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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 7 décembre 1995

.0914

[Français]

Le président: Bonjour et bienvenue à cette deuxième séance de la table ronde sur l'accès humanitaire aux médicaments de recherche.

Aujourd'hui, nous voulons examiner le processus canadien de réglementation des médicaments, nous nous intéressons en particulier au programme des médicaments d'urgence de même qu'au programme d'accès spécial aux médicaments, qui a récemment été proposé par Santé Canada.

Nous voulons également savoir quel est l'impact des essais cliniques et de l'accès humanitaire sur le processus d'évaluation et d'approbation des médicaments.

.0915

[Traduction]

Nous allons procéder comme suit: tout d'abord, tous les participants des groupes auront un maximum de 10 minutes pour présenter leurs points de vue sur la question, puis les membres du sous-comité auront l'occasion de poser leurs questions aux témoins. Enfin, il y aura une table ronde à laquelle participeront les membres du comité et les témoins.

[Français]

Pour débuter ce matin, nous avons des témoins du ministère de la Santé:

[Traduction]

Mme Beth Pieterson, chef, Division des présentations et des politiques d'information; le docteur Tomasz Uscinowicz, gestionnaire, Essais cliniques et Programme d'accès spécial, Direction des médicaments;

[Français]

et le docteur Jacques Bouchard, qui est le chef intérimaire de la Division du SIDA et des maladies virales du Bureau des médicaments humains prescrits.

Je vous souhaite la bienvenue à notre sous-comité. La parole est à vous, s'il vous plaît.

[Traduction]

Dr Tomasz Uscinowicz (gestionnaire, Essais cliniques et Programme d'accès spécial, Direction des médicaments, ministère de la Santé): Merci beaucoup.

Mme Beth Pieterson (chef, Division des présentations et des politiques d'information, ministère de la Santé): Je vais commencer par vous donner un bref aperçu du processus de réglementation au Canada. Nous n'avons pas de rétroprojecteur, mais vous avez devant vous des copies papier de mes transparents. Je vais vous les expliquer en commençant par la série dont la première page s'intitule Mission de la Direction des médicaments.

Lorsque je vous aurai donné un bref aperçu du processus de réglementation et du rôle de la Direction des médicaments dans ce processus, les docteurs Uscinowicz et Bouchard vous décriront le Programme d'accès spécial et le rôle que nous jouons dans les essais cliniques.

La mission de la Direction des médicaments: Notre rôle principal dans la réglementation des médicaments consiste à nous assurer que les médicaments disponibles au Canada sont sûrs, efficaces et de qualité supérieure. Nous le faisons en évaluant, de façon continue, efficace et productive, les avantages et les risques que présentent les médicaments, en prenant les mesures nécessaires dans ce domaine et en élaborant et en diffusant les messages qui incitent à un usage optimal des médicaments.

J'ai inclus une définition du terme «drogue» parce qu'au cours de présentations antérieures, on nous a demandé exactement ce qui était considéré comme une drogue. Voici donc une définition tirée de la Loi sur les aliments et les drogues. Comme vous pouvez le constater, c'est une définition très générale:

a) au diagnostic, au traitement, à l'atténuation ou à la prévention d'une maladie, d'un désordre, d'un état physique anormal ou de leurs symptômes, chez l'homme ou les animaux;

b) à la restauration, à la correction ou à la modification des fonctions organiques chez l'homme ou les animaux;

c) à la désinfection des locaux où des aliments sont gardés.

Nous réglementons trois principaux types de drogues: les produits radiopharmaceutiques, biologiques et pharmaceutiques. Les produits biologiques sont les vaccins, les produits fabriqués à partir du sang ainsi que les produits dérivés de tissus ou d'organes humains; les produits radiopharmaceutiques sont des produits pharmaceutiques qui ont des composantes radioactives; et les produits pharmaceutiques sont tous les autres médicaments.

À la page suivante figure un organigramme de la Direction des médicaments, pour vous donner une idée de la façon dont nous fonctionnons. Dann Michols en est le directeur exécutif, tout en haut. Les quatre cases sous lui sont des bureaux qui relèvent de lui et qui appuient la Direction des médicaments.

Les quatre autres cases sont les principaux bureaux d'examen de la Direction des médicaments: le Bureau des médicaments prescrits; le Bureau des médicaments en vente libre et génériques; le Bureau des produits biologiques; et le Bureau de surveillance des médicaments, qui est responsable de la surveillance des médicaments après leur mise sur le marché.

En-dessous, il y a trois autres bureaux: le Bureau de la qualité des produits pharmaceutiques, qui est responsable de l'examen de la chimie et de la fabrication dans le cadre du processus d'examen de présentation des médicaments; le Bureau de la politique sur les médicaments et de la coordination, dont ma division fait partie; et le Bureau de recherche sur les médicaments.

J'espère que la page suivante vous donnera une idée de la place de la Direction des médicaments au sein du processus de développement de médicaments ainsi qu'un aperçu du processus de développement des médicaments. Encore une fois, ceci a été fait en réponse à certaines questions qui ont été soulevées lors d'exposés que nous vous avons faits précédemment. J'espère que cela clarifie le processus.

Je demanderais aux représentants de l'industrie de bien vouloir m'excuser si les intervalles et les moyennes ont changé. Ce document est peut-être légèrement désuet.

La première étape est celle du test préclinique, de le recherche et du développement. L'intervalle pour cette étape est de un à trois ans. C'est l'étape au cours de laquelle on fait la synthèse initiale du médicament et où on effectue des tests chez les animaux. Naturellement, tout cela est effectué par les secteurs de recherche de l'industrie pharmaceutique.

.0920

Ensuite commencent la recherche clinique et le développement du médicament. Vous remarquerez les barres transversales lors de cette phase. La Direction des médicaments a ici un rôle à jouer, et le docteur Uscinowicz vous en parlera. C'est à ce moment-là que nous examinons les protocoles pour les essais cliniques. L'intervalle est d'environ deux à dix ans pour la recherche clinique et le développement. Je crois qu'à l'heure actuelle, la moyenne est de sept à dix ans au Canada.

La prochaine grande étape, qui relève de la responsabilité de la Direction des médicaments, est l'évaluation de la présentation de drogues nouvelles. Au cours des six derniers mois, le Bureau des médicaments d'ordonnance humains a mis en moyenne 17 mois pour approuver les présentations de drogues nouvelles. Lorsque le médicament est finalement approuvé et mis en marché, on passe ensuite à l'étape de la surveillance des médicaments mis en marché. Même s'il n'y a pas de hachure ici, nous participons à ce processus. La Direction des médicaments est chargée de surveiller constamment les effets indésirables des médicaments.

Je voulais souligner que nous avons une politique d'examen des priorités à la Direction des médicaments. Pour faire l'objet d'un examen prioritaire, un médicament doit répondre au critère suivant qui est tiré de la définition de la politique:

En d'autres termes, il doit s'agir d'un médicament thérapeutique révolutionnaire. À l'heure actuelle, le processus d'examen du 3TC est accéléré. De façon générale, cela ne se produit pas souvent. Il y a moins de cinq médicaments par année pour lesquels le processus est accéléré, de sorte que très peu répondent à ce critère.

Les médicaments qui sont distribués dans le cadre du Programme d'accès spécial ou du Programme de médicaments d'urgence le sont avant la période de surveillance après mise en marché, naturellement. Donc, les médicaments qui sont au stade de la recherche clinique et du développement ou qui font l'objet d'un examen dans le cadre de l'évaluation de présentation de drogues nouvelles sont ceux qui sont distribués dans le cadre du Programme d'accès spécial. La grande majorité des médicaments distribués dans le cadre de ce programme sont à la phase III des essais cliniques ou font l'objet d'un examen à la Direction des médicaments.

La dernière diapositive donne un aperçu très simpliste du processus d'examen des médicaments pour une présentation de drogues nouvelles à la Direction des médicaments. Je dois souligner qu'il s'agit d'un aperçu très simpliste. Naturellement, ce n'est pas un processus simple. La présentation d'une drogue nouvelle contient une grande quantité de données. Nous en avons reçu une cette semaine qui avait plus de 800 volumes, ce qui est assez exceptionnel, car habituellement une présentation contient entre 200 et 300 volumes. Les présentations contiennent une quantité considérable de données.

Je vais maintenant vous expliquer ce tableau.

Naturellement, le demandeur est le fabricant. C'est ce dernier qui fait la présentation. Nous vérifions toutes les présentations avant de les accepter pour examen afin de nous assurer que toute l'information nécessaire avant d'entamer le processus d'examen comme tel. Il y a ensuite deux principaux processus d'examen. Il y a l'examen clinique et l'examen de fabrication au cours desquels on examine toute la préparation de la substance du médicament, plus la forme posologique du produit fini, la stabilité de la forme posologique, le matériel d'emballage, tous les aspects liés à la fabrication clinique. Il y a ensuite un examen clinique des résultats: les essais cliniques, les études toxicologiques, la microbiologie. Il s'agit d'un examen en profondeur de tous les résultats obtenus à la phase précédente avant qu'on nous ait présenté le médicament.

Après ces deux examens, la Direction des médicaments décide soit d'émettre un avis de conformité, qui est l'approbation de mise en marché, soit, si la présentation comporte une lacune, un avis de non-conformité ou un avis de lacune. Si un avis de conformité ou un avis de lacune est émis, le fabricant a la possibilité de nous présenter de nouveau les données qui manquent et nous examinons de nouveau la demande. Le processus recommence. Après la phase du second examen, nous émettons alors un avis de conformité qui signifie que la mise en marché est approuvée, ou bien nous retirons la présentation, ce qui signifie que cette dernière n'est toujours pas acceptable. Le demandeur peut faire une nouvelle demande, mais il doit revenir au tout début du processus une fois que la recherche complémentaire a été faite.

Voilà qui conclut mon exposé. Je vais maintenant donner la parole au docteur Uscinowicz.

.0925

Dr Uscinowicz: Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames, monsieur.

Avant d'aborder la question du Programme de médicaments d'urgence ou du Programme d'accès spécial, j'aimerais vous parler un peu du processus d'examen des présentations de médicaments. Si vous voulez bien consulter cette série de documents, vous verrez qu'on décrit les types d'essais cliniques et les diverses mesures qui font l'objet d'un examen de notre part au cours du développement de médicaments.

Comme Mme Pieterson l'a déjà dit, le développement d'un médicament comporte quatre étapes fondamentales. Ces étapes passent par différents types d'essais cliniques qui permettent d'établir l'innocuité de base, la tolérance et la posologie eu égard à l'activité thérapeutique à la phase II. La phase III, soit le contrôle du traitement randomisé à double insu, vise à déterminer l'innocuité et l'efficacité d'un effet thérapeutique chez la population cible. Les essais après la mise en marché, s'ils sont nécessaires, visent à établir l'innocuité et l'efficacité sur une échelle beaucoup plus grande.

À la Direction des médicaments, nous avons un nouveau processus qui a été lancé le 1er novembre dernier. Il comprend deux phases d'interaction avec l'industrie. La première phase est la phase précédant l'examen des présentations de nouveaux médicaments. Aux termes de la Loi sur les aliments et les drogues, aucune recherche clinique ne peut être effectuée sans la permission de la Direction générale de la protection de la santé. Cette dernière décide ou non d'autoriser une recherche clinique après examen des présentations du fabricant, c'est-à-dire dans ce cas-ci, l'examen des présentations de médicaments.

Nous avons introduit la possibilité d'une phase avant examen afin de nous assurer qu'une demande sera présentée plus tard et de donner au fabricant la possibilité de résoudre les problèmes et les controverses possibles au cours du processus de développement du médicament avant d'avoir à investir temps et argent.

Les fabricants commencent par présenter un document d'information, qui est un résumé très succinct des données et des plans de développement de la société. Ensuite, il peut y avoir une rencontre entre la société et la Direction générale de la protection de la santé en vue de cerner les problèmes et de les résoudre. Vient ensuite le processus social d'examen des présentations de médicaments.

La présentation est donc examinée et objection peut y être faite ou non. Fréquemment, le fabricant ou nous-mêmes modifions les protocoles qui ont déjà été approuvés.

J'aimerais demander au docteur Bouchard de vous donner un exemple réel d'un programme de développement de médicaments. Je pense que cet exemple sera très opportun. Il s'agit du programme de développement du 3TC.

Jacques.

[Français]

Dr Jacques Bouchard (chef intérimaire, Division du SIDA et des maladies virales, Bureau des médicaments humains prescrits, ministère de la Santé): Si vous me le permettez, je vais faire un bref survol du développement du 3TC.

Dans les années 1989-1990, nous avons été impliqués dans une évaluation préliminaire. Il y a eu une rencontre avec le fabricant Biochem Pharma, puis il y a eu une entente avec Glaxo, dont le représentant est ici, pour procéder au développement clinique du médicament.

C'est donc en 1991 que les premiers essais cliniques ont vraiment été réalisés chez l'humain. Tout d'abord, il y a eu des essais de pharmacocinétique, phase I, lesquels ont eu lieu principalement en Europe, puis des essais d'innocuité et d'efficacité, phase I et phase II. Pour la monothérapie, les études ont été faites en Europe, au Canada et aux États-Unis et ont été terminées en juillet 1994.

Entre-temps, il y a eu des études pédiatriques qui ont débuté en 1992 et qui sont toujours en cours aux États-Unis.

En 1993, Glaxo Canada est venu présenter le plan de développement du médicament dans nos bureaux. Ce plan incluait des études d'essais cliniques en combinaison avec l'AZT, et ce sont ces essais cliniques qui ont servi à la présentation de drogue nouvelle.

.0930

En septembre 1993, une étude en accès libre a été présentée - compassionate access. Sans dévoiler de secrets, il y a eu d'autres indications cliniques qui ont été aussi soumises pour développement au niveau IND par Glaxo Canada.

Nous sommes maintenant en 1995. Les études pédiatriques sont toujours en développement. Les études qui ont mené à la présentation de drogue nouvelle sont terminées. Il y a d'autres études en cours. La présentation de drogue nouvelle a été soumise le 18 juillet et est toujours à l'examen.

[Traduction]

Dr Uscinowicz: Merci beaucoup.

Je vais maintenant vous parler du Programme de médicaments d'urgence et de la réforme qui est proposée.

Nous savons tous que pour répondre à certains besoins urgents ou à une qualité de vie, les Canadiens peuvent devoir avoir accès à un médicament qui n'a pas encore été homologué ou mis en marché au Canada. Le Programme de médicaments d'urgence a été conçu pour répondre à ces besoins en autorisant le fabricant à distribuer un produit spécifique aux médecins. Lorsqu'un médicament est vendu aux termes de ce programme, il est exempt des dispositions de la Partie I de la Loi sur les aliments et les drogues et de son règlement.

Un nouveau médicament pour un traitement d'urgence peut être vendu pourvu que le médecin-praticien fournisse à la Direction générale de la protection de la santé les raisons pour lesquelles il s'agit d'une situation médicale d'urgence, les données sur l'utilisation du médicament et sur son innocuité et son efficacité, des renseignements sur l'institution et toute autre information que pourrait exiger la direction. Le praticien doit en outre accepter de fournir au fabricant un rapport sur l'utilisation du médicament, particulièrement sur les effets indésirables du médicament, et rendre compte des quantités utilisées.

À l'heure actuelle, c'est le médecin, le praticien, qui détermine le besoin pour le patient et qui communique ensuite avec la Direction des médicaments, plus particulièrement avec le Programme de médicaments d'urgence, et présente sa demande. S'il s'agit d'une première demande, elle est alors examinée en vue d'en établir l'innocuité, puis la Direction des médicaments émet au fabricant une autorisation de vente et informe en même temps le médecin de sa décision.

