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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 8 juin 1995

.1144

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Nous accueillons parmi nous aujourd'hui des représentants du comité consultatif de la Commission canadienne du blé. Il s'agit de Wilf Harder président, et de John Clair.

Vous êtes les bienvenus. Si j'ai bien compris, vous avez un exposé à nous faire, après quoi nous passerons aux questions.

M. Wilf Harder (président, Comité consultatif de la Commission canadienne du blé): Merci beaucoup, monsieur le président. Nous sommes très heureux d'être ici parmi vous.

J'ai préparé un mémoire que nous aimerions vous présenter, après quoi nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions. Vous nous en aviez envoyé toute une série; nous ne les avons pas toutes abordées dans notre exposé, mais nous sommes tout à fait disposés à en discuter avec vous.

Il serait peut-être bon de commencer par quelques présentations. Celui qui m'accompagne aujourd'hui, John Clair, est un agriculteur de Radisson, en Saskatchewan, et est le vice-président du comité consultatif de la Commission canadienne du blé.

J'en suis, pour ma part, le président. J'habite un petit village du Manitoba, Lowe Farm, qui se trouve à 50 milles au sud de Winnipeg. Lorsque je dis «Lowe Farm», la plupart des gens pensent que c'est le nom de ma ferme, mais ce n'est pas le cas, n'est-ce pas, Wayne. Il a fallu près de dix ans à Wayne pour piger. La ferme est grande, mais pas si grande que cela, tout de même.

Il me faudrait, par ailleurs, mentionner que le comité consultatif de la Commission canadienne du blé compte des représentants partout dans l'ouest du pays. Nous sommes élus par quelques 125 000 producteurs. Nous couvrons onze districts, allant de la région de Peace River jusqu'à la frontière ontarienne. Dans le cadre de notre rôle de conseiller, nous tenons des réunions annuelles avec les commissaires et le personnel de la Commission canadienne du blé.

Aujourd'hui, nous comparaissons devant vous au nom des agriculteurs et nous sommes venus ici pour parler de transport, de réglementation et de toutes ces autres questions qui sont liées à la modification de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest.

J'aimerais tout d'abord vous remercier, comme je l'ai fait tout au début, de l'occasion qui nous est ici donnée de comparaître devant vous. Lorsque Marc Toupin m'a téléphoné pour m'en parler, c'était au beau milieu des travaux d'ensemencement. Cette année, le milieu de la période d'ensemencement s'est étalé de la mi-avril à la mi-mai. Lorsque tous les arrangements ont été faits, John et moi-même avions des champs à semer et nous avons donc été bousculés pour mettre quelque chose sur papier. Nous avons néanmoins réussi à mettre ensemble quelques idées et je vais, si vous le voulez bien, les parcourir avec vous.

Pour que les choses soient bien claires, je pense qu'il serait peut-être utile de revenir un petit peu en arrière et d'examiner les différentes raisons qui ont été invoquées pour modifier la Loi sur le transport du grain de l'Ouest et la méthode de paiement. J'aimerais m'y attarder quelques instants, car Ottawa ne cesse de pousser en faveur de ces changements. Les différentes raisons qui ont été données sont fort intéressantes.

Le premier changement - et on a tendance à l'oublier - remonte aux années 1970 ou 1980. Lorsque la Loi sur le transport du grain de l'Ouest a été modifié, on pensait qu'en 1990, le blé se situerait à environ 9$ le boisseau et on se disait donc que, naturellement, les agriculteurs pourraient payer plus pour le transport du grain. Nous savons tous, bien sûr, que les choses ne se sont pas passées ainsi.

Est alors venu s'immiscer dans le tableau le mot «diversification». Il y en a qui pensent qu'il faut, pour que l'industrie de l'élevage soit viable, que les prix de l'orge baissent, et c'est pourquoi il a fallu changer la méthode de paiement pour augmenter les coûts de transport. Personne n'a paru s'inquiéter des conséquences que cela aurait sur les prix de l'orge et sur les producteurs d'orge.

Le Saskatchewan Wheat Pool a fait une analyse de l'incidence du doublement ou du triplement de la production de bétail dans les Prairies. Il a conclu que cela amènerait une augmentation modeste de la consommation de grains - et nous avons ici certains des chiffres, si cela vous intéresse - mais que, même si on faisait cela, il resterait toujours une montagne de grains à exporter.

Lorsque les bureaucrates d'Ottawa s'en sont rendus compte, ils se sont lancés sur l'autre thème favori: il faut changer la méthode de paiement pour avoir un système de manutention et de transport du grain qui soit plus efficient. L'efficience, cela signifie, bien sûr, un nombre inférieur d'élévateurs. Or, le nombre des élévateurs et la capacité d'entreposage baissent à un rythme si alarmant dans les Prairies que, si la capacité d'entreposage devait baisser encore davantage, on aurait du mal à suivre la montée de la demande du côté de l'exportation.

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Cela ne se trouve pas dans le texte qui vous a été remis, mais, en 1983, une compagnie que je connais assez bien, la Manitoba Pool a fait passer par son système 3,1 millions de tonnes, avec187 élévateurs et 1 176 employés, pour une moyenne de 16 800 tonnes par station. En 1991, la même compagnie a eu un volume de 3,5 millions de tonnes, avec 135 élévateurs et 798 employés, pour une moyenne de 26 000 tonnes par station. Je suis convaincu que toutes les compagnies de ce genre rapporteraient des améliorations semblables sur le plan de l'efficience.

Une autre raison invoquée pour changer la méthode de paiement était le GATT. Il n'y a aucun doute dans notre esprit que la Loi sur le transport du grain de l'Ouest a été abordée à la table du GATT non pas par d'autres pays, mais bien par nos propres négociateurs, qui s'en sont servis pour obtenir par des moyens détournés les changements à la Loi qu'ils savaient ne pas pouvoir obtenir chez eux. Ils étaient ainsi exempts de tout blâme.

Il semble que certains aient gobé cette histoire. Les agriculteurs se sont fait dire que c'éatit le GATT qui nous avait obligé à changer la méthode de paiement et que le gouvernement canadien ne pouvait rien y faire. Cela prend du culot.

Il est absolument incroyable que l'on cède la LTGO sans même tenter d'obtenir un échange avec la subvention au transport du Mississippi Corps of Engineers. C'est d'une stupidité affolante! Il y a de quoi se demander pourquoi l'on se donne la peine d'envoyer quelqu'un négocier.

Cela débouche, bien sûr, sur une autre raison qui a été fabriquée pour justifier la modification de la LTGO: les pressions venant des États-Unis. Dans leur vision déformée du commerce international, ils pensaient que la LTGO accordait aux agriculteurs des Prairies un avantage commercial injuste par rapport à eux, et ce, en dépit du fait qu'on leur ait dit que l'élimination de la Loi amènerait une augmentation des pressions subies par le GATT à destination du sud. Et c'est déjà ce qui se passe. En fait, l'encre n'était pas encore séchée, en ce qui concerne les changements apportés à la méthode de paiement, que l'un des groupes de commissaires vedettes, disait, à Winnipeg, que les Américains commençaient à s'inquiéter très sérieusement de cette subvention pour le transport.

Il est assez facile de voir le deuxième sens de ce genre de déclaration. Il n'a pas fallu attendre longtemps après l'annonce des modifications à la LTGO avant que les États-Unis ne disent: «C'est très bien; débarrassons-nous maintenant également de la Commission du blé.»

Je soumets au comité que tout bureaucrate qui pense qu'on augmentera notre force de frappe sur le marché en abandonnant notre système de commercialisation, qui a fait ses preuves il y a fort longtemps, pour faire plaisir aux Américains devrait se faire inviter à se chercher un emploi ailleurs. Dans mon texte original, j'avais écrit: «devrait être licencié sur le champ», mais on a jugé que cela n'était pas assez élégant et on a donc changé le texte en conséquence.

Combien de temps nous faudra-t-il pour nous rendre compte que les Américains veulent changer notre système parce qu'ils ne peuvent pas le concurrencer. Au lieu de nettoyer leur propre cour, ils veulent venir salir la nôtre.

L'autre raison invoquée pour supprimer la LTGO et la méthode de paiement était, bien sûr, le budget. Il nous faut éliminer la LTGO à cause des compressions budgétaires. Il est difficile de croire que quelqu'un pourrait vraiment tomber dans le panneau.

Ron Gleim, président du tout nouveau Transportation and Planning Council in Saskatchewan, qui comprend la ville de Swift Current, explique que des routes comme la 42 ont été complètement détruites par les gros camions très lourds, alors que des lignes ferroviaires secondaires peuvent, moyennant quelques petites améliorations, durer jusqu'à 50 ans. Il dit qu'une route qui, dans le temps, n'accueillait que cinq ou six camions d'une tonne par jour est maintenant empruntée par dix trains «B» et que toutes les routes se dégradent.

Chers amis, ce n'est que la pointe de l'iceberg. Ces routes, ce sera les contribuables qui en paieront les frais par l'intermédiaire des provinces et des municipalités. Tous ces beaux discours fédéraux sur les compressions budgétaires n'ont pour objet que de transférer les coûts de transport aux provinces. Comment donc peut-on parler d'économies?

Tout récemment, une autre raison nous a été servie pour justifier la suppression de la LTGO. Il s'agit, bien sûr, de la privatisation du CN. Si le chemin de fer peut être vendu à n'importe qui, même à des intérêts américains, alors il faut s'attendre à ce que les agriculteurs se voient imposer des frais de transport plus élevés.

Si je voulais être cynique, je dirais que la LTGO a été changé tout simplement du fait de son existence. Cette raison me semble aussi logique que celle des autres qui ont été données.

J'aimerais vous citer un extrait d'un rapport de recherche de l'Alberta Pool en date du 5 janvier 1995. Nous en avons des copies pour vous. Je l'ai obtenu tout récemment. Il s'agit d'un document d'information. J'aimerais vous lire un extrait de ce document rédigé, donc, en Alberta:

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Le texte se poursuit comme suit:

Le comité consultatif de la Commission canadienne du blé maintient depuis le tout début que la modification de la méthode de paiement sera une expérience coûteuse pour nombre de céréaliculteurs. Plus coûteuse encore, cependant, sera la déréglementation qui s'en suivra forcément. Même les compagnies de grain commencent à le voir. On me dit que c'est le cas de Cargill.

J'aimerais maintenant vous lire un passage tiré des procès-verbaux et témoignages de la réunion du 4 mai 1994 du sous-comité de la voie maritime du St-Laurent du comité permanent des transports, réunion à laquelle j'ai assisté. M. Easter a posé une question à Rick Sallee, vice-président de la commercialisation et des ventes pour le trafic lourd de CP Rail. M. Easter a dit ceci:

Et de répondre M. Sallee:

Avec une si bonne affaire, pourquoi les compagnies de chemins de fer veulent-elles la déréglementation? Pourquoi veulent-elles que les plafonds sur les tarifs soient supprimés? Si la méthode de paiement nouvelle mode améliorera à un point tel leur efficience, qu'est-ce qui les empêche de réduire tout de suite les tarifs? Rien du tout.

Ce que cela nous dit, en fait, c'est que les chemins de fer veulent être concurrentiels pour la potasse et pour d'autres marchandises transportées en vrac. Le problème auquel nous, agriculteurs, nous trouvons confrontés dans le cadre de ce genre de système est qu'au contraire des autres secteurs, nous ne pouvons répercuter nos coûts. À l'exception de la gestion de l'offre, nous devons accepter les prix qu'on nous donne.

Ce qui ressort de tout cela, c'est que les chemins de fer sont davantage intéressés par les profits que par l'efficience. Que le gouvernement veuille, d'un côté, déréglementer les chemins de fer, et, de l'autre, réglementer la possession d'armes à feu est une bien mauvaise blague.

Le gouvernement veut de nouveaux règlements visant les pêches dans l'est du pays et presque pas de règlements pour les compagnies de chemins de fer. Si cela continue pendant un petit moment encore, les céréaliculteurs risquent-ils de se trouver confrontés au triste sort que connaissent aujourd'hui les pêcheurs des Maritimes?

Tout récemment, le ler juin - cela n'est pas dans le texte - la Montana Farmers Union a fait diffuser un communiqué de presse. Ils ont, aux États-Unis, le genre de système vers lequel il semble que nous tendions. J'aimerais vous lire quelques pages tirées de ce communiqué de presse.

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Et on peut lire plus loin:

On pourrait poursuivre en vous citant des cas de pénurie de wagons, de problèmes de livraison, de wagons et d'accès aux États-Unis... Tout ce que j'essaie de dire est que, alors que notre pays veut s'écarter d'un système, d'autres groupes sont en train de dire que leur système, dans un milieu déréglementé, ne fonctionne pas très bien lui non plus.

Le document préparé par le sous-comité pose de nombreuses questions importantes. Par exemple, qui devrait être le propriétaire des wagons-trémies du gouvernement? Cela n'est pas terriblement compliqué. Il est clair que si le gouvernement veut se retirer, ce devrait être la Commission du blé qui en devienne le propriétaire et en assume le contrôle. Il nous semble que c'est là une solution fort simple qui est en même temps la plus logique.

J'aimerais maintenant parler brièvement de toute cette question de tarifs de transport liés à la distance et de ce que devrait être le tarif du grain à partir de Winnipeg par opposition à Saskatoon ou à Calgary.

J'ai à plusieurs reprises demandé au Bureau national des grains de dire quel serait le tarif pour le transport du grain si tous les agriculteurs payaient la même chose, que leur exploitation se trouve dans la région de Peace River ou près de Brandon, au Manitoba. C'est un petit peu comme poster une lettre à Churchill ou à Ottawa.

La réponse que j'ai eue, si on peut appeler cela une réponse, a été la suivante: «Eh bien, monsieur, ce genre de situation ne ferait pas ressortir les vrais clignotants des prix dans les différentes régions et amènerait sur le marché des distortions qui ne reflèteraient pas le véritable prix du grain à un endroit donné et à un moment donné.» Je pense que ce que signifie véritablement cette réponse, c'est qu'on ne va pas s'y intéresser.

Le nouveau régime LTGO et le barème des tarifs proposés envoient eux aussi des signaux qu'il nous faudrait examiner avant d'aller plus loin. Le signal qu'envoie le nouveau barème des tarifs est que Morris, au Manitoba - et j'habite à 10 milles de là - aurait le tarif le plus bas pour l'orge de brasserie et le blé dur, qui ne sont pas d'un classement facile et qui ne sont donc presque pas cultivés.

Le nouveau barème des tarifs dit, en fait, que tous les parcs d'engraissement devraient se trouver dans le Manitoba et que toute l'orge fourragère devrait être exportée à partir de l'Alberta. Vous pouvez être certains que l'Alberta n'acceptera jamais cela.

En tant que Canadien et qu'agriculteur canadien, je pense que nous devons nous demander sérieusement si une restructuration aussi massive de l'industrie vaut la peine d'être effectuée, vu le coût de la destruction des structures existantes pour en créer de nouvelles.

On entend beaucoup parler des retombées économiques qui découleront de la diversification qu'amènera la modification de la LTGO. L'on entend, cependant, très peu parler de la perte d'activités économiques résultant de ce changement et ce pourrait être le sort de nombreuses petites localités.

