie au lieu de macro-économie. La compagnie dit qu'elle doit avoir un bénéfice d'exploitation d'au moins 20 % sur chaque ligne. Au cours des 50 ou 60 dernières années, ce bénéfice n'a jamais été supérieur à 10 %. Les profits se sont toujours situés en-deçà de 10 %. Ces deux chemins de fer ont toujours été solides, cela jusqu'à la rationalisation après la déréglementation en 1987.

Ils s'attendent maintenant à pouvoir doubler leurs profits. Cela, parce que les Américains réussissent à le faire. Oui, les Américains en ont été capables ces cinq dernières années, mais ils bénéficient de grandes économies d'échelle par comparaison aux Canadiens. Une compagnie de chemin de fer n'arrivera à réaliser un tel bénéfice qu'avec une ligne entre le Nid-de-Corbeau et Vancouver sur laquelle circuleraient chaque jour 26 trains remplis de charbon. C'est la seule façon.

Le président: Monsieur Gouk, s'il vous plaît.

M. Gouk (Kootenay-Ouest - Revelstoke): Je vais essayer de m'en tenir à la question des lignes secondaires, monsieur le président, parce qu'elle est assez vaste. J'aurais une seule observation à faire en passant au sujet de VIA et de votre système national de transport des passagers.

Il y a deux problèmes ici. Vous parlez d'un service passagers national, mais il y a au Canada de vastes régions où un tel service n'est pas offert. Les gens voyagent en automobile, en autocar ou en avion. Je comprends en général le point de vue des gens, mais ce n'est pas parce que quelqu'un pense qu'il devrait y avoir à un endroit donné une ligne de VIA qu'il faut la garder si elle n'est pas rentable. Dans d'autres cas, c'est différent et je pense, par exemple, à l'Algonquin Central Railway qui pourrait éprouver des difficultés. Je ne suis cependant pas d'accord pour dire qu'il faut qu'une voie soit exploitée parce qu'elle l'a toujours été et qu'il devrait toujours en être ainsi.

.1600

Je pense qu'un tien vaut mieux que deux tu l'auras. J'ai un ami plus âgé qui s'est levé d'humeur grincheuse un beau matin, à l'approche de l'hiver, et qui a dit: «Ce n'est pas drôle d'être vieux, mais je suis quand même content d'être vivant.» C'est la même chose pour les lignes secondaires.

J'ai perdu une ligne de chemin de fer dans ma circonscription, un tronçon de 60 milles qui intéressait certains chemins de fer. Ils n'ont pas pu obtenir les concessions qu'ils voulaient parce que nous avons en Colombie-Britannique des dispositions régissant les droits du successeur, du genre de celles que vous aimeriez.

Nous n'avons rien contre les syndicats. Vous pouvez faire ce que vous voulez, tout comme les travailleurs des chemins de fer. La compagnie ne peut pas vous en empêcher, et il y a des lois qui l'empêchent d'essayer de vous mettre des bâtons dans les roues si le travailleur en question souhaite se syndiquer.

Le problème qui se pose dans le cas des lignes secondaires a trait pas tant aux salaires qu'aux règles qui régissent les corps de métier. C'est à ce niveau-là que les droits du successeur posent un problème pour bien des CFIL éventuels. Même lorsque des compagnies comme le CN ont songé à des lignes secondaires internes, ce avec quoi les travailleurs étaient d'accord ...et je dois vous avouer que j'ai été un peu surpris de l'accueil qu'ils ont réservé à cette idée ...un des changements qu'il aurait fallu apporter avait trait aux règles qui régissent les corps de métier.

Vous avez parlé d'économies d'échelle. Cela s'applique dans le cas des CFIL. C'est bien beau de dire que telle ou telle personne doit faire tel travail et seulement ce travail si on a de quoi l'occuper. Dans une petite entreprise, il serait impensable que cette personne soit spécialisée à ce point-là.

Est-ce que j'ai bien compris? Avez-vous dit qu'une compagnie de chemin de fer devrait exploiter une ligne même si elle n'est pas rentable, parce que l'autre solution, c'est-à-dire la ligne secondaire, n'est pas acceptable? Est-ce ce que vous avez voulu dire?

M. Cross: J'ai bien peur que cette loi ne vise pas ces petits embranchements. Elle concerne les lignes plus importantes, les lignes principales, du genre de la liaison Dauphin-Churchill au Manitoba, et du corridor Québec-Windsor du CP. Quand on parle d'embranchements et de règles régissant les métiers, vous attendez-vous à ce qu'un commis fasse le travail d'un mécanicien?

Le problème dans le cas de ces petits embranchements, comme le tronçon qui relie Sherbrooke à Saint John au Nouveau-Brunswick, c'est qu'il n'y a plus personne de spécialisé. Personne ne fait l'entretien des locomotives. On les envoie sur les lignes du CP et à Montréal pour l'entretien. On n'a pas ce qu'il faut là-bas.

M. Gouk: Il y a une chose sur laquelle je voulais revenir. Vous avez parlé d'une marge bénéficiaire de 20 % parce que le CP a l'impression de ne pas faire assez d'argent. Il veut que ses profits soient de 20 % alors qu'il s'était toujours contenté de 10 %.

Si j'étais propriétaire d'une entreprise, d'un chemin de fer ou peu importe, et si je ne pouvais avoir que tel ou tel nombre d'unités de production dont certaines me rapporteraient 20 % et d'autres, moins, alors je me débarrasserais des autres. Si je dirigeais une entreprise, je voudrais qu'elle soit aussi grosse que possible et vous pouvez être sûr que j'aimerais beaucoup mieux les services qui me rapportent 20 % que ceux qui ne me rapporteraient que 10 %.

Je ne me débarrasserais pas de ce qui me rapporte 10 %, parce que c'est mieux que rien. Je me débarrasserais de tout ce qui ne me rapporte rien, de ce qui me coûte de l'argent ou de ce qui fait baisser mes profits. En quoi cela pose-t-il un problème?

M. Cross: Je n'en vois aucun, mais c'est différent pour Canadien Pacifique.

M. Gouk: Vous attendez-vous à ce que la compagnie vende des lignes qui lui permettent de réaliser des profits de 10 %? Pensez-vous que c'est ce que la déréglementation va l'amener à faire?

M. Chernecki: Oui, c'est ce que nous pensons.

M. Gouk: Pourquoi voudrait-elle vendre une ligne qui lui garantit une marge bénéficiaire de 10 %?

M. Chernecki: Cela revient à ce que je disais tout à l'heure. Tout ce qu'on veut, c'est faire plus d'argent encore et au diable la collectivité, au diable le service.

M. Gouk: Si on a quelque chose qui rapporte 10 % et qu'on le vende, on se retrouve devant rien.

M. Cross: La Montreal Gazette rapportait hier que les actionnaires du Canadien Pacifique avaient demandé au conseil d'administration d'augmenter son bénéfice d'exploitation à 20 %. La compagnie n'y arrivera qu'en se départissant des lignes qu'elle exploite dans l'est du Canada et en concentrant ses activités dans l'ouest.

M. Gouk: Je serais intéressé de connaître les commentaires du CP à ce sujet.

M. Cross: C'est ce qu'on a dit hier.

M. Chernecki: C'est la déclaration qui a été faite.

M. Gouk: Je vais suivre cela de près.

M. Chernecki: CP va probablement faire une autre déclaration lundi sur la situation, dans l'est du Canada.

M. Fontana (London-Est): Messieurs, il est évident que vous n'avez pas du tout la même philosophie. Cela me fait penser à quelqu'un qui en sortant de chez lui le matin se dirait, en voyant un paquet de nuages dans le ciel, qu'il va pleuvoir et que la journée est foutue ou encore, qu'il y a un peu de soleil, et qu'il y a donc de l'espoir.

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Je serais curieux de savoir pourquoi vous ne trouvez rien de positif à ce projet de loi. Pour moi, la protection des emplois, la protection des collectivités et la création de nouveaux débouchés pour vos membres sont autant d'éléments positifs.

Je voudrais avoir votre avis, parce que les syndicats des chemins de fer eux-mêmes se sont rendus à l'évidence. En fait, ils sont en faveur « mais je n'irais pas jusqu'à dire qu'ils débordent d'enthousiasme ...de la création de lignes secondaires.

J'ai de la difficulté à comprendre un syndicat qui dit qu'à moins que le gouvernement et le contribuable subventionnent tout... De toute évidence, il faudrait que ce soit la panacée universelle. Ce que je veux dire, c'est pourquoi ne pas travailler avec les chemins de fer?