L'autorisation est valable pour le patient en question, pour le médecin en question et pour la quantité de médicaments prescrite dans la demande. Si le médecin a besoin d'autres médicaments pour son patient, il devra alors présenter une deuxième demande qui devra suivre le même processus d'autorisation.

Il s'agit d'un processus qui représente beaucoup de travail pour nous et pour le médecin. Cela ne contribue pas tellement au processus et en même temps cela donne l'impression que nous homologuons les médicaments, ce qui n'est pas le cas. La seule chose que le gouvernement fait, c'est accorder un accès légal aux médicaments; le gouvernement n'approuve jamais l'innocuité du médicament à cette étape.

Cela dit, nous présentons notre proposition - qui est toujours une proposition, et elle a été distribuée aux intéressés - pour un nouveau processus que nous appelons maintenant le Programme d'accès spécial. Ce processus tient compte de deux faits: qu'il s'agit peut-être d'une situation d'urgence réelle pour les patients et que le médicament est peut-être nécessaire pour d'autres aspects, notamment la qualité de vie. Nous aimerions faire la distinction entre la participation du gouvernement dans ces deux scénarios.

Si vous voulez bien passer à la page suivante, j'ai la définition que l'on propose d'une situation d'urgence aux fins du Programme d'accès spécial. Il y a situation d'urgence lorsqu'un patient a une maladie grave et que cette maladie fait en sorte qu'il est raisonnable de supposer que la santé du patient se détériorera gravement ou causera sa mort prématurée s'il n'est pas traité le plus tôt possible.

Cela étant dit, nous examinons le processus que nous avons à l'heure actuelle et certains éléments sont les mêmes. Le médecin doit déterminer la nécessité pour le patient d'être traité avec le médicament non vendu sur le marché et le fabricant doit distribuer le médicament au médecin. Cependant, nous estimons que le gouvernement ne devrait pas intervenir dans une telle situation afin de ne pas ralentir le processus afin que le médicament puisse être fourni rapidement dans une telle situation d'urgence. La seule chose que nous demandons, c'est d'être avisé de l'utilisation du médicament après coup.

.0935

L'autre situation est un peu différente. Il ne s'agit pas de cas d'urgence. Nous avons toujours la situation où le patient est malade et où il a besoin d'un médicament qui n'est pas vendu sur le marché au Canada. Le praticien doit alors communiquer avec le fabricant, non pas avec le gouvernement, et demander l'information sur l'utilisation possible du médicament ainsi que sur sa disponibilité. Le fabricant doit accepter de distribuer le médicament au praticien et nous devons alors demander au gouvernement l'autorisation de le distribuer.

La différence entre le processus proposé et le processus actuel, c'est que nous distribuons le médicament non pas pour une seule utilisation, mais pour les 50 premiers patients. Si une telle demande est présentée, l'information fournie par le fabricant serait suffisante pour évaluer l'innocuité du médicament dans une situation. Les 49 situations semblables ne nous seraient pas signalées directement. Il appartient au fabricant et au praticien d'examiner la situation.

Si les 50 autorisations ont été accordées, alors le fabricant doit présenter une nouvelle demande d'autorisation au gouvernement. À ce moment-là, nous pouvons discuter avec le fabricant de la nécessité de faire un essai clinique plutôt que de distribuer le médicament pour une seule utilisation.

Il y a d'autres éléments de ce Programme d'accès spécial qui représentent à mon avis une amélioration par rapport au programme actuel. J'ai déjà dit qu'il n'était plus nécessaire que le gouvernement intervienne dans une situation d'urgence lorsque nous n'avons pas vraiment besoin d'intervenir. Le patient devrait être traité par le médecin et tout devrait être mis en oeuvre pour fournir le médicament au patient qui en a besoin sans quelque interruption que ce soit.

Les rapports entre le fabricant, nous-mêmes et le médecin demanderont moins de temps. Nous mettrons l'accent sur les rapports entre le médecin et le patient. Ce qui est nouveau, c'est que le patient sera bien informé au sujet de l'utilisation du médicament, et nous demanderons au médecin d'obtenir le consentement éclairé du patient avant d'administrer le médicament.

Pour terminer, l'autorisation du médicament dépendra des connaissances que nous en aurons et de la pertinence des informations que le fabricant fournira à nous-mêmes et aux médecins afin que nous puissions déterminer si le fabricant a suffisamment de renseignements pour permettre aux médecins de prendre des décisions en connaissance de cause. Nous aimerions aussi avoir le pouvoir de refuser l'accès aux médicaments, non pas dans des cas d'urgence, mais pour être en mesure d'empêcher le fabricant d'abuser du système.

Ainsi se termine mon exposé. Je vous remercie.

[Français]

Le président: Merci beaucoup.

Je vais maintenant donner la parole à Mme Lise Pineault, qui est coordonnatrice de COCQ-sida. Madame Pineault, s'il vous plaît.

Mme Lise Pineault (coordonnatrice, COCQ-sida): Je voudrais surtout poser un certain nombre de questions. Est-ce que vous préférez que j'attende à la période des questions?

Le président: Vous allez pouvoir poser des questions à la fin de la table ronde.

[Traduction]

M. Shedden, de la Nova Scotia AIDS Coalition.

M. James Shedden (Nova Scotia AIDS Coalition): Ma déclaration sera brève. Je n'ai pas de mémoire.

.0940

Si j'ai bien compris, les changements apportés au Programme de médicaments d'urgence sont très positifs, et je pense qu'ils arrivent à point nommé. Je sais qu'il y a eu un certain nombre de difficultés: les médecins qui collaborent avec notre organisation ont eu beaucoup de mal à obtenir les médicaments autorisés par le PMU; le temps qu'il faut pour autoriser les médicaments; la bureaucratie propre au PMU. Je suis donc ravi de voir ces changements.

Je pense que le rapport entre le médecin et le patient est prioritaire - nous apprécions la célérité avec laquelle on a apporté des changements à ce niveau - et que les ressources doivent être mieux utilisées.

Ma question concerne le fabricant de médicaments. Je me demande s'il aura encore le dernier mot en ce qui concerne l'autorisation des médicaments.

Le président: Monsieur Shedden, s'il y a des questions destinées aux témoins, on les posera à la fin des exposés, dans le cadre d'une table ronde. Après les questions des députés, je permettrai aux témoins de se poser des questions mutuellement, si tout le monde est d'accord. Cela vous convient-il?

M. Shedden: Parfaitement.

Le président: Très bien.

Maintenant, nous allons entendre le docteur Bill Cameron, du Réseau canadien pour les essais VIH.

Dr Bill Cameron (professeur adjoint, Université d'Ottawa et Hôpital général d'Ottawa; et directeur, région de l'Ontario, Réseau canadien pour les essais VIH): Merci.

Je parle surtout pour moi-même en tant que médecin. Bien que je travaille au sein du Réseau pour les essais VIH, je n'ai pas encore donné l'occasion à tout le monde là-bas de contester ce que j'ai à dire.

Si j'ai bien compris, la présente réunion porte sur la réglementation des médicaments, et ma perspective du processus réglementaire est hiérarchique. Tout d'abord, il était prévu que la sécurité serait la mission première de ce processus, ce qui est une bonne chose pour un médecin; nous aimerions penser que nos activités ne sont pas nocives.

Deuxièmement, l'efficacité des nouveaux médicaments fait partie de cette mission. À cet égard, l'une des tâches de la Direction générale de la protection de la santé consiste à faciliter le développement de nouveaux médicaments. À mon avis, cet objectif a été atteint, mais on n'a pas mis des ressources accrues à la disposition des personnes qui font ce travail.

Troisièmement, dans le cadre de ce processus, il est question de faciliter l'accès rapide aux nouveaux médicaments, ce qui pourrait parfois rendre le processus réglementaire incompatible avec ses première et deuxième fonctions si l'on ne fait pas attention.

Je vais maintenant lire mon mémoire, qui a été distribué, j'espère. Je parle d'abord en tant que médecin.

Les personnes très malades recherchent du réconfort, de l'espoir et de l'aide concrète. Un candidat pourvoyeur de soins de santé désirerait donner une aide concrète, mais ceci est souvent impossible. La découverte de nouveaux traitements, grâce au développement de nouveaux produits par l'industrie pharmaceutique, offre de l'espoir pour l'avenir, mais c'est maintenant que nos patients ont des besoins. Comment pouvons-nous utiliser les petites étapes du progrès afin de donner de l'espoir maintenant, sinon de l'aide réelle à ceux dont les besoins sont immédiats?

Une coopération entre les différents intervenants qui sont les défenseurs des personnes touchées et atteintes par la maladie, pourvoyeurs de soins de santé, payeurs de soins de santé, chercheurs universitaires indépendants (pour le peu qu'il en reste), l'industrie pharmaceutique et les organismes réglementant le développement et la délivrance de permis pour les médicaments, tous peuvent donner de l'espoir à ceux qui sont désespérément malades, en leur permettant d'obtenir, par compassion, des traitements prometteurs même si non prouvés, et ceci avant l'obtention d'un permis. Ce qui est plus qu'un coup d'épée dans l'eau: cela permet d'offrir non seulement de l'espoir aux personnes touchées, mais il s'agit aussi d'un acte de compassion qui offre du réconfort.

La notion d'accès à des médicaments expérimentaux par des personnes extrêmement malades ne constitue qu'une fraction de leurs besoins réels et de leurs droits en termes de soins de santé. Des thérapies prometteuses, mais non prouvées peuvent remplacer des traitements dont les bénéfices et les risques sont connus par d'autres, dont les bénéfices et les risques sont inconnus. L'utilisation désespérée de médications anti-VIH dans un traitement de sauvetage futile peut causer le développement de virus résistants aux médicaments, empêchant ainsi le traitement ultérieur de la même personne ou d'autres personnes, et ne donner qu'un faux espoir, pas une aide réelle. Nous devons donner des médications expérimentales prometteuses, jointes avec les meilleurs soins de santé et traitements d'efficacité documentée et prouvée, qui peuvent être fournis. Ceci est un droit primordial pour les personnes gravement malades, droit qui ne doit pas être perdu au milieu des autres désirs, besoins et droits des personnes touchées et atteintes par la maladie.

Les pourvoyeurs de soins de santé ont deux rôles: le premier est d'identifier les désirs et les besoins des clients, de les informer, de leur indiquer et de faire des recommandations quant à leur choix, de manière utile et appropriée dans le temps. Le second est d'utiliser le «système» de manière à servir leurs clients. Le pourvoyeur de soins de santé a des rôles distincts, en temps qu'employé des payeurs de soins de santé, que «marché» de l'industrie pharmaceutique, sujet à réglementation, sujet aux revendications des personnes touchées, en plus de sa médication professionnelle à une personne touchée, unique, dépendante et vulnérable.

.0945

Pour comprendre que l'accès aux médicaments, même sans assurance d'une aide concrète, est un acte de compassion, il est nécessaire de pénétrer dans l'univers du Royaume des malades de Susan Sontag («Kingdom of the Sick»), dans La maladie comme métaphore. De là, nous pouvons voir le bénéfice du réconfort et de l'espoir, de manière distincte, d'un traitement efficace. Sur le chemin de la guérison, nous pouvons réconforter, en donnant de l'espoir aux désespérés. Telle est notre mission.

Il y a des obstacles. Les intérêts personnels mesquins de chaque intervenant, que ce soit les revendications du «moi d'abord», le nihilisme thérapeutique des travailleurs de la santé, le rejet institutionnel des principes, ou le simple désespoir isolé, ceux-ci doivent être dépassés. Par la défaite ou la conversion, le remplacement ou le renouvellement, la subversion ou le recrutement si nécessaire, nous, intervenants, pouvons faire d'une part du problème une part de la solution.

Le développement d'immenses essais ouverts d'accès par compassion à des médicaments proches de l'enregistrement, en temps que pénétration du marché antérieure à l'obtention du permis, fait jouer l'industrie contre les pourvoyeurs de soins de santé et les organismes réglementants, comme nous l'avons vu avec la didanosine et le 3TC. L'accès libéral à des médicaments tôt dans le processus de développement peut ralentir le développement de l'évaluation du médicament, comme cela s'est passé avec la zalcitabine. Ce médicament a été découvert peu après l'AZT, mais ses avantages et ses inconvénients n'ont été connus que beaucoup plus tard, après de nombreuses années.

Le développement rapide des médicaments est aussi éthique. Le mélange des traitements expérimentaux peut déplacer l'aide réelle qui peut résulter de traitements prouvés, en faveur de mauvaise utilisation et faux espoirs, comme cela peut se passer avec les inhibiteurs non-nucléosides de la reverse transcriptase et des inhibiteurs des protéinases. Les loteries de médications expérimentales sont perçues comme forcées, ou pire, comme des processus cyniques et sommaires, souvent décevants. Une loterie de médicaments expérimentaux est un processus de hasard, pas de justice; il ne s'agit pas de compassion ni d'accès réel. Elles constituent peut-être des erreurs.

La poursuite des intérêts du patient par le médecin peut entraîner la subversion du système, ce qui peut mettre le candidat pourvoyeur en situation de conflit et de risque professionnels. Je fais allusion à la falsification de documents, quand on fait passer ce qui est nécessaire et bon avant ce qui est correct et vrai.

Un traitement véritable est similaire à la justice: un traitement retardé est un traitement non fourni. Tous les obstacles réels peuvent être vaincus par notre engagement et notre partenariat. Cela va faire de nous un meilleur pays.

Le président: Merci, docteur Cameron.

[Français]

Dr Mark Wainberg (Association canadienne de recherche sur le VIH): Merci, monsieur le président. Bonjour, mesdames, messieurs.

L'Association canadienne de recherche sur le VIH appuie la notion que les individus qui sont sérieusement malades doivent avoir accès aux médicaments expérimentaux par l'intermédiaire des programmes d'accès humanitaire.

Durant la décennie passée, les patients ont eu accès aux médicaments AZT, ddI, ddC, d4C, delarvidine, nevarapin et saquinavir grâce à une variété de mécanismes d'étiquette. La disponibilité de ces drogues a donné de l'espoir aux individus infectés par le VIH et a fourni des renseignements de valeur quant à la toxicité et aux activités de ces drogues.

Il faut souligner que l'important médicament 3TC a été initialement développé au Canada avant d'être disponible aux patients dans plusieurs pays à travers les essais cliniques randomisés et les programmes d'accès libre. Le fait que plusieurs individus ont reçu des combinaisons d'AZT et de 3TC par l'intermédiaire des programmes d'accès humanitaire a ajouté également à la quantité d'information disponible concernant cette combinaison.

Ces programmes ont même été utiles au processus d'approbation, qui mènera à l'approbation de la combinaison du 3TC et de l'AZT par le FDA aux États-Unis. L'approbation par les régulateurs de l'autorité canadienne est imminente.

[Traduction]

Je suis fier d'être le scientifique qui a identifié pour la première fois les activités antivirales du 3TC, en collaboration avec des scientifiques de chez Biochem Pharma à Montréal. Je crois qu'avec le temps, ce médicament sera reconnu comme étant la plus importante contribution du Canada en matière de médicaments depuis la découverte de l'insuline il y a 75 ans. Je crois que tous les Canadiens, où qu'ils soient, doivent être fiers du succès de nos programmes de recherche sur le VIH et le SIDA.

