Passer au contenu
TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 31 mai 1995

.1541

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Nous allons entendre le professeur Ed Tyrchniewicz, Département d'économie rurale, Université de l'Alberta. Je sais qu'il a une connaissance approfondie du secteur du transport.

Professeur Tyrchniewicz, vous pouvez commencer, nous passerons ensuite aux questions.

M. Ed Tyrchniewicz (professeur, Département d'économie rurale, Université de l'Alberta): Merci beaucoup, monsieur le président. Je vous remercie de votre invitation et d'avoir ainsi la possibilité de présenter quelques observations devant votre comité.

Pour vous donner une idée de ce que je fais dans la vie réelle, si cela existe, je suis actuellement doyen du Département d'agriculture, de foresterie et d'économie domestique à l'Université de l'Alberta, poste que j'occupe depuis sept ans. Auparavant, j'étais à l'Université du Manitoba où, pendant les quelque 25 dernières années, j'ai travaillé sur la politique du transport du grain et la politique agricole. J'ai également été directeur de la recherche pour la Commission Hall sur l'abandon des lignes de chemin de fer, au milieu des années soixante-dix. J'ai été directeur de la recherche pour les consultations Gilson en 1982. En 1993-1994, j'avais mon propre spectacle itinérant appelé le «comité des paiements aux producteurs», que je présidais. J'ai donc suivi avec beaucoup d'intérêt l'évolution de toutes ces questions.

Rassurez-vous, je ne vais pas vous donner une leçon d'histoire, mais je voudrais vous parler brièvement de deux choses. Les effets de la diversification après la LTGO, et la question de l'efficience. Je passerai ensuite aux questions dont les membres du comité voudront discuter de manière plus approfondie.

Je commencerai en faisant mienne l'idée conventionnelle qu'un changement de la méthode de paiement favorisera la diversification parce que les signaux du marché seront plus clairs et seront en faveur de la neutralité des ressources. Ce n'est certainement pas parfait, mais c'est probablement l'orientation que prendront les choses.

Permettez-moi cependant d'ajouter tout de suite un point de vue qui n'est pas traditionnel, lui: un changement des politiques relatives au tarif marchandises et l'abrogation de la LTGO, en soi, ne résoudront pas grand-chose. Je crois qu'il faut considérer la question dans la perspective des débouchés qui s'offrent à ces produits, aux services que l'agriculture devrait offrir à la suite d'un changement du barème du tarif marchandises.

Le point que je veux vraiment faire valoir c'est que la modification des tarifs marchandises, de la politique dans ce domaine, aura moins d'effet qu'on le pense sur la diversification.

Il ne faut pas non plus oublier lorsqu'on considère certains de ces changements, et en particulier l'impact sur l'économie des Prairies, que nous n'allons pas renoncer à la production céréalière. Sans doute, sera-t-elle réduite, mais certainement pas de 50 p. 100, et elle risque encore moins de disparaître.

Dans certaines régions, il est d'ailleurs probable que la composition des cultures et des entreprises ne changera guère car, je le rappelle, il faut tenir compte des débouchés commerciaux et aussi du climat et des types de sol qui restreignent souvent beaucoup ces possibilités.

.1545

Je crois que le problème de la diversification, c'est qu'il sera difficile d'identifier les débouchés non traditionnels pour les produits et services de l'agriculture. J'entends par là que nous n'allons pas convertir totalement les Prairies à l'élevage, et avoir un abattoir dans chaque collectivité, ou une usine de trituration du canola dans une sur deux. Je pense plutôt que c'est surtout vers la recherche de marchés à créneaux pour les cultures spéciales qu'il faut s'orienter.

Je crois que c'est ce que nous faisons déjà souvent dans les Prairies dans des domaines tels que les utilisations non alimentaires des grains et des oléagineux, que ce soit pour la fabrication de lubrifiants ou de produits pharmaceutiques, ou d'autres usages industriels; la production d'UJG, l'urine de jument gravide, qui devient une entreprise fort importante dans certaines parties des Prairies, là encore, pour l'industrie pharmaceutique; le développement des boisés de ferme; et l'écotourisme.

Nous avons tendance à considérer que le rôle de l'agriculture est de fournir des produits alimentaires. C'est beaucoup moins simple que cela. À mon avis, l'idée d'offrir des chambres d'hôtes ou des vacances à la ferme, de donner aux gens que cela intéresse l'occasion de découvrir la vie dans un cadre rural, plus pastoral, présente d'extraordinaires possibilités. Peut-être n'y pensons-nous pas suffisamment.

Je crois que ce qu'il va falloir, c'est de l'imagination et un crayon bien taillé, ou plutôt, un bon ordinateur. Voilà une des choses non conventionnelles à faire. De plus en plus de gens ont des ordinateurs. Nous avons l'Internet, on peut «surfer» l'Internet. C'est extraordinaire ce que l'on peut apprendre sur ce qui se passe dans le monde, trouver des idées de choses à faire, par exemple, dans le domaine de l'artisanat.

Il y a peut-être des gens qui diront que je veux revenir à la belle époque où l'on expédiait deux ou trois bidons de crème par semaine à la crèmerie locale. Après tout, c'était déjà de la diversification. Il ne s'agissait certainement pas d'une entreprise majeure. Peut-être ferions-nous bien d'étudier la possibilité d'activités qui n'accapareront pas toutes les ressources de la ferme, mais qui permettront de diversifier les sources de revenu.

Ma dernière remarque au sujet de la diversification est qu'elle dépasse le cadre de la politique de transport. Dans les discussions à ce propos, on met maintenant plus l'accent sur une approche plus écologique à l'égard de l'agriculture. La suppression de la subvention au titre de la LTGO permettra, à mon avis, de cesser d'utiliser pour la production de grain des terres qui n'auraient jamais dû servir à cela au départ, car c'était des terres marginales qui avaient été fractionnées pour répondre à certains signaux du marché et à cause de l'ancien tarif du Nid-de-Corbeau.

Je crois que dans ce domaine, que la LTGO soit modifiée ou non, nous serons de plus en plus obligés de tenir compte de l'écologie et des facteurs de durabilité et en particulier, de la manière dont nous gérons nos terres.

Liée à tout cela, il y a la notion de collectivité durable. Nous nous inquiétons souvent du déclin ou de la disparition des collectivités rurales, et nous avons tendance à considérer que l'agriculture est une panacée. Mais beaucoup d'autres éléments interviennent dans la durabilité de ces collectivités, que ce soit dans les Prairies ou ailleurs. Je crois que cette situation va, elle aussi, favoriser la diversification.

Je voudrais maintenant faire quelques brèves remarques sur les questions d'efficience et sur le système de manutention et de transport du grain. À mon avis, il est absolument indispensable que nous nous efforcions d'améliorer l'efficience de ce système si nous voulons compenser certains des effets négatifs de l'augmentation des tarifs marchandises que provoqueront les changements proposés à la politique. Je crois qu'un certain nombre de remarques s'imposent.

.1550

Premièrement, il est absolument certain que nous allons devoir abandonner d'autres lignes ferroviaires coûteuses et souvent faiblement utilisées dans les Prairies.

Venons-en maintenant à la réglementation des tarifs marchandises. Je suis sûr que certains groupes vous ont dit que ce qu'il nous faut, c'est un système totalement déréglementé; d'autres, au contraire, qu'il faut maintenir la réglementation. À mon avis, c'est à mi-chemin que se trouve la solution. Je crois qu'il faut que nous fassions preuve d'une certaine souplesse, en particulier en ce qui concerne les tarifs d'encouragement, mais cela ne m'empêche pas d'hésiter à dire qu'il faudrait totalement déréglementer les tarifs de transport du grain alors qu'ils étaient auparavant si structurés. Changer quelque chose demande du temps. Je ne pense pas que cela puisse se faire du jour au lendemain.

Dans un domaine apparenté, dans la mesure où les dispositions de rationalisation offrent des avantages, qu'il s'agisse d'abandon de voies ferrées ou de l'utilisation de plus de wagons sauvages, il faut s'assurer que l'agriculteur et les autres expéditeurs en bénéficient vraiment. Laissez donc jouer les forces du marché. Je vais maintenant ajouter quelques mots au sujet de la concurrence.

Une des questions d'efficience ou de rationalisation dont je voulais parler brièvement a trait au transport du grain à destination, et sur le territoire, des États-Unis. Comme vous le savez bien, c'est une question politique très délicate. Il y a actuellement un aréopage de spécialistes qui essaient de régler aussi délicatement que possible un certain nombre de questions concernant le grain et intéressant le Canada et les États-Unis. Un plafond a été fixé aux exportations vers les États-Unis. Dans le contexte politique actuel, il est peu probable que nous puissions multiplier ce maxima de 1,5 million de tonnes par 3, 4 ou 5.

Des débouchés existent cependant aux États-Unis, en particulier sur leur marchés intérieurs. C'est ainsi que le Manitoba, par exemple, cultive des produits agricoles spéciaux à destination des marchés américains. Je ne suis pas totalement convaincu que nous pourrons nous transformer tout à coup en un centre manufacturier de produits d'exportation vers les États-Unis car s'il y a des possibilités de le faire, elles existent déjà et n'ont rien à voir avec les tarifs de transport du grain.

Ce qui compte donc vraiment, c'est de savoir si ces débouchés existent vraiment. Quels sont les éléments compétitifs?

Je voudrais poser une question pour laquelle je n'ai pas de réponse, même si j'ai une petite idée à ce sujet. Nous avons tendance à considérer que le système américain est extrêmement bon et efficient et que nous devrions essayer de l'imiter. Mais l'est-il vraiment?

Je poserai une seule question; elle concerne les temps de rotation des wagons. La rapidité de rotation d'un wagon entre le port et son point de chargement est un élément extrêmement important de l'efficience de la manutention et du transport du grain. On entend des histoires cauchemardesques à ce sujet: certains wagons canadiens semblent disparaître pendant très longtemps après leur arrivée aux États-Unis. Avant de choisir ce modèle, nous ferions donc bien de nous poser quelques questions.

Permettez-moi de conclure à ce sujet en revenant à la question des autres formules concurrentielles. Que nous parlions des réseaux ferroviaires ou de la privatisation du CN, si tout finissait par appartenir à une seule société, nous nous retrouverions dans une situation fort intéressante sur le plan de la concurrence. En fait, il n'y en aurait pratiquement pas.

Un des avantages réels de l'expédition du grain canadien par les ports américains est que cela stimule un peu la concurrence et oblige les compagnies ferroviaires et les ports canadiens à tenir compte des besoins des expéditeurs de grain de notre pays.

.1555

Une dernière remarque, si vous me le permettez, au sujet des perturbations causées par les syndicats. On en parle beaucoup et parfois un peu trop, à mon avis, car le système conserve une certaine souplesse. J'ose espérer que dans un pays aussi avancé que le nôtre nous serons capables de trouver une meilleure façon de résoudre certains de ces conflits, qu'il s'agissent de l'introduction de technologies nouvelles ou des conditions de travail, et que l'on pourra peut-être envisager d'établir une sorte de tribunal industriel, pas seulement pour la manutention et le transport du grain, mais pour toutes sortes d'autres choses.

En conclusion, monsieur le président, je dirais que la terre n'arrêtera pas de tourner avec la disparition de la LTGO, et que ce qui va arriver sera intéressant.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Tyrchniewicz.

Monsieur Bernier, vous avez la parole.

[Français]

M. Bernier (Mégantic - Compton - Stanstead): Bonjour, professeur. D'abord, je voudrais vous remercier pour votre présentation. Ma première question est plutôt d'ordre général.

Si j'ai bien compris la première partie de votre intervention, vous nous dites que, dans le fond, l'abandon des subventions pour le transport du grain ne signifie pas la fin de l'agriculture dans l'Ouest, et j'en suis moi-même profondément convaincu. Vous dites que même la culture des céréales, du grain, va se poursuivre à peu près de la même façon dans certaines régions.

Je voudrais vous demander ce que vous pensez des mesures prises par le gouvernement dans le dernier Budget, les mesures de compensation pour les agriculteurs et les mesures de diversification. Quels effets, selon vous, vont avoir ces mesures sur l'agriculture dans l'Ouest et, par voie de conséquence, sur l'agriculture dans l'Est? Avez-vous une opinion à ce sujet?

[Traduction]

M. Tyrchniewicz: Il est difficile de vous donner une réponse, car il y aura un paiement de compensation unique qui ne sera lié à aucune activité particulière. Les avis sont très partagés sur la manière dont les agriculteurs utiliseront en fait ce paiement. Vont-ils s'en servir pour améliorer leur matériel, pour couvrir partiellement leurs coûts de transport, ou pour l'investir dans un domaine totalement autre que l'agriculture, Dieu seul le sait.

À mon avis, cet argent servira probablement à rembourser une partie de l'emprunt des agriculteurs assez fortement endettés. Après cela, ils tiendront compte de l'augmentation des tarifs du transport du grain, par exemple, et de la baisse des prix à la ferme qui en résulte, avant de prendre des décisions en ce qui concerne leur production.

Dans certaines régions, on peut s'attendre à ce qu'ils se diversifient et se lancent, par exemple, dans l'élevage porcin. En ce qui concerne l'Est du Canada, je ne suis pas totalement convaincu que l'impact sera très fort. Les caractéristiques de la production agricole dépendent en effet de nombreux facteurs qui échappent au contrôle des agriculteurs. Commencer simplement à élever des porcs... on pourrait même prendre un exemple encore moins probable, comme la production laitière, pour laquelle il n'y a simplement aucun débouché.

.1600

Le seul point important sur lequel nous pouvons réfléchir est l'avenir de l'ALÉNA, l'Accord de libre-échange nord-américain, et des relations entre le Canada et les États-Unis pour les produits régis par l'offre. Je crois que cela pourrait fort bien neutraliser l'effet de la compensation accordée pour la suppression des subventions au titre de la LTGO

M. Bernier: Thank you.

Mme Cowling (Dauphin - Swan River): Je regrette de ne pas avoir assisté au début de votre exposé. Vous avez notamment déclaré, professeur, que nous avons tendance à considérer l'agriculture comme un secteur durable. Pourriez-vous préciser? Vous avez dit qu'il y avait d'autres éléments, mais vous les avez évoqués très rapidement. Pourriez-vous me dire ce qu'il adviendra, selon vous, des collectivités rurales dans une dizaines d'années, si elles ne demeurent pas viables?

M. Tyrchniewicz: Je ne pense pas qu'il s'agisse de cela mais du fait que l'agriculture n'est qu'une des sources possibles de durabilité pour une collectivité rurale.

Excusez-moi; je ne sais pas si vous étiez là lorsque j'ai fait ma remarque au sujet de l'écotourisme.

Je connais un peu votre circonscription et je sais qu'on y trouve de merveilleux paysages. Voilà une excellente occasion de développer des activités en dehors de l'agriculture dans le domaine du tourisme et celui des chambres d'hôte, par exemple. Il y a aussi beaucoup de chevaux dans votre circonscription. Voilà encore une autre activité possible, sans compter l'artisanat; tout cela ne sera, bien sûr, pas la fin des fins pour votre collectivité mais lui permettra de s'enrichir un peu grâce à de petites entreprises qui viendront compléter les activités agricoles.

Ce que je crains, c'est que nous pensions que la seule solution consiste à ce que chaque collectivité ait son usine de trituration de canola ou son abattoir, car nous n'avons pas les moyens de nous les offrir. N'oublions pas qu'il s'agit là d'endroits où les gens vivent. Du point de vue politique, nous ne tenons pas du tout à ce que tout le monde quitte Russel ou une autre localité pour aller vivre à Winnipeg en milieu urbain.

Je crois savoir qu'un groupe de Toronto est venu s'installer à Rossburn - c'était des citadins qui avaient vu là l'occasion de faire quelque chose d'intéresssant. Toujours d'après ce que je sais, ils ont apporté quelque chose à cette collectivité. Ils sont heureux. Bien entendu, tout cela est un peu vague, mais il faut à tout prix que nous apprenions à penser à autre chose qu'à la production agricole. C'est ce que j'essaie de vous expliquer.

Dans le secteur agricole, nous allons être confrontés à l'impression, juste ou fausse, que nous exploitons nos ressources naturelles, que nous polluons notre environnement. Je crois qu'il ne faut pas se contenter d'adopter une attitude défensive. Je crois qu'il faut que nous réagissions à cela en adoptant une attitude plus proactive, en ouvrant, par exemple des chambres d'hôte, en invitant les citadins qui ont peu de contacts avec la vie rurale à venir apprécier certaines des bonnes choses qu'offrent nos Prairies et le Canada rural en général.

Je sais bien que ma réponse est assez vague, mais c'est une idée que je vous lance.

Mme Cowling: Je constate que dans ma circonscription, et c'est peut-être vrai de tout l'Ouest, on a très facilement accepté le principe de la compensation pour la suppression du tarif du Nid-de-Corbeau. Les gens sont tout à fait optimistes. Je me demande cependant si cet optimisme durera lorsqu'ils seront obligés d'assumer des frais de transport supplémentaires. Je sais que certaines organisations d'agriculteurs craignent un peu elles-mêmes que lorsque nous passerons à un régime déréglementé et à un marché libre, cet optimisme ne s'évapore.

.1605

Pensez-vous que nous devrions instaurer une sorte d'organisme de réglementation, au moment où le système se met en place, pour que nous ne sautions pas du tremplin dans une piscine où il n'y a peut-être pas d'eau, organisme qui pourrait superviser ou surveiller le système? Pensez-vous que ce comité devrait en faire la recommandation au ministre?

M. Tyrchniewicz: Quand je présidais le comité des paiements aux producteurs, nous avions également remarqué la facilité avec laquelle le concept était accepté, comme vous le disiez. En fait, je me suis étonné du peu d'opposition que nous avons rencontrée. Je ne sais si cela est dû beaucoup plus à l'optimisme qu'à la résignation, au fait que les gens pensent que les changements sont inévitables et qu'ils se sont dit qu'il vaut mieux opter pour un mécanisme équitable et utile, plutôt que d'essayer de combattre l'inévitable.

Il est vrai que le concept qui a été, de loin, le plus populaire - si l'on peut utiliser ce mot au sens large - a été celui d'une remise compensatoire. Notre comité des paiements aux producteurs ne l'a pas recommandé parce qu'à l'époque, nous testions l'idée sur les fonctionnaires du ministère des Finances qui estimaient impossible d'ajouter une telle dette, si bien que nous avons opté pour la solution de second choix.

Nous n'en avons pas moins demandé à plusieurs groupes le genre de filet de sécurité qu'ils proposaient. Nous n'avons obtenu que peu de renseignements à cet égard. Personnellement, j'estime qu'il nous faut une sorte de processus de transition. L'idée que le changement va se faire instantanément est tout simplement farfelue.

Je crois savoir ce que les agriculteurs ont l'intention de cultiver cette année, s'ils sont en fait au courant de la diminution des tarifs marchandises prévus le 1er août... Il y aura effectivement une remise compensatoire, mais pas dans les milliards. Je pense que vous commencerez à ressentir les effets d'une vive opposition vers septembre ou octobre, quand les premiers chargements de céréale seront livrés à un élévateur. Je m'étonne qu'un plus grand nombre de céréaliers ne se soient pas rendus compte de la chose. Des consultants m'ont déclaré que même les agriculteurs les plus avisés ne prennent pas toujours en compte ce genre de réalité.

Je ne suis pas sûr qu'il existe une façon de stipuler, par le biais de règlements, qu'il faut progresser dans ce sens, graduellement. J'ai constaté que le ministre avait recommandé l'instauration d'une sorte de mécanisme de règlements des différends pour régler les problèmes entre les locataires et les propriétaires. C'est peut-être là l'approche que nous devrions adopter.

En effet, dans nos premières recommandations adressées au ministre, nous recommandions la mise sur pied d'un comité de règlements des différends, pas uniquement entre les locataires et les propriétaires, mais pour régler un certain nombre de questions découlant de la mise en oeuvre de cette loi. Celui-ci devrait être composé de cinq ou six producteurs ayant une certaine expérience du fonctionnement des commissions de médiation de la dette ou autre, et qui pourraient travailler à la résolution de ces problèmes.

C'est là une solution possible. J'hésite à proposer la création d'un organisme permanent et je propose plutôt l'instauration d'un organisme de transition oeuvrant dans le même sens. Il faudra, je crois, penser à informer les gens quand ils commenceront à s'intéresser à la chose.

D'un autre côté, il peut se produire certaines choses sur les marchés internationaux des céréales qui pourraient pousser les prix à la hausse et les effets négatifs pourraient être atténués par les forces du marché. Il est difficile de dire ce qu'il arrivera aux marchés du grain, bien qu'ils semblent monter lentement.

.1610

Mme Cowling: L'idée d'un organisme d'information qui guiderait les gens dans tout ce processus, me séduit. Pensez-vous que les gens qui y siégeraient devraient être des représentants du milieu agricole, des organisations agricoles, de l'industrie; pensez-vous que ce comité devrait regrouper des personnes de divers horizons? Comment constitueriez-vous ce groupe? Qui ajouteriez-vous à tous ceux que j'ai mentionnés?

M. Tyrchniewicz: Je pense qu'on pourrait y arriver de plusieurs façons. Premièrement, on pourrait regrouper au moins six personnes, ou peut-être un représentant par province, pour constituer une sorte de conseil de médiation de la dette. Ces gens n'auraient pas pour mission de faire du lobbyisme pour ou contre la politique, mais de l'expliquer.

Je me rappelle ce qui s'est passé, au milieu des années soixante-dix, quand M. Lang et le comité des grains ont effectué une étude d'envergure. Ils se sont livrés à un exercice fascinant en engageant un animateur dont le travail consistait simplement à aller d'une collectivité à l'autre pour exposer la politique. De fait, vous connaissez sans doute la personne en question, puisqu'il s'agissait de Jack Nesbit. J'ai assisté à deux ou trois de ces réunions et j'ai constaté que Jack n'est jamais tombé dans le travers de la politique. Il présentait simplement ce qui était proposé et quelles en étaient les conséquences; il disait: si l'on retient ceci, il se passera cela, mais il ne recommandait rien.

M. Penson (Peace River): Je vous souhaite la bienvenue parmi nous, professeur. Je sais que vous connaissez bien toute cette question des tarifs marchandises, et je pense que vous avez beaucoup à apporter à notre comité cet après-midi.

Je dois tout d'abord vous dire que je représente une circonscription que vous connaissez, je pense, celle de Peace River, dans le nord-ouest de l'Alberta, une importante collectivité agricole où l'on pratique une agriculture très diversifiée. Je m'inquiète donc de voir qu'en vertu des propositions de remise compensatoire au titre de la LTGO, il n'en existe aucune pour les légumineuses, les plantes herbagères et les cultures fourragères, alors que je vous ai entendu parler de diversification.

C'est ce qui s'est produit dans plusieurs parties du pays, on a essayé de diversifier les récoltes et d'adopter une meilleure approche sur le plan de l'exploitation des sols. À présent, avec le système de remise compensatoire qui s'annonce, et même si les sommes ne sont pas importantes, il me semble que les gens veulent que le gâteau soit équitablement partagé. Dans ma circonscription, on utilise les mêmes terres pour les céréales que pour le fourrage, puisqu'on pratique la culture par rotation.

Voici donc ma première question. Que pensez-vous de l'inclusion des cultures fourragères dans les dispositions de remise compensatoire au titre de la LTGO?

Ma deuxième question concerne la mise en commun des moyens de transport par la Commission canadienne du blé. Comme vous le savez, nous sommes en train d'abandonner l'idée d'un regroupement autour de Thunder Bay, dans le réseau de la Voie maritime, mais nous prévoyons encore certains points de regroupement.

Pour vous donner une idée de la situation, sachez que nous exploitons nous-mêmes une ferme céréalière dans cette région de Peace River qui est l'un des points les plus éloignés des marchés. Mais il n'en demeure pas moins que les gens avec qui je m'entretiens veulent que les choses demeurent équitables: pourquoi devrions-nous demander à d'autres de payer une partie de nos frais de transport?

Je crois que l'on devrait formuler la question ainsi: le mieux, le plus équitable, n'est-il pas de fixer simplement un tarif marchandises de Grand Prairie, en Alberta, à Vancouver, si c'est là que se trouve mon point de livraison, ou encore de Regina à Thunder Bay, ou ailleurs peu importe, pour les conditions du marché prévalent véritablement pour ce qui est des tarifs marchandises? Pourquoi devrait-on être regroupés avec d'autres? N'est-ce pas là un concept que l'on devrait résolument abandonner?

Je m'en tiendrai là pour la première série de questions.

M. Tyrchniewicz: Pour répondre à votre première question sur ce qui devrait être inclus dans la remise compensatoire, sachez que, dans le rapport du comité des paiements aux producteurs, nous avions recommandé de l'étendre aux pâturages bonifiés et aux terres fourragères. C'est ainsi que je vois les choses.

.1615

Un grand nombre de ces agriculteurs ont déjà diversifié leurs cultures. En Alberta, notamment, on constate que la diversification est une réalité. Je vous concède que cela est dû en partie aux politiques du gouvernement provincial dans le cadre du programme compensatoire du Nid-de-Corbeau. Néanmoins, ces agriculteurs ont également engagé certaines dépenses. Partant, je conviens qu'on devrait aller au-delà de la définition actuelle.

Nous avons aussi recommandé l'instauration d'un fonds de rajustement, mais cette recommandation ne correspondait pas tout à fait à la proposition du ministre Goodale. Il était cependant en partie question de couvrir des cas spéciaux comme celui des agriculteurs bénéficiant du programme d'amélioration des troupeaux laitiers - un cas très spécial, à nos yeux - ou de ceux qui étaient concernés par les programmes d'irrigation.

Il n'est pas vraiment possible de régler certaines de ces questions par le biais d'une remise compensatoire directe. Je pense qu'une forme de compensation spéciale, en vertu du mécanisme de rajustement, conviendrait beaucoup mieux.

Votre question sur la mise en commun est intéressante. Voyons si j'ai bien compris ce dont il s'agit. Essentiellement, vous dites que plutôt que d'avoir des prix communs, il faudrait laisser jouer les forces du marché un peu partout. En un sens, on se trouve à empiéter sur le champ de compétence de la Commission canadienne du blé parce que c'est exactement ce qui se produit déjà dans certains cas, comme pour le canola, etc. Ce sont les prix courants qui s'appliquent.

M. Penson: Effectivement, je pense très précisément au régime de mise en commun de la Commission canadienne du blé.

M. Tyrchniewicz: Très bien, je voulais juste m'assurer que c'est bien ce à quoi vous faites allusion.

Je pense que cela va bien au-delà de la question des tarifs marchandises et celle de savoir ce qui va arriver à la Commission canadienne du blé une fois que la commission spéciale aura terminé ses travaux, entre autres choses. Je ne sais pas si je suis en mesure de vous dire, comme ça, si cela est bon ou mauvais ou si ça ne change rien.