De toute évidence, le projet de loi vise à les aider eux aussi parce qu'ils ne sont pas aussi viables que vous le pensez. En fait, s'ils deviennent beaucoup plus viables et si nous devenons beaucoup plus concurrentiels dans le transport des marchandises à l'échelle mondiale, alors il y aura plus d'emplois pour tout le monde.

J'ai vraiment de la difficulté à comprendre ce que vous voulez dire au juste. Vous n'êtes sûrement pas en train de nous parler de la protection des emplois ou des collectivités, parce que c'est là l'objet même du projet de loi, protéger des emplois, créer des lignes secondaires et aider les collectivités où des lignes pourraient devoir être abandonnées.

À l'heure actuelle, c'est le statu quo, l'abandon ou rien. Nous parlons quant à nous de vente, de transfert, de la possibilité pour les gouvernements provinciaux, les municipalités et des entreprises locales d'assurer leur propre développement économique.

Je ne sais pas où vous êtes allé chercher tout cela. Êtes-vous toujours aussi négatif le matin?

M. Chernecki: Non, la plupart du temps, je suis positif, sauf lorsqu'on propose des lois qui risquent de nuire aux conventions collectives des travailleurs.

Il y a du vrai dans ce que vous dites, du moins en ce qui concerne les emplois, mais nous savons ce qui se passe; nous en avons fait l'expérience. Il nous a fallu bien des années pour que certains principes soient reconnus dans nos conventions collectives.

Nous avons accepté ce que nous considérons dans la plupart des cas comme un salaire inférieur à la moyenne, mais au moins les salaires sont en train d'augmenter. Voilà que se présente une compagnie de chemin de fer de la catégorie 1 comme CP ou CN et que tout à coup on veut faire plus de profits à nos dépens. Ces gens-là voudraient...

M. Fontana: Que faites-vous des pertes des dernières...

M. Chernecki: Laissez-moi finir. Je vais répondre à votre question.

M. Fontana: Oui, s'il vous plaît.

M. Chernecki: Qui est-ce qui finit toujours par être perdant? On s'en prend à nous, les syndicats, et on s'en prend à nos conventions collectives.

Lorsque je me réveille le matin, que je regarde les nuages et que je vois le soleil, je pense à un certain nombre de choses. Pour moi, c'est un tout. Le soleil est peut-être caché, mais lorsque les rayons vont percer à travers les nuages, j'aimerais bien qu'ils me réchauffent un peu, et qu'il n'y en ait pas uniquement pour les grosses sociétés.

M. Fontana: Mais tout ce dont vous parlez « et il n'est pas question dans ce projet de loi de conventions collectives... Tout ce...

M. Chernecki: En fait, nous voulons que vous...

M. Fontana: La perte d'emplois...

M. Chernecki: Nous voulons que vous parliez des conventions collectives...

M. Fontana: Non, mais les conventions collectives...

M. Chernecki: « et que vous protégiez les salaires.

M. Fontana: Non, attendez une minute. Tout ce dont vous avez parlé est arrivé pendant que c'était le statu quo. Il est question dans le projet de loi C-101 de l'instauration d'un nouveau climat pour les chemins de fer, les expéditeurs, les collectivités, les travailleurs du rail et les gens qui veulent créer des lignes secondaires.

C'est ce qui est important pour moi. Je ne veux pas qu'on revienne en arrière.

À moins que je me trompe, la plupart des dispositions des conventions collectives que vous avez signées avec les chemins de fer ont été négociées, à l'exception des décisions qui ont pu être rendues par des arbitres, mais que la plupart de vos syndicats acceptent.

Vous parlez de profits. Avez-vous regardé quels étaient les bénéfices nets des chemins de fer ces dernières années ...mais peut-être pas la dernière? Qu'arrive-t-il lorsqu'ils perdent des dizaines de millions de dollars et qu'arrive-t-il lorsqu'ils font faillite, ce qui est possible?

M. Chernecki: Pourquoi font-ils faillite?

M. Fontana: Seriez-vous prêt à les renflouer avec l'argent des syndicats?

M. Chernecki: Soit dit sans vouloir vous offenser, monsieur Fontana, ces deux chemins de fer n'ont pas fait preuve de tellement de discernement au cours des ans. Savez-vous ce qu'ils ont fait de leur équipement ces dix dernières années? Rien. Voilà maintenant qu'ils font des pieds et des mains pour acheter des locomotives pour augmenter leur efficacité. Qu'ont-ils fait pendant tout ce temps-là?

M. Fontana: C'est parce qu'ils n'ont pas l'argent qu'il faut.

M. Chernecki: Non, ce n'est pas cela.

Ces deux sociétés auraient pu se doter d'un plan stratégique. Non, elles ont couru à leur perte, et maintenant elles veulent se débarrasser de leurs actifs, et cela aux dépens des travailleurs.

M. Fontana: Monsieur le président, si...

M. Chernecki: Vous lisez probablement autant que moi. Regardez ce qui se passe en Europe aujour'hui.

M. Fontana: Vous savez, moi, la lecture...

M. Chernecki: Regardez comment l'industrie du rail est gérée en Allemagne, au Japon et dans tous les autres pays progressistes. Regardez comment ils s'y prennent. Ils modernisent leurs voies ferrées, ils modernisent leur équipement.

M. Fontana: Et l'entreprise privée ...

M. Chernecki: Et c'est ce qui crée des emplois, c'est ce qui est profitable pour les chemins de fer.

M. Fontana: L'entreprise privée va s'en charger.

Maintenant, je veux parler ...

M. Chernecki: C'est ce qu'on va voir.

.1610

M. Fontana: Je veux parler des lignes secondaires.

M. Chernecki: Vous allez voir quels vont être les profits du CN après la privatisation.

Une voix: Vous avez épuisé votre temps de parole.

M. Chernecki: La discussion me plaît.

Une voix: Chacun a droit à dix minutes.

Une vois: Je pensais que vous aviez terminé.

Le président: Non, chacun a droit à dix minutes. C'est dix minutes pour les questions principales et il ...

Une voix: Le fauteuil est là.

Le président: Il en reste cinq.

M. Fontana: Monsieur le président, de toute évidence, ces témoins en ont contre le processus ou à tout le moins contre le concept des lignes secondaires.

Vous avez indiqué que le taux d'insuccès des lignes secondaires était élevé aux États-Unis, mais selon les chemins de fer d'intérêt local américains et selon les chemins de fer dont des représentants ont comparu devant le comité, il n'y aurait en fait eu chez nous aucun échec. Aucun chemin de fer n'a fait faillite.

Vous affirmez qu'aux États-Unis, où des centaines et des centaines de lignes secondaires ont été créées et où les emplois des travailleurs ont été protégés... Je me demande où vous avez pris vos chiffres au sujet des lignes secondaires.

M. Chernecki: Si vous lisez notre mémoire, vous allez voir où nous avons pris nos statistiques, aux États-Unis...

M. Fontana: J'aurais quelque chose à ajouter moi aussi pendant que vous y êtes, et vous voudrez peut-être répondre aux deux questions en même temps parce qu'elles portent sur le même sujet.

La moitié des lignes secondaires qui ont été créées aux États-Unis, toutes celles qui ont été créées au Canada, y compris celles qui ont été aménagées entre Exeter et Goderich et toutes celles qui se trouvent dans le nord du Québec... En fait, il y a des syndicats qui ont été mis sur pied dans ces secteurs, ce qui m'amène à dire que les syndiqués peuvent collaborer eux aussi à la création de lignes secondaires.

Personne n'a essayé de dénigrer les syndicats, comme certains pourraient le croire. En fait, les syndiqués qui travaillent sur ces lignes secondaires sont là pour aider les exploitants à être plus concurrentiels et plus efficaces et pour aider aussi les expéditeurs.

M. Chernecki: Premièrement, permettez-moi de m'excuser. Je pensais que nous avions indiqué la source de cette information, mais ce n'est pas le cas. Je vais la fournir au comité.

Deuxièmement, je comprends ce qui vous pousse à dire ce que vous venez de dire. Rassurez-vous, nous essayons d'être aussi positifs que possible, mais nous savons par expérience ce qui se passera. Nous avons vécu la déréglementation. Nous avons vécu la privatisation. Nous savons ce qu'il adviendra dans le cas des chemins de fer sur courtes distances.

