[Enregistrement électronique]
Le mercredi 29 novembre 1995
[Traduction]
La présidente: La séance est ouverte. Le Sous-comité des droits de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce extérieur se réunit aujourd'hui pour entendre trois témoins.
Il s'agit de M. Puritt, du Congrès du Travail du Canada, de Mme Ann Weston, de l'Institut Nord-Sud et de Mme Moira Hutchinson, du Fonds Humanitaire des Métallos.
Bienvenue. Je vous sais gré de vous être déplacés. Nous ne sommes peut-être pas nombreux, mais je peux vous assurer que vous ne perdrez pas votre temps avec nous.
Nous demandons habituellement aux témoins de nous présenter un exposé d'environ dix minutes, quoique que vous pourrez prendre un peu plus de temps au besoin. Nous passons ensuite à la période de questions.
Êtes-vous prêts? Est-ce là l'information qu'on vous avait donnée? Très bien.
Nous allons débuter avec M. Puritt.
M. Paul Puritt (Affaires internationales, Congrès du Travail du Canada): Merci. J'ai amené deux ou trois documents dont j'aimerais vous parler.
Le premier est le Rapport annuel sur les violations des droits syndicaux publié en 1995 par la CISL, la Confédération internationale des syndicats libres. Ce rapport énumère les violations des droits syndicaux qui ont eu cours partout dans le monde en 1994.
Dans l'introduction, on constate qu'il y a eu augmentation du nombre d'assassinats, de dommages corporels, d'arrestations et de licen-ciements de syndicalistes au cours des trois dernières années. En 1994, 528 syndicalistes ont été assassinés, 1 983 blessés et 4 353 arrêtés. Ils n'ont pas subi ces sévices parce que leur pays était en guerre: ils ne faisaient que leur travail de syndicalistes.
Ils ne faisaient, de fait, que se conformer au paragraphe 24 de l'article 23 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui dit que les gens ont le droit de former des syndicats. Ce droit qui est inscrit dans la déclaration universelle des Nations Unies, ils en ont été privés.
La brochure donne des précisions. Elle est produite tous les ans par notre organisme ombrelle. Les statistiques de cette année sont pires que celles des années précédentes.
Je vous ai aussi apporté un cadeau de Noël. Il s'intitule Renaître de ses cendres. C'est une autre publication de la CISL, qui a été écrite par un Canadien qui est justement à l'emploi de la CISL en ce moment. Elle raconte le pire incendie d'usine jamais survenu dans le monde, dans lequel 188 personnes sont mortes et 469 autres ont été blessées. Cela s'est passé le 10 mai 1993, il y a à peine deux ans. Parmi les personnes tuées, 174 étaient des femmes. Bon nombre d'entre elles n'avaient que 13 ans.
Ces personnes ont péri dans l'incendie parce que, lorsque le feu a éclaté à 16 h, toutes les portes étaient verrouillées et il y avait des barreaux aux fenêtres. L'entreprise en cause avait pris cette précaution afin d'empêcher surtout ces jeunes femmes de voler le produit de leur travail. Elles fabriquaient des poupées «Bout de choux» pour la société Hasbro Inc.
Je rappelle que nous approchons de Noël et que nous allons offrir des jouets à nos enfants, à nos petits-enfants, à nos nièces et à nos neveux pour leur témoigner notre affection. Souvent, nous ne sommes pas conscients qu'un grand nombre si ce n'est la plupart de ces jouets sont fabriqués par ces jeunes femmes, principalement dans les pays asiatiques, mais aussi dans d'autres pays, où les conditions de travail sont épouvantables et briment leurs droits fondamentaux, allant même jusqu'à mettre leur vie en danger.
Aucun syndicat n'avait pu être mis sur pied dans cette usine. Les règles d'hygiène et de sécurité n'y étaient pas observées. C'est ce qu'a révélé l'enquête du gouvernement.
Si vous avez l'occasion de feuilleter cette publication, ou si vous voulez l'ajouter aux présents que vous glisserez dans le bas de Noël d'une personne de votre entourage, vous découvrirez que cette société, qui a signé de nombreux contrats avec tous les grands fabricants de jouets - Hasbro, Disney, Fisher-Price et compagnie - continue de travailler en Thaïlande, qu'elle paie ses employés 5 $ par jour, mais qu'elle a déménagé ses installations encore plus loin à l'intérieur des nouvelles zones économiques spéciales de la Chine du Sud, là où, comme vous le savez, le gouvernement canadien s'est rendu récemment pour investir parce que cette partie de la Chine a enregistré un taux de croissance de 13 p. 100.
Cette même région de la Chine a également connu un taux d'accidents industriels de 62 p. 100.
Une bonne partie des jouets que nous achetons sont fabriqués dans des usines qui sont susceptibles d'être chaque jour détruites par des incendies semblables à celui qui est décrit dans cette publication.
À l'heure actuelle, la Chine expédie aux États-Unis pour 3,3 milliards de dollars de jouets. Cette somme ne tient même pas compte des marchés européen et canadien.
J'ai pensé que la période de l'année était bien choisie pour vous rappeler ces réalités.
Le comité a posé plusieurs questions aux témoins. Celle qui m'a d'abord frappé était formulée ainsi: Au cours des prochaines années, quelles devraient être les principales priorités de l'action internationale du Canada pour défendre et promouvoir les droits fondamentaux de la personne?
Même si elle est brève et énigmatique, ma réponse à cette question peut être utile. Il nous faut devenir pertinents. Les positions adoptées par notre gouvernement dans ce dossier, tout comme celles de nombreux autres gouvernements, ne me semblent plus appropriées.
Au CTC, nous avons constaté avec horreur que le gouvernement canadien et de nombreux autres gouvernements de pays occidentaux ont adhéré aux idéologies de droite que sont la mondialisation, la décroissance, le nivellement des activités, la logique des marchés monétaires, l'ajustement structurel, la privatisation et la déréglementation. Toutes ces mesures nous amènent à penser que le processus du libre-échange mondial est inévitable, irréversible et indivisible.
Ce langage a rendu les sociétés transnationales plus anonymes que jamais et a marginalisé les États. Les États semblent d'ailleurs incapables de contrôler ce qui se passe dans notre village global qui souffre maintenant de l'absence de progrès social et d'un affaiblissement des gouvernements que nous avons pourtant élus pour qu'ils s'occupent de ces questions.
Au Canada, le fossé s'élargit entre les riches et les pauvres. À 16 h cet après-midi, lorsque Mike Harris aura annoncé les nouvelles mesures qui toucheront cette province même que nous habitons, le fossé se sera creusé encore davantage.
Robert Reich, le secrétaire américain au Travail, a même dévoilé des statistiques inquiétantes, voire terrifiantes, au sujet de ce fossé aux États-Unis et en Amérique du Nord en général; ces statistiques démontrent qu'un pourcentage de plus en plus faible de personnes contrôlent une part de plus en plus importante de nos richesses et, qu'au bas de l'échelle sociale, un nombre croissant de personnes doivent se partager une part de plus en plus restreinte des richesses globales.
Cette tendance est effrayante. Nous comptons sur nos gouvernements pour réaliser nos espoirs et nos rêves. Si les gouvernements ne le font pas, ils sont remplacés. Aux dernières élections, le gouvernement canadien a subi un changement radical, si bien que le caucus conservateur est devenu plus petit que le caucus du NPD. Il ne s'agit pas ici de comparer la taille des caucus. Ce n'est pas notre intention. Mais les gouvernements changent lorsque les espoirs et les rêves de la population... et ce gouvernement pourrait aussi changer la prochaine fois, à moins que des comités comme le vôtre ne se penchent sur quelques-unes de ces questions.
Au CTC, nous croyons que le gouvernement libéral s'est écarté du courant de pensée qu'avait adopté le Canada en matière de droits de la personne. Il n'est pas facile de reconnaître que nous avions de meilleurs rapports avec l'ancien gouvernement conservateur, mais c'est la réalité. L'ancien gouvernement conservateur a imposé des sanctions à l'Afrique du Sud, par exemple, en 1986. Je vous l'accorde, il ne s'agissait pas des sanctions exhaustives à caractère exécutoire que nous avions réclamées, mais du moins de sanctions volontaires faisant partie d'un ensemble de mesures prises conjointement par les pays membres du Commonwealth. Le Premier ministre Mulroney a reçu de nombreux témoignages de reconnaissance pour le rôle qu'il a joué pendant toute la campagne des sanctions - qui n'a duré que deux ou trois ans. Les sanctions mises en place n'ont pas été maintenues très longtemps. Il n'en demeure pas moins que si la politique actuelle du gouvernement libéral avait prévalu à cette époque, aucune sanction n'aurait été prise à l'égard de l'Afrique du Sud.
Je suis également conscient que nous recevons des messages confus du gouvernement libéral actuel. Les messages qui nous parviennent de certains ministres, par exemple, de Roy MacLaren et d'André Ouellet, soutiennent que les questions du commerce et des droits de la personne ne devraient pas être liées, tandis que Roy MacLaren tient des discours différents sur le sujet, selon les occasions. André Ouellet a dit très clairement qu'il ne devait pas y avoir de liens entre les droits de la personne et le commerce. D'autres ministres ont dit d'autres choses.
Nous aimerions que les messages soient clairs. Nous espérons que vous aiderez le gouvernement à voir un peu plus clair dans ce dossier. Bien entendu, nous souhaitons que cette intervention aide le gouvernement à élaborer, non pas une politique distincte qui soit pire que celle des États-Unis, comme c'est le cas pour la Chine, mais une politique qui soit distinctement meilleure.
Nous avons décroché un Prix Nobel de la paix à l'époque où Lester Pearson dirigeait le gouvernement et voici maintenant que nos diplomates en sont réduits à monter des stands pour vendre les gadgets canadiens. Nous pensons que les diplomates canadiens peuvent faire mieux que ça pour diffuser le message du Canada.
Nous sommes heureux, comme toujours, de prendre part à cette consultation. Nous avons d'ailleurs été de toutes les consultations. Mais consulter ne suffit pas. La dernière fois qu'il y a eu consultation sur ce sujet, c'était, je crois, en septembre à Toronto; il s'agissait de la seconde consultation annuelle des Affaires étrangères. J'étais alors le seul représentant des syndicats et je prêchais dans le désert. La liste des invités ne prévoyait la venue que d'un seul syndicaliste. Peut-être n'êtes-vous pas très heureux d'entendre ce que nous avons à dire, mais comme nous parlons au nom de tant de gens, il y a bien des chances que notre discours demeure le même et que nous continuions de le tenir.
Nous avons nos propres mantras. J'ai parlé tantôt des idéologies de droite auxquelles nous craignons que le gouvernement actuel n'ait adhéré. Nos idéologies à nous vont à peu près comme ceci.
Nous souhaitons pour les autres ce que nous désirons pour nous-mêmes. Il y a déjà très longtemps que le mouvement ouvrier canadien fait preuve de solidarité envers des personnes qui n'appartiennent pas au mouvement ouvrier au Canada ainsi qu'avec les mouvements ouvriers de différents pays. Cette solidarité est à l'origine de la fondation même du Congrès du Travail du Canada, en 1956.
Nous adhérons également à la déclaration de Philadelphie de l'Organisation internationale du Travail, qui affirme que la pauvreté, où qu'elle soit, constitue une menace à la prospérité, partout ailleurs. Nous croyons que ce que nous voulons pour nous-mêmes... si nous avons à déjeuner ce matin, nous voulons que tout le monde ait à déjeuner, partout dans le monde. Nous pensons qu'il est important de partager la richesse que nous créons.
Le problème que nous sommes en train de découvrir, c'est que l'économie internationale, qui est devenue une sorte de capitalisme sauvage - une fois de plus, parce que cela s'est déjà produit à d'autres époques de l'histoire de l'humanité - a maintenant atteint un stade où des limites doivent lui être imposées. Nous pensons que bien des gens sont d'accord pour fixer des limites à l'économie internationale. Nous nous entendons tous pour dire qu'il faut des limites à tout, même à la liberté de parole. Vous ne pouvez criez «Au feu!» dans un cinéma bondé - c'est l'exemple classique de la limitation de la liberté d'expression. Nous croyons que le capitalisme sauvage allume des incendies, comme celui en Thaïlande et d'autres ailleurs dans le monde. Il est temps de mettre un frein au genre de liberté pratiquée à cet égard, car c'est ce capitalisme-là qui nous a incités à nous précipiter en Chine et dans d'autres pays à la recherche de main-d'oeuvre à bon marché, et cela ne peut que se retourner contre nous.