Il est toujours possible que ce système défavorise des régions éloignées comme Peace River, qui se trouve loin des marchés.

M. Penson: Peut-être devrais-je vous rappeler qu'un grand nombre de récoltes sont produites dans toutes les parties du pays et que Peace River est un cas parmi tant d'autres. Pour d'autres produits, il faut payer le prix véritable du transport depuis Peace River, en Alberta, ou de Grimshaw, en Alberta, au marché, où qu'il se trouve. Pourquoi devrait-il en être autrement pour l'industrie céréalière?

M. Tyrchniewicz: Mais si nous parlons bien du tarif marchandises, plutôt que d'un véritable mécanisme servant à établir les prix, le tarif marchandises sera toujours fondé sur la distance. Ainsi, un exploitant agricole installé juste à l'ouest de Calgary bénéficiera d'un tarif marchandises inférieur à celui qui se trouvera dans la région de Peace River.

Je ne sais pas si vous voulez parler du tarif marchandises ou du mécanisme servant à établir les prix.

M. Penson: Cela procède évidemment des deux, bien sûr, parce que lorsqu'on instaure un tarif marchandises, cela est prélevé sur le paiement initial. Je souhaite qu'on n'en arrive jamais à instaurer une mise en commun du fret, parce que nous avons vu ce qui s'est passé...

M. Tyrchniewicz: Excusez-moi, mais il n'est pas question de mettre le fret en commun.

M. Penson: Mais si, je le crois.

Le président: Mais monsieur Penson, ce tarif est toujours fonction de la distance.

M. Penson: Mais alors pourquoi un regroupement?

Le président: La mise en commun concerne les prix.

M. Tyrchniewicz: Ce sont les prix qui font l'objet d'une mise en commun. Grâce à cette politique, du moins d'après ce que je comprends, nous abandonnerons le principe de la mise en commun des coûts du fret. Ces coûts, tels qu'ils sont reflétés dans la structure tarifaire, seront imputés à chaque point. Il ne sera pas question que les gens de Peace River soient subventionnés ou inter-financés par ceux de la région de Calgary, contrairement à ce qui se passe selon le régime actuel où les agriculteurs du Manitoba sont financés par ceux de l'Alberta. Je crois qu'on a, pour l'essentiel, abandonné ce genre de formule.

.1620

Les choses ne collent pas parfaitement, parce qu'on peut dire qu'un mille est plus long ou plus court selon qu'on escalade la montagne ou qu'on redescend vers la plaine. Mais d'après ce que je crois comprendre de la politique proposée, on s'éloigne du genre de choses qui vous inquiètent au sujet de la mise en commun des tarifs marchandises.

M. Penson: Peut-être ai-je mal compris. Si c'est le cas, vous venez de calmer mes inquiétudes.

M. Collins (Souris - Moose Mountain): Merci de vous être rendu à notre invitation, professeur. Veuillez excuser mon arrivée tardive.

J'ai plusieurs sujets de préoccupation. Vers la fin de votre exposé, vous en avez abordé un, celui des interruptions de travail. Vous avez parlé de médiation entre les partenaires sociaux. Quand on a affaire à 22 ou 25 syndicats qui, à un moment ou à un autre, peuvent influer sur le mouvement des marchandises vers l'Est ou vers l'Ouest, en quoi pensez-vous que la médiation entre les partenaires sociaux puisse être utile pour se sortir de ce genre de problèmes?

M. Tyrchniewicz: Là encore, tout comme avec les autres changements, je ne pense pas que les choses puissent se régler instantanément. Un certain ajustement des attitudes sera nécessaire. Je sais qu'on a tendance à imputer toutes les responsabilités à la partie syndicale, mais la partie patronale n'est pas exempte de tout reproche.

Je pense qu'il est ici question de se concerter et de comprendre l'importance que revêt ce secteur pour notre économie. Je vous cite l'exemple du changement technologique, parce que c'est souvent une pierre d'achoppement et parfois, les enjeux peuvent être très mesquins. Le seul mécanisme que nous semblons avoir est celui de l'arrêt de travail ou du lock-out.

J'estime que c'est là une question qui ne se limite pas à la production céréalière. Nous dépendons des exportations vers l'étranger et cela ne changera pas. Nous devons nous arranger pour entretenir notre réputation de fournisseur fiable. Nous ne pouvons pas faire appel aux marines pour gérer nos quais à notre place. Nous avons maintenant l'occasion de réfléchir à la chose.

Je me rappelle ce que disais le juge Emmett Hall, à propos de l'abandon des lignes de chemins de fer, quand il recommandait que l'on trouve une façon de régler ce genre de problèmes, que ce soit en précisant le nombre de personnes travaillant au sein d'une équipe, en introduisant des changements technologiques ou en dédoublant les trains-blocs. Mais le témoin suivant pourra certainement vous parler beaucoup mieux que moi des aspects opérationnels de cette question.

Ce que je me demande, c'est qu'est-ce qui est facteur de changement? C'est vraiment de cela dont il est question. Comment va-t-on évoluer dans ce nouvel environnement dont font partie les interruptions de travail? Comment va-t-on faire en sorte que les gens soient au courant de ces changements et de leurs conséquences et comment va-t-on les amener à penser différemment?

M. Collins: J'aime votre expression de «rajustement des attitudes». Je suppose que vous faites la même chose auprès des étudiants de l'université. Vous infléchissez quelque peu leur attitude, surtout quand vous leur donnez des notes peu brillantes.

J'aimerais savoir ce que vous pensez de notre régime d'attribution des wagons et de la propriété des wagons. J'aimerais savoir ce que vous aimeriez modifier dans les dispositions relatives au transport.

M. Tyrchniewicz: Excusez-moi, je n'ai pas compris cette question.

M. Collins: Tout cela va entraîner certains changements dans notre système de transport. Y a-t-il d'autres solutions qui pourraient s'imposer? J'aimerais savoir ce que vous pensez des lignes ferroviaires sur courte distance.

Selon vous, dans cinq ou dix ans d'ici, où apportera-t-on des changements? On parle ici d'agriculture et d'agroalimentaire. Quels secteurs pourront être touchés, si l'on regarde les choses à travers la lorgnette de l'économiste que vous êtes? Vers quels domaines d'activité devrait-on éventuellement s'orienter, dans l'ensemble? Je sais que vous avez plus particulièrement parlé avec Mme Cowling de la région de Dauphin - Swan River.

M. Tyrchniewicz: Si vous me le permettez, je ne vous dirai pas grand-chose à propos de l'attribution et de la propriété des wagons, parce que je n'y connais pas grand-chose. S'il est un principe que j'estime important, c'est que ni l'attribution, ni la propriété des wagons ne devraient entrer dans les négociations portant sur les questions relatives à la politique. Je pense parfois que nos processus sont devenus plutôt compliqués. Il est possible que la solution consiste à laisser beaucoup plus jouer les forces du marché et à ne pas intervenir par voie de règlement.

.1625

J'estime que les lignes ferroviaires sur courte distance présentent un potentiel intéressant. Je comprends que M. Payne entretienne quelques inquiétudes relativement à la législation actuelle et qu'il craigne ne pas faire d'argent. L'histoire des chemins de fer de courte distance est quelque peu désordonnée. Parce qu'ils ne sont pas soumis aux conventions collectives et autres choses du genre, ce sont les mêmes personnes qui peuvent conduire le train, réparer les voies, faire la comptabilité et tout le reste. Ces compagnies ont des difficultés quand elles ont des problèmes de capitaux, qu'un pont s'écroule ou que sais-je. Très souvent, ces événements marquent la fin d'une ligne ferroviaire sur courte distance.

À bien des égards, j'estime que ce genre d'opérations est transitoire. Si le CN ou le CP ne peuvent exploiter, ou estiment ne pas être en mesure d'exploiter, une voie d'embranchement donnée, le service sur courte distance constitue alors un mécanisme de transition. Mais dès que surgit un problème financier, il faut envisager ne plus compter dessus. L'histoire américaine est ponctuée d'événements concernant les lignes ferroviaires sur courte distance.

Si vous voulez que je vous parle de ce qui se produira au cours des cinq à dix prochaines années, alors, nous sommes bons pour au moins une heure, monsieur. Il y a une chose que nous ne devons pas perdre de vue, c'est que nous continuerons à nous alimenter dans cinq ou dix ans d'ici. Il y aura plus de bouches à nourrir dans le monde et au Canada aussi. Donc, je suis optimiste quant à l'avenir de l'agriculture, elle continuera d'exister.

Par contre, ressemblera-t-elle à ce qu'elle est maintenant? J'en doute beaucoup, mais à certains égards, elle demeurera identique. Je pense que, dans l'Ouest canadien, nous continuerons essentiellement à avoir une économie céréalière. Nous exporterons peut-être plus de matières premières, mais nous continuerons de dépendre des céréales.

Si vous me permettez de changer de chapeau pour vous parler du développement des technologies nouvelles, j'estime que nous devrions faire plus d'efforts sur le plan de la mise au point de nouveaux produits. Encore une fois, cela peut paraître hérétique de la part d'un doyen de la faculté d'agriculture, mais j'estime que nous avons beaucoup trop insisté sur l'efficience de la production des cultures de base et de l'élevage, et peut-être pas assez sur les autres possibilités. C'est d'ailleurs là une orientation que j'ai imprimée à ma faculté et nous avons considérablement rajusté les attitudes à l'Université de l'Alberta.

Il est en partie question de s'orienter suivant deux axes. C'est peut-être parce que j'ai insisté dans ce sens, parce que j'y crois, mais j'estime que nous devons considérer que l'agriculture est beaucoup plus qu'une simple activité de production.

Dans le cas de l'Alberta, le produit provincial brut du secteur agricole est légèrement supérieur à 9 milliards de dollars, dont la moitié provient de revenus extra agricoles. J'estime que nous devons beaucoup plus insister sur le traitement, la commercialisation et la découverte de nouveaux produits. Je n'ai aucune idée de ce que seront ces nouveaux produits, mais j'estime que nous devons encourager certains de nos chercheurs les plus brillants à se mettre au travail et à trouver des solutions créatrices sans nécessairement leur dire: «Trouvez-moi un nouveau produit d'ici six mois». Il faut se souvenir qu'on peut avoir de la chance à l'occasion et que plus on travaille fort, plus on a de chance.

Je m'écarte peut-être du sujet, mais je tiens à vous dire que certaines choses qui se produisent dans le domaine de la recherche agricole m'inquiètent, pas à cause de leur effet direct sur mes activités, parce qu'en un sens, il n'y en a pas, mais parce que nous adoptons une vision à court terme de l'importance que revêt le développement des technologies nouvelles, surtout des technologies relatives aux nouveaux produits. J'estime que c'est un secteur d'activité très important sur lequel nous devons nous pencher, et je pense qu'il y aura des changements, beaucoup plus sûrement que du côté de la production.

.1630

Le président: Monsieur Tyrchniewicz, dans votre exposé, vous avez suggéré que l'on cerne les débouchés. Notre gouvernement envisage très certainement de porter les exportations à 23 millions de dollars. Mais même à ce sujet, je me demande s'il existe des études de marché faisant ressortir que nous pouvons effectivement le faire ou si ce n'est pas là un chiffre tombé du ciel?

J'ai constaté, dans ce débat, que les gens nous disent tous la même chose: «Nous allons produire du boeuf, nous allons produire du porc. Les marchés sont là.»

Que faut-il faire pour cerner les débouchés? Y a-t-il quoique ce soit que mon gouvernement puisse faire pour dénicher des marchés et ainsi de suite - et je pense à des organismes comme Canagrex ou à d'autres du genre - en envoyant des gens sur les marchés dans le monde entier pour nous trouver des débouchés et aider, par exemple, les compagnies céréalières ou qui sais-je encore, à dénicher des marchés sur lesquels nous pourrons être présent?

M. Tyrchniewicz: Eh bien, il y aurait un modèle relativement bon que l'on pourrait suivre et reprendre du secteur céréalier: l'Institut canadien des céréales qui ne se contente pas d'organiser des missions commerciales... Je ne dis pas cela pour minimiser les missions commerciales. Certaines sont utiles, mais je ne suis pas certain que c'est à ces missions que l'on doive nos réalisations. Pour trouver de véritables débouchés, il faut attirer les gens de ces marchés potentiels et les faire venir ici, au Canada, pour leur montrer ce que nous avons. Il arrive que ce soit eux qui nous indiquent les débouchés.

Je vais vous citer un petit exemple, mais néanmoins fort intéressant. York Foods, à Lethbridge, produit des frites. La compagnie voulait écouler ses frites dans les pays de la ceinture du Pacifique où la frite ne doit pas être au menu quotidien des habitants. Cependant, la compagnie a fait venir un chercheur d'une autre entreprise de transformation alimentaire pour lui demander quel genre de produit se vendrait. Celui-ci a répondu: «Eh bien, vous n'avez qu'à donner à vos aliments le goût d'algues.» La réaction fut la suivante: «Des algues? Mon Dieu!» Et pourtant, le chercheur est revenu et il a participé à la mise au point d'un nouveau produit. À présent, la compagnie a trouvé un marché.

Il est important de faire venir des gens de ces marchés potentiels pour qu'ils sachent ce que nous avons à leur offrir et que nous puissions en parler avec eux. Je suis cynique à propos d'un grand nombre de nos missions commerciales. Dans certains cas, elles débouchent sur des résultats, mais parfois il faut les attribuer à des techniciens qui font l'aller-retour beaucoup plus qu'au fait que nous comprenons les goûts des consommateurs.

Laissez-moi vous donner un autre exemple. Je me trouvais en Corée, pour une autre raison que le démarchage, et il y avait là une mission commerciale de l'Alberta. J'ai été invité à une présentation. Il était question de vanter le merveilleux boeuf de l'Alberta, qui produit des biftecks tendres et juteux ainsi que d'énorme rotis. Comme cela faisait déjà trois jours que j'étais en Corée, j'étais déjà un expert. J'avais vu la façon dont on mange le boeuf, là-bas. Ils le martèlent comme des malades, ils le mettent à mariner et ils le cuisent sur de petits hibachis. Ce n'était pas un marché pour du bifteck ou pour du rosbif; c'était un marché pour certaines des coupes les moins chères dont nous ne savons habituellement pas que faire.

Il est donc important de comprendre où se trouvent ces marchés, mais il est tout aussi important d'admettre que nous ne sommes pas les premiers à nous y rendre. Les Australiens et les Américains, et tous les autres, y sont déjà. Pour reprendre un lieu commun, nous devons poser la meilleure souricière qui attirera la souris vers le produit que nous avons.

Le président: Si vous regardez ce que font les autres pays, ils servent le marché. Je sais ce que fait la Hollande avec ses pommes de terre, par rapport à nous.

Je suis d'accord avec vous pour ce qui est de l'ICC. En fait, Ted Allen, président de l'UGG, et moi-même, y avons siégé en 1974. Le programme consiste à montrer aux gens comment faire cuire du pain et comment utiliser nos produits, mais nous devons trouver un moyen d'aller plus loin encore. C'est à cela que je veux en venir. C'est un bon concept et c'est bien d'en parler, mais comment le gouvernement et l'industrie peuvent-ils unir leurs efforts pour que nous percions sur les marchés étrangers, surtout dans cette nouvelle économie planétaire?

.1635

M. Tyrchniewicz: Laissez-moi vous lancer une idée: il n'y a rien de gratuit. J'applique aussi ce principe à la gestion de nos efforts de recherche. Si je suis convaincu que telle ou telle chose doit se produire, j'essaie de récupérer 50c. sur un dollar, ailleurs. Puis, je me tourne vers l'industrie et je dis: «Je veux arriver à telle ou telle chose, voici mes 50c., investissez-en autant et créons un partenariat».

C'est sans doute là beaucoup plus le genre d'approche que nous devons envisager. Nous devons faire en sorte que non seulement le secteur de l'agriculture et de l'agroalimentaire s'engage dans la bataille, mais aussi que les compagnies participent au niveau individuel, pas uniquement par le truchement de leurs associations, et qu'elles investissent pour cerner ces créneaux commerciaux.

J'ai fait une remarque à propos de la navigation sur Internet qui aura pu être interprétée comme étant une bouffonnerie. Mais je pense que, parfois, nous sommes victimes de la façon traditionnelle dont nous voyons les choses. Dans mon service, j'ai permis aux employés de bureau d'emporter à la maison de vieux modèles d'ordinateur que nous avions sous la main. Je voulais qu'ils naviguent sur Internet. Eh bien, au cours des derniers mois, ils ont commencé à formuler des idées novatrices et ils s'éclatent durant leur temps de loisir. Ils lisent quelque chose sur l'Internet, puis ils me demandent si nous ne pourrions pas envisager de faire ceci ou cela.

Je pense que nous devons trouver une façon d'exploiter les idées géniales qui germent dans nos collectivités rurales. Nombre de ces gens ont beaucoup réfléchi et nous devons trouver une façon de profiter de leur réflexion et de les encourager à formuler certaines de leurs idées. Je dois dire, sans vouloir manquer de respect aux organisations, qu'il arrive très souvent que ces idées soient perdues. Cela nous ramène également à la notion de collectivités durables.

Le président: J'ai une dernière question. Marlene aussi aura une bonne question à poser.

S'agissant d'efficience, vous avez dit, et je suis d'accord avec vous, qu'il est essentiel de contre-balancer les effets négatifs et de faire profiter les expéditeurs et les producteurs des gains réalisés sur le plan d'efficience. Est-ce qu'on en fait assez à cet égard dans la loi, y a-t-il autre chose que nous puissions faire, en tant que gouvernement, pour nous assurer que les gains d'efficience seront répercutés et qu'ils ne profiteront pas, par exemple, uniquement aux compagnies des chemins de fer?

M. Tyrchniewicz: Une façon d'y parvenir, je suppose, consiste à s'assurer qu'il existe d'autres moyens de transport que les actuelles compagnies de chemins de fer. Si vous vous retrouvez avec un monopole, il peut alors devenir excessivement difficile de répercuter certains de ces gains d'efficience. Par contre, si les agriculteurs-expéditeurs ont la possibilité de s'adresser ailleurs, que ce soit à des compagnies de chemins de fer américaines ou à des sociétés de camionnage, alors je crois qu'on pourra y arriver en partie.

La question, je suppose, est de savoir si l'industrie céréalière est prête à passer d'une situation où elle est fortement réglementée, où tout se fait selon des formules et des décisions arbitraires, à un environnement où tout est libre.

Je n'en suis pas sûr. Je ne vois pas ce à quoi pourrait ressembler cette phase de transition, mais je crois que nous devons trouver une solution autre que celle qui consiste à nous livrer à ces coûteux examens tous les quatre ans. Pour l'instant, dès qu'il y a gain d'efficience, ce sont les compagnies de chemins de fer qui en profitent, même si elles en font éventuellement profiter les agriculteurs, mais cela n'intervient que quatre ans plus tard.

Peut-être n'est-il pas nécessaire de se livrer à des analyses aussi détaillées, mais devrait-on le faire plus fréquemment et décider qu'après une période de cinq ans, par exemple, on en arrivera à un stade où ce seront essentiellement les forces du marché qui décideront de la dynamique.

Le président: Merci.

Mme Cowling: J'ai cru comprendre, professeur, que vous présidiez le comité des paiements aux producteurs.

M. Tyrchniewicz: Oui.

Mme Cowling: Tout à l'heure, vous avez parlé du rôle de l'Alberta dans l'interfinancement. En tant que Manitobaine, j'aimerais savoir ce qui en est de la question du rajustement des coûts communs d'exploitation de la Voie maritime.

.1640

L'une des questions dont le comité des paiements aux producteurs ne semble pas avoir pris conscience est que le Manitoba subventionne, depuis plusieurs années, les voies secondaires du nord de l'Alberta et du nord de la Saskatchewan. Je me demande pourquoi cette question n'a pas été prise en compte. Selon mes informations, on en parlait dans le document, mais on a éliminé toute référence à ce sujet. Pourquoi?

M. Tyrchniewicz: Vous devriez le demander à Owen McAuley.

Honnêtement, je ne me souviens pas que l'on ait parlé des voies secondaires dans ce document. Le comité d'examen des paiements aux producteurs a bien pris garde de ne pas traiter de questions d'efficience, étant donné que l'Office du transport du grain, de Peter Thomson, s'occupait du problème des voies secondaires. Je ne saisis donc pas votre question.

Mme Cowling: Le problème, monsieur le président, est que ce document ne présente en totalité ce qui s'est passé dans l'Ouest du Canada, étant donné que cet élément n'y figure pas. J'aimerais savoir pourquoi.

M. Tyrchniewicz: Pour vous donner une bonne réponse de bureaucrate, je vous dirais simplement que cela ne faisait pas partie de notre mandat.

J'ai le texte du mandat sous les yeux et je suis tout à fait prêt à vous le remettre. Notre rôle était d'examiner comment la subvention au titre de la LTGO devrait être payée aux producteurs et non pas si elle devrait l'être. En outre, nous devions examiner très précisément ce qu'il faudrait faire au sujet d'un nouveau régime de regroupement des expéditions.

J'ajoute que l'on nous avait dit aussi de manière explicite, même si cela ne figure pas nécessairement dans notre mandat, de ne pas nous occuper de toutes les questions d'efficience reliées aux voies secondaires.

Cela dit, je dois vous dire tout à fait honnêtement que je ne me souviens pas que cela figurait dans notre rapport et qu'on l'aurait ensuite enlevé. De fait, comme ça ne faisait pas partie de notre mandat, je n'aurais pas laissé cela dans notre rapport si quelqu'un l'y avait mis.

Cela faisait partie de mon travail de président - veiller à ce que les balises soient respectées.

Le président: Bien. Je suppose que vous n'avez pas traité de Churchill non plus.

M. Tyrchniewicz: Voulez-vous que j'en parle maintenant?

Le président: J'hésite presque à vous poser la question mais, considérant les informations qui nous ont été fournies hier, quelle est votre opinion?

M. Tyrchniewicz: À mon sens, Churchill ne fait pas partie intégrante d'un système de manutention et de transport du grain. M. Allen a peut-être des chiffres plus précis que moi à ce sujet, mais on disait autrefois que Thunder Bay pouvait assurer, en deux ou trois jours, le transport de tout le grain passant par Churchill au cours d'une saison complète.

Je crois que nous avons parfois tendance à ne traiter Churchill que dans le contexte des frais de transport ferroviaire, à cause de la distance, mais je ne pense pas que Churchill joue un rôle déterminant dans le cadre d'un examen systémique - qui est à mon avis indispensable - de toute la question du transport du grain.

Le président: Bien.

Merci beaucoup, monsieur Tyrchniewicz. Nous savons que vous avez fait un effort particulier pour venir vous adresser à nous, étant donné que vous aviez d'autres engagements, et nous vous en remercions.

M. Tyrchniewicz: Merci.

Le président: Je vais maintenant donner la parole à Orlin Hanson.

Orlin, bienvenue au Canada. Je vous donne la parole pour présenter votre mémoire, après quoi nous vous poserons des questions.

M. Orlin Hanson (président, International Consulting and Public Relations Inc.): Merci, monsieur le président.

Je précise toute de suite, monsieur Easter, que j'ai avec moi une lettre officielle du gouverneur de l'État du Dakota du Nord adressée à M. Bob Speller, président du comité permanent. Je n'avais pas réalisé que vous étiez le président de ce comité. Veuillez m'en excuser.

Le président: Aucun problème.

M. Hanson: La réponse que vient de vous donner le monsieur qui est en face de moi était fort intéressante, et j'aimerais ajouter mon avis.

Je n'ai jamais été un ardent partisan de Churchill, alors que je suis tout à fait partisan de faciliter le plus possible le transport des céréales de nos pays respectifs vers les marchés mondiaux, au moindre coût et au meilleur coût pour les agriculteurs.

Je m'appelle Orlin Hanson et je suis président-directeur général de International Consultants and Public Relations Inc. au Dakota du Nord. Je suis venu vous parler de la possibilité d'expédier du blé américain par le port de Churchill vers la Russie et l'Europe septentrionale, et éventuellement Amsterdan et Rotterdam.

.1645

Je dois d'abord dire, monsieur Easter, que je ne représente aujourd'hui aucun intérêt particulier. Je suis un éleveur de bétail qui exploite un ranch chevauchant la frontière canadienne. Je m'adresse à vous strictement en mon nom personnel.

J'ai fait partie de l'Assemblée législative du Dakota du Nord pendant douze ans. À l'époque, on m'accusait souvent d'être Canadien, parce que je défendais tellement fréquemment des points de vue canadiens. De fait, d'aucun m'ont même invité à m'installer au Canada pour y devenir député. Évidemment, je n'en ai rien fait car j'aurais dû m'opposer à M. Gustafson, puis aujourd'hui àM. Collins, et j'aurais été très gêné de les battre.

Je dois dire aux membres du comité, ainsi qu'à M. Penson, de la région de Peace River, que je me suis rendu dans votre région il y a trois ou quatre ans pour m'adresser à l'Association des producteurs d'orge de l'Ouest. Cela m'a permis de constater que vous vivez dans une très belle région.

En ce qui vous concerne, monsieur Easter, je dois dire que je suis un ardent partisan du couloir commercial du centre de l'Amérique du Nord, qui va jusqu'à l'Île de Prince Rupert, où j'espère aller bientôt, en passant par la route de Yellowhead.

Le président: Je suis à l'autre bout, mais ça va comme ça.

M. Hanson: C'est tout en haut.

Quant à vous, madame Cowling, je puis vous dire que je vais de temps à autre dans la région de Swan River et Russell. Mon neveu et son fils s'y trouvaient la semaine dernière et ils ont eu un gros ours noir. Ils étaient ravis.

Bien sûr, je connais M. Collins depuis de nombreuses années, comme tous les autres députés de la région.

Je suis presque à moitié Canadien. Je suis né en 1930 et j'ai été élevé dans une région chevauchant la frontière canadienne, ce qui m'amène à la traverser constamment pour toutes sortes de raisons. Il y a trois jours, par exemple, je suis allé à cheval récupérer une vache atteinte de la tétanie d'herbage. Elle venait de vêler et comme elle s'était égarée au delà de la frontière, j'ai dû faire une brève incursion dans votre pays, et je reconnais que j'en ai pas parlé aux autorités.

Il y a deux jours, à Sherwood, c'était le 58e Jour international du souvenir, que l'on célèbre chaque année depuis 1937. Les Canadiens avaient fait traverser la frontière à six ou huit groupes de la légion, et cela continue aujourd'hui. Nous nous rencontrons à la frontière où nous participons à une grande cérémonie d'échange de drapeaux et, dans la soirée, les Sherwood Yanks inaugurent la saison de la ligue de Baseball de Saskota, composée d'une équipe américaine et de neuf équipes canadiennes.