Je ne sais pas de quels syndicats vous voulez parler quand vous dites que les travailleurs n'ont rien contre cette mesure législative, loin de là, ou qu'ils chérissent les ententes intervenues avec des CFIL. La plupart du temps, ils n'ont pas le choix et c'est pourquoi je ne vois pas de quels syndicats vous voulez parler. Ils ont le droit de faire ce qu'ils veulent et les Travailleurs canadiens de l'automobile ont le droit de faire connaître clairement leur position.

Nous n'allons pas mettre les travailleurs et leurs revenus en danger parce que quelqu'un veut faire plus de profits. Non. Les gens ont le droit de bien gagner leur vie, et c'est bon pour l'économie. Ils ont le droit de gagner le salaire qu'ils avaient avant que les chemins de fer principaux les envoient promener.

Le président: Monsieur Comuzzi, s'il vous plaît. C'est cinq minutes cette fois-ci.

M. Comuzzi (Thunder Bay - Nipigon): Monsieur Cross, vous avez dit quelque chose à propos de la fermeture de la ligne du CP entre Thunder Bay et Sudbury et j'aimerais des précisions. Vous savez probablement que c'est le seul lien que le CP a avec l'est et l'ouest. S'il n'utilise pas cette ligne, il doit passer par le sud.

M. Cross: Il va à Moose Jaw, North Portal, Minneapolis, Milwaukee, Chicago et Windsor où il a investi énormément d'argent au cours des trois dernières années.

M. Comuzzi: Mais la société a aussi pris un engagement pour ce qui est des conteneurs. On emprunte cette ligne de Thunder Bay jusqu'à... À moins que vous ayez des données que je n'ai pas... C'est ma question. Vous avez dit sans équivoque que la société va fermer Thunder Bay ...

M. Cross: Je pense qu'elle va faire de deux choses l'une, et je le sais parce que je suis en rapport avec ces gens tous les jours. Ce sont les indications qu'ils m'ont données: se débarrasser des lignes dans le nord de l'Ontario ou se retirer tout simplement de l'est du Canada, un point c'est tout ... de Windsor à Québec ... et ne conserver que les gares intermodales avec le reste du pays. C'est ce qui va être annoncé lundi.

M. Comuzzi: Ils vont annoncer la fermeture de la ligne entre Thunder Bay et Sudbury?

M. Cross: Ils vont choisir entre ces deux solutions celle qui va être appliquée au cours des trois prochaines années, et c'est ce qui sera annoncé lundi.

M. Comuzzi: Lorsque vous dites «ils», de qui parlez-vous au juste? À qui au juste chez CP faites-vous allusion? Vous avez bien dit «c'est ce qu'ils m'ont dit».

.1615

M. Cross: Les relations industrielles ...

M. Comuzzi: Ce n'est pas que je vous cherche querelle.

M. Cross: Non, non. Il s'agit des gens avec qui je traite à mon niveau. Et personne n'en a rien su jusqu'à ce que The Financial Post et The Globe and Mail en entendent parler lundi. C'est ce qu'on nous dit depuis six semaines.

M. Comuzzi: Je ne veux pas me chicaner avec M. Chernecki au sujet des chemins de fer, de leur rentabilité et des syndicats. Je pense que vous, les Travailleurs canadiens de l'automobile, travaillez en collaboration étroite avec l'industrie.

Le comité s'est laissé dire que les marchandises en vrac que nous expédions au Canada... Je fais surtout allusion au charbon, aux céréales, au bois d'oeuvre et aux pâtes. Pour que nous puissions soutenir la concurrence sur les marchés mondiaux, les coûts du transport représentent parfois jusqu'à 55 ou 60 % du coût du produit expédié. Essentiellement, cela veut dire que celui qui extrait du charbon, fait pousser du blé ou produit du bois d'oeuvre y perd au change. La situation n'est pas aussi pire dans le cas du bois d'oeuvre, mais il reste que ces gens y perdent tous au change.

Je voudrais avoir vos commentaires. Je voudrais connaître vos vues sur la façon dont nous pourrions nous y prendre pour régler ce problème que je trouve très grave.

M. Cross: Bon nombre de nos matières premières ... la potasse, le charbon et les céréales ... doivent parcourir une distance plus grande que n'importe où ailleurs dans le monde pour pouvoir être expédiées. La situation est différente pour de gros exportateurs comme les États-Unis « où du charbon est produit dans le Montana et l'Idaho « et l'Australie où la distance à parcourir n'est que de 60 à 70 milles. Il ne faut pas trop en demander aux travailleurs.

Le CP et le CN ont bien essayé de répercuter leurs coûts, et ils y sont arrivés jusqu'à un certain point. Vous n'avez qu'à comparer la rémunération unitaire brute de nos membres à celle de leurs homologues américains. Elle est de 60 % plus élevée aux États-Unis qu'au Canada. Les chiffres sont de 23 $ au Canada et d'à peu près 45 $ aux États-Unis. C'est ...

M. Comuzzi: Ce n'est pas ce que je vous ai demandé. Ma question avait à voir avec la production canadienne et j'aimerais que nous nous en tenions au Canada. Pourriez-vous commenter l'augmentation alarmante du coût du transport par rapport au coût du produit que nous sommes capables de vendre dans une économie mondiale. Je suis certain que vous vous êtes posé la question.

M. Cross: Je ne peux pas dire si les coûts du transport ont augmenté ou non ou s'ils ont toujours été aussi élevés.

M. Comuzzi: Non.

Le président: Parfait, Joe?

M. Comuzzi: Oui.

Le président: Y a-t-il d'autres questions?

Messieurs, j'aurais moi aussi quelques questions à vous poser. J'ai écouté tout ce qui s'est dit et je me demande si vous ne pourriez pas répondre à quelques-unes de mes questions, monsieur Chernecki.

Combien de vos membres travaillent dans l'industrie du rail?

M. Chernecki: Environ 20 000.

Le président: Combien d'entre eux travaillent sur les lignes principales?

M. Chernecki: Du CP et du CN?

Le président: Oui.

M. Chernecki: Vous voulez parler des chemins de fer de catégorie 1?

Le président: Il n'en reste plus que deux au Canada.

M. Chernecki: De 85 à 90 %.

Le président: Vous n'avez pas de chiffres?

M. Chernecki: Non.

Le président: Donc, pas de chiffres. Combien d'entre eux travaillent sur les embranchements?

M. Chernecki: Que voulez-vous dire par là?

Le président: Je veux parler des plus petits chemins de fer «

M. Cross: Moins de 10 %, probablement.

M. Chernecki: Voulez-vous parler d'O&R et de BCR, de ces lignes?

Le président: Non.

M. Cross: Ils sont concentrés dans les grands centres.

Le président: Donc, vous dites que 85 % de vos 20 000 employés travaillent sur les lignes principales, du CN ou du CP?

M. Cross: Au moins.

Le président: Et les autres travaillent sur de plus petites lignes?

M. Cross: Oui.

Le président: Combien de ces plus petites lignes seront abandonnées ou vendues?

M. Chernecki: Il faudra poser la question à M. Tellier et à M. Scott. Je n'ai aucune idée.

M. Cross: Tout dépend ...

Le président: C'est parfait. Non, c'est exact. Vous n'en savez rien, hein?

M. Cross: Vous avez parlé d'embranchements. Ce qui nous inquiète le plus, c'est que ce n'est pas des embranchements dont il est question dans ce projet de loi.

Le président: Des plus petites lignes.

M. Cross: C'est qu'on parle de lignes principales. Je n'arrête pas de mentionner la liaison Saskatoon-Edmonton dans le cas du CP, comme cette ligne au Québec et celle du sud de l'Ontario.

Le président: D'accord, alors passons à cette partie de la question. À votre avis, combien de lignes dont vous parlez vont être vendues?

.1620

M. Cross: Je dirais plus de 30 % dans le cas du Canadien Pacifique.

Le président: Plus de 30 % de ces lignes vont être vendues? Et combien d'entre elles vont être achetées par des provinces, des municipalités ou des entreprises privées?

M. Cross: Je n'en ai aucune idée.

Le président: Vous ne le savez pas.

Quel est le salaire moyen d'un travailleur du rail?

M. Cross: Le salaire moyen d'un travailleur du rail se situe entre 45 000 $ et 50 000 $ par année.

Le président: C'est un peu plus seulement que ...