La question se pose ainsi: quelles limites doivent être imposées à ce genre d'activité et qui définira ces limites? Les multinationales affirment qu'il ne doit pas y avoir de limites à leur liberté, qu'il faut opter pour la déréglementation intérieure afin d'être plus concurrentiels sur la scène internationale. S'il y a déréglementation intérieure, il s'ensuit qu'il doit aussi y avoir déréglementation à l'échelle mondiale. Ces sociétés soutiennent qu'il ne devrait y avoir aucune réglementation, ni nationale ni internationale. Elles veulent être libres d'agir comme bon leur semble, et que les éléphants puissent danser au milieu des poulets.
L'employé d'une banque n'est pas l'égal du président ou de la présidente de la banque. Ce genre de liberté est une fausse liberté, si la personne qui occupe le fauteuil présidentiel peut se comporter comme elle le fait.
La réalité, c'est que, de toutes façons, nous n'avons pas une économie internationale libre et non contrôlée; leur idéologie ne tient donc pas. Le GATT, l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, contient 20 000 pages de règlements. L'ALÉNA s'accompagne de 2 000 pages de règlements. Mais qu'est-ce que ces accords réglementent au juste? Ils réglementent la politique protectionniste des multinationales concernant leurs propres droits et leurs propres profits. Ils ne réglementent pas ce que nous aimerions voir réglementer, c'est-à-dire les droits de la personne, la souffrance humaine, les droits des travailleurs qui produisent toute cette richesse.
D'autre part, je ne vois pas comment nous pouvons justifier que les États-Unis aient été si intransigeants à l'endroit de la Chine concernant la reproduction des disques compacts. Les droits intellectuels étaient véritablement intouchables. La Chine ne pouvait agir ainsi et la réaction des États-Unis a été très énergique. Mais lorsqu'il est question des travailleurs chinois qui gagnent 80¢ par jour, des travailleurs chinois qui meurent dans les incendies d'usines, des droits de la personne et des droits des syndiqués qui sont quotidiennement violés en Chine, ça va. Personne ne semble très préoccupé par ce genre de réglementation. Nous aimerions qu'un équilibre soit rétabli.
Comme je l'ai déjà dit, le problème n'est pas nouveau. Il y a eu, au cours du siècle, nombre de tentatives pour réglementer les capitaux. La Société des Nations a fait une tentative de réglementation en 1919. Elle a créé l'OIT, l'Organisation internationale du Travail, qui fait maintenant partie des Nations Unies. C'est le seul organisme mis sur pied par la Société des Nations, qui existe encore aujourd'hui.
Après la Deuxième Guerre mondiale, les accords de Bretton Woods ont constitué une autre tentative de réglementation. Dans ces accords, la communauté internationale avait décidé que les gouvernements démocratiquement élus devaient contrôler certains des pires comportements des partisans du marché libre.
Nous en sommes de nouveau au même point. Après la décennie 80, et maintenant dans les années 90, nous constatons que les multinationales gouvernent à la place des gouvernements. Que cherchent les multinationales? Elles cherchent à faire breveter les semences de la nourriture que nous mangeons. Elles parlent maintenant de brevets sur les gènes humains. Ce ne sont pas seulement les gouvernements qui seront contrôlés par ces sociétés multinationales, mais la vie elle-même.
La situation présente me rappelle le dicton yiddish qui dit à peu près ceci: «Si les riches pouvaient embaucher les pauvres pour qu'ils meurent à leur place, les pauvres ne seraient jamais en chômage».
Qu'allons-nous faire avec ça? J'ai parlé tantôt des limites qui pourraient être imposées. Nous avons trois moyens différents à notre disposition. Les codes de conduite volontaires en sont un, les mesures unilatérales en sont un autre et les règlements multilatéraux en sont un troisième. Je vais expliquer un peu à quoi chacun pourrait ressembler et je m'en tiendrai là, car je me rends compte que je prends trop de temps.
J'ai parlé tout d'abord des codes de conduite volontaires. Certaines sociétés ont déjà adopté de tels codes; c'est le cas notamment de Levi Strauss, les fabricants de jeans, et de Starbucks, les producteurs ou distributeurs de café. Ces entreprises ont adopté des codes de conduite pour contrôler leurs propres activités. C'est très bien, et nous applaudissons lorsque les multinationales font preuve d'une certaine éthique. Ainsi, Levi Strauss n'investirait pas en Chine à cause des horribles conditions de travail qui y sont imposées aux travailleurs.
D'autres sociétés s'efforcent de se gouverner ainsi elles-mêmes. Je pense à la Loi sur les banques, aux avocats qui se soumettent aux examens du Barreau, aux médecins et aux policiers qui se contrôlent eux-mêmes. Je crois que nous avons tous certaines objections à ce que les gens essaient d'appliquer leur propre code de conduite. Je pense ici aux problèmes avec la police. Les codes volontaires ont sans doute leur raison d'être, mais nous croyons qu'il est préférable qu'ils soient contrôlés de l'extérieur, par des organisations indépendantes qui ont le pouvoir réel de les faire appliquer.
La deuxième sorte de limites qui peuvent être imposées sont des approches unilatérales, qui sont, fondamentalement, des approches réactionnaires. Le SGP américain, le Système généralisé de préférences, n'est pas un processus négocié. Il s'agit d'une mesure unilatérale adoptée par le Congrès américain afin de déterminer, par exemple, qui a droit au statut de nation la plus favorisée et ce genre de choses.
Ann me disait tout à l'heure que le Canada discute présentement d'une mesure semblable, un tarif de préférence général. L'Union européenne est également en train de mettre en place un mécanisme du même genre pour la Communauté européenne, un mécanisme qui lui permettra de décider elle-même de ce qui est bon.
D'autres formes d'action unilatérale consistent à apposer des étiquettes sur les mauvais produits, comme le fait le Fonds mondial pour la nature. Brigitte Bardot colle des étiquettes sur les manteaux en peaux de phoques, en disant: «C'est mal. N'achetez pas ces manteaux.» Ces gens ont donc décidé de ce qui était mauvais et désignent unilatéralement ce qu'il ne faut pas acheter.
D'autres - et le mouvement syndical fait partie de ceux-là - affirment que certains produits sont bons et veulent y apposer une étiquette de bon produit. Vous avez entendu parler de la campagne des étiquettes sur les tapis. Je crois qu'un témoin vous en a parlé avant moi; au lieu d'acheter des tapis fabriqués par des enfants de quatre à dix ans enchaînés à des métiers à tisser au Pakistan, comme l'était Iqbal Masil, ce jeune garçon pakistanais qui a été assassiné, nous recherchons des tapis qui ne sont pas fabriqués par des enfants et nous y apposons un petit visage souriant, ce qui indique que c'est un bon tapis à acheter.
Au Congrès du Travail du Canada, nous avons déjà eu une campagne d'étiquette syndicale qui visait à encourager les Canadiens à acheter des produits fabriqués au Canada par des ouvriers syndiqués. Dans le marché mondial d'aujourd'hui, nous ne sommes pas assez stupides pour penser que nous pouvons nous en tenir aux produits fabriqués au Canada, mais nous songeons à des étiquettes du genre «Achat intelligent» ou «Achat judicieux» que nous pourrions coller sur des articles afin d'indiquer qu'ils ont été fabriqués par des travailleurs gagnant un salaire décent et travaillant dans des conditions décentes, et que, par conséquent, ces articles sont de bons achats. Mais là encore, il s'agit d'une action unilatérale.
Sans aller jusqu'à dire que ces deux premières catégories de mesures ne devraient pas exister, nous favorisons davantage la troisième option. Nous pensons que cette option convient particulièrement bien au Canada, compte tenu de notre rôle dans le monde, et c'est une forme de réglementation multilatérale.
Certaines règles pourraient être appliquées au commerce, à l'aide et aux finances internationales, et constituer des exigences de base, une sorte de seuil minimum à respecter, sous lequel, partout dans le monde, il serait considéré indécent de glisser, comme par exemple attacher des enfants à des métiers à tisser pour les forcer à fabriquer des tapis ou laisser brûler des gens enfermés dans des usines - tous ces comportements que la plupart d'entre nous jugeraient inacceptables.
Nous ne parlons pas ici du salaire minimum. Nous reconnaissons que chaque pays, à cause de son degré de développement, doit définir son propre taux de salaire minimum. Nous parlons plutôt de normes minimales que tout le monde accepterait de respecter. De telles normes échappent à la notion de relativisme culturel.
À la Conférence de Vienne sur les droits de l'homme, en 1993, les Chinois disaient: «Les droits de l'homme sont relatifs. Vous, les Occidentaux, vous essayez de nous imposer votre conception des droits de l'homme». Nous avons répliqué qu'il existait, en matière de droits de la personne, des normes universelles que, selon nous, tous les êtres humains devaient respecter.
L'argument des Chinois me fait penser à l'argument que les Nazis auraient pu utiliser au cours de la Deuxième Guerre mondiale; ils auraient pu dire: «Il est dans la culture nazie de brûler les Juifs dans des fours. Vous n'avez pas à nous critiquer; c'est notre manière de faire les choses. Vous, les Canadiens ou les autres, vous ne devriez pas nous faire de reproches. Vous ne traitez pas très bien vos peuples autochtones, n'est-ce-pas? Alors, pourquoi ne pourrions-nous pas brûler les Juifs dans les fours?». Je ne suis pas en train de dire que les Chinois brûlent des gens dans des fours, mais je ne peux m'empêcher de penser aux incendies quotidiens dans les usines, et la comparaison me vient spontanément à l'esprit.
Cette année, au sommet du G7 à Halifax, nous avons proposé plusieurs formes de réglementations multilatérales au gouvernement. Nous avons rencontré le Premier ministre, Paul Martin, Lucienne Robillard et d'autres, et nous avons suggéré que le gouvernement réfléchisse sérieusement à la taxe Tobin et en parle au G7.
Je ne sais combien d'entre vous ont écouté l'émission Ideas, hier soir, au réseau CBC. Jamie Swift y a présenté une émission sur les taxes, et James Tobin a de nouveau été interviewé au sujet de la taxe qui porte son nom. Nous pensons qu'il s'agit d'une excellente idée, qui ne doit pas nécessairement être adoptée telle que proposée par le professeur Tobin, mais qui mérite tout au moins d'être étudiée.
Trouver une façon de taxer ce trillion de dollars qui est chaque jour englouti dans les marchés monétaires du monde entier et qui ne sert nulle part ni à des activités productives ni à des investissements pour augmenter la production. Ce sont des spéculateurs comme cet homme assis dans son bureau à Singapour qui ont fait tomber la Banque Barings. Si une taxe comme celle-là pouvait être imposée sur la spéculation à court terme, elle permettrait de produire d'importantes recettes qui serviraient à réaliser une foule de bonnes choses que nous jugeons souhaitables.
Jean Chrétien et Paul Martin nous ont répondu à l'époque que cette mesure n'était pas pratique et qu'elle serait difficile à mettre en place; je trouve leur réponse difficile à avaler. Vous pourriez me dire que ce n'est pas pratique de voler jusqu'à la lune, et je vous donnerais raison. Mais qu'il ne soit pas pratique d'imposer une taxe sur les transactions informatisées que n'importe qui peut suivre en se servant d'un ordinateur? Cela pourrait probablement se faire en s'assoyant devant un ordinateur quelque part. Je ne pense pas que l'argument de l'aspect pratique soit valable.
Essentiellement, ce que nous cherchons à promouvoir en proposant une réglementation multilatérale, c'est une clause sociale. Nous avons déjà une clause de dérogation, et je crois que nous pouvons aussi nous doter d'une clause sociale.
