[Enregistrement électronique]
Le jeudi 5 octobre 1995
[Français]
Le président: À l'ordre!
Je voudrais vous expliquer la façon dont on procède, Patrick. Vous avez une quinzaine de minutes, soit sept à huit minutes pour votre présentation et sept à huit autres minutes pour d'éventuelles questions. Vous pouvez commencer.
M. Patrick Gagnon (député de Bonaventure - Îles-de-la-Madeleine): Merci, monsieur le président.
Messieurs les commissaires, je vois que mon collègue de l'Est du Québec est ici. Monsieur Crête, bonjour.
J'aimerais tout d'abord dire que je me rallie aux propos tenus par mes collègues de l'Est du Québec. La proposition, telle qu'on la connaît, vise à réduire considérablement le poids politique du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie.
Dans un premier temps, je trouve regrettable qu'on propose l'élimination d'une circonscription de Gaspésie et je crois que le voeu de la population de cette région est de conserver les trois circonscriptions.
Cela dit, je m'attarde particulièrement à la question du maintien de la circonscription de Bonaventure - Îles-de-la-Madeleine. Comme vous le savez, j'ai soumis une motion. Pour résumer, on pourrait retenir une chose: la circonscription de Bonaventure - Îles-de-la-Madeleine, surtout du côté de Bonaventure, sur la terre ferme, dans la péninsule gaspésienne, présente toutes sortes de particularités. Il y a de nombreux organismes qui sont situés dans les limites actuelles de la circonscription, dans le secteur de la Baie des Chaleurs. C'est un emplacement géographique très bien défini.
Il y a notamment les commissions scolaires, les organismes touristiques, les divers ministères provinciaux, les centres d'action bénévole, les services de santé sociocommunautaires, c'est-à-dire les CLSC, toutes sortes d'organismes à vocation sociale, des organismes de développement économique, le mouvement syndical, le secteur des services du bureau local de Développement des ressources humaines Canada, ainsi qu'une foule d'autres organismes que je n'énumérerai pas aujourd'hui. Ces organismes de la Baie des Chaleurs sont, bien entendu, dans Bonaventure.
Je dois vous dire aussi que l'activité socio-économique et culturelle se passe d'est en ouest et non pas du nord au sud. La population est concentrée autour de la Baie des Chaleurs, et la proposition de la Commission de délimitation des circonscriptions électorales fédérales pour la province ne correspond pas à cela.
J'aimerais bien qu'on tienne compte de cette réalité démographique, économique, sociale et culturelle de la Baie des Chaleurs et qu'on ne scinde pas la circonscription de Bonaventure - Îles-de-la-Madeleine, car on ne rendrait sûrement pas service à la population en allant contre ses voeux. D'ailleurs, on a nombreux appuis au niveau des MRC, des municipalités et ainsi de suite. Je crois que vous avez été saisis des documents que j'ai présentés au comité.
Les Îles-de-la-Madeleine étaient autrefois une circonscription autonome. Ce n'est pas la situation aujourd'hui. Les Îles-de-la-Madeleine font désormais partie, et pour toujours, je le souhaite, de la réalité de la circonscription de Bonaventure - Îles-de-la-Madeleine, et il s'est tissé, au fil des ans, des rapports intimes sur les plans culturel, économique et social.
Cependant, s'il est obligatoire de ne pas s'éloigner de plus de 25 p. 100 de la moyenne provinciale, je propose que la circonscription de Bonaventure s'étende vers l'est et non vers l'ouest, ou encore, tel que proposé, vers le nord et le sud. On pourrait passer des limites de Port-Daniel jusqu'aux limites de la municipalité de Percé. C'est l'essentiel de la proposition.
Dans le document, on voit déjà la délimitation proposée, mais cela, c'est au cas où on serait obligé d'augmenter la population de la circonscription pour se conformer aux critères, tel que demandé par la Commission de délimitation des circonscriptions électorales fédérales.
Je suis prêt à répondre aux questions, surtout à celles de mes collègues de l'Est du Québec et aux vôtres, monsieur le président. Je serai aussi heureux d'entendre les commentaires des députés.
Le président: Merci beaucoup, Patrick.