Sur le plan économique, notre petite ville de Sherwood dépend pour moitié de Canadiens, et je puis vous dire que je connais votre pays aussi bien que le mien. C'est donc un honneur pour moi de m'adresser aujourd'hui à votre comité.

Mark, je suis heureux de vous voir ici aujourd'hui. Nous nous sommes parlé au téléphone, mais c'est la première fois que nous nous rencontrons face à face.

Je suis accompagné de M. John Blackwood, qui était autrefois consul général du Canada et qui a pris une ou deux fois la parole lors de notre Journée internationale du souvenir. Nous nous connaissons depuis longtemps.

Je vais également parler du sénateur Eric Berntson, l'un de mes grands amis personnels.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité permanent de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire et du Sous-comité sur le transport du grain, je vous remercie sincèrement de m'avoir invité à venir témoigner.

J'espère que je ne me suis pas trompé dans les noms, car je sais que vous faites parfois les choses un peu différemment au Canada, mais pas toujours.

Comme je l'ai dit, je suis né et j'ai été élevé dans une région chevauchant la frontière. Depuis 65 ans, j'ai souvent eu l'occasion de venir dans votre pays, pour affaires et en vacances.

Le concept dont nous allons parler aujourd'hui avait été proposé il y a plusieurs années par le Sénateur américain Mark Andrews, républicain du Dakota du Nord, et par Alvin Hamilton, député fédéral canadien et prédécesseur de Bernie Collins, du sud-est de la Saskatchewan.

À l'époque, nous ne vendions pas beaucoup de céréales à la Russie et aux nombreux pays communistes de l'Europe du Nord, à cause de la Guerre froide. En outre, la saison de transport maritime à partir du port de Churchill ne durait que trois mois, car on ne voulait pas risquer d'endommager les navires dans les glaces, et la subvention canadienne du Nid-de-Corbeau, versée aux agriculteurs des Prairies, constituait une autre entrave à ce type de transport céréalier.

Aujourd'hui, la Guerre froide est finie et nous vendons beaucoup de céréales à ces pays. Notre souci doit donc être de trouver des méthodes pour réduire nos coûts, afin d'être plus compétitifs face aux pays du marché commun européen.

L'une des solutions, pour réduire les coûts, est de réduire les frais de transport. Le fait que la saison de transport maritime à partir de Churchill soit tellement brève est l'un des obstacles les plus importants à l'utilisation de ce port pour expédier nos céréales. Cela dit, comme la Guerre froide est terminée et que les Russes sont aujourd'hui nos amis, on pourrait envisager d'étendre la saison maritime de trois ou six mois.

Je dois dire en passant, monsieur le président, que les données que je vais mentionner viennent de la série d'ouvrages suivante: Arctic Bridge Final Report; Gateway North; et Potential Opportunities for Using the Churchill Port for American Grain Exports, publiés par Pivotal Plus Consulting Limited de Winnipeg. Certaines de mes informations viennent également de Dina Butcher, secrétaire générale de l'Association des producteurs de grain du Dakota du Nord.

Les auteurs de Gateway North affirment qu'il est maintenant techniquement et économiquement possible de porter à 17 semaines la saison maritime du port de Churchill, qui est aujourd'hui de 12 semaines, en y ajoutant une semaine au printemps et 4 semaines à l'automne, ce qui permettrait d'utiliser le port du 20 juillet au 15 novembre.

.1650

On rapporte aussi qu'un nombre non négligeable de cargos pouvant naviguer dans les glaces sont actuellement disponibles en location. Bon nombre de ces cargos viennent du Nord de la Russie et ont des équipages qui ont l'habitude de naviguer dans les eaux des mers polaires.

Vous avez tous une carte circumpolaire, qui va vous montrer une chose très intéressante. Quand on présente la terre à plat, avec le pôle nord au milieu, on peut voir la facilité avec laquelle on peut transporter du grain d'Amérique du Nord vers la Russie.

Cela étant, il convient de se pencher sur tous les facteurs pertinents: est-ce faisable et nécessaire? Quels sont les obstacles éventuels? Quels sont les avantages de ce type de transport? Avons-nous la volonté politique requise? Sommes-nous trop provinciaux ou pouvons-nous envisager le problème d'un point de vue nord-américain plutôt que purement canadien ou américain?

Tout d'abord, est-ce faisable et nécessaire? Regardez la carte sous un angle circumpolaire, c'est-à-dire avec le pôle arctique au milieu. Sous cet angle, il est évident qu'il vaut la peine d'utiliser le port de Churchill pour expédier de la marchandise vers de nombreuses régions du monde. En ce qui concerne les Canadiens, c'est la meilleure solution pour avoir accès à la plupart des ports étrangers. Je veux parler ici de la plupart des ports d'Europe du Nord, de Russie, de Norvège, du Danemark, de la Suède et même du Brésil, sans oublier Amsterdam et Rotterdam en particulier.

Une autre raison pour laquelle les Américains se doivent d'envisager cette possibilité est l'abolition de la subvention du Nid-de-Corbeau. Autrefois, il était rentable pour les Canadiens d'expédier leurs cérérales vers l'Est, jusqu'à la Voie maritime du Saint-Laurent, grâce aux subventions versées par le gouvernement fédéral. Aujourd'hui, ces subventions ont disparu. Il vous appartient en conséquence de trouver une solution moins coûteuse pour commercialiser vos céréales, et l'une des solutions naturelles est de chercher une voie plus courte vers les marchés, en passant par le Nord ou par le Sud.

Prenons tout de suite, la solution du Sud. Passer par le marché américain pour acheminer vos céréales outremer va surchager le réseau de transport américain à un point tel que cela causera des frictions.

Churchill semble être une solution attrayante, mais elle n'est pas compétitive, pour deux raisons. Sa saison est courte et il n'y passe pas assez de tonnage pour que ce soit rentable. Comme je l'expliquais plus tôt, cependant, les Russes ont maintenant la capacité d'étendre cette saison maritime.

Comment pourriez-vous attirer plus de tonnage vers le port de Churchill? En devenant plus compétitifs. Pour ce faire, il vous faut attirer plus de marchandises de façon à faire baisser vos frais d'exploitation unitaires. L'une des solutions pourrait être d'utiliser les navires cargos pour ramener des marchandises des pays destinataires des céréales ou de pays voisins, afin d'optimiser l'utilisation des navires. De toute façon, si nous voulons vendre des céréales à ces pays, nous serons peut-être obligés d'acheter certaines de leurs marchandises, pour rendre les contrats plus attrayants - pour nos deux pays.

Quels obstacles pouvons-nous rencontrer? Un des plus difficiles à surmonter serait d'amener les céréales américaines au port d'expédition. Cela ne devrait pas causer de problèmes, mais c'est toujours les choses les plus faciles qui nous étonnent le plus. Les difficultés viennent en grande mesure du fait que ceux qui traversent la frontière ne respectent pas toujours la loi. Cela provient parfois de l'ignorance de la loi ou du souci délibéré de ne pas la comprendre. Dans ce dernier cas, je songe aux inspecteurs des douanes. Comme la plupart d'entre vous avez déjà traversé la frontière, vous savez de quoi je parle. À leur décharge, il faut dire qu'il y a beaucoup trop de règlements dans nos deux pays. Quand quelqu'un enfreint la loi, par inadvertence ou délibéremment, la réaction habituelle est d'adopter une nouvelle règle ou une nouvelle loi, encore plus sévère ou plus restrictive. De cette manière, on sanctionne les gens honnêtes sans toucher vraiment à la racine du problème.

Ce qui manque à notre pays, ce n'est pas plus de personnes pour faire appliquer la loi, mais plus de personnes qui la respectent. Voilà la clé du problème. Il faut que les camionneurs et les responsables des chemins de fer qui s'occupent de ce transport de céréales respectent la loi. Les différences entre nos deux systèmes de commercialisation des céréales ou, devrais-je plutôt dire, les similitudes nous empêchent parfois d'utiliser efficacement nos marchés respectifs. Il me semble que nous devrions nous efforcer de rendre nos système plus compatibles, afin de tirer partie de ce que chacun a de meilleur, ce qui nous rendrait plus compétitifs à l'échelle internationale.

Bien sûr, l'un des problèmes, surtout du côté américain, émane des producteurs céréaliers eux-mêmes. En règle générale, ils essaient d'expédier toutes leurs céréales en même temps, au moment où les prix sont au plus haut et où ils ont besoin d'argent. On constate alors une hausse considérable des quantités de céréales entrant dans le système, et il n'est pas possible, ni même faisable, de tout expédier d'un seul coup car les transformateurs et les meuniers n'ont pas la capacité de tout absorber en même temps. Ils n'ont pas non plus d'entrepôts appropriés. Lorsqu'il y a une année record sur le plan de la production, il faut toute l'année qui suit pour commercialiser la production et l'expédier.

Lorsqu'un camionneur américain est obligé de faire la queue pendant une journée complète pour décharger ses céréales et qu'il voit devant lui trois camions canadiens, cela peut l'irriter. Certes, ce n'est pas particulièrement grave mais, pour l'agriculteur concerné, cela peut prendre de grandes proportions.

Un autre obstacle important est la voie ferrée de la Baie d'Hudson. C'est une vieille voie ferrée qui connaît beaucoup de problèmes, notamment à cause du pergélisol et de la doline. Cela dit, la plupart de ces problèmes pourraient être surmontés et le port de Churchill pourrait devenir rentable. Lorsqu'on aura compris qu'il est possible de faire des profits, beaucoup d'obstacles pourront être surmontés. Le profit est le plus grand facteur de motivation que l'humanité ait jamais trouvé. Faites-le miroiter dans le Nord et les possibilités seront illimitées.

.1655

Quelle est la région potentielle d'expédition de la plupart des céréales des États-Unis? Les quantités seront-elles suffisantes pour envisager Churchill? La réponse à cette question est évidemment positive. La région d'expédition est considérable, allant de l'Ouest du Nord-Dakota à l'Est du Montana.

Pour ce qui est de la deuxième question, on ne peut y répondre qu'après avoir trouvé les solutions à beaucoup d'autres problèmes. Ainsi, certaines des sociétés ferroviaires semblent contribuer au problème, car il leur est plus lucratif d'acheminer les céréales sur de longues distances aux États-Unis plutôt qu'en empruntant des trajets plus courts, par le Canada. Nous ne réussissons même pas à obtenir un tarif de Burlington Northern à ce sujet.

Pourrait-on transporter une partie de ces céréales par camion, à moindre coût? La réponse est double.

Premièrement, l'infrastructure le long de la frontière n'est pas assez bonne pour permettre le passage de gros camions chargés de céréales. En effet, le réseau routier est négligé depuis fort longtemps, à cause du mur qui sépare nos deux pays dans ce domaine. La plupart des marchandises circulent entre l'Est et l'Ouest et les routes qui mènent à la frontière, des deux côtés, ne sont pas assez solides pour supporter de très gros camions de céréales, surtout au printemps lorsqu'il y a un problème de gel et de nombreuses fissures dans la chaussée. Cela oblige à limiter les charges.

Les 12 milles de route allant de Sherwood à Carievale sont quasiment infranchissables aujourd'hui, monsieur Collins, parce qu'on les néglige depuis tellement longtemps. Tous les transports se font entre l'Est et l'Ouest. L'été dernier, à l'Ouest de Winnipeg, le pipeline allant de l'Ouest du Canada vers les États-Unis s'est rompu et il a fallu transporter la majeure partie du pétrole, pendant un certain temps, par notre port de Sherwood. Aujourd'hui, cette solution serait impossible car la route menant à la frontière est dans un état catastrophique.

Si nous voulons envisager la solution de Churchill, il faudra absolument résoudre ce problème, mais il faut convenir que ce n'est pas un problème énorme.

Deuxièmement, la réglementation du camionnage dans les deux pays laisse beaucoup à désirer. On trouve des règles et des lois différentes dans chaque province ou État. Comme j'ai exercé la profession de camionneur, je connais très bien le problème. Certes, un comité en a été saisi dans le cadre de l'accord de libre-échange, et nous verrons bien jusqu'où il est prêt à aller pour résoudre le problème. En fin de compte, la question sera de savoir si nous avons la volonté politique voulue.

Troisièmement, quel est le potentiel de transport de céréales spécialisées, comme le canola, le tournesol, etc.? Voilà le facteur sous-jacent qui permettrait de rendre le projet de Churchill rentable. En effet, ces types de récoltes pourraient s'avérer les plus lucratives dans un système de transport vers l'Europe du Nord passant par le port de Churchill. Les données sont peut-être compliquées mais elles valent sérieusement la peine d'être analysées.

Quels avantages aurions-nous à utiliser cette voie? Pour ce qui est des Canadiens, c'est la voie la plus courte vers la plupart des marchés, à condition de la rendre compétitive. Pour les Américains, c'est la voie la plus courte et aussi, pour certains, qui ne sont cependant pas encore assez nombreux, la moins chère. Il y a cependant une autre raison qui devrait être déterminante pour les Américains, comme je le disais un peu plus tôt.

Avec l'abolition de la subvention du Nid-de-Corbeau, une grosse quantité de céréales canadiennes risquent d'être acheminées vers le Sud, ce qui surchargerait un réseau de transport déjà débordé. Ce seul facteur devrait suffire à convaincre les États-Unis de faire le nécessaire pour rendre la voie de Churchill plus attrayante, tout en permettant aux producteurs de gagner un peu d'argent, puisque les frais de transport seraient ainsi allégés. Je vous parlerai un peu plus tard de la lettre de notre gouverneur, M. Ed Schafer, avec qui j'ai longuement discuté de cette question et qui serait très intéressé à venir devant votre comité avec une délégation.

Avons-nous la volonté politique requise? Sommes-nous trop provinciaux ou sommes-nous prêts à envisager le problème d'un point de vue nord-américain? Voilà une question intéressante. Hélas, comme je me suis presque toujours intéressé à la politique, je sais que la réponse est fort incertaine. Certes, elle ne devrait faire aucun doute, mais vous et moi savons que tel n'est pas le cas.

Il y a quelques années, nous faisions face à de terribles problèmes de gestion des eaux dans le bassin de la rivière Souris. Nos deux pays savaient bien quelle était la meilleure solution, mais nous n'avions pas la volonté politique requise pour la mettre en oeuvre.

L'un de mes amis, le sénateur Eric Berntson, était alors vice-premier ministre de la Saskatchewan. Pour ma part, j'étais député du Dakota du Nord. Nous avions mis sur pied une commission consultative frontalière, présidée par le gouverneur et le premier ministre de la province et comprenant un certain nombre de directeurs d'organismes publics et de ministres. Nous nous réunissions trois ou quatre fois par an pour discuter de ces problèmes. Lorsque certains s'avéraient insolubles, nous les laissions de côté. Nous n'en parlions plus. Nous nous concentrions sur ceux qui paraissaient solubles.

Pour ce qui est du problème de la rivière Souris, nous avons réussi à le résoudre. Nous avons convenu que chaque pays investirait les sommes nécessaires pour construire deux barrages au Nord. À ce moment-là, nous avons fait face à plus de problèmes écologiques que vous ne pourriez l'imaginer. Si vous lisez le livre Against the Flow, vous comprendrez.

.1700

Comment avons-nous finalement trouvé une solution? Très simplement. Eric m'a téléphoné pour discuter avec moi. Nous nous sommes rencontrés dans un bar pour voir ce qu'il fallait faire.

À la fin de notre discussion, nous nous sommes serrés la main parce que nous savions ce qu'il fallait faire. Il est donc retourné à Régina et je suis retourné à Bismarck, et nous avons rencontré respectivement notre premier ministre et notre gouverneur pour leur dire ce qu'il fallait faire. J'ajoute que nous nous faisions parfaitement confiance à ce sujet.

Comme j'ai passé toute ma vie à côté de la frontière canadienne, en ayant des contacts quasi quotidiens avec des Canadiens, je sais que vous êtes les meilleurs gens au monde et qu'on peut vous faire confiance. Voilà pourquoi, je pense qu'il est temps de laisser de côté les intérêts particuliers du Canada et des États-Unis pour commencer à réfléchir à nos intérêts nord-américains communs. Et je crois que nous aurions intérêt à le faire avant qu'il ne soit trop tard, c'est-à-dire avant que les pays du marché commun européen ou du bassin du Pacifique ne viennent s'emparer de nos marchés internationaux. Comprenons bien que notre concurrence actuelle est mondiale et qu'il est temps d'unir nos forces pour conserver nos marchés.

Il y a de nombreuses années, le sénateur Berntson et moi-même avons proposé la création d'un cartel du blé comprenant le Canada, les États-Unis, l'Argentine et, peut-être l'Australie. À ce moment-là, nous aurions contrôlé près de 75 p. 100 du blé mondial. Convenez que cela aurait été un coup d'éclat remarquable.

Aujourd'hui, certains développements intéressants pourraient rendre ce projet beaucoup plus réaliste. Ainsi, le gouvernement de la Saskatchewan a proposé des solutions novatrices pour rendre plus compétitive la voie de la Baie d'Hudson.

La majeure partie du combustible nucléaire produit au monde vient du Nord de la Saskatchewan, c'est-à-dire d'Uranium City. Le produit est expédié aux usagers des autres pays sous forme de barres de combustible nucléaire. Lorsque le combustible a été utilisé, il faut le recycler ou s'en débarrasser. L'une des idées qui ont été avancées consisterait à ramener ces barres de combustible nucléaire sur leur lieu d'origine, afin de les recycler ou de les enterrer dans la région même de leur provenance. Solution tout à fait originale, mais certainement pas mauvaise, à un problème particulièrement délicat. Cela éviterait non seulement tout risque que ces barres de combustible nucléaire tombent dans de mauvaises mains et deviennent des armes mortelles, mais cela justifierait aussi qu'on améliore la voie de chemin de fer, dans notre intérêt à tous.

Je dois dire qu'il y a d'autres collectivités des États-Unis qui ont pensé à la même chose. L'une d'entre elles n'est pas très éloignée de chez moi, puisqu'il s'agit d'Upham, à environ 50 milles à l'Est. Il y en a aussi une autre au centre du Minnesota. Cela fait donc, en tout, trois collectivités qui pensent à la même chose. Si nous pouvions coordonner leurs efforts, cela pourrait être le facteur déterminant pour faire aboutir le projet.

En conclusion, je crois que nous sommes saisis aujourd'hui d'une proposition fort intéressantes, qui pourrait être la solution à certains des problèmes que nous connaissons. Il est au demeurant indispensable que nous trouvions une solution à ces problèmes si nous ne voulons pas entraver l'avenir des générations futures. Winston Churchill a dit un jour - j'aime bien citer ce vieux sage - que certaines personnes voient des choses et demandent pourquoi, alors que, lui, rêve de choses qui n'existeront jamais et se demande pourquoi pas? On m'accuse souvent de cela.

Monsieur le président, cela met un terme à mon témoignage.

Le président: Merci d'être venu, monsieur Hanson.

M. Penson: Vous présentez des idées fort intéressantes, monsieur Hanson. Je ne sais pas vraiment si votre proposition concernant Churchill est viable ou non, mais je crois que vous avez parfaitement raison de dire qu'il est temps de réfléchir à l'avenir des zones commerciales naturelles qui existent entre nos deux pays, par exemple, dans les Prairies, tout comme on devrait le faire dans les provinces maritimes avec les États de la Nouvelle-Angleterre.

L'une des difficultés que nous avons rencontrées dans le passé - et vous y avez fait allusion - est que chaque pays a fixé des tarifs douaniers pour faciliter la circulation des marchandises entre l'Est et l'Ouest. Avec l'ALÉNA et les nouveaux accords commerciaux qui pointent à l'horizon, et considérant la nécessité de devenir plus compétitifs sur les marchés mondiaux, je crois que certaines des zones d'échanges commerciaux naturelles qui existent entre le Nord et le Sud vont prendre de plus en plus d'importance. Si cela veut dire que le marché nous oblige à voir dans Churchill une solution plus satisfaisante qu'aujourd'hui, il ne faut pas résister. Notre souci devrait être, avant tout, d'éliminer tous les obstacles à cette évolution, qu'il s'agisse d'obstacles infrastructurels ou douaniers.

D'aucuns disent parfois que l'expansion des échanges Nord-Sud entre le Canada et les États-Unis constitueraient une menace à la souveraineté canadienne. Je ne suis pas d'accord du tout, mais je me demande...

.1705

Je vois, d'après vos commentaires, que vous considérez certaines de ces zones nord-sud comme des marchés naturels et comme des voies de transport également, ce qui me plaît. Mais en ce qui concerne le port de Churchill en particulier, si vous le considérez comme une solution viable, j'aimerais savoir si c'est en fonction du marché uniquement, plutôt que d'une aide gouvernementale, qu'il faudrait le maintenir ouvert.

M. Hanson: Je dois vous dire, monsieur le président et monsieur Penson, que je suis avant tout pour le libre-échange et pour la libre entreprise. J'ai été l'un des premiers défenseurs de l'Accord de libre-échange avec le Canada.

Toute ma vie, je me suis battu pour favoriser le commerce entre nos deux pays, et lorsqueM. Mulroney et M. Reagan ont commencé à discuter de la question en 1985, j'ai écrit une lettre à chacun. J'ai dit au président Regan que s'il tendait la main aux Canadiens en signe d'amitié et les traitait comme des égaux, l'Accord de libre-échange canado-américain deviendrait l'un des documents les plus importants que nous ayons jamais signé, à part notre propre Constitution. Je le crois fermement et peu m'importe ce que contient cet accord, l'important c'est que nous puissions nous asseoir et en discuter.

Pour ce qui est des liens nord-sud, nous sommes allés à l'est et à l'ouest et nous les avons à peu près épuisé... Nous n'avons plus tellement de places où prendre de l'expansion. Tout à coup, nous avons tout un hémisphère nord et un hémisphère sud. Nous pouvons faire du commerce jusqu'à l'extrémité sud de l'Argentine.

Je vous le dis, nous allons faire du commerce depuis l'Alaska. Des produits vont partir du Nord pour être acheminés vers toutes les régions du Canada et du nord des États-Unis. Cela va se faire parce que si je peux trouver un truc et trouver le moyen de faire des profits, ce sera chose faite. Vous pouvez faire la même chose dans votre pays si vous laissez les gens commercer sans leur mettre de bâtons dans les roues.

Au lieu de passer par la côte est ou par la côte ouest, il serait naturel d'utiliser cette voie. C'est comme un tunnel. La route de Yellowhead vient jusqu'ici et débouche directement sur la route 52 qui sillonne le Dakota du Nord et qui débouche sur l'interstate 29, la 83, la 85 et toutes les autres routes qui vont vers le sud. Tous ces chemins aboutissent à Laredo, au Texas, et au Mexique.

Quelles sont les chances que cela devienne réalité? Nous étions à notre colloque sur l'agriculture à Fargo il y a 8 ou 10 ans. Selon notre ancien secrétaire à l'agriculture, Orville Freeman, il n'existe plus de marchés tout faits dans le monde. Nous devons les créer. Nous devons accorder une aide pour que cela se fasse.

Autrement dit, nous devons investir de l'argent dans certains pays. Il faut commencer par trouver un bon gouvernement stable et lui donner un coup de pouce, élever le niveau de vie dans le pays en question pour que la population veuille se nourrir d'autres choses que de riz. C'est ce que nous avons fait en Corée du Sud. J'ai trouvé intéressant ce que vous avez dit au sujet de la Corée du Sud il y a un instant. En 20 ans, les États-Unis y ont dépensé 20 milliards de dollars sous la forme d'une aide extérieure. Grâce à cette aide, le niveau de vie est passé de 300 à 2 500$. Les Coréens veulent maintenant acheter notre boeuf et notre blé au lieu de manger leur riz. Ils en ont acheté pour 25 milliards de dollars sur une période de deux ans.

Le Canada et les États-Unis ont la chance de pouvoir faire du commerce avec le Mexique et de nombreux pays de l'hémisphère sud. Nous pourrions investir dans ces pays pour les aider à augmenter leur niveau de vie. Nous allons envoyer nos produits chez eux et ils vont venir acheter les nôtres. Prenons l'important corridor qui relie l'Amérique centrale à l'Amérique du Nord, le corridor commercial de Red River, Can-Am, les montagnes rocheuses: tous ont un objectif commun: acheminez vos marchandises et les nôtres vers le sud et ramenez-en d'autres. Cela va dans les deux sens.

Dans le port de Churchill, nous faisons des échanges outremer. Nous allons nous réunir à Whitehorse, dans les Territoires du Nord-Ouest, plus tard au cours de l'été. Nous allons rencontrer les représentants de 14 pays européens à propos du corridor central de l'Amérique du nord. Vous n'avez qu'à jeter un coup d'oeil sur cette carte pour être convaincus des avantages que cela comporte.

J'ai vu que certains de ces rapports traitent de l'établissement d'un système de troc avec eux. C'est ce à quoi le Canada travaille déjà avec certains de ces pays, pour que nous ayons des échanges avec eux, car un bon nombre d'entre eux n'ont pas beaucoup d'argent à investir.

M. Penson: Je trouve votre idée intéressante parce que bien des gens ne savent pas que la route la plus proche est parfois celle qu'on a sous le nez. Par exemple, ma maison dans le nord-ouest de l'Alberta se trouve plus près de Los Angeles que d'Ottawa. Bien des gens ne se rendent pas compte qu'il y a des zones commerciales naturelles qu'il faut explorer et c'est pourquoi je suis heureux que vous nous exposiez cette idée. À mon avis, il faut que les échanges soient dictés par le marché, mais il faut que les gouvernerments abolissent tous les obstacles au commerce.

M. Hanson: Selon moi, le gouvernement ne devrait intervenir que pour se débarrasser des règles et règlements stupides. Je ne sais pas ce qui en est pour vous, mais nous en avons des milliers chez nous. On fait du bon travail; Gingrich et Dole y sont. On essaie de s'en débarrasser, mais il faut beaucoup de temps. Comme je l'ai dit dans mon témoignage, je pense, lorsque quelqu'un enfreint une loi, le gouvernement a tendance à ne pas le punir; il se contente d'adopter des lois plus rigoureuses qui viennent tout simplement s'ajouter à celles qui existent déjà.

.1710

Mme Cowling: Je suis heureuse que vous soyez en faveur du port de Churchill. Le caucus du Manitoba, et moi-même en tant que présidente, vantons les mérites de ce port depuis bien des années.

Je veux vous parler de votre système et du régime déréglementé que vous avez. L'une des questions que nous nous posons dans notre pays est la suivante: une fois qu'un régime déréglementé est en place et qu'il gagne en efficience, comment s'assurer que les agriculteurs bénéficieront de ces gains et récolteront certains des avantages? Pouvez-vous me dire comment cela fonctionne?