Il n'est pas difficile de calculer la perte de revenus d'un élévateur de taille petite ou moyenne avec un volume annuel de 25 000 tonnes et cela commence à être le minimum pour qu'une compagnie conserve un élévateur. Si vous multipliez ces 25 000 tonnes par une augmentation de frais de transport de 20$ la tonne, cela donne des pertes de 500 000$ pour la localité. J'ai été si étonné par ce chiffre que j'ai refait le calcul plusieurs fois. C'est beaucoup d'argent pour une petite localité. Et si l'augmentation passe à 30 ou à 40$ la tonne, la situation est encore plus dramatique.

Cela amène, bien sûr, la question suivante: où sont les études d'impact montrant les conséquences de la suppression de la LTGO sur les plans perte de revenus pour les céréaliculteurs, augmentation des frais routiers et problèmes écologiques et de consommation d'énergie? Il est impensable que l'on adopte des changements d'une telle envergure sans avoir au préalable fait une étude d'impact en bonne et due forme.

Peter Thomson, ancien administrateur de l'Office du transport du grain, à la retraite depuis peu, a déclaré, à Winnipeg, en novembre dernier:

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Il est intéressant de noter que, en dépit des importantes subventions versées aux États-Unis, le Canada a maintenu sa part du marché mondial. Les États-Unis produisant environ 11 p. 100 de la production mondiale totale de blé et comptent pour près du tiers des exportations mondiales. Le Canada, quant à lui, produit 5 p. 100 de la production mondiale de blé et représente 20 p. 100 des exportations mondiales. Ce qui est encore plus intéressant, c'est que les tarifs ferroviaires américains sont en moyenne supérieurs de 20$ la tonne à nos tarifs compensatoires en vertu de la LTGO, même si les Américains paient moins de taxe sur les carburants.

Il est également intéressant de souligner que nos installations portuaires travaillent à pleine capacité, alors que, aux États-Unis, le port ne tourne qu'à 50 p. 100 de leur capacité. La durée moyenne de cycle pour tous les ports américains est de 18,2 jours pour tous les grains, comparativement à 17,5 jours au Canada. Il ne faut pas oublier non plus que nous expédions davantage de variétés et de catégories de grains.

Notre dossier en matière de mouvement est encore plus impressionnant, lorsqu'on tient compte du fait que l'entreposage commercial au Canada ne porte que sur la moitié de nos exportations totales. Aux États-Unis, l'entreposage commercial couvre près du double des exportations annuelles.

Ce n'est pas si mal pour une région qui est plus loin de la mer qu'un quelconque de ses concurrents. Ce n'est qu'au Canada, devant pareille réussite, que l'on entendrait des gens dire qu'il nous fallait changer pour être davantage Américains.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci monsieur Harder. Votre présentation a été très directe, c'est le moins qu'on puisse dire. Il n'y a pas grand risque de confusion. Cela me plaît.

[Français]

M. St-Laurent (Manicouagan): Oui, c'est très clair.

Vous venez de mentionner que la rotation des wagons se fait environ tous les 17 à 18 jours. Dans nos notes, on dit que c'était 20 jours en 1908. On avait une rotation de wagons de 20 jours dans l'Ouest du pays. Est-ce que c'était très efficace en 1908 ou si ce l'est moins aujourd'hui? J'aimerais vous entendre un peu là-dessus. Est-ce qu'il y aurait une solution à trouver dans le domaine de la rotation? On se sert beaucoup des wagons, semble-t-il, comme entrepôts pour économiser des sommes d'argent. Est-ce qu'on pourrait trouver une solution à travailler dans ce sens-là?

[Traduction]

M. Harder: Ces renseignements ressemblent à quelque chose qui avancerait la United Grain Growers ou les Western Canadian Wheat growers. Il ne faut pas en oublier la source, monsieur.

J'ignore si quelqu'un a jamais vérifié ces chiffres. Il est assez clair que, à cette époque-là - et je peux imaginer toutes sortes de choses - il y avait beaucoup moins de grain à transporter, beaucoup moins d'autres marchandises, moins de variétés, moins de lois régissant le travail avec lesquelles il fallait composer, etc. Il s'agit là du genre de discours que font certains groupes pour discréditer notre système. Voilà ce que j'en pense.

J'aimerais que quelqu'un me fasse une analyse détaillée du pourquoi et du comment de la situation à l'époque. Je suis certain que, dans le temps, on n'exportait pas de canola. Je ne suis pas non plus convaincu qu'on ait exporté de petits pois ou de graines pour canari. Voilà pourquoi je ne suis pas convaincu qu'il s'agisse là d'une comparaison logique.

Je pense que comparer notre système à celui qui prend forme aux États-Unis est beaucoup plus logique, mais certains groupes vous ont donné ces renseignements... et ce sont des groupes auxquels certains d'entre nous n'accordent pas une grande crédibilité.

M. John Clair (vice-président, Comité consultatif de la Commission canadienne du blé): Une chose doit être claire: nous ne nous opposons aucunement à ce qu'on se penche sur les durées de cycle et sur la nécessité d'y apporter des améliorations, car chaque fois que ce cycle est raccourci d'un jour, il faut 700 wagons de moins dans le système. Si l'on pouvait retrancher deux ou trois jours à la durée du cycle...

Il y en a qui abusent du système en utilisant les wagons pour faire de l'entreposage. J'ai eu l'occasion de faire quelques vérifications et j'ai constaté qu'ils font cela à Prince Rupert. Lorsque nous étions là-bas, l'un des plus petits terminaux à Rupert utilisait 200 ou 300 wagons pour entreposer une marchandise destinée à l'expédition en attendant que le bateau arrive et, dans le cas dont je me souviens, le navire avait été retardé pendant deux semaines ou un mois.

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Il ne s'agit là que d'un cas et cela ne vaut pas pour le système tout entier, mais il y a des abus, et je pense qu'il nous faut une garantie de rendement d'un genre ou d'un autre. Il me semble que si vous l'utilisez et que vous en abusez, vous devriez payer une pénalité.

M. Harder: Je pense qu'il importe de souligner que les grains assujettis à la Commission du blé bénéficient de durées de cycle beaucoup plus courtes du fait qu'ils peuvent être mis en commun. Le fait qu'une céréale soit assujettie par la Commission canadienne du blé vient certes rehausser l'efficience du système.

[Français]

M. St-Laurent: Je vous remercie. C'est tout pour moi.

[Traduction]

Le président: En ce qui concerne ce dernier point, monsieur Harder, avez-vous les diverses durées de cycle pour les céréales assujetties à la Commission canadienne du blé par opposition aux céréales vendues sur le marché libre, ou bien pourriez-vous les obtenir pour nous? Il serait bien que nous disposions de ces données.

M. Harder: Bien sûr.

Le président: Nous pourrons revenir là-dessus lorsque vous aurez trouvé les chiffres.

Mme Cowling (Dauphin - Swan River): J'aimerais, tout d'abord, remercier nos témoins d'être venus nous rencontrer et de nous avoir fait leur exposé.

Du fait que je m'intéresse à la céréaliculture depuis de nombreuses années et que je sois mi-manitobaine - ma circonscription est Dauphin - Swan River - j'ai toujours été un farouche défenseur de la Commission canadienne du blé et je le serai toujours. Avec ce qui se passe, dans ma circonscription, Swan River va se voir confronter aux coûts de transport du grain les plus élevés de notre pays.

J'aimerais vous poser une question que j'ai soulevée avec nombre des témoins que nous avons entendus avant vous et qui concerne le subventionnement des coûts. À ma connaissance, une chose qui n'a jamais été reconnue est le fait que le Manitoba ait interfinancé plusieurs embranchements dans le nord de l'Alberta et en Saskatchewan.

Si vous prenez un régime qui est déréglementé et où une partie des 300 millions de dollars a été mise de côté pour l'adaption à la mise en commun des coûts du transport par eau, quel chiffre serait juste pour les producteurs manitobains qui vont se trouver confrontés aux coûts supplémentaires?

M. Harder: Je pense que le Manitoba, en tant que province, va se retrouver pris avec50 millions de dollars. Les 300 millions de dollars sont une piètre somme. Combien de routes peut-on construire avec 300 millions de dollars? Je suis prêt à parier que vous ne pourrez pas en construire plus de 600 milles, et je ne suis pas ministre des Transports. Je pense qu'il y a quelqu'un du gouvernement provincial qui va comparaître et qui pourrait nous le dire.

Je pense, en tout cas, que c'est une bien piètre somme. Comme je l'ai dit dans notre exposé, je ne veux pas me lancer dans une discussion sur des chiffres, mais s'il y a quelqu'un qui pense que300 millions de dollars vont régler des problèmes... Chacun veut sa part, et j'avais le montant ici, mais ça ne cadrait pas. Cela ne va rien faire pour nous; c'est rien.

Ce sont les municipalités qui sont l'élément intéressant dans tout cela. Je suis, pour ma part, convaincu que les municipalités ont été beaucoup trop lentes. Dans le temps, on voulait qu'elles s'intéressent à la LTGO, mais elles ont dit non, parce que c'était l'affaire d'autres. Elles ne voyaient pas que cela allait les toucher de très près.

On sera bientôt aux prises avec d'énormes frais routiers et qui va les payer? Les 300 millions de dollars ne sont, à mon avis, qu'une goutte d'eau.

Mme Cowling: Une chose que nous disent des témoins - et on a entendu des porte-parole des deux camps là-dessus - est que nous devrions avoir un marché libre et ouvert et laisser les forces du marché jouer librement.

Je pense qu'il est important pour les agriculteurs de ma circonscription et de partout dans l'Ouest qu'on ne les laisse pas à la merci des chemins de fer qui demanderont le prix qu'ils veulent. Le plafond sur les tarifs maximaux est une question importante. Pensez-vous que le plafond devrait être maintenu?

D'autre part, étant donné que nous ne savons pas très bien ce que nous réserverait un régime déréglementé, appuieriez-vous le concept d'un organe de surveillance - un genre de chien de garde - qui serait chargé de suveiller l'évoluation de la situation dans le système?

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M. Harder: Bien sûr. Nous avons déjà cela, et je ne vois pas pourquoi on voudrait s'en éloigner. Nous avons l'Office du transport du grain. Bien sûr qu'il nous faut un chien de garde.

M. Clair: L'actuelle LTGO prévoit déjà des mécanismes qui pourraient être utilisés pour que l'on ne se trouve pas avec un système ferroviaire non concurrentiel.

J'ai ici une petite carte des liaisons ferroviaires qui sont assurées dans l'ouest du pays. Je n'ai malheureusement pas de version agrandie de la carte.

Mme Cowling: Je l'ai vue.

M. Clair: Le milieu n'est pas concurrentiel, cela est certain. Je ne peux pas transporter mon grain sur 40, 100 ou 200 milles pour rejoindre une autre ligne ferroviaire et dire que j'oeuvre dans un environnement concurrentiel.

Il est donc évident qu'il nous faut un organisme qui veille à ce que les tarifs pour le transport correspondent aux coûts plus une marge raisonnable. Il me semble que la LTGO faisait très bien l'affaire. Le Comité supérieur du transport du grain avait un comité qui examinait les coûts et nous, les agriculteurs, pouvions y être représentés et participer. Nous allons perdre cela dans un mois et demi.

Un organe de surveillance est déjà en place et il est certain que je favoriserai son maintien plutôt que sa disparition. Peu importe le nom qu'on lui donne, on en a besoin pour notre protection.

Il nous faut par ailleurs un plafond. Il n'y a aucun doute dans mon esprit que si on laisse s'établir ce qui existe aux États-Unis - et, si j'ai bien compris, c'est ce vers quoi on tend - je serai coincé. Déjà, dans le monde, je dois accepter les prix qu'on m'offre, je dois accepter ce que me disent les compagnies de chemins de fer et tous les autres; il en reste de moins en moins pour moi, et j'ai déjà du mal à m'en tirer.

M. Harder: Je pense, Marlene, que certains pensent que une fois les chemins de fer libérés, ils vous diront qu'ils...

Il y a un an, il y a eu une pénurie de wagons. J'ai assisté à certaines réunions aux États-Unis. À une réunion, il y avait un professeur d'A & M au Texas qui était un expert dans le domaine ferroviaire. Il a dit que les compagnies de chemins de fer n'avaient pas suffisamment de wagons pour les périodes de pointe. Ça n'est pas rentable pour elles. Elles prévoient en fonction de la moyenne. Ce n'est guère différent de la situation de l'agriculteur qui n'achète pas deux ou trois moissonneuses-batteuses, car il n'en n'a tout simplement pas les moyens. Les compagnies de chemins de fer, même dans un système déréglementé, n'ont pas le matériel roulant nécessaire pour les heures de pointe. Elles assurent une moyenne, de façon que leur système tourne à plein régime.

M. Clair: Si quelqu'un pense que l'on peut transporter un volume de grain d'un bout à l'autre des États-Unis et continuer d'obtenir les mêmes marchés qu'en ce moment, lesquels comptent sur notre qualité...

C'est là notre force sur le marché. La qualité de notre système est imbattable. Nous sommes le seul pays qui garantisse son produit au déchargement. Il y a un cas où on est passé par Seattle avec de l'orge. Je ne veux plus jamais emprunter le système américain, car on perd le contrôle et, dès qu'on perd le contrôle, on perd notre client ou bien on doit réduire notre prix à un point tel que ça n'en vaut plus la peine.

Mme Cowling: Vous avez votre carte des lignes qui sillonnent le pays. L'autre question qui nous préoccupe est celle de l'abandon de lignes ferroviaires. Nous avons entendu un groupe de personnes qui nous ont parlé de lignes ferroviaires sur courtes distances et dont la perspective est toute différente.

Que pensez-vous de l'abandon des lignes ferroviaires? D'après vous, combien de lignes nous faut-il? Que pensez-vous du système des lignes sur courtes distances?

M. Harder: Tout d'abord, d'aucuns prétendent que l'abandon de lignes ne pourrait pas avoir lieu dans le cadre de la structure actuelle. Réglons tout d'abord cette question-là. Il s'opérait une rationalisation et le nombre des élévateurs était en baisse; il n'était pas nécessaire de modifier la structure actuelle pour qu'il y ait davantage d'abandon de lignes.

J'ignore combien de milles devraient être abandonnés. Mais lorsqu'on abandonne des lignes ferroviaires, je pense qu'il importe d'examiner le tableau tout entier. Si vous abandonnez une ligne ferroviaire, quels seront les frais routiers accrus, quels sont les enjeux pour la localité, etc.? Je pense qu'il nous faut vraiment tenir compte de tout cela.

Le Department of Highways du Dakota du Nord est aujourd'hui en train de payer les compagnies de chemins de fer pour que celles-ci entretiennent les plateformes des lignes, car il trouve que la construction routière est trop coûteuse.

Je n'ai pas de chiffres, mais je pense qu'il y aurait lieu de faire une étude d'impact en bonne et due forme. Fait-on réellement des économies en passant tout simplement des chemins de fer au camionnage? J'habite le long de la route 23, qui traverse l'une des parties au sud de la province, et les routes se détériorent très rapidement.

Je pense qu'il faudrait tenir compte de tout cela avant d'envisager d'abandonner les lignes secondaires.