M. François Langlois (député de Bellechasse): Je vais commencer. Je ne désire pas vraiment poser des questions.
Si on cherche une solution globale, monsieur Gagnon, je n'en vois pas d'autre que de garder le statu quo pour toute la partie de la carte actuelle qui comprend Kamouraska et Rivière-du-Loup, sauf pour ce qui est des deux municipalités qui sont dans L'Islet et qui pourraient être rattachées à la circonscription immédiatement à l'ouest. Cela éviterait de refaire les cartes et cela permettrait d'envoyer un message clair à la commission provinciale: Tenez compte des circonstances spéciales! La région du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie est géographiquement isolé. Il y a la frontière américaine. On ne peut pas aller chercher du territoire dans le Maine. De toute façon, c'est de la forêt. On ne peut pas aller en chercher beaucoup dans le golfe, parce que les électeurs ne sont pas là, ni autour. Cela me semble être le cas idéal pour appliquer la disposition sur les circonstances spéciales prévue dans la loi.
Que pensez-vous de la réflexion que je fais tout haut?
M. Gagnon: Je trouve que votre réflexion est très bien fondée. D'ailleurs, je tiens à vous rappeler qu'elle respecte l'histoire. Autrefois, on avait six circonscriptions dans le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie et maintenant, on ne nous en propose que quatre. La façon dont on propose de scinder la région du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie est, à mon avis, mal pensée et difficilement exécutable, étant donné les circonstances.
Je partage votre avis, à savoir qu'on devrait maintenir les circonscriptions telles quelles afin de garantir à la région la place qui lui revient dans l'échiquier politique du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine.
Le président: Monsieur Crête.
M. Crête (Kamouraska - Rivière-du-Loup): Quand j'ai comparu devant le sous-comité, j'ai soulevé un argument concernant les Îles-de-la-Madeleine. En agrandissant la circonscription, on marginalise encore davantage les Îles. Que pensez-vous de cette chose-là?
M. Gagnon: Monsieur Crête, je crois qu'il est très important de soulever ce point. Au moment où on se parle, les Îles-de-la-Madeleine représentent approximativement le tiers de la circonscription. Je vous avoue que c'est une partie de la circonscription qui demande beaucoup d'attention, et avec raison. Il y a des problèmes particuliers dans le domaine des pêcheries. En ce moment, j'ai deux bureaux à temps plein: un dans Bonaventure et l'autre aux Îles-de-la-Madeleine.
N'oublions pas non plus qu'on doit traiter les Îles-de-la-Madeleine de façon correcte et convenable. Après tout, les Îles-de-la-Madeleine étaient autrefois une circonscription autonome ayant son propre député à la Chambre des communes. Malheureusement, les Îles-de-la-Madeleine ont par la suite été amalgamées à Gaspé et plus tard, pendant les années 1960, fusionnées à la circonscription de Bonaventure.
Vingt-cinq ans se sont écoulés depuis, et je crois qu'on devrait maintenir la relation qui s'est créée entre nous.
Le moins qu'on puisse accepter, comme l'a si bien signalé le député de Rivière-du-Loup - Kamouraska, c'est qu'on maintienne les circonscriptions telles quelles.
M. Crête: J'ai un dernier commentaire à faire. J'aimerais que le comité et la commission tiennent compte du fait que les deux partis présentement représentés dans la région et les gens concernés considèrent qu'il serait avantageux pour la région, abstraction faite de tout avantage électoral - ce n'est pas une question de gagner une paroisse de plus - , que les cinq circonscriptions soient maintenues. Le seul point sur lequel on ne s'entend pas, c'est que nous souhaitons que la carte ne soit plus nécessaire.
M. Gagnon: Oui, mais pour le moment, connaissant l'excellent travail du député auprès de ses commettants, je suis sûr que ce qu'on lui propose lui rendrait la tâche plus difficile et le rendrait moins efficace qu'il ne l'est aujourd'hui. Ce que je vous dis n'est pas péjoratif. Je pense qu'on se comprend. Vous venez d'une région dans laquelle il faut être très présent. Il faut essayer d'avoir accès à un maximum de commettants. Comme vous le savez fort bien, dans les circonscriptions rurales, c'est le service et la présence du député qui comptent avant tout. Il faut que les gens se sentent une appartenance naturelle avec leur représentant à Ottawa. Cela n'a rien à voir avec les partis politiques, et je tiens à le souligner. Il faut s'assurer que les organismes locaux, communautaires, économiques et ainsi de suite d'une région donnée puissent s'identifier à la circonscription et, bien entendu, à leur représentant à la Chambre des communes.