M. Hanson: Le plus grand obstacle à l'efficience est l'absence de profit et de concurrence. N'entravez pas la concurrence. Ne laissez personne développer un monopole.

Le problème risque de se poser parce qu'il n'y a dans le Nord qu'un seul chemin de fer. Mais il y a des solutions de rechange. Si le chemin de fer s'en mêle et cherche à accaparer trop d'argent, au détriment des agriculteurs, nous allons trouver une autre façon de faire. Tant que nous pouvons travailler ensemble comme un pays - et vous continuerez à dire ce que vous pensez tout comme nous et cela ne changera jamais - nous aurons toujours notre culture et vous ne perdrez jamais votre souveraineté.

Eric et moi - je m'excuse, mais j'appelle le sénateur par son prénom étant donné que lui et moi sommes comme des frères - nous avons toujours dit qu'il faudrait tracer la frontière canadienne au Mississippi et laisser l'Est aux Canadiens tandis que nous prendrions l'Ouest.

La possibilité de réaliser des profits et la concurrence sont les seuls moyens d'assurer que l'agriculteur sera gagnant. Cela fonctionne dans notre pays. Vous n'êtes pas toujours d'accord, mais jamais notre industrie du bétail n'a reçu la moindre subvention depuis que je travaille dans ce secteur. Tous les 10 ans à peu près, nous devons puiser dans notre poche d'en arrière. Cela fait deux ans de suite que nous le faisons. Les cycles se succèdent, mais lorsque le prix augmente.... J'ai touché 1,10$ la livre pour mes bouvillons il y a à peu près quatre ans.

Autant que je sache, notre système fonctionne parce que nous laissons libre cours à la concurrence. Si quelqu'un a l'occasion de faire des profits, alors la concurrence a le droit d'aller chercher une petite partie de ces profits. C'est ainsi que l'agriculteur en sort gagnant.

Mme Cowling: Quel est l'âge du parc de matériel roulant aux Etats-Unis?

M. Hanson: Il est assez nouveau. Il s'agit preque exclusivement de wagons-trémies. J'avais un semi-remorque à la fin des années 1960 et au début des années 1970, à l'époque des wagons couverts. Il fallait les aligner et mettre les wagons couverts.... Aujourd'hui, il est possible de charger un bloc de 52 wagons-trémies en moins de 24 heures et voilà, ils sont partis. Un train de 52 wagons peut s'amener dans n'importe quel silo-élévateur et en ressortir chargé tout de suite.

Nous n'avons pas les mêmes problèmes que vous avec le muskeg et autres dépressions karstiques, et notre système est différent.

Mme Cowling: Lorsque vous dites que vous chargez 52 wagons d'un coup, videz-vous vos silos?

M. Hanson: Oh, non. À peu près chaque entreprise agricole dispose d'un semi-remorque. Le responsable du silo fait savoir à tous qu'il attend un train-bloc. Alors, 20 ou 30 agriculteurs.... Il aura déjà obtenu d'eux un contrat pour leur blé, et ils commencent à charger leurs semi-remorques. Il le fait aussi vite que possible et les wagons sont déchargés en un tour de main.

Mme Cowling: Je voulais tout simplement que vous précisiez. Mon fils a travaillé pour une entreprise de moissonneuses-batteuses aux États-Unis et je savais donc qu'ils transportent leur grain jusqu'au silo-élévateur.

M. Hanson: Monsieur le président, puis-je poser une autre question à ce sujet, maintenant que Mme Cowling l'a soulevé?

Lorsqu'on va dans le sud, on constate qu'ils n'ont même pas de compartiments à grains dans les fermes. Ils transportent les céréales directement vers les silos-élévateurs où elles sont emmagasinées. Bien sûr, il faut comprendre que la saison des récoltes vient à peine de commencer et que c'est le premier avant-goût qu'ils ont du marché. D'où je viens, le moulin est déjà plein et il faut bien emmagasiner le grain quelque part.

.1715

Mme Cowling: Que pensez-vous de l'idée d'avoir de courts tronçons du chemin de fer raccordés à des grandes lignes et accorder à ces sociétés le droit de faire circuler leurs propres wagons?

M. Hanson: La plupart des lignes secondaires appartiennent à des entreprises privées ou à des particuliers. Lorsqu'un grand chemin de fer, comme Burlington Northern où la compagnie qui portait autrefois le nom de Soo Line, mais qui est devenue le CP, se propose d'abandonner une ligne secondaire, se trouve-til toujours un groupe d'agriculteurs ou quelqu'un pour l'acheter? Ce n'est pas toujours le cas, mais c'est possible. Les acheteurs se portent habituellement acquéreurs de toutes les voies ferroviaires, mais je ne sais pas ce qu'il en est du droit de circuler sur les rails de Burlington Northern ou de CP. Je ne peux pas répondre à cette question, madame Cowling.

Mme Cowling: Pensez-vous que l'idée d'opter pour des lignes ferroviaires sur courtes distances a été bonne pour les États-Unis?

M. Hanson: Elle a été salutaire. Autrement, nous ruinerions notre infrastructure, notre réseau routier. Nous avons beaucoup de bonnes routes, mais si on laisse des semis-remorques transportant 100 000 livres de grains y circuler surtout au printemps ou lorsque la chaussée est mouillée, on risque d'endommager l'infrastructure. Il faut des voies ferrées, et des lignes secondaires, et tout ce qui va avec. Il faut que tout cela fonctionne comme un tout. Il faut que ce soit rentable également, sinon le système ne peut pas fonctionner.

Mme Cowling: J'ai une autre question.

Le président: Très courte, parce que vous avez épuisé votre temps de parole.

Mme Cowling: Ai-je raison de penser, d'après vos commentaires, que vous préféreriez, et de loin, que le grain soit transporté par rail plutôt que par camion?

M. Hanson: Si on peut obtenir un meilleur prix pour les agriculteurs en utilisant le rail, et s'il en coûte moins cher pour le faire, alors qu'on choisisse cette solution. C'est là l'essentiel. S'il en coûte moins cher pour acheminer le grain par camion, qu'on le transporte par camion. Choisissons la solution qui est la plus rentable pour nos agriculteurs.

J'ai pris ma retraite au printemps, mais j'ai été agriculteur toute ma vie. Meilleur est le prix que j'obtiens pour mon grain, plus il m'est facile de payer ce que j'ai à payer. Peu importe la solution retenue, mais nous devons nous assurer qu'ils payent des taxes pour l'entretien des routes. Toutes nos routes sont construites grâce aux taxes sur l'essence.

M. Collins: Orlin, c'est un plaisir de vous avoir parmi nous.

Monsieur le président, je suis persuadé que de tous les gens qui vivent le long de la frontière, l'un des plus grands ambassadeurs des États-Unis, l'un des plus connus dans la région de Carievale et de Carnduff en Saskatchewan est Orlin. Je sais qu'il a pas mal fréquenté les milieux politiques du coin.

Maintenant que la LTGO est chose du passé, qu'est-ce qui attend les producteurs de notre région, les producteurs de Carnduff et de Carievale? Quels sont leurs débouchés?

M. Hanson: Tout d'abord, nous savons que vos agriculteurs veulent avoir accès à nos marchés. La première question à se poser est la suivante: êtes-vous prêts à vous engager à cultiver une certaine surface en blé? J'entends par là que vous ne pourriez cultiver qu'un certain nombre d'acres par quart de section. Êtes-vous prêt à vous plier à certaines des lois les plus stupides qu'on ait jamais vu et que nous devons subir? Êtes-vous prêt à supporter toutes les lois environnementales que nous tolérons? Il n'y a pas à s'en sortir. L'agriculteur canadien est-il prêt à cela?

Il voit que nos prix sont élevés. L'une des raisons pour lesquelles ils sont tellement élevés, c'est que nous essayons de contrôler la quantité de grains que nous cultivons au lieu d'inonder le marché, tandis que votre système les autorise à faire pousser ce qu'ils veulent. Bien sûr, ils peuvent commercialiser leurs produits si vous pouvez les vendre. Certains de ces porduits se retrouvent sur notre marché, et cela irrite au plus haut point certains de nos agriculteurs, parce que lorsque nous avons une mauvaise année et que nous n'avons pu obtenir que 20 boisseaux l'acre, nous nous attendons à avoir 60$ le boisseau pour notre blé. Si les Canadiens s'amènent avec du blé dur et que les prix baissent à 5$, nos profits en prennent pour leur rhume. C'est là ma question, monsieur Collins.

J'ai vraiment eu mon mot à dire sur l'Accord de libre-échange lorsque M. Donahue travaillait au département d'État et avait le Canada dans son secteur de responsabilité. À l'époque, j'ai pensé que nous devrions avoir le même système que vous, un certificat d'utilisateur. Ainsi, pour vendre, il aurait fallu s'adresser à un utilisateur final de sorte que notre système n'aurait pas été touché. C'est ce qu'ont toujours eu nos minotiers, Cargill, Continental, et tous nos acheteurs de grain.

.1720

Nous avons acheté beaucoup de céréales de l'Argentine et d'autres régions du monde. En collaboration avec nous, c'est votre Commission canadienne du blé qui a empêché les choses d'aller de l'avant pendant un certain nombre d'années. Ces dernières années, ils ont été autorisés à vendre sur le marché. Il aurait fallu, je pense, qu'il y ait un utilisateur final. Cela ne me cause aucun problème.

M. Collins: Je sais que vous avez le Programme de mise en valeur des terres de culture, le CRP. Je m'en aperçois lorsque je vais à Noonan, à Crosby et ailleurs.

Il y a certains points qui ont été soulevés durant nos discussions ces jours derniers - j'aurais aimé que vous ayez été ici pour les entendre - et l'un d'eux avait trait aux camions. Vous avez parlé des camions qui sont stationnés là et dit que vos collègues du Dakota nord se retrouvaient derrière toute une armée de camions canadiens. Quelqu'un a dit que ce sont tous des camions de la Commission canadienne du blé. J'ai répondu que j'aimerais en avoir la preuve. Malheureusement, je n'ai obtenu aucun document.

M. Hanson: Que voulez-vous dire par des «camions de la Commission canadienne du blé»?

M. Collins: Je veux dire qu'ils ont tous des permis et qu'ils sont passés par la Commission canadienne du blé, et qu'ils y vont tous, selon Hoyle.

M. Hanson: Mais, monsieur le président et monsieur Collins, ils n'avaient pas de certificats d'utilisateur avec eux et se dirigeaient donc vers notre marché.

M. Collins: Oh, je ne...

M. Hanson: Je vais vous dire ce qui vous a tant ulcéré. Cargill a acheté une bonne partie de votre grain qu'il voulait acheminer via les ports du golfe, mais il l'a chargé dans son élévateur et dans nos automotrices alors même que nous avions de la difficulté à trouver assez de wagons pour transporter notre propre grain vers le marché. Bien sûr, cela a causé un problème.

Le président: D'après nos renseignements, c'est que nous vendions un blé dur de meilleure qualité que celui qui était fourni aux minoteries américaines. Ce n'est pas parce que nos produits passent par le système américain et sont expédiés par les ports du golfe.

M. Hanson: Monsieur Easter, il y avait eu une entente. Je ne dis pas que c'était du blé dur de meilleure qualité que le nôtre, même si vous le prétendez. Nous étions à court de blé dur, et nous étions à court de blé dur de haute qualité, et j'admets que ça en était en bonne partie. Vous vous êtes servis de notre système pour acheminer votre blé vers les minoteries, mais lorsque notre système a été inondé - comme je l'ai dit, nous avons eu une récole exceptionnelle - et que les agriculteurs n'ont pas eu assez de blé pour payer leurs factures, le seul fait de voir ces camions canadiens en a irrité plus d'un.

M. Collins: J'ai lu dans la revue The Western Producer, un article selon lequel un certainM. Galvan, des États-Unis, aurait dit que ces derniers sont prêts à affecter 900 millions de dollars sous la forme de subventions à votre programme de blé. Une chose que je connais, Orlin - et je suis persuadé qu'il en a été question hier - c'est le Programme de subventions aux exportations. Nous ne devions pas parler de ces choses, mais lorsque nous disons à nos agriculteurs que le tarif du Nid-de-Corbeau est une chose du passé et que la subvention a été supprimée et que j'apprends ensuite qu'il y aura un programme d'aide de 900 millions de dollars, je me dis que les gens vont commencer à se demander si nous sommes tous soumis aux mêmes règles du jeu. Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet?

M. Hanson: Tout d'abord, les 900 millions de dollars dont ce gars a parlé représentent la somme qui a été autorisée il y a un an. Clinton n'a utilisé que 320 millions de dollars sur ce montant. Il n'a pas utilisé le reste.

Mais revenons au Programme de subventions aux exportations. Je sais que c'est une vraie pomme de discorde pour vous et pour les Australiens. Les États-Unis l'ont adopté pour amener le Marché commun européen à la table des négociations du GATT concernant l'agriculture. Jusqu'à ce moment-là, le Marché commun européen avait refusé de remplacer les subventions.

Il faut que vous vous rendiez compte qu'il y a dix ans...lorsque je parlais d'Eric Berntson, je parlais du cartel du grain. C'était au début des années 1980, lorsque les Européens ne faisaient pousser aucun grain en Europe alors qu'il y avait une subvention. Je pense qu'elle est de l'ordre de 12$ le boisseau pour le blé dur, n'est-ce pas? Regardez combien de céréales ils produisent maintenant. C'était la seule façon que nous avions d'amener le Marché commun européen à la table du GATT. Et les Européens vont continuer à avoir besoin de cette subvention aux exportations jusqu'à ce que la situation se soit rétablie.

Je suis persuadé que si nous gardons Gingrich et Dole et que si les Républicains continuent à contrôler le Congrès, cette subvention va disparaître. Je peux vous dire qu'elle va disparaître, parce que ces gars n'aiment pas que le gouvernement.. Ils veulent se débarrasser de cet argent. Donc, cette somme de 900 millions de dollars était là, mais...

Laissez-moi vous parler pendant quelques... J'aimerais vous donner des précisions au sujet de cette subvention et vous montrer comment elle va disparaître.

.1725

Il y a à peu près dix ans, sur nos terres au sud de la frontière, nous touchions entre 3 500$ et 6 000$ à peu près par quart de section sous la forme de subventions. Cela englobait le CRP. C'est le genre d'argent que je touchais pour les prêts et autres choses du genre. Les choses ont changé au point où nous recevons maintenant moins de 1 000$ par quart. Je ne veux pas parler des subventions aux exportations, mais c'est là qu'en sont les chiffres. Tout cela va disparaître, dans l'année qui vient, je pense.

Les subventions aux exportations vont être maintenues parce qu'ils en ont besoin. Je sais que cela vous fait du tort et que cela en fait aussi aux Australiens, mais c'est pour la raison que je vous ai donnée. C'est la seule raison. Clinton n'a utilisé que le tiers des fonds; c'est tout ce qu'il a utilisé cette année.

M. Collins: J'ai une ou deux choses à dire, Orlin. J'ai parlé à certaines personnes et lorsque je leur ai dit que des gens du Dakota du Nord et vous, qui toute votre vie avez vécu le long de la frontière, songeaient à la Baie d'Hudson, certains ont pensé que nous étions devenus fous. Pourtant, le fait est que nous allons devoir trouver le moyen le plus économique, qui nous procure le plus d'argent à tous, surtout à ceux qui sont agriculteurs et qui doivent vendre leurs produits, et à temps.

Nous sommes en train de discuter de droits de circulation lorsque nous vendrons le CN, de la possibilité d'accorder aux chemins de fer le droit de circuler sur les rails d'autres sociétés de chemin de fer. Est-ce que ce serait un incitatif de plus dans le cas de la Baie d'Hudson?

M. Hanson: J'ai fait ma petite recherche sur l'échange des wagons à grains. Je ne suis pas allé très loin, mais l'une des observations que j'ai écrites, monsieur le président, c'est qu'il faudrait encourager CP Rail à conclure avec CN Rail un accord sur les échanges de wagons pour que plus d'élévateurs aient accès au port de Churchill pour l'exportation et pour que le volume des mouvements de grain, notamment, et d'autres cultures augmentent. C'est ce qui est ressorti de l'étude qui avait pour titre le Pont de l'Arctique ou la Porte du Nord.

M. Collins: Puis-je faire une observation?

Le président: Une dernière question, Bernie. Nous sommes en retard.

M. Collins: Lorsque Orlin a mentionné le travail en équipe, cela m'a fait penser à ce qu'ils ont fait dans la ville de Minot. Pour nous aider à construire des barrages sur la Rafferty-Alameda, les habitants de la région se sont imposés une taxe de vente qui leur a permis d'aller chercher à peu près 43 millions de dollars américains pour la construction de ces ouvrages.

Si nous concluons un accord, à quel genre d'arrangements songeriez-vous, et quels sont les coûts auxquels vous pensez si nous étions prêts à dire que nous allons examiner la situation dans le cas du port de Churchill? Que seriez-vous prêts à payer, ou quel genre de paiement vous semblerait raisonnable pour avoir accès à ce port, en plus de remettre la route 8 en état?

M. Hanson: Tout dépend de la quantité de grain que vous allez acheminer chez nous.

Le président: Tout dépend dans quelle mesure vous allez essayer de nous empêcher d'écouler nos produits.

M. Hanson: Vous savez, vous et moi, Bernie, nous allons devoir nous asseoir là, derrière, pour essayer d'y voir clair. Je vous le dis, monsieur le président, la discussion va être plutôt animée jusqu'à ce qu'on ait une meilleure idée de la situation. Mais tout le monde devra faire des concessions.

Les États-Unis cherchent le meilleur marché pour leurs céréales afin que l'agriculteur obtienne le plus d'argent possible pour sa récolte, de manière à pouvoir payer ses dépenses et ses taxes. Cela va être le facteur déterminant: la rentabilité. Je pense que c'est le gouverneur Schafer qui a dit ceci:

Le président: Monsieur Morrison, avez-vous une ou deux questions à poser?

M. Morrison (Swift Current - Maple Creek - Assiniboia): Pour en revenir au port de Churchill, monsieur Hanson, je ne suis pas d'accord avec vous sur l'état du chemin de fer muskeg. Nous transportons des wagons-citernes remplis d'huile sur cette ligne. Peu importe ce que les wagons transportent, le poids sur le chassis est le même.

La façon dont vous vous proposez d'acheminer vos foutus produits vers le chemin de fer de la Baie d'Hudson m'inquiète un peu. Vous pouvez aller jusqu'à la Sioux et faire un grand détour pour revenir. Mme Cowling pourra me corriger, mais je ne pense pas que la ligne du nord qui passe par le Manitoba soit idéale pour le transport des grains vers la ligne de Churchill. Avez-vous examiné de plus près cette partie de votre proposition?

.1730

M. Hanson: Monsieur Morrison, quelle circonscription représentez-vous?

M. Morrison: Je suis le voisin de Bernie; je suis de Swift Current.

M. Hanson: En examinant cette situation et les sociétés ferroviaires et autres et en ayant joué un rôle dans ce corridor commercial central de l'Amérique du Nord, nous avons entendu un grand nombre de rumeurs sur le fait que le pool et les céréaliculteurs de l'Ouest prévoient de construire deux terminaux céréaliers. Le premier sera construit près de ma ville de l'autre côté de la frontière, l'autre à côté de mon rang de Carievale et l'autre sera construit à Redvers.

On propose également ici que la marchandise pourrait être transportée vers Carlyle par camion; nous irions jusque là. Ou on peut également utiliser les lignes de courte distance sur la partie est du Dakota du Nord et monter jusqu'à Winnipeg. Il y a donc plusieurs possibilités. Nous pouvons charger la marchandise à Northgate - je n'ai pas de carte sous la main - mais cela se trouve à l'ouest de chez moi où il y a une société ferroviaire. C'est là qu'est exploitée une grande quantité de potasse. Par conséquent, vous voyez qu'il y a plusieurs possibilités.

Dans la présentation, je citais ce que j'avais lu sur la société ferroviaire ici. J'ai l'intention de m'y rendre le mois prochain.

M. Morrison: Ce que je voulais dire, c'est que pour que votre proposition fonctionne vraiment, vous devez pouvoir charger un train de 100 wagons et l'amener jusqu'à Churchill sans vous arrêter. Nous avons du travail à faire avant d'y arriver.

Ma deuxième question porte à nouveau sur votre présentation dans laquelle vous avez parlé des difficultés à la frontière, de la bureaucratie, etc. Si un wagon est scellé, quel est le problème? Je ne vois pas quelle difficulté vous auriez dans ce cas. Ce serait la même chose que d'amener de la marchandise sous scellés.

M. Hanson: Monsieur le président et monsieur Morrison, vous n'auriez pas les mêmes problèmes avec ce train de 100 wagons qu'avec les camions qui passent la frontière. Le problème que nous avons tient au fait que si 100 semi-remorques passent la frontière, cela signifie 100 chauffeurs différents et 100 camions différents, et que chaque chauffeur a une attitude différente sur la façon dont il roule.

Il y a un aspect dont je n'ai pas encore parlé aujourd'hui. Nous devrions instaurer un système de cartes vertes le long de la frontière, car cela nous serait utile - même si ce n'est pas l'endroit pour le faire. Je crois que l'on a essayé ici dans l'Est. On en parle près de notre port, où on aurait à payer un montant quelconque, que ce soit 25, 50, 100$ ou autre, qui serait l'équivalent d'une carte de crédit que vous montreriez. Et de temps à autre, vous feriez l'objet d'une recherche impromptue. Ce sont des choses que nous devons mettre en oeuvre si nous voulons établir un système efficace pour passer la frontière, commercialiser notre marchandise et obtenir le maximum pour nos gens.

J'ai traversé cette frontière bien des fois. Je sais que l'on peut traverser 100 fois, et tout d'un coup, vous tombez sur quelqu'un qui ne se sent peut-être pas très bien ce jour-là et qui décide de créer la pagaille.

M. Morrison: Oui, c'est celle que je rencontre toujours chaque fois que je pase la frontière.

M. Hanson: Ce n'est jamais «elle», c'est généralement un «il».

Le président: Est-ce tout, monsieur Morrison?

M. Morrison: Oui merci.

Le président: Monsieur Penson, aviez-vous une question?

M. Penson: Oui.

Je ne sais pas si vous avez la réponse, monsieur Hanson, mais vous avez parlé des lignes de chemins de fer de courte distance et des sociétés ferroviaires des États-Unis. Vous savez probablement qu'il est question de privatiser le CN au Canada, et c'est là l'une des idées que j'ai essayé de faire valoir pendant un certain temps est que nous pourrions en faire une plate-forme publique sur laquelle il pourrait s'établir une concurrence de la part des nombreuses sociétés ferroviaires. Je ne connais pas bien votre situation dans le Dakota du Nord. Cela existe-t-il dans votre pays?

M. Hanson: Non. Toutes les sociétés ferroviaires sont privées. Nous avons si peu de choses qui sont propriétés du gouvernement, que ce soit les entreprises, les sociétés ferroviaires et ainsi de suite, que c'est une condition pratiquement non existante.

Burlington Northern possède une voie de chemin qui passe par Grand Forks. Il y a une ligne de courte distance - et je ne sais même pas quel est son nom - qui va jusque là. Elle paie la Northern pour acheminer les wagons qui sont alors chargés et elle est payée pour les acheminer. C'est la façon dont les choses fonctionnent. Elle doit payer pour utiliser la voie.

Les entreprises privées s'entendent, tout comme vous et M. Morrison pourriez vous entendre. Si vous voulez transporter votre grain sur sa route, vous concluez une entente et vous payez le prix. Si vous ne pouvez pas vous permettre de payez le prix, vous ne passerez pas par là, mais vous pouvez trouver une autre société ferroviaire pas très loin de chez vous qui pourra probablement le faire. C'est tout le concept du système de l'entreprise privée.

.1735

M. Penson: Dans certaines parties de notre pays, le probleme vient du fait qu'il y a de grandes régions où il n'y a aucun service suffisamment proche et c'est la raison pour laquelle j'ai pensé à cette idée.

M. Hanson: Nous devons donc faire preuve d'originalité dans notre façon de fonctionner pour que le gouvernement accorde des subventions dans une certaine mesure. Mais il ne faut le laisser vous subventionner au point où il va commencer à... car dans notre pays, lorsque le gouvernement vous donne quelque chose, il vous dit toujours quoi faire avec.

M. Penson: C'est la même chose partout.

Le président: C'était une de mes principales questions. Au Canada, nous avons un énorme territoire qui est très éloigné des côtes et nous avons pratiquement une situation de monopole naturel des sociétés ferroviaires, ce qui est assez différent de votre propre situation.

Un certain nombre de groupes sont venus comparaître et nous ont donné des opinions diverses sur le système ferroviaire aux États-Unis et sur son efficacité. Certains ont prétendu que les frais de transport sont nettement inférieurs à nos frais de transport réels qui seront appliqués le 1er août, et d'autres nous ont donné des exemples de tarifs beaucoup plus élevés que les nôtres.

Quelle est vraiment la situation des sociétés ferroviaires aux États-Unis, d'après ce que vous en savez?

M. Hanson: Nous sommes parfois très découragés, car nous pensons que les tarifs sont très élevés. Mais je me souviens lorsque j'utilisais un semi-remorque dans les annés 1960 et 1970. J'amenais du grain jusqu'à Duluth et Minneapolis. Nous n'utilisions pas les chemins de fer. Il y avait une ligne ferroviaire dans notre ville, mais c'était avant que l'on abandonne bon nombre de ces lignes. Bien entendu, c'est ce qui a fait que ces lignes ont été abandonnées, le fait que les tarifs ferroviaires étaient beaucoup trop élevés. C'est pourquoi nous avions recours au camionage. C'est ce qui se passe aujourd'hui. Si les tarifs ferroviaires deviennent trop élevés, les camions prendront la relève puisque nous avons un système de route inter-États.

J'ai transporté du train jusqu'à Snake River, au sud de Spokane, dans l'État de Washington. J'ai transporté du blé de Wolfe Point, dans le Montana. Nous desciendions le long de la Snake River et revenions le long de la frontière canadienne vers la Colombie-Britanique, prenions un chargement de 4x6 que nous amenions jusqu'à Mequon au Wisconsin, nous amenions un chargement quelque part dans le Dakota du Nord, ramassions du blé et le ramenions.

Si les tarifs ferroviaires deviennent trop élevés, nous pouvons donc recourir aux camions, c'est aussi simple que cela.