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Si le gouvernement estime que les chemins de fer peuvent prouver de façon convaincante qu'ils ne peuvent pas exploiter une ligne de façon rentable, alors le gouvernement doit faire un choix. Veut-il dépenser de l'argent sur des lignes ferroviaires ou bien construire d'avantage de routes? C'est là le choix.

M. Clair: Il y a environ deux ans et demi, j'ai travaillé avec le gouvernement provincial de la Saskatchewan pour voir quel genre de système routier équivalait à quel genre de système ferroviaire. Mille par mille, ou presque, les pauvres lignes secondaires, d'un coût apparemment élevé, étaient le parallèle des pires routes de la Saskatchewan.

Je ne peux pas me prononcer sur le Manitoba ou sur l'Alberta, mais nous nous trouvons chez nous dans une situation où les pires routes vont être celles qui afficheront le trafic de camions le plus élevé. Pour moi, en tant que contribuable, cela va être quelque chose d'extrêmement coûteux.

Si c'est vraiment le peuple qui constitue le gouvernement, alors nous devrions être dans une situation contrôlée qui nous permette de dire: «Un instant! C'est le chemin de fer qui coûte le moins cher. Si ce n'est pas le cas, je ne m'oppose pas à ce qu'on abandonne la ligne, mais si c'est le moyen le moins cher pour moi d'acheminer mon produit jusqu'au marché, alors le chemin de fer devrait rester là».

Même si le coût devait dépasser son niveau actuel, c'est toujours meilleur marché que le transport routier.

Mme Cowling: J'ai encore une autre question à vous poser au sujet des lignes ferroviaires.

Nous avons une ligne d'acier qui parcourt le pays d'un bout à l'autre. On me dit qu'une bonne part des revenus vient de l'ouest du Canada. S'il y a bel et bien dans le système des éléments non efficients, pensez-vous que nous devrions continuer d'avoir cette ligne d'acier qui traverse le pays d'est en ouest?

M. Harder: Je me demande parfois si l'on s'est vraiment efforcé de rendre le système ferroviaire aussi efficient que possible.

Il y a quelques années, j'ai emprunté le CN pour me rendre à une réunion, à Edmonton. Il y avait dans le train un touriste américain qui disait qu'il était très déçu. Il avait vu tous les dépliants sur les trains qui traversaient les montagnes et il m'a dit: «Savez-vous quoi? Le train traverse les montagnes la nuit».

J'ai vécu la même expérience lorsque j'ai téléphoné; ils ne voulaient même pas faire de promotion. Ils disaient des choses du genre: «Vous aurez peut-être le petit déjeuner dans le train, peut-être pas». C'est la seule fois que j'ai voyagé par train et j'ai été, pour tout vous dire, agréablement surpris; j'ai trouvé cela formidable. Nous ne nous sommes pas vraiment efforcés d'en faire la promotion, et je me demande si l'on a tenté de rendre le système ferroviaire aussi efficient que possible, quel que soit le système.

J'imagine que, à un moment donné, si cela devient trop coûteux, il faudra changer cela, Marlene. N'empêche que je me demande si l'on a vraiment fait des efforts pour faire fonctionner tout cela.

M. Hoeppner (Lisgar - Marquette): Bienvenue, messieurs.

Je sais que M. Harder est agriculteur et j'imagine que c'est également le cas de John.

M. Clair: Oui.

M. Hoeppner: C'est dommage que vous n'ayez pas inclus ces premiers chiffres que vous avez cités relativement à l'abandon des élévateurs. Quel était ce pourcentage encore?

M. Harder: Au sujet du Manitoba Pool?

M. Hoeppner: Oui.

M. Harder: Je ne sais si je peux vous donner cela en pourcentage. J'ai néanmoins ces chiffres.

M. Hoeppner: Cela m'intéresserait de les voir. Je me demande si cela ne pourrait pas devenir plus efficient.

M. Harder: Il y a, en fait, un bon document là-dessus, qui a été préparé par l'Office du transport du grain. Ce que j'ai ici, ce sont des notes qui remontent à il y a plusieurs années. Nous aurions pu inclure cela, mais je ne savais pas combien de temps j'allais prendre.

Le document, qui a été rendu public, dit ceci:

J'ignore si la dernière affirmation est juste, mais...

M. Hoeppner: C'est à cela que je voulais en venir. Vous avez rationnalisé votre système d'élévateurs.

M. Harder: Et vous n'avez encore rien vu.

M. Hoeppner: Je me demande tout simplement pourquoi les frais d'élévateurs et autres coûts n'ont pas baissé. Ils augmentent chaque année. Or, lorsque j'améliore l'efficience de ma ferme, mes coûts baissent.

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M. Harder: Tout ce que je peux dire, c'est...

M. Hoeppner: Vous pourrez sans doute expliquer cela plus tard. J'ai beaucoup de questions. Si vous pouviez nous fournir une explication écrite à...

M. Harder: Vos coûts ne diminuent pas, mais ils augmenteraient beaucoup plus si certaines choses ne se faisaient pas. Si vous examinez les états financiers de la plupart des compagnies céréalières, vous constaterez que les opérations dans les campagnes ne rapportent que très peu d'argent.

M. Hoeppner: Nous examinerons cette question un petit peu plus tard.

Vous êtes agriculteur. Quel votre rendement sur votre investissement? Que coûtent vos opérations?

M. Clair: Si j'atteins 2 p. 100...

M. Hoeppner: C'est assez bon. Comment donc pouvez-vous dire que la LTGO, avec son rendement garanti de 20 p. 100 sur l'investissement et les opérations, devrait être maintenue?

M. Harder: Je poserai la question dans le sens inverse? Dites-moi, si c'est si bien pour les chemins de fer, alors pourquoi veulent-ils changer les choses?

Vous avez tout à fait raison, Jake. C'est une bonne affaire pour eux, à l'heure actuelle. Mais la question que vous devriez vraiment poser est celle de savoir pourquoi ils veulent quelque chose qui est encore plus payant pour eux.

M. Hoeppner: Je ne pense pas qu'ils veulent vraiment changer les choses.

M. Harder: Vous rigolez.

M. Hoeppner: Vous avez dit, dans une de vos déclarations, que cela ne les intéressait pas vraiment de changer le système.

M. Harder: Je n'ai pas dit cela. Pas du tout.

M. Hoeppner: C'est ce qui était sous-entendu.

M. Harder: Nous savons qu'ils veulent que les plafonds soient supprimés. Ils ont déjà obtenu cela. On aurait pu apporter ces modifications. Mais, dites-moi, pourquoi les chemins de fer veulent se débarrasser de la LTGO.

M. Hoeppner: Je vous le demande.

M. Harder: Je vous ai dit qu'ils voulaient s'en débarrasser pour pouvoir nous demander plus cher. Vous pensez qu'elle se débrouille bien aujourd'hui.

Le président: Ils vous ont tous mis ensemble, le Manitoba. Je pense que c'est là le problème.

M. Hoeppner: J'aborde ici l'aspect philosophique. J'ignore qu'elle est la philosophie deM. Harder, mais il dit que les chemins de fer ne devraient pas avoir de monopole.

M. Harder: Ils auront toujours un monopole. Il nous faut le contrôler.

M. Clair: C'est le seul moyen pratique de transporter hors province des produits lourds comme le blé ou l'orge.

M. Hoeppner: Vous venez de dire qu'ils ne devraient pas avoir de monopole et qu'on devrait se munir d'une réglementation interdisant cela.

M. Harder: Non, nous devrions réglementer les prix. Il y aura toujours un monopole. Si l'on a deux chemins de fer, il est ridicule de penser... Peu importe qui achète le CN. Vous pensez qu'ils ne vont pas coopérer?

M. Hoeppner: Vous n'aimez donc pas la concurrence.

M. Harder: Il n'y en n'a pas.

M. Hoeppner: Sur votre exploitation, aimez-vous la concurrence?

M. Harder: Il y en a une.

M. Hoeppner: Vous en avez une. Recommanderiez-vous que votre fournisseur de grain devienne monopolistique?

M. Harder: Il l'est déjà.

M. Hoeppner: Il l'est? Et vous n'aimez pas cela.

M. Harder: Je ne vois pas à quoi vous voulez en venir, Jake.

M. Hoeppner: J'y arrive. J'aimerais tout simplement que vous répondiez à ma question.

M. Harder: Je pense qu'un monopole, c'est peut-être une chose très profitable, si c'est vous qui le détenez. C'est pourquoi la Commission du blé...

M. Hoeppner: Il peut donc y avoir différents monopoles?

M. Harder: Il peut y avoir différents monopoles. Un monopole vous permet certes de tirer le maximum du marché. Nous pouvons donc comprendre cet avantage, et tout va bien si c'est vous qui avez le monopole.

M. Hoeppner: Comment pouvez-vous justifier cela, monsieur Harder? Vous dites que les chemins de fer ne devraient pas avoir de monopole, mais vous enchaînez en déclarant que la Commission du blé devrait avoir tous les wagons, qu'elle devrait avoir un monopole. Bon sens, que les choses...

M. Harder: Il nous faut reconnaître que les chemins de fer auront toujours un monopole. Je ne discute pas de la question de savoir si ce devrait ou non être le cas. C'est un fait, un point, c'est tout. Les chemins de fer auront un monopole.

M. Hoeppner: Aimez-vous la concurrence?

M. Harder: Tout dépend si cela me sert ou non?

M. Hoeppner: Ce que vous dites, donc, c'est que la manutention du grain et la commercialisation devraient s'inscrire dans un monopole.

M. Clair: Comparons cela à l'achat d'une voiture. Si vous êtes un vendeur d'automobiles, c'est fantastique si vous êtes tout seul sur le marché. Mais si vous voulez acheter une voiture, que désirez-vous?

M. Hoeppner: Une concurrence.

M. Clair: Si je suis vendeur de grain, ce que je souhaite, c'est qu'il y ait une seule commission et qu'elle s'occupe de la vente pour notre compte. Si je suis acheteur, c'est tout le contraire que je souhaite.

M. Hoeppner: Puis-je obtenir un prix de vous? Pouvez-vous me donner différents prix? Vous me dites exactement ce que je vais avoir, n'est-ce pas?

M. Clair: Je ne vous suis pas.

M. Hoeppner: Vous fixez un prix initial. Vous l'établissez à un niveau suffisamment bas pour que tout le monde sache quel sera le prix au bout du compte.

M. Clair: En tant que commission... il y a émission de ce que l'on appelle un «pro», de telle sorte que j'ai une idée de ce que je vais obtenir en tant que paiement final, mais ce n'est pas une garantie, si c'est à cela que vous voulez en venir. Il y a un prix initial...

M. Hoeppner: J'aimerais que toutes ces déclarations figurent au procès-verbal.

J'aimerais également une explication... et vous pouvez me la fournir par écrit. Je parcourais les états financiers de la Commission du blé et j'ai vu que les coûts d'entreposage pour 1991-1992 et 1992-1993 sont passés d'environ 23 p. 100 à 53 p. 100 pour les élévateurs et les terminaux du pays. Comment expliquez-vous cela?

M. Harder: Cela se trouve à quelle page du rapport? Montrez-moi cela.

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M. Hoeppner: C'est dans le rapport de 1992-1993.

M. Harder: Je n'ai pas le rapport de 1992-1993 avec moi.

M. Hoeppner: Je n'ai pas réussi à obtenir le rapport pour 1993-1994. J'en ai fait la demande il y a quelque temps déjà et je n'ai pas encore pu en obtenir une copie.

M. Clair: C'est ici pour vous.

M. Hoeppner: Merci beaucoup. Cela me sera très utile.

J'aimerais vous poser une autre question. On parle d'efficacité. Si je ne m'abuse, j'ai vu quelque part dans L'Actualité céréalière que vous étiez en train de réduire le personnel à la Commission du blé. Est-ce bien le cas?

M. Harder: Oui.

M. Clair: Je ne peux pas vous donner de chiffre, mais là où il y a une augmentation, c'est du côté du département des ventes.

M. Harder: Je souhaite tout simplement que Jake reste avec nous.

M. Clair: Oui.

M. Hoeppner: Je me demandais tout simplement si c'était bel et bien le cas. J'ai pu aller voter aujourd'hui et je n'ai donc pas pu obtenir tous les renseignements que j'aurais voulu avoir. On voit ensuite que vous avez deux millions de dollars de plus à la rubrique des salaires et avantages sociaux.

M. Harder: Pour quelle période?

M. Hoeppner: C'est dans le rapport de cette année. Cela ne figure pas dans L'Actualité céréalière, mais dans le rapport. Je n'ai pas obtenu le rapport, mais j'ai le numéro de L'Actualité céréalière dans lequel il en est question.

M. Harder: Cela pourrait, en fait, correspondre à une augmentation du personnel.

M. Hoeppner: Je pensais qu'on était en train de réduire le personnel au département des ventes.

M. Clair: Un instant.

M. Harder: Ce pourrait être une augmentation du côté du département des ventes. Il y a, d'autre part, un programme en cours, tel qu'il en existe ailleurs. En effet, certaines personnes se sont vu offrir une retraite anticipée et cela vous coûte quelque chose au départ.

Les salaires, quant à eux, sont gelés depuis 1991-1992.

Le président: Il devrait tout de même être possible, n'est-ce pas, monsieur Harder, de nous donner des chiffres précis afin que l'on ne soit pas limité à des généralités?

M. Harder: Bien sûr.

Jake, je pense que c'est une erreur. Je pense que l'un des problèmes que l'on a eu à la Commission du blé, c'est qu'on a perdu beaucoup de bons éléments parce qu'on ne les payait pas assez. Nous avons perdu deux très bons éléments qui sont partis au CNR.

M. Hoeppner: Avez-vous entendu cela, monsieur Easter?

Le président: Je suis d'accord.

M. Harder: Les gens regardent les frais d'exploitation totaux de la Commission du blé. Les frais d'exploitation totaux de la commission étaient de 4,7c. le boisseau l'an dernier. Si vous éliminez tous les postes à la commission, vous économiseriez peut-être 1c. par boisseau. Il me semble que, lorsqu'on s'enlise dans ce genre de discussion, on perd de vue la réalité des choses.

Je n'ai jamais été préoccupé par ce que nous coûte notre personnel et je sais que mon attitude est différente de celle de la plupart des gens. Je m'intéresse davantage à ce qui se passe. En fait, je pense que nous devrions augmenter notre personnel afin de pouvoir faire plus et mieux.

Je sais, dès que je demande qu'on me prépare quelque chose ou qu'on me dactylographie quelque chose, cela pose toutes sortes de problèmes, car nous n'avons pas assez de personnel à la commission. Je pense qu'il s'agit là d'une échappatoire qu'utilisent certaines personnes.

M. Hoeppner: Je ne conteste pas cela; je voulais tout simplement que cela figure au procès-verbal.

Il y a encore autre chose que j'aimerais voir figurer au procès-verbal.

Le président: Ce sera votre dernière question, Jake.

M. Hoeppner: Merci, monsieur le président.

On envoie des trains-blocs de Thunder Bay à la Californie. Quel est le coût de transport pour cela?

M. Harder: Je ne sais pas. De Thunder Bay à la Californie?

M. Hoeppner: De Thunder Bay. On me dit qu'il y a eu un certain nombre de trains-blocs qui sont allés de Thunder Bay à la Californie.