Selon nous, la clause sociale pourrait s'inspirer des sept conventions de l'OIT les plus souvent ratifiées. Ces conventions sont les suivantes: les conventions 29 et 105 sur le travail forcé; les conventions 100 et 111 sur la rémunération des fonctions équivalentes et sur la non-discrimination entre les hommes et les femmes; les conventions 87 et 98 sur la liberté syndicale et sur le droit à la négociation collective; et la convention 138 sur le travail des enfants et l'âge minimum pour occuper un emploi. Plus de 100 pays ont ratifié ces sept conventions qui pourraient constituer les éléments de base de la clause dont nous parlons.
Le gouvernement canadien a ratifié quatre de ces sept conventions. Ce n'est pas trop mal pour le gouvernement canadien, n'est-ce pas? Parmi les nombreux pays qui ont ratifié les conventions de l'OIT, le Canada est l'un de ceux qui en a ratifié le moins grand nombre. Le Canada prétend que ces conventions relèvent de la compétence des gouvernements provinciaux et que, par conséquent, il ne peut les ratifier. Mais il en a tout de même ratifié quatre sur sept.
Nous aimerions attirer l'attention du sous-comité sur le fait que cette clause sociale pourrait être un moyen de promouvoir l'Organisation mondiale du commerce. Nous pourrions vous suggérer des idées sur la manière dont l'Organisation mondiale du commerce pourrait collaborer avec l'OIT afin d'élaborer un mécanisme qui permettrait de ne pas immédiatement recourir aux sanctions ou aux boycottages des échanges commerciaux, mais plutôt d'aider progressivement les pays du tiers monde et les autres à atteindre le point où ces normes minimales pourraient être adoptées par tous.
Merci beaucoup.
La présidente: Merci.
Madame Hutchinson.
Mme Moira Hutchinson (consultante, Fonds Humanitaire des Métallos): Je vous ai fait distribuer d'avance des renseignements sur le Fonds Humanitaire des Métallos; je ne les répéterai donc pas. Je voudrais par contre ajouter qu'il travaille avec un comité de développement international de la main-d'oeuvre de concert avec trois autres syndicats qui ont eux aussi un fonds de développement de la main-d'oeuvre et avec le Congrès du Travail du Canada.
J'ai commencé à travailler au Fonds Humanitaire après avoir oeuvré pendant dix ans dans une organisation oecuménique qui s'occupe de la question des droits de la personne et de la politique étrangère. Malgré mon expérience, je ne savais vraiment pas à quel point le mouvement ouvrier est une ressource dans le domaine des droits de la personne sur la scène internationale. Je savais, bien sûr, que c'est souvent des syndicats, tout comme des églises, que vient le seul mouvement d'opposition aux régimes autoritaires et à la répression. Les nombreux morts dont Paul a parlé en attestent peut-être.
Je savais aussi que les syndicats jouent un rôle essentiel dans la création d'un espace démocratique et dans la sorte de redistribution des richesses qui débouche sur la justice économique. Ce sont là deux éléments nécessaires pour que les droits de la personne existent dans les faits.
Ce que je ne savais pas, c'est à quel point l'expérience du mouvement ouvrier est profonde, large, concrète et pratique et peut donc contribuer à la définition et à l'application d'une politique canadienne internationale des droits de la personne.
Paul a fait porter essentiellement son intervention sur les questions de commerce et de mondialisation. Pour ma part, je vais surtout parler de la politique canadienne des droits de la personne par rapport à l'aide au développement.
Comme vous le savez, l'ACDI a fini de rédiger son énoncé de politique relative aux droits de la personne tout dernièrement, je crois. Elle a réagi dans le passé à des problèmes liés aux droits de la personne, mais elle l'a fait de façon contradictoire et ponctuelle. Il lui sera donc très difficile pour elle d'appliquer sa nouvelle politique de manière efficace et uniforme.
Nous espérons que l'ACDI s'intéressera tout particulièrement aux moyens dont disposent des organisations ouvrières internationales comme l'Organisation internationale du Travail, aussi appelée OIT, et la Confédération internationale des syndicats libres pour l'aider à appliquer sa politique. Elle peut aussi utiliser les partenariats directs formés entre les syndicats canadiens comme le Fonds Humanitaire des Métallos et leurs équivalents dans les pays du tiers monde.
Je voudrais attirer en particulier votre attention sur les conventions de l'OIT. Paul vous a cité certaines des plus importantes. À mon avis, les conventions de l'OIT constituent un point de départ très concret pour évaluer des pays ou des projets et pour décider s'il faut réduire ou éliminer les relations commerciales avec ces pays ou l'aide à ces projets, ou encore, s'il faut fournir une assistance spéciale à ces pays pour les aider à respecter les normes essentielles en fait de droits de la personne.
Les conventions de l'OIT présentent des avantages vraiment concrets par rapport à certains autres pactes et déclarations des Nations Unies se rapportant aux droits de la personne. Elles permettent en effet depuis des dizaines d'années de donner des interprétations de nature très pratique à des situations précises qui existent dans les pays suscitant des craintes sur le plan des droits de la personne. De plus, l'OIT possède un système de supervision et de surveillance très développé et elle peut fournir de l'information et des analyses à des organismes comme l'ACDI.
Enfin, les conventions de l'OIT sont le résultat d'un processus de consultation tripartite auquel participent le gouvernement, les employeurs et les travailleurs. Cela donne, je crois, une excellente idée du respect que les différentes parties ressentent pour les conventions qu'elles ont adoptées.
Les conventions de l'OIT dont on reconnaît généralement aujourd'hui qu'elles constituent une sorte de norme essentielle en matière de droits de la personne sont celles dont Paul a parlé: la liberté syndicale et le droit à la négociation collective, l'abolition du travail forcé, la restriction du travail des enfants et la suppression de la discrimination dans l'emploi. L'ACDI doit juger les projets qu'elle veut soutenir d'après ces quatre droits fondamentaux de la main-d'oeuvre.
Elle évalue déjà les projets d'après les politiques de protection de l'environnement et d'avancement de la femme qui lui tiennent à coeur, et elle vient tout juste de rédiger sa nouvelle politique relative aux droits de la personne. Pour compléter ces mesures, elle pourrait se donner un processus d'évaluation des droits des travailleurs qui reposerait sur les conventions fondamentales de l'Organisation internationale du Travail.
Évaluer des projets, ce n'est pas simplement en rejeter certains parce qu'ils ne répondent pas à certains critères établis; cela implique aussi de promouvoir les droits de la main-d'oeuvre.
Si l'on évalue, par exemple, un projet de construction industrielle dans un pays, on ne doit pas seulement insister pour qu'il n'y ait pas recours au travail forcé. On devra peut-être établir aussi s'il faut aider, d'une part, les syndicats du pays à mettre sur pied des comités d'hygiène et de sécurité au travail et, d'autre part, le gouvernement à mieux voir au respect des normes d'hygiène et de sécurité.
S'il existait un mécanisme d'évaluation, on n'assisterait pas au gaspillage des ressources consacrées à l'aide au développement que John Stackhouse a décrit l'an dernier dans un article du Globe and Mail. Il a raconté l'histoire d'un entrepreneur thaïlandais auquel l'ACDI avait remis75 000 dollars pour construire une usine dans son pays. L'entrepreneur a payé les 90 femmes qu'il employait en-dessous du salaire minimum fixé par la loi, et il a réalisé un profit de 167 000 dollars qui dépassait un peu la masse salariale de l'ensemble de ses employés.
Il ne faut pas laisser libre cours aux projets et aux programmes de développement du secteur privé sur lesquels l'ACDI met l'accent en ce moment en appuyant des investissements qui misent délibérément sur l'absence de droits fondamentaux de la main-d'oeuvre.
Par ailleurs, en faisant la promotion des droits des travailleurs et en faisant d'eux une priorité, nous pourrions faire un travail plus efficace dans les pays comme le Nigéria où les droits de la personne sont bafoués. Le Canada prône la protection de ces droits et la démocratie, mais une condition préalable essentielle à la démocratie est le renforcement des groupes comme les syndicats qui travaillent à étendre la démocratie et militent pour que le peuple exerce un contrôle réel sur les orientations du gouvernement.
S'il finance des projets du secteur privé sans imposer de conditions pour ce qui est des droits de la main-d'oeuvre, le Canada risque bel et bien de miner les efforts courageux des syndicats qui luttent contre les régimes autoritaires en place dans des pays comme le Nigéria.
Ainsi, dans le profil des programmes menés dans l'ouest de l'Afrique que l'ACDI a publié en juin 1993, il est question de concentration de l'aide sur des projets de coopération du secteur privé dans quatre pays, dont le Nigéria. Je me demande vraiment si cette aide au développement a aidé ou gêné la répression, par le général Abacha, des syndicats favorables à la démocratie.
Les États-Unis sont allés beaucoup plus loin que le Canada. Ils se sont servis des droits fondamentaux des travailleurs pour promouvoir les droits de la personne dans le monde. Dans un des documents que je vous ai fait remettre, j'ai comparé les politiques internationales canadiennes et américaines en matière de droits de la main-d'oeuvre et j'ai mis au début une sorte de tableau qui résume le contenu du document.
Pour résumer, je dirai que les États-Unis ont légiféré sur les droits des travailleurs, et que leur loi s'applique à leurs programmes d'aide, à leur droit de vote dans les institutions financières internationales comme la Banque mondiale, aux sociétés privées américaines qui investissent à l'étranger, aux tarifs préférentiels - ceux du SGP et de l'initiative du bassin des Caraïbes - et à l'Omnibus Trade and Competitiveness Act de 1988.
La loi américaine présente des forces et des faiblesses dans sa formulation et dans son application actuelles. On lui a reproché d'être largement le produit de préoccupations protectionnistes et d'une démarche unilatérale. L'important pouvoir discrétionnaire que la loi donne au Président semble fonder ce reproche.
On pourrait par contre faire valoir que même si cette loi répond à divers motifs, y compris le protectionnisme, et qu'une action multilatérale et non unilatérale doit être le but visé, il ne faut pas laisser ces arguments discréditer à eux seuls une action qui donne des résultats positifs dans le domaine des droits de la personne au Salvador, au Sri Lanka et en Indonésie par exemple.
Les syndicats et autres groupes connexes américains mènent d'ailleurs une campagne active pour que certains changements soient apportés à la loi afin que cesse une partie au moins des critiques. Ils demandent que l'on rende plus transparent le processus d'examen de la situation des droits de la personne dans différents pays pour que tout le monde sache comment on en vient à décider de regarder de près les antécédents d'un pays donné au chapitre des droits de la personne et à parvenir à une conclusion. Ils demandent aussi que les décisions puissent faire l'objet d'un examen judiciaire. Ils font enfin des efforts impressionnants pour travailler étroitement et solidairement avec les syndicats des pays susceptibles d'être touchés par la loi.
En plus de ce que je viens de décrire et en l'absence d'accords multilatéraux sur les clauses sociales, les syndicats emploient d'autres stratégies pour mener leurs campagnes de défense des droits des travailleurs dans le monde. Ils trouvent par exemple de nouvelles façons de travailler ensemble malgré les frontières pour lutter contre les sociétés transnationales qui ne respectent pas les droits des travailleurs.
Les codes de conduite des entreprises, qui suscitent un regain d'intérêt, font aussi l'objet de nombreuses stratégies. Ces stratégies sont préparées parfois par des groupes de citoyens, parfois par les gouvernements et parfois même par les sociétés elles-mêmes. Paul a parlé de certains de ces codes de conduite.
J'ai travaillé pendant dix ans avec le Task Force on the Churches and Corporate Responsibility. C'est un des groupes de revendication qui a su parfois se servir des codes de conduite pour obtenir certains résultats sur le plan des droits de la personne et pour réaliser certains buts dans le domaine de l'environnement.
Ce groupe s'est heurté au manque de fiabilité des codes de conduite qui découle de l'absence de lois et de mécanismes efficaces de surveillance ou d'application des règles. Paul en a parlé également.