.0950

À mesure que nous approchons de la fin de la stratégie nationale de lutte anti-SIDA en mars 1998, les membres de l'Association canadienne de recherche sur le VIH se préoccupent des mécanismes que l'on mettra en place pour s'assurer que le Canada ne soit pas en retard dans la lutte contre le SIDA ou qu'il ne manque pas de tirer parti de la capacité de recherche sur le VIH et le SIDA que nous avons établie dans ce pays. Permettez-moi d'être cru pendant un instant et de parler un langage qui n'est utilisé habituellement que par un ministre des finances ou par ses collègues du Conseil du Trésor.

Si les attentes que nous avons à l'égard du 3TC s'avèrent exactes, les contribuables canadiens pourraient économiser des dizaines de millions de dollars au cours de la prochaine décennie grâce à la réduction des coûts d'hospitalisation. Il n'y a rien de tel pour prouver que l'investissement dans la recherche peut être éminemment rentable.

En tant que président de l'Association canadienne de recherche sur le VIH, j'exhorte ce comité à étudier attentivement la nécessité de maintenir une solide infrastructure de recherche au Canada afin que les personnes atteintes par le SIDA et par toutes sortes de maladies redoutables puissent aspirer aux avantages que représente une science menée judicieusement.

Personnellement, je ne saurais être plus satisfait que de savoir que le travail effectué dans mon laboratoire en collaboration avec Biochem Pharma et Glaxo Wellcome a contribué au développement d'un médicament qui a déjà permis à des dizaines de milliers de personnes de vivre plus longtemps une vie de meilleure qualité. Cela est dû en partie à la disponibilité du 3TC et d'autres médicaments grâce aux programmes d'accès humanitaire aux médicaments de recherche. Même si ces programmes n'ont pas fait partie intégrante de l'ensemble du processus relatif aux composés, ils n'ont pas non plus compromis le processus d'homologation. Ce système, qui a bien fonctionné pendant une grande partie de la décennie écoulée, ne doit pas être modifié.

[Français]

Le président: Merci beaucoup, docteur.

[Traduction]

Dr Ken Logue (à titre personnel): Je me suis présenté hier, mais pour ceux qui n'étaient pas là, je représente les médecins de premier recours. Je viens de Toronto et je fais de la recherche en milieu hospitalier et communautaire. Par conséquent, mes opinions reflètent le genre de travail que je fais, même si, comme l'a dit le docteur Cameron, je ne représente certainement pas tout le groupe.

Promouvoir l'inscription d'un grand nombre de personnes aux programmes d'accès humanitaire sans mener parallèlement de bons essais cliniques ne devrait pas être considéré comme un objectif primordial. En effet, en l'absence d'essais cliniques fondés sur de bonnes bases scientifiques, l'accès des patients aux médicaments à toutes les étapes de la maladie, qu'elle soit mortelle ou non, sera évidemment compromis.

Qui plus est, non seulement l'amélioration ou la rationalisation de l'approbation réglementaire accélèrera l'accès à des traitements potentiellement efficaces, mais elles permettront aussi de fournir plus rapidement des traitements efficaces à tous les Canadiens. Cela dit, je crois que le gouvernement peut en faire plus pour offrir de meilleures possibilités de traitement aux Canadiens souffrant de maladies mortelles en augmentant et en facilitant les essais cliniques et en adoptant des mesures pour accélérer le processus réglementaire... Il existe des exceptions importantes et remarquables.

Les personnes ayant des maladies mortelles évolutives qui ne réagissent pas aux traitements existants ou qui souffrent des effets secondaires intolérables de ces derniers, et qui sont incapables de participer aux essais cliniques parce qu'ils ne sont pas disponibles ou parce qu'ils ne répondent pas aux critères d'admissibilité, représentent l'exemple évident en ce qui concerne le VIH. De plus, les malades qui ont épuisé toutes les possibilités de traitement se sentent obligés de participer aux essais cliniques à cause du risque d'être choisis au hasard pour un traitement standard qu'ils reçoivent actuellement et qui ne fonctionne pas.

Le désir et l'exigence d'accéder à de nouveaux médicaments en dehors d'un essai clinique épidémiologique, et la justification éthique de prendre des dispositions convenables pour un tel accès, se reflètent mieux dans un récent essai clinique à accès libre sur le 3TC, pour lequel on a recruté un nombre incroyable de malades. En effet, la combinaison du 3TC et de l'AZT est assurément devenue la norme de traitement, avant même de recevoir un avis de conformité.

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Le débat sur le traitement clinique avant l'approbation réglementaire reviendra sur la table après l'homologation. Les patients dont le nombre de CD4 dépassent 300 et qui ne peuvent bénéficier du protocole existant se verront probablement offrir le 3TC dans certaines situations cliniques, peu importe les indications figurant sur l'étiquette.

Hier, j'ai examiné certaines des difficultés relatives aux programmes d'accès humanitaire de grande envergure pour les médecins de premier recours au Canada. Brièvement, il y a le problème de l'approbation déontologique pour les médecins qui ne sont pas affiliés à un établissement, et l'énorme fardeau administratif que représentent ces essais pour les médecins, surtout ceux qui s'occupent essentiellement des malades atteints du VIH.

À mon avis, Santé Canada doit jouer un rôle plus actif dans la promotion de l'accès aux médicaments à un stade expérimental donné. Je conviens avec le Réseau d'essais cliniques et les groupes communautaires qu'il faut donner un accès humanitaire à tous les médicaments au-delà de la phase II. Un processus semblable à celui des pistes parallèles, qui existe aux États-Unis, serait évidement une amélioration.

Actuellement, la collaboration parmi les personnes infectées par le VIH, les chercheurs et les travailleurs de la santé est une réalité au Canada. J'espère sincèrement que cette collaboration et une participation accrue des autorités réglementaires vont se poursuivre. Je vous remercie.

Le président: Merci, docteur Logue.

Docteur McFadden, s'il vous plaît.

Dr Doug MacFadden (à titre personnel): Étant donné que j'ai reçu ce document hier seulement, je n'ai pas préparé de mémoire. J'ai un certain nombre de suggestions et de commentaires à faire, mais je pense que je les présenterai mieux pendant la période de questions. N'ayez crainte, j'y reviendrai.

Le président: D'accord.

Nous recevons maintenant le témoignage de Mme Dierdre MacLean, de la Community AIDS Treatment Information Exchange.

Mme Dierdre MacLean (coordonnatrice, liaison communautaire): Bonjour, je m'appelle Dierdre MacLean. En fait, je suis conseillère en essais cliniques, et non pas coordonnatrice de liaison communautaire à la Community AIDS Treatment Information Exchange. Je remercie le comité de m'avoir invitée à participer à cette table ronde.

Je vais vous donner un aperçu de mes observations concernant le document: Discussion Paper - Renewal Project D-10: Special Access Program. N'oublions pas que le SIDA n'est pas une maladie; on n'attrape pas le SIDA. Le SIDA est un acronyme qui signifie syndrome d'immunodéficience acquise; il résulte d'une infection par le virus de l'immunodéficience humaine.

Plus que tout autre agent d'infection, le VIH nous rappelle que nous sommes tous des individus distincts. La maladie causée par le VIH ne progresse pas à un rythme prévisible avec des manifestations prévisibles permettant de tirer des conclusions exactes concernant les personnes atteintes du virus.

L'efficacité mesurable d'un nouveau médicament en éprouvette, avec des lignées cellulaires choisies, ne correspond jamais facilement à une efficacité mesurable dans le corps humain, qui est extraordinairement complexe. La présence du VIH, qui est remarquablement mutable, rend une telle tâche encore plus difficile.

Actuellement, il n'existe aucun agent efficace qui puisse contrôler le progrès de l'infection du VIH au-delà de quelques mois. Actuellement, il n'existe aucune combinaison d'agents efficaces qui puisse contrôler le progrès d'une infection du VIH au-delà de quelques mois. Actuellement, il n'existe aucun agent efficace qui puisse être utilisé individuellement ou collectivement, et que nous pouvons nous attendre à utiliser au cours des prochaines années pour être en mesure de contrôler le progrès d'une infection au VIH au-delà de quelques mois.

Qui plus est, ces médicaments anti-VIH sont éminemment toxiques. Les personnes qui les prennent choisissent souvent un avantage à court terme, comme on le voit à travers les marqueurs de substitution, tout en éprouvant des effets secondaires néfastes, qui vont de la neutropénie, l'aplasie médullaire et la myopathie aux malaises habituels, c'est-à-dire la nausée, les vomissements et la diarrhée.

Enfin, le coût des médicaments contre le VIH qui existent sur le marché est prohibitif. Il me semble que le prix des médicaments que l'on va bientôt mettre sur le marché sera exorbitant. Bref, il n'existe pas d'insuline pour le SIDA.

Mon travail consiste notamment à fournir des informations sur le traitement à administrer aux personnes atteintes du VIH, à travers notre ligne téléphonique sans frais. Souvent, les personnes qui nous appellent de toutes les régions du pays demandent des informations sur les médicaments parfois non commercialisés, parce qu'ils veulent se tenir au courant des événements récents et parfois, parce que les exagérations des médias nourrissent démesurément les espoirs de traitement.

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Parfois, il y a suffisamment d'informations sur ces produits pour répondre aux besoins de la personne qui appelle, et cette information peut être traduite dans un langage clair. Parfois, les personnes qui appellent peuvent être dirigées vers un site d'essai. Très souvent, ces personnes ne répondent pas aux critères qui leur permettraient de participer à un essai clinique contrôlé. Dans les organisations communautaires de lutte anti-VIH, nous croyons honnêtement que l'altruisme est la seule raison pour laquelle quelqu'un devrait participer aux essais cliniques contrôlés.

Si les sidéens pouvaient, comme les diabétiques, compter sur un médicament comme l'insuline, cela serait effectivement possible. Cependant, il n'existe pas pour le moment de traitement à long terme qui soit bien toléré contre l'infection au VIH, et nous devons reconnaître que c'est un traitement que cherchent ceux qui participent à des essais. On ne peut toutefois pas dire que les essais cliniques épidémiologiques réglementaires, à échantillonnage aléatoire et à double insu constituent une forme de traitement. L'accès humanitaire aux nouveaux médicaments constitue un besoin urgent pour les personnes infectées au VIH.

C'est dans ce contexte que j'ai examiné la proposition relative à un programme d'accès spécial. Malheureusement, j'ai reçu les documents il y a seulement deux ou trois jours.

Je ne sais pas si je devrais poursuivre ou simplement répondre aux observations et aux questions. C'est ce que je préférerais sans doute faire, mais je tenais à vous donner une idée de l'optique dans laquelle je vous parle.

Le président: Merci beaucoup, madame MacLean.

De l'Association canadienne de l'industrie du médicament, les docteurs Fourie et Levy.

Dr Michael Levy (vice-président, Sciences médicales, Glaxo Wellcome; Association canadienne de l'industrie du médicament): Bonjour, monsieur le président.

L'ACIM est heureuse d'avoir eu l'occasion hier de présenter à votre comité nos vues sur l'accès humanitaire aux médicaments pour les grands malades. Nous voulons aujourd'hui vous dire ce que nous pensons de la proposition de la Direction générale de la protection de la santé d'actualiser son Programme d'autorisation des médicaments d'urgence.

Je commencerai par quelques observations générales sur la proposition de la Direction générale de la protection de la santé, puis la docteure Fourie abordera avec vous un certain nombre de questions clés.

L'ACIM est d'accord pour dire que nous avons absolument besoin d'un programme efficace pour permettre l'accès à des thérapies expérimentales et que la procédure y afférente doit être examinée attentivement. Nous reconnaissons également que des mesures importantes ont été prises en vue de rationaliser la procédure d'autorisation et de faire une distinction entre les véritables cas d'urgence et les cas de traitement permanent où il n'y a pas urgence.

Nous estimons que la proposition constitue une amélioration considérable pour la Direction générale des médicaments et pour l'industrie, même si l'industrie sera soumise à des exigences plus onéreuses pour ce qui est de la tenue de dossiers et de l'établissement de rapports.

Nous réitérons toutefois qu'il conviendrait d'indiquer clairement que l'accès humanitaire ne saurait se substituer à un examen réglementaire en bonne et due forme qui permettrait d'assurer, sans retard excessif, l'accès commercial à de nouvelles thérapies fort utiles.

Bien que nous appuyions l'orientation générale dont elle témoigne, nous ne pouvons toutefois faire autrement que noter que la proposition soulève certaines préoccupations quant à des questions de procédure. Les cas qui nous inquiètent sont notamment les suivants: premièrement, le manque de clarté dans la définition des responsabilités des principaux intervenants, notamment de la Direction générale de la protection de la santé et des médecins praticiens; deuxièmement, l'absence d'un droit exprès de l'industrie de refuser l'accès à des médicaments pour des raisons valables; troisièmement, le manque de précision dans la définition de certains termes, comme les cas d'urgence et les présumées réactions adverses graves; quatrièmement, le nombre total de patients et la durée du traitement; cinquièmement, les délais fixés pour la production de rapports; sixièmement, la difficulté à satisfaire aux exigences relatives à la production de rapports sur les réactions adverses graves; et, septièmement, les attentes relatives à la procédure réglementaire, comme la documentation qui doit être préparée et les méthodes de vérification.

La docteure Fourie vous parlera de tous ces points de façon plus détaillée.

En conclusion, l'ACIM approuve les principes fondamentaux de la proposition. Nous estimons que, si on y apporte les précisions et les éclaircissements que nous demandons, la nouvelle politique se traduira par la mise en oeuvre plus efficace de l'accès humanitaire pour toutes les parties intéressées.

Le président: Docteure Fourie.

Dr Sophia Fourie (vice-présidente, Affaires médicales et réglementation, Pharmacea and Upjohn Inc.; Association canadienne de l'industrie du médicament): Bonjour, monsieur le président.

J'ai quelques petites observations à faire en ce qui concerne certains des points qu'a soulevés le docteur Levy. Nous considérons qu'il faudrait reconnaître dans la nouvelle procédure que le programme devrait être maintenu comme un programme de demande d'accès et que le fabricant devrait continuer à pouvoir refuser une demande d'accès pour diverses raisons, ayant trait notamment à la sécurité, au manque d'information, et à la non-disponibilité, autant de facteurs que nous avons évoqués hier.

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Je fais ici le lien avec ce qu'a dit le docteurr Uscinowicz, tout à l'heure, à savoir que l'approbation donnée par la Direction générale de la protection de la santé ne constituerait pas une approbation en tant que telle. Il ne s'agirait pas d'une approbation confirmant l'innocuité du médicament pour tel traitement ou utilisation. Il s'agit d'un mécanisme juridique permettant d'accorder l'accès au médicament en question.

Par conséquent, nous sommes d'avis qu'il faudrait absolument, comme nous l'avons indiqué hier, examiner les divers aspects de l'utilisation sécuritaire du médicament notamment quant à son innocuité et aux résultats qu'on peut vraiment en attendre dans les cas de maladies qui engagent le pronostic vital.

Nous recommandons que toutes les réactions adverses graves inattendues soient être signalées par le fabricant dans un certain délai à partir du moment où le médecin praticien l'informe de la réaction adverse.

En ce qui concerne les formulaires de consentement éclairé que doivent signer les patients, la proposition indique qu'il incombe aux fabricants de fournir ce formulaire signé. Nous considérons que ce ne devrait pas être la responsabilité du fabricant, puisqu'il ne fait que fournir le médicament à la demande du médecin et qu'il est rarement informé des résultats de l'utilisation du médicament sur le patient en question.

Selon nous, c'est le médecin qui devrait être responsable de l'administration du médicament et, par conséquent, c'est lui aussi qui devrait s'occuper d'obtenir le consentement du patient à l'utilisation du médicament. Le médecin ne devrait pouvoir obtenir le médicament qu'après avoir obtenu du patient le formulaire de consentement signé. Le formulaire de consentement devra être soumis à l'approbation du comité d'examen déontologique.