M. Harder: Si j'ai bien compris, le gros de notre orge va au nord-ouest de la côte pacifique et ne passe pas par Thunder Bay.

M. Hoeppner: C'est peut-être le cas de l'orge de brasserie.

M. Harder: C'est peut-être l'orge de brasserie.

M. Hoeppner: Je ne sais de quel orge il s'agit, mais les gens du milieu m'ont dit qu'il y en a eu plusieurs cas.

J'ai également lu aujourd'hui dans un communiqué de presse que le Japon, qui est l'un des plus importants acheteurs de grain dans le monde, va augmenter ses importations d'orge en provenance des États-Unis, mais non du Canada, «après avoir été ennuyé par des retards dans les livraisons en provenance du Canada, selon un négociant local.»

M. Harder: Oui, c'est possible.

Le président: Monsieur Clair, aimeriez-vous intervenir pour nous donner une réponse?

M. Clair: Une chose que je voulais aborder relativement à la commercialisation avec les coûts de la Commission du blé est la suivante: les coûts de commercialisation pour le grain canadien s'élèvent à environ 1,66$, comparativement à environ 4,11$ pour le grain américain. Cela ne vise pas uniquement les grains qui relèvent de la commission; on parle ici de céréales produites hors commission également et c'est, en dollars canadiens. Lorsque vous examinez un système, il ne faut pas oublier de le comparer à l'autre.

M. Hoeppner: Pourriez-vous nous fournir ces chiffres?

M. Clair: J'ai une diapositive qui résume la situation Canada-États-Unis, si cela vous intéresse.

M. Hoeppner: J'aimerais bien l'avoir, si c'est possible.

M. Clair: L'autre chose que j'ai dénichée, c'est l'analyse des durées de cycle de l'Office du transport du grain. Monsieur le président, ai-je le temps de vous donner cela?

Le président: Oui, bien sûr.

M. Clair: Il s'agit de chiffres de l'Office du transport du grain: grains régis par la Commission canadienne du blé passant par Vancouver, durée de rotation de 17,9 jours pour l'avoine et le canola; encore Vancouver, 20,7 jours; et pour le lin, le seigle et les cultures spéciales produites hors commission, 29,9 jours. Passons maintenant à Thunder Bay: grains régis par la Commission canadienne du blé, 18,4 jours; avoine et canola, 24,9 jours; et, encore une fois, wagons non administrés par la commission, 27,9 jours.

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M. Hoeppner: Cela ne figure pas dans ces renseignements-ci.

M. Clair: En effet.

M. Hoeppner: Si vous pouviez nous fournir la documentation, cela nous aiderait à l'étape de la rédaction du rapport.

Le président: Nous pourrons en obtenir une copie, j'imagine, n'est-ce pas?

M. Clair: Oui.

Le président: Les renseignements que vous venez de nous donner sont les plus concrets sur les délais de voyage que nous ayons eus depuis que nous avons commencé nos travaux. C'est très bien de les avoir.

M. Hoeppner: Merci, monsieur le président.

M. Harder: Je suis quelque peu surpris et je pense que certains d'entre nous devraient prendre le temps de rendre visite à la commission. On parle de tout cela depuis un an. Il n'y a rien de nouveau là-dedans. On en entend parler depuis un an aux réunions.

Le président: Ce que je veux dire, Wilf, c'est qu'on nous donne toutes sortes de chiffres différents en ce qui concerne les délais de voyage; tout dépend des gens qui comparaissent.

M. Harder: Non!

Le président: À la page 4 de votre texte, vous parlez de l'énoncé de politique et du document de recherche de l'Alberta Pool. En comité, j'ai plusieurs fois utilisé cette déclaration pour interroger l'Office national des transports du Canada et l'Office du transport du grain.

La déclaration que vous faites est que l'Office national des transports ne crée pas un cadre commercial concurrentiel. Ce que le comité aimerait avoir au bout du compte, c'est un cadre pour l'avenir de sorte que l'incidence des modifications de la LGTO et des autres changements en matière de transport qui seront adoptés puisse en fait aboutir et que l'intérêt de l'industrie et des producteurs soient protégés.

Je sais que vous avez dit plus tôt que la LTGO pouvait être utilisée. Ce n'est pas ce qui est prévu. Le projet de loi va être adopté. Vu que son maintien n'est pas ce qui est prévu, que pourrait-on faire d'autre pour compenser pour le rôle que la loi a joué jusqu'ici?

M. Harder: Vous nous demandez de résoudre un problème que vous avez vous-même créé.

Le président: C'est pourquoi vous êtes ici.

Une voix: Ce sont les libéraux qui ont fait cela.

M. Harder: Vous ou quelqu'un d'autre avez créé le problème. Pour être juste envers vous, les politiciens, je pense que c'est une bureaucratie qui s'est emballée, mais il s'agit là d'une tout autre histoire. De toute façon, cela ne s'applique pas à un parti politique en particulier.

Je ne sais pas. Il faudra appeler cela autrement.

Le président: Soyons plus précis. Parle-t-on ici d'un rôle d'ombudsman? D'un rôle de surveillant? Il y a, dans le projet de loi C-76, certains changements que des membres du comité ici réunis ont demandés. Je songe notamment au contrôle du plafond sur les prix, etc. Y a-t-il des aspects qui devraient être maintenus au-delà de l'année 1999, année où on est censé passer au système qu'il y a maintenant? John?

M. Clair: Monsieur le président, d'après la façon dont je vois les choses, que l'on parle de maintenant ou de l'avenir, je pense qu'il nous faut le même genre de réglementation. Je vois cela de trois points de vue différents. Pour ce qui est des coûts, nous, agriculteurs, avons besoin d'une certaine protection. Pour ce qui est des abandons, il nous faut une commission, un ombudsman, quelqu'un auprès de qui nous pouvons intervenir, en tant qu'agriculteurs, pour montrer, s'il le faut, que c'est pour le chemin de fer qu'il faut opter... ou peut-être que les gens du camionnage aimeraient intervenir devant lui pour montrer que le camionnage est moins coûteux...

Je pense qu'il doit y avoir une certaine réglementation en place, il doit y avoir un organe non sectaire auquel on puisse s'adresser.

Je pense qu'il nous faut également une réglementation musclée en matière de rendement afin que des pénalités ou des pertes d'argent soient prévues. En vertu de la LTGO - et c'est peut-être toujours le cas - le gouvernement pouvait limiter les sommes que touchait un chemin de fer si celui-ci n'assurait pas le transport du grain à un tarif raisonnable. Le mécanisme prévu n'a jamais été utilisé, néanmoins il était là.

Aujourd'hui, avec l'Office national des transports, je n'ai rien vu de bien musclé. Peut-être que je me trompe, mais je ne vois pas à qui je peux, en tant qu'agriculteur, m'adresser pour me plaindre du mauvais transport du grain, le cas échéant. Le mécanisme n'est pas là. Ça n'existe pas.

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Le président: D'autres ont fait des recommandations dans le même sens. Vous devez savoir qu'il y aura des modifications à la Loi sur les transports nationaux et qu'il y aura peut-être également à l'automne une nouvelle loi. Il s'agit là de quelque chose qui intéresse votre industrie et que vous devriez suivre de près.

Monsieur Harder?

M. Harder: On m'a dit - les compagnies céréalières m'ont dit - qu'en vertu de la nouvelle loi, le seul moyen de résoudre un problème avec la compagnie de chemin de fer, c'était de la poursuivre et de se lancer dans une contestation judiciaire. C'est ce que j'ai entendu dire, mais il me semble que c'est là une façon de faire tout à fait ridicule, si c'est ce qui est prévu.

Le président: Je ne sais pas.

M. Harder: Je ne suis pas ici pour me prononcer au nom des compagnies ferroviaires...

Le président: J'ai vécu des histoires comme cela par le passé. C'est très coûteux.

M. Harder: En tout cas, ça ne semble pas très logique.

Le président: J'aimerais être certain d'avoir bien saisi les trois points que vous avez soulevés: vous avez parlé de la nécessité d'une réglementation en matière de coûts, d'abandons et de rendement, il me semble.

Pour ce qui est de l'aspect rendement, l'une des questions qui nous préoccupe en, tant que comité, est de savoir comment faire pour s'assurer que les nouveaux éléments d'efficience qui sont censés venir par suite de changements vont se retrouver partout dans le système, à tous les niveaux. Avez-vous des idées là-dessus?

M. Clair: L'une des principales questions qui me préoccupe est...

Le président: Wilf dit que cela ne va pas arriver; je le vois.

M. Clair: L'une des principales préoccupations... j'ai appelé un des autres conseillers, car il se trouve tout près d'une ligne secondaire qui sera vraisemblablement abandonnée, et je lui ai dit: «À votre avis, où devraient aller certaines des économies?» Sa réponse toute simple a été: «Droit aux municipalités régionales». Ce sont elles qui vont devoir reconstruire la route, et je veux dire reconstruire et reconstruire et reconstruire encore, car c'est un problème perpétuel. Dans certaines de ces régions, les gouvernements locaux vont devoir y engloutir des sommes phénoménales. Peu importe dans quel sens vous prenez les choses, ces coûts qui reviendront au gouvernement local me reviendront en bout de ligne à moi, l'agriculteur.

Le président: À ce propos, nous avons entendu un certain nombre d'exposés sur les lignes d'intérêt local, dont certains faits par des exploitants de lignes sur courtes distances et d'autres par Rail Tex, aux États-Unis. Ce que Rail Tex nous a dit, entre autres, c'est que si la ligne est supprimée à un point tel que les élévateurs n'y sont plus, alors il est impossible d'en faire un court tronçon rentable.

Une suggestion qui nous a été faite est de constituer un comité qui sera chargé de voir où pourraient aller les lignes d'intérêt local potentielles pour tenter de limiter la possibilité que les élévateurs viennent à disparaître. Je pense, pour ma part, qu'il y a un conflit au sein des compagnies d'élévateurs elles-mêmes - et je sais que Wilf est un administrateur au Manitoba Pool - étant donné qu'elles sont intéressées par les élévateurs à forte capacité, tandis que les agriculteurs pencheraient plutôt pour une formule de transport sur courte distance en passant par un élévateur plus petit et moins efficient sur une ligne d'intérêt local potentiel.

Que pensez-vous de cela? Comment faire pour s'assurer que les lignes secondaires ne se fassent pas tout arracher ou que les élévateurs disparaissent, auquel cas il n'est plus possible d'en faire une ligne d'intérêt local?

M. Clair: Monsieur le président, je serais tout à fait d'accord avec l'idée qu'un comité non sectaire soit chargé d'imaginer ce dont vous venez de parler, pour voir si les lignes d'intérêt local ne seraient pas un second choix tout à fait faisable. Il est certain qu'il y a certains préjugés. Si le chemin de fer va de toute façon obtenir le grain, alors il n'y a pas à s'en inquiéter. Les exploitants d'élévateurs sont, quant à eux, préoccupés par leurs résultats, et je ne veux parler ici d'aucune province en particulier. Ils examinent leur bilan. Ils vont mettre ce grain dans leurs systèmes pour l'expédier au marché et ils vont donc toucher leurs frais de manutention.

Moi, j'envisage les choses d'un autre point de vue. Je vois les choses globalement, de la moissonneuse-batteuse jusqu'à la fin, car c'est moi qui en paie la note. En payant la note, je touche moins d'argent pour mon grain.

Je pense donc, en effet, monsieur le président, que ce serait une bonne idée qu'un comité examine chacune de ces lignes avant la destruction des élévateurs, car une fois que ceux-ci seront partis, vous avez raison de dire que ce sera terminé. Je pense qu'il faudrait en faire une analyse plus approfondie et je crois que tous les conseillers seraient d'accord là-dessus. Je pense que nous voudrions en faire partie.

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M. Harder: Toute l'ambiance de la déréglementation crée une quantité de choses qui sont presque impraticables. Si vous avez une industrie déréglementée - et si vous me le permettez, j'aimerais vous parler du point de vue d'une compagnie céréalière et pas nécessairement de celui d'une coopérative ou autre - vous ne voulez pas de garanties. C'est exclu. Vous êtes censé vous adapter au marché.

Pour une compagnie céréalière, le meilleur endroit pour un élévateur, c'est le long de la ligne principale, comme vous l'avez dit. Cette ligne traverse le centre du pays, et c'est aussi simple que cela. Le tour est joué. Tous les agriculteurs assurent le transport jusqu'à ce point-là, et c'est là qu'ils gagnent le plus d'argent. Si vous ne tenez compte que du marché, c'est là qu'ils font le plus d'argent. Mais est-ce une bonne chose pour les localités rurales, pour le réseau routier, etc.?

À l'heure actuelle, avec les taux flexibles que nous avons, les incitations pour la mise en place de 18 wagons ou de 50 wagons, c'est une prophétie qui va de soi. Ils peuvent offrir une prime pour une ligne principale, un taux préférentiel. Les agriculteurs emprunteront alors cette ligne principale et très vite l'élévateur sur la ligne secondaire perd le contrôle et la compagnie, qu'il s'agisse ou non d'une coopérative, ferme. Les chemins de fer et les compagnies diront alors qu'ils n'ont rien fait, que ce sont les agriculteurs qui ont choisi de transporter leur grain à tel ou tel endroit. Mais ils auront fait ce choix à cause des incitations qu'on leur aura proposées. Nous savons, bien sûr, ce qui se passera lorsque les lignes secondaires fermeront: les tarifs d'encouragement seront supprimés.

Voyons ce qui s'est passé aux États-Unis, où ils ont tout d'abord offert des tarifs d'incitation pour la mise en place de 25 wagons, puis pour la mise en place de 50 wagons. Une fois les wagons mis en place par les compagnies céréalières, les incitations ont été supprimées. Quelqu'un veut que ce soit un cadre déréglementé, mais je ne sais pas où cela va s'arrêter. Les compagnies céréalières veulent être certaines qu'une ligne sera là pendant un certain nombre d'années, et ce n'est qu'à ce moment-là qu'elles investiront de l'argent. C'est aussi simple que cela.

M. Clair: En ce qui me concerne, en tant qu'agriculteur, la perte de la réglementation aura une plus forte incidence sur ma rentabilité que la perte de la LTGO. Je risque plus en perdant la réglementation qu'en perdant la LTGO. C'est cela qui détermine ma limite.

Le président: Vous aviez, je pense, une question, Marlene.

Mme Cowling: Oui. Une toute petite question au sujet de quelque chose dont on a pas beaucoup parlé. Nous aimerions avoir des conseils relativement à la diversification et à la valeur ajoutée. Pensez-vous que certaines des régions productrices de céréales vont changer d'orientation? Envisagez-vous un changement d'orientation dans ma circonscription, de Dauphin - Swan River, par rapport à ce qui s'y fait depuis de nombreuses années? Prévoyez-vous ce genre de changement dans le scénario que nous sommes en train d'envisager?

M. Harder: Je regarde les tarifs marchandises qui sont pratiqués à Dauphin. Pour être bien franc, les taux de fret chez vous ne vont pas changer autant qu'ailleurs.

Mme Cowling: Et Swan River?