M. Cross: Il est de 39 500 $ pour presque tous les métiers.

Le président: Comment cela se compare-t-il, selon vous, au salaire d'autres travailleurs de l'industrie des transports?

M. Chernecki: C'est bas.

Le président: Vous trouvez qu'un salaire de 45 000 $ à 50 000 $ par année c'est peu?

M. Cross: Dans l'industrie du rail.

M. Chernecki: Pour des hommes de métier.

M. Cross: Notre unité de négociation s'occupe des gens de métier. Un électricien qui travaille pour le CP gagne 40 000 $ par année. Ailleurs, son salaire serait de 60 000 $.

Le président: C'est ma dernière question. Sur les employés qui pourraient perdre leur emploi si la ligne était abandonnée, combien seraient heureux de travailler à un salaire réduit pour une compagnie de chemin de fer privée ou municipale?

M. Chernecki: Je ne sais pas comment on pourrait répondre à cette question. J'imagine qu'on pourrait voter. Je n'en sais rien. Seriez-vous prêt à travailler à un salaire moindre?

Le président: C'est mieux que de ne pas travailler du tout.

M. Cross: Par exemple, à Saint John, au Nouveau-Brunswick, mon unité de négociation représentait 19 travailleurs. Un seul est resté. Les autres ont suivi le Canadien Pacifique à Montréal. Un seul d'entre eux est demeuré avec le groupe Irving qui a acheté le CP.

Le président: Je remercie les Travailleurs canadiens de l'automobile d'avoir présenté leurs vues au comité et d'avoir répondu à nos questions.

M. Chernecki: Merci.

Le président: J'inviterais maintenant les représentants de Wabush Mines à s'approcher. Nous accueillons le gérant général intérimaire, Damien Lebel, et deux avocats, M. Howard et M. Schabas.

Bienvenue parmi nous, messieurs. Si vous pouviez nous faire votre exposé en 15 minutes ou moins, nous aurions le temps de vous poser des questions. Merci.

M. Damien Lebel (gérant général intérimaire, Wabush Mines): Je vous remercie, monsieur le président, de l'occasion qui nous est offerte de comparaître devant vous aujourd'hui au nom de Wabush Mines pour vous présenter nos vues au sujet du projet de loi C-101, Loi sur les transports au Canada.

Nous avions déjà envoyé au comité un mémoire détaillé sur le projet de loi C-101, et nous aimerions aujourd'hui prendre quelques minutes pour vous résumer notre position avant de répondre aux questions que vous pourriez avoir à nous poser.

Tout d'abord, laissez-moi vous dire en quelques mots qui nous sommes. Wabush est une mine de minerai de fer et une usine de transformation ayant une capacité annuelle de 5,5 millions à 6 millions de tonnes. Nos principaux propriétaires sont Stelco et Dofasco de Hamilton en Ontario, deux aciéristes intégrés qui détiennent ensemble 62 % des actions.

Notre mine à ciel ouvert, Scully Mine, est située à Wabush Lake, dans la province de Terre-Neuve, à 175 milles environ par voie ferrée de notre usine de transformation de Pointe-Noire, au Québec, près de Sept-Îles.

.1625

Wabush emploie en tout 750 personnes à la mine de Wabush Lake et à l'usine de transformation de Pointe-Noire. La ville de Wabush Lake, à Terre-Neuve, compte 2 430 habitants qui n'ont pas peur des hivers longs et froids et qui, chaque année, peuvent s'attendre à environ 366 centimètres de neige.

En biens et services seulement, Wabush contribue 20 millions de dollars aux économies locales de Wabush Lake et de Pointe-Noire. De plus, sa contribution s'élève à peu près 50 millions de dollars pour ce qui est des salaires, et les coûts du transport sont de 34 millions de dollars.

L'industrie de l'acier, notre seul client, est cyclique et nous sommes actuellement en phase d'expansion. Même si la plupart des mines et des aciéries approchent présentement le plein rendement, nous devons nous préparer à traverser la prochaine phase descendante qui viendra, c'est sûr. De nombreux analystes industriels nous annoncent une rationalisation plus poussée encore de l'exploitation du minerai de fer dont le coût est élevé. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour endiguer et réduire nos coûts pour que Wabush arrive à survivre.

Après la main-d'oeuvre, c'est le transport qui représente pour nous la dépense la plus élevée, soit à peu près 20 % de nos coûts totaux. Notre production est inférieure également à celle de nos concurrents de l'est du Canada. Par conséquent, nous devons répartir nos coûts fixes sur une plus petite production. Par exemple, IOC a une production de 16 millions de tonnes par année par comparaison à un chiffre de 5,5 à 6 millions de tonnes pour Wabush.

Nous expédions notre produit, du concentré de minerai de fer, dans nos propres wagons sur les voies de la compagnie ferroviaire QNS&L qui est la propriété exclusive de notre concurrent sur le marché, Iron Ore Company of Canada, aussi connue sous le nom d'IOC.

Wabush est l'exemple typique d'un expéditeur captif. Nous n'avons aucune solution de rechange à des prix égaux ou concurrentiels pour le transport de notre produit. Il n'y a pas de raccordement entre les lignes de QNS&L et celles du CP, du CN, ou de n'importe quelle autre compagnie de chemin de fer.

Wabush est complètement en dehors des réseaux canadien et américain de transport par rail et il n'existe aucun autre mode de transport économique. Par conséquent, les dispositions du projet de loi C-101 relatives à l'accès concurrentiel, aux prix de lignes concurrentiels et à l'interconnexion ne s'appliquent pas dans notre cas.

Le transport par camion n'est pas une solution de rechange. Il n'y a pas de route directe entre Pointe-Noire et Wabush Lake. Il faut aller vers l'ouest en partant de Pointe-Noire pour se rendre à Baie Comeau, qui est à une distance d'environ 200 kilomètres, pour rejoindre la route qui va vers le nord, une route de terre surtout, étroite, sinueuse, parfois impraticable l'hiver et inondée au printemps.

Essayez d'imaginer les difficultés auxquelles nous nous heurterions s'il fallait essayer d'expédier 5,5 millions de tonnes sur 765 kilomètres ou 478 milles, ce qui représente 275 000 chargements ou encore un chargement toutes les deux minutes, 24 heures par jour, 365 jours par année.

Nous croyons que les dispositions relatives au règlement des différends que renferment les articles 48 à 57 de l'actuelle Loi sur les transports nationaux constituent une mesure de protection efficace et essentielle pour les expéditeurs véritablement captifs comme Wabush. Nous vous exhortons à faire en sorte que ces dispositions soient maintenues, sans modification ou condition préalable, dans le projet de loi C-101.

Nous voudrions aussi que des précisions soient apportées au paragraphe 27(2) afin qu'il ne s'applique pas et qu'il ne constitue pas une condition préalable en cas de demande d'arbitrage. Nous vous prions de veiller à ce qu'il n'y ait pas dans le projet de loi C-101 des obstacles inutiles qui entravent l'accès à l'arbitrage d'expéditeurs véritablement captifs comme nous.

.1630

C'est tout pour mes observations verbales. Nous vous remercions de nous avoir offert l'occasion de vous présenter nos vues. Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions. Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Lebel, de votre exposé au comité. Je suis allé à Wabush. Malgré les routes sinueuses, l'isolement et la chute de 366 centimètres de neige chaque année, c'est un magnifique endroit à visiter, un très beau village. Nous vous savons gré du temps que vous avez bien voulu nous consacrer.

Nous allons tout de suite passer aux questions. Monsieur Gouk.

M. Gouk: J'imagine que vous avez peur surtout que le paragraphe 27(2) vous empêche de recourir à l'arbitrage.

M. J.F. Howard (avocat, Wabush Mines): Oui. Le paragraphe 27(2), qui semble vouloir dire que l'Office n'acquiescera à une demande que s'il estime qu'il pourrait y avoir autrement un préjudice important, pourrait s'appliquer en cas d'arbitrage même s'il y est précisé qu'il sera tenu compte des circonstances.

Pour que les choses soient bien claires, nous proposons, à la page 8 de notre mémoire, d'ajouter le membre de phrase «par dérogation au paragraphe 27(2)» au début du paragraphe 162(1).

M. Gouk: Je suis d'accord avec vous pour dire que c'est là l'interprétation qu'on pourrait en donner.

Toutes les parties intéressées, y compris les représentants du gouvernement que nous allons rencontrer, ont indiqué que ce n'était pas là l'intention de la loi. C'est pourquoi j'ai discuté avec les députés d'en face de la possibilité d'ajouter quelque chose en ce sens. Si cela ne fait aucun doute pour eux, pourquoi alors ne pas apporter d'éclaircissements ici? J'espère bien que cet amendement sera apporté au projet de loi.