Nous croyons que la nouvelle proposition pourrait accroître encore davantage le laps de temps entre la présentation de la demande et l'obtention du médicament. Nous recommanderions que des mécanismes soient mis en place afin de réduire autant que possible les retards bureaucratiques et d'éviter de prolonger le délai d'obtention.

Le fabricant devrait avoir la possibilité de refuser de réapprovisionner en médicaments expérimentaux les médecins qui ne respectent pas les exigences relatives à l'utilisation du médicament selon les indications et qui n'effectuent pas un contrôle responsable de l'innocuité du médicament. Sous le régime actuel, certains médecins ne signalent pas les résultats de l'utilisation du médicament ou les réactions adverses. La Direction générale de la protection de la santé continue toutefois à émettre des autorisations. Le fabricant peut ainsi se trouver dans une situation difficile.

La nouvelle proposition a pour effet d'augmenter la part de responsabilité du fabricant. Nous estimons qu'elle devrait contenir plus de détails et de précisions concernant les procédures de vérification et la tenue de dossiers. Par exemple, les documents électroniques sont-ils tout aussi acceptables que les documents sur support papier? Sur quoi portera la vérification? Sera-t-il suffisant de produire des documents sommaires ou la Direction générale des médicaments exigera-t-elle d'examiner les factures d'expédition ou les formulaires de rapport de cas? Tous ces détails doivent être précisés dans la nouvelle procédure.

Enfin, la possibilité que le fabricant puisse exiger d'être payé pour le médicament n'est pas du tout abordée dans la proposition. Nous en avons parlé un peu hier. Chose certaine, la nouvelle proposition devra tenir compte du surcroît de travail que l'administration de ces programmes occasionnera pour le fabricant et des ressources qu'il devra y consacrer.

Voilà qui termine mon exposé.

Le président: Merci, docteure Fourie.

Maintenant que nous avons fini d'entendre nos témoins, nous commencerons le premier tour de questions de la part des députés, et nous entendrons, dans l'ordre, le Bloc québécois, le Parti réformiste et les Libéraux. Après cela, nous prendrons une pause-café de cinq ou dix minutes. Puis, nous aurons une bonne discussion entre les participants et les membres du sous-comité.

[Français]

Monsieur Ménard, s'il vous plaît.

M. Ménard (Hochelaga - Maisonneuve): Je vais faire une observation et ensuite poser quatre questions.

D'une certaine manière, on vit quelque chose d'historique ce matin, parce que je suis convaincu qu'il n'y a pas eu beaucoup de tribunes où on a retrouvé des gens du ministère de la Santé, un membre de la communauté scientifique qui a été étroitement associé à la découverte des vertus virales du 3TC et la compagnie qui l'a commercialisé.

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Ma première question s'adresse au fonctionnaire du ministère de la Santé. Est-ce qu'on va recommander au gouvernement canadien de rendre obligatoire l'accès humanitaire lorsque des protocoles de recherche sont approuvés? Si oui, comment les choses devraient-elles se passer sur le plan de la hiérarchisation des étapes? Dans le cas où la Chambre des communes adopterait un projet de loi qui rendrait obligatoire l'accès humanitaire, comment cela devrait-il fonctionner sur le plan de chacune des étapes que vous nous avez proposées?

Ma deuxième question s'adresse au Dr Cameron, qui est un peu le représentant, ce matin, même si ce n'est pas à ce titre qu'il s'est présenté, du Réseau canadien d'essais cliniques sur le VIH. Que souhaiteriez-vous dire aux membre du comité relativement au Réseau d'essais cliniques? Comment pourrait-on le bonifier? Si vous aviez la possibilité d'attirer ce matin un projecteur sur des choses qui devraient être dites au sujet du Réseau d'essais cliniques, quelles seraient ces choses? C'est un sujet sur lequel j'aimerais beaucoup vous entendre.

Ma troisième question est certainement plus délicate, et je vais la poser avec toute la diplomatie dont je suis capable, en prenant le soin de n'insulter personne et en partant de la prémisse que la bonne foi se présume et que la mauvaise foi se prouve.

Vu les outils dont Santé Canada dispose, qu'est-ce qui a fait que le 3TC a d'abord été homologué aux États-Unis plutôt qu'au Canada? Quels sont les moyens qui ont fait défaut pour que l'on se soit retrouvé dans une situation qui a fait l'objet de trois bonnes questions en Chambre par celui qui vous parle, questions dont je suis, somme toute, assez fier? C'est peut-être une question de ressources, mais essayons ce matin, comme comité, de voir ce qui a fait défaut et quelles sont les ressources qui vous manquent, pour que nous puissions faire un rapport très concret et travailler à ce que vous puissiez avoir les ressources correspondant à l'efficacité de votre travail.

Ma dernière question est pour le Dr Levy, parce que j'aime toujours clore mon intervention en lui adressant une question. Cette fois-ci, je vais essayer de le surprendre. Je ne vais pas lui parler des profits des compagnies pharmaceutiques mais plutôt de sa firme. Est-ce que Glaxo a procédé à une étude d'impact sommaire de ce que veut dire, pour la communauté scientifique canadienne et les personnes atteintes, le fait que le 3TC ait d'abord été homologué aux États-Unis? Est-ce que vous voulez vous prononcer et est-ce que vous avez de l'information sur ce que ça signifie au Canada pour les personnes atteintes et pour la communauté scientifique?

Ce sont mes quatre questions, monsieur le président.

Le président: Merci. Je vous félicite car vous avez été bref.

[Traduction]

Madame Pieterson.

Mme Pieterson: Dans votre première question, vous avez demandé si vous devriez recommander l'adoption d'une loi qui rendrait obligatoire l'accès humanitaire. C'est bien cela?

[Français]

M. Ménard: Si jamais nous devions recommander au gouvernement canadien que nous sommes d'accord sur le principe qu'aucun essai clinique ne devrait être conduit au Canada sans qu'il y ait un accès humanitaire, comment les choses se passeraient-elles sur le plan de la hiérarchisation des étapes? Par exemple, avez-vous les moyens, sur le plan réglementaire, d'obliger des compagnies pharmaceutiques à faire cela ou de conditionner l'acceptation d'un protocole d'accès humanitaire?

[Traduction]

Mme Pieterson: Aux termes des lois et des règlements existants, nous ne sommes pas autorisés à obliger le fabricant à accorder l'accès humanitaire. Comme vous le savez, si le fabricant ne veut pas fournir un médicament en particulier, la loi ne nous confère aucune autorité qui nous permette de l'obliger à fournir le médicament ou à assurer l'accès humanitaire à un médicament faisant l'objet d'un essai clinique.

Pour ce qui est maintenant de savoir si vous devriez faire une recommandation en ce sens, ce sera au comité d'en décider à partir des témoignages qu'il aura entendus. Non, pour le moment, nous n'avons pas cette autorité en vertu de la loi.

Dr Uscinowicz: J'ai une précision à apporter. Il s'agit, non pas des lois sur le commerce, mais bien de la Loi sur les aliments et drogues et de son règlement d'application. C'est donc dans cette loi qu'il faudrait prévoir un mécanisme qui permettrait de rendre l'accès obligatoire, si tant est qu'on décide que cela serait souhaitable.

Le fabricant a toujours la possibilité de refuser l'accès au médicament demandé. Nous tentons de prévoir un mécanisme juridique qui permettrait de rendre l'accès obligatoire. Je ne me souviens d'aucun cas où le gouvernement a refusé l'accès, sauf dans le cas de médicaments qui présentaient un risque très grave pour la santé publique, ce qui est très rare.

.1015

Nous ne cherchons donc pas à mettre des bâtons dans les roues de qui que ce soit. Mais il s'agit d'une situation très complexe, comme l'ont confirmé tous les autres témoins, et nous ne sommes qu'un intervenant parmi d'autres.

[Français]

M. Ménard: Peut-être me suis-je mal exprimé. Évidemment, je sais, comme parlementaire, que vous n'avez pas de pouvoirs législatifs; autrement, je serais d'une terrible naïveté. Vous voyez les protocoles de recherche qui sont en voie d'être conduits par le Réseau canadien d'essais cliniques. Lorsque vous avez à prendre une décision, vous avez un protocole de recherche pour l'expérimentation d'une drogue. Jusqu'à présent, vous nous avez décrit les différentes étapes de ce protocole de recherche.

Si l'on rendait obligatoire l'accès compatissant, qu'est-ce que ça impliquerait sur le plan normatif, sur le plan du processus à suivre? Avez-vous un point de vue là-dessus?

Je sais que cela implique aussi une réflexion sur la bureaucratisation du processus, parce que les témoins, particulièrement les gens du corps médical, sont venus nous dire qu'il y avait déjà, pour la conduite des essais cliniques, un fardeau bureaucratique considérable.

Évidemment, je ne souhaite pas que l'on recommande quelque chose qui pourrait accroître le fardeau bureaucratique, mais qu'est-ce que ça voudrait dire sur le plan des étapes à suivre, si nous devions rendre obligatoire l'accès humanitaire?

Dr Bouchard: Il faudrait, bien entendu, que vous consultiez toutes les parties intéressées dans le domaine si vous voulez vraiment changer la loi pour qu'elle soit le plus efficace possible dans ce sens-là.

Je pense que c'est la seule solution. On n'a pas plus de solutions à donner.

M. Ménard: Du point de vue de Santé Canada, est-ce une chose qui apparaît plausible?

Dr Bouchard: Je ne peux pas faire de commentaires là-dessus.

M. Ménard: Vous êtes d'une prudence quasi ministérielle.

[Traduction]

Le président: Le docteur Cameron, pour la deuxième question.

Dr Cameron: Merci. On m'invite à répondre au nom du Réseau des essais cliniques. Je n'ai eu que deux minutes pour y réfléchir, mais j'ai plusieurs choses à dire.

Le Réseau des essais cliniques qui participe de façon tout à fait compétente à une expérience de financement de cinq ans, et a réussi à apporter toute une gamme de contributions mondialement reconnues aux soins de santé et aux soins destinés aux séropositifs et aux sidéens. Ces contributions ont pu être réalisées grâce à une aide financière à l'infrastructure et à des négociations astucieuses avec les bailleurs de fonds de ces études visant la mise au point de nouveaux médicaments.

Au Royaume-Uni, le Medical Research Council - c'est-à-dire le MRCUK - effectue des essais cliniques à échantillonnage aléatoire en vue, non pas nécessairement de mettre au point de nouveaux médicaments, mais d'assurer des soins de santé intégrés. Le MRCUK reçoit pour ses essais des fonds de fonctionnement qui lui accordent une certaine autonomie, autonomie qui rejoint presque celle des savants indépendants, par rapport aux objectifs de l'industrie ou à ceux des bailleurs de fonds des soins de santé. Les contributions de cet organisme sont énormes.

L'INSERM jouit du même privilège. Aux États-Unis, l'AIDS clinical trials group a été mis sur pied comme une espèce de projet-pilote, tout comme le Réseau canadien des essais cliniques, mais il y a une distinction importante entre nos deux organismes. L'organisme américain a de l'argent. Le Réseau des essais cliniques doit, à mon avis, pouvoir jouir d'une certaine autonomie par rapport à l'industrie. Il pourrait devenir plus autonome s'il pouvait compter sur des fonds de fonctionnement. Nous devrions nous occuper, non pas seulement de la mise au point de nouveaux médicaments, si importantes soient les recherches en ce sens, mais aussi de questions de gestion clinique relatives aux soins de santé.

Si nous avions les ressources voulues, nous serions en mesure de faire une réévaluation critique des nouveaux et des anciens médicaments, sans avoir à nous soucier de l'intérêt, du manque d'intérêt ou du désintérêt actif du propriétaire du composé ou de la thérapie.

Si nous ne sommes là que pour servir les objectifs de l'industrie pharmaceutique, nous ne répondrons qu'aux questions auxquelles l'industrie cherche une réponse. Ces questions sont davantage axées, par moment, sur les médicaments que sur la santé et ne coïncident pas forcément avec l'intérêt des affligés, des personnes atteintes, du public ou du pays.

Enfin, le Réseau des essais cliniques est un intervenant capable et compétent et c'est un projet-pilote qui donne déjà des résultats. Si toutefois il avait plus d'autonomie, ne serait-ce que pour utiliser les fonds dont il dispose pour ses activités plutôt que pour les dépenses liées à l'infrastructure et à la collaboration avec l'industrie, il pourrait apporter des contributions bien plus importantes. Il nous faudrait à tout le moins pouvoir faire cela. Idéalement, nous devrions, tout comme l'ACTG, avoir un mandat et les moyens nécessaires pour nous en acquitter.

.1020

Le président: Merci, docteur Cameron. La troisième question qui s'adresse au ministère concerne le fait que le 3TC a été homologué aux États-Unis avant de l'être ici au Canada.

[Français]

Dr Bouchard: Le 3TC, qui s'appelle Epivir aux États-Unis, a été soumis le 29 juin 1995 aux autorités américaines et au FDA. Ici, au Canada, nous avons reçu une présentation comparable le 18 juillet. Déjà, il y là a un délai de trois semaines. Il est important de noter que, lorsqu'on fait référence à des lois totalement différentes, à des pays souverains, c'est difficilement comparable.

La taille des deux agences de réglementation diffère également. Le FDA emploie une centaine de personnes pour faire l'examen des médicaments, comparativement à cinq personnes au Canada. Pour ce qui est des ressources, il y a toujours possibilité d'obtenir des ressources supplémentaires pour faire l'examen des présentations de drogues nouvelles.

Un médicament qui a été développé dans un pays doit-il être approuvé dans ce pays d'abord? C'est une question qui reste à être déterminée. Scientifiquement et cliniquement, je ne vois pas comment on pourrait justifier, par exemple, que le Canada doive d'abord approuver ces médicaments. Je ne pense pas que le pays d'origine d'un médicament soit un facteur premier dans l'examen des demandes.

M. Ménard: Est-ce que cela n'a pas un impact sur l'accès? L'estimation qu'on fait naïvement de l'extérieur est que le pays qui l'homologue a une longueur d'avance dans sa commercialisation ultérieure, la commercialisation impliquant, en définitive, la disponibilité du médicament pour les personnes atteintes.

Dr Bouchard: Ça pourrait arriver dans les cas où la quantité des médicaments est limitée dès le départ.

M. Ménard: Dans le scénario qui nous préoccupe, il y a d'abord une question de ressources. Il faut qu'on le sache. On ne peut pas demander à une agence gouvernementale de cinq personnes et à une agence gouvernementale de 100 personnes de mener les mêmes initiatives. C'est faire preuve d'un minimum d'honnêteté intellectuelle que de le dire publiquement.

Dans le cas du 3TC, qui apparaît comme une lumière, un phare pour les personnes atteintes, est-ce que, selon vous, comme fonctionnaire ayant de l'expérience en la matière, le fait qu'il ait été d'abord homologué aux États-Unis nous expose à ce qu'il puisse être commercialisé et disponible pour les Américains atteints d'abord, avant les Canadiens, même si la découverte s'est faite chez nous?

Dr Bouchard: C'est un fait que le médicament est commercialisé aux États-Unis présentement. Il a été approuvé le 20 novembre dernier. C'est un fait que le médicament est disponible présentement aux États-Unis.

M. Ménard: Merci.

[Traduction]

Le président: Le docteur Levy, pour la quatrième question concernant l'impact sommaire.

Dr Levy: Monsieur Ménard, je vous suis reconnaissant de m'avoir à nouveau réservé une question. Je prends note du fait que vous ne m'avez pas interrogé sur les profits ou sur d'autres questions commerciales où je suis loin de m'y connaître. Je vous remercie donc.