M. Harder: Pour l'orge fourragère, c'est 37$ la tonne, à l'heure actuelle, ce sera 37$ la tonne et c'était 23$ auparavant. Pour vous donner un cas extrême, à Arborg, au Manitoba, le taux de fret sera de 43$ la tonne pour l'orge fourragère, alors que la part de l'agriculteur a jusqu'ici été de 10$. Peut-être que les choses devraient aller dans ce sens-là. Ce que je pense, c'est que l'on délaissera la production de l'orge fourragère.

Pour être juste, il y a des agriculteurs qui en produiront et le marché intérieur recupérera peut-être cette orge. Ça ne passera certainement pas par la Commission canadienne du blé. Il faudra que ce soit le marché intérieur qui l'absorbe. C'est peut-être bien ce qui se passera.

Comme je l'ai dit dans mes remarques liminaires, une contradiction dans tout cela, c'est que l'orge de brasserie et le blé dur deviendront deux cultures très payantes dans le sud du Manitoba. Or, on les cultive avec beaucoup de difficultés. Si je suivais les signes du marché, je me consacrerais au blé dur. Mais l'on ne peut pas cultiver le blé dur dans le sud du Manitoba et on ne devrait pas le faire non plus, car, en règle générale, on se retrouve avec du numéro 4 et du numéro 5. Quelques rares fois, on a du numéro 2. Ce n'est donc pas pour nous. Mais il se trouve qu'il y a une demande à l'est, d'où les taux de fret plus intéressants.

Je pense, donc, que l'on abandonnera l'orge. Les producteurs ne vendront de l'orge que sur le marché intérieur.

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Je pense que l'autre question était: quelle diversification? Il y en aura certainement davantage, mais à quel prix? C'est tout ce que je demande.

Dans ma localité, il y a beaucoup de porcheries qui se montent. Si je voulais investir 70 000$, je pourrais acheter une part dans une porcherie de 1,4 million de dollars. Or, interviennent ici toutes les questions de municipalité, des problèmes écologiques, etc. On tend de plus en plus vers ces grosses usines. Cela n'aide pas beaucoup le petit agriculteur qui a une exploitation familiale. Bien sûr, cela fait vieux jeu, alors on ne veut pas en parler.

Dans toute cette diversification, il semble que l'on veuille se retirer de la gestion de l'offre. Qui va me garantir combien de cochons on pourra produire et à quel prix? J'aimerais avoir des garanties. Les chemins de fer en ont. Les chemins de fer imposent les prix qu'ils veulent, mais l'agriculteur n'a pas de garanties. C'est la libre entreprise pour les chemins de fer et censément pour moi aussi, mais je ne peux pas imposer le prix que voudra bien payer le marché. Je suis un preneur de prix.

Le président: Pour être juste envers les chemins de fer, on ne les a pas encore entendus. Je n'ai jamais entendu les compagnies de chemins de fer dire qu'elles souhaitent imposer le prix qu'elles voulaient, Wilf. Il y en a d'autres qui disent que le plafond sur les prix devrait être supprimé.

M. Harder: Très bien.

Le président: J'ai une toute petite question à poser au sujet de votre recommandation concernant la répartition des wagons. Vous dites que la Commission canadienne du blé devrait en être le propriétaire et les contrôler.

M. Harder: Oui.

Le président: Pourriez-vous nous dire pourquoi?

M. Harder: Il y a deux ans, par exemple, lorsqu'il y a eu toutes les cultures spéciales, on a eu un gros problème, car tout le monde réclamait des wagons - je sais que Jake ne sera pas très content - et chacun voulait sa part.

La Commission du blé, l'industrie et tous les autres savaient avant le début de la dernière campagne agricole quel allait être le pourcentage - qui avait été calculé de façon assez juste - des cultures spéciales. D'aucuns avaient dit qu'il ne faudrait pas vendre parce qu'il y avait trop de wagons qui étaient partagés équitablement.

Allez fouiller dans l'histoire. Autrefois, lorsque la Commission du blé administrait tous les wagons et attribuait aux céréales produites hors commission plus que leur juste part. Bien sûr, on s'est éloigné de cela avec la LTGO.

Je sais que certains s'inquiètent à l'idée que le gouvernement soit le propriétaire des wagons-trémies. Ils se demandent comment la répartition pourrait se faire de façon juste, étant donné que la Commission du blé s'occupe des céréales qui lui sont livrées. Je peux vous dire que siègent au comité consultatif 11 producteurs qui ne produisent pas tous du blé. Nous cultivons du canola, etc. Chez moi, cette année, on va consacrer 1 500 acres au canola. Nous sommes donc préoccupés par cette question.

Pour ma part, je ne pense pas que la Commission du blé puisse se permettre de traiter les gens de façon injuste. Je pense qu'elle fera son maximum pour donner à chacun sa juste part du marché.

Il y a encore un autre aspect. Comment pouvez-vous commercialiser un produit, si vous n'exercez aucun contrôle sur son transport? Comment n'importe quel autre secteur d'activité pourrait-il commercialiser son produitm s'il n'exerçait pas de contrôle sur son transport? Il y a cette notion que les chemins de fer et les compagnies céréalières détermineront combien de wagons seront à la disposition des agriculteurs. Si vous pensez que l'on a de la difficulté aujourd'hui à obtenir des engagements de la Commission canadienne du blé, je vous dirais qu'il est impossible de faire une vente, si vous ne parvenez pas à faire acheminer votre marchandise là où elle doit aller. Il faut contrôler cet aspect-là. C'est une règle de bonne commercialisation.

M. Clair: On est allé voir comment cela se passe à Vancouver et la façon dont le port est utilisé par la Commission canadienne du blé et par les céréales produites hors commission. Pour vous donner une petite idée, la Commission du blé utilise 61,7 p. 100 de la capacité pour l'entreposage. Je parle ici du mois d'août jusqu'à la fin du mois de février de cette année. La Commission canadienne du blé utilise 61,7 p. 100 de l'espace et expédie 75,4 p. 100 du volume. Du côté des céréales produites hors commission, c'est 38,3 p. 100 de l'espace et 24,6 p. 100 du grain.

Il y a certaines économies d'échelle, mais il existe un grand nombre de types, de catégories et de classes de grain dont s'occupe la Commission du blé. Le rôle joué par la Commission du blé en matière de réglementation me semble tout à fait logique, car cet organisme peut assurer une certaine coordination.

M. Hoeppner: J'ai appris à connaître M. Harder à des réunions du conseil d'administration de Co-op Vegetable Oils, il y a plusieurs années. Il était un farouche...

Le président: Cela se rattache-t-il à ce qui occupe le comité...

M. Hoeppner: Oui, tout à fait. C'est une question de transport. Nous étions de farouches défenseurs de Co-op Vegetable Oils. Aujourd'hui, c'est la CSP Foods, qui procure beaucoup d'avantages au sud du Manitoba.

M. Harder: Cela appartient à 50 p. 100 à des intérêts américains.

M. Hoeppner: Pourquoi en est-ce ainsi? On n'est pas tous d'accord là-dessus. Il y a des agriculteurs dans la région d'Altona qui vont, d'après ce que j'ai entendu dire, acheter une usine de pâtes alimentaires.

M. Harder: Peut-être.

.1255

M. Hoeppner: Conviendriez-vous que les agriculteurs devraient pouvoir être propriétaires d'une usine de pâtes alimentaires et lui vendre leur propre blé dur?

M. Harder: Elles peuvent, bien sûr, faire cela par l'intermédiaire d'un organisme accrédité comme la commission.

M. Hoeppner: Non; je veux dire directement, comme nous l'avons fait avec Co-op Vegetable Oils.

M. Harder: C'était différent, car Co-op Vegetable Oils ne s'occupait pas de blé. Ce n'est pas une bonne comparaison, car cette compagnie s'occupait de céréales produites hors commission.

Recommandez-vous que tout minotier canadien puisse s'approvisionner directement auprès des producteurs? Est-ce là votre recommandation?

M. Hoeppner: Je vous demande quel est votre point de vue, car je sais que l'on est partout en concurrence avec des minotiers américains. Si je pouvais leur livrer directement mon blé dur... Si ces usines appartiennent à des agriculteurs...

Veut-on être concurrentiel ou pas?

M. Harder: Oui, et nous le sommes.

M. Hoeppner: Voulons-nous que notre système de transport soit déchargé d'une partie du fardeau?

M. Harder: Jake, je vais vous lire un extrait d'une publication américaine intitulée AgWeek. On y parle du système de transport aux États-Unis, soit celui qu'on se propose de mettre en place ici.

Je ne veux pas vous lire un long extrait. Ce que je dis, c'est que le système de transport américain ne débouche pas forcément sur une valeur ajoutée. Il y en a qui pensent que si le transformateur pouvait s'approvisionner directement auprès de l'agriculteur sans passer par la commission, tout irait mieux. Tout d'abord, ce qui se passerait, c'est que les agriculteurs feraient baisser les prix, en vendant leurs produits aux transformateurs au plus bas prix possible.

Si le système est si mauvais, Jake, pourquoi les transformateurs américains préfèrent-ils acheter les produits de la Commission du blé? Pourquoi la compagnie Conagra veut-elle acheter son grain auprès de la Commission du blé? Je vais vous dire pourquoi, et vous devriez le savoir. C'est à cause de la qualité et de l'uniformité du produit.

M. Hoeppner: Je ne conteste pas cela. Mais, d'un autre côté, vous ne contrôlez pas tout simplement le marché du blé dur, vous contrôlez également les importations, et cela m'enrage lorsque je vois toutes les pâtes alimentaires qu'on importe au pays...lorsque je vois que vous autorisez le subventionnement des pâtes.

M. Harder: C'est ce que je fais?

M. Hoeppner: Bien sûr. Vous contrôlez les importations.

M. Harder: Qui contrôle les importations?

Le président: En principe, c'est le gouvernement.

M. Hoeppner: Non, c'est la Commission du blé.

Le président: Elle fait des recommandations.

M. Hoeppner: La Commission du blé contrôle l'importation de tous les produits panifiés.

M. Harder: Nous ne devrions donc autoriser l'importation d'aucuns produits panifiés américains?

M. Hoeppner: Non, pas si vous n'allez pas laisser les agriculteurs vendre directement aux minoteries. On ne peut pas jouer sur les deux tableaux. Il faut appuyer l'agriculteur. C'est ce que vous avez dit...

M. Harder: C'est ce que nous faisons. Nos minoteries achètent le produit des agriculteurs canadiens par l'intermédiaire de la Commission du blé. C'est ce qu'elles font.

M. Hoeppner: Ne nous disputons pas, car cela ne sert à rien.

Le président: Je ne peux pas m'imaginer que vous vous disputiez.

M. Hoeppner: On a participé à suffisamment de réunions de la Co-op Vegetable Oils. On s'entend très bien.

Le président: Une dernière question. Le ministre, le ministère et d'autres témoins ont beaucoup parlé du comité de l'industrie qui a fait bon nombre de ces recommandations, et je songe tout particulièrement aux réunions du 18 mai et du 16 mai, non pas de cette année, mais de l'an dernier, il me semble. Que pensez-vous de ce comité? Y siégez-vous? Vous êtes un groupe de personnes élues pour représenter les agriculteurs.

M. Harder: Nous n'y siégeons pas.

Le président: Vous voulez me dire que le Comité consultatif de la Commission canadienne du blé n'y siège pas?

M. Harder: C'est bien cela, monsieur, et il y a lieu de se demander pourquoi. Hier, à Calgary, j'ai entendu dire qu'un groupe ou comité était invité à certaines de ces réunions... Des gens comme Buck Spencer. Qui représente-t-il?

Le président: Il représente 350 producteurs d'orge.

M. Harder: Et le Comité consultatif de la Commission canadienne du blé n'y a vraiment pas été invité. Nous avons été invité à participer à une réunion du groupe spécial, ce qui était très bien.

Mais, non, nous n'avons participé à aucun de ces comités de l'industrie. Nous n'avons pas non plus participé aux conférences téléphoniques qu'a eues le ministre.

M. Clair: Nous avons tous deux offerts de nous mettre à leur disposition, même avec un très court préavis, ou de leur envoyer quelqu'un, mais cela ne s'est pas fait.

M. Harder: Ce n'est donc pas à nous de dire. C'est vous le gouvernement, pas nous.

Le président: Je peux vous dire, en tant que président du comité, que je trouve cela inacceptable. Vous êtes un groupe élu et l'on va discuter de ce comité.

Mme Cowling: Je pense que le commissaire Lorne Hehn siège à ce comité.

M. Harder: Ce qui est normal.

Mme Cowling: Oui.

.1300

M. Harder: Pour être juste, il y a une différence entre un groupe élu et un commissaire.

M. Hoeppner: Cela figurera-t-il au procès-verbal?

Le président: Oui.

Merci beaucoup, Wilf et John. Nous tiendrons compte des opinions que vous avez exprimées ici. Merci d'être venus.

M. Harder: Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Nous allons maintenant entendre l'honorable Harry Enns, ministre de l'Agriculture du Manitoba.

Bienvenue, monsieur le ministre. Ce doit être la journée du Manitoba.

Vous pouvez commencer. Vous devez très bien connaître les règles et la façon de travailler des parlements. Nous aimerions partir au plus tard à 13h55. Il faudra donc surveiller l'horloge. Allez-y. Nous écouterons votre exposé, après quoi nous passerons aux questions. Merci.

L'honorable Harry J. Enns (ministre de l'Agriculture, province du Manitoba): Merci beaucoup, monsieur le président. Cela nous laisse beaucoup de temps; nous aurons sans doute terminé avant cela.

J'ai eu une réunion très productive avec le ministre fédéral, M. Goodale, ce matin. Je me suis également accordé quelques minutes pour aller suivre quelques votes à la Chambre des communes et j'ai tout de suite vu que le gouvernement du jour l'emportait chaque fois aisément. Cela étant dit, au lieu de risquer de perdre le temps du comité, je pense que la réunion sera plus productive si nous partons du fait que les changements dont nous sommes en train de discuter vont devenir loi. J'ai pour responsabilité, chez moi, au Manitoba, de déterminer comment je peux au mieux, par l'intermédiaire de mon ministère, équiper les agriculteurs et les producteurs manitobains dans le contexte de la réalité nouvelle, car elle est bien nouvelle.

Il est certain que le 1er août 1995 sera considéré, au Manitoba et dans les Prairies, comme une date très importante dans l'histoire de l'agriculture. C'est le jour où le plus ancien programme d'aide aux agriculteurs - en effet, il existait depuis 1897 - a pris fin.

J'aimerais utiliser le temps qui m'est ici alloué - et je tiens à vous dire que je vous suis reconnaissant de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant le comité - pour obtenir une chose à laquelle, je pense, nous sommes en droit de nous attendre, soit l'équité dans la distribution des fonds de compensation qui ont été prévus, conformément au budget de février, et pour saisir les membres du comité du fait que le Manitoba, pour des raisons purement géographiques - et les députés manitobains en sont très au courant - est la province qui souffrira le plus de la suppression de la LTGO et, ce qui est plus grave encore, de la formule de mise en commun de la Voie maritime du St-Laurent. Voilà donc, monsieur le président, quelques observations que je tenais à faire pour commencer.

Je me lance maintenant dans le vif du sujet. Je représente le gouvernement du Manitoba et je peux vous dire que, dans ma province, nous avons eu le bonheur de travailler en étroite collaboration avec la coalition des porte-parole du secteur agricole qui représentent pratiquement toutes les organisations à vocation agricole de la province.