M. Howard: Laissez-moi vous dire une chose: j'ai passé ma vie au tribunal et j'ai parfois été surpris par la décision des juges. Si cela ne fait aucun doute, s'il est clair que c'est là ce qu'on a voulu dire, alors il n'y a qu'à ajouter les mots, «par dérogation à», et aucun doute ne subsistera.

M. Gouk: Nous allons essayer de nous assurer qu'on clarifie le paragraphe 27(2) dans lequel il faudrait voir une voie de recours plutôt qu'un obstacle. Ce sont là deux choses qui certainement...

M. Howard: Cela apaiserait certainement notre plus grande crainte.

Je ne sais pas si le comité le sait, mais avant l'adoption de la loi de 1987, nous n'avions aucun recours. On m'a dit qu'il n'y avait eu jusqu'à maintenant que sept demandes d'arbitrage. Deux cas seulement se sont rendus en arbitrage, dont le nôtre cette année.

C'est ce qui est arrivé: parce que c'était là, nous avons pu négocier tout de suite après l'adoption de la loi. Cette fois-ci, lorsque nous n'avons pu en arriver à une entente, nous sommes allés en arbitrage et nous avons été très heureux de la décision. C'est un moyen très efficace pour des expéditeurs captifs comme nous.

M. Gouk: Je pense que vous n'avez pas à vous inquiéter. Je vais attendre de voir si mes collègues d'en face ont des commentaires à faire.

M. Howard: Merci.

Le président: Je ne suis pas certain de vouloir que ce projet de loi renferme une disposition d'exemption.

M. Howard: Ce n'est pas tout à fait ce que j'ai voulu dire.

M. Gouk: Il y a d'autres façons de s'y prendre, pour autant que le résultat soit le même.

Le président: Nous pourrions peut-être nous y prendre autrement.

M. Fontana: De toute évidence, le gouvernement est toujours en quête de bonnes idées, peu importe d'où elles viennent, donc «

M. Gouk: Je ne sais pas si ce que vous venez de dire devrait me faire plaisir ou non, Joe.

M. Fontana: Je voulais poser à peu près la même question à propos de l'arbitrage.

Comme vous le savez, de la façon dont l'arbitrage est prévu dans le projet de loi, on ne joue pas avec deux cartes cachées. Si vous êtes amateur de cartes, vous comprendrez ce que je veux dire. M. Gouk a compris, lui. Y voyez-vous un avantage ou un inconvénient? Pour les expéditeurs ou pour les chemins de fer?

M. Howard: Non, monsieur, on ne joue pas avec deux cartes cachées. Je vais vous dire comment cela fonctionne.

D'abord, il doit y avoir des négociations préalables. La compagnie de chemin de fer fait connaître le taux qu'elle demande. L'expéditeur dit ensuite combien il est prêt à payer. Donc, les parties savent quelle est leur position respective. S'il n'est pas satisfait, l'expéditeur peut demander à aller en arbitrage et dire combien il est prêt à payer.

La compagnie de chemin de fer peut ou non changer d'avis, mais si elle change d'avis, j'imagine que, dans la plupart des cas, des négociations s'en suivront et on finira par s'entendre. On joue cartes sur table. Les parties savent à quoi s'en tenir.

.1635

M. Fontana: D'accord, mais nous nous sommes arrangés « et il y a de toute évidence là matière à débat « pour donner à la compagnie de chemin de fer l'occasion d'examiner l'offre finale pour ensuite décider si elle veut retourner à la table des négociations ou faire une dernière offre. Est-ce qu'il n'est pas préférable de donner à une compagnie de chemin de fer la chance d'examiner votre dernière offre?

M. Howard: Il vaut toujours mieux donner à l'autre partie la chance de faire une autre offre, cela ne fait aucun doute. Depuis 1987, des ententes sont intervenues. Même si je gagne ma vie au tribunal, je pense qu'il est préférable d'opter pour des solutions qui ont de l'allure sur le plan commercial.

M. Fontana: Vous êtes un bon joueur de poker. Merci.

M. Howard: Ça ne marche pas toujours.

M. Nault (Kenora - Rainy River): Ma question découle un peu de celle que M. Fontana a posée à M. Howard.

Le projet de loi de 1987 comportait un processus de médiation, mais je crois savoir que personne n'y a jamais eu recours. C'était un processus de médiation formel qui aurait pu être utilisé en cas d'arbitrage, mais personne ne l'a jamais utilisé. Personne ne semblait être au courant de son existence et chaque fois que j'ai posé la question, tout le monde me regardait comme M. Howard me regarde en ce moment. On a décidé de le supprimer du projet de loi parce que personne ne semble en vouloir.

La médiation est efficace pour un certain nombre de raisons. Elle permet entre autres l'intervention d'une tierce partie qui est beaucoup plus apte à s'en tenir aux faits et à garder la tête froide, car il arrive parfois que les deux parties durcissent leur position lorsqu'elles négocient. Pensez-vous qu'on a eu raison d'éliminer complètement le processus de médiation? Est-ce que cela vous préoccupe?

M. Howard: Vous me prenez par surprise, parce que je ne savais pas qu'une telle disposition existait « si elle existait.

Dans le domaine des relations de travail, la médiation est utile. Mais, dans l'ensemble, les expéditeurs et les exploitants de chemin de fer ne s'affrontent pas. Ce sont des gens d'affaires qui essaient d'en arriver à un résultat qui a du sens, et je pense que c'est une étape inutile. L'arbitrage oblige chacun à être réaliste parce qu'on ne peut pas arriver avec un chiffre stupide. La partie serait perdue d'avance.

M. Nault: Merci.

Le président: Merci, messieurs, d'être venus nous rencontrer. Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir consacré du temps et d'avoir bien voulu nous faire connaître vos vues.

Les représentants de Cargill Limitée pourraient-ils s'approcher? C'est un peu la course contre les aiguilles de la montre, mais il nous reste encore pas mal de temps. Barbara Isman est vice-présidente adjointe aux Affaires corporatives.

Je vous souhaite la bienvenue au comité. Veuillez nous présenter vos collègues et nous faire votre exposé en 15 minutes ou moins pour que nous ayons le temps de vous poser des questions avant d'aller voter.

Mme Barbara Isman (vice-présidente adjointe, Affaires corporatives, Cargill Limitée): Merci. Je me rends bien compte que c'est la fin de la journée et la fin de vos audiences, et j'essaierai donc d'être brève. Nous vous remercions de l'occasion qui nous est offerte de comparaître devant vous dans le cadre de l'étude de cette importante mesure législative.

.1640

Vous m'avez demandé de vous présenter Tom Cascica, qui est assis à mes côtés. Tom est gérant principal du transport pour notre société. Il est responsable de tout le transport terrestre. Je lui ai demandé de m'accompagner ici parce que c'est lui qui fait le travail et qu'il a plus de 20 ans d'expérience, qu'il s'agisse du taux du Pas du Nid-de-Corbeau, de la LTGO, plus récemment du projet de loi C-76, de la Loi sur les transports nationaux et, bientôt, de la Loi sur les transports au Canada. Je vous encourage donc, après qu'il aura terminé ses observations sur les éléments du projet de loi que nous considérons comme positifs et sur les changements que nous aimerions y proposer, à lui poser des questions sur ce qu'il pense de l'application au jour le jour de la loi.

Si vous me le permettez, puisque je ne sais pas au juste combien d'entre vous connaissent Cargill, je vais prendre quelques instants pour vous expliquer que notre entreprise est la filiale canadienne de Cargill Incorporated. C'est une société mondiale qui fait le commerce de produits agricoles et qui s'occupe de transformation. Nous avons des filiales dans 70 pays différents et nous offrons plus de 40 principaux produits. Au Canada, nous nous intéressons à la transformation, à la manutention, à la commercialisation et au transport des grains « plus particulièrement à la trituration des graines oléagineuses, à la transformation de la viande, à la fabrication de fertilisants, à la distribution de fournitures agricoles, à la fabrication de provendes et à la production de semences.