Je continue à suivre de près les codes de conduite dans le cadre de mon travail au Fonds Humanitaire des Métallos. Je n'ai pas le temps d'évaluer ni même d'examiner les dizaines d'initiatives qui existent actuellement, mais je vous ai fourni la copie d'un document que John Cavanagh a préparé pour la Fédération internationale des organisations de travailleurs de la métallurgie. Il y fait vraiment une revue des codes de conduite actuels. Le seul reproche qu'on peut lui adresser est de ne pas s'être arrêté suffisamment sur certaines initiatives canadiennes et européennes.
Je ne veux pas examiner ici le rôle global des codes de conduite, mais j'aimerais faire un commentaire sur la manière dont les codes de conduite des entreprises et les stratégies réglementées comme celle des États-Unis qui sont destinées à protéger les droits de la personne dans le monde pourraient être liés à l'aide au développement et permettre ainsi l'application plus juste et plus efficace d'une politique concernant les droits de la personne dans le monde.
Je commencerai en prenant l'exemple du travail des enfants, dont Paul a parlé brièvement.
Des agences européennes de développement ont lancé une campagne pour mettre fin à l'exploitation des enfants qui fabriquent des tapis en Inde. Leur campagne a débouché sur un accord selon lequel les exportateurs de tapis qui respecteront les critères essentiels pourront marquer leurs produits d'une étiquette portant la désignation «rug mark». Divers détaillants ont accepté de faire la promotion de cette étiquette. De plus, les exportateurs pourront verser 1 p. 100 du prix d'importation des tapis dans un fonds consacré à l'éducation et à la réadaptation des enfants.
Je citerai comme autre exemple ce qui est arrivé quand on a voulu adopter aux États-Unis une loi pour interdire toute importation de produits fabriqués par des enfants de moins de 14 ans. Ce geste a failli avoir des conséquences désastreuses. L'association des fabricants et des exportateurs de vêtements du Bangladesh a menacé de congédier en l'espace de quelques mois 25 000 enfants dont les conditions de vie se seraient alors détériorées encore davantage.
Un plan est né des négociations entre les fabricants de vêtements, l'Organisation internationale du Travail et l'UNICEF. Les trois parties vérifieront que le travail des enfants a effectivement pris fin, contribueront à leur scolarisation et verseront une modeste rétribution à leurs familles.
Je ne peux me prononcer sur le bien-fondé de ce règlement, mais je trouve que la solution trouvée dans cet exemple, comme l'attribution d'une étiquette aux tapis, comporte des principes à mon avis importants. Dans les deux exemples, les critères régissant les droits de la main-d'oeuvre, qu'ils soient fixés par une loi ou un code de conduite, sont liés à des accords commerciaux, à une assistance commerciale et financière ou à une aide au développement.
Dans la solution de l'attribution d'une étiquette aux tapis, il y le commerce et les critères de travail en jeu, et l'on utilise une petite partie de l'argent pour aider les enfants touchés par l'imposition de ces critères. On devrait réfléchir, je crois, à une façon d'appliquer ce principe à une échelle plus grande.
L'exemple que je vais citer maintenant ne concerne pas les droits de la personne, mais l'environnement. Les Pays-Bas font actuellement une expérience. Ils utilisent des pactes de développement bilatéraux pour promouvoir le respect de critères rattachés à l'environnement. Selon la formule, les Pays-Bas accordent à un pays en développement - leur partenaire - le statut de partenaire d'échanges commerciaux préférentiels, avec aide financière à l'appui. Ils peuvent aussi s'engager à réduire leurs propres émissions de gaz carbonique. En retour, le pays en développement s'engage à respecter, dans le domaine de l'environnement, certains critères pour lesquels il semble laisser à désirer.
Je me demande si le Canada pourrait appliquer cette idée aux droits de la main-d'oeuvre. Comme il n'y a pas d'accords multilatéraux qui permettent d'inclure des clauses sociales dans les ententes commerciales et les ententes d'aide, je pense qu'un plan de ce genre qui lie aide, commerce et droits de la main-d'oeuvre nous éviterait d'imposer le fardeau des droits des travailleurs dans le monde comme nous le faisons simplement parce que c'est un moyen de lutter contre les importations de produits à bon marché.
J'aimerais dire pour terminer que le Fonds Humanitaire des Métallos parrainera en mars et en mai 1996 deux ateliers avec les autres fonds de développement de la main-d'oeuvre et le Congrès du Travail du Canada. Un atelier aura pour thème l'aide au développement comme outil de promotion des droits de la main-d'oeuvre et l'autre portera sur les options d'orientation de la politique canadienne.
Peut-être certains d'entre vous pourront-ils y assister. C'est un souhait que nous formulons.
Merci.
La présidente: Merci.
Madame Weston.
Mme Ann Weston (directrice du programme de commerce, Institut Nord-Sud): Merci. Contrairement à mes collègues, je serai plutôt brève. J'espère ainsi que nous aurons plus de temps pour discuter.
J'ai distribué à l'avance un document de cinq ou six pages dans lequel j'ai exprimé quelques idées sur la manière dont le Canada pourrait s'y prendre, seul ou en collaboration avec d'autres pays, pour promouvoir les droits de la personne, et tout particulièrement les conditions de travail, dans les pays en développement. Je crois que je vais résumer certains des points clés exposés dans ce document et peut-être ajouter un ou deux commentaires sur la question des codes de conduite qui a été soulevée par mes deux collègues.
Je dois vous dire que j'ai travaillé principalement dans le domaine du commerce international. Je trouve toujours étonnant que les gens voient si souvent dans le commerce un moyen de promouvoir d'autres aspects. Il y a eu le commerce et l'environnement, le commerce et la propriété intellectuelle; et maintenant, il y a le commerce et les normes de travail, et le commerce et les droits de la personne.
Je me demande surtout dans quelle mesure notre insistance sur le commerce peut réellement nous permettre d'atteindre notre objectif, qui est de promouvoir des normes de travail dans les pays en développement. N'oublions pas que le commerce du Canada avec le reste du monde, mis à part nos échanges commerciaux avec les États-Unis, représente moins de 1 p. 100 du commerce international.
À certains égards, nous devons vraiment réfléchir sur les limites des mesures que nous adoptons unilatéralement. Je crois sincèrement que nous pouvons faire beaucoup en tant que Canadiens. Nous avons de multiples mécanismes à notre disposition. Comme l'a dit Moira, il existe plusieurs façons de mieux orienter notre programme d'aide afin qu'il serve à promouvoir des normes de travail. Nous pouvons utiliser l'aide liée aux crédits à l'exportation et il y a aussi le lien entre l'aide, le commerce et les droits de la personne. Nous pourrions demander à la Société pour l'expansion des exportations de dépenser l'argent qui lui est confié en tenant davantage compte des aspects concernant les droits de la personne et les normes de travail. Nous pourrions également insister pour que les fonds versés par la Banque mondiale et par d'autres organisations internationales servent à promouvoir, dans les pays en développement, des politiques économiques qui favorisent le respect des droits des travailleurs et l'amélioration des conditions de travail.
Je crois que l'entente accessoire de l'ALÉNA sur l'emploi est également un mécanisme que le Canada a sous-utilisé jusqu'à maintenant. Cette sous-utilisation s'explique en partie par le fait que les provinces canadiennes n'ont pas encore endossé l'entente accessoire sur l'emploi, et qu'elles doivent le faire avant que le Canada puisse réellement invoquer les dispositions contenues dans l'entente pour protester contre le non-respect des normes nationales dans les deux autres pays, c'est-à-dire aux États-Unis et au Mexique. Une fois que les provinces auront donné leur aval à ce mécanisme, il sera sans doute intéressant d'observer comment nous pourrons l'utiliser pour promouvoir le respect des droits de la personne et des normes de travail, surtout au Mexique.
Naturellement, l'entente accessoire sur le travail a déjà incité les trois pays à s'engager dans des activités de coopération technique afin de promouvoir de meilleures pratiques dans des secteurs comme l'industrie de la construction notamment. À mon avis, nous pourrions utiliser ce mécanisme de manière beaucoup plus concertée et en vérifier l'efficacité réelle dans le cas du Mexique, ce qui nous permettrait d'émettre des hypothèses sur son efficacité éventuelle dans les autres pays susceptibles de se joindre à l'ALÉNA, comme le Chili, et d'établir si un tel modèle pourrait être étendu au reste du monde par l'entremise de l'Organisation mondiale du commerce.
Moira a déjà souligné la contribution de l'Organisation internationale du Travail en ce domaine. Je crois qu'il est important de continuer d'appuyer les efforts de l'Organisation internationale du Travail, qui risque fort en ce moment de perdre le soutien financier d'un donateur important, à savoir celui des États-Unis. De nombreux aspects du travail de l'OIT demeurent sous-exploités. Par exemple, son mécanisme de requête, qui permet d'examiner les violations des normes de travail dans les pays membres, pourrait être beaucoup plus utilisé. Je pense qu'il est très important, en ce moment, de maintenir notre appui à l'OIT.
La question de la suspension des préférences tarifaires, en vertu du régime général des tarifs préférentiels appliqué par le Canada, a déjà été abordée. En fait, si le Canada devait agir en ce domaine, si nous décidions de proposer des normes de travail et de lier les tarifs préférentiels offerts à certains pays au respect de ces normes, il s'agirait là d'un geste largement symbolique. Et ce geste n'aurait pas vraiment beaucoup d'impact. Par contre, il nous fournirait l'occasion d'engager la discussion sur ce sujet avant de nous lancer dans d'importantes sanctions commerciales et il pourrait s'avérer un mécanisme intéressant pour vérifier certaines des idées que nous pourrions promouvoir avec d'autres pays.
L'une de mes préoccupations au sujet de la possibilité de lier les sanctions commerciales aux tarifs préférentiels ou, de manière plus générale, à l'OMC, est naturellement le fait que ces sanctions tendraient à être dirigées principalement vers les pays dont l'économie repose sur le commerce. Bon nombre de ces pays comptent parmi les plus pauvres. L'autre problème avec les sanctions commerciales, c'est qu'elles visent habituellement, par définition, le secteur des exportations plutôt que les secteurs artisanal et rural où est employée la majeure partie de la main-d'oeuvre dans les pays en développement, surtout dans les pays à faible revenu. Selon la Banque mondiale, environ 80 p. 100 des travailleurs des pays à faible revenu oeuvrent dans ces secteurs où ils occupent des emplois non rémunérés. Si nous voulons améliorer les conditions de travail des pauvres, je me demande vraiment quelle est la meilleure manière de le faire. Il m'apparaît évident que les sanctions commerciales ne suffiront pas.
Je pense qu'il pourrait être intéressant de nous interroger sur les règles qui régissent les investissements internationaux. Dans le contexte de l'Organisation mondiale du commerce, on parle davantage de la possibilité d'élargir ces règles. Il est surtout question des moyens que nous pourrions prendre pour assouplir les régimes d'investissements à l'étranger par l'intermédiaire de l'OMC. Mais je pense que si nous ouvrons des possibilités à l'ensemble des investisseurs, nous devons, du même souffle, parler de responsabilités nouvelles. Dans un tel contexte, nous pourrions discuter de la mesure dans laquelle ceux qui investissent à l'étranger respectent les normes de travail, et soulever également des questions telles que les pratiques commerciales restrictives. Autrement dit, j'estime que nous ne devons pas seulement songer à donner des droits accrus à ceux qui investissent à l'étranger, mais aussi de plus grandes responsabilités.
Ce genre de discussion a déjà eu lieu lorsqu'il a été question des codes de conduite des Nations Unies. Pour l'instant, les Comités des négociations commerciales ont suspendu les négociations sur le code de conduite des Nations Unies pour les investisseurs étrangers. Cette question est surtout débattue à l'OCDE ou, maintenant, à l'OMC. Mais je pense qu'il est important d'essayer d'apporter à ces autres tribunes l'expérience acquise avec les discussions sur les codes de conduite des Nations Unies.
J'aimerais également évoquer certaines discussions qui ont eu lieu dans le cadre d'un atelier organisé par l'Institut plus tôt cette année. L'objectif de cet atelier était fort intéressant. Il s'agissait de passer en revue les différents mécanismes qui existent pour promouvoir les droits de la personne par le biais du commerce. En plus de parler des codes de conduite, nous avons justement discuté de sujets qui ont été abordés aujourd'hui, c'est-à-dire l'étiquette sociale, le recours à l'OIT, à l'ALÉNA et à l'OMC.