Le président: Le troisième paragraphe de la lettre du gouverneur Schafer - et je pense que vous y avez fait allusion - se lit comme suit:

Ce «si» est très important. Le comité examine bien entendu la proposition concernant Churchil. Nous examinons les répercussions sur la Voie maritime et un certain nombre d'autres facteurs. Mais comment pensez-vous que nous, ici, et vous, aux États-Unis, puissions savoir si ce concept sera efficace et rentable?

M. Hanson: Premièrement, monsieur le président et mesdames et messieurs, les membres du comité, avons-nous vraiment envisagé la possiblité de Churchill? Avons-nous jamais dit que c'était une solution viable si nous pouvions la rendre rentable pour que l'on puisse y investir des fonds suffisants? C'est là la clé du problème. Jusqu'à maintenant, on a adopté une approche fragmentée.

D'après tous les livres que j'ai lus et étudiés et d'après ce que j'ai entendu dire au cours des années sur Churchill, je pense que nous n'avons jamais réellement envisagé cette possibilité car le port de Churchill a essentiellement une saison de trois mois. Jusqu'à présent, on disait que les Russes avaient cette capacité. Les Russes ont maintenant le droit de briser les glaces pour se rendre où se trouve ce tremblement de terre, ils ont donc la capacité.

Avons-nous vraiment envisagé honnêtement cette solution? Tout d'abord, le deux pays doivent s'engager réellement à étudier honnêtement la question pour voir si c'est une solution viable afin d'obtenir les investissements nécessaires.

Ce ne peuvent être des fonds publics. Il faut que ce soit l'industrie privée qui soit prête à investir pour faire un profit. Vous devez lui donner l'occasion de faire un profit, cela est essentiel - et elle interviendra. Elle doit comprendre que nous la soutenons et que les deux gouvernements feront tout leur possible.

Ed Schafer vient juste de faire faillite; sa ferme aquicole vient de faire faillite. Je ne sais pas combien de millions de dollars il a perdu. Mais c'est un homme d'affaires et il comprend que l'on peut perdre autant que l'on peut gagner. Il dit qu'il soutiendra l'idée, et je suis d'accord avec lui.

Pour le moment, il propose que nous rencontrions le premier ministre Filmon - il souhaite que je le fasse et j'ai commencé déjà les démarches. J'ai parlé à Jim Downey et nous allons établir une commission frontalière consultative officieuse. Nous l'avions organisée avec Eric Berntson en Saskatchewan lorsque M. Devine était premier ministre. J'en ai déjà parlé. Ils se rencontraient régulièrement et c'est une des choses qu'ils vont examiner très sérieusement. Le premier ministre et le gouverneur seront présidents et il y aura une dizaine environ de ministres et de directeurs d'agences et législateurs de chaque côté qui y siégeront et essayeront de trouver une solution.

.1740

Le président: Nous n'allons pas aborder la question de l'accroissement des exportations, aussi intéressant que cela puisse être.

Au nom du comité, je vous remercie d'être venu comparaître et de nous avoir donné votre point de vue. Nous ferons en sorte que la lettre du gouverneur parvienne au président du Comité de l'agriculture et sans doute au ministre de l'Agriculture. Nous sommes tout à fait prêts à envisager l'idée et l'étudier. Merci beaucoup M. Hanson.

M. Hanson: Merci monsieur le président. C'est un privilège d'être ici aujourd'hui avec vous et de pouvoir parler à tous les membres du comité et répondre à vos questions.

Le président: Nous appelons maintenant M. Ted Allen, le président de l'Union des producteurs de grains limitée.

.1741

PAUSE

.1752

Le président: À l'ordre, s'il vous plaît.

Ted, vous avez la parole. Monsieur Allen.

M. Ted Allen (président, Union des producteurs de grain): Merci monsieur le président et merci de prendre le temps d'écouter notre présentation.

Premièrement, j'aimerais parler de la question de la privatisation du CN simplement parce que cela touche l'agriculture.

Je pense qu'il est important que, dans le cadre de l'examen de cette question par le gouvernement, de ne pas imposer au CN une dette exorbitante. J'ai entendu des chiffres de l'ordre de 1,5 milliard de dollars. L'analyse préliminaire que nous avons faite indique que, dans ces conditions, le CN ne serait pas en mesure de concurrencer le CP ni même certains transporteurs américains. Je dirais que 1 milliard de dollars est sans doute le montant maximum que le CN devrait se voir imposer.

Je m'inquiète également du fait qu'on ne sait pas vraiment quelle sera la dette du CN par rapport à ce que représenterait la vente de certains de ses actifs extra-ferroviaires.

C'est pourquoi j'inciterais certains députés de faire en sorte que le niveau de dette du CN soit juste afin d'établir des règles du jeu équitable; il y a un juste milieu, comme le CP l'a fait remarquer, entre l'exonorer totalement de sa dette et lui imposer une dette tellement énorme qu'il ne pourra plus fonctionner efficacement. Je suis un peu inquiet des chiffres qui sont actuellement avancés.

J'aimerais parler également brièvement des modifications à la LTGO. Je pense que le secteur de la manutention du grain, le secteur du transport et les agriculteurs ont tous un intérêt en commun à savoir qu'on supprime la plus grande partie des coûts du système afin de pouvoir partager les profits équitablement entre tous les intervenants.

.1755

J'ai soulevé cette question car je constate que l'on prend un certain nombre d'initiatives qui ne semblent pas aller dans cette direction. J'en mentionnerai quelques-unes.

Tout d'abord, il y a cette disposition visant une pénalité de 10 000$ par mille, si vous voulez, imposés aux sociétés ferroviaires si elles abandonnent des lignes, mais non si elles les vendent à titre de lignes secondaires. Je pense que cela aura des conséquences qui sont contraires aux intérêts de tous.

Premièrement, cela poussera les sociétés ferroviaires à ne pas abandonner les lignes pour lesquelles il y a une possibilité d'économiser 10 000$ ou moins. D'autre part, cela pourrait créer des tronçons non rentables, ce qui là encore n'est dans l'intérêt à long terme de personne. Troisièmement, cela ralentira le processus de rationalisation et de réduction des coûts du réseau.

La proposition qui vise à augmenter les frais de transport pour tous les agriculteurs de 4c. à 18c. la tonne est une autre modification du Comité des finances réellement regrettable. À notre avis, c'est un texte de loi déplorable.

Premièrement, dans un communiqué de presse sur les changements apportés à la mise en commun, le ministre de l'Agriculture a indiqué que l'un des principaux objectifs de ce changement était d'éliminer l'inter-financement. L'amendement du Comité des finances propose d'ajouter un nouvel élément d'inter-financement au système. Ironiquement, c'est un inter-financement à rebours qui fait en sorte que les Prairies de l'Est subventionnent les Prairies de l'Ouest.

Surtout, ce genre d'initiative laisse croire aux investisseurs que le gouvernement n'envisage pas sérieusement de créer une entité rentable puisqu'il va continuer d'imposer au système des éléments de politique sociale à ces entités commerciales.

Cette augmentation des frais de transport pour les agriculteurs signifie réellement que 100 p. 100 du secteur agricole va subventionner deux lignes ferroviaires de courte distance, qui ne sont probablement pas rentables en soi, et l'effet de ruissellement de cette subvention à 1 p. 100 des agriculteurs qui se trouvent sur ces lignes est marginal dans le meilleur des cas.

Vous constaterez également que cette subvention des agriculteurs aux sociétés ferroviaires n'est même pas très rentable puisque elles doivent être subventionnées de toute façon dans la mesure où les coûts de transport par camion du grain à partir de ces lignes de courte distance sont entre un quart et la moitié du coût de ce que représente la subvention versée à cet exploitant de courte distance.

La ligne de courte distance dans le sud de la Saskatchewan est composée de deux très petits tronçons, le plus long étant je pense de 26 milles, je crois. La ligne de courte distance de l'Alberta prend la forme d'un T, mais vous constatez que la partie ouest de ce T est celle qui produit le gros des céréales. En fait, le point d'expédition le plus important est Stettler, qui se trouve là où la ligne de chemin de fer de courte distance se raccorde à celle du CP. Les subventions versées sur ce tonnage sont en fait versées à l'exploitant de la ligne courte distance pour déplacer les wagons de l'autre côté de la ville.

.1800

L'autre grand point de livraison de la ligne courte distance se trouve dans la partie la plus au sud de la ligne, c'est-à-dire à 10 ou 15 milles de la ligne principale du Canadien national. En fait, on ne peut pas transporter le grain dans cette direction par chemin de fer, mais celui-ci doit être déplacé sur de nombreux milles vers le nord pour se raccorder avec la ligne principale selon un mouvement qui défie toute logique.

J'aimerais soulever un autre point en ce qui concerne cet amendement. S'il est adopté, vous allez avoir des agriculteurs qui transportent actuellement du grain sur 40 milles ou plus, sans subvention, subventionner des agriculteurs qui transportent du grain sur une distance plus courte. Là encore je pense que ce n'est pas une proposition très judicieuse.

Par conséquent, je dirais que cet amendement est un ensemble illogique et est contraire à la volonté du gouvernement et de l'industrie d'avoir un système rentable et, pour utiliser ce mot qui en offusque certains, efficient.

Pour conclure, il est important d'ajouter que vous demandez en réalité qu'un groupe d'agriculteurs subventionne deux sociétés ferroviaires dans l'espoir qu'une partie de cette subvention aboutira au 1 p. 100 d'agriculteurs qui seront touchés. Les agriculteurs qui livrent leur grain à la société ferroviaire de courte distance paieront des tarifs élevés comme tout le monde.

Pour terminer, je dirais que la plupart des intervenants du secteur du grain n'ont pas abordé ce sujet plus tôt parce que personne ne croyait qu'il était possible que l'on propose ce genre d'amendement qui nous a tous pris pas surprise. La grande majorité des intervenants, quelle que soit leur position dans le débat sur la commercialisation, estime que cette initiative est mal conçue et devrait être retirée.

Je sais que le temps nous presse, que le projet de loi C-76 devrait passer très bientôt au stade du rapport et de la troisième lecture, mais je vous demande instamment de revenir sur cet amendement et de le renverser si cela est encore possible. J'ai parlé à certains membres du comité des Finances et j'ai l'impression que si le comité de l'Agriculture devrait lui dire que cet amendement devrait être retiré, le comité des Finances ne contesterait pas les experts en agriculture et n'y verrait pas là une insulte.

.1805

Finalement, j'aimerais parler brièvement des 300 millions de dollars que l'on a proposé pour le fonds d'adaptation. On a proposé un certain nombre de bénéficiaires. L'Union des producteurs de grain estime qu'il ne peut y avoir que deux bénéficiaires légitimes. Nous croyons qu'une partie de ce fonds devrait être consacrée à compenser les agriculteurs qui vont subir les effets des changements apportés au système de mise en commun. Nous croyons que le reste du fonds devrait être remis aux municipalités rurales pour qu'elles aménagent l'infrastructure routière de manière à faire face au nouveau contexte de transport rural qui découlera de la rationalisation du transport ferroviaire et des silos-élévateurs.

Monsieur le président, voilà qui conclut mes remarques. Je sais qu'il est tard. Je répondrai volontiers à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Allen.

M. Penson: Ted, je me demande si vous pourriez nous donner plus de renseignements sur le fonds d'adaptation de 300 millions de dollars par rapport aux agriculteurs qui vont subir les effets du nouveau système de mise en commun. Vous suggérez que c'est l'une des utilisations légitimes du fonds. Pourriez-vous m'expliquer ce que cela voudrait dire?

M. Allen: Je crois que les gens des Prairies de l'Est devront s'adapter à ce changement. Je suis tout à fait contre les subventions actuelles, mais je crois qu'il est parfaitement légitime d'accorder aux gens un financement de transition à court terme afin qu'ils adaptent leurs entreprises à la nouvelle réalité.

M. Penson: C'est ce que j'essayais de découvrir. Je n'étais pas sûr de ce que vous vouliez dire.

Pourriez-vous me dire également si la Loi sur les chemins de fer ou la loi qui régira le fret pendant la période de cinq ans prévue permettront une transition suffisante. Les règlements seront-ils suffisants? Comment envisagez-vous le fonctionnement du nouveau système une fois que la LTGO sera abandonnée?

M. Allen: Dans notre secteur, certains ont cru, je crois à tort, que la loi qui suivrait la LTGO serait un rejeton de la LTGO. C'est la raison pour laquelle je pense que de nombreux intervenants ne se sont pas beaucoup intéressés à la Loi sur les transports nationaux, c'est la loi qui les régira aux alentours de l'an 2000.

De plus, la loi de 1987 sur les transports nationaux est elle-même modifiée. M. Mulder, le sous-ministre des Transports, était à Winnipeg il n'y a pas longtemps pour s'adresser au secteur céréalier, car celui-ci avait soudain décidé qu'il n'était pas suffisamment au courant de ce qu'allait être la nouvelle Loi sur les transports nationaux.

On peut sans doute en attribuer en partie la faute au ministère des Transports. Il a averti l'industrie suffisamment à l'avance de ces changements, mais une industrie qui est composée à 25 p. 100 de sociétés ferroviaires aurait dû être consultée de façon plus dynamique pour qu'elle puisse contribuer aux révisions de la Loi sur les transports nationaux.

Par contre, je pense que le secteur céréalier est également à blâmer en partie après avoir été insuffisamment vigilant en ce qui concerne les implications de la nouvelle loi, peu importe ce que cela signifiait de fonctionner en vertu de l'ancienne Loi sur les transports nationaux. Je pense qu'une bonne partie de toute cette question est prise en compte dans les dispositions sur la protection des expéditeurs de la nouvelle Loi. Des experts techniques et des représentants de la Western Grain Elevator Association et de Transports Canada négocient actuellement, si je puis utiliser ce terme, sur divers types de mécanismes qui permettraient d'assurer, dans les régions où il n'existe pas de concurrence ferroviaire réelle, que les expéditeurs disposent des outils nécessaires pour ne pas être exploités dans cette conjoncture.

.1810

M. Penson: Merci.

Mme Cowling: J'aimerais vous parler brièvement de la modification proposée au Comité des finances. Je crois que vous avez signalé qu'à votre avis nous devrions retirer cette modification. Pour la gouverne de mes collègues, tout semble indiquer que puisque nous avons un plafond pour ce taux maximal - nous avons décidé de les prolonger même au-delà de la LTN - et cela ne permettra pas d'assurer la déréglementation du système. Cela ne permettra pas l'abandon des embranchements qui font l'objet de l'interfinancement par nombre d'intervenants dans l'Est des Prairies, cela ne permettrait pas de peaufiner le réseau et cela forcera les utilisateurs des lignes principales à assumer les coûts supplémentaires.

Est-ce que j'ai bien compris la nature du problème?

M. Allen: Sauf le respect que je vous dois, je ne crois pas.

D'abord, je ne sais pas s'il y a un plafond pour les tarifs après l'an 2000. J'avais pu comprendre que le gouvernement et les divers intervenants discutaient toujours de la question et se demandaient si le plafond devait être prévu après l'an 2000. La proposition originale était de laisser tomber le plafond.

Cela dit... je regrette de ne pas être en mesure de vous donner le numéro de l'amendement, mais je crois qu'il s'agissait du numéro 51. Cet amendement a entraîner une augmentation du taux maximal pour tous les intervenants d'entre 4c. et 18c. la tonne. Tout semble indiquer que les sociétés ferroviaires ont accepté, de façon formelle ou non, de simplement offrir un chèque aux deux exploitants de lignes secondaires pour, en fait, subventionner leurs activités en sus de ce taux.

Permettez-moi de m'expliquer: la différence entre l'ancien taux et le nouveau taux serait remboursée aux exploitants de lignes secondaires par les grandes sociétés ferroviaires. Tout cela n'aurait aucun impact sur les autres embranchements et les autres lignes secondaires, sauf qu'il s'agirait là d'un précédent, d'un précédent regrettable; le gouvernement sera peut-être alors forcé d'étudier la façon dont il a agi envers les autres lignes qui seront un jour abandonnées.

Pourquoi certaines lignes secondaires recevraient un traitement préférentiel?

Le président: Si vous me le permettez, j'interviendrai maintenant parce que j'ai des questions à poser sur ce sujet bien précis.

Mme Cowling: Allez-y, monsieur le président.

Le président: Nous avons étudié la question et en fait j'ai clairement indiqué que je croyais qu'on devrait ramener ces deux lignes secondaires dans le réseau. Il faut cependant se rappeler, et c'est très important, que les lignes secondaires qui existent actuellement ne faisaient pas partie des calculs de base présentés par le ministère des Finances et par Transports Canada.

.1815

Les sociétés qui exploitent les lignes secondaires sont d'avis que même si l'on prévoit la création éventuelle de nouvelles lignes secondaires, celles qui existent actuellement disparaîtraient.

Les lignes secondaires actuelles méritent-elles moins de faire partie du réseau, ce qu'on propose dans cet amendement, que les embranchements en acier à faible densité et qui seront abandonnés sous peu? Ils font également partie du réseau.

J'ai étudié la carte et je comprends ce que vous voulez dire quand vous dites qu'il faudra utiliser soit l'embranchement de Three Hills ou celui de Coronation. Je crois qu'il s'agit d'un embranchement du CN. Ces embranchements ne méritent-ils pas tout au moins le même traitement que les autres voies à faible densité qui seront de toute façon abandonnées? Elles font également partie du réseau.

M. Allen: C'est vrai, sauf que ces embranchements ne seront jamais abandonnés, tout au moins pas tant qu'on continuera à les alimenter de force, si l'on peut s'exprimer ainsi.

Il suffit d'étudier ce qui s'est produit auparavant. Une erreur n'attend pas l'autre. La première erreur était la décision du gouvernement fédéral de créer ces lignes secondaires et de décider de façon arbitraire que leurs subventions.... Il s'agit là simplement de subventions pour l'exploitation de ces lignes secondaires qui ne couvrent qu'entre 21 et 100 milles. On ne parle pas de lignes qui se rendent jusqu'au point d'exportation.

Ces subventions provenaient du montant réservé aux subventions du Nid-de-Corbeau. Ainsi, quelque 4 millions de dollars ont été pigés dans la caisse de la subvention du Nid-de-Corbeau avant même qu'on ait commencé à distribuer ce montant. Si vous demandez si on doit perpétuer cette erreur, je dois dire non. Pourquoi ne pas la rectifier?

Si ces lignes secondaires sont viables, elles n'ont pas besoin de cette subvention.

En fait, si elles sont rentables, les sociétés ferroviaires veulent que ces lignes secondaires existent, parce que dans une certaine mesure elles protègent leur volume à un prix moindre que le leur. C'est en fait la raison d'être des lignes secondaires au Canada et aux États-Unis. Un particulier peut parfois exploiter une entreprise de façon plus rentable que les grandes sociétés, tout particulièrement s'il s'agit de petites entreprises.

Je ne vois cependant pas pourquoi l'ensemble des agriculteurs devraient subventionner une entreprise qui n'offrirait les avantages, des avantages fort limités d'ailleurs, qu'à un très petit nombre d'entre eux.

Le président: Je me demande si on aurait toute cette discussion si on avait inclus d'entrée de jeu les lignes secondaires dans le taux de base. Votre argument semble logique, même si je ne suis pas d'accord avec vous. Après tout, il ne faut pas oublier que ces lignes secondaires n'avaient pas été incluses dans le taux de base.

Ceux qui exploitent les lignes secondaires, plus précisément Canadian Western, disent qu'ils ont réussi à accroître l'efficience de cette ligne - le chargement des wagons ainsi de suite. Ma question demeure: ces lignes méritent-elles d'être exclues plus que les divers embranchements qui font maintenant partie du réseau?

M. Allen: Mais quand vous parlez du taux de base, vous incluez une subvention qui n'aurait dû jamais exister. Si vous dites simplement qu'il faut inclure ces lignes parce que l'erreur avait été faite par quelqu'un d'autre, je me dois de vous signaler qu'on vous offre maintenant l'occasion rêvée de rectifier cette erreur.

.1820

Je crois que je comprends pourquoi le Comité a adopté cette motion. Il avait les meilleures intentions du monde, mais puisqu'il est maintenant conscient de certains des dangers associés à cette décision, il peut agir avant que cette nouvelle mesure devienne loi.

Si vous n'agissez pas, vous forcerez tous les agriculteurs de l'ouest du Canada, y compris ceux qui utilisent ces lignes secondaires, à accepter des coûts supplémentaires qui ne soient pas nécessaires. Vous créerez ainsi également toutes sortes de précédents et d'anomalies qui nous hanteront plus tard.

Le président: Je redonnerai la parole à Marlene. Je reviendrai à la question principale plus tard.

Mme Cowling: Je crois que nous parlions de deux choses différentes. Je parlais du plafond sur les taux maximums au-delà de la LTN. Croyez-vous qu'il devrait y avoir un plafond pour les taux maximums après l'an 2000?

M. Allen: Oui. Je crois que ce plafond devrait être assorti d'un facteur de rajustement pour tenir compte de divers facteurs comme l'inflation. Il est dans notre intérêt ainsi que dans celui du public et de l'agriculteur d'avoir des modes de transport viables, le plus grand nombre d'entre eux possible, pour que nous ayons le choix. Mais cette viabilité ne doit pas être assurée simplement par l'augmentation des revenus. Ce que l'on veut, c'est d'avoir des modes de transport viables et cette viabilité doit être assurée par une compression des coûts; les intervenants doivent réduire leurs coûts le plus possible.

Mme Cowling: C'est vrai.

Vous avez parlé de la commercialisation du CN. Croyez-vous que le CN représente un intérêt national? Croyez-vous que nous devrions avoir un réseau de voies en acier qui va d'un bout à l'autre du pays? Nous savons qu'il existe une surcapacité, mais il s'agit d'un service qui coûte cher. Croyez-vous que nous devrions continuer à assurer un service ferroviaire d'un océan à l'autre?

M. Allen: J'aimerais commencer par citer un de mes commentaires préférés fait par Pierre Berton. Il a dit que les Allemands ont construit des chemins de fer pour faire la guerre, les Américains pour mettre en valeur leur pays et les Canadiens juste pour le plaisir de le faire.

Tout cela est fini. Nous les Canadiens avons tendance à brandir le drapeau chaque fois que nous voulons faire quelque chose qui n'est pas économiquement viable. Nous ne pourrons plus faire cela très longtemps.

C'est ma façon de dire que je ne crois pas qu'une société ferroviaire appartenant à l'État est nécessaire au Canada.

Mme Cowling: Pour ce qui est de la commercialisation du CN, pensez-vous que les compagnies céréalières qui représentent les agriculteurs devraient essayer d'acheter, ou devraient être autorisées à acheter, une partie des actions du CN?

M. Allen: On nous a déjà posé cette question. Je ne vois pas pourquoi on empêcherait les compagnies céréalières d'acheter ces actions. Je suppose que chaque compagnie décidera ce qu'elle doit faire, en fonction de ce qu'elle connaît des chemins de fer ou si c'est simplement pour faire des investissements, elle décidera si ces actions offrent un bon rendement. Pour ce qui est de notre compagnie, je serais surpris si nous décidions d'investir dans le secteur des transports.

Mme Cowling: Ma dernière question porte sur le rajustement en ce qui a trait à la mise en commun des coûts de la Voie maritime - on a parlé de 300 millions de dollars. Je viens du Manitoba et mon collègue vient de l'est de la Saskatchewan; je sais que nous nous retrouverons avec certains des coûts de transport de marchandises les plus élevés au pays. En fait, si je ne me trompe, on a dit que Swan River et Estevan seraient deux des endroits où il coûterait le plus cher de charger le blé.

Quel pourcentage de ces 300 millions de dollars devrait être offert au Manitoba et à l'est de la Saskatchewan?

.1825

M. Allen: Je n'ai pas encore de réponse à cette question. Comme vous vous en doutez probablement, nous n'avons pas vraiment étudié cette question en détail parce que la United Grain Growers a des clients en Alberta et nous en avons au Manitoba et, c'est fort approprié à mon avis, nous sommes restés neutres.

Nous attendons avec intérêt de connaître la décision du gouvernement à cet égard; mais nous n'avons pas décidé quel montant serait approprié.

Mme Cowling: Puis-je poser une petite question, monsieur le président?

Le président: Très bien, vous avez 30 secondes Marlene.

Mme Cowling: Lorsque nous parlons de la LTN et de l'an 2000 et que nous étudions un système complètement déréglementé, pensez-vous qu'il faudrait tout au moins prévoir un organisme chargé de la surveillance? Un organisme qui s'assurerait que les sociétés ferroviaires n'essaient pas de nous estropier?

M. Allen: Je crois qu'on a proposé, entre autre chose, de prévoir un service à Transports Canada qui surveillerait ce secteur. Je crois que des rôles du gouvernement aient la surveillance du rendement et des activités de divers secteurs de l'économie, et cela inclut les rapports entre les expéditeurs et les transporteurs.

Je crois donc que le gouvernement a un rôle à jouer dans le secteur, mais sa présence devrait être moins importune qu'auparavant. Je crois qu'il nous faut assurer une déréglementation du secteur, mais une des choses qui nous préoccupe le plus, c'est que l'on n'a pas laissé les sociétés ferroviaires endiguer leurs coûts. Le gouvernement les a forcées à continuer à offrir des services qui ne sont pas très rentables.

Je rêve au jour où nous pourrons avoir les échanges plus francs avec les transporteurs parce qu'après tout, à certains égards, leurs intérêts ne sont pas tous compatibles. Mais il faut régler avant certains autres problèmes avant qu'on puisse passer à ces discussions.

Mme Cowling: Merci.

M. Morrison: Ted, pour en revenir aux coûts associés aux lignes secondaires, je suis malheureusement du même avis que le président.

M. Allen: J'ai personnellement étudié la situation des lignes qui se trouvent au sud de Swift Current.

M. Morrison: Il y en a également une en Alberta.

Vous dites que les lignes secondaires devraient être concurrentielles et je pourrais être d'accord avec vous, mais comment assurer la concurrence au sein d'un système réglementé? Si j'ai bien compris, les exploitants des lignes secondaires ne peuvent pas agir comme les compagnies de camionnage et dire oui, nous allons transporter vos céréales jusqu'à la ligne principale, vous nous donnez tant la tonne et il s'agit simplement là d'une entente entre l'expéditeur et la compagnie qui exploite la ligne secondaire. Cela ne serait pas autorisé. Vous devez respecter tous les principes qui entourent le réseau; si c'est le cas, pourquoi n'avez-vous pas droit au même traitement que le CP ou le CN?

Il y a eu un oubli de 3,5 millions de dollars, si j'ai bien compris, que quelqu'un a simplement oublié lors du calcul des taux d'inclure ce montant. Pouvez-vous nous expliquer la situation?