Notre rôle consiste essentiellement à mettre les agriculteurs en contact avec les marchés mondiaux. Environ 70 % de nos ventes annuelles sont destinées à l'exportation de sorte que le transport revêt une grande importance pour nous. Il existe des modes de transport concurrentiels pour plusieurs des produits que je vous ai mentionnés, mais ce n'est pas le cas, à notre avis, en ce qui concerne le grain. Par conséquent, c'est dans ce secteur que la loi aura l'incidence la plus grande et c'est de cela surtout que Tom va vous parler.

Il y a une chose que j'aimerais vous dire au sujet de notre philosophie par rapport à cette loi. En général, nous pensons que le gouvernement devrait jouer un rôle limité dans la mesure où nous croyons davantage à la discipline de marché qu'à la réglementation gouvernementale. Cela ne veut pas dire, toutefois, qu'il n'a aucun rôle à jouer en l'absence de la concurrence ou de forces concurrentielles, à l'échelle nationale ou internationale. Nous croyons que c'est précisément le cas aujourd'hui pour ce qui est du transport du grain.

Parce que nous avons traditionnellement été ...et j'utilise le mot en toute connaissance de cause « captifs des chemins de fer et de la configuration de notre système de manutention des grains, nous avons cherché, par l'entremise d'organisations comme la Western Grain Elevator Association, une certaine protection sous la forme d'un taux maximal en vertu de la Loi de 1987 sur les transports nationaux. Cependant, dans le cas de cette mesure législative, nous avons essayé de trouver un juste équilibre entre nos besoins en tant qu'industrie et les besoins économiques des chemins de fer. Essentiellement, nous nous sommes demandé, d'une part, quel était le niveau minimal de protection dont nous avions besoin étant donné l'existence d'un duopole dans le transport par rail et, d'autre part, si la loi proposée tient compte à la fois des besoins des chemins de fer et de ceux des expéditeurs.

Je vais maintenant céder la parole à Tom qui va vous parler plus en détail de la loi.

M. Tom Cascica (gérant principal, Transport terrestre, Cargill Limitée): Ayant pris connaissance de la position de certains autres expéditeurs, je me rends bien compte que le comité a déjà entendu nos doléances maintes et maintes fois. Je vous plains de toujours devoir entendre la même chose. Toutefois, Cargill a des vues tellement arrêtées sur certaines de ces questions que nous nous sommes sentis obligés de comparaître devant le comité.

Je demanderais également au comité de faire preuve d'indulgence et de compréhension face à notre mauvaise connaissance et à notre manque d'expérience de la Loi de 1987 sur les transports nationaux et de la Loi sur les transports au Canada proposée. Comme expéditeurs de grains, nous avons vu les règles et les règlements régissant le commerce du grain de l'Ouest passer de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest à la Loi de 1987 sur les transports nationaux et, au cours des derniers mois, à la nouvelle Loi sur les transports au Canada.

Je vais commencer par les points positifs. Cargill reconnaît les efforts faits par le gouvernement pour réduire les coûts engendrés par la réglementation du transport. Évidemment, la nécessité de compressions budgétaires et le désir de voir un transport concurrentiel réagir davantage aux mécanismes commerciaux indiquaient la voie à suivre.

Cargill reconnaît aussi que la procédure d'abandon a été améliorée pour permettre aux compagnies de chemin de fer de vendre ou d'abandonner des lignes sans qu'il soit nécessaire au gouvernement d'intervenir, sinon à peine. Le fait qu'aucun acheteur ne soit prêt à exploiter une ligne qui n'est pas rentable permet aux compagnies de chemin de fer de se soustraire à des coûts importants... Cela devrait permettre aux chemins de fer de réduire considérablement leur matériel et d'augmenter leur productivité globale. En réalité, les compagnies de chemin de fer nous ont indiqué que plus de 50 % de leurs lignes servent à acheminer moins de 7 % des marchandises.

.1645

Les dispositions du projet de loi C-101 qui permettent aux chemins de fer d'augmenter leur rentabilité en diminuant les coûts, et non pas en augmentant les prix, sont la clé d'un système de transport efficace. Les dispositions relatives au transport du grain qui reconnaissent la concurrence limitée entre les transporteurs et imposent un taux maximal sont acceptables pour le moment.

Étant donné que moins de 3 % du grain expédié à partir de l'Ouest du Canada a été transporté chaque année selon la Loi sur les transports nationaux... autrement dit, notre expérience de celle-ci est assez limitée ...nous aimerions vous exposer certaines préoccupations que vous avez probablement déjà entendues bien des fois étant donné que Cargill est l'un des derniers témoins.

En ce qui concerne le paragraphe 27(2), en vertu duquel l'Office doit décider si l'expéditeur subirait un préjudice important si la réparation demandée ne lui était pas autrement accessible avant l'examen de sa demande, l'intention est-elle qu'une décision soit prise concernant un préjudice important avant que la question soit soumise à un mécanisme de règlement des différends? Il me semble que l'expéditeur aurait alors deux choses à prouver, premièrement, qu'il subirait un préjudice important et, deuxièmement, qu'il faudrait que le différend soit réglé en sa faveur.

Le deuxième point qui nous préoccupe est le paragraphe 34(1) qui autoriserait l'Office à accorder ...

M. Comuzzi: Je m'excuse, monsieur. Pourriez-vous revenir au dernier point que vous avez fait ressortir au sujet du paragraphe 27(2) lorsque vous avez dit qu'il y a deux ...

Le président: Joe, vous pourrez revenir là-dessus après, lorsque vous lui poserez des questions.

M. Comuzzi: Je n'ai pas compris ce qu'il a dit, monsieur le président.

Le président: Vous devriez peut-être ...

M. Cascica: Que se passe-t-il?

Le président: Préparez votre question, Joe, et nous y reviendrons dans une seconde.

Poursuivez, monsieur Cascica.

M. Cascica: Le paragraphe 34(1), qui autoriserait l'Office à ordonner à un expéditeur de verser des dommages et intérêts s'il trouve la demande frustratoire, risque de décourager certains expéditeurs ayant des plaintes valables de demander réparation en vertu de la Loi. Cargill reconnaît que les nouvelles mesures prévues pourraient faire en sorte que de nombreuses questions de peu d'importance accaparent le temps des représentants de l'Office et du personnel des chemins de fer. De l'avis de Cargill, toutefois, cet article n'ajoute rien à la Loi.

L'article 113, où il est dit que les prix et les conditions visant les services fixés par l'Office doivent être commercialement équitables et raisonnables, complique inutilement les choses. La définition de ce qui est équitable et raisonnable peut différer selon qu'il s'agit d'un expéditeur ou d'un transporteur. À ma connaissance, cette disposition ne figurait pas dans la Loi de 1987 sur les transports nationaux, et Cargill met sa nécessité en doute.

Nous vous remercions de votre temps et c'est avec plaisir que nous répondrons à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, madame Isman et monsieur Cascica, d'avoir exposé vos vues au comité.

Puis-je avoir une réponse à une suggestion? Appelons ça une soupape de sécurité. J'ai entendu ce que vous et d'autres avez dit à propos du paragraphe 27(2), par exemple, et pour apaiser vos craintes au sujet des répercussions que pourraient avoir sur les expéditeurs les paragraphes 27(2) et 34(1) ou l'article 113, ne pourrions-nous pas inclure dans le projet de loi une disposition selon laquelle le Comité des transports de la Chambre des communes devra examiner, deux ans après l'entrée en vigueur de la loi, les répercussions qu'elle aura eues sur l'industrie? Est-ce que cela ...

M. Cascica: Vous voulez dire un examen de la loi telle qu'elle est actuellement libellée?

Le président: Pour apaiser vos craintes au sujet du paragraphe 27(2) et des répercussions qu'il pourrait avoir sur l'industrie ou même de la question de l'abandon des lignes, nous pourrions ajouter au projet de loi une disposition selon laquelle nous procéderions à un examen approfondi dans deux ans.

M. Cascica: Je suis sensible à votre suggestion. Nous ne sommes pas habitués à ce genre de loi, mais il me semble que la meilleure façon de procéder serait de bien faire tout de suite pour ne pas avoir à trop nous préoccuper de l'examen. L'idée de laisser dans le projet de loi certaines choses sur lesquelles nous ne sommes pas d'accord pour le moment parce que la loi va être revue dans deux ans, n'est pas une solution acceptable pour moi.

Le président: J'ai lu votre mémoire et je vous comprends, mais on cherche le juste équilibre dans ce projet de loi et nous devons tenir compte du point de vue des expéditeurs, de celui des compagnies de chemin de fer, de celui de tout le monde.