Je suppose que le but de l'atelier était en fait de montrer aux Canadiens et aux Canadiennes, et tout particulièrement au gouvernement, que nous avons un éventail complet de stratégies à notre disposition. Pour le moment, nous ne voulons peut-être pas recourir nécessairement aux sanctions commerciales, mais il existe sûrement bien d'autres façons de nous assurer que les échanges commerciaux favorisent l'amélioration des conditions de travail, surtout dans les pays en développement.
Les codes de conduite ont été largement utilisés pour l'Afrique du Sud, mais aujourd'hui, comme quelqu'un l'a mentionné, ces codes suscitent un regain d'intérêt. Entre autres parce que le milieu des affaires est conscient des avantages commerciaux qu'il peut en retirer. L'astuce consiste peut-être à tirer parti de ce qu'il est convenu d'appeler «le marché éthique», comme cela s'est déjà fait, par exemple, pour le marché écologique. Mais je pense aussi que certaines entreprises ont des valeurs qu'elles tentent d'articuler dans leur milieu. Autrement dit, ces entreprises sont convaincues que le fait de mieux traiter leurs travailleurs peut avoir des effets favorables sur la productivité. En d'autres termes, je crois que les codes de déontologie peuvent, dans l'équation commerciale, influencer à la fois l'offre et la demande.
Au Canada, le monde des affaires semble prendre les codes de conduite beaucoup plus au sérieux. Cette nouvelle attitude est peut-être en partie le résultat des pressions exercées par le groupe de travail, comme l'a mentionné Moira.
Je crois qu'il est également important de parler d'une conférence que le CCCE, le Conseil canadien des chefs d'entreprises, compte organiser, au début de 1996, en collaboration avec le Centre international des droits de la personne et du développement démocratique. Je suis certaine que M. Broadbent vous en parlera plus longuement lorsqu'il se présentera devant vous. Mais je pense que l'objectif de cet atelier est d'explorer ce que les entreprises pourraient faire de plus dans ce domaine, individuellement ou collectivement. Ce genre de collaboration pourrait peut-être mener à la création de que l'on pourrait appeler une «Table ronde nationale sur l'éthique et l'économie» qui réunirait des représentants du monde des affaires, du gouvernement et du secteur social; les membres de cette table ronde auraient pour mandat de prodiguer des conseils sur la conduite des entreprises, d'insuffler aux sociétés un sentiment de responsabilité qui déborderait du cadre des salles du conseil ou des réunions d'actionnaires pour rejoindre le grand public.
Je présume qu'une question importante pour le gouvernement et pour vous est de déterminer jusqu'où peut aller l'autosurveillance volontaire et quelles mesures doivent être prises lorsque le comportement de certaines sociétés semble déroger à leurs propres lignes directrices ou aux lignes directrices collectivement établies. Il est également important de s'interroger sur la nature même des codes de conduite - doit-il s'agir de codes applicables universellement, de codes plutôt génériques, plutôt généraux, ou de codes adaptés à la situation propre à chaque pays...? C'est le genre de questions qui méritent d'être approfondies.
Je vais m'arrêter ici. J'ai exposé d'autres idées dans le document que j'ai fait parvenir à l'avance au comité. Il me fera plaisir de répondre à vos questions et à vos commentaires.
La présidente: Merci.
Monsieur Morrison.
M. Morrison (Swift Current - Maple Creek - Assiniboia): J'aimerais vous présenter des excuses au nom de mes collègues. Vous n'auriez pas pu choisir un plus mauvais jour pour présenter vos témoignages. Ce sont des choses qui arrivent. Je suis désolé.
Vos recommandations sont tellement étoffées qu'il ne reste plus vraiment beaucoup de place pour des questions. Je m'en tiendrai donc à quelques commentaires.
Prenons le cas de la Thaïlande où les relations de travail sont pourries; personne ne peut en douter. Il n'y a pas si longtemps de cela, nous n'aurions pas été en position, en Amérique du Nord, de lui lancer des pierres. Pensons aux usines de vêtements de la région de New York. Aux usines de vêtements de la région de Montréal. En fait, je crois qu'il y a eu à New York, au tournant du siècle, un incendie semblable à celui que vous nous avez décrit. Et pourtant, aujourd'hui, notre continent connaît les normes de travail et le niveau de vie les plus élevés que le monde ait jamais connu. C'est le résultat de l'évolution. Il est vrai que l'évolution n'apporte peut-être pas beaucoup de confort à la personne qui travaille dans un atelier de misère, mais la loi d'airain de l'économie veut peut-être que les choses se passent ainsi.
Je ne crois pas que le protectionnisme soit la solution. J'ai trouvé pénible l'interdiction dont ont été frappés les produits de l'exploitation des travailleurs. Une telle mesure nous donne peut-être bonne conscience, mais si vous habitez dans un pays qui n'a ni les moyens ni la volonté de mettre en place un filet de sécurité sociale de quelque nature que ce soit, peut-être n'allez-vous pas dédaigner un emploi minable plutôt que de ne pas travailler du tout. J'ai bien du mal à accepter les sanctions, les barrières tarifaires et autres mesures de cet ordre.
Vous souhaitez peut-être réagir à mon commentaire. Peut-être pouvons-nous au moins avoir quelques échanges à ce sujet. Je souhaite tout de même pousser la réflexion un peu plus loin, puisque, aujourd'hui, je suis le comité.
Aimeriez-vous dire quelque chose là-dessus, monsieur Puritt?
M. Puritt: Oui. Tout d'abord, je ne crois pas que ce que nous favorisons est le protectionnisme; bien au contraire. Je pense avoir déjà dit que lorsque les sociétés multinationales s'intéressent aux pays où existe une main-d'oeuvre à bon marché, elles protègent leurs profits et elles se protègent de l'obligation de respecter les droits de la personne, et ce sont justement des questions dont vous devez discuter. Nous disons que ces sociétés sont protectionnistes.
Nous ne disons pas qu'il faut boycotter les produits provenant de ces pays. Nous devons aider ces pays, par l'intermédiaire de l'OIT et par d'autres mesures déjà mentionnées, à atteindre les conditions minimales que nous souhaitons tous. Ce que nous proposons, ce n'est pas de nous précipiter pour boycotter leurs produits, c'est plutôt de nous dépêcher de leur dire qu'ils doivent atteindre ces conditions minimales et que nous les aiderons à y parvenir. Nous suggérons que l'OMC et l'OIT forment un comité qui aiderait ces pays dans leurs efforts.
Et s'ils n'y parviennent pas, pour quelque raison que ce soit, nous réexaminerons la situation à la fin de l'année et nous leur demanderons la raison de cet échec. Quels problèmes ont-ils? Nous pourrons ensuite les aider à les régler. Mais si les améliorations tardent à venir après cela, nous songerons effectivement à mettre en place des mécanismes pour bloquer l'achat de leurs produits.
Par exemple, la Chine compte 10 millions de personnes en prison, les logai comme elles sont nommées là-bas. Nous achetons des produits fabriqués par ces 10 millions de détenus, et cela est dénoncé par l'OIT et par tous les organismes internationaux. Vous connaissez l'histoire de Harry Wu qui a été expulsé de Chine pour avoir révélé ce fait. Je ne crois pas qu'aucun d'entre nous oserait dire que nous devons continuer d'acheter les produits fabriqués par les détenus ou par des enfants parce que c'est ainsi que l'économie fonctionne.
J'aime bien votre exemple de l'incendie à New York. Oui, les conditions de travail étaient horribles là-bas. Ce n'est pas simplement l'évolution qui est en jeu. Dans une large mesure, c'est le développement du syndicalisme qui a mis fin à ce genre de situation. Les syndicats ont réclamé de meilleures conditions de travail et des normes décentes d'hygiène et de sécurité, et c'est ainsi que ces problèmes ont pu être éliminés. Ici, en Amérique du Nord, nous sommes devenus le peuple le plus productif au monde grâce à ces interventions.
Si la productivité est nécessaire pour soutenir la concurrence économique, il faut que nos normes plus élevées soient en vigueur partout dans le monde. Nous sommes productifs à cause des normes. Ils ne sont pas plus productifs parce qu'ils disposent d'une main-d'oeuvre à bon marché. En fait, ils ne sont même pas très productifs. Leur avantage sur le plan de la concurrence repose sur une odieuse exploitation de la main-d'oeuvre à bon marché.
M. Morrison: Mais l'évolution économique dont je parlais a été beaucoup plus rapide à Taïwan, à Hong Kong et à Singapour qu'elle ne l'a jamais été en Amérique du Nord, et pourtant, si j'ai bien compris, dans ces pays, le mouvement syndical est faible et parfois même inexistant. Est-ce que je me trompe?
M. Puritt: Un peu. Nous avons eu une discussion avec Helmut Kohl à l'un des sommets du G7. Chaque fois que le G7 se réunit, les dirigeants syndicaux du monde entier demandent une entrevue au dirigeant du pays hôte, et c'est pourquoi j'ai mentionné plus tôt que nous avions rencontré Jean Chrétien cette année à l'occasion de la rencontre du G7. Lorsque nous avons parlé à Helmut Kohl, il a reconnu que ce n'était pas le libre-échange qui avait contribué à l'essor de l'Allemagne ou du Japon après la Deuxième Guerre mondiale; c'était plutôt l'intervention du gouvernement.
C'est la même chose pour tous les tigres asiatiques. Vous n'en avez nommé que quelques-uns. Tous ces pays ont vu leur économie se développer au cours des dix ou quinze dernières années parce les gouvernements sont intervenus énergiquement dans le fonctionnement du monde des affaires. Ils ont entre autres contrôlé les syndicats, et c'est une mesure que nous n'approuvons pas. Les gouvernements ont imposé toutes sortes de mécanismes de contrôle sur le remplacement des importations et sur différents aspects de l'économie. Manfred Bienefeld, un professeur de l'Université Carleton, a fait paraître plusieurs articles qui expliquent tout cela très clairement.
Alors, les libres-échangistes, qui se promènent dans le monde en disant que la seule manière d'assurer le développement est de permettre le libre-échange, sont loin de la réalité. La réalité des tigres asiatiques est exactement à l'opposé. Ce n'est pas le libre-échange. La reconstruction de l'Allemagne et du Japon après la guerre n'a rien à voir non plus avec le libre-échange.
Mme Weston: Je voudrais faire deux remarques.
Premièrement, je ne crois que nous devrions être contents des conditions de travail qui existent dans l'industrie du vêtement en Amérique du Nord. Je pense à deux choses. La première, c'est le travail à domicile au Canada qui constitue un grave problème pour les immigrantes à cause des conditions dans lesquelles elles doivent travailler pour soutenir la concurrence. C'est un premier problème.
De plus, on a récemment découvert en Californie que de nombreux travailleurs thaïlandais travaillaient dans une usine dans des conditions horribles.
M. Morrison: Ils n'ont fait que transposer une petite partie de la Thaïlande en Amérique du Nord.
Mme Weston: C'est vrai.
En fin de compte, on peut se demander si cela vaut la peine de conserver une partie de l'industrie du vêtement en Amérique du Nord si elle doit fonctionner dans ce genre de conditions.
Deuxièmement, d'un point de vue économique, je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'enfermer les gens, comme on l'a fait dans une usine de jouets thaïlandaise, pour qu'ils soient productifs. Une certaine éducation pourrait être faite. Je ne crois pas que toutes les usines fonctionnent de cette manière. Le problème, c'est qu'il y en a qui utilisent ce genre de procédé. Alors, ce que nous devons faire, c'est d'encourager de meilleures pratiques. Je ne pense que ce soit une condition de production nécessaire en Thaïlande.
Je suis certaine que Paul sera d'accord avec moi.