M. Allen: Tout d'abord, cet oubli de 3,5 millions de dollars représentait la subvention que ces exploitants recevaient, en sus de que recevaient les autres intervenants. Lorsque vous étudiez la situation de ces lignes secondaires, vous constatez que l'exploitant de ces lignes a reçu 3,5 millions de dollars. L'année dernière je crois que Central Western a reçu un peu moins de trois millions et Southern Rails 413 000$ ou quelque chose du genre.

.1830

Ainsi, ces sociétés ferroviaires ont reçu ce montant, puis tous les agriculteurs utilisant ces lignes, ont reçu une part égale du montant restant de la subvention du Nid-de-corbeau. Certains ont donc eu deux paiements.

Nous proposons donc de revenir à un régime où il n'y aura qu'un paiement et il n'y aura plus de subvention. Aucun autre agriculteur de l'ouest du Canada ne reçoit une subvention, direct ou indirect, pour le transport à partir du 1er août, sauf le montant de 300 millions prévu pour le financement de transition; c'est ce qu'on avait d'ailleurs proposé à l'origine pour les exploitants de lignes secondaires: donnez-leur un petit peu d'argent pour survivre pendant cette période de transition.

Ce qu'on propose maintenant, c'est d'enchâsser cette subvention dans la loi. Puisque que nos gouvernements ne subventionnent plus ce secteur de façon permanente, cet amendement assurera que l'ensemble des agriculteurs subventionneront les quelques agriculteurs qui ont recours à ces lignes secondaires.

Ce problème soulève des questions fort intéressantes; même si le projet de loi est adopté, ces questions ne disparaîtront pas. C'est particulièrement intéressant lorsqu'on pense aux montants importants qui seront prélevés dans l'économie de l'ouest du Canada pour subventionner ces deux exploitants de lignes secondaires. Je ne crois pas que les compagnies céréalières investiront dorénavant dans ces lignes secondaires. Du moins, nous ne le ferons pas.

Continuera-t-on à offrir les mêmes montants aux exploitants de lignes courtes même lorsque les investissements auront baissé, à la suite de la construction de lignes qui seront adjacentes à ces lignes courtes? J'aimerais bien construire une ligne secondaire et ne pas offrir les services, mais quand même recevoir un chèque année. Même si ce n'est pas ce qui se produit, est-ce que le montant qui est déjà accordé aux lignes secondaires sera simplement remis aux sociétés ferroviaires? Est-ce que c'est une sistuation souhaitable?

M. Morrison: Si j'ai bien compris l'amendement, le paiement sera fait en fonction du volume, et si le volume baisse, elles devront cesser le service de toute façon. On ne donnera pas cet argent tout simplement comme s'il s'agissait d'un cadeau de Noël. Il faut que ces sociétés ferroviaires assurent le transport des céréales.

M. Allen: Si cet argent est prélevé de toute façon auprès de chaque agriculteur, que se passera-t-il si les lignes secondaires n'y ont pas droit? Qu'adviendra-t-il de cet excédent?

M. Morrison: Si les exploitants de lignes secondaires ne survivent pas? C'est ce que vous entendez? Je ne sais pas. Je devrai me pencher sur la question. J'aimerais que vous nous disiez...

Le président: Je crois que cette question doit être étudiée. Mais si j'ai bien compris, s'il y a une plus grande efficience, ces économies seront réinvesties dans le réseau. C'est ce que j'ai cru comprendre.

Permettez-moi de me situer d'une autre façon. Si ces lignes secondaires qui existent actuellement étaient toujours des embranchements du réseau, elles auraient été incluses dans le tarif. N'est-ce-pas?

M. Allen: C'est exact.

Le président: Ted, je crois que vous proposez de leur accorder un traitement différent de celui qui est accordé aux autres embranchements qui n'ont pas encore été abandonnés. Personnellement je crois qu'ils devraient faire partie du réseau de base. Cette question du 10 000$ me préoccupe toujours, mais ça, c'est une autre paire de manches.

Avez-vous une autre question, Lee?

M. Morrison: Oui.

Pouvez-vous répondre à l'autre volet de ma question? Je demandais s'il était possible pour ces exploitants de fonctionner de façon indépendante du système et de simplement demander un paiement pour services rendus. Je ne crois que ça soit possible.

M. Allen: Les ports, les sociétés ferroviaires et les compagnies céréalières sont tous des prestataires de service. On oublie parfois. Ces sociétés ferroviaires existent exclusivement pour offrir des services à ces clients. Vous pouvez transporter les céréales par camion de ces endroits aux autres lignes ferroviaires pour 25 à 50 p. 100 du coût. Pourquoi insister pour maintenir ce service lorsqu'il y a une façon beaucoup plus économique de procéder?

M. Morrison: Si vos chiffres sont exacts, pourquoi vous opposeriez-vous à ce qu'on les laisse fonctionner comme exploitants indépendants du réseau? C'est ce que je veux savoir. Si j'ai bien compris, vous ne pouvez pas simplement décider de transporter des céréales par wagons de chemin de fer pour le livrer à un grand transporteur sur la ligne principale. Ce n'est pas autorisé.

.1835

M. Allen: Je m'excuse de n'avoir pas très bien répondu à cette partie de votre question. Ce qui fait l'utilité et le succès des chemins de fer secondaires, c'est qu'elles ont des intérêts en commun avec les transporteurs principaux auxquels ils sont reliés. A mon avis, c'est le cas ici aussi ou ce le sera plus tard, comme ailleurs.

Le transporteur principal a avantage à conserver pour lui la plus grande partie possible du traffic du chemin de fer d'intérêt local. Les CfIL s'arrangent donc pour conclure avec les principaux transporteurs des ententes de partage des recettes pour garantir que le transporteur aura un certain volume de céréales pour éviter que ces céréales soient confiées à d'autres transporteurs si la ligne est abandonnée. Au lieu de demander aux agriculteurs de subventionner le transport, les CFIL devraient donc s'entendre avec les principaux transporteurs.

Dans le cas de Central Western, il fait affaire avec les deux grandes sociétés ferroviaires. Si c'était à l'avantage de tout le monde, pourquoi une CIFIL ne conclurait-elle pas une entente sans demander à tous les intervenants d'y participer? A mon avis, les mêmes règles s'appliquent.

Soit dit en passant, la version actuelle de la LTN et celle que l'on propose d'adopter comprennent des règles qui donnent aux expéditeurs beaucoup de moyens de pression dans de telles négociations à cause notamment des dispositions relatives aux prix de ligne concurrentiels, aux manoeuvres interréseaux et à l'arbitrage des propositions finales qui permettent, non pas uniquement à ces transporteurs mais à tout expéditeur le long des lignes d'intervenir et d'obtenir un traitement juste et équitable.

M. Collins: Je suis heureux que vous nous ayez expliqué comment cela fonctionne. Je trouve cela intéressant de voir que certaines de vos observations... Je voudrais vous donner quelques exemples et vous demander ensuite ce que vous en pensez.

Relativement aux 300 millions de dollars, vous nous avez bien expliqué qui devrait recevoir les deux versements. Cela m'intéresse. Vous n'avez pas d'objection à ce qu'un de ces versements aille pour le ballast et l'infrastructure aux municipalités...

J'imagine que c'est ce que vous aimeriez voir et c'est ce que vous avez bien dit, mais vous ne voulez pas vraiment que le gouvernement intervienne et dise que, même s'il est d'accord pour qu'une partie de l'argent aille pour payer le ballast, mais qu'il faut aussi s'occuper de certaines autres choses. Pourquoi vous opposeriez-vous à ce qu'on se serve d'une partie de ces 300 millions de dollars pour s'occuper de certaines autres choses au lieu des aspects qui vous intéressent? Pour ce qui est d'imposer un plafond, cela ne vous dérangerait pas quand il y a des taux compensatoires et que les taux deviennent compétitifs.

Par exemple, si nous prenions la proposition de M. Easter et de mon ami d'en face,M. Morrison, à l'égard du chemin de fer dont ils ont parlé et que le chemin de fer soit toujours là, recevraient-ils une subvention et y seraient-ils admissibles? Je pense qu'ils le seraient.

Si vous me dites que non, je voudrais savoir pourquoi. Si c'était la même chose pour Great Western, et si le chemin de fer est encore là même si le service n'est plus fourni, qui va financer la ligne? Elle fait encore partie du réseau ferroviaire.

Je voudrais que vous répondiez d'abord à ces questions et nous pourrions ensuite discuter de certaines autres choses.

M. Allen: Je vais d'abord essayer de répondre à votre première question. Je n'ai pas très bien compris la dernière et je voudrais donc que vous la répétiez.

.1840

Relativement au 300 millions de dollars, nous pensons que les investissements dans l'infrastructure vont durer longtemps, et donc lorsqu'on construit des routes, elles sont là pour longtemps.

Par ailleurs, si l'on finance des programmes de camionnage, par exemple, comme on l'avais proposé, une fois le camion disparu, l'investissement ne rapporte plus rien. C'est la même chose pour la mise en commun des céréales pour le transport par la Voie maritime. Si l'on finance cette partie du transport, c'est simplement parce que cela donnera le temps à ceux dont la vie aura changé de façon très importante un peu de temps pour s'adapter à la situation. Certains puristes disent qu'on ne devrait même pas le faire.

Néanmoins, bon nombre des suggestions pour utiliser 300 millions de dollars ne produiraient selon nous aucun avantage à long terme, alors que l'infrastructure serait là pour longtemps.

M. Collins: Où avez-vous vu la suggestion pour le financement des programmes de camionnage?

M. Allen: Je pense que c'était dans l'un des premiers communiqués de presse...

M. Collins: Ce serait bien la dernière chose à laquelle j'aurais pensé. Je pense que le problème, c'est que...

M. Allen: On proposait cinq choses, dont le camionnage.

M. Collins: Ce que j'essais de dire, c'est que je ne me fierais pas tellement à ces communiqués en pensant que cela va certainement se faire. Je n'ai aucune objection à ce qu'on lance l'infrastructure, mais je pense qu'il faut aussi songer à d'autres utilisations pour ces 300 millions de dollars.

Comme l'a dit Mme Cowling, ma région est celle qui sera la plus touchée par les taux compensatoires, c'est-à-dire Estevan et les régions vers l'Est. C'est donc une chose qui me préoccupe et je suis heureux que vous en ayez parlé, mais je pense que l'on songera aussi à se servir d'une partie des 300 millions de dollars pour le programme de déshydratation et je n'ai aucune objection à cela.

Revenons au plafonnement des taux. Vous avez dit que cela ne vous dérangeait pas et je n'ai aucune objection à cela moi non plus, mais vous voudriez que nous exercions quand même un certain contrôle. Vous avez peut-être raison. Tout ce que je peux dire, c'est que si, par exemple, Southern Rails and Great Western Rail n'existaient pas, d'où viendrait leurs versements? Ils seraient desservis par le CN et le CP. N'est-ce pas exact?

M. Allen: Quand vous dites «ils», vous voulez dire les agriculteurs?

M. Collins: Je veux dire que les chemins de fer auraient été indemnisés d'une façon quelconque parce qu'ils feraient parties du réseau.

M. Allen: Vous voulez dire qu'on aurait tenu compte de ces lignes dans le mécanisme de fixation des taux?

M. Collins: Oui. C'est pour cela que nous disons que, vu qu'on a tenu compte des ces lignes qui sont des chemins de fer d'intérêts locaux et qui fournissent des services, à cause d'un oubli quelconque... Tout ce que je veux dire, c'est que j'ignore ce qui serait arrivé sans cet oubli. Est-ce que cela aurait posé un problème à UGG, Inland Terminal ou d'autres de dire que ces lignes faisaient partie du réseau?

M. Allen: Ce qui serait arrivé à ce moment-là, selon moi, et vous avez bien raison, c'est que ces chemins de fer continueraient probablement d'exister parce que le gouvernement avait décrété qu'on n'abandonnerait plus de chemins de fer pour un certain temps, mais que, à compter du 1er janvier 1996, quand les chemins de fer auront un peu plus de marge de manoeuvre pour l'abandon des lignes, ces lignes-là seraient en tête de la liste.

Ce qu'on fait pour les lignes qui seraient abandonnées le 1er janvier 1996, c'est garantir qu'elles vont continuer d'exister un peu plus longtemps. On le fait en demandant aux agriculteurs de subventionner les lignes.

M. Collins: Mais vous avez parlé de 10 000$ dollars pour chaque ligne et, d'après certains fonctionnaires qui s'occupent de la budgétisation au gouvernement, ce n'est pas vraiment un chiffre exact. Devrions-nous subventionner ces lignes ou devrions-nous permettre aux agriculteurs ou à divers groupes d'intervenants d'acheter les chemins de fer d'intérêts locaux parce qu'ils préfèrent le transport ferroviaire au commionnage? Ils préfèrent peut-être devenir propriétaire des chemins de fer.

.1845

M. Allen: On parle maintenant de choses différentes.

Pour ce qui est des 10 000$ le mille, on avait parlé de 20 000$ le mille et, à mon avis, c'est un autre cas où des gens au gouvernement, avec les meilleures intentions du monde, proposaient quelque chose qui aurait eu des conséquences très négatives sur l'industrie.

L'industrie en général s'y est opposée, et je ne veux pas parler uniquement des sociétés ferroviaires, mais aussi de l'industrie céréalière, des agriculteurs et des compagnies céréalières. Nous reconnaissons qu'il aurait fallu abandonner 1 500 milles de voies ferrées il y a 20 ans.

J'ai bien aimé entendre ce qu'a dit le représentant des États-Unis aujourd'hui parce qu'on disait que, une fois que l'on a abandonné ces 1 500 milles de voies, il faut examiner sérieusement la question du reste du réseau des lignes d'embranchement qui comptent sur le transport des céréales et qui représente plus de 6 000 milles de voies et s'efforcer de créer des chemins de fer d'intérêt local viables. Nous devons essayer de voir plus loin.

D'abord, il y a 850 milles de voies en acier léger qui ont une charge maximale de 177 000 livres, ce qui veut dire que les wagons-trémis de la Commission canadienne du blé ne peuvent être chargés qu'à 55 p. 100 de leur capacité pour le transport jusqu'à Vancouver ou Thunder Bay. Nous parlions de la pénurie de wagons il y a peu de temps. Si l'on fait une aussi mauvaise utilisation que cela de nos ressources... De combien de wagons en moins pourrions-nous nous contenter si l'on n'abusait pas de ressources de cette façon?

Le président: C'est l'une des choses dont parle le CWR. Parce qu'il ralentit sur ce tronçon, le CWR a pu remplir ses wagons. C'est l'un des avantages qu'a ce CFIL. C'est ce qu'ils ont signalé à notre comité à ce sujet.

Je sais que bien d'autres lignes d'embranchement ne font pas la même chose et que leurs wagons sont à moitié vides.

M. Allen: Le fait est que chaque chemin de fer a décidé comment il allait circuler sur ce tronçon où la charge maximale est de 177 000 livres. Les chemins de fer d'intérêt locaux le font en tenant compte des aspects de sécurité, et ainsi de suite. Les principaux transporteurs ne veulent pas entrer dans tous ces détails. Il faudra attendre pour savoir qui avait raison.

De toute façon, les 850 milles de voies en question n'appartiennent pas aux chemins de fer d'intérêt local. Ils font partie du réseau principal du CP et du CN, surtout du CN.

Le président: Je voudrais revenir à la question des 10 000$. Je pense que vous avez raison: si les sociétés ferroviaires ne peuvent pas réaliser plus de 10 000$ d'économie en abandonnant ces lignes, pourquoi le feraient-elles? Le taux de base est plus élevé tant que ces lignes sont comprises dans le calcul. Je ne pense pas me tromper en affirmant cela.

M. Allen: Vous avez raison.

Le président: Comment pourrait-on changer cela? Que proposeriez-vous?

M. Allen: Si je ne m'abuse, on a voulu favoriser la création de plus de chemins de fer d'intérêt local parce que les sociétés ferroviaires perdent ces 10 000$ le mille seulement s'ils abandonnent une ligne. Si la ligne est remise à un chemin de fer d'intérêt local, la société ferroviaire ne perd pas les 10 000$ le mille.

C'est un autre exemple d'intervention sur le marché qui favorise la création de chemins de fer d'intérêt local, mais je ne pense pas que ce soit dans l'intérêt de qui que ce soit à long terme.

Le président: Cela me mène à ma deuxième question et c'est celle qui me préoccupe le plus. Comment pouvez-vous garantir que ces économies dans les réseau...

M. Allen: sont partagées.

Le président: ...sont transmises non seulement à l'expéditeur, mais aussi que le producteur primaire lui même en profite? Je pose la question parce que, dans bien des cas, ce n'est pas lui mais une compagnie quelconque qui est l'expéditeur.

.1850

Par exemple, si la compagnie ABC achète une ligne d'embranchement, elle profite du taux de 10 000$ dollars le mille et dépense beaucoup moins que cela pour l'exploitation du service, comment pouvons-nous être tout à fait certains que le taux de base reflète l'efficacité accrue? Si le chemin de fer d'intérêt local peut offrir le même service pour la moitié du coût, comment pouvons-nous nous assurer que cette économie sera transmise aux producteurs? Le système que nous proposons pourra-t-il le garantir? Sinon, comment le faire?

M. Allen: Tout d'abord, dans tous les cas où l'on demanderait l'autorisation d'abandonner une ligne ou de créer un chemin de fer d'intérêt local, il s'agirait de lignes dans lesquelles les compagnies d'élévateurs et les compagnies céréalières n'investissent pas. Le service disparaîtrait graduellement. Il faut espérer que la nouvelle Loi nationale sur les Transports contiendra le plus possible de dispositions pour protéger les expéditeurs si l'industrie est à la merci du marché. Si une compagnie n'aime pas les taux qu'on lui propose, elle peut invoquer les dispositions relatives à l'arbitrage des propositions finales, les prix de lignes concurrentielles, les manoeuvres inter-réseau et les obligations du transporteur public ou n'importe quel autre disposition de protection des expéditeurs. Cela créera de la concurrence même s'il n'y a qu'un seul transporteur dans une région donnée.

Pour ce qui est de faire partager les avantages entre les compagnies céréalières et les agriculteurs, il y a beaucoup de concurrence déjà dans ce domaine. Il existe déjà de la concurrence entre les compagnies céréalières, ce qui n'est pas le cas des transporteurs, tout simplement parce qu'il y a beaucoup de compagnies céréalières qui essaient toutes de se démolir les unes les autres. Je pense que la concurrence va s'intensifier.

Le président: Pourtant, dans bien des régions, les producteurs n'ont pas le choix entre plusieurs compagnies d'élévateurs à qui expédier leurs céréales. Surtout depuis quelques années, on a vu des compagnies d'élévateurs échanger des élévateurs. Les producteurs n'ont pas vraiment le choix dans une région donnée, ils ne peuvent pas décider d'expédier leurs céréales à UGG ou bien au Saskatchewan Wheat Pool.

M. Allen: Je voudrais répondre à cela parce que, selon moi, même les compagnies céréalières ne se sont pas adaptées assez rapidement à l'évolution de la situation.

Il n'y a plus cinq compagnies qui se font concurrence à Redvers ou à Carnduff. Mais il existe encore une certaine concurrence dans un rayon de 20 milles de n'importe quel endroit. Les compagnies céréalières n'ont pas compris encore que la concurrence ne veut pas simplement dire qu'il y a plus d'une compagnie ou deux à un point de livraison donnée. Cela veut dire que dans une région géographique quelconque, les agriculteurs sont tout à fait disposés à transporter leurs céréales sans s'arrêter à cinq ou six points de livraison si le sixième est plus avantageux pour eux.

À mesure qu'il y aura consolidation du réseau, les compagnies céréalières qui peuvent charger des blocs de wagon auront des tarifs marchandises plus faibles parce que les sociétés ferroviaires pourront réaliser des économies. Comme la compagnie céréalière aura elle aussi économisé, elle devra en faire profiter aussi des agriculteurs qui auront fait transporté leurs céréales par camion sur une plus grande distance, vu que les agriculteurs ne le feront pas s'ils n'ont rien à y gagner. Une partie de l'économie devra donc aller à l'agriculteur. À mesure qu'il y aura rationalisation du réseau, les avantages seront transmis à tous les intervenants.

.1855

Le président: Vous avez parlé du service de surveillance à Transports Canada ou ailleurs. Je ne sais pas si vous l'avez lu, mais le rapport du vérificateur général est très sévère à l'égard de l'Office du transport du grain et la Loi nationale sur les transports. Je ne pense pas avoir lu de rapport aussi critique sur la façon dont le gouvernement a surveillé juqu'ici les intérêts de l'industrie. Jusqu'à un certain point le vérificatur général semble même défendre les sociétés ferroviaires.

Étant donné les conclusions du vérificateur général, comment pourrions-nous créer une agence où un service quelconque le plus simplement et le plus efficacement possible pour bien faire le travail de surveillance?

M. Allen: Tout d'abord, l'Office de transport du grain et certains de ces autres organismes avaient reçu un mandat beaucoup plus vaste que ce dont il est question ici. Si le gouvernement charge quelqu'un de répartir les wagons de transport des céréales entre toutes sortes de compagnies rivales et si le gouvernement lui-même a investi beaucoup dans l'infrastructure et s'il y a aussi toutes sortes de facteurs politiques et d'intérêt public en jeu, l'agence en question... Comme vous le savez, je n'ai jamais été un admirateur de l'Office de transport du grain.

Le président: Je sais.

M. Allen: L'Office doit essayer de faire la part des choses entre toutes sortes de compagnies rivales et devient donc un organisme hautement politique.

Je pense que le vérificateur général lui reproche notamment de ne pas avoir rempli son mandat aux termes de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest et je suis bien d'accord là-dessus. L'Office n'a pas vraiment rempli ce mandat parce qu'il aurait fallu pour cela dénoncer publiquement des gens et des organismes qui ne faisaient pas bien leur travail et ce n'était pas une façon pour la direction de l'Office d'assurer son propre avenir.

Si vous examinez les chiffres publiés par l'Office... Je ne me rappelle pas exactement comment c'était fait, mais les échecs et les manque à gagner étaient exprimés de façon tellement atténuée qu'il fallait vraiment être un expert en statistiques pour voir où on avait commis des bévues. Presque personne n'a pu se rendre compte de ce qui était arrivé quand les chiffres ont été publiés. Pourtant, l'Office s'est fait sérieusement taper sur les doigts pour avoir fait des critiques, même en termes édulcorés.

Le président: Tout ce que le gouvernement a fait a été de donner de l'emploi à quelques personnes pour un certain temps.

Mme Cowling: Monsieur Allen, vous avez dit qu'il y avait 850 milles de voies d'acier léger. L'abandon des lignes ferroviaires est l'une des questions dont le Comité doit s'occuper. Pourriez-vous nous donner un échéancier ou nous dire comment le réseau devrait être amélioré et en combien de temps il faudrait s'en occuper, quelle partie de la voie devrait être changée, si elle doit l'être ou non, ou s'il faut faire autre chose?

M. Allen: Il y a plus de 15 000 milles de voies dans l'ouest du Canada. Il y a plus de 6 000 milles de lignes d'embranchement pour le transport des céréales. Il y a 850 milles de rails d'acier qui ont une charge maximale de 177 000 livres. Nous n'avons même pas parlé des rails qui ont une charge de 220 000 ou 250 000 livres. Maintenant, on veut passer de 263 000 livres à 268 000 livres.

De toute façon, j'ai bien aimé ce que Transports Canada et le gouvernement avaient proposé en premier lieu, accélérer l'abandon des tronçons qui ne servent à rien, ce qui représente probablement quelques 1 500 milles, soit 850 milles de voies d'acier léger et peut-être 400 ou 500 milles de voies d'acier lourd très peu utilisées. On pourrait accélérer l'abandon de ces tronçons et discuter ensuite sérieusement de la création de chemins de fer d'intérêt local et voir quelle partie des voies devrait être transformée en ligne secondaire ou abandonnée et combien de temps cela prendrait. Il faudrait ensuite faire de sérieux calculs.

.1900

On a plutôt créé un comité - et j'ai le plus grand respect pour cette dame, Mme Marian Robson, mais je ne me souviens pas du nom du comité - pour examiner les répercussions économiques de l'abandon de certaines lignes ferroviaires.

Au lieu de 1 500 milles, on a obtenu 500 milles, car les compagnies de chemin de fer avaient énormément d'appréhension face à un processus dont ils ignoraient l'issue et les paramètres. Elles ont donc désigné les lignes dont l'abandon ne susciterait aucune contestation. Maintenant, le comité est confronté au fait qu'il y a si peu de lignes à examiner, car à mon avis, lorsque nous aurons les chiffres, ils ne nous avanceront pas.

Ce qui devient un peu inquiétant, c'est que les gestionnaires régionaux commencent à dire que s'ils perdent un élévateur, cela réduira leur assiette fiscale et entraînera des conséquences pour les autres lignes; quelqu'un doit payer, par conséquent, nous devrions avoir le droit d'imposer les chemins de fer ou les sociétés céréalières.

C'est comme si on disait que, si le magasin Canadian Tire de votre quartier ferme, il doit payer une taxe parce que vous serez obligés d'aller plus loin pour acheter des marchandises. Soit dit en passant, la fusion des écoles et des hôpitaux a également obligé les gens à faire plus de chemin. J'ignore qui en assume les frais, mais cela ouvre toute une boîte de Pandore.

Je suis désolé, monsieur le président, d'avoir parlé si longuement.

Mme Cowling: Pensez-vous qu'il faille imposer un moratoire sur l'abandon de lignes de chemin de fer jusqu'à ce que le CN soit commercialisé ou que l'on modifie la Loi sur l'office national des Transports pour prévoir le renouvellement des chemins de fer et mettre en place des réformes réglementaires? Pensez-vous qu'il faille imposer un moratoire jusqu'à ce que ces conditions soient réunies?

M. Allen: Je l'aurais pensé si nous n'accusions pas de 15 à 20 années de retard dans le processus de rationalisation. Étant donné que nous accusons un tel retard et que ces décisions semblent si simples - du nombre pour un bon nombre d'entre nous - je dirais qu'il faut aller dans cette voie. Au moment où les autres conditions seront réunies, j'espère que nous serons entrain de prendre les décisions qui s'imposent.

Le président: Quelqu'un d'autre? Monsieur Morrison, et je reviendrais ensuite à vous, Bernie.

M. Morrison: J'ai une brève question pour vous, Ted, et je vous invite à répondre non pas comme responsable de compagnies céréalières mais comme homme d'affaires.

En ce qui concerne la privatisation, il existe trois contraintes: Maintenir le siège social à Montréal; accorder au maximum 15 p. 100 des actions à tout investisseur, et maintenir le bilinguisme officiel.

Que pensez-vous de ces trois critères?