Naturellement, en tant que Canadiens, nous sommes tous très fiers du fait que le 3TC a été découvert au Canada, et nous partageons les sentiments du docteur Wainberg, qui dit que c'est sans doute la découverte médicale canadienne la plus importante depuis la découverte de l'insuline il y a 75 ans. Nous avons d'ailleurs bon espoir que l'homologation du 3TC est imminente. Ce serait formidable qu'il puisse être homologué aujourd'hui même.

Si le 3TC est effectivement homologué, comme nous l'espérons, nous serons très contents de la rapidité et de l'efficacité de la procédure d'homologation de la Direction générale de la protection de la santé. L'homologation se sera faite en moins de six mois, ce qui serait, je crois, le délai le plus court pour l'homologation d'un nouveau médicament soumis au traitement prioritaire.

Le fait qu'il ait été approuvé deux semaines plus tôt aux États-Unis ne fait pas une grande différence, surtout compte tenu de la taille de l'appareil sur lequel peut compter la FDA comparativement à celui de la Direction générale de la protection de la santé. J'espère d'ailleurs qu'il ne faut pas conclure que la procédure s'est complètement arrêtée du fait que le docteur Bouchard soit ici aujourd'hui et que l'homologation ne tardera pas à venir.

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[Français]

M. Ménard: J'ai une question pour le Dr Levy.

Évidemment, vous savez que la question sur les profits n'est que partie remise. Je vous promets de vous la poser à votre prochaine visite, car je sais qu'à ce moment-là vous aurez l'information. Vous êtes un homme d'honneur, et c'est connu!

Qu'est-ce qui fait que votre firme a déposé d'abord le protocole pour que le produit soit homologué aux États-Unis plutôt qu'au Canada?

Je pensais que les deux avaient été faits en même temps, mais on apprend qu'il s'est écoulé trois semaines entre les deux. Qu'est-ce qui fait que votre firme l'a déposé d'abord aux États-Unis plutôt qu'au Canada?

[Traduction]

Dr Levy: En fait, il n'est pas du tout inhabituel que le moment où le protocole est déposé varie légèrement selon le pays. Je crois que l'écart entre la date de dépôt aux États-Unis et la date de dépôt au Canada était en fait de 13 jours.

Le Canada a des exigences qui sont vraiment uniques en leur genre au monde, pour ce qui est notamment de la façon de présenter l'information et de la nature des résumés que la Direction générale de la protection de la santé demande à avoir pour homologuer un nouveau médicament. Pour préparer ces résumés et présenter l'information selon les modalités exigées, nous devons attendre d'avoir préparer le protocole destiné aux autres pays du monde. Nous prenons alors ce protocole pour le modifier et y ajouter les éléments supplémentaires exigés par la Direction générale de la protection de la santé.

Il nous faut normalement quatre mois pour faire cela, et c'est le temps qu'il nous a fallu pour adapter aux exigences canadiennes très particulières le protocole que nous avions déposé dans les autres pays du monde chaque fois que nous avons voulu faire homologuer un nouveau médicament important.

Dans le cas du 3TC, nous avons obtenu de la Direction générale de la protection de la santé une exemption à l'égard de bon nombre de ces exigences, mais il nous a quand même fallu deux semaines, avec une équipe de 25 personnes qui travaillaient sans arrêt, pour apporter les modifications nécessaires à la présentation et pour préparer les résumés demandés par Santé Canada. C'est ce qui explique le décalage.

Le président: Merci, docteur Levy.

Madame Hayes.

Mme Hayes (Port Moody - Coquitlam): J'ai des questions assez courtes à vous poser. Je suis sûre que nous entendrons bien d'autres questions et observations intéressantes.

Si les participants le veulent bien, j'aimerais en savoir un peu plus long sur ce qui rend les exigences canadiennes uniques en leur genre, par opposition aux exigences qui existent aux États-Unis.

Dans le même ordre d'idée, je me demande également quels sont les médicaments qui ont récemment fait l'objet d'un traitement prioritaire? Vous avez dit qu'il y en a généralement à peu près cinq par an. Pourrions-nous obtenir la liste de ces médicaments, ou pouvez-vous nous dire quels sont ceux qui ont fait l'objet d'un traitement prioritaire ces derniers temps?

Voilà pour commencer. J'ai deux autres questions, mais si vous n'y voyez pas d'inconvénient je les poserai une à la fois.

Le président: C'est très bien.

Mme Pieterson: Je crois que le caractère unique tient aux résumés qui sont exigés. Nous exigeons que le protocole comprenne un résumé complet avec renvois réciproques. C'est que nous ne disposons que de ressources restreintes et cela permet d'accélérer la procédure d'examen.

La procédure suivie aux États-Unis fait souvent penser à une pyramide. Aux États-Unis, on examine dans le détail toutes les données obtenues de tous les essais, tandis que nous suivons plutôt la formule de la pyramide inversée. Nous examinons le résumé et nous fondons notre examen et notre décision d'approuver ou de rejeter le médicament sur ce résumé. Je crois que c'est de cette exigence en particulier qu'il est question ici.

Avec l'harmonisation internationale des exigences réglementaires, je crois que bon nombre des différences qui existent entre les exigences des organismes d'homologation des divers pays du monde tendent à disparaître. Je crois donc que la situation s'améliorera.

Je n'ai pas à l'esprit le nom des médicaments qui ont fait l'objet d'un traitement prioritaire. Jacques pourrait sans doute vous donner la liste des médicaments destinés aux sidéens, tandis que Tomasz pourrait vous donner la liste de ceux qui sont passés par sa division. Je peux certainement vous fournir plus tard les listes des médicaments qui ont été approuvés depuis deux ans. Je ne peux pas vous les nommer - je dirais toutefois qu'en moyenne il y en a moins de cinq.

Jacques, savez-vous quels médicaments ont fait l'objet d'un traitement prioritaire?

Dr Bouchard: Pour ce qui est des médicaments destinés aux sidéens, le ddI est vraiment le premier à avoir fait l'objet d'un traitement prioritaire; le ddC a aussi été traité en priorité. La procédure accélérée a également été appliquée à un autre médicament appelé Mepron, ainsi qu'au 3TC...

Nous avons aussi un autre médicament qui est en cours d'examen prioritaire. Il s'agit de l'Invirase, qui est un inhibiteur de protéinases.

Le président: Votre deuxième question, madame Hayes?

Mme Hayes: Tous ces médicaments sont donc destinés aux sidéens?

Dr Bouchard: Oui.

Mme Hayes: Très bien. Est-ce que ce sont essentiellement ceux pour lesquels la procédure est accélérée ou est-ce qu'il y en a d'autres pour d'autres maladies...

Dr Bouchard: Oui, il y en a d'autres pour d'autres maladies dans d'autres divisions. Je ne suis pas au courant de...

Mme Pieterson: Comme je le disais, je ne les connais pas par coeur. Le Betaseron a été approuvé récemment après une procédure accélérée. C'est un médicament pour soigner la sclérose en plaques.

Tomasz, en connaissez-vous d'autres?

Dr Uscinowicz: Je ne me rappelle pas des noms pour le moment, mais je serais très heureux de pouvoir vous fournir une réponse plus précise.

Mme Pieterson: Je peux vous trouver les noms si cela vous intéresse.

Mme Hayes: Très bien, si vous le voulez bien, cela m'intéresse.

Mme Pieterson: Je vous les obtiendrai.

.1030

Mme Hayes: Très bien. En fait, quelqu'un a observé pendant l'un des exposés - j'ai mes notes ici, mais il me faudrait peut-être une minute pour m'y retrouver - qu'en fait un ou deux médicaments dont l'approbation avait été accélérée ont présenté des difficultés par la suite. Est-ce que presque tous les médicaments qui sont assujettis à une procédure accélérée suivent ensuite le processus d'homologation normal? Comment les choses se sont-elles passées dans le cas des médicaments approuvés rapidement?

Mme Pieterson: Je pense que les choses se sont très bien passées. Les médicaments subissent les mêmes examens, mais ne sont pas mis sur une liste d'attente. Lorsque nous approuvons un tel produit, il a subi des examens aussi approfondis sauf qu'il n'est pas mis sur la liste d'attente et passe avant les autres médicaments. Nous vérifions à fond son innocuité. Je ne crois pas qu'il y ait eu de problèmes sérieux.

Dr Uscinowicz: Il y a un cas, dont je suis au courant, où le médicament a été approuvé rapidement, mais où les documents présentés n'étaient pas satisfaisants. La décision a été rendue dans le délai prescrit de 180 jours, mais le médicament n'a pas été approuvé parce que ses effets, son efficacité et son innocuité n'avaient pas été prouvés. Le producteur a présenté de nouveaux documents et je pense que le médicament a été approuvé par la suite.

La procédure accélérée n'est pas forcément simple ou l'examen superficiel. Nous faisons le même examen attentif pour tous les médicaments, mais comme Mme Pieterson l'a dit, nous supprimons les délais bureaucratiques.

Mme Hayes: J'ai une autre question, à cause des contraintes de temps, sur le Programme de médicaments d'urgence.

Pensez-vous que la définition d'une urgence a déjà posé un problème dans la pratique ou pourrait en poser un à l'avenir? Qui détermine s'il y a un besoin urgent pour un médicament?

Dr Uscinowicz: Je suis très heureux que vous me posiez cette question, car je crois que c'est un élément très important du programme. Comme je l'ai mentionné, les documents que nous avons distribués, et que vous avez vus, ne constituent qu'une première proposition. Nous savons très bien qu'il s'agit d'une question très complexe et qui n'intéresse pas uniquement le gouvernement et l'industrie, mais qu'elle a une dimension beaucoup plus vaste.

Nous avons distribué les documents pour obtenir des premières réactions. J'ai reçu le résumé de ces commentaires il n'y a pas très longtemps. Je dois avouer que je ne les ai pas lus très attentivement, mais je n'ai pas vu de commentaires sur la définition elle-même.

Vous comprendrez peut-être que lorsque nous examinons une proposition, nous essayons de déterminer ce qui se fait dans d'autres pays dans les mêmes circonstances. Nous avons examiné en particulier le régime d'accès spécial de l'Australie, et la définition que nous utilisons maintenant, pour la première partie de la définition, est inspirée de la définition australienne.

C'est une question qui n'est pas encore réglée, comme tout le reste dans cette proposition d'ailleurs. Toutefois, nous estimons devoir consulter tous les intéressés au moins une autre fois avant d'entreprendre les travaux plus détaillés. C'est un point essentiel, et je comprends cela.

Mme Hayes: Est-ce que cela a posé un problème dans le passé?

Mme Pieterson: C'est ce que je crois, oui.

Mme Hayes: Est-ce que vous en tiendrez compte dans votre proposition?

Mme Pieterson: Je pense que le titre du programme n'est pas tout à fait exact. Nous parlons des programmes de mise en circulation d'urgence alors qu'en fait il y a bien plus de véritables urgences qui nous incitent à mettre en circulation un médicament dans le cadre de ce programme. Je pense que c'est pour cette raison que nous modifierons le titre du programme pour parler plutôt d'un accès spécial. L'une des raisons de ce changement est de rendre le titre du programme plus exact.

Est-ce ce que vous vouliez savoir?

Mme Hayes: Oui.

Mme Pieterson: Lorsque le règlement est entré en vigueur, cette disposition de la Loi sur les aliments et drogues - mon Dieu, cela fait des années; dans les années 1970, je pense - on utilisait beaucoup moins de médicaments, et des médicaments différents. Les choses ont beaucoup changé.

Mme Hayes: Très bien.

Mme Pieterson: Donc, le programme est mal nommé, il n'est pas question d'urgence. Maintenant, il n'est pas du tout nécessaire qu'il y ait une urgence pour que nous mettions en circulation un médicament, si c'est ce que vous voulez savoir. Ça n'a rien à voir avec une urgence.

Mme Hayes: Très bien. Je me demandais si cette définition avait causé des problèmes dans votre direction dans le passé et si ce que vous proposez maintenant changerait quelque chose à cet égard.

.1035

Dr Uscinowicz: La loi actuelle ne définit pas le terme urgence. Elle dit que le médecin doit fournir les détails de l'urgence médicale mais sans définir cette expression. Donc si nous voulons nous retirer du processus, nous devons définir quelle partie du processus nous allons abandonner et il y a, dans cette définition, une raison médicale qui justifie le fait que nous n'intervenions pas du tout.

Mme Hayes: Donc l'une des tâches essentielles de cette table ronde est de définir l'accès spécial - dans quelles circonstances est-il approprié ou non?

Dr Uscinowicz: Ce serait grandement apprécié.

Le président: Merci.

Madame Fry.

Mme Fry (Vancouver - Centre): Merci beaucoup. Je tiens à féliciter l'un de nos témoins, le docteur Cameron, car je crois que, dans son exposé, il a vraiment fait ressortir l'essence de ce que nous faisons ici. Il a réussi à mettre en équilibre tous les problèmes - la question de l'accès pour des raisons humanitaires, qui est une question humaine importante; celle de la rigueur scientifique, qui doit être prise en considération; et celle de la responsabilité. Je tiens à l'en remercier. Son exposé a fait ressortir le fait que nous devrons, dans ce comité, mettre en équilibre ces nombreux aspects.

Mme Hayes a déjà posé aux fonctionnaires de Santé Canada certaines questions que je voulais leur poser, mais je voudrais aussi savoir ceci: Dans le nouveau programme d'accès spécial amélioré que vous envisagez d'élaborer, si vous transférez une partie de votre responsabilité, qui sera tenu responsable sur le plan juridique et, au bout du compte, sur le plan moral? Si cette responsabilité doit être purement et simplement transférée au médecin pour que cela se passe entre le médecin et son patient - comme cela se doit - qui alors assurera la rigueur scientifique?

Le docteur Cameron a mentionné qu'il y avait à cela deux effets secondaires, et je me demande si vous les avez pris en considération. Le premier effet sera d'accroître la charge de travail que le médecin clinicien devra assurer dans son cabinet. Deuxièmement, comment allez-vous vous assurer que le médecin tient de bons dossiers et qu'il fait tout le reste avec toute la rigueur scientifique voulue?

Dr Uscinowicz: Je pense que même à l'heure actuelle, la responsabilité de l'administration des médicaments au patient incombe au médecin et aux organismes de réglementation provinciaux. Nous ne réglementons pas cela, cela relève de la pratique de la médecine. Le fait qu'un médecin utilise un médicament homologué ou un médicament qui n'a pas été homologué ne change rien à cet égard.

Ce que nous essayons de faire c'est tout d'abord d'accélérer le processus de mise en circulation d'un médicament lorsqu'il y a une véritable urgence - et il faut que le médecin puisse faire part de ce besoin à quelqu'un. Dans le processus actuel, le médecin communique avec nous; nous nous adressons au fabricant; le fabricant communique avec le médecin; puis le médicament est livré.

Ce que nous essayons de faire, c'est de nous retirer du processus dans les cas d'urgence afin que le médecin puisse communiquer directement avec le fabricant et lui dire: «J'ai besoin de ce médicament pour une urgence».

Mme Fry: Oui, je comprends le processus. Ce que je dis, c'est que si vous améliorez cet accès dont vous parlez, je ne crois pas qu'il soit suffisant de dire que le médecin devrait - s'il en a le temps - acheminer l'information. Je pense qu'il faut qu'il y ait un processus. Il arrive qu'on élabore des programmes sans penser au processus et sans consulter les divers intervenants. J'aimerais savoir si vous avez consulté, par exemple, les médecins et les patients au sujet de ce nouveau programme.