M. Puritt: Tout à fait.
Votre remarque au sujet de l'industrie du vêtement est importante du point de vue du travail des enfants. Au Canada, nous n'avons pas ratifié la convention de l'OIT sur le travail des enfants en partie parce que nous prétendons que ce problème ne se pose pas chez nous. Nous n'avons plus de main-d'oeuvre enfantine, mais le travail à domicile, dans l'industrie du vêtement signifie maintenant que des sous-traitants confient du travail à des salariés travaillant à la pièce qui sont habituellement des immigrantes, et que les immigrantes ont recours à leurs propres enfants pour les aider dans leur travail. Ces enfants ne fréquentent pas l'école. Ils font ce travail pour faire vivre leur famille. Alors, un nouveau problème de main-d'oeuvre enfantine est en train de voir le jour au Canada.
La présidente: Madame Hutchinson, avez-vous quelque chose à ajouter?
Mme Hutchinson: Non.
M. Morrison: J'aimerais faire un bref commentaire, et après, j'ai bien peur que nous devions mettre notre présidente à contribution aujourd'hui.
La présidente: Je ne demande pas mieux.
M. Morrison: Bien.
J'ai de gros doutes au sujet de la campagne en faveur de l'apposition d'étiquettes sur les tapis - pas à cause de l'objectif poursuivi, mais parce que les pays sous-développés dans lesquels cette campagne pourrait avoir un sens possèdent aussi des technologies de pointe. Ces pays sont capables de produire de faux billets de 100 dollars américains qu'il est impossible de différencier des vrais. Ils peuvent reproduire les passeports de n'importe quel pays au monde. Je ne pense pas que ce soit au-dessus de leurs moyens de fabriquer un petit visage qui rit et de le coller sur un tapis.
J'ai passé une très grande partie de ma vie dans le tiers monde, et en voyant cela, je pense: «Voyons donc!». Ce n'est pas là une mesure sérieuse, à mon avis. C'est, encore une fois, un exercice pour se donner bonne conscience.
Si vous voulez vraiment opter pour les sanctions, il faut carrément couper l'herbe sous les pieds de ces gens et refuser d'acheter leurs produits.
Comme vous l'avez probablement deviné d'après mes commentaires antérieurs, j'ai également des doutes à ce sujet, parce que, il faut le dire, mieux vaut peu que pas du tout.
M. Puritt: Je suis d'accord.
Mme Hutchinson: Je suis en partie d'accord avec vous; le problème que cause la surveillance d'une campagne comme celle des étiquettes sur les tapis est réel, mais nous avons déjà trouvé les moyens de faire respecter d'autres types d'ententes dans le monde - nos mécanismes de contrôle n'étaient pas toujours suffisants, mais ils permettaient quand même d'obtenir certains résultats.
Je suppose aussi que je suis assez naïve pour imaginer que certains fabricants de tapis sont sincères dans leur participation au programme, et qu'il en va de même pour les exportateurs et les importateurs. Il demeure qu'un mécanisme a été mis en place afin d'essayer de créer une situation où les deux parties gagnent; les commerçants pourront vendre leurs tapis aux gens qui se préoccupent des enfants travaillant dans d'horribles conditions s'ils acceptent d'améliorer ces conditions, de bien traiter les enfants et de ne pas laisser les familles se débrouiller toutes seules. Nous avons là les ingrédients, non pas d'un plan à toute épreuve, mais d'un plan satisfaisant.
Cela dit, son application est très restreinte. Ce plan ne peut être utilisé pour résoudre les graves problèmes du travail des enfants dans les coins du monde où nous n'avons aucune prise commerciale. Il y a des enfants qui travaillent dans des conditions terribles, mais nous n'achetons pas leurs produits et, par conséquent, nous ne pouvons utiliser l'argument commercial pour mettre en oeuvre des plans comme celui-ci.
Je ne prétends qu'il s'agit là d'un exemple parfait de la manière de résoudre les problèmes du travail des enfants dans le monde; je pense plutôt que nous devons examiner de plus près les moyens de lier notre aide financière aux critères du commerce et des droits des travailleurs, et que ces trois éléments sont justement présents dans la situation décrite.
M. Morrison: Vous touchez là un point important. Je pense qu'il est de notre devoir à tous, à nous tous, de chaque côté de la table, de réfléchir sérieusement à tout cela. Dans les pays sous-développés, ce n'est pas dans les usines des méchants capitalistes que l'on retrouve les pires conditions de travail et l'exploitation la plus honteuse. C'est plutôt dans les campagnes où l'on voit des enfants de huit ans ramper dans les mines des petits artisans ou aller pieds nus dans la jungle, au milieu des serpents et des scorpions, pour trouver de la nourriture et d'autres exemples de ce genre.
Encore là, vous devez essayer de vous mettre à la place des gens de ces pays. Ce qui nous semble absolument mauvais et inacceptable constitue déjà une amélioration pour eux, sinon ils ne le feraient même pas.
Mme Hutchinson: Je suppose que c'est comme ça. On a recours au travail des enfants dans des situations dont nous sommes à peine conscients. J'ai un sens pratique suffisamment développé pour savoir qu'il vaut mieux essayer d'obtenir des résultats là où cela est possible, tout en sachant que ce n'est pas suffisant et que les mesures prises ne permettent pas de résoudre tous les problèmes.
M. Puritt: Les étiquettes sur les tapis et les campagnes de boycottage de consommation en général ont au moins un avantage: leur valeur formatrice. Comme vous dites, ces campagnes ne permettent pas nécessairement de mettre fin aux pratiques inacceptables et, pour reprendre votre exemple, je suis d'accord pour dire que, à un moment donné, il faut couper l'herbe sous les pieds de ces gens.
Par exemple, dans le cas de la campagne sur les jouets, nous commençons par demander aux fabricants de jouets eux-mêmes de se doter d'un code de conduite. Certains d'entre eux commencent à en parler maintenant, surtout parce que c'est le temps de Noël et qu'ils sont un peu inquiets. Ils nous disent: «Nous avons des codes de conduite.» Ils nous montrent leurs codes. Nous leur disons que ces codes ne sont pas assez rigoureux. Un jour, nous devrons en venir peut-être à leur dire: «Certains d'entre vous ont des codes de conduite acceptables, mais d'autres pas, et nous allons demander aux consommateurs de boycotter certains de vos jouets.»
Mais encore là, nous ne voulons pas refuser des jouets à nos enfants; alors, ce n'est pas non plus la bonne méthode. En fin de compte, ce qu'il nous faut, ce sont des règles multilatérales musclées.
La présidente: Merci.
Madame Weston, j'ai une ou deux questions sur le contenu de votre exposé. Vous parlez de la Société pour l'expansion des exportations et du Compte du Canada. En ce qui concerne la manière dont le Compte du Canada est administré, avez-vous l'impression qu'il existe une certaine coordination avec la politique d'aide du Canada? Que votre réponse soit oui ou soit non, le mélange des sommes provenant du Compte du Canada et de la politique d'aide est-il le fruit du hasard ou est-il intentionnel? Savez-vous s'il y a un rapport voulu entre les deux?
Mme Weston: Je ne suis pas suffisamment renseignée à ce sujet pour vous donner une réponse satisfaisante, mais je soupçonne un manque de coordination entre la SEE et l'ACDI. Je serais très surprise si la SEE décidait de l'attribution de ses fonds en tenant compte de cinq ou six objectifs fondamentaux de l'ACDI.
C'est un domaine dans lequel je souhaiterais que des recherches soient entreprises. Apparemment, Moira a tenté d'en savoir davantage sur les pays où était affecté l'argent de la SEE et sur les types de projets, pour essayer d'établir s'il y avait ou non un rapport entre la nature des projets financés - ou en quelque sorte, le genre de produits canadiens achetés - et les objectifs de l'ACDI. Mais il est très difficile d'obtenir ce type de renseignements.
La présidente: Moira, si jamais vous parvenez à obtenir ces renseignements, faites-nous part de votre secret, parce que nous ne pouvons rien obtenir non plus.
Mme Hutchinson: Je peux vous envoyer la partie de l'exposé que nous avons présenté pour l'examen de la politique étrangère. Elle contient tout ce que j'ai pu obtenir. Comme vous le savez, la Société pour l'expansion des exportations est une société d'État et elle échappe à la loi qui concerne l'accès à l'information.
Lorsque je travaillais avec le Task Force on the Churches and Corporate Responsibility il y a dix ou douze ans de cela, la SEE publiait deux rapports annuels. Elle présentait dans l'un tout ce qu'elle faisait dans chaque pays en fait de projets. Nous avons commencé à lui poser des questions sur certaines choses qu'elle faisait. Vers le milieu des années 80, du moins je le crois - je me trompe peut-être - elle a cessé de publier ces renseignements. Pendant un an ou deux, elle nous les a donnés si nous les lui demandions par écrit et si nous insistions. Puis elle a cessé de le faire. Il y a donc vraiment un problème d'accès à l'information.
Je me suis procuré une étude qui avait été faite au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et j'y ai trouvé certains renseignements. J'ai découvert, en consultant aussi les rapports annuels de l'ACDI et d'autres sources d'information, que la partie du budget de la SEE considérée comme de l'aide officielle au développement et dont on se serait attendu à ce que certains critères comme ceux de l'ACDI aient été suivis... cet argent donc allait à des pays qui avaient de sérieux problèmes quant au respect des droits de la personne. Je ne devrais pas dire «l'argent», mais les formes d'assistance.
La présidente: Mais le compte du Canada et la SEE sont deux choses distinctes. Le compte du Canada n'est-il pas de nature publique?
Mme Hutchinson: La partie «compte du Canada» du budget de la SEE correspond à l'aide décidée par le gouvernement, souvent pour des raisons qui ne sont peut-être pas valables sur le plan commercial; il veut fournir une aide.
La présidente: Cela demeure donc des prêts de la SEE.
Mme Hutchinson: Toujours de la Société pour l'expansion des exportations.
La présidente: Je vois.
Mme Hutchinson: Une partie de l'argent ne serait pas nécessairement tenue...
La présidente: Cela serait donc également confidentiel.
Mme Hutchinson: ...pour de l'aide officielle au développement. Ce sont des considérations purement politiques plutôt que strictement commerciales.
Je voudrais également dire au sujet de la Société pour l'expansion des exportations que la seule occasion dont je me souvienne où les critères se rapportant aux droits de la personne ont été appliqués à ses activités, c'est au tout début de la campagne de sanctions contre l'Afrique du Sud. Dans un premier temps, le gouvernement libéral a consenti à ne plus faire de commerce avec l'Afrique du Sud et à ne plus investir dans ce pays à même le compte du Canada. Voilà pour l'aspect politique. Dans un deuxième temps, le gouvernement conservateur a décidé notamment, lorsqu'il a pris une série de sanctions en 1986, je crois, d'interdire à la SEE de fournir quelque crédit que ce soit à l'Afrique du Sud. Il existe donc un précédent, mais c'est le seul qui me vienne à l'esprit.
La présidente: C'est à peu près tout ce que nous avons pour nous éclairer sur le sujet, n'est-ce pas? Je me demande simplement si nous avons fait le tour de tout...
Mme Hutchinson: Je vous enverrai ce que je pourrai.
La présidente: Il y a un autre point que j'aimerais aborder. Vous avez présenté des suggestions, mais je me demande ce que vous désirez le plus que le gouvernement fasse parmi tous les souhaits que vous avez formulés. Combien de mesures que vous souhaitez ont été essayées dans d'autres pays? Avez-vous une idée du degré de leur réussite?
M. Puritt: Je pense que les Scandinaves sont les meilleurs dans ce domaine. Ils sont souvent des exemples pour nous. Le renforcement de leur éthique d'investissement ou du lien entre commerce et aide se rapproche de la ligne de conduite que nous favoriserions. Je sais que Moira peut citer des exemples de tentatives faites récemment par les Norvégiens, et par les Néerlandais aussi. Donc, si vous voulez savoir ce qu'ont fait d'autres pays dans ce domaine et qui l'ont fait plus efficacement que le Canada, je recommanderais de regarder la Norvège, la Suède et les Pays-Bas principalement. L'Australie a peut-être aussi d'autres bons exemples aussi à nous proposer.