M. Cascica: Exactement.

Le président: Il faut faire quelque chose pour arriver à trouver le juste équilibre. Si nous optons pour une soupape de sécurité, si nous prévoyons que dans deux ans, le comité va examiner la loi et que s'il s'apercevait alors qu'une question ou une disposition pose un problème particulier, on pourrait...

M. Cascica: J'ai déjà répondu à cette question, monsieur. Je pourrais répéter ma réponse. Le témoin qui nous a précédés, je pense, a fait des réserves lui aussi. Je croyais que le comité avait l'intention de s'assurer qu'aucun doute ne subsiste quant à l'intention, par exemple, du paragraphe 27(2) ... de le préciser pour qu'aucun problème ne se pose. À mon avis, c'est ainsi qu'il faudrait procéder pour les autres dispositions qui concernent les expéditeurs.

.1650

Le président: Malheureusement, nous devons obtenir un avis juridique, et vous savez ce qui se passe dans ce temps-là.

[Français]

M. Mercier: Monsieur Cascica, concernant cette disposition 27(2), proposez-vous qu'on la supprime ou qu'on la modifie afin de la préciser?

[Traduction]

M. Cascica: À moins d'avoir quelque chose de mieux à proposer, je pense qu'il suffirait probablement de la supprimer.

[Français]

M. Mercier: Merci. C'est clair.

[Traduction]

M. Gouk: Monsieur le président, nos trois dispositions préférées, le paragraphe 27(2), l'article 34, et... Soit dit en passant, j'aimerais vous signaler qu'à la dernière et à l'avant-dernière pages où l'on a les numéros 1, 2 et 3, vous parlez de l'article 112 plutôt que de l'article 113. Il faudrait peut-être en parler à quelqu'un.

M. Cascica: Il s'agit de l'article 113.

M. Gouk: Oui, c'est ce que je pensais.

Votre principale préoccupation en ce qui concerne le paragraphe 27(2), c'est qu'il pourrait empêcher l'arbitrage. Des représentants du secteur des transports et d'autres personnes nous ont donné à entendre que ce n'est pas de cette façon-là qu'ils interprètent cette disposition et, quoi qu'il en soit, telle n'était pas l'intention. J'espère, comme je l'ai proposé, que le comité va ajouter une disposition bien simple disant que le paragraphe 27(2) ne s'applique pas à l'arbitrage, un point c'est tout. C'est ce que tout le monde a compris. Donc, si nous ajoutions cette précision, ce serait un point de réglé. Seriez-vous d'accord?

M. Cascica: Oui.

M. Gouk: De même, pour empêcher l'ONT ... ou l'OTC, comme on va l'appeler ... d'examiner la demande tant que la chose n'aura pas été réglée, si nous précisions bien au paragraphe 27(2) que cela n'est pas un obstacle, que ce n'est qu'un recours après que l'affaire a été entendue, seriez-vous satisfait?

M. Cascica: Oui.

M. Gouk: Pour ce qui est du paragraphe 34(1), j'ai examiné certains exemples qui ne m'ont pas paru tellement différents. D'après ce que j'ai pu voir, cela avantagerait plus les expéditeurs que les compagnies de chemin de fer. Dans le cas des expéditeurs, le mot «frustratoire» s'appliquerait plus au moment de la présentation d'une demande, mais une fois celle-ci acceptée, le mot s'appliquerait aussi aux compagnies de chemin de fer étant donné qu'elles pourraient prendre toutes sortes de moyens pour faire augmenter la facture et vous acculer au pied du mur pour en arriver à un arrangement quelconque au lieu de tout simplement vous proposer un règlement. J'en ai parlé à un certain nombre d'expéditeurs en leur disant qu'il leur faudrait se demander sérieusement s'ils veulent que cette disposition soit supprimée, et un certain nombre d'entre eux ont changé d'idée. Vous pourriez y penser vous aussi.

M. Cascica: Oui, nous serions sûrement prêts à y penser. Nous comprenons qu'il n'y a pas moyen... Comme expéditeurs de grains, nous avons un taux statutaire. En théorie, nous pourrions nous amener avec un tas de demandes d'arbitrage qui pourraient être considérées comme frustratoires, mais nous ne serions jamais perdants. Les taux ne peuvent pas être supérieurs au plafond prévu. Je pense que c'est là le genre de chose que cette mesure législative devrait empêcher. Le libellé de la loi nous préoccupe, car il pourrait y avoir des plaintes légitimes que les gens hésiteraient à loger s'ils ont peur, par exemple, de devoir verser une indemnité.

M. Gouk: Merci.

M. Comuzzi: J'ai deux questions. Monsieur Cascica, j'aimerais que vous m'expliquiez ceci: «Nous avons bien peur qu'au mieux cette disposition ne force les expéditeurs à franchir un double obstacle avant d'obtenir un règlement.» Expliquez-nous le processus de la façon dont vous le voyez.

M. Cascica: Je vous demanderais d'être indulgents, parce que c'est quelque chose de nouveau pour nous et que nous essayons toujours de comprendre.

.1655

Pour prouver à l'Office l'existence d'un préjudice important, faut-il lui présenter tout le dossier d'un seul coup, ou certains renseignements seulement? Si l'Office veut avoir toutes les données en main pour pouvoir décider s'il y aurait un préjudice important, il me semble qu'il va examiner toute la question. S'il ne lui faut que des informations partielles pour prendre une décision, on ne voudra pas nécessairement qu'il la prenne en n'ayant en main qu'une partie de l'information. Fera-t-il un premier essai pour voir s'il y aurait un préjudice important pour refaire la même chose au moment de l'application du mécanisme de règlement des différends?

M. Comuzzi: J'ai posé la question plusieurs fois, et j'ai toujours pensé que c'était un processus en deux étapes. Tout le monde n'est pas d'accord. S'il s'avère qu'il peut y avoir un préjudice important... Une fois que l'Office a établi que c'est le cas, alors l'intéressé peut commencer à essayer de prouver le bien-fondé de sa requête.

M. Cascica: Oui, c'est ce que je comprends moi aussi.

M. Comuzzi: Ritchie et l'autre gars du CN sont d'accord aussi. Je ne suis pas certain, cependant, que le comité le soit. Nous en resterons là. Cela répond à ma question.

Je sais que Cargill est un intervenant important pour ce qui est du transport du grain. Y a-t-il quoi que ce soit dans ce projet de loi qui vous empêcherait d'utiliser des installations canadiennes au lieu d'avoir recours à toutes les options qui s'offrent à Minneapolis et à Cleveland? Ce que nous essayons de faire ici vous plaît-il?

M. Cascica: Oui, beaucoup. Je pense que le gouvernement essaie vraiment de trouver le juste équilibre entre la protection des droits des transporteurs et la protection des droits des expéditeurs. Selon qu'on s'adresse à un expéditeur ou à un transporteur, celui-ci vous dira que la balance penche de l'autre côté.

Je dois vous avouer franchement que nous, les expéditeurs, nous jouissons d'une bien meilleure protection au Canada que nos homologues américains lorsqu'il y va des rapports avec les transporteurs. Je pense que la plupart des expéditeurs seraient d'accord avec moi.

Mme Cowling (Dauphin - Swan River): J'ai siégé à un sous-comité des transports qui a examiné les moyens à prendre pour atténuer l'incidence de la disparition de la LTGO et du tarif du Nid-de-Corbeau. Le comité s'est laissé dire qu'une espèce de chien de garde devrait surveiller ce qui se passe. C'est ce que pensent bien des expéditeurs et un bon nombre d'organisations, d'après ce que j'ai lu dans les journaux.

Pour continuer dans la même veine que le président, que penseriez-vous d'un organisme de supervision transparent qui serait composé de représentants de l'industrie et de gens qui sont touchés par certains des changements apportés au titre de la déréglementation, organisme qui serait chargé de surveiller le système? Seriez-vous d'accord avec une chose du genre?

M. Cascica: Je pense que c'est une bonne idée. Idéalement, si vous voulez vous assurer que le système fonctionne correctement... Mais on a tendance à se méfier aussi, parce qu'il faut faire des investissements selon la façon dont on pense que le système va fonctionner. Le plus tôt on est informé de ce qui va arriver à long terme, le plus tôt on peut prendre des décisions financières quant à savoir où investir son argent, par exemple.