Mme Pieterson: L'Association médicale canadienne a été consultée. Nous consultons d'habitude les grandes associations comme l'AMC. Nous n'avons pas fini nos consultations. Cette question était soulevée dans les commentaires que nous avons reçus. Ce n'est pas la première fois que nous entendons ça.

Mme Fry: Bien, c'est important d'obtenir des réactions.

Mme Pieterson: Effectivement, nous reconnaissons que c'est important. À l'heure actuelle, il y a un programme de déclaration volontaire des effets nocifs des médicaments. Comme nous ne réglementons pas les médecins, seulement les fabricants, nous avons de la difficulté. Il faut trouver un équilibre. Nous reconnaissons que le médecin est déjà débordé de paperasserie et néanmoins il nous faut... Nous serons heureux de recevoir des suggestions.

Mme Fry: Je pense que la suggestion que je vous ferais concerne la responsabilité, qui semble faire défaut dans bien des processus. J'espère que vous l'intégrerez au processus, ou alors nous pourrons peut-être vous faire des suggestions sur la responsabilité.

.1040

Ma deuxième question, si j'en ai le temps, s'adresse au docteur Levy et est liée au fait que, comme vous le savez, à l'heure actuelle de nombreuses entreprises sont membres de l'Association canadienne de l'industrie du médicament. Certaines sociétés accordent l'accès humanitaire et d'autres sociétés le refusent. Pouvez-vous me dire quel pourcentage des sociétés membres de l'ACIM accordent cet accès humanitaire et quel pourcentage le refuse?

Deuxièmement, pourquoi celles qui le font refusent-elles cet accès? Si la raison est juridique, comme je l'ai entendu dire dans le passé, combien de sociétés, parmi celles qui accordent un accès pour des motifs humanitaires ont fait l'objet de poursuites judiciaires?

Dr Levy: Vous me posez une question difficile. Je ne sais pas combien d'entreprises membres de l'ACIM accordent l'accès pour des motifs humanitaires. Il me semblait que c'était la vaste majorité, voire pratiquement toutes les sociétés, qui le faisaient. Je devrai donc vérifier avant de pouvoir répondre à votre question. Je ferai cela pour vous.

Mme Fry: Alors vous nous ferez parvenir cette réponse? C'est important pour que nous puissions prendre des décisions.

Le président: Je vais permettre une autre question.

Je vais donner la parole au docteur Logue, et ensuite nous prendrons une pause café de cinq ou dix minutes puis nous reprendrons la discussion entre les témoins.

Docteur Logue.

Dr Logue: Je voudrais répondre à certaines observations de Mme Fry au sujet de la responsabilité et ensuite je voudrais m'adresser directement à la Direction générale de la protection de la santé.

Dans les circonstances actuelles, il est impossible de rendre des comptes. Comme je le disais hier, plus de 50 p. 100 de mes patients suivent un traitement expérimental. Je ne peux pas matériellement, avec mon personnel et mes employés de soutien, préparer des rapports sur les effets nocifs des médicaments, et je ne le fais pas.

Le rapport Gagnon et les documents d'information indiquaient, je crois, que le taux de déclaration était de 40 à 60 p. 100. J'en doute sérieusement. En fait, le taux de déclaration des effets nocifs est très faible; il est lamentable.

Le docteur Levy sait bien qu'à Toronto, dans l'équipe de soins primaires, nous avons massivement refusé de remplir d'autres formules 3TC l'an dernier, car nous trouvions que c'était ridicule et peu réaliste sur le plan administratif. Nous ne pouvons pas le faire.

Par la suite, nous nous sommes réunis pour en discuter et ils ont accepté de financer l'infrastructure actuelle et de payer pour que des collecteurs de données viennent dans nos bureaux. C'est une solution régionale qui s'applique uniquement à Toronto, mais à laquelle les entreprises pharmaceutiques participent.

Mais à l'échelle du pays, le programme est appliqué de façon très fragmentaire et son administration manque d'uniformité. Il n'est tout simplement pas réaliste ni faisable de déclarer les effets secondaires. Nous ne le faisons pas et nous n'allons pas pouvoir le faire.

Mme Fry: Merci, docteur Logue. Je voulais souligner le fait qu'il y a une lacune importante et un gros problème qu'il faudra régler d'une manière ou d'une autre.

J'espère que le docteur Levy apportera ces renseignements lors de la prochaine séance. Merci.

Dr Logue: Si vous me permettez de faire une autre observation, le problème c'est que ces programmes d'accès pour des motifs humanitaires comme nous avons tous fini par nous en rendre compte, je pense, représentent un échec du côté scientifique. Nous avons beau parler d'éthique et de rigueur scientifique, mais ces programmes montrent que nous n'avons pas réussi à offrir à nos patients de bonnes options scientifiques fondées sur des preuves.

Après avoir vu qu'un très faible pourcentage de patients allaient recevoir des médicaments d'urgence nous nous sommes rendu compte qu'en fait dans la moitié ou parfois dans la majorité des cas les médicaments utilisés pour traiter les maladies liées au VIH n'avaient pas encore été approuvés. Nous avons énormément de patients qui utilisent ces médicaments qui ne sont pas encore commercialisés.

Cette pratique est intenable. Il faut que ces médicaments soient approuvés plus rapidement ou alors il faut trouver une façon plus pratique de gérer ces programmes d'accès pour des motifs de compassion. À l'heure actuelle, ce n'est pas faisable dans le cadre de soins primaires et la situation ne peut que s'aggraver. Il y a d'innombrables nouveaux médicaments antiviraux et plus la recherche nous fournira d'options, plus ce sera difficile.

Dre Fourie: Je voudrais répondre aux commentaires du docteur Logue. Du point de vue du fabricant, la sécurité des patients et la collecte de renseignements fiables pour assurer l'innocuité des médicaments sont des questions très préoccupantes pour les médecins et pour nous également. Il est absolument essentiel de traiter ces questions. C'est dans le cadre des essais cliniques que ces questions sont traitées et que les données sont recueillies. À part cela, il y a de gros problèmes, et nous devons vraiment essayer de les régler.

.1045

Je voudrais simplement faire un bref commentaire en réponse à la question de Mme Fry. Il n'est peut-être pas très utile de déterminer combien d'entreprises parmi les 65 sociétés-membres de l'ACIM ont des programmes d'accès élargis. Elles ne produisent pas toutes des médicaments dont il est question ou qui pourraient être utilisés dans de tels cas.

Il serait peut-être plus approprié d'examiner des exemples précis, ensuite il faut voir ce qui motive les décisions du fabricant: celui-ci doit être sûr de l'innocuité du médicament et avoir des renseignements fiables avant d'aller de l'avant et d'accepter d'offrir un programme d'accès élargi.

Mme Fry: Je pense que mes questions sont appropriées, et ce n'est d'ailleurs pas au témoin de me dire si une question est appropriée ou non.

J'aimerais obtenir des réponses à ces questions, s'il vous plaît.

Le président: Docteur Logue.

Dr Logue: Oui, je voudrais juste ajouter une chose. Je dois insister sur le fait qu'en tant que médecins praticiens nous voulons ces renseignements sur l'innocuité des médicaments autant que n'importe qui d'autre.

Nous pensons que l'industrie pharmaceutique veut ces renseignements sur les médicaments qu'elle essaie de faire approuver. Les patients, qui sont les consommateurs, veulent évidemment ces renseignements afin de pouvoir prendre des décisions éclairées. Nous voulons ces renseignements afin de pouvoir conseiller nos patients pour qu'ils puissent prendre cette décision éclairée.

Ce n'est pas faute de vouloir cette information. Toutefois, dans le cas d'un médicament qui n'est pas encore sur le marché et qui n'a pas encore été approuvé et à l'égard duquel nous participons à titre de soi-disant «coenquêteurs» - mais nous participons seulement à un programme d'accès élargi et certainement pas à un véritable essai scientifique rigoureux - nous estimons que la responsabilité appartient à la société pharmaceutique et que la collecte de ces données fait partie du développement du médicament.

Nous participons à ces programmes d'accès pour des motifs de compassion et nous sommes rémunérés en vertu d'un régime provincial. Certaines exigences nous sont imposées dans le cadre de ces programmes. Par exemple, on nous dit à quelle fréquence faire des examens hématologiques et à quelle fréquence commander des tests dans le cadre du régime provincial.

Vu sous cet angle, une partie du coût du développement du médicament est transféré à la province et au contribuable. Je pense que cela fait partie du développement du médicament, et il faut le dire clairement. Il faut dire clairement qui est responsable de la collecte de ces données. Si ces données sont par la suite utilisées dans une demande d'approbation du médicament, ce n'est pas la responsabilité du médecin qui prescrit le médicament de recueillir ces données.

Le président: Merci. Nous allons maintenant nous interrompre cinq ou dix minutes, puis nous continuerons cette table ronde.

.1048

.1107

[Français]

Le président: On va reprendre la discussion entre les participants et les membres du sous-comité. C'est une formule très ouverte. Des panélistes peuvent poser des questions à d'autres panélistes et des députés peuvent aussi poser des questions en réponse aux questions des panélistes.

J'aimerais commencer par le Dr Michael Levy, qui a une petite réponse à donner au Dr Logue.

Docteur Levy, s'il vous plaît.

[Traduction]

Dr Levy: Merci. Avant la pause, je souhaitais répondre brièvement aux remarques du docteur Logue. L'Association canadienne de l'industrie du médicament nie fermement que l'accès humanitaire à un médicament fasse partie intégrante du processus de recherche et de mise au point de ce médicament. Nous nions fermement que les données ainsi obtenues soient valables pour les fabricants qui souhaitent obtenir rapidement l'homologation de nouvelles thérapies.

L'accès humanitaire, c'est ni plus ni moins reconnaître qu'un patient peut se prendre en main, assumer sa propre thérapie même dans des conditions difficiles et ce parce que les voies normales ont échoué, les médicaments n'étant pas disponibles. Le docteur Logue l'a bien dit: il doute que des données aussi fondamentales que la liste des effets indésirables soient consignées et à l'appui, il nous a parlé de sa propre expérience et de celle de ses collègues.

Les médicaments d'urgence imposent une lourde responsabilité à tous les intervenants, notamment à la Direction de la protection de la santé et aux médecins dans le secteur pharmaceutique, mais ils imposent un fardeau encore plus lourd à ceux qui fabriquent le médicament, le distribuent, et prévoient des mesures pour réunir les données appropriées.

Je peux vous parler d'un médicament que je connais bien: le 3TC, que la société Glaxo distribue par l'intermédiaire du Programme de médicaments d'urgence. Ce système de distribution coûte plusieurs millions de dollars par année au Canada et il ne faut pas oublier qu'à cela s'ajoute le coût de fabrication ou de compilation des données. Si nous faisons cela, c'est parce qu'il y a une forte demande de la part des patients et des médecins qui, nombreux, comme le docteur Logue, nous demandent de fournir cette thérapie mais cela n'a rien à voir avec la recherche et le développement.

Le président: Merci, docteur Levy.

J'invite les participants à poser une question, s'ils le souhaitent...

[Français]

Mme Pineault: Mme question s'adresse aux gens de Santé Canada, par suite des questions fort intéressantes de Mme Fry.

Ce que je comprends du processus du nouveau programme d'urgence, c'est qu'on essaie d'éliminer une certaine lourdeur en mettant directement en contact les médecins et les fabricants.

C'est intéressant, mais on se demande comment cela va fonctionner. C'est une chose qu'on avait un peu examinée avec les activistes en avril dernier.

On semblait décrire cela tout à l'heure comme une petite lettre ou un coup de téléphone entre un médecin et une compagnie. Il y a un petit formulaire de consentement, mais ce sera sûrement plus élaboré que ça.

L'accès humanitaire au 3TC devait passer par une paperasse très lourde. D'ailleurs, les médecins en ont largement parlé. Quant à moi, je me préoccupe de l'équité de ce type de processus à travers le Canada. Ce ne sont pas tous les groupes de médecins qui ont le pouvoir de lobbying de certaines cliniques de Toronto ou de Montréal pour convaincre les compagnies de produits pharmaceutiques de les soutenir.

.1110

Ce ne sera sûrement pas le cas à Rimouski, à Sudbury, à Blind River ou ailleurs. Donc, on pourrait en arriver à un système un peu inéquitable. Est-ce que chaque compagnie de produits pharmaceutiques aura son processus d'accès d'urgence, avec son type de formulaire d'accès d'urgence? Comment sera faite l'information des médecins et la formation des médecins et des patients? Dans la problématique du VIH, l'empowerment des patients est très important, surtout en région, car ce sont souvent eux qui alimentent les médecins pour les nouvelles recherches.

Essentiellement, ma première question a trait à la lourdeur du processus et à la responsabilité que devront prendre les médecins dans ce processus. Que feront ces médecins et ces patients quand la compagnie dira non? Qui les aidera?

Le président: Merci pour votre question. Lequel des panélistes de Santé Canada voudrait y répondre?

[Traduction]

Dr Uscinowicz: Volontiers. La première question porte sur la paperasserie. Il est vrai qu'à cet égard le médecin a des responsabilités mais en vertu de la nouvelle proposition, le gros des responsabilités incombe au secteur pharmaceutique. Vous trouverez sans doute intéressant que je vous définisse les responsabilités du secteur et celles du médecin, comme nous les comprenons.

Par exemple, en vertu du nouveau régime, avant de commencer à vendre un médicament, le fabricant devra fournir à la Direction, des renseignements concernant les conditions de vente, des recommandations sur l'utilisation de ce médicament et tous les renseignements concernant le risque, les effets indésirables, les mises en garde et les précautions. Ces renseignements devront être présentés sous forme de résumé avec références à l'appui. Ce que je viens de décrire est bien entendu une proposition.

Le fabricant fournira au médecin un résumé des renseignements et il se mettra à sa disposition suivant un mécanisme précis pour répondre à toutes ses questions. Ainsi, un canal d'échange de renseignements sera prévu.

Le fabricant maintiendra un registre de tous les médicaments vendus, registre qui contiendra des détails sur les quantités, le nombre de patients à qui l'on a administré le médicament, les dates de vente et le nom du médecin. Annuellement ou sur demande, et dans des délais précis, le fabricant fournira à la Direction des médicaments les renseignements contenus dans ce registre de vente.

Si la direction le demande, le fabricant devra expliquer pourquoi un médicament ne peut pas être vendu en conformité avec les règlements et la Loi sur les aliments et drogues. Certains médicaments que nous avons utilisés dans notre programme ne seront sans doute jamais homologués, la recherche sera stoppée, mais nous voulons savoir pourquoi un fabricant aura pris une telle décision.

Le fabricant devra ensuite prévoir une procédure de rappel, et s'assurer que le médecin en a prévu une lui aussi, pour que tout patient ayant participé au programme puisse être contacté immédiatement. C'est une sorte de filet de sécurité.

Le fabricant doit demander que chaque médecin s'empresse de lui signaler tout nouveau renseignement concernant des effets indésirables ou inattendus. À partir de là, la Direction des médicaments sera notifiée. Le fabricant doit s'abstenir de faire la publicité de tout médicament vendu dans le cadre du nouveau programme.

Parlons maintenant du rôle du médecin qui doit garder des dossiers sur le patient et son état, les doses et les quantités de médicaments administrés. Ce dossier doit être fourni au fabricant sur demande.

Du reste, je pense que c'est ainsi que procèdent les médecins qui tiennent des dossiers. On inscrit le nom du médicament, la posologie et la quantité. Ensuite on fait rapport du résultat obtenu et de tout effet indésirable grave ou inattendu.

Je voudrais bien souligner l'aspect grave et inattendu des effets indésirables car il faut que chaque patient à qui on administre le médicament dans le cadre du programme soit renseigné sur le médicament et le mécanisme permettant d'y avoir accès. Tout cela incombe au médecin.