M. Allen: En ce qui concerne les 15 p. 100, je ne pense pas que cela soit déraisonnable en ce moment-ci. Pour ce qui est des deux autres facteurs, je constate qu'ils sont politiquement explosifs. Je comprends pourquoi une société d'État a ce genre de règles. Si la plupart des activités du CN se déroulent dans l'Ouest du pays, je ne vois pas pourquoi une société d'État aurait besoin de la même règle, et il en va de même de la situation linguistique.

M. Morrison: Je vous remercie.

Le président: Monsieur Collins.

M. Collins: Si vous permettez, je reviendrai sur la question des lignes secondaires, car je pense qu'il faudra bien s'en occuper; je voudrais que vous m'apportiez des éclaircissements sur leur incidence. Si, comme l'a dit M. Morrison, ces lignes ne sont pas concurrentielles, elles ne survivront pas. Vous êtes peut-être au centre de la question, car si elles ne vont plus traiter avec vous ni avec quelqu'un d'autre, dès que l'on va commencer à serrer la vis, elles n'auront plus d'argent.

M. Allen: Je le sais, mais elles continueront d'exister beaucoup plus longtemps que dans une situation normale si vous les maintenez artificiellement en vie avec cette subvention. En effet, elles obtiennent une subvention qui dépasse largement celles de tous les autres. En fait, personne d'autre n'obtient la subvention. Elles reçoivent une subvention qui les empêchent de prendre des décisions d'affaire normales et rationnelles, ou qui retarde ces décision pendant longtemps.

.1905

M. Collins: Eh bien, il s'agit certainement là d'une question que nous allons...

Le président: Je pense que nous avons pratiquement tout dit sur cette question. Certains d'entre nous ont des opinions différentes.

J'ai une dernière question. Que pensez-vous de Churchill?

M. Allen: J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt l'exposé de notre confrère américain à ce sujet. Soit dit en passant, je viens du Missouri.

Beaucoup de gens pensent, et j'en conviens, que si l'on peut faire de Churchill une entité viable et économique - certains croient que cela est possible - sans l'aide des contribuables ni des agriculteurs, comme nous le voyons dans le cas des lignes secondaires, j'en serai ravi - et étonné.

Le président: C'est une bonne réponse politique. Quand vous lancerez-vous en politique?

M. Allen: C'est absolument vrai.

Le président: Merci beaucoup, Ted, d'être venu participer à ce débat.

M. Allen: Merci, monsieur le président.

Le président: Nous passons maintenant à Bruce Flohr de RailTex. Ce sera notre dernier témoin pour aujourd'hui.

D'où venez-vous?

M. Bruce Flohr (président, RailTex Incorporated): Aujourd'hui, je représente la Missouri and Northern Arkansas Railroad à Springfield au Missouri.

Le président: Eh bien, Ted avait raison de mentionner le Missouri.

M. Flohr: Sa dernière observation était très pertinente.

Le président: Je vous souhaite la bienvenue. Vous faites un bref exposé.

M. Flohr: Je vais vous le résumer. J'en ai dix exemplaires à vous donner. Je suis heureux d'être arrivé un peu tôt ce soir, car je constate que vous êtes en avance. Il fait si beau ce soir que nous pourrions peut-être finir plus tôt.

Je suis président et directeur général de la RailTex Incorporated. RailTex est le principal exploitant des lignes ferroviaires secondaires en Amérique du nord. Nous avons 25 lignes qui couvrent 3 475 milles de voies ferrées dans 20 états différents, deux provinces canadiennes et au Mexique. En 1994, notre chiffre d'affaire s'élevait à 74,5 millions de dollars américains et nos bénéfices après impôt à 6,9 millions de dollars. Actuellement, nos actifs se chiffrent à 185 millions de dollars.

Au cours des cinq dernières années, notre taux de croissance annuelle composée a été de 35 p. 100. Notre ligne Goderich-Exeter, située en Ontario, est une ligne de 70 milles que nous avons acheté du Canadien national en avril 1992. En Nouvelle-Écosse, nous exploitons la ligne Cape Breton Central Nova Scotia Railway, d'une longueur de 425 milles, que nous avons achetée à CN en octobre 1993.

Plus récemment, par l'entremise d'une filiale nouvellement incorporée, la New England Central Railroad, RailTex a acheté les actifs ferroviaires de la Central Vermont Railway, une ancienne ligne nord-sud du Canadien national, qui s'étend sur 326 milles depuis East Alburgh, situé au Vermont sur la frontière canadienne, jusqu'à New London au Connecticut.

Trois de nos vingt-cinq compagnies ferroviaires ont des syndicats représentants leurs employés. Les actions de RailTex sont cotées à la bourse NASDAO, nos dossiers financiers sont donc accessibles à la US Securities and Exchange Commission, et nous publions des mises à jour trimestrielles à l'intention de nos investisseurs. Maintenant, je vais vous distribuer des exemplaires de notre rapport annuel de 1994, ainsi que nos résultats pour le premier trimestre de 1994. J'ai apporté un seul exemplaire de ce document, mais j'en enverrai d'autres au comité.

Nous avons acheté des lignes du CN en nous conformant aux règles commerciales relatives aux soumissions. Le CN a reçu de l'argent comptant dans toutes les transactions, et il ne garantit aucune de nos dettes. Celles-ci ont été contractées auprès de la Banque nationale du Canada pour toutes nos lignes canadiennes.

.1910

Nous n'avons pas de garanties relatives aux recettes minimales, ni avec le Canadien National, ni avec aucune des autres compagnies qui nous ont vendu des lignes. Il n'y a pas de garanties de prêts avec les provinces ou avec le fédéral. Aucune de nos lignes canadiennes ne bénéficie d'abattements fiscaux ni de subventions gouvernementales. Nous fixons nos propres tarifs-marchandises pour les mouvements intralignes et nous les fixons conjointement avec le Canadien National pour les mouvements interlignes.

Nous aimons faire des affaires au Canada et nous avons l'intention d'accroître nos activités dans ce pays, et nous aimons traiter avec le Canadien National.

Je suis profondément préoccupé que bien des gens, surtout les expéditeurs, ne comprennent pas la véritable raison pour laquelle les grandes sociétés ferroviaires d'Amérique du Nord vendent leurs lignes secondaires à faible densité. D'après notre expérience des 11 dernières années, les compagnies qui vendent ne veulent pas continuer à gérer les lignes, mais elles aimeraient conserver le trafic autorail sur leur ligne principale. La tendance est identique à celle qui a lieu dans les transports aériens, où la desserte des petites collectivités est mieux assurée par les compagnies aériennes régionales dont l'exploitation est moins coûteuse et qui utilise des avions plus petits.

Pourquoi les grandes sociétés ferroviaires américaines et canadiennes vendent-elles leurs lignes à faible densité? Tout d'abord, elles le font pour être plus rentables. En général, une ligne secondaire paye des salaires un peu plus élevés que la moyenne locale, plus le partage des bénéfices, tandis que les grandes sociétés payent bien au-dessus de 25$ américains de l'heure et n'offrent pas le partage des bénéfices. Les avantages sociaux sont comparables. Cependant, les grandes économies découlent non pas de la compression des salaires mais de l'amélioration de l'efficacité au travail, car nous ne sommes pas assujettis aux règles de travail imposées par les syndicats traditionnels des métiers ferroviaires.

Ces règles ne permettent pas d'exploiter efficacement les petites sociétés. À titre d'exemple, en Nouvelle-Écosse, nos 47 employés font 20 p. 100 de travail de plus qu'à l'époque où le CN exploitait la ligne avec 110 employés.

Une autre raison pour laquelle les grandes sociétés vendent les lignes secondaires et qu'elles essayent d'améliorer la rentabilité des capitaux investis, notamment pour acquérir des locomotives et pour améliorer les voies et la signalisation. En matière d'investissement, il existe une grande différence entre une ligne qui reçoit un train par jour et une autre qui en reçoit 20. Je pense par exemple au CN qui a investi dans le tunnel de Sarnia. C'est un bon exemple de l'ampleur des investissements qui sont nécessaires sur vos lignes à haute densité de trafic. Les compagnies canadiennes y consacrent une bonne partie de leurs budgets d'améliorations.

Nous constatons qu'il y a une amélioration de l'utilisation des actifs. La fréquence du service est améliorée. En fait, sur notre ligne de Goderich, le Canadien National desservait les expéditeurs trois fois par semaine; nous le faisons six fois par semaine. Nous fournissons des wagons à nos lignes, ce que ne font généralement ni le Canadien National ni les autres grandes sociétés ferroviaires, et nous avons actuellement un parc supérieur à 850 wagons, ce qui représente une augmentation du nombre total de wagons en Amérique du Nord.

Les grandes sociétés ferroviaires assurent une meilleure gestion en se concentrant sur les lignes principales et non pas sur les lignes secondaires. Nous sommes en mesure d'accroître nos activités. En effet, sur les lignes que nous avons depuis plus d'une année, nos activités se sont accrues d'au moins 5 p. 100 par an. Dans le cas de la Nouvelle-Écosse, l'augmentation est pratiquement de 20 p. 100 depuis un an et demi que nous travaillons dans cette province.

Enfin, l'exploitation des lignes secondaires est la dernière chance de sauver une ligne ferroviaire de l'abandon, et je pense qu'il est important de le signaler. Au cours des audiences du comité, dont j'ai lu les procès-verbaux, bon nombre de témoins ont abordé la question céréalière.

Actuellement, nous transportons des céréales sur notre ligne Goderich and Exeter sur 40 milles en moyenne à partir de certains élévateurs à grains situés dans la région de Centralia. Par exemple, nous transportons des céréales vers les grands élévateurs situés dans le port de Goderich. Nous avons repris ce marché au secteur du camionnage en faisant payer à l'agriculteur ou à l'exploitant de l'élévateur à grain un demi-cent de moins le boisseau que les transporteurs routiers. Non seulement l'agriculteur obtient-il un tarif marchandises inférieur pour amener sa production à l'élévateur de Goderich, mais il y a 900 camions à remorque de moins qui passent par le centre-ville de Goderich en août et en septembre, qui sont les deux mois les plus achalandés sur le plan touristique. Ainsi donc, nous sommes devenus en même temps de véritables héros dans la ville de Goderich.

.1915

Chaque fois que nous avons pris en charge une ligne, les expéditeurs se sont montrés très préoccupés. La meilleure réponse à cette préoccupation est d'amener ces derniers à parler aux expéditeurs qui utilisent notre ligne, et de lire les résultats d'une étude qui a été menée par la United States Interstate Commerce Commission en 1989.

En réponse aux préoccupations des expéditeurs à propos des lignes qui avaient été acquises par les exploitants des lignes secondaires, 5 p. 100 seulement des expéditeurs ont estimé que les services étaient moins bons, et 52 p. 100 ont constaté une amélioration. En ce qui concerne la modification des tarifs-marchandises, 12 p. 100 seulement ont en général rapporté une augmentation et 20 p. 100 une diminution.

Ici au Canada, les tarifs-marchandises ont en général diminué. Il suffit de demander à la Nova Scotia Power quelle a été l'ampleur de la réduction des tarifs en Nouvelle-Écosse depuis que nous avons pris la relève du Canadien National.

Il est également intéressant de noter que, pour les gros expéditeurs, il n'y a pas eu tellement de changement, mais ce sont les petits qui ont constaté d'importantes améliorations, surtout en ce qui concerne le service.

Bien des gens ne se rendent pas compte qu'une ligne secondaire passe vraiment par une spirale de la mort. Aux États-Unis, les cheminots qui perdent leur emploi du fait de l'abandon d'une ligne secondaire obtiennent six ans de salaire. Ici au Canada, tous les employés, excepté ceux préposés à l'entretien du train et des moteurs, s'ils ont huit années d'ancienneté, se retrouvent avec un emploi garanti à vie, que la ligne soit en service ou non.

Ensuite, et surtout aux États-Unis, afin d'éviter de payer les six années de salaire, les compagnies américaines commencent à réduire leurs activités, d'abord en passant d'un service quotidien à un service offert trois fois par semaine, puis une fois par semaine. Elles ne consacrent pas autant de fonds à l'entretien des voies; il s'ensuit un ralentissement de vitesse; la fourniture des wagons est plus lente; et subitement, les tarifs-marchandises semblent augmenter constamment. C'est ainsi que commence vraiment la spirale de la mort de ces lignes secondaires.

En tant que société désireuse d'exploiter ces lignes, nous voulons être en mesure d'intervenir assez rapidement avant que l'on ne mette fin à la plupart des activités. Évidemment, dans les provinces des Prairies, cela signifie avant que les élévateurs à grains ne soient démontés et reconstruits sur les lignes principales du CN ou du CP.

Il est aussi important de savoir ce que les employés pensent de la situation. Sur notre ligne du Cap Breton et du centre de la Nouvelle-Écosse, 45 des 47 employés sont des anciens du Canadien National. Le CN leur a offert un rachat qui représentait à peu près une année de salaire, ou un peu plus, soit environ 75 000$ canadiens par employé.

Les mêmes employés ont maintenant eu un entretien avec le Canadien National. Je laisserai au comité un exemplaire de la revue du personnel du CN, dans lequel on cite les propos de trois de nos employés, tous anciens du CN, sur la différence entre travailler pour la nouvelle société et travailler pour le Canadien National.

Je parlerai surtout de l'article qui figure en haut de la première page; on y parle de l'ancien président local de la Brotherhood of Locomotive Engineers, un monsieur nommé Swales. Il déclare qu'il aime la nouvelle idée d'un emploi polyvalent qui lui permet de passer une partie de son temps dans la locomotive et une autre partie au sol à changer les wagons. On lui a aussi donné des cartes d'affaires pour qu'il aille chercher des clients. Il aime la diversité de son travail. Personnellement, je pensais que la personne la plus difficile à convaincre pour faire ce travail serait ce mécanicien, car il est toujours assis bien au chaud et au sec dans sa locomotive, qu'il pleuve ou qu'il neige. Mais le gars aime bien son travail.

M. Swales dit aussi qu'il n'a pas besoin d'un emploi garanti à vie. Évidemment, c'était là l'enjeu des récentes grèves au Canada: après huit ans d'ancienneté, on avait un emploi garanti à vie. D'après l'article, il estime que sa meilleure garantie d'emploi réside dans le fait que la compagnie de chemin de fer s'efforce de ramener des clients au secteur ferroviaire. Tant que la compagnie grandit, il est sûr d'avoir un emploi.

Quand ces articles ont été rédigés, le journaliste a été embauché par le Canadien National; ce n'était pas un employé de cette société. Le journaliste a noté toutes ces déclarations, rédigé l'article et renvoyé le texte à chacun des trois employés qui ont été interviewés pour s'assurer de l'exactitude des citations. Les intéressés ont donc eu une deuxième occasion de revoir leurs propos. Je pense que cela nous donne une excellente idée de ce que les employés pensent maintenant de la situation, et leurs impressions sont très positives.

.1920

Parlons maintenant du processus d'acquisition des chemins de fer au Canada. Si le Canada veut vraiment sauver son infrastructure ferroviaire à faible densité, il doit changer le processus d'approbation, modifier les lois du travail pour permettre aux petites sociétés ferroviaires de fonctionner plus efficacement, et résister aux tentatives des expéditeurs d'ouvrir l'accès aux lignes principales concurrentes.

Il a fallu 19 mois à RailTex pour ouvrir la ligne Goderich-Exeter, de la date de signature du contrat avec le CN au démarrage effectif de nos activités. En Nouvelle-Écosse, cela nous a pris 12 mois, et nous étions contents d'avoir pu faire autant accélérer le processus. Cependant, nous sommes encore devant les tribunaux pour contester diverses questions syndicales.

La situation est comparable à celle des États-Unis où, en décembre dernier seulement, nous avons lancé en Orégon une ligne ferroviaire de 420 milles ayant un trafic annuel de 40 000 wagons. Nous avons obtenu l'approbation au terme d'un processus d'examen de sept jours. Il n'y a eu de plaintes ni de la part des expéditeurs, ni de la part des syndicats. Aux États-Unis, les États eux-mêmes n'interviennent pas dans les transactions. La situation est très différente au Canada, où l'approbation des gouvernements fédéral et provinciaux est nécessaire.

Le transfert obligatoire des conventions collectives antérieures à la compagnie acheteuse a complètement découragé RailTex d'acheter des lignes en Ontario et à la Saskatchewan. Encouragés par la Commission des relations de travail de l'Ontario, nous avons essayé de négocier avec les syndicats des cheminots ici en Ontario, mais sans succès, même après avoir obtenu un accord avec la Fraternité internationale des ingénieurs de locomotive. Elle ne pouvait pas garantir qu'aucun des autres syndicats touchés n'interviendrait pour essayer de faire valoir les contrats de travail antérieurs aux employés des nouvelles compagnies de chemin de fer que nous allions acquérir ici.

Vous devez savoir que nos employés ontariens ont voté pour se joindre à la Fraternité internationale des ingénieurs de locmotive, et maintenant, nous sommes en train de négocier un contrat sur ce chemin de fer. Mais ce contrat ne prévoit aucune disposition relative aux règles de travail ou à la division des métiers; il porte uniquement sur les procédures de grief et la rémunération.

RailTex n'est pas opposée au syndicat, mais elle conteste fortement les divisions traditionnelles qui existent entre les métiers à cause des inefficacités que ces divisions suscitent au sein des petites compagnies ferroviaires. En fait, si les lois sur les droits et les obligations du successeur avaient été en place en Ontario quand nous avons lancé notre ligne de Goderich, nous aurions eu affaire à huit employés et huit syndicats distincts à cause des contrats existants.

Les mêmes questions relatives au transfert de contrats de travail s'appliquent aux lignes de Via et aux lignes ferroviaires inteprovinciales. Si vous voulez vraiment sauver des lignes ferroviaires, il ne faut pas imposer les contrats précédents aux nouvelles sociétés acquisitrices. C'est pour cela que l'on a mis fin à la vente de lignes secondaires à la Saskatchewan, contrairement à la théorie queM. Paul Beingessner, directeur général de Southern Rails Co-op, présentée au comité dans son témoignage du 16 mai. On ne peut tout simplement pas lancer une ligne ferroviaire secondaire en Saskatchewan tant que les lois actuelles subsistent. Cela n'est pas possible non plus en Ontario.

La nature des tâches à effectuer sur une ligne secondaire est tout à fait différente de celle d'une ligne principale; par conséquent, les droits de succession ne peuvent vraiment s'appliquer. Si tel avait été le cas en Ontario, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous aurions eu affaire à huit employés et huit syndicats différents. Il nous aurait même fallu d'autres employés tout simplement parce que, dans certains métiers, une seule personne n'aurait pas pu faire tout le travail. Pourtant, dans bien d'autres domaines, certains employés seraient restés oisifs les deux tiers ou les trois quarts du temps parce qu'ils n'auraient pas eu assez de travail, notamment en ce qui concerne le maintien de la signalisation des passages à niveau.

Je continue d'en apprendre plus sur les besoins des expéditeurs canadiens grâce aux réunions, conférences et publications de la Ligue canadienne de transport industriel. Lors de la dernière réunion multilatérale du ministère des Transports ici à Ottawa, les expéditeurs ont déclaré à maintes reprises que les grandes sociétés ferroviaires dominent totalement les lignes secondaires et qu'elles pourraient les contraindre à la faillite.

.1925

Les chemins de fer de RailTex font des échanges avec tous les grands chemins de fer d'Amérique du Nord, soit 34 au total. Dans tous les cas, nous sommes partenaires, pas adversaires.

Nos concurrents sont les entreprises de camionnage, non pas les grands chemins de fer auxquels nous sommes raccordés. Dix de nos 25 chemins de fer, dont nos deux principales lignes, assurent la liaison avec un seul transporteur avec lequel nous avons volontairement négocié une entente. Nos deux lignes canadiennes font des échanges uniquement avec Canadien National, en qui nous avons trouvé un excellent partenaire. Mais, ne me croyez pas uniquement sur parole. Demandez aux expéditeurs qui utilisent nos deux lignes canadiennes. Ont-ils l'impression que les chemins de fer sont dominés par le CN?

Rappelez-vous ce que je vous disais tout à l'heure lorsque je vous expliquais pourquoi les grands chemins de fer vendent leurs embranchements. Ils voudraient conserver ce traffic mais n'ont pas les moyens d'utiliser leur vieux système d'exploitation pour l'acheminer jusqu'à leur ligne principale.

J'ai entendu parler d'un avant-projet de loi qui accorderait aux lignes secondaires l'accès aux grandes compagnies de chemin de fer, comme le souhaiteraient de nombreux expéditeurs qui estiment que cet accès permettrait une plus grande concurrence. C'est ce que j'appelle la théorie du libre accès. Je suis tout à fait contre cette théorie. La principale raison pour laquelle je m'y oppose c'est qu'à l'heure actuelle les cheminots américains l'utilisent comme tactique pour empêcher la vente d'autres embranchements aux chemins de fer secondaires, car ils savent qu'ils risquent de perdre de nombreux clients si le chemin qu'ils souhaitent vendre donne aux expéditeurs l'accès à un embranchement qui leur permettrait d'expédier leur marchandise par une autre ligne ferroviaire sur longue distance. Si les employés de chemin de fer peuvent faire accepter le libre accès à un autre chemin de fer important, la compagnie qui voulait vendre refusera de céder l'embranchement.

Je n'ai aucune preuve que cela se passe ici au Canada, mais j'ai entendu un certain nombre d'expéditeurs dire dans leur témoignage qu'ils souhaitent la liberté d'accès. À mon avis, l'accès libre, garanti dans une loi, empêcherait les grandes compagnies de chemin de fer de vendre leurs embranchements. Il en a déjà été question aux Etats-Unis et cela entraînerait la disparition de ces embranchements.

Je crois que ce que nous essayons de faire, et ce que le comité voudrait, c'est de préserver le service ferroviaire qui alimente les embranchements à faible densité de traffic dans les régions rurales du Canada.

En conclusion, les lignes d'apport ne sont pas contrôlées par les grandes lignes de raccordement. Les grandes lignes ne contrôlent pas notre service ni nos tarifs intraentreprises et nous encouragent même à fournir des wagons. Les expéditeurs ont intérêt à ce que leur usine soit desservie par un chemin de fer local. Posez la question aux expéditeurs qui utilisent nos chemins de fer de Goderich et de Nouvelle-Ecosse. Ils bénéficient d'un service amélioré et n'ont pas besoin d'avoir accès à un autre grand chemin de fer.

Rappelez-vous que l'embranchement à faible densité de traffic appartient toujours aux grands chemins de fer. Si une nouvelle loi risque de faire perdre aux grandes compagnies de chemin de fer la possibilité de transport sur de longues distances, elles seront peut-être amenées à laisser la ligne dans la spirale de la mort, en s'abstenant de le vendre. Nous devons, par-dessus tout, essayer de préserver le réseau ferroviaire qui existe au Canada.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Flohr.

Madame Cowling.

Mme Cowling: Votre exposé m'intrigue. Dans ce comité, nous avons discuté, entre autres, de l'abandon de lignes ferroviaires et des lignes secondaires. Est-ce que l'acier léger pose des problèmes pour les lignes secondaires?

M. Flohr: Vous voulez parler du poids des rails?

Mme Cowling: Oui.

M. Flohr: Jusqu'à maintenant, nous n'avons pas eu de problèmes ici au Canada. En fait, sur notre ligne Goderich-Exeter, il y a environ 20 milles de rails de 80 livres dans la région de Centralia, ce qui est très léger pour un chemin de fer important. Le Canadien National limite à 70 tonnes le poids des wagons sur ce tronçon. À l'heure actuelle, il y a beaucoup de céréales qui passent par là.

Nous avons examiné la voie et nous avons jugé qu'en remplaçant certaines traverses, les rails de 80 livres pouvaient supporter le poids de wagons céréaliers de 100 tonnes chargés à plein. Nous avons augmenté jusqu'à 100 tonnes la limite de charge moins de six mois après le début de nos activités et nous n'avons pas encore eu de déraillement. Nous utilisons des wagons de 100 tonnes sur des rails de 80 livres et tout va bien.

.1930

Voilà donc un domaine où nous n'avons pas eu de problème.

J'ai entendu Tom Payne de Central Western dire la même chose au sujet des rails légers qu'il a achetés. Lui non plus n'a pas eu de problèmes de déraillement sur ces rails légers.

Mme Cowling: Ma prochaine question concerne l'étendue de notre pays, sa vaste superficie. Vous avez dit que vous aimeriez intégrer des lignes secondaires au réseau de silo-élévateur qui existe déjà. L'une des choses que nous disent les représentants de l'industrie c'est qu'on utilise de plus en plus des silos-élévateurs dont la capacité est plus grande et que le transport des céréales est plus rapide. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi, si nous prenons cette direction, ces silos-élévateurs sont importants pour les lignes secondaires et comment le système fonctionnerait avec des élévateurs à grande capacité et où nous vidons les prairies de leurs céréales?

M. Flohr: Vous m'obligez à répondre comme si j'étais un expéditeur de céréales, ce que je ne suis certainement pas. Dans notre champ d'activité, non seulement nous devons savoir comment fonctionne un chemin de fer mais nous devons également nous familiariser avec les problèmes de nos expéditeurs. Mais je vais essayer de vous répondre de mon mieux.

La tendance que nous constatons à l'heure actuelle dans le transport du grain est d'abord d'entreposer les céréales dans un endroit contrôlé, dès la récolte faite, afin d'empêcher qu'elles se gâtent ou pour les mettre à l'abri des oiseaux, etc. Puis elles seront transportées vers un grand silo-élévateur ou elles resteront parfois plusieurs mois, selon les conditions du marché mondial.

Nous constatons maintenant que les petits silos-élévateurs ont un rôle à jouer. Je songe notamment à notre chemin de fer Northeast Kansas and Missouri. Nous avons un certain nombre de petits silos dans le Nord-Est du Kansas. Nombre d'entre eux étaient en fait fermés ou utilisés uniquement lors du transport des engrais qui seraient utilisés pendant les semailles et n'étaient pas utilisés pour entreposer les récoltes de grain. Tout le grain était transporté par camion jusqu'à Saint Joseph, au Missouri, où il y a un important ensemble de silos-élévateurs à forte capacité sur les rives du Missouri pour être ensuite en grande partie expédié par chalands.

Depuis que le tarif marchandise a été réduit de un demi cent le boisseau, nous transportons le grain directement du champ jusqu'à ces petits silos. Nous utilisons des wagons-trémies couverts pour transporter, pendant une période d'environ trois mois, le grain jusqu'au grand silo sur le fleuve Missouri. On nous dit que rien ne presse, qu'il n'est pas urgent de transporter le grain jusqu'au grand silo, puisqu'il y restera longtemps jusqu'à ce que la dynamique du marché mondial permette leur expédition. À ce moment-là, l'expédition doit être très rapide, soit par des navires océaniques ou par train céréalier de 150 wagons océaniques ou par quelqu'autre moyen.