En ce qui concerne les souhaits que nous avons formulés, nous savons bien que le Canada occupe une petite place sur la scène internationale. Nous aimerions le voir travailler plus efficacement dans les forums multilatéraux, où son efficacité est la plus grande. Nous participons pratiquement à tous ceux qui ont lieu. Mais ce que nous souhaitons, c'est que le Canada ait de la crédibilité dans ces forums multilatéraux, et qu'il ne fasse pas seulement se vanter - par exemple, les gens du ministère des Affaires extérieures aiment dire que le Canada a vaincu l'apartheid grâce à son extraordinaire politique de sanctions; c'est absurde bien sûr, et le monde entier le sait, sauf les Canadiens. Il faut aussi que le pays ait une politique bilatérale crédible.
Si nous continuons de traiter avec le SLORC en Birmanie, par exemple, nous ne pouvons nous attendre à ce que l'on nous prenne au sérieux quand nous parlons de droits de la personne en Asie. Le SLORC est le nom du régime militaire en place en Birmanie, où Petro-Canada a des installations.
La présidente: Je ne crois pas. J'ai peut-être tort, mais j'avais l'impression, ou que pensais, que nous ne participions pas à cela.
Une voix: Je ne pense pas que nous encourageons les compagnies à y aller, mais nous ne faisons rien non plus pour les en empêcher.
M. Puritt: Le Canada entretient avec la Birmanie des relations qui reposent sur «l'engagement constructif». C'est l'expression que Ronald Reagan employait pour désigner sa politique avec l'Afrique du Sud. Si vous vous souvenez, Reagan n'était en faveur des sanctions. Il disait qu'il fallait avoir un «engagement constructif» avec l'Afrique du Sud. C'est exactement ce que prône l'Association canadienne des exportateurs dans son mémoire.
Elle n'est pas là aujourd'hui pour en discuter, mais son idéologie - loin de la réalité - est exactement celle de Reagan, c'est-à-dire que le Canada doit avoir une politique d'engagement constructif. C'est bien cette politique que le Canada suit avec la Birmanie.
Comment peut-on avoir un engagement constructif avec le SLORC? Je n'en sais rien.
Mme Hutchinson: Dans le domaine de l'aide au développement, j'ai vu quelque chose au sujet de certains projets pilotes que l'Organisation internationale du Travail, l'agence norvégienne d'aide au développement, je crois, et peut-être aussi l'agence danoise - il faudrait que je vérifie; j'essaie d'en apprendre plus à ce sujet - mènent ensemble pour évaluer les projets d'aide au développement. Elles utilisent pour cela l'expertise que l'Organisation internationale du Travail peut fournir. Cela permet à un pays qui agit unilatéralement sur le plan de l'aide au développement de s'inspirer d'une sorte de consensus multilatéral au sujet du pays en développement qui est son partenaire pour savoir quels sont exactement les problèmes au chapitre des droits de la personne dans ce pays, ce qu'il s'y passe de grave et ce qu'il faut régler.
Un pays qui a adopté une position unilatérale au chapitre du programme d'aide est ainsi un peu moins susceptible de se faire reprocher d'agir pour des motifs politiques et non dans l'intérêt réel des gens, de la situation des droits de la personne et du peuple de l'autre pays. Voilà pour cet exemple-là.
Les États-Unis constituent un autre exemple. Ce pays est bien connu pour la façon dont il applique unilatéralement les critères relatifs aux droits de la main-d'oeuvre à ses échanges commerciaux dans le cadre du Système généralisé de préférences. Or, en 1994, ou en 1993 peut-être, il a adopté une nouvelle loi pour appliquer à son programme d'aide les critères relatifs aux droits de la main-d'oeuvre. C'est un exposé incroyable présenté pendant la campagne électorale de Bill Clinton qui a suscité la décision à l'origine de cette loi.
L'exposé montrait comment l'argent des contribuables américains était utilisé, par le biais du programme d'aide, pour inciter des compagnies américaines à investir en Amérique latine et dans les Caraïbes, dans les zones franches de transformation pour l'exportation. On faisait valoir le fait qu'il n'existait pas de droits de la main-d'oeuvre ni de syndicats dans ces régions. Cela a déclenché toute une tempête de protestations. Depuis, l'aide fournie par les États-Unis est soumise à une loi qui exige que les projets et les programmes d'assistance soient passés au crible afin de déterminer s'ils respectent les critères essentiels relatifs aux droits de la main-d'oeuvre.
Je ne sais pas comment les Américains font cela ni s'ils le font bien. J'aimerais beaucoup en savoir davantage là-dessus. Il serait très intéressant pour un comité comme le vôtre d'avoir un administrateur haut placé du programme d'aide américain qui viendrait expliquer comment on procède aux États-Unis. Il serait intéressant aussi d'avoir quelqu'un d'un des syndicats ou d'un autre organisme qui viendrait dire si le travail est fait efficacement ou non. Ce qui se passe aux États-Unis constitue un précédent et je pense que nous devrions à tout le moins en apprendre davantage à ce sujet.
La présidente: Une des choses que nous voudrions vraiment être capables d'accomplir avec notre comité... Si nous sommes assis ici, c'est manifestement parce que la question des droits de la personne nous intéresse. Sinon, nous ne ferions pas partie du comité. Vous prêchez à des convertis.
Il est réaliste de s'attendre à ce que le gouvernement fasse certaines choses. Nous disons que l'économie internationale détermine la politique des gouvernements, et je crois que bon nombre de Nord-Américains croient que c'est comme ça et qu'on ne peut rien y changer. Mais je fais partie de ceux qui croient réellement que le gouvernement, c'est le peuple. Dans le domaine du commerce, nous parlons de Canadiens qui ont le choix d'exercer leur pouvoir comme consommateurs.
Vous avez parlé de Brigitte Bardot. Elle a causé beaucoup de tort à l'industrie canadienne de la fourrure.
Pour ce qui est d'apposer une étiquette sur les produits, M. Morrison a eu raison de faire remarquer qu'il était toujours possible de les copier et que cette mesure pourrait donc être inefficace.
Je me demande si toute la responsabilité incombe au gouvernement. Il faut certes travailler main dans la main, mais pour ce qui est de l'éducation des consommateurs, si Brigitte Bardot a pu détruire l'industrie de la fourrure au Canada, il est sûr que les consommateurs canadiens, les consommateurs nord-américains et les consommateurs européens...
Si nous croyons vraiment à nos principes occidentaux, pourquoi les ONG et le monde ouvrier ne travaillent-ils pas au même genre de campagne? Ne pensez-vous pas qu'il devrait y avoir une sorte de coordination sur ce plan-là? Je ne crois pas qu'une politique gouvernementale, quelle qu'elle soit, mettra fin aux violations des droits de la personne et au travail des enfants.
Mme Hutchinson: Il y a des campagnes en cours en ce moment. Par exemple, une campagne vise The Gap, à Toronto. Elle est dirigée contre la sous-traitance et les conditions dans lesquelles les sous-traitants de cette compagnie travaillent au Honduras. C'est aussi une campagne qui a amené Starbucks, le producteur de café, à accepter de travailler à un code d'usage. Il y a un certain nombre de campagne en cours. Il y en a eu aussi dans le passé, comme le boycottage de Nestlé.
Je crois que les ONG, par exemple, et les églises - je peux en parler d'expérience - ont toujours été très lentes à accepter d'appuyer un appel au boycott ou une sanction. D'abord, elles veulent agir avec beaucoup de prudence et vérifier auprès de leurs partenaires si c'est vraiment le genre d'action qu'ils veulent. Il faut énormément de temps pour suivre tout le méticuleux processus de dialogue et de discussion, beaucoup plus en tout cas que de décider unilatéralement de la meilleure action à entreprendre. Ensuite, le genre de coordination qu'il faut faire pour obtenir de différents groupes qu'ils travaillent ensemble bénévolement exige lui aussi beaucoup de temps. Ce que je veux dire, c'est qu'il faut beaucoup de temps pour organiser une campagne comme celle de Nestlé.
La période qui a précédé l'imposition de sanctions à l'Afrique du Sud a été longue. Là aussi, les églises canadiennes ont refusé de demander des sanctions tant qu'elles n'ont pas entendu leurs homologues sud-africaines dire haut et fort que c'était cela qu'elles voulaient. Une campagne de boycottage décidée en toute connaissance de cause n'est pas quelque chose qui s'organise rapidement à mon avis.
La présidente: Oui, mais ne pourrait-on pas dire la même chose de la politique du gouvernement?
Cela m'amène à l'Association des exportateurs canadiens et à sa position face aux droits de la personne. M. Puritt avait commencé à donner son point de vue là-dessus. Maintenant queMme Weston a donné son avis sur le sujet dont nous discutions, j'aimerais que vous donniez tous les trois votre opinion parce que vous apportez un autre point de vue là-dessus.
Mme Weston: Je voulais simplement soulever deux points au sujet des étiquettes sociales qui visent à encourager le boycottage des consommateurs. Je trouve que la prolifération des étiquettes à laquelle on assiste risque de créer une confusion telle qu'elles ne signifieront plus rien. Je crois que cette situation appelle la création de gouvernements... d'organismes chargés d'établir la signification des étiquettes afin que les consommateurs puissent se fier à ce que disent les fabricants qui apposent les étiquettes.
Que signifie «concurrence loyale»? Qui décide de la définition? À mon avis, la façon dont les églises procèdent, leur démarche prudente, est importante, mais peut-être avons-nous besoin d'un mécanisme international encore mieux organisé, mieux concerté. C'est pour cela que le secrétaire de l'Organisation internationale du Travail a parlé à un moment donné d'avoir quelque chose que l'Organisation serait chargée de surveiller.
La sous-traitance fait surgir toutes sortes de problèmes. Il y a été fait allusion plus tôt, je pense, lorsque vous avez parlé des tapis noués à la main, une industrie très centralisée, et de la façon dont vous surveillez ces choses de près. C'est un problème très difficile.
L'autre point que je voulais amener au sujet du boycottage des consommateurs touche encore au même sujet. Les exemples de l'étiquette «rug mark» et de l'industrie du vêtement du Bangladesh montrent vraiment qu'il importe non seulement de sensibiliser le public, mais aussi de mener une action parallèle, c'est-à-dire, dans les cas cités, de faire intervenir l'Organisation internationale du Travail, l'UNICEF ou quelqu'un pour être sûr que l'on s'occupera des intérêts véritables des enfants qui fabriquent aujourd'hui ces tapis... et qu'on ne se retrouve pas avec des consommateurs satisfaits alors qu'ils rendent en fait la situation beaucoup plus difficile, à court terme du moins, pour les personnes qu'ils essaient réellement d'aider.
Informer le public est donc important, mais il faut aller beaucoup plus loin. Je suppose que c'est pour cela que les campagnes sont aussi difficiles.
Au sujet de l'Association des exportateurs canadiens, ce que j'aimerais qu'elle me dise, je crois, c'est ce qu'elle penserait d'une approche positive - de suivre des codes de conduite - quelle sorte de responsabilité elle serait prête à prendre pour promouvoir les meilleures pratiques de travail et dire à ses membres que lorsqu'ils iront dans des pays étrangers pour préparer la production, ils ne devront pas simplement satisfaire aux normes nationales mais les améliorer. Pourquoi n'iraient-ils pas essayer de relever les normes, de tester vraiment les limites de l'économie, du marché si vous voulez? C'est cela que nous avons besoin qu'elle nous dise, pas les raisons de ne pas instaurer des sanctions économiques à moins d'avoir soigneusement étudié la situation. Cela a déjà été fait.
Ce que nous cherchons maintenant, à mon avis, c'est une façon d'engager les gens dans un processus beaucoup plus créateur et constructif, plutôt que de les entendre ressasser les mêmes vieux arguments.
Voilà en tout cas ce que je dirais à des représentants de l'Association s'ils étaient là.
La présidente: Merci.
Madame Hutchinson.
Mme Hutchinson: Pour ajouter à ce que Ann a dit, si vous suggérez aux exportateurs, par l'entremise de quelque chose comme l'Association des exportateurs canadiens, d'assumer une plus grande responsabilité et de préparer des normes auxquels ils se conformeraient, diraient-ils, je serais encore d'avis que cette nouvelle façon de procéder doit nécessairement s'accompagner d'une loi qui fixerait les règles de surveillance, de présentation de rapport et peut-être même de mise en oeuvre.