.1115

On constate donc que le fardeau le plus lourd incombe au secteur pharmaceutique dans le cas de ce nouveau programme et que les médecins, en pratique, continueront essentiellement de faire ce que le régime actuel exige d'eux.

L'élément crucial est la notification des effets indésirables et tout le monde s'entend là-dessus. Il y a des façons de faire accélérer les choses de ce côté-là.

Nous devrions peut-être préconiser des normes pour la notification des effets indésirables. Peut-être que l'on exigera un rapport seulement quand ils seront graves ou inattendus. C'est du reste ce que préconise le Comité international sur l'homologation car sa ligne directrice prévoit une notification des effets indésirables lors des essais cliniques. Nous pourrions donc reprendre les mêmes lignes directrices pour le Programme des médicaments d'urgence.

Voilà essentiellement ce que nous proposons sur le plan des responsabilités en vertu du nouveau programme. Je souligne bien qu'il s'agit dans tous les cas de propositions. Tout peut encore être remanié. Nous accueillerons volontiers des observations permettant l'amélioration d'un médicament et je m'engage à en tenir sérieusement compte surtout si cela nous parvient par l'intermédiaire du comité.

À propos de la communication de renseignements, aspect des plus importants pour nous, il est beaucoup plus facile d'établir une politique visant le secteur pharmaceutique uniquement. Il existe un mécanisme permettant de communiquer avec les représentants du secteur pharmaceutique, ce mécanisme facilitant l'apport de renseignements et l'établissement de règles.

Nous les responsables du Programme d'accès spécial et les représentants du gouvernement entendons intervenir à ce niveau-là, auprès du conseil de déontologie et auprès des médecins. Au moment où le programme sera sur le point d'être lancé, nous avons l'intention de procéder à une intense campagne de renseignements auprès du grand public. Nous avons bien compris que les méthodes utilisées dans le cadre du Programme de médicaments d'urgence ne suffiront plus. Merci.

Le président: Merci, docteur Uscinowicz.

Madame MacLean.

Mme MacLean: Merci. Je voudrais poser trois questions suivies d'une remarque.

La remarque elle-même est sans doute une question pour la forme. Malheureusement, l'ébauche du document passe sous silence le problème que comporte l'éparpillement des unités de production au Canada. En effet, au cours des 18 derniers mois, j'ai rencontré nombre de fabricants de produits pharmaceutiques auprès desquels je me renseignais sur l'état d'avancement d'une présentation de drogues nouvelles ou encore sur l'état du Programme d'accès humanitaire. J'ai rencontré notamment des représentants de Syntex Canada, Glaxo Canada, Burroughs Wellcome Canada, Serono Canada, Boehringer Ingelheim (Canada).

Voici un échantillon des réponses que j'ai obtenues: Je ne sais pas, les Américains - ou encore le siège social - ne nous disent rien; nous voulons faire des essais en vertu de l'accès humanitaire mais le siège social ne l'autorise pas; nous sommes prêts à déposer un avis de conformité mais le siège social nous demande d'attendre. De telles réponses à mes questions me portent à croire que c'est là la vérité, ou encore que c'est bien la réponse toute faite que les fabricants de produits pharmaceutiques donnent à ceux qui veulent faire avancer les choses au Canada.

C'était là mon observation.

Quant au programme lui-même, sous forme d'ébauche, tel qu'il existe actuellement, il ne semble pas comporter quoi que ce soit pour inciter, encore moins forcer, les fabricants à y participer. À quoi bon un programme si personne n'y adhère?

Quant à moi, je suggérerais un encouragement: à l'appui des évaluations d'innocuité, on pourrait exiger que soient inclus les renseignements et les données recueillis lors des suivis donnés à une demande d'obtention d'un médicament pour des raisons humanitaires. Ainsi, on exigerait que ces données fassent partie de la présentation de toute nouvelle drogue en vue de l'obtention d'un avis de conformité et, lors de l'étude servant à déterminer l'opportunité d'accorder cet avis de conformité, on prendrait sérieusement en compte ces renseignements pour établir l'innocuité.

.1120

Je ne sais si cette possibilité a été examinée, rejetée ou si je pèche par excès de scrupule; j'aimerais peut-être entendre, à ce sujet, les commentaires, soit du ministère de la Santé, soit de l'ACIM.

Quant à la diffusion de l'information, il existe une déclaration sur l'information donnée au médecin, qui doit être suffisante et actuelle, mais qu'en est-il du malade?

Il est également fait référence d'un formulaire approprié de consentement, sans que soient toutefois précisées les exigences, pour ces formulaires, en matière d'information complète, exacte ou compréhensible pour tous. C'est là une lacune à combler, faute de quoi le consentement pourrait être bel et bien donné, mais pas en toute connaissance de cause.

En dernier lieu, à propos de l'évaluation d'un programme, il n'est prévu nulle part que celui qui prend le médicament, dans le cadre de ce programme, pourra évaluer ce dernier ou donner ses commentaires.

Il a été proposé que des questionnaires soient envoyés aux médecins, aux omnipraticiens pour qu'ils donnent leur opinion. Il conviendrait de recevoir l'opinion de ceux qui, de l'une ou l'autre façon, ont participé au programme, qu'une amélioration ait été constatée ou non, ce qui vous permettrait de savoir ce qu'en pense les utilisateurs eux-mêmes.

Je ne sais si l'Association canadienne du médicament ou Santé Canada ont d'autres observations à faire.

Le président: Je vous remercie.

Quelqu'un veut-il bien se hasarder à poser la première question?

Mme Pieterson: Je ne suis pas certaine d'avoir relevé tous vos arguments, et je m'en excuse, mais je me contenterai donc de faire un commentaire sur ceux qui m'ont frappée.

À propos de ces données sur l'innocuité, si ces données sont déclarées sur l'utilisation d'un médicament administré dans le cadre du Programme des médicaments d'urgence, et qu'il s'agit d'effets pernicieux graves, ces derniers seraient mentionnés. Il n'est pas exigé du laboratoire qu'il signale tous les effets pervers d'un médicament. Ces données seraient fournies et examinées.

Mme MacLean: Si les effets pervers d'un médicament ne sont pas les seuls auxquels je pense, il s'agit également de sécurité. Ceci pourrait ajouter au poids des jours-patient où le médicament a été bien supporté et à l'ensemble des données quant à l'innocuité sur lesquelles on se base, j'imagine, pour juger des résultats d'une étude de phase II/III. Pour pouvoir assumer qu'un médicament est sûr pour un certain nombre de maladies vous avez sans doute, j'imagine, à accumuler un certain nombre de jours-patient d'absorption du médicament en question, et il devrait en être tenu compte.

Dr Bouchard: Tout dépend du médicament: pour certains d'entre eux chaque cas est un cas d'espèce.

Mme MacLean: Sont-ils plus sûrs que d'autres?

Dr Bouchard: C'est vrai, mais c'est tout aussi vrai que l'indication recherchée par le laboratoire n'est pas nécessairement celle qui est utilisée sur l'étiquette, dans le Programme d'accès humanitaire aux médicaments de recherche ou dans le Programme des médicaments d'urgence. Dans ce cas vous n'auriez donc pas à attendre les résultats, parce que vous savez qu'ils ne sont peut-être pas pertinents, en soi, pour l'indication que vous cherchez.

Mme MacLean: Vous ne faites qu'apporter de l'eau au moulin de ceux qui pensent que les essais de contrôle ne sont pas vraiment réalistes. Dans le cas, tout au moins, des médicaments liés au VIH, nous savons que les patients ne les prennent pas nécessairement de façon aussi rigoureuse que lors des essais. Avec le Programme d'accès humanitaire aux médicaments il est possible d'observer ce qui se produit dans le cas d'absorption de médicaments multiples, ce qui n'est pas le cas de l'essai de contrôle, et ces observations pourraient peut-être être alors notées, commentées et figurer avec l'information.

Dr Bouchard: La perfection est un idéal que l'on n'atteint jamais, et il est vrai qu'autrefois...

Mme MacLean: Ce n'était pas une critique, je me demandais simplement si ces indications pouvaient figurer dans le cadre...

Dr Bouchard: Certes, mais jusqu'à présent il y avait eu des essais de traitement pour certains des premiers médicaments non testés. À présent cette catégorie de médicaments est considérée avec plus de réalisme, lorsqu'on permet leur emploi en même temps que d'autres médicaments. La comparaison porte alors sur une situation réaliste.

Le président: Y a-t-il d'autres questions?

Mme Pieterson: Vous posiez une question à propos du formulaire de consentement et de la différence entre celui-ci et le consentement en toute connaissance de cause.

.1125

De nouveaux programmes visent partiellement à encourager les échanges d'information entre toutes les parties concernées. Nous exigeons de voir l'ensemble des informations que le médecin reçoit du laboratoire, dans le but que ce dernier dispose de suffisamment d'information pour prendre une décision soigneusement pesée avant de prescrire ce médicament, mais également afin que le médecin puisse en discuter avec le patient.

La question de la formule de consentement éclairé se pose également. Ces formules, je m'en rends bien compte, doivent être compréhensibles pour le malade: beaucoup de propositions ont été faites, mais c'est une question lacunaire dans cette proposition. L'ACIM a fait plusieurs propositions dans ce sens, mais nous aimerions également savoir ce que vous en pensez.

Mme MacLean: Certainement, car tous ceux d'entre nous qui font partie d'organisations communautaires, à qui s'adressent les laboratoires désireux de faire des essais sur des patients atteints du VIH/SIDA, et qui ont reçu les commentaires de ceux qui ont participé à ces essais, nous tous apprécierions un format normalisé.

Le président: Y a-t-il d'autres questions? Est-ce que l'ACIM voudrait ajouter quelque chose?

Dr Fourie: Pour revenir sur ce que disait le docteur Levy, les programmes d'accès spécial ne font pas partie du processus d'inscription des médicaments, mais on exige de nous de présenter toute les données de sécurité disponibles dans nos demandes d'inscription. C'est là une des conditions et nous nous y plions. Nous avons mentionné tout à l'heure que la collecte des données sur l'innocuité, dans le cadre des programmes actuels, est lacunaire et défectueuse, mais l'information dont nous disposons figure dans les demandes.

Dr Wainberg: Je voudrais ajouter quelque chose que j'ai oublié de dire dans ma déclaration de ce matin.

Je voudrais avant tout remercier le comité de m'avoir invité à comparaître: c'est la première fois que je me trouve ainsi devant un comité de ce genre. J'ai trouvé très instructif de voir comment un groupe pareil fonctionne et de comprendre quel est le rôle qu'il joue dans le processus décisionnaire de notre système.

Ce que je n'ai peut-être pas suffisamment souligné ce matin, c'est que les essais cliniques aléatoires constituent un facteur-clé pour nous permettre de comprendre comment agissent les médicaments, et quelle est leur efficacité. Tout en comprenant bien que votre comité, pour décider de l'accès humanitaire aux médicaments de recherche, doit soigneusement peser le pour et le contre de chaque cas, il me semble que ce processus ne devrait toutefois pas limiter la participation des cliniciens et chercheurs canadiens à des essais cliniques aléatoires bona fide.

Cette déclaration, je la fais tant en mon nom qu'en ma qualité de président de l'Association canadienne de recherche sur le VIH, fort de l'appui des membres de cette dernière. Il va sans dire que si nous devons rester compétitifs, au sens où nos laboratoires doivent continuer à créer de nouveaux médicaments, et compétitifs également quant à la possibilité, pour nos cliniciens et chercheurs canadiens de participer à une recherche clinique de pointe, il importe de protéger les essais cliniques aléatoires.

En affirmant cela, je n'oublie pas ce que disait le docteur Logue, d'après lequel les cliniciens auraient peut-être trop de formulaires à remplir, au point qu'il ne leur reste plus assez de temps pour le travail qui est vraiment le leur. J'ai pris note également des remarques fort pertinentes du docteur Cameron sur la complexité des questions dont nous discutons.

.1130

Je ne suis pas à même de juger de la répartition du temps de travail du clinicien ou des pressions qui s'exercent pour le processus d'agrément, si on tient compte de la nécessité de protéger la population canadienne tout en veillant à ce qu'un médicament ne soit pas approuvé sans un examen approfondi, judicieux et rapide. Je sais toutefois que s'il est pris compte de tous ces facteurs contradictoires dans l'élaboration de cette loi. Il importe également de protéger les essais cliniques aléatoires, qui sont la cheville ouvrière de l'expansion pharmaceutique et de la compétitivité, au plan international, des chercheurs canadiens.

Dr Cameron: Merci de m'avoir permis d'ajouter mon petit grain de sel.

À mon avis les essais cliniques aléatoires, en matière de médicaments, sont bien protégés parce qu'ils sont supérieurs à toute autre méthode en matière de risques, avantages et information ainsi qu'en matière de coûts.

Avec le docteur Levy je pense que les programmes d'accès humanitaire aux médicaments ou d'accès spécial aux médicaments ne constituent pas, en soi, un développement des médicaments tout en reconnaissant que ces programmes peuvent devenir partie intégrante du processus d'homologation, si nous parvenons à faire la distinction entre celui-ci et le développement des médicaments.

Le Programme des médicaments d'urgence ou le Programme d'accès humanitaire, en option libre, aux médicaments de recherche, sont liés étroitement à la participation du patient aux essais mais le traitement, quand il a été expérimenté, va beaucoup plus loin que la participation aux essais cliniques. La meilleure façon, au plan éthique, de donner à la plupart des gens le traitement le meilleur, c'est de promouvoir un développement rapide des médicaments, que rien ne devrait entraver. En matière de médecine le temps est comme la justice, tout retard en est un déni. Rien ne devrait retarder la mise au point de nouveaux médicaments.

Nous avons essayé d'accélérer ce processus en imposant à la Direction de la protection de la santé une seconde mission, à savoir celle de faciliter le développement rapide des médicaments pour ces maladies invalidantes. La DPS, qui a subi de fortes compressions, doit maintenant accomplir des tâches supplémentaires, non seulement au plan de la sécurité et de l'efficacité, mais en promouvant le développement et en mettant en place ces programmes d'accès spécial et d'accès humanitaire: sa charge de travail a triplé. Qui est responsable de leur bonne exécution? Si nous voulons que la DPS en soit responsable, il faut lui donner les moyens d'exécuter les missions dont on la charge.

À qui revient la responsabilité: à tous. Certaines formules de consentement - des formulaires d'information du patient - incluent parfois une information quant aux renonciations de responsabilité de la part de celui qui prend part à une expérience médicale. Je n'ai pas de formation juridique, mais je ne crois pas qu'il soit possible de renoncer au droit civil qu'est le droit d'intenter un procès à qui que ce soit, sauf à la Couronne, en temps de guerre. Notre système ne permet pas de renoncer à ce genre de responsabilité.

Cette notion de responsabilité est liée, je pense, à la capacité, pour une personne, de donner un consentement éclairé, ce qui est irréalisable et généralement imparfait. Nous ne pouvons attribuer la responsabilité à l'un ou à l'autre avec un processus de consentement éclairé qui n'est jamais au point. Qui est vraiment responsable? En ce domaine chacun doit se défendre comme il peut, et nous devrions tous essayer de faire preuve de sens de la responsabilité et de reconnaître, à défaut de les approuver, les intérêts qui sont en conflit.

Qui devra régler la facture? C'est comme si on demandait de quel budget cela provient. La réponse, c'est que nous la réglons tous et de quelque partie du budget que cela provienne, ce sont nous les payeurs.