En fait, nous avons assisté à la résurrection des petits silos-élévateurs au Kansas. Nous constatons la même chose le long du chemin de fer Texas Northeastern, dans l'enclave du Texas où l'on cultive beaucoup de blé et de milo, surtout.

On m'a dit que la même chose se passe en Ontario, dans la région de Centralia, où, plutôt que de transporter le grain par camion directement du champ jusqu'au grand silo-élévateur de Goderich, comme c'était le cas dans le passé, on l'achemine maintement vers les petits silos-élévateurs dans la région de Exeter-Centralia. Puis il est transporté par chemins de fer jusqu'à Goderich.

Mme Cowling: En ce qui concerne l'affectation de wagons, en tant qu'exploitant d'une ligne secondaire, êtes-vous propriétaire d'un certain pourcentage des wagons?

M. Flohr: Nous ne possédons aucun wagon céréalier, mais nous en louons 450 d'entreprises comme General Electric, qui possède en Amérique du Nord le plus grand parc de wagons qui ne soient pas la propriété d'une compagnie de chemins de fer. Nous en louons 450.

Nous utilisons ces wagons après la récolte. En fait, il y a un mois, nous avons commencé à utiliser ces wagons pour transporter sur de courtes distances le blé d'hiver produit dans la région enclavée du Texas. Nous ne les utilisons pas pour les longs trajets; les grandes compagnies de chemins de fer continuent à fournir les wagons pour les transports sur de longues distances, jusqu'au port de la Nouvelle Orléans, par exemple, ou ailleurs. Mais nous utilisons ces wagons pour les courtes distances.

.1935

Lorsque la récolte du blé d'hiver est terminée, nous expédions ces wagons aux chemins de fer de la compagnie Northeast Kansas and Missouri où ils seront utilisés jusque vers la mi-juillet. Puis, nous envoyons une partie des wagons à Goderich et l'autre partie en Géorgie pour le transport des arachides au mois d'août. Puis il y a une autre récolte d'arachides en Caroline du Nord.

Puis nous prenons une partie des autres wagons... en fait, les wagons de Goderich sont ensuite envoyés au Michigan dans la région de Grand Rapids pour transporter des fèves comestibles en décembre, janvier et février. Puis, nous les ramenons au Missouri pour transporter des aliments pour valailles. Tous ces transports se font sur de courtes distances.

Les grandes compagnies de chemins de fer aiment fournir des wagons pour des distances de 1 500 ou 2 000 milles, mais elles ne veulent pas fournir de wagons pour des expéditions de 40 milles. C'est un secteur qui nous intéresse et nous fournissons donc les wagons pour ces distances de 40 milles.

Mme Cowling: Merci.

M. Morrison: J'étais en train de lire la partie de votre texte qui concerne votre division du nord-est du Kansas. Il me semble que c'est le seul secteur de vos activités qui se rapprochent de ce qui nous intéresse.

M. Flohr: C'est effectivement très semblable.

M. Morrison: Ces lignes sont-elles entièrement tributaires du transport des céréales?

M. Flohr: Pas entièrement, mais environ 90 p. 100 de nos activités sont liées au secteur agricole, puisque nous transportons dans un sens des engrais au printemps et nous expédions le grain à l'automne, dans l'autre sens.

Pour ce qui est des autres 10 p. 100, nous avons un marchand de ferraille. Il y a une petite entreprise de machines qui fabrique de l'équipement, surtout pour l'industrie de la transformation des aliments, pour qui nous transportons à peu près un wagon de ferraille par semaine.

Mais au moins 90 p. 100 de nos activités sont entièrement tributaires du transport de céréales et je pense que vous ne trouverez probablement pas de meilleure comparaison avec les lignes tributaires du transport céréalier dans les Prairies.

M. Morrison: Très bien.

Est-ce que le transport des céréales permet à la ligne d'être tout à fait financièrement autonome ou est-ce que vos tarifs marchandises aux États-Unis, ou plus particulièrement sur votre ligne, incluent une subvention pour le tonnage? Êtes-vous entièrement autonome ou pas?

M. Flohr: Cette ligne est entièrement autonome, et c'est l'un de nos chemins de fer qui est rentable.

Nous l'avons acheté à Union Pacific. Nous ne l'avons pas loué, car la location d'un chemin de fer peut embrouiller les choses... quoique sept de nos chemins de fer nous sont loués par leur propriétaire. Il n'y a donc aucun élément dans le tarif marchandise pour couvrir le prix d'achat d'une ligne. Mais nous avons acheté le chemin de fer Northeast Kansas and Missouri à la compagnie Union Pacific, et c'est un chemin de fer rentable.

M. Morrison: S'il vous était impossible de déplacer votre matériel d'une région à l'autre du pays et de l'utiliser ainsi pendant plusieurs mois, seriez-vous rentables?

M. Flohr: Probablement pas. Notre activité la plus lucrative est celle du transport sur de courtes distances. C'est ce qui nous a permis de franchir le seuil de rentabilité et de réaliser des bénéfices.

M. Morrison: Parce que vous pouvez déplacer votre matériel?

M. Flohr: Oui, y compris ici, au Canada.

M. Morrison: Arrive-t-il qu'un wagon disparaisse à tout jamais?

M. Flohr: Disons qu'il finit toujours par refaire surface. Nous sommes dans le secteur ferroviaire depuis 1977 et à un moment donné nous avions loué des wagons-trémies découverts à des carrières de pierre.

Il est arrivé une fois qu'un wagon disparaisse pendant près d'un mois mais nous l'avons finalement retrouvé dans l'ouest du Texas. Il avait été vu pour la dernière fois lors de l'aiguillage dans une gare de triage à Forth Worth, au Texas. Puis, lorsqu'on a compté les wagons du train dont il devait faire partie, on a constaté son absence. On a dit qu'il reparaîtrait tôt ou tard et, effectivement, on l'a retrouvé un mois plus tard.

Nous ne perdons pas beaucoup de wagons, ce qui est remarquable. Il arrive qu'ils soient retardés, mais non, en fait, nous n'en perdons pas.

M. Morrison: Merci.

M. Collins: J'aurais souhaité qu'un certain membre du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire soit présent, car il n'a que des éloges à faire pour votre ligne Goderich-Exeter au sujet de laquelle il est bien renseigné.

J'aurais voulu que vous comparaissiez avant les autres témoins que nous avons déjà entendus pour qu'ils l'occasion d'entendre votre exposé, car ce que vous avez à dire au sujet de ces lignes est assez étonnant, selon la position que l'on peut avoir dans le réseau.

Permettez-moi de vous poser des questions au sujet de l'acier de 80 livres. À quelle vitesse vos wagons roulent-ils?

.1940

M. Flohr: Pour ce qui est du chemin de fer entre Goderich et Exeter, nous roulons à 30 milles à l'heure sur la ligne principale entre Stratford et Goderich. La dernière fois que j'ai vérifié, les wagons roulaient à 10 milles à l'heure sur l'embranchement de Centralia.

M. Collins: Ces vitesses sont-elles réglementées dans le cadre du système de transport ferroviaire?

M. Flohr: Elles sont réglementées en partie. Les choses se passent ainsi. Nous affichons une vitesse puis des inspecteurs viennent périodiquement examiner la voie pour déterminer s'il y ou non des problèmes de sécurité.

Il y a certains critères, mais ils ne sont pas vraiment bien définis. Aux États-Unis, il y a des critères très clairs. Par exemple, si vous voulez rouler à 10 milles à l'heure, il faut qu'il y ait au moins cinq bonnes traverses par rail élémentaire. Si vous voulez rouler à 25 milles à l'heure, il faut qu'il y ait 8 bonnes traverses par rail élémentaire. Plus la vitesse augmente, plus le nombre de traverses doit être élevé. Les règles ne sont pas tout à fait aussi détaillées au Canada, mais il y a des inspections.

Les deux chemins de fer que nous possédons au Canada sont réglementés par le provinces et non pas par le gouvernement fédéral, mais la Nouvelle-Écosse et l'Ontario ont toutes deux confié la tâche à des inspecteurs fédéraux. Ce sont donc eux qui font les inspections comme si le Canadien National exploitait encore ces lignes.

M. Collins: Monsieur le président, j'aimerais faire quelques observations avant de poser quelques questions.

D'après votre expérience depuis les années 1970, vous devez certainement croire à l'utilité des lignes secondaires, sinon vous feriez autre chose.

M. Flohr: C'est vrai, et nous gagnons de l'argent dans ce domaine.

M. Collins: C'est exact. Vous devez avoir quelques secrets qui vous permettent de faire avec 47 personnes ce qui se faisait auparavant avec 110, tout en réalisant en outre des gains d'efficacité.

Nous avons des lignes à vendre et nous aimerions savoir si vous ne voudriez pas en acheter environ 15 p. 100.

Des voix: Oh, oh!

M. Collins: C'est juste une suggestion, monsieur le président.

M. Flohr: Paul Tellier a dit que 50 p. 100 des lignes du Canadien National à l'est de Winnipeg devraient disparaître. Il dit que 20 p. 100 d'entre elles devraient être transformées en lignes secondaires et que 30 p. 100 devraient être abandonnées. Je pense que ces proportions devraient être inversées: 30 p. 100 devraient être transformées en lignes secondaires et 20 p. 100, abandonnées. Mais ce, à l'est de Winnipeg seulement. Il y en a beaucoup plus dans les Prairies.

M. Collins: Supposons qu'il arrive un moment... Et nous sommes certainement pressés car il sera question d'abandon très prochainement - et qu'il y ait dans le système un mécanisme qui nous permettrait d'éviter certains des problèmes auxquels vous faites face, notamment en ce qui trait aux unités de négociation par métier, etc, est-ce que RailTex serait intéressé à venir au Saskatchewan et en Ontario si nous pouvions régler les questions syndicales?

M. Flohr: Nous serions très intéressés. En fait, nous avons à l'heure actuelle quatre personne à plein temps et une personne à mi-temps qui s'occupent uniquement d'achats. Nous examinons la possibilité d'acheter des lignes dans certaines régions du Canada où il n'y a pas de règles relatives au maintien des droits syndicaux.

Nous avons proposé que la loi ontarienne sur les relations de travail soit modifiée pour exclure de l'application des dispositions relatives au maintien des droits syndicaux les lignes à faible densité, que nous définissons comme étant celles où l'acquéreur aurait moins de 50 employés travaillant sur cette ligne. C'est la seule exclusion que nous ayons proposé. Comme la nature du travail est tellement différente, le maintien des ententes collectives n'est vraiment plus applicable.

C'est ce que nous proposons depuis que l'Ontario a apporté cette modification à sa loi sur les relations de travail. Je ne connais pas aussi bien la situation au Saskatchewan. Nous n'avons pas beaucoup travaillé au Saskatchewan, mais c'est une solution que nous trouverions tout à fait satisfaisante.

M. Collins: Monsieur le président, je sais que la Saskatchewan Association of Rural Municipalities, les habitants des municipalités et les agriculteurs tiennent beaucoup à ce que nous n'abandonnions pas de ligne de chemin de fer, que nous n'arrachions pas les rails pour dire plus tard, dommage, nous aurions dû les conserver. Prenez, par exemple, les ligne qui ont été abandonnées au Saskatchewan. Il y a maintenant des ententes de rebroussement où le grain est acheminé à Brandon avant d'être transporté vers l'Ouest.

.1945

Est-ce que RailTex accepterait d'agir comme consultant et d'examiner la situation au Saskatchewan et peut-être aussi au Manitoba et de nous dire quelles lignes pourraient être viables, pour que nous soyons ensuite en mesure de faire preuve de bon sens et de jugement au lieu de nous fonder sur des ententes farfelues dictées par des intérêts personnels?

Nous aimerions vraiment pouvoir profiter de votre immense expérience. Je suis originaire de la Saskatchewan et j'aimerais simplement vous dire que nous aimerions que vous nous fassiez profiter de vos compétences et de vos connaissances en nous disant quelles lignes à votre avis nous devrions maintenir et lesquelles nous devrions abandonner. Nous pourrions peut-être travailler ensemble pour voir s'il y a moyen de réaliser des gains de rendement.

M. Flohr: Oui, nous serions très intéressés, mais à une seule condition: que cela nous ne nous empêche pas au bout du compte de faire des soumissions pour l'achat de certaines lignes. C'est en fait ce qui nous intéresse vraiment.

Ailleurs, dans d'autres régions d'Amérique du nord, nous avons envoyé deux de nos employés rencontrer les parties intéressées, soit dans la capitale de la province ou de l'État, ou dans un autre centre important le long de la ligne. Nous discutons pendant une demie journée environ et nous expliquons ce que nous recherchons lorsque nous envisageons l'achat d'un chemin de fer.

Je puis vous donner tout de suite une indication approximative. Nous disons que nous voulons une ligne où circule au moins 2 000 wagons par année par équipage. Donc, si vous avez embranchement ou il y a à l'heure actuelle un équipage du Canadien Pacifique qui fait l'aller-retour et que cet équipage suffit à assurer le service sur cette ligne et s'il y a au moins 2 000 wagons par année, nous croyons que c'est une ligne qui peut être exploitée et générer des bénéfices.

M. Collins: Voici ce qui arrive. Tout le monde sait que sur certaines lignes partant d'Estevan et dont l'abandon est prévu, la compagnie utilise une locomotive ou deux et un wagon couvert pour prouver que la ligne n'est pas rentable puis, elle rehausse la plate-forme pour renforcer davantage sa position. Bien sûr, si vous examinez cette ligne, elle ne passera jamais l'épreuve.

M. Flohr: En fait, nous allons d'abord examiner le chemin de fer d'abord. Nous n'examinons pas les voies lors de notre première visite. Nous examinons d'abord la situation des usines le long de la ligne. En l'occurence, il s'agirait de silos élévateurs. Sont-ils actifs ou pas? Le scénario cauchemar serait d'investir de l'argent pour acheter une ligne et voir ensuite l'usine fermer sans que ce soit de notre faute, et que nous nous retrouvions avec un chemin de fer très peu achalandé.

Nous allons plutôt examiner la situation des industries le long de la ligne pour nous rassurer. Si nous sommes satisfaits, nous retournons pour examiner l'état de la voie et nous commençons à préparer un plan d'entreprise pour l'exploitation du chemin de fer.

Toutefois, si le trafic emprunte une ligne secondaire et ensuite une ligne principale, il est toujours essentiel de déterminer de quelle manière les revenus seront répartis entre ces deux entreprises. Nous avons négocié de très bonnes ententes avec le Canadien National. Les négociations ont été dures, je puis vous dire que le CN ne fait pas de cadeau, mais ces négociations ont été menées de manière très professionnelle et nous sommes très heureux du résultat.

C'est toujours l'autre point important. J'ai lu le témoignage de Tom Payne du Central Western Railway. Bien sûr, outre le projet de loi, c'est l'une des questions qui le préoccupaient, c'est-à-dire l'inclusion de Central Western dans le calcul de la répartition des revenus.

Le président: Dernière question, Bernie.

M. Collins: La ligne que vous avez achetée, la ligne Goderich-Exeter, l'avez vous achetée pour sa valeur de récupération, ou est-ce que...?

M. Flohr: J'hésite surtout parce que je ne me souviens pas. Je pourrais vérifier. Je sais ce que nous avons payé. C'est du domaine public. Il suffit que je vérifie le montant. Je pense que c'était très près de la valeur de récupération. Je sais que la ligne que nous avons en Nouvelle-Écosse nous l'avons achetée à sa valeur de récupération. Nous avons payé 4 millions de dollars canadiens pour cette ligne qui représente 70 milles de voies avec rails plus légers. Nous avons eu cela pour la valeur de récupération.

.1950

Le Canadien National a gardé vos droits minéraux; les servitudes pour fibres optiques. Mais nous avons acheté tous les droits de surface pour un droit de passage de 100 pieds de large. Nous n'avons pas acheté les voies dans les installations portuaires. Cela appartenait soit au silo Goderich soit à Sifto Salt.

Le président: Merci, monsieur Flohr.

Pour revenir au silo à la gare de parcours, pour votre division Northeast Kansas and Missouri, qui est propriétaire des silo de cette ligne? Est-ce que c'est un ensemble d'exploitants ou une ou deux grandes entreprises céréalières?

M. Flohr: Il y a une coopérative importante à Hiawatha au Kansas qui, si je ne m'abuse, possède trois de ces silos. Tous les autres appartiennent à de petits exploitants indépendants.

Le président: Quand vous arrivez à St-Joseph, où se trouve votre silo à haute capacité, la société qui en est propriétaire est-elle la même que l'une de celles qui se trouvent sur la ligne?

M. Flohr: Non. Ce sont tous les gros, les ADM du monde.

Le président: Les Cargills....

M. Flohr: Les Cargills, ADM - non, ils ne sont pas propriétaires des petits silos. Il n'y a pas de co-propriété entre les deux groupes de silos.

Le président: Si je pose la question c'est parce que dans notre système, c'est quelque chose sur quoi je ne suis pas d'accord avec les coopératives, les entreprises de mise en commun que nous avons au Canada. Agissent-elles vraiment dans l'intérêt des producteurs qu'elles prétendent représenter ou dans l'intérêt de leur société et de leur bilan en préconisant l'abandon de lignes ferroviaires le long desquels se trouvent leurs silos pour ensuite aller aux silos à haute capacité et aux lignes principales?

De toute façon, ces entreprises vont attirer les céréales jusqu'à leurs silos à haute capacité. Pour elles cela représente moins de main-d'oeuvre s'il n'y a plus tous ces petits silos le long de leurs lignes.

Je crois que c'est là qu'il y a une différence entre notre situation et celle de certaines de vos lignes aux États-Unis, mais ce n'est pas un obstacle insurmontable.

M. Flohr: J'ajouterais un petit élément à cela. À St-Joseph au Missouri comme à Goderich, les exploitants de grands silos disent tous actuellement qu'ils préféreraient de beaucoup que les céréales arrivent par wagon plutôt que par camion parce que le camion ça fait du bruit. Tous ces camions qui arrivent et qui partent créent beaucoup de confusion alors qu'un wagon de chemin de fer ça arrive ça et se fait décharger tout bêtement et sans problème jour et nuit.

Dans le cas du silo Goderich, il n'avait de la place que pour décharger deux wagons lorsque nous sommes arrivées. Après un an, ils ont agrandi la voie de service et peuvent décharger 20 wagons à la fois. Ils trouvent cela beaucoup plus pratique que les camions.

Le président: Cela m'amène à une autre question. Au point d'échange avec une ligne principale ou un chemin de fer plus important, quelle capacité vous faut-il? Je suppose que cela dépend de la ligne mais je prends Canadian Western, la ligne de Payne, et je vois certaines des difficultés qu'elles rencontrent au point de transit.

M. Flohr: Tout dépend du nombre de wagons mis au même moment sur la grande voie ferrée et combien de wagons vides on récupère. De façon générale, s'il s'agit de 5, 10, 15 ou 20 wagons, cela ne pose de problème nulle part. Mais si, à cause d'un grand élévateur, on arrive avec 50 wagons, ou plus, il peut arriver que les voies de transit n'aient pas la capacité suffisante pour que tout le train passe en même temps. Tout l'intérêt de ces trains tirant beaucoup de wagons disparaît alors.

Le président: Sur vos lignes secondaires.

Quel est le plus gros problème pour ce qui est des obligations de successeur au Canada, est-ce les salaires ou le fait... Je suppose que dans la situation du Cap-Breton, là où vous avez fait les plus grosses économies de main-d'oeuvre, c'est en vous arrangeant pour que les employés puissent accomplir plus d'une tâche. J'oublie comment vous appelez cela.

.1955

M. Flohr: C'est la distinction entre les métiers, les contraintes professionnelles. C'est là qu'on peut réaliser de grosses économies.

En fait, nous avons réduit les salaires des gens de la Nouvelle-Écosse de 15 p. 100 environ par rapport à ce qu'ils gagnaient avec le Canadien National mais, avec le partage des bénéfices, ils récupèrent à peu près ces 15 p. 100. Ils se retrouvent donc plus ou moins dans la situation dans laquelle ils étaient avant.

Toute la question est de faire éliminer les distinctions entre les métiers parce que pour les grosses compagnies ferroviaires, la personne qui conduit la locomotive ne peut même pas laver le pare-brise de sa locomotive. C'est le travail d'un autre syndicat. La plupart du temps, dans les grandes compagnies ferroviaires, tout ce qu'ils font c'est dire: «Ce n'est pas mon travail». Chez nous, tout le monde fait le travail et on partage ensuite les bénéfices.

Le président: La dernière question que je voudrais vous poser porte sur la théorie du libre accès. Si vous regardez une carte ferroviaire du Canada, beaucoup de nos lignes nord-sud traversent en fait les lignes des deux compagnies de chemin de fer. Je me demande si nous n'allons pas rencontrer des problèmes d'accès. Nous voulons évidemment encourager les lignes secondaires. C'est la raison pour laquelle nous avons pris certaines décisions.

Pourriez-vous nous expliquer la théorie du libre accès?

M. Flohr: Prenons un exemple. Si le Canadien National vendait une ligne de chemin de fer à RailTex. Avec le libre accès, RailTex pourrait emprunter les voies ferrées du Canadien National pour se rendre au premier point où il pourrait faire la correspondance avec le Canadien Pacifique ou peut-être avec un chemin de fer aux États-Unis. C'est ça le libre accès.

La petite compagnie ferroviaire aurait la capacité de livrer du trafic au Canadien National qui lui aurait vendu une ligne, mais elle pourrait également en donner au Canadien Pacifique.

Évidemment, les expéditeurs apprécient beaucoup cela parce que cela leur permet d'obtenir de meilleurs tarifs de transport et peut-être plus de wagons des deux compagnies Canadien National et Canadien Pacifique. C'est l'avantage pour l'expéditeur.

Le Canadien National essaie en fait de décider s'il devrait ou non vendre cette voie à RailTex ou à quelqu'un d'autre. Il se dit: «Si l'acheteur peut ensuite faire passer ce trafic au Canadien Pacifique, je vais y perdre, alors que si je ne vends pas la ligne et que je continue à l'exploiter pour le compte du Canadien national, je bloque le trafic longue distance sur le Canadien National». Sa décision sera donc souvent de ne pas vendre cette ligne parce qu'il ne veut pas perdre ce trafic au profit de l'autre grosse compagnie de chemin de fer.

Aux États-Unis, plusieurs de nos lignes ferroviaires sont louées aux grandes compagnies de chemin de fer. En fait, celle dont je viens au Missouri est louée à l'Union Pacific. Dans le bail que nous avons signé avec l'Union Pacific, il est stipulé que 95 p. 100 du trafic doit être laissé à l'Union Pacific. Nous pourrions l'acheminer par Burlington Northern, l'autre grande compagnie de chemin de fer de là-bas.

Tant que nous l'acheminons à 95 p. 100 sur l'Union Pacific, nous ne payons pas de loyer à cette compagnie. En fait, nous utilisons cette voie ferrée gratuitement. Si, par contre, nous arrivons à un wagon de moins que 95 p. 100, nous devons payer plus de 150 000$ par an de loyer à l'Union Pacific. Alors devinez par où nous acheminons tout notre trafic? C'est par Union Pacific, évidemment.

Ils louent plutôt que de vendre, pour deux raisons. C'est là la première raison. Contrôler l'acheminement des wagons.

.2000

L'autre raison pour laquelle certains chemins de fer ont recours à ces locations est que l'on peut faire intervenir un exploitant de lignes secondaires insuffisamment financé ou marginal afin de lui donner la possibilité de faire tourner son entreprise mais si les expéditeurs ne sont pas satisfaits du locataire qui exploite cette voie ferrée et se plaignent suffisamment, le bail peut être annulé et le propriétaire du chemin de fer peut soit reprendre cette voie et rétablir le service ou la louer à une autre entreprise de ligne secondaire alors que s'il y a vente, c'est réglé une fois pour toutes. Si les expéditeurs ne sont pas satisfaits du nouvel exploitant de ligne secondaire, il est impossible de revenir en arrière.

Mme Cowling: Vous avez dit que vous avez de très bonnes relations avec le CN. Avez-vous des commentaires à faire sur la commercialisation du CN ou d'autres commentaires sur le climat que risque de nous apporter au Canada la déréglementation?

M. Flohr: Je répondrai tout d'abord à votre deuxième question. Je suis tout à fait pour la déréglementation des transports parce que j'estime qu'en fin de compte ce sont les expéditeurs ou les clients qui en bénéficieront, les tarifs ne pouvant que baisser. C'est ce qui s'est produit partout.

Pour ce qui est de la commercialisation du CN, je dirais que cela a déjà présenté quelques avantages, ne serait-ce que parce que l'on en parle, car nous constatons déjà des réductions importantes dans le personnel administratif du CN, personnel qui depuis longtemps semblait parfaitement inutile. Depuis trois ans, nous avons constaté que ces frais généraux avaient considérablement diminué. Cela fait partie de ce que l'on doit faire pour rendre le produit à vendre plus attirant. J'y suis très favorable parce que je crois que cela fera du Canadien National une compagnie de chemin de fer solide qui disposera des capitaux voulus et qui sera un concurrent sérieux pour le Canadien Pacifique.

M. Morrison: Pourriez-vous me préciser encore un peu les choses à propos du libre accès. Si je vous ai bien compris, votre définition du libre accès est que si le chemin de fer A vend au chemin de fer B et que B veut acheminer du trafic vers le chemin de fer C mais doit utiliser les voies de A pour ce faire, c'est le libre accès. C'est bien cela?

M. Flohr: Oui, c'est ainsi que je définis le libre accès.

M. Morrison: Nous avons des chemins de fer au pays - pas trop, mais quelques-uns, en particulier dans l'Ouest - qui sont organisés physiquement pour transporter des marchandises à courte distance à l'une et l'autre des grandes compagnies. Ce ne serait alors pas considéré comme libre accès?

M. Flohr: Non, parce qu'ils pourraient les atteindre l'une et l'autre et ne seraient pas forcés d'emprunter la voie ferrée A pour aller jusqu'à la voie C. C'est là la différence.

M. Morrison: Oui, en effet. D'accord.

M. Flohr: L'autre chose, à propos du libre accès, est que si vous devez emprunter la voie ferrée A, qui va fixer le montant des droits d'exploitation du chemin de fer A? D'autre part, si le chemin de fer A n'aime pas beaucoup que vous fassiez cela, l'expéditeur des trains peut vous rendre la vie difficile pour aller au chemin de fer C et revenir.

Le président: Merci d'être venu. Votre exposé est très encourageant et nous a été très utile. Nous vous souhaitons beaucoup de succès.

M. Flohr: Nous aimons faire des affaires au Canada.

Le président: La séance est levée.

Retourner à la page principale du Comité

;