M. Crête: Bonaventure - Îles-de-la-Madeleine, c'est comme si la circonscription d'un député de Toronto était en partie dans North Bay. Imaginez quel territoire le député doit couvrir! Il y a un espace où on ne peut aller qu'en avion.
M. Gagnon: Voilà! La circonscription est accessible à l'année seulement en avion. L'hiver, le service maritime est parfois coupé pendant une période de deux mois. Pour franchir la distance, il faut un peu plus d'une heure de vol. Comme le disait M. Crête, c'est comme si un député de Toronto représentait une partie de la circonscription d'Outremont et était obligé de faire la navette entre Toronto et Montréal.
Le président: On va passer à M. Assad.
M. Assad (Gatineau - La Lièvre): Je désire poser une seule question. La moyenne provinciale est de 91 000. Si on gardait le statu quo, l'écart serait-il de beaucoup plus que 25 p. 100?
M. Gagnon: Au moment où on se parle, la population de la circonscription oscille autour de 53 000 ou 54 000. Je sais que c'est sous la norme provinciale. Cependant, comme on tient à vous le souligner, à cause de l'éloignement des Îles-de-la-Madeleine, des particularité des deux circonscriptions et de l'obligation qu'a le député de traiter avec les deux circonscriptions à la fois, je crois qu'on devrait envisager de conserver la circonscription telle quelle en dépit du fait qu'à 55t000, on se retrouve en dessous de la moyenne provinciale en matière de population par circonscription.
M. Assad: D'accord. Pour les autres circonscriptions, si on gardait le statu quo, à combien s'élèverait la population?
M. Gagnon: Environ 54 000.
M. Crête: Chez nous, c'est 54 000 ou 55 000.
Le président: Quelle est la superficie de votre actuelle circonscription?
M. Gagnon: En matière de distance, des plateaux de la Matapédia jusqu'à Port-Daniel, il y a tout près de 275 kilomètres. Cela, c'est sur le continent, c'est-à-dire Bonaventure, la Baie des Chaleurs. De plus, il y a une heure de vol entre Bonaventure et les Îles-de-la-Madeleine. Ce n'est pas un vol régulier, je tiens à le souligner. Autrement, on doit s'y rendre en traversier: c'est 14 heures de Carleton aux Îles-de-la-Madeleine et cela, l'été!
Le président: Quatorze heures!
M. Gagnon: Je peux aussi traverser le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard et ensuite faire cinq heures de traversier entre Souris, Île-du-Prince-Édouard, et les Îles-de-la-Madeleine. J'ai tout près de 18 heures de trajet par terre quand je passe par les provinces Maritimes.
Le président: Vous avez mentionné tout à l'heure que les Îles-de-la-Madeleine constituaient environ le tiers de votre circonscription. Parliez-vous en termes de population?
M. Gagnon: Oui, en termes de population. Je crains que si on agrandit la circonscription, on marginalise un peu les intérêts des Madelinots. C'est ce qui m'inquiète. Je crois qu'ils ont un besoin urgent de la présence continue d'un député, car les problèmes dans le secteur des pêcheries le justifient. Le nombre de dossiers de chômage qu'on a aux Îles-de-la-Madeleine est supérieur à ce qu'on trouve ailleurs dans la province et même dans l'Est du Québec.
Pour assurer un service correct et adéquat à mes commettants des Îles-de-la-Madeleine, je désire qu'on maintienne la circonscription telle quelle. C'est dans l'intérêt de la population.
Le président: En ce qui a trait aux recommandations que vous avez formulées tout à l'heure, lorsque nous nous sommes parlé, vous avez mentionné que vous auriez peut-être aimé que le nom de Bonaventure soit remplacé par celui de Baie-des-Chaleurs. Pouvez-vous commenter?