Dr Logue: Je voudrais ajouter quelque chose. Je déplore que le docteur Levy et moi-même semblions, par moment, plus antagonistes que nous ne le sommes en réalité. Je reconnais que l'apport du secteur pharmaceutique n'a pas été minime et que sa participation, effective et financière, au programme d'accès humanitaire est extrêmement coûteuse.

.1135

Nous nous trouvons donc pris dans un dilemme. Si le secteur pharmaceutique dit que cette information n'est pas précieuse ou utile pour obtenir une licence pour un médicament et si nous ne pouvons prescrire ce médicament, nous devons nous demander s'il s'agit vraiment d'un traitement. La réponse doit certainement être négative, ce n'est pas un médicament homologué. S'agit-il du développement du médicament? Oui, dans une certaine mesure, mais je reconnais avec le docteur Levy que l'information n'est pas pleinement utilisée aux fins d'octroi de licences.

Le problème, c'est la portée de ces programmes et la situation opaque qui a été créée. Sans licence on ne peut parler d'un traitement actif, mais c'est pourtant ce que réclament les patients, et dans certains cas cela nous paraît quand même un traitement.

Par ailleurs, si une partie de cette information est recueillie et utilisée par la suite pour déclarer des échecs, on peut certainement également parler de développement des médicaments. On peut donc plaider le pour et le contre. Santé Canada doit mettre au point un dispositif permettant de faire cela et de reconnaître que ces programmes d'accès humanitaire aux médicaments de recherche ne constituent certainement pas un traitement comme on aimerait en avoir, mais plutôt un expédient, un traitement de fortune et une brèche de la science, dont les progrès ne sont pas assez rapides.

À cette fin il nous faut une approbation plus rapide, peut-être conditionnelle, une harmonisation des règlements internationaux et un élan, un encouragement donné à la recherche, aux fins d'en hâter les travaux.

Il ressort clairement de nos discussions que nous allons nous heurter à une continuelle opposition, bien que je reconnaisse que les laboratoires pharmaceutiques constituent un partenaire de poids et contribuent considérablement à ces programmes d'accès humanitaire. Mais ce n'est pas à nous seuls que nous résoudrons ce problème; il nous faut une intervention, sous l'une ou l'autre formes, une instance comme Santé Canada.

Le président: Je vous remercie, docteur Logue.

Docteur MacFadden.

Dr MacFadden: J'aurais donné un commentaire et fais une proposition, mais avant tout je dois vous poser une question. Pour obtenir une autorisation de diffusion d'un médicament expérimental il faut une quantité considérable d'efforts de la part du laboratoire pharmaceutique, qui doit demander l'autorisation et mettre en place une structure permettant la diffusion de l'information et le suivi de la médication.

Que pensez-vous des effets que ceci aurait sur l'importation au Canada des médicaments de fabricants qui n'y sont pas installés? C'est de cette façon que j'ai obtenu un certain nombre de médicaments VIH du programme actuel des médicaments d'urgence. Quel serait l'effet des nouveaux règlements sur cette situation? Je sais en effet que le PMU n'a pas mis en place ce genre de système pour ces médicaments spécifiques.

Mme Pieterson: La nouvelle proposition risque d'augmenter le fardeau pour les laboratoires, et je sais que cela était reconnu. La plupart des laboratoires ont déjà en place un système de déclaration des effets pervers d'un médicament, ils ont des sections médicales qui fournissent l'information. Pour les médicaments en voie d'expérimentation ils disposent d'ores et déjà d'informations. Je ne pense donc pas que la charge des laboratoires en sera considérablement alourdie.

Quant à l'importation des médicaments, elle n'apporte pas de réponse au problème. Vous pouvez importer un médicament pour usage personnel, cela n'a rien à voir avec cette partie des règlements et l'un n'aura pas d'effet sur l'autre. Tout médecin peut importer un médicament pour un patient.

Dr MacFadden: Je vous remercie.

Le président: N'avez-vous pas également une question?

Dr MacFadden: Oui, mais Mme Pieterson y a répondu, je vous remercie.

Le président: Merci de vos observations, qui sont fort intéressantes.

Je donne maintenant la parole à Mme Hayes, à M. Ménard et, en dernier lieu, à Mme Pineault.

Mme Hayes: Je vous remercie. Ma question est très brève, en fait. En écoutant le docteur Logue, je me suis rendue compte de tout le travail qui se faisait sur cette question dans son service. L'un d'entre vous saurait-il me dire quel est le nombre de médecins de premier recours ou quel pourcentage de la population est représenté dans ces demandes d'accès humanitaire? S'agit-il, dans l'ensemble, d'un fort ou d'un faible pourcentage? Y en aurait-il beaucoup dont les cas se comparent aux vôtres? Vous dites que 50 à 60 p. 100 de vos patients en font partie: est-ce caractéristique?

.1140

Dr Logue: Je vais commencer par répondre à la seconde question. Je suis membre du groupe de médecins de premier recours VIH de Toronto, et également ancien coprésident. Notre groupe compte environ 50 membres, et traite environ 60 p. 100 de la population VIH de l'Ontario.

Certains d'entre nous traitent uniquement le VIH et quelques-uns même ont une clientèle qui dépasse la taille de n'importe quelle clinique d'hôpital au Canada. C'est là une situation unique et non répandue, mais elle existe et il convient d'en tenir compte. Une vingtaine de médecins ont un nombre très significatif, sinon une majorité, de patients VIH, et la situation est probablement la même à Montréal et à Toronto.

L'un des problèmes, c'est que le traitement du VIH est malheureusement entre les mains d'un très petit nombre de médecins, mais ce nombre augmente. L'un des facteurs qui freine cette augmentation, c'est le découragement: la difficulté, au plan de la recherche, est redoutable; c'est périlleux au plan politique et, en troisième lieu, on est écrasé sous la paperasserie et enfin, en quatrième lieu, c'est un domaine dont beaucoup d'autres médecins se tiennent à l'écart.

La réponse, en bref, c'est que je ne suis pas représentatif du groupe tout entier, mais je ne suis pas non plus unique, il y a certainement des gens qui en ont davantage. Il y en a un grand nombre, et ceci uniquement dans une seule ville, mais il y en a également ailleurs au Canada. L'épidémie va certainement s'étendre à d'autres maladies, et les questions essentielles qui se posent trouveront leur écho dans d'autres questions, à propos d'autres maladies, par exemple, peut-être, le cancer du sein.

Mme Hayes: Peut-être est-ce là une autre question, ou une réponse à ce que vous venez de dire mais je me demandais, puisque vous faites partie d'un groupe identifiable d'intervention de soutien, s'il serait bon que l'on vous appuie pour la charge administrative? Nous sommes déjà convenus que le feedback était important.

Dr Logue: En fait, nous avons déjà fait cela: cette infrastructure existe et résulte d'une initiative au sein même de notre groupe, et d'autres groupes canadiens ont suivi notre exemple.

Le financement pour les collecteurs de données qui vont d'un cabinet médical à l'autre est partiellement assuré par le ministère de l'Ontario, partiellement par les laboratoires pharmaceutiques, et ce sous les auspices du centre de projet de Toronto qui distribue des médicaments anti-viraux. Il existe donc un mécanisme et une infrastructure auxquels nous pouvons avoir accès, et sans lesquels nous n'aurions pas pu continuer comme nous l'avons fait.

Je voudrais revenir sur un point mentionné précédemment. Après l'entretien que j'ai eu avec le docteur Levy et certains de ses collègues, ceux-ci se sont servis de ces données et contribuent maintenant à leur collecte. Ils aident de la sorte les collecteurs de données, ce qui a des avantages évidents: cela réduit la charge de travail bureaucratique et devrait assurer une certaine harmonisation des formulaires d'anamnèse et une certaine fiabilité des données, ce qui est évidemment de l'intérêt de tous.

À l'heure actuelle, le financement en provient en partie du ministère de la Santé de l'Ontario et en partie des laboratoires pharmaceutiques. C'est ainsi que les choses se présentent dans une ville donnée, mais ce n'est pas nécessairement appliqué dans tout le pays, et il n'existe certainement pas de mécanisme officiel auquel peut avoir recours tout médecin. La même chance n'est pas donnée, par exemple, à un médecin de London, en Ontario.

Mme Hayes: Ce genre de fardeau tend à s'accumuler, disiez-vous, dans un groupe. Je pourrais peut-être poser la question au directeur: y a-t-il des demandes d'accès humanitaires dans toute la population, ou est-ce plus particulièrement le cas de groupes spécifiques?

.1145

Dr Bouchard: Je n'ai pas de chiffres précis, mais je crois que c'est de l'ordre de 10 000 demandes, ou peut-être davantage par an. J'ajouterais qu'une grande majorité des médicaments qui font partie du programme des médicaments d'urgence ne touche pas les sidéens.

Mme Pieterson: Nous confondons deux choses différentes, à savoir les essais cliniques humanitaires et la distribution des médicaments d'urgence.

Dans un cas, il s'agit d'un protocole fixe établi par le laboratoire dans un essai clinique, qui offre un accès humanitaire, dans l'autre, il s'agit de la distribution, à des particuliers, d'un médicament dans le cadre du programme d'accès humanitaire aux médicaments de recherche. Ce sont deux programmes distincts.

Mme Hayes: Très bien.

Dr Uscinowicz: La situation n'est pas non plus la même pour les médecins: nous parlons maintenant de médecins de premiers recours, mais nous recevons également beaucoup de demandes de médicaments de médecins qui pratiquent dans des institutions où le problème de la charge administrative est différent, en raison de la différence des ressources.

Le nombre de demandes est considérable, mais nous ne pouvons, à ce stade, vous dire combien de ces demandes retombent sur les médecins de premiers recours et combien sont traitées par les gens des établissements médicaux.

[Français]

M. Ménard: Monsieur le président, quelque chose manquait dans l'exercice auquel on s'est livré ce matin. On a reçu beaucoup d'information, mais il aurait été intéressant de revoir ensemble les diverses étapes du processus d'examen de présentation des médicaments afin de les mieux comprendre et pour savoir ce qu'elles impliquent, matériellement, quant à la documentation à remplir. Peut-être devrions-nous mandater notre greffière pour qu'elle nous procure cette information.

Par exemple, si on fait une révision rapide de l'exercice, on voit que le demandeur présente un dossier. Prenons l'exemple de Glaxo, de Biochem et prenons la situation où on veut faire approuver un médicament. Nous reviendrons aux essais cliniques même si l'une et l'autre démarches comportent des essais cliniques, si j'ai bien compris.

Le demandeur vous présente une demande pour l'homologation de ce qui va devenir un médicament. À la première étape, il y a une vérification. Aux fins de cette vérification, qu'est-ce qu'on exige comme documentation et qu'est-ce qu'on cherche à vérifier? Est-ce qu'on cherche à vérifier tout de suite la toxicité du médicament?

Dr Bouchard: Non, à cette étape, on vérifie la documentation comme telle. Cela sera découvert au cours du processus lui-même.

M. Ménard: Alors, quand les gens nous parlent de la bureaucratie dans le processus d'homologation, est-ce qu'ils font référence à cette étape pour laquelle on demanderait trop de documents? Qu'est-ce qu'on demande?

Ce serait bien que nous, parlementaires, puissions voir, par exemple dans un dossier, ce que ça veut dire concrètement et ce qu'on exige comme quantité de renseignements à l'étape de la vérification. Est-ce là ce qui pourrait être allégé? Ou a-t-on le sentiment que tout ce qui est demandé est rigoureusement justifié et qu'on ne peut exiger moins?

Tout cela peut demeurer très abstrait tant qu'on ne le voit pas. Je suis certain que pour les gens qui nous écouteront à la maison, tout cela devant être retransmis, ça ne voudra pas dire grand-chose si on ne voit pas les documents, monsieur le président. J'aimerais les voir une fois dans ma vie. Je ne serai pas appelé à les remplir. Je ne suis pas médecin. J'aimerais mesurer de quelle somme d'information il s'agit.

Ensuite, il y a un autre volet comportant examen, chimie et fabrication. Est-ce qu'à cette étape, il y a aussi d'autres formulaires à remplir? Qu'est-ce que ça veut dire concrètement?

Dr Bouchard: La demande a déjà été faite comme telle. L'examen est une analyse critique de ce qui a été présenté.

M. Ménard: Quand vous intitulez une rubrique «Examen, chimie et fabrication», c'est ce que vous vérifiez à cette étape-là.

Dr Bouchard: Oui.

M. Ménard: On parle de tests de laboratoire qui portent sur la fabrication et la chimie du médicament qui sera homologué.

Dr Bouchard: On ne parle pas de tests comme tels. Il arrive qu'on en demande. Généralement, s'il manque un test, la compagnie devra fournir les résultats du test. Il se pourrait éventuellement qu'on le fasse nous-mêmes. Ce n'est pas le cas habituel.

M. Ménard: Prenons un exemple, pour que je comprenne bien. Glaxo ou Biochem dépose une demande pour l'homologation d'un médicament. Vous nous avez dit qu'il y avait un aspect vérification de la somme d'information qu'ils soumettent. Moi qui suis un parlementaire, j'aimerais, dans les prochains jours, voir ces formulaires.

Nous ne les avons jamais vus et nous devrons faire rapport sur quelque chose que nous n'aurons pas vu. Pour éviter d'avoir à parler de ce qu'on ne connaît pas, il faudrait qu'on sache ce qu'on doit vous recommander. Vous intitulez une rubrique «Examen, chimie et fabrication». Si ce n'est pas d'ordre clérical, c'est d'ordre expérimental.

.1150

[Traduction]

Mme Pieterson: Si vous voulez en savoir davantage sur les formulaires, je ne sais pas au juste si vous voulez connaître le genre de questions qui sont posées - nous avons des formulaires à faire remplir par le fabricant, mais ce dernier a une liste prescrite. J'ai ici sur moi un formulaire de demande de médicaments nouveaux, que je peux vous donner si vous le voulez: ce sont des directives pour les laboratoires, qui énoncent le genre de données à présenter dans une demande de fabrication de nouveaux médicaments.

Les documents associés à l'examen sont en liaison avec les rapports internes des examinateurs et la production de rapports est basée sur le dossier que présente le fabricant. Était-ce là votre question?

[Français]

M. Ménard: Oui. Depuis un an, j'entends parler de tout cela, et cela m'intéresse beaucoup. Nous sommes allés vous rencontrer, au ministère, et je pense comprendre le processus dans ses aspects théoriques. Cependant, nous allons nous engager, comme parlementaires, dans quelque chose d'extrêmement important. On nous a dit d'ailleurs hier soir qu'il y avait, ultimement, des considérations liées à la mort et à la disponibilité des médicaments.

Je voudrais pouvoir saisir le processus dans ses aspects non théoriques. Je voudrais m'asseoir avec quelqu'un du ministère de la Santé et voir ces formulaires. Je veux comprendre sur quoi nous pouvons faire des recommandations, en tant que députés, pour alléger la bureaucratie sans donner dans le simplisme.

Je sais bien que tout ce processus ne peut pas être simple, mais j'aimerais que la greffière conçoive une façon de nous le rendre moins théorique. Je veux voir les documents et le type de données que l'on y demande. Comment se fait-il que depuis hier soir, on entend des demandes récurrentes de simplifier la bureaucratie?

J'aimerais aussi poser des questions en ce qui a trait aux essais cliniques. J'y reviendrai plus tard.

Comprenez-vous ce que je ressens en tant qu'individu? Je ne voudrais pas être existentiel, mais il est important que nous, députés, comprenions ce que cela implique comme documentation pour ceux qui ont à remplir les formulaires.

[Traduction]

Mme Pieterson: Quand nous avons donné autrefois ce genre d'explication, nous recommandions que vous