À propos des mécanismes de mise en oeuvre dans les domaines qui nous occupent, il serait intéressant de se reporter au code de conduite demandé par le président Clinton. Le président Clinton a donc fait préparer un code de conduite l'an dernier. L'idée d'avoir un code de conduite facultatif est venue quand le gouvernement américain a changé d'idée au sujet du statut de nation la plus favorisée attribué à la Chine. C'était une sorte de compromis pour essayer de satisfaire les syndicats et d'autres intervenants. Les Américains ont rédigé certains principes généraux. Certains sont bons, mais d'autres manquent vraiment de force. Si l'on veut qu'un code de ce genre fonctionne réellement, il faut trouver un moyen pour être sûr que les sociétés qui le signent ne se livrent pas à un simple exercice de relations publiques, mais font vraiment une chose importante.
Un moyen serait d'instaurer une sorte de mécanisme de surveillance indépendant. Il doit être possible en plus d'imposer des pénalités. Les sociétés qui ne respecteront pas le code de conduite pourraient, par exemple, être privées des mesures incitatives au commerce et aux investissements que le gouvernement offre par le biais d'organismes comme la Société pour l'expansion des exportations, ou de toute autre forme de mesures incitatives ou d'aide. Il y a probablement une grande variété de sanctions susceptibles d'être imposées si le code de conduite n'est pas respecté.
Cela existe déjà un peu aux États-Unis, dans les règlements de la Overseas Private Investment Corporation où l'on retrouve, là encore, des critères liés aux droits de la main-d'oeuvre. Ainsi, quand la Overseas Private Investment Corporation passe un contrat avec une société américaine qui compte investir, cette société doit signer un engagement de se conformer à certaines formes de critères liés aux droits des travailleurs. Pour profiter des avantages que lui procureront les devises américaines, elle doit convenir de respecter un code de base donné.
La présidente: Monsieur Puritt.
M. Puritt: Je reviens au bon vieux temps de l'Afrique du Sud. J'ai entendu l'Association des exportateurs canadiens utiliser ce genre de déclaration. Les exportateurs essaient de gagner sur tous les tableaux. Comme je l'ai déjà dit, c'est plus une question d'idéologie que de réalité.
D'abord, l'Association dit que, de toute façon, les sanctions, ça ne marche pas et que ce n'est donc pas la peine d'essayer d'en imposer. C'est vrai; il y aura toujours des gens qui contourneront les sanctions. Les gens d'affaires qui ne se préoccupent pas de violation des droits de la personne semblent capables de trouver des moyens de faire des affaires, que l'on ait ou non essayé d'obtenir des sanctions.
Ensuite, l'Association utilise l'argument crève-coeur habituel: «On ne devrait pas imposer des sanctions parce que c'est le peuple qui souffre en fin de compte.» Si vous vous rappelez, Margaret Thatcher avait prétendu qu'il ne fallait pas imposer des sanctions à l'Afrique du Sud parce que les travailleurs noirs en souffriraient. Tout le monde sait, voyons, que Margaret Thatcher a toujours été une grande amie des travailleurs noirs. Eh bien, ce sont les travailleurs noirs eux-mêmes qui ont demandé l'imposition de sanctions à l'Afrique du Sud. Ils le voulaient parce que c'était la seule façon d'après eux d'avoir prise sur le gouvernement qui pratiquait l'apartheid - et c'est exactement ce qui est arrivé.
Pour ce qui est de la réalité, les gouvernements libéraux des années 70 disaient qu'ils ne pouvaient pas imposer de sanctions; que des sanctions, ce n'était pas réaliste. Pierre Trudeau disait qu'il fallait soit cesser de condamner l'Afrique du Sud, soit mettre fin les relations commerciales avec elle, mais il n'a pas voulu faire l'un ou l'autre. Il a continué de faire les deux.
Ce n'est pas avant 1986 que Brian Mulroney est enfin revenu à la réalité et a imposé des sanctions. Il ne l'a pas tant fait parce qu'il compatissait beaucoup à la situation, mais parce que la situation sur place, en Afrique du Sud, avait changé. Tout est possible si la volonté politique est là. Il faut d'habitude qu'un grand nombre de pays adoptent une position avant que le Canada suive le mouvement.
Alors, le raisonnement voulant que ce ne soit pas possible, que des gens en souffriront, ne colle tout simplement pas à la réalité, et surtout pas à ce que nous avons fait pour l'Afrique du Sud.
Enfin, les exportateurs lancent un appel à la prudence en invoquant les intérêts à long terme du Canada. À mon avis, si le Canada est intéressé à des actions durables à long terme, il me semble que nous devrions nous inquiéter des gens avec qui nous commerçons quand on sait qu'ils sont au pouvoir pour peu de temps.
Lorsque le Canada a refusé de dialoguer avec les mouvements de libération en Afrique australe et les a traités de terroristes, le Congrès du Travail du Canada a fait venir du Zimbabwe, en 1979, des représentants de la ZAPO. Les églises entretenaient le dialogue avec les mouvements de libération zimbabwéens en Afrique du Sud et on leur a reproché d'aider ces mouvements en leur fournissant des secours infirmiers et des balles. Vous rappelez-vous de tout cela? Le Conseil oecuménique des Églises a été blâmé parce qu'il leur parlait.
Aujourd'hui, les membres de la ZAPO forment le gouvernement, mais ils se rappellent qui étaient leurs amis, qui les a aidés à l'époque où on les traitait de terroristes alors qu'en fait, ils étaient des mouvements de libération. La même situation prévaut aujourd'hui en Birmanie ainsi que dans d'autres pays dont vous avez mentionné les noms.
Notre intérêt à long terme ne consiste pas seulement à fournir des réacteurs CANDU à la Chine, qui est prête à braquer ses armes sur ses propres étudiants à la Place Tiananmen, en donnant comme excuse que nous avons besoin du marché chinois pour écouler nos gadgets. En réalité, les travailleurs chinois ne gagnent pas suffisamment d'argent pour acheter des gadgets canadiens, ce qui est à peu près tout ce que nous échangeons avec eux. La moitié des grosses transactions conclues grâce à l'important investissement de l'Équipe Canada avaient trait aux réacteurs nucléaires destinés à la Chine. Quel est notre véritable intérêt à long terme? Il n'est pas ce que ces gens disent.
La présidente: Merci.
Monsieur Morrison, vous avez une autre question.
M. Morrison: Ma question s'adresse à tous nos experts invités. En tant que membres du mouvement syndical, souhaiteriez-vous, s'il ne tenait qu'à vous, que ce comité se penche sur les cas de certains pays en particulier? Par exemple, devrions-nous examiner les cas de l'Indonésie, du Bangladesh et d'autres pays, ou préféreriez-vous que ce comité continue d'examiner des problématiques de portée générale semblables à celles que vous nous avez exposées aujourd'hui? Qu'en pensez-vous? Notre approche doit-elle être spécialisée ou non spécialisée?
Mme Hutchinson: Il existe peut-être un troisième choix. Vous pouvez étudier la situation dans certains pays et vous pouvez examiner des questions générales, mais vous pourriez aussi vous intéresser à certains des mécanismes ou propositions qui reviennent le plus souvent dans les conversations. Les sujets d'étude sont multiples et vont des variantes aux codes de conduite et aux pratiques commerciales honnêtes, aux différentes catégories d'ententes commerciales régionales et multilatérales. Vous pouvez examiner les différents types de mécanismes et en faire une évaluation. C'est une autre option possible.
M. Puritt: J'opterais pour le général plutôt que pour le particulier. Je ne crois pas que les échanges commerciaux du Canada avec ces pays soient assez importants pour changer quoi que ce soit à leur situation. Je verrais plutôt le Canada jouer un rôle directeur, si possible, ou tout au moins se joindre à ceux qui agiront pour obtenir des règles multilatérales rigoureuses. C'est notre meilleure carte. Nos échanges commerciaux, même avec l'Afrique du Sud, ne se chiffrent pas à de gros montants. Il a fallu que nous joignions nos efforts à ceux du Commonwealth pour qu'ils aient un peu plus d'effet, et les échanges commerciaux de tout le Commonwealth n'étaient même pas suffisants.
Mais nous avons un rôle à jouer au sein de l'OMC. Donald Johnston est maintenant président de l'OCDE. Nous avons un Canadien à Paris, et c'est un poste intéressant si on réussit à l'obtenir. Nous pourrions profiter de notre présence à l'OCDE, à l'OIT et au sein de tous ces autres organismes.
La présidente: C'est un point de vue très intéressant, et je crois que nous sommes d'accord pour reconnaître que notre rôle est d'abord et avant tout un rôle directeur. Nous avons beau nous lever, prendre la parole et faire de beaux discours, nous ne pesons vraiment pas très lourd dans la réussite ou l'échec des activités commerciales d'un autre pays.
M. Puritt: Je ne dis pas que nos interventions sont sans importance, mais puisque 80 p. 100 de nos échanges commerciaux se font avec les États-Unis, le reste de notre commerce représente peu de choses. Cependant, notre réputation nous permet de jouer un rôle plus important. Même si certains prétendent que nous ne le méritons pas, il n'en demeure pas moins que nous jouons un rôle de direction dans certaines problématiques ayant trait aux droits de la personne. Ce rôle de direction s'appuie sur notre réputation de gardiens de la paix, mais cette réputation est maintenant ternie. Je pense que notre dossier au chapitre des droits de la personne est entaché à cause de la politique du gouvernement qui consiste à ne plus lier commerce et droits de la personne.
Comme je l'ai déjà dit, le gouvernement actuel semble avoir abandonné ce rôle. Cela ne nous aidera pas à jouer quelque rôle que ce soit, non seulement à la direction, mais aussi à titre de participant, si nous souhaitons joindre nos efforts à ceux qui contribuent à faire progresser le dossier. Si le gouvernement acceptait, grâce à vous, de réexaminer toute cette question et de suivre certains des avis donnés, non seulement par nous mais aussi par toutes les autres personnes qui viennent vous parler de la meilleure attitude à adopter dans les domaines du commerce et des droits de la personne, alors, nous aurions une chance d'assumer, sur la scène internationale, un rôle plus important que celui que pourrait nous valoir le montant de nos échanges commerciaux.
Mme Weston: Je crois que nous avons également une responsabilité dans nos rapports bilatéraux avec tous les pays que nous aidons et avec lesquels nous faisons du commerce. Nous devons évaluer dans quelle mesure nos actions sont cohérentes dans les secteurs de l'aide et du commerce. En d'autres termes, même si nous n'avons pas un grand rôle à jouer, je pense qu'il est inacceptable de ne pas faire à l'échelon bilatéral ce que nous prêchons à l'échelon multilatéral.
Je ne sais si je suis en train de répéter les propos de Paul, mais je crois que nous devons examiner la situation dans chaque pays, cas par cas. Je pense que nous pouvons promouvoir les droits de la personne partout dans le monde. Peut-être que dans certains pays on agit de telle façon plutôt que de telle autre, mais j'ai la conviction que nous devons essayer de faire davantage parce nous pouvons faire davantage.
La présidente: Monsieur Morrison, avez-vous d'autres commentaires ou questions?
M. Morrison: Non.
La présidente: Il est bien dommage que les exportateurs n'aient pas de représentants ici aujourd'hui, mais nous leur enverrons les Procès-verbaux et témoignages de la journée. Nous leur demanderons si cela ne les ennuierait pas de nous transmettre leurs commentaires par écrit. Si nous recevons des réponses, nous vous les ferons parvenir.
M. Puritt: Pourriez-vous leur demander de préciser leur pensée lorsqu'ils disent que le Canada... qu'ils sont d'honnêtes gens d'affaires? Le texte dit:
- Les sanctions économiques réduisent la possibilité de dialogue entre les gouvernements...
- Non, voici:
- ...n'a pu exister sans la complicité de ces autres États. Les exportateurs canadiens, en tant que
citoyens respectueux des lois, en font inévitablement les frais.
La présidente: S'ils lisent la transcription, ils vont sûrement poser des questions.
Y a-t-il d'autres commentaires?
Madame Weston, aviez-vous quelque chose à ajouter?
Un grand merci à tous. Nous vous remercions d'être venus.
La séance est levée.