Si vous mettez quelque chose en place en vous disant que vous ne savez pas si cela va fonctionner, qu'il va y avoir un examen dans deux ans ou que vous allez surveiller la situation de près, alors ce ne sera pas le meilleur climat possible pour les investissements. Comme je l'ai dit tout à l'heure, si vous pouvez réussir du premier coup, tout le monde aura confiance et pourra prendre des décisions à plus long terme. Je pense que c'est préférable. Mais c'est plus un souhait qu'une réalité. Je pense qu'étant donné tous les changements que nous apportons, il serait sage de pouvoir examiner ce que nous avons fait pour nous assurer que nous avons choisi la bonne voie.

M. Nault: En tant que représentant d'une société multinationale qui intervient sur le marché nord-américain, vous seriez probablement le mieux placé pour répondre à deux questions. La première consiste à savoir si vous êtes d'accord ou non pour dire que l'industrie ferroviaire canadienne est probablement celle qui est la plus réglementée en Amérique du Nord, cela si on pense au rail, aux camions et aux navires des deux côtés de la frontière. Vos activités vous permettent-elles de dire que ce secteur est le plus réglementé, compte tenu aussi du projet de loi C-101?

M. Cascica: La réponse à cette question serait oui.

La seule chose que j'ajouterais, c'est qu'il faut tenir compte de la nature concurrentielle du secteur lorsqu'on fait des comparaisons sur le plan de la réglementation entre les chemins de fer canadiens et les chemins de fer américains ou les chemins de fer canadiens et d'autres industries.

M. Nault: Ma prochaine question a trait aux expéditeurs du côté canadien de la frontière. Vous semblez dire que la raison pour laquelle nous avons ce régime réglementaire est l'absence de concurrence attribuable à un duopole, ce qui n'est pas le cas aux États-Unis. Connaissant la façon dont les affaires se font dans le Dakota du Sud, le Dakota du Nord et le Montana, j'ai l'impression que les expéditeurs sont aussi captifs là-bas dans la plupart des cas que nous le sommes ici au Canada. Est-ce exact? Puisque vous vous en tirez assez bien merci aux États-Unis en vertu de la Staggers Act, pourquoi la plupart des gens ont-ils tendance à penser qu'un duopole n'est pas ce qu'il y a de mieux ou est trop restrictif? Combien de chemins de fer nous faudrait-il pour que nous nous considérions comme concurrentiels ici?

.1700

M. Cascica: Si vous prenez un livre d'économie, vous verrez qu'il faut deux personnes qui sont prêtes en fait à se livrer concurrence. C'est ainsi qu'on définit un marché. Si les deux personnes en place sur le marché ne se font pas concurrence, alors elles n'ont pas de concurrents.

Je vais essayer de répondre à certaines de vos questions. Dans le Dakota du Nord, la situation est légèrement différente parce que le camion peut faire concurrence au rail jusqu'à un certain point. Par exemple, on transporte du grain par camion du Dakota du Nord jusqu'à Duluth. À l'heure actuelle, il n'y a pas de transport par camion du grain, disons du Manitoba vers Thunder Bay.

M. Nault: Combien de kilomètres cela fait-il?

M. Cascica: La distance depuis les zones de culture du Dakota du Nord et celles du Manitoba serait à peu près la même. Par exemple, je dirais qu'il y a entre Winnipeg et Thunder Bay ... et on me corrigera si je me trompe ... une distance d'environ 450 milles. La distance jusqu'à Minneapolis pour rejoindre le système de chalands, ou la distance jusqu'à Duluth, est à peu près la même. Je veux dire par camion et par rail.

M. Nault: Serait-il exact de dire qu'il y a des expéditeurs captifs aux États-Unis également? Vous dites que la situation n'est peut-être pas la même puisqu'on ne pense pas pouvoir parcourir 450 milles en camion au Canada alors qu'on peut le faire aux États-Unis.

M. Cascica: Oui, c'est exact, dans le Dakota du Nord.

M. Nault: On peut soutenir que nous avons une définition du mot captif qui pourrait s'appliquer aux expéditeurs des États-Unis, dont ceux du Dakota du Nord ou du Montana.

M. Cascica: Oui, jusqu'à un certain point, mais je sais que la concurrence est une question très litigieuse. Si un camionneur prend livraison d'un chargement dans le Dakota du Nord pour ensuite emprunter une route fédérale et qu'aucun problème ne se pose, alors parfait. Je ne suis pas certain que notre industrie du camionnage au Canada ... et je sais que je suis ici pour parler du rail, pas des camions ... aurait autant intérêt sur le plan économique à utiliser des camions sur la route. Les choses sont un peu différentes.

Pour ce qui est de la concurrence ... et je regrette de toujours devoir revenir au duopole, vous m'avez posé une question au sujet des expéditeurs captifs du Montana et du Dakota du Nord. En fait, si vous êtes un expéditeur captif qui peut utiliser le chemin de fer et réaliser des profits... mais l'agriculteur du Montana ou de l'ouest du Canada paie un prix extrêmement élevé parce qu'il est captif... va-t-on dire oui, nous voulons que les chemins de fer soient rentables et nous sommes donc prêts pour ce faire à vous laisser percevoir un loyer plus élevé que ce qui est normal ou acceptable? C'est à cela que ça revient.

M. Nault: J'ai une dernière question à vous poser, une question importante. Il semble y avoir une contradiction entre ce que nous ont dit tous les expéditeurs qui ont comparu devant le comité. D'une part, ils sont tous en faveur d'une rationalisation du matériel des chemins de fer. Dans l'ouest du Canada, cela équivaut évidemment à la fermeture d'un grand nombre de silos, de lignes secondaires ou d'embranchements. C'est ce que je comprends. C'est ce sur quoi tous les expéditeurs semblent être d'accord. D'autre part, ils disent vouloir la protection de l'Office pour ce qui est du service. Quel genre de service va-t-on avoir lorsque la ligne peut être vendue ou abandonnée? Il n'y aura pas de service, parce qu'il n'y aura plus de voies. Est-ce que quelqu'un peut m'expliquer comment les expéditeurs peuvent être en faveur de l'abandon ou de la rationalisation tout en s'opposant à une plus grande déréglementation et à une concurrence plus libre?

M. Cascica: Je suis désolé, mais je pensais que notre position coïncidait avec ce que vous venez de dire. Il y a peut-être eu un malentendu. Nous sommes en faveur de l'abandon de lignes.

M. Nault: Oui, mais comment cela peut-il en même temps répondre à vos besoins si vous avez un producteur qui veut se servir de vous comme expéditeur et utiliser un silo de collecte, mais qu'il y a en fait abandon de la ligne?

M. Cascica: Voulez-vous parler de la concurrence entre les entreprises de manutention des grains de l'ouest du Canada?

M. Nault: Oui, exactement. Cela fait partie du projet de loi. Il va y avoir rationalisation des voies dans l'ouest du Canada.

.1705

M. Cascica: Permettez-moi encore une fois de revenir à votre définition de la concurrence pour répondre à cette question. Cargill doit soutenir la concurrence dans l'ouest canadien de sept entreprises de manutention du grain, et non pas d'un seul compétiteur comme c'est le cas pour les chemins de fer. Non seulement nous devons soutenir la concurrence des sept autres manutentionnaires de grains, mais un producteur a le droit de se trouver un wagon, de le remplir lui-même, d'éviter les frais de mise en silo ... peu importe ce que nous demandons « et de tout faire lui-même.

Cargill, qui est un expéditeur captif, ne peut pas se trouver un wagon et l'expédier sur une ligne américaine ou canadienne comme un agriculteur peut le faire. C'est là qu'intervient la concurrence. Un producteur a parfaitement le droit de ne pas se servir de nos installations. En fait, il a même la priorité lorsqu'il est question d'obtenir un wagon, parce qu'il est protégé par la loi qui régit la Commission canadienne des grains.

Il est très bien protégé. Lorsque nous publions nos listes de prix, le producteur a le choix. Il peut soit payer ce que nous lui demandons, soit s'y prendre autrement. C'est une chose que nous ne pouvons pas faire. Nous ne pouvons pas expédier un wagon du centre de la Saskatchewan vers un port d'exportation.

Le président: Merci, madame Isman.

Mes excuses si j'ai mal prononcé votre nom, Senor Cascica. Gracia.

Merci, chers collègues. Nous entendrons nos trois derniers témoins demain, après quoi nous adopterons quelques motions d'intérêt courant. C'est tout pour aujourd'hui. Nous nous reverrons demain matin à 9h30 tapant.

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