M. Gagnon: Je n'ai pas encore formulé de proposition à cet égard, mais tous les organismes de la circonscription de Bonaventure se sont identifiés comme étant des organismes de la Baie des Chaleurs: la Société de développement économique de la Baie des Chaleurs, la Société de développement du tourisme de la Baie des Chaleurs, etc. C'est devenu une entité où les gens se reconnaissent et où on trouve une activité économique assez particulière à cette partie du Québec.
Je sais que le nom de Bonaventure a toute une histoire, surtout au niveau provincial. Avec Gérard D. Lévesque, qui ne connaît pas le comté de Bonaventure!
Cependant, je crois qu'on devrait éventuellement envisager la possibilité de désigner cette circonscription, non pas par le nom de Bonaventure - Îles-de-la-Madeleine, mais plutôt par celui de Baie-des-Chaleurs - Îles-de-la-Madeleine, afin de mieux refléter la réalité sociale, politique et culturelle de cette région.
Le président: Si le nom venait à changer, croyez-vous que les MRC et les organismes s'y opposeraient?
M. Gagnon: Je ne le crois pas. On s'est identifié à la Baie des Chaleurs au cours des 20 dernières années. Je pense par exemple aux commissions scolaires ou au Centre hospitalier de la Baie des Chaleurs. On parle du CLSC Chaleurs et du Journal Chaleur. On trouve toujours «Chaleurs» ou «Baie des Chaleurs» quelque part dans le nom des organismes et des groupes de chez nous. J'estime donc que la commission pourrait envisager ce nom, qui serait le reflet fidèle de la région.
M. Crête: Cette proposition-là serait-elle toujours valable si le statu quo était maintenu?
M. Gagnon: Oui.
M. Crête: Ce ne serait pas applicable si la proposition de la commission était adoptée, parce qu'au-delà de Gaspé, il n'y a plus d'identification à la Baie des Chaleurs.
M. Gagnon: Pour poursuivre dans la veine que M. Crête, si on retenait la proposition de la commission, on bouleverserait la synergie qui s'est créée dans cette région. Je pense à tous les organismes que je vous ai cités. Justement, ce matin, j'ai entendu parler d'un groupe féminin de la Baie des Chaleurs, de l'Association des handicapés de la Baie des Chaleurs... Ces organismes seraient obligés de se redéfinir, de changer de nom et d'axer leurs activités, non pas dans la région de la Baie des Chaleurs, mais sur un axe nord-sud. À mon avis, ce serait très coûteux sur le plan économique et sur celui de la définition de la région. Cela nuirait à l'avancement de la région. Croyez-moi, dans la région, il est très difficile de faire du développement économique régional, comme M. Crête le sait fort bien. Si on doit forcer les gens à se redéfinir encore une fois et à travailler sur un axe nord-sud plutôt qu'est-ouest, cela compromettra, j'en suis convaincu, plusieurs projets sérieux de développement économique de la région.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Gagnon.
M. Gagnon: Je tiens à remercier encore une fois les commissaires d'avoir prêté une oreille attentive à nos doléances. Merci.
Le président: On n'a que quelques minutes pour M. Ménard.
M. Langlois: M. Ménard m'a dit qu'il ne pouvait pas être présent aujourd'hui. Je pense que nous avons sa motion devant nous. Si vous me le permettez, je répéterai ce qu'il m'a dit.
Le président: C'est quel numéro?
M. Langlois: C'est le numéro 22.
C'est l'une de celles qui ont été adoptées, parce qu'il y avait un problème de recevabilité selon certaines personnes.
Monsieur Bertrand, avez-vous la motion de M. Ménard?
Le président: Oui: «Que conformément à...»
M. Langlois: Oui, c'est la motion. Ensuite, il y a la lettre:
- Je suis d'avis que l'extension de la limite ou si vous préférez des frontières vers l'est ne repose
sur aucune considération sociologique. Je crains la juxtaposition de quartiers qui, au-delà d'une
coexistence administrative, n'auraient aucune unité économique et communautaire.
Le président: Il n'y a pas de questions pour M. Langlois?
M. Langlois: Écoutez, je voulais simplement noter... Mme Carrière peut bien rire.
Le président: On va certainement transmettre ses doléances.
M. Langlois: Ça va devenir des condoléances.
[La séance se poursuit à huis clos]