Elles se réunissent et travaillent ensemble. C'est donc plein de confiance que je déclare pouvoir me prononcer au nom des organisations agricoles sur le genre de position que vous nous soumettons.

.1305

Le gouvernement du Manitoba reconnaît depuis longtemps la nécessité de procéder à une réforme des transports. La Loi sur le transport du grain de l'Ouest et les avantages financiers consentis ont eu une incidence négative sur le développement du secteur de l'élevage du Manitoba. Cela, ajouté aux obligations commerciales et internationales et aux réalités financières auxquelles se trouvent aujourd'hui confrontés les gouvernements, est tel que la modification de la LTGO était impérative.

L'approche du Manitoba a été de gérer l'évolution qui s'imposait de manière que cela débouche à l'avenir sur un secteur agricole diversifié et fort. On a mis l'accent non pas sur des éléments particuliers du secteur agricole, mais bien sur l'agriculture dans son entier, de façon à assurer à la province les meilleurs résultats possibles.

À cette fin, mon prédécesseur, l'honorable Glen Findlay, a créé le Manitoba Agri-Food Advisory Council. Ce conseil était composé de représentants des principaux groupes de producteurs et d'organisations agricoles de la province. Il a été présidé par M. James Elliot, doyen de la Faculté de l'agriculture du Manitoba. Ce conseil a entrepris des travaux de recherche et d'analyse approfondis sur les options de la réforme des transports et a fait de vastes consultations sur les résultats obtenus.

Depuis janvier de cette année, le ministère dont je suis responsable a retenu les services deM. Earl Geddes, ancien président des Keystone Agricultural Producers et leader agricole manitobain très respecté, et l'a chargé de coordonner les réactions du Manitoba à la réforme des transports. La Manitoba Coalition Reform regroupe les dirigeants de 15 organisations agricoles. Elle a publié trois déclarations sur les recommandations en matière de réforme des transports, et j'en ai joint des copies à la fin de mon mémoire.

Suppression de la subvention en vertu de la LTGO. Le 27 février 1995, le discours du budget fédéral annonçait la suppression de la subvention de la LTGO de longue date. Or, les membres de la Manitoba Coalition ont été stupéfaits qu'un budget de seulement 1,6 milliard de dollars ait été prévu pour indemniser les céréaliculteurs de l'Ouest en reconnaissance de l'adaptation qui leur faudrait faire.

Lors de conférences réunissant les ministres des provinces de l'Ouest et le gouvernement fédéral, y compris le ministre Goodale, il a été recommandé que les changements soient échelonnés sur cinq voire sept ans.

Je tiens à insister sur cet aspect. Nous avions accepté la réalité de la suppression prochaine de la LTGO, mais cela est venu tout d'un coup et, à notre avis, il aurait été préférable de donner un peu plus de temps aux agriculteurs manitobains pour qu'ils puissent s'adapter.

L'indemnisation prévue est insuffisante face à l'effort d'adaptation qui sera demandé de la part des agriculteurs et elle ne représente qu'une fraction de l'aide traditionnellement fournie en vertu de la LTGO.

Les membres de la coalition estiment que le rachat devrait s'adresser aux véritables producteurs plutôt qu'aux propriétaires terriens. Ce sont les producteurs qui souffriront le plus de la perte de la LTGO et de l'augmentation des frais de mise en commun de la Commission canadienne du blé qui s'élèveront en moyenne à 20$ la tonne pour les producteurs manitobains.

Par ailleurs, même si les propriétaires terriens du Manitoba pourront s'attendre à ce que la valeur de leur terre recule de beaucoup, leurs homologues, en Alberta et en Colombie-Britannique, ne subiront que peu, voire pas du tout de pertes sur ce plan. En effet, une indemnité sera versée aux propriétaires de terres agricoles de l'Alberta et de la Colombie-Britannique, en dépit du fait qu'ils ne subiront, au pire, que des pertes minimes. D'un autre côté, les producteurs manitobains qui travaillent sur des terres qu'ils louent devront négocier avec les propriétaires en vue d'être en mesure de faire face aux coûts de fret accrûs.

Je soulignerais en passant que près de 40 p. 100 des terres agricoles du Manitoba sont louées. Dans bien des cas, les propriétaires de terres agricoles ne sont pas des résidents du Manitoba, ni même du pays; ils vivent en France, en Grande-Bretagne ou en Allemagne. Cela m'ennuie que des fonds qui ont longtemps bénéficié à l'agriculture dans l'Ouest se retrouvent non pas entre les mains d'agriculteurs dans l'Ouest, ni même ailleurs au pays, mais bien entre les mains de gens vivant en Allemagne ou en Italie.

J'apprécie le mécanisme que le ministre Goodale envisage d'insérer dans le programme, mais il doit y avoir une entente entre le propriétaire et le locataire avant le versement de l'argent. D'après ce que j'ai compris, les fonds seront gardés en fiducie. Le ministre dit qu'il y aura un programme d'arbitrage.

Cela me pose problème. À mon grand regret, je trouve cette solution encore pire. Sauf le respect que je dois à tous les avocats qui se trouvent dans cette salle, je pense que cela signifie que les avocats empocheront la plus grosse part des paiements destinés aux agriculteurs.

.1310

La coalition estime que l'utilisation des terres améliorées, incluant cultures et semences fourragères, comme critère est la formule la plus équitable pour déterminer les paiements. L'utilisation des terres améliorées et l'inclusion des expéditions de luzerne déshydratée pour déterminer les allocations provinciales reflètent la place normale qu'occupent les fourrages dans le roulement que pratiquent nombre des céréaliculteurs. L'utilisation des terres améliorées reflète de façon plus juste les superficies dont la valeur foncière diminuera.

Le Manitoba Agri-Food Advisory Council et la Manitoba Coalition on Transportation Reform maintiennent que la réforme de la LTGO et que les changements en matière de coûts des points de mise en commun de la Commission canadienne du blé le long de la Voie maritime du Saint-Laurent devraient être mis en oeuvre simultanément.

Le fait d'avoir reporté jusqu'au 12 mai 1995 l'annonce des changements au système des points de mise en commun de la Commission canadienne du blé a empêché les producteurs manitobains de faire des changements pour la campagne agricole en cours. C'est pourquoi les agriculteurs manitobains devraient, selon moi, être indemnisés à 100 p. 100 pour la perte de revenus occasionnés par ces changements.

Il n'est pas acceptable de contrecarrer une partie importante de l'augmentation des taux de fret des agriculteurs dans la partie orientale des Prairies, tel qu'annoncé. Cette indemnisation ne doit pas être puisée à même le fonds d'adaptation de 300 millions de dollars. Par ailleurs, il faudrait aux producteurs manitobains une période d'adaptation d'au moins trois ans, étant donné l'envergure des changements qu'amènera la modification du système des points de mise en commun de la CCB.

Même si nous ne sommes pas ravis du montant, nous reconnaissons que le 1,6 milliard de dollars, au titre du rachat de la subvention de la LTGO, représente en définitive la suppression progressive du dernier montant total de subventions versées, soit quelque 560 millions de dollars.

Ces mêmes prémisses, les mêmes arguments et les mêmes principes devraient s'appliquer à la subvention pour la Voie maritime du Saint-Laurent. Le montant devrait être le même ou être progressivement supprimé sur cette même période de trois ans.

L'annonce du 12 mai n'a pas non plus donné de détails sur les coûts de transport auxquels se trouveront dorénavant confrontés les producteurs manitobains. Il est impératif que cette incertitude soit supprimée et que les détails des coûts de fret futurs soient mis à la disposition des agriculteurs du Manitoba. Les changements résultant de la réforme de la LTGO et de la modification du système des points de mise en commun de la CCB auront une plus forte incidence sur les agriculteurs du Manitoba que sur les autres agriculteurs de l'Ouest. Les Manitobains ont donc plus besoin que les autres de renseignements et d'aide à l'adaptation.

Le fonds d'adaptation de 300 millions de dollars annoncé dans le budget du 28 février est sans doute suffisant en ce qui concerne les problèmes qu'il est censé régler. L'aide à l'adaptation pour les agriculteurs manitobains, rendue nécessaire par les changements du système des points de mise en commun de la CCB, devra par conséquent être la toute première priorité dans l'utilisation qui sera faite de ces fonds.

En plus d'une pleine indemnisation pour la baisse de revenus pour la campagne agricole 1995-1996, dont nous venons de parler, les agriculteurs manitobains auront besoin d'une aide à l'adaptation d'environ 120 millions de dollars pour les campagnes agricoles de 1996-1997, 1997-1998 et 1998-1999. Cela reviendrait à un programme échelonné sur trois ans pour compenser les importantes augmentations de coûts de fret que subiront les agriculteurs manitobains. Cela cadrerait avec la même période et le même genre de programme que votre gouvernement, celui du ministre Goodale, a prévu relativement à la subvention de la LTGO. En effet, sa suppression sera échelonnée sur trois ans.

Le président: Un petit éclaircissement, monsieur Enns. Est-ce 120 millions de dollars par an sur cette période ou pour l'ensemble de la période?

M. Enns: Pour l'ensemble. C'est ce que nous prévoyons au total pour ce fonds pour les trois années. Cette aide à l'adaptation devrait être fonction de l'incidence des changements du système des points de mise en commun de la CCB et devrait être versée à tous les producteurs, pas seulement aux expéditeurs de grains régis par la CCB.

Le principe fondamental qui sous-tend ces changements du système des points de mise en commun est que le prix reçu par les producteurs de grain devrait refléter leurs avantages ou leurs désavantages sur le plan de la distance. Un simple déplacement du point de mise en commun dans l'est de Thunder Bay au bas du Saint-Laurent ne reflétera pas comme il se doit ce principe.

Les marchés pour les céréales de l'Ouest varient beaucoup selon la région, le type et la catégorie. Ces marchés évoluent également dans le temps. Le gouvernement fédéral doit faire une déclaration claire et exhaustive sur la façon dont ce principe sera appliqué afin que les agriculteurs du Manitoba soient en mesure de prendre les décisions qui s'imposent en matière de production et de commercialisation.

.1315

Par exemple, les agriculteurs manitobains sont avantagés, sur le plan de la distance, pour certains types et certaines catégories de grains aux États-Unis. Comment cet avantage sera-t-il reflété dans le prix qu'ils toucheront? La combinaison de la réforme de la LTGO et des changements du système des points de mise en commun de la CCB aboutira à une situation où les prix du grain et des oléagineux du Manitoba seront les plus bas. Cela veut dire que ce sont les agriculteurs manitobains qui auront le plus d'efforts d'adaptation à faire. L'aide à l'adaptation fournie devra permettre aux agriculteurs du Manitoba de diversifier leur production et de cultiver des produits à valeur supérieure qui seront moins affectés par les coûts de transport.

La tendance à la diversification et les pressions en ce sens seront bien plus fortes au Manitoba qu'en Alberta ou dans l'ouest de la Saskatchewan, car nous serons à jamais condamnés à des coûts de fret de beaucoup supérieurs.

La baisse relative du coût des provendes nous amène à penser qu'il y aura une augmentation marquée du côté de l'élevage. Cette augmentation ne devrait pas se limiter à la production bovine et porcine. L'avantage sur le plan des coûts de production se retrouvera également dans les secteurs laitiers et de la volaille. Les restrictions artificielles de la production au Manitoba exigeront certains remaniements pour permettre aux producteurs manitobains de maximiser leurs avantages économiques et de minimiser l'incidence négative de ces changements.

La proximité de vastes régions peuplées aux États-Unis, surtout dans le contexte des distances qui séparent le Manitoba des ports maritimes, signifie que les États-Unis deviendront un marché de plus en plus important pour les producteurs manitobains.

L'Accord de libre-échange nord-américain ouvre la porte à une augmentation des exportations à destination des États-Unis et du Mexique. Cependant, l'accès au marché américain a fait l'objet de restrictions injustifiées. Le Canada doit utiliser tous les moyens à sa disposition pour faire lever ces restrictions. Le plafond applicable aux grains de l'Ouest à destination des États-Unis, en vigueur jusqu'en septembre, ne devrait pas être renouvelé.

Les contingents tarifaires qui frappent les exportations de blé ne devraient pas être prolongés au-delà de la date d'expiration de l'entente actuelle, soit le 12 septembre 1995. Il ne doit y avoir aucune nouvelle restriction visant le blé ou l'orge. Les contingents imposés aux exportations de sucre blanc d'origine canadienne doivent être supprimés. Il n'y a aucune justification aux restrictions américaines sur l'importation de sucre de betterave canadien.

Permettez-moi de m'éloigner encore une fois de mon texte. Le sucre n'est pas une récolte importante au Manitoba, mais l'Alberta et le Manitoba comptent néanmoins un nombre significatif d'agriculteurs qui cultivent la betterave à sucre. Cela ne devrait pas poser de problèmes dans le contexte d'une relation commerciale avec les États-Unis; nous ne produisons que 8 ou 9 p. 100 de la demande canadienne de sucre.

J'applaudis aux récentes initiatives prises par le gouvernement fédéral à l'égard du dumping pratiqué par d'autres pays et je l'ai fait savoir au ministre fédéral. Le Canada sert souvent, pour ces pays, de porte d'accès au marché américain très lucratif. C'est pourquoi les Américains sont furieux contre nous et c'est pourquoi ils nous ont imposé un plafond. Nous allons peut-être perdre une usine à Fort Garry, au Manitoba, et nous perdrons peut-être 30 300 producteurs de betterave à sucre par suite de ces mesures.

Je pense qu'une situation de ce genre peut être corrigée, non pas par une grande largesse financée à même les deniers publics, mais par des mesures douanières délibérées ou en offrant une protection d'un genre ou d'un autre à ce secteur. Ce serait un irritant de moins entre les Américains et les Canadiens à la table de négociations.

Par ailleurs, le comité doit bien comprendre que cela fait partie de l'agriculture diversifiée dont on parle. On ne produit que 8 p.100 de ce que demande le marché intérieur et ces 30 000 acres pourraient fcilement être 60 000, 80 000 ou 90 000. Juste de l'autre côté de la frontière, dans la même vallée de la Rivière rouge - dans le même bassin - il y a 400 000 acres dans le Dakota du Sud et le Dakota du Nord qui fournissent du sucre aux transformateurs américains.

En résumé, les producteurs de céréales manitobains seront plus durement frappés que les producteurs des autres provinces par la réforme de la LTGO et par les changements du système des points de mise en commun de la Commission canadienne du blé. Il est impératif que le gouvernement donne suite aux préoccupations exprimées par la Manitoba Coalition on Transformation Reform. Si le gouvernement fédéral tarde à réagir d'une façon positive, les problèmes d'adaptation auxquels se trouvent confrontés les producteurs de grain du Manitoba s'en trouveront grandement aggravés.

.1320

Je vous demande d'appuyer la position du Manitoba dans la réforme des transports. Je vous invite à consulter les documents que j'ai joints au texte de mon mémoire et auxquels je me suis reporté dans mon exposé. Ceux-ci sont représentatifs des différentes organisations d'agriculteurs du Manitoba.

Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de faire cette présentation. Je tâcherai avec plaisir de répondre aux questions que vous voudrez me poser. Si je ne connais pas les réponses, le sous-ministre adjoint responsable des politiques, M. Craig Lee, pourra me prêter secours.

Le président: Monsieur Hoeppner, voulez-vous ouvrir le bal?

M. Hoeppner: Bien sûr. Merci, monsieur le président.

Bienvenus M. Enns et M. Lee. C'est un plaisir pour moi d'entendre quelqu'un dire des choses avec lesquelles je suis d'accord. C'est parfois un problème avec certains...

M. Enns: Monsieur le président, devrais-je commencer à m'inquiéter?

Le président: Oui.

M. Enns: Mais je vais essayer de...

Le président: Il se parle à lui-même dans la glace tous les matins et, même là, il n'arrive pas à s'entendre.

Des voix: Oh, Oh!

M. Hoeppner: J'aimerais néanmoins vous mettre sur la sellette un petit peu. En ce qui concerne le transport, le problème qui existe peut-être au Manitoba, c'est celui des chemins de fer d'intérêt local.

Prenons Churchill. Il y a des gens que cette ligne intéresse. On constate que les services sur courtes distances ne peuvent pas emprunter les lignes fédérales à cause d'une loi quelconque. Sur la scène fédérale, quel appui vous donneriez-nous pour que l'on accorde des droits de circulation sur les lignes fédérales aux chemins de fer d'intérêt local?

M. Enns: Les hauts fonctionnaires du ministère me disent que la position traditionnelle du gouvernement du Manitoba a été d'appuyer le partage des droits de circulation sur ces...

M. Hoeppner: Ce serait donc un problème provincial?

M. Enns: Cela ne poserait aucun problème d'ordre provincial. Je pense que vous obtiendriez de notre gouvernement un appui plutôt enthousiaste.

M. Hoeppner: J'apprécie cela, car je sais que c'est une chose sur laquelle il nous faudra nous pencher. Je pense qu'il y a un certain intérêt à l'égard de la ligne vers Churchill, non pas uniquement pour le transport du grain, mais également sur le plan du tourisme. Il y a là un potentiel énorme.

Je pense que M. Enns connaît ma position en ce qui concerne Churchill. J'ai toujours été un farouche défenseur de Churchill.

M. Enns: Je suis ravi de l'entendre.

M. Hoeppner: J'ai pensé qu'il fallait que cela devienne plus efficient, mais c'est la règle du jeu aujourd'hui.

Monsieur Enns, j'aimerais revenir sur la question de l'infrastructure. Pendant notre très bref entretien de ce matin, je vous ai parlé de routes. Mes électeurs sont très ennuyés du fait que après l'entrée en vigueur de la LTGO, en 1983, on nous a promis une meilleure infrastructure dans les localités rurales parce que nous avions perdu nos élévateurs et nos lignes, mais que rien n'ait été fait sur ce plan.

Allez-vous vous pencher sérieusement là-dessus? Le trafic nord-sud va s'améliorer et lorsque je compare les routes nord-sud de la Saskatchewan à celles que nous avons au Manitoba, je constate qu'il y a une différence énorme. Le gouvernement provincial serait-il prêt à examiner l'infrastructure routière nord-sud?

M. Enns: Monsieur Hoeppner, je vais vous répondre de la façon suivante: au fil des ans, il y a toujours eu des programmes conjoints fédéraux-provinciaux d'un genre ou d'un autre qui devaient nous rendre service à tous.

Parmi les questions dont j'ai voulu discuter avec le ministre Goodale ce matin, il y avait le fait que si l'on va tendre vers des cultures plus spécialisées et plus diversifiées en raison de la suppression de la LTGO...comme vous le savez, la pomme de terre a été l'une des solutions de rechange pour le Manitoba... Vous devez également savoir que l'expansion de la culture de la pomme de terre exigera davantage d'eau. Les gens veulent des pommes de terre cultivées dans des sols irrigués. Il y a une longue histoire de rapport avec l'administration du rétablissement agricole des Prairies en vue de trouver un approvisionnement en eau supplémentaire.

Ce genre d'initiatives se retrouve souvent dans des programmes de trois, quatre ou cinq ans exigeant un partage de 60/40 ou de 50/50 pour amener un palier de gouvernement à bouger et à améliorer l'infrastructure locale.

Je pense que la suppression du tarif du Nid-de-Corbeau amènera précisément la nécessité du même genre de collaboration entre les paliers fédéral et provincial en vue de l'amélioration de l'infrastructure routière.

.1325

Nos municipalités parlent de leurs préoccupations. Je ne suis pas ministre des routes du Manitoba, mais si M. Findlay était ici avec moi, il dirait la même chose.

Je suis quelque peu troublé par tout cela et je ne sais trop comment le comité va envisager les choses. Le 1,6 milliard de dollars qui ont été prévus, et même les sommes qui se rattachent à la question qui nous occupe ici, ne suffiront pas, mais cet argent devrait néanmoins parvenir au producteur primaire, à l'agriculteur.

Je n'ai pas le privilège de savoir de façon précise quelles sont les intentions du gouvernement fédéral. Il est question de 60 millions de dollars supplémentaires au titre du fonds d'adaptation et du fonds déjà constitué de 300 millions de dollars. Les agriculteurs de ma province ont dit très clairement qu'ils n'ont accepté que la question du système des points de mise en commun de la Voie maritime du Saint-Laurent soit avancée d'un an que sur la base... Et le plein impact de tout cela commence vraiment à faire mal aux producteurs manitobains; tout cela va leur tomber dessus le 1er août, dans un mois et demi.

Les agriculteurs du Manitoba disent: «Indemnisez-nous au moins à 100 p. 100 pour les pertes que nous allons subir cette année.» Il s'agit là des 120 millions de dollars dont je parle dans mon exposé. Si cela va être réparti entre la construction routière et tout le reste, alors je ne peux pas assurer un traitement équitable aux agriculteurs...

M. Hoeppner: Les usines de déshydratation de la luzerne.

M. Enns: Mes déshydrateurs de luzerne.

Je pense que c'est ce que l'on va voir si l'on demande 120 millions de dollars pour les points de mise en commun de la Voie maritime du Saint-Laurent... Si j'ai bien compris, l'Alberta va peut-être demander 40 ou 50 millions de dollars pour les gens qui s'occupent de luzerne - j'ignore ce que demande la Saskatchewan - et on va vite manquer d'argent.

M. Hoeppner: Je comprends cette position, monsieur le ministre.

Il y a une autre question que je voulais aborder. Je suis préoccupé par le même problème que vous, soit que des propriétaires terriens étrangers sont en train de négocier des ententes de location différentes. Ils savent qu'ils toucheront environ 20$ l'acre, et cela devient un problème dans certaines régions où il y a de grandes superficies qui appartiennent à des étrangers. Le comité en Saskatchewan a également été saisi de ce problème, n'est-ce pas? Je suis donc ravi que vous ayez soulevé cela, car c'est un problème qui me préoccupe moi aussi.

Une autre chose que j'ai maintes fois répétée est que, selon moi, le paiement devrait être versé directement aux producteurs plutôt qu'aux propriétaires et devrait s'appliquer également aux cultures fourragères. Il y a une grande diversité dans les cultures qui sont pratiquées sur nos terres. Si je me base sur les appels téléphoniques que nous recevons, les gens sont un contre un en faveur du versement du paiement aux producteurs plutôt qu'aux propriétaires terriens.

J'espère donc que vous parviendrez à convaincre M. Goodale d'apporter les changements à ce niveau-là.

Je vais m'arrêter là-dessus, monsieur le président.

Mme Cowling: Monsieur le ministre, bienvenu à Ottawa. J'aurais plusieurs questions à vous poser.

J'aimerais tout d'abord vous dire que je suis ravie que vous appuyiez la suppression de la LTGO. J'ai lu un certain nombre de documents et j'ai vu quelques articles qui disent qu'il y a de l'espoir malgré la suppression du tarif du Nid-de-Corbeau et...

M. Enns: Ce n'est pas toujours une position populaire à prendre dans l'Ouest, mais c'est une position réaliste, et notre tâche à tous est de prendre la situation en charge.

Mme Cowling: Formidable! Je vais maintenant passer à la question des lignes d'intérêt local et de l'abandon des lignes secondaires. Vous dites dans les articles que vous avez publiés et vous l'avez répété ici aujourd'hui que vous étiez prêt à aider les agriculteurs et à travailler au côté du gouvernement fédéral pour veiller au bien-être du secteur agricole.

Le premier ministre de la Saskatchewan a dit qu'il comptait créer une société d'État chargée d'acheter et de contrôler les chemins de fer d'intérêt local dans sa province. Quel rôle s'accorde le gouvernement du Manitoba en matière d'achat et d'exploitation de lignes sur courtes distances?

M. Enns: Madame Cowling, permettez-moi de répondre. Après avoir rencontré mes collègues, M. Darrel Cunningham et M. Walter Paszkowski, de la Saskatchewan et de l'Alberta respectivement, je peux vous dire que je suis très au courant du fait que, tout particulièrement dans le cas de la Saskatchewan, la question des lignes d'intérêt local est très importante dans le contexte de l'ère post-LTGO.

Ça n'a pas été le cas au Manitoba. L'on a parlé des problèmes permanents et des règlements de la question de Churchill et de la ligne Bay. Cela est beaucoup plus complexe que le genre de courts tronçons en lignes droites qui servent strictement au transport du grain d'un point à un autre.

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J'inviterais M. Lee à se sentir tout à fait libre de se prononcer là-dessus, car cela reflète peut-être... Nous n'avons pas subi les mêmes pressions relativement aux lignes d'intérêt local.

Le président: Mais les lignes d'intérêt local ne posent pas au Manitoba le problème qu'elles posent ailleurs.

M. Enns: Ce n'est pas le même problème qu'en Saskatchewan.

Mme Cowling: En tant que Manitobaine, je sais qu'il y a un problème avec certaines des lignes secondaires. Tout ce que je demande, monsieur le président, c'est si le gouvernement provincial est prêt à créer une société d'État pour aider les agriculteurs du Manitoba à s'adapter.

Il va y avoir certaines lignes dans ma circonscription. Une bonne partie des lignes touchées se trouvent peut-être dans ma circonscription et, tout ce que je demande, c'est si le gouvernement provincial est prêt à prendre les dispositions qui s'imposent pour aider les agriculteurs à au moins s'adapter à la nouvelle réalité.

M. Enns: Je pense que nous serions plus que prêts à, premièrement, utiliser les outils de développement économique que nous possédons - nos émissions d'obligations pour la croissance - ou à faire en sorte que le ministère du Développement rural vienne en aide à une coopérative d'usagers ou d'agriculteurs qui voudraient peut-être exploiter une ligne sur courte distance. Je ne vois aucune raison qui nous empêcherait de faire cela. Je le répète, il s'agit tout simplement d'une question qui n'a pas souvent été portée à notre attention.

M. Craig Lee (sous-ministre adjoint, Direction des politiques, ministère de l'Agriculture, province du Manitoba): J'ajouterais, et je suis certain que Mme Cowling est sans doute au courant de cela, car l'une des plus longues lignes qui va vraisemblablement être abandonnée prochainement, la ligne Rossburn, dans le sud de sa circoncription, a, il y a un peu plus d'un an, fait l'objet d'un appel de propositions de la CN visant l'exploitation de cette ligne en tant que ligne d'intérêt local... Il n'y a pas eu de preneurs.

En fait, parce que cette ligne fait partie d'un réseau protégé, le CN a trouvé qu'elle lui coûtait déjà trop cher et ne pouvait pas l'abandonner. Pensant devoir trouver le moyen de transporter le grain à un coût moindre, de façon à réaliser des économies, elle a passé une entente avec une compagnie de camionage pour que tout le grain soit transporté par camions le long d'une autoroute parallèle à la ligne de chemin de fer, jusqu'à Neepawa.

Il y a une ligne de CP qui la suit en parallèle 15 à 20 milles au sud; la distance que devrait parcourir le grain de cet endroit-là à cette ligne en particulier est beaucoup plus courte. La compagnie de M. Harder a tous les élévateurs le long de cette ligne et l'entente s'est écroulée autour de la question de savoir qui allait contrôler le débit du grain.

Mme Cowling: J'ai une autre question à vous poser relativement à la diversification. Vous dites, à la page 6 de votre rapport, que l'on peut s'attendre à une croissance sensible du secteur de l'élevage. Avez-vous un modèle que vous pourriez partager avec nous ou une documentation appuyant cette affirmation dans le contexte manitobain, et sur quoi vous fondez-vous?

M. Enns: Lorsque j'utilise le terme «diversification», je l'utilise de façon très inclusive. Je parle de la situation des producteurs qui passent d'une culture spéciale à une autre, du sarrasin aux semences fourragères. Selon moi, il y a d'énormes possibilités d'expansion de nos cultures fourragères et de semences fourragères. J'inscris cela sous la rubrique «diversification».

J'ai déjà mentionné la pomme de terre. Nos principaux transformateurs nous disent qu'ils aimeraient très prochainement avoir 25 000 acres de pommes de terre supplémentaires. Vu que notre superficie totale consacrée à la pomme de terre se chiffre actuellement à environ 58 000 acres, cela vous donne une idée de l'importance que cela peut avoir.

Je connais les origines du président dans ce grand pays qui est le nôtre, mais le Manitoba devient rapidement le plus gros producteur de pommes de terre au Canada. Tout cela fait partie de la diversification.

Ajoutez à cela - j'ai moi-même des antécédents de petits producteurs de bétail - cette année, nous allons au Manitoba afficher des chiffres sans précédent pour les vaches d'abattage. Nous avons également enregistré, et continueront de le faire, des augmentations importantes du côté de la production porcine. S'ajouteront cette année à ce secteur quelques 370 000 porcelets sevrés. Cela constitue une augmentation d'environ 15 à 18 p. 100 en une seule année. Comme vous le savez sans doute, il a été question de doubler l'actuelle production porcine, qui se chiffre à 2,3 millions, pour la faire passer à 3 ou 4 millions en un an.

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Je suis convaincu que ces possibilités existent, mais il faudra, pour en profiter, que les gouvernements se donnent du mal pour tenter de résoudre certaines des questions environnementales qui se posent.

Mesdames et messieurs, membres du comité, si vous avez l'occasion de vous rendre dans des pays comme Taïwan, le Japon ou la Corée, vous constaterez... J'ai eu l'occasion de visiter le Danemark, qui produit plus de cochons que tout le Canada. Je peux prendre le Danemark, le laisser tomber dans le lac Winnipeg et il y aurait toujours de l'eau autour. Au Canada, nous devrions avoir l'intelligence nécessaire pour résoudre certains de nos problèmes économiques grâce à ce genre de diversification.

J'entrevois donc d'énormes possibilités pour l'élevage au Manitoba. En tant que province, il y a un défi à relever et nous nous y préparons, mais la réussite ne vient pas facilement. Il nous faut changer certaines des règles de nos organisations de soutien et de crédit, comme la Société du crédit agricole du Manitoba. Au Manitoba, il faut compter environ 2 000$ l'acre pour qu'un agriculteur se lance dans la production des pommes de terre et on me dit que, l'an prochain, il nous faudrait au moins 70 à 80 nouveaux producteurs de pommes de terre dans la province. Cela représente un investissement énorme.

Nous avons un examen interne, que les députés doivent connaître, et qui a attiré beaucoup d'attention - il s'agit du rapport Gilson-Moore sur la production porcine. Le rapport fait un certain nombre de suggestions. Il dit, par exemple, que, pour que cet accroissement de la production porcine puisse se concrétiser, il faudra plus de 350 millions de dollars pour le matériel, la construction de nouvelles porcheries et l'achat d'animaux géniteurs.

Voilà des choses qui relèvent clairement de la responsabilité des gouvernements provinciaux et de leurs organismes, et ceux-ci devraient réagir. Agriculture Canada continue, quant à lui, à avoir un rôle à jouer pour nous aider à avancer dans ce sens. Le résultat net de tout cela sera que nos producteurs auront la possibilité d'envisager un avenir profitable et prometteur.

Mme Cowling: En ce qui concerne la commercialisation du porc et les possibilités du Manitoba dans le domaine de l'élevage porcin, je me suis moi aussi rendu à Taïwan et j'ai rencontré les mêmes personnes que vous. Je comprends donc très bien dans quel sens nous allons, ici au Manitoba.

Avez-vous eu l'occasion d'examiner la proposition de la Commission canadienne du blé sur les points de mise en commun? Qu'en pensez-vous dans une perspective proprement manitobaine?

M. Enns: J'ai eu le privilège d'assister à certaines des séances organisées par la Commission canadienne du blé pour expliquer cela aux groupes de producteurs. La CCB invite un groupe de producteurs et charge un de ses experts de montrer sur une carte les points de mise en commun qui se prêteraient le mieux à certains secteurs du marché.

L'aspect le plus important est sans doute le mouvement des marchandises de l'autre côté de la ligne. C'est pourquoi le meilleur conseil que je puisse donner au ministre Goodale et à vous tous, en tout cas aux membres de l'actuel gouvernement, serait... Si vous me permettez de m'exprimer un instant comme un politicien, ce que j'ai entendu le plus souvent pendant la campagne électorale que nous venons de vivre au Manitoba, c'est ceci: les gens disent, monsieur le ministre, monsieur Enns, que si vous voulez faire quelque chose pour l'agriculture, faites en sorte que la frontière reste ouverte pour nous.

Le marché est devenu extrêmement important pour nous. Le revers de la médaille étant des augmentations des taux de fret de 300 p. 100 pour essayer de transporter notre grain du Manitoba à Vancouver ou à Montréal, les pressions en ce qui concerne ce marché américain seront d'autant plus grandes.

Je parle sans crainte ni préjugés, car je ne vois personne de l'Alberta ou de la Saskatchewan à la table. S'il nous faut accepter un plafond, alors il est tout à fait rationnel, sur le plan économique, que le Manitoba et que l'est de la Saskatchewan aient la priorité, aient le premier choix pour le marché. Ce sont nos producteurs qui risquent de subir des augmentations de fret de 300$ et non pas ceux de l'Alberta ou de l'ouest de la Saskatchewan. Contrairement au conseil que M. Harder a donné au comité, nous devrions utiliser de l'Alberta... Ce serait très juste et très logique sur le plan économique. Nous devrions aider les producteurs qui sont le plus défavorisés par ce changement en matière de fret à cibler le marché qui est le plus à notre portée dans les médias.

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M. Goodale m'a dit ce matin vivre dans l'espoir que le plafond ne serait pas rétabli et que l'on obtiendrait l'accès ouvert aux marchés qui compte tant pour nous.

L'autre zone de point de mise en commun - chose intéressante, cela concerne la députée de Dauphin - Swan River - qui s'étale jusqu'au nord-est de la Saskatchewan correspond à une région assez importante et, tout d'un coup, Churchill nous attire davantage. Je pense qu'il nous incombe de faire tout notre possible pour lui donner une chance. Ce serait une erreur tragique que le Manitoba abandonne Churchill. Il faudra peut-être que nous le fassions d'ici cinq ans, mais, bien franchement, je ne pense pas.

J'espère que nos voisins et que nos grands amis russes de l'autre côté de l'Arctique organiseront leur système économique. Le premier ministre de ma province et mes collègues à Industrie, Commerce et Technologie sont en train d'organiser des missions commerciales. Nous tissons des liens par-dessus la mer pour nous relier au port de Murmansk. Il existe une possibilité très réelle de faire venir de l'engrais de Russie et d'offrir un peu de concurrence aux gens de chez nous, qui auraient bien besoin de cela. La concurrence, j'y crois.

Plus important encore, cela offrirait autre chose. La faiblesse de la ligne Bay est qu'elle s'appuie uniquement sur le grain. Cela ne suffit pas. Il faut le tourisme. Il faut d'autres marchandises.

Les changements sur le plan des transports nous obligeront au moins à examiner Churchill sous une autre lumière. Je pense que c'est cela qui va arriver, Mme Cowling.

Le président: J'ai l'impression que vous avez de très profondes convictions en ce qui concerne Churchill.

Le comité a entendu plusieurs témoins parler de Churchill... La Hudson Bay Route Association et Keystone, par exemple.

Quant à la question de savoir quoi faire maintenant, il y a différentes choses qui pourraient être réalisées dans le cadre de votre mandat provincial. Je ne pense pas que quiconque au gouvernement fédéral ou au gouvernement provincial prétende que ces changements dans la politique en matière des transports ne sont pas massifs et n'auront pas une très forte incidence. Ce que nous essayons de faire, c'est les exposer très clairement.

Cela étant dit, il y a certaines choses que vous pouvez faire dans le cadre de votre mandat, il y en a d'autres que le gouvernement fédéral peut entreprendre dans le cadre du sien et il y en a d'autres encore qui peuvent être réalisés conjointement. Ce qui nous intéresse surtout, en tant que comité, c'est de savoir ce que le gouvernement fédéral devrait faire en plus des programmes d'adaptation dont vous avez parlé, pour aider le Manitoba à se préparer pour l'avenir, soit seul, soit par le truchement de programmes, soit grâce à des mesures réglementaires, soit dans le cadre d'initiatives conjointes.

M. Enns: Monsieur le président, au Manitoba, nous avons soupiré de soulagement, lors du dépôt du dernier budget, lorsque nous avons constaté qu'une station de recherche à Brandon, Morden et Glenlea - à proximité de Winnipeg - allait demeurer intacte. Cependant, à les regarder de plus près, on a constaté qu'il y a eu une réduction sensible des fonds de recherche octroyés à Agriculture Canada.

Or, à une époque où l'on demande à nos producteurs de se lancer en avant et de faire toutes sortes de nouvelles choses, il nous faut peut-être plus que jamais auparavant dans l'histoire de notre agriculture un soutien pour la recherche. Je demanderais donc au comité de se prononcer sur les priorités dans la distribution des fonds de l'enveloppe agricole du gouvernement fédéral.

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Nous accordons une très grande valeur, par suite de ces changements... J'essaie de répondre à votre question. Nous pouvons tous convenir que nous allons nous efforcer de cultiver des produits que nous n'avons encore jamais cultivés sur un sol, et avec un arrosage dont nous ne sommes pas du tout certains.

C'est très inquiétant de parler d'irrigation. Dans certains cercles, le mot «irrigation» est un mot très à la mode. Il nous faut, cependant, nous inquiéter de la dégradation des sols. Nous devons savoir quelles sont les quantités précises d'eau pouvant, sans risque pour l'environnement, être répandues sur une période de temps donné.

Je pense que l'on pourra bien faire les choses au Manitoba. Nous ne sommes pas l'Imperial Valley de Californie ni le Moyen-Orient, mais une quelconque autre partie du globe où toute activité agricole exige une irrigation massive. Nous n'avons besoin que de très peu d'eau. Il suffit d'un petit supplément pour maintenir la qualité, et tout le reste.

Il s'agit donc là d'un phénomène de croissance. Les autres domaines qui ont été mentionnés s'y rattachent. Je demanderais au comité de faire des recommandations en matière d'approvisionnement en eau pour le Manitoba.

C'est une tragédie ironique pour le Manitoba - on a même demandé de l'aide au gouvernement fédéral et la député de Dauphin - Swan River est très au courant - on a subi des dommages d'une valeur de six à huit millions de dollars par suite d'eau ravageuse dans le bassin supérieur de l'Assiniboine. On évacue toute cette eau de nos Prairies dans les six semaines, mais une fois arrivés en juillet ou en août, on est à la recherche d'eau.

On se sent limités. On ne peut pas offrir davantage de permis d'irrigation parce que nous n'avons pas assez d'eau. L'approvisionnement en eau est une question importante. Encore une fois, cela a son importance dans l'agriculture changeante que l'on va voir. Surtout si on va doubler la production de pommes de terre, comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est la production fourragère qui va aussi augmenter.

L'autre aspect est le programme d'infrastructures routières.

J'imagine, monsieur le président, que, ce qui vous préoccupe, ce sont les initiatives à plus long terme, pour plus tard.

Le président: Oui. C'est cela qui nous intéresse.

M. Enns: Ce n'est pas forcément lié à un fonds particulier, comme le fonds d'adaptation de300 millions de dollars ou l'autre fonds de 60 millions de dollars. On parle ici d'un rôle permanent pour le gouvernement fédéral, en plus de ces fonds immédiats.

Je tiens à vous féliciter de réfléchir à tout cela, ca je pense que ce rôle existe bel et bien. Je vous dirais, à vous, représentants du gouvernement, que le programme d'infrastrutures mis en place par notre gouvernement a sans doute été l'un des programmes les mieux reçus, en tout cas dans ma province. On entend dire qu'il n'est pas certain qu'il soit renouvelé.

Encore une fois, en ce qui concerne les changements dans le traffic dont vous entendez parler et les pressions que subiront les municipalités et les réseaux routiers, il faudrait, à mon avis, songer à un soutien à plus long terme.

M. Lee: J'aimerais ajouter quelque chose à ce qu'a dit M. Enns au sujet de la recherche. La question n'est pas tant celle des sommes d'argent totales consacrées à la recherche, mais plutôt celle des déplacements qui s'opèrent. Comme nous l'avons souligné, il faut davantage de diversification et de valeur ajoutée.

Ce que nous constatons, c'est que la recherche dans le domaine de la production porcine quittera sans doute Brandon pour se faire à Saskatoon ou dans un autre endroit encore plus à l'Ouest. On parle de vouloir doubler la production porcine au Manitoba, mais la base de recherche s'en va.

La recherche sur les cultures spéciales qui se fait à la station de Morden, dans la circonscription de M. Hoeppner, va déménager à Lethbridge. Or, c'est dans cette région qu'il faudrait une plus grande éducation en faveur des cultures spéciales.

La recherche sur le blé de force roux de printemps est concentrée dans la station de recherche de Winnipeg. Or, il s'agit là d'un produit que l'on va laisser tomber, car c'est dans ce secteur que les conséquences néfastes de la perte de la LTGO et des changements au système des points de mise en commun de la CCB se fera le plus sentir.

L'ensemble est bon; c'est la façon dont cela se déroule qui ne va pas.

Le président: Merci de ces renseignements. Presque toutes les provinces et tous les représentants des provinces nous ont dit vouloir regarder de très près la production porcine et vous avez mentionné que vous alliez peut-être avoir 20 000 acres de plus pour la pomme de terre.

La première question qui me vient à l'esprit est la suivante: où est le marché? Il faut qu'il y ait un marché. Ce que j'essaie de dire, c'est que nous ne voulons pas nous exposer à une catastrophe. Nous savons tous qu'un surplus signifie des bas prix, si les marchés ne sont pas là. Nous ne voudrions pas nous retrouver dans une situation où les provinces se feront concurrence entre elles pour voir qui peut se constituer le plus rapidement possible la plus grosse porcherie pour que tout le monde se trouve perdant au bout du compte. Ne faudrait-il pas examiner cet aspect-là? N'y a-t-il pas moyen de veiller à ce qu'on ne se tire pas dans le pied, si je peux m'exprimer ainsi?

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M. Enns: Monsieur le président, je suis tout à fait d'accord avec vous là-dessus. Je pense que les gouvernements, qu'ils soient fédéral ou provinciaux, feraient, ce faisant, un gros gaspillage de deniers publics.

Bien franchement, nous avons à l'occasion, par le passé, utilisé des stimulants artificiels - subventions, programmes ou autres - pour promouvoir quelque chose ou amener les producteurs d'un produit donné à augmenter leur production, tout simplement parce qu'il s'agissait d'un objectif du gouvernement du jour. Dans le meilleur des cas, c'est une politique mal éclairée. Cela amène des distorsions sur le marché et débouche sur ce que vous avez dit, soit un écroulement quelque part à l'avenir.

En ce qui concerne le porc, toute expansion, quelle qu'elle soit, ne viendra que si ceux qui investissent l'argent sont convaincus que les marchés sont bel et bien là. Ce n'est que dans ces circonstances que cette expansion pourra se faire. Il se trouve que je crois, et c'est pourquoi je le dis - qu'il y a des possibilités de production et de commercialiation porcine quasi illimitées.

Ce que je vais dire intéressera Mme Cowling, car je sais qu'elle va, elle aussi, faire un voyage en Asie.

Ce qui m'étonne lorsque je me rends dans un pays comme le Japon, qui est le plus gros importateur de porc au monde, ce n'est pas qu'il importe beaucoup de porc. Ce qui m'étonne le plus, c'est qu'un pays rocheux, semblable à ma province, avec 115 millions de personnes, peut satisfaire 76 p. 100 de ses besoins en porc avec ces 115 millions de personnes. S'ils y arrivent, c'est parce qu'ils ont accès à des provendes nord-américaines, surtout du maïs. À mon avis, ce grain devient de plus en plus cher et de plus en plus difficile à obtenir. Avec la suppression de la LTGO, il y aura très peu de céréales destinées à l'alimentation animale qui sortiront du Canada.

En Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba, on opte de plus en plus pour la production de produits de consommation à valeur ajoutée, ce qui est logique. En effet, pourquoi devrait-on utiliser l'argent des contribuables pour payer le transport d'un produit qui vaut 3c. la livre, ce que valent les provendes, alors que l'on pourrait transporter du porc ou du boeuf transformé? Nous allons donc faire ce virage, et les Américains aussi.

Les Japonais le savaient. L'an dernier, en 1994, les Japonais ont eu la plus grosse récolte de maïs américain jamais enregistré. Normalement, étant donné la loi de l'offre et de la demande, le prix des provendes aurait fléchi, mais ce ne fut pas le cas. Il y a augmenté de 18 p. 100 et il augmentera de 18 p. 100 l'an prochain et l'année d'après.

Voilà pourquoi 25 des producteurs porcins taiwaniens les plus progressistes sont revenus avec moi au Canada. Ils sont allés trop loin; ils ont trop de cochons dans ce pays. Par ailleurs, ils craignent de ne pas pouvoir soutenir cette production porcine, étant donné les importations de provendes qu'ils doivent faire.

Monsieur le président, je suis très optimiste, très positif en ce qui concerne ce produit.

Le président: Très bien. Nous allons nous arrêter là. Je sais que vous avez d'autres questions, mais vous pourrez peut-être les adresser aux témoins individuellement.

Je vous remercie de votre exposé et des excellents renseignements qu'il renferme.

M. Enns: Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: La séance est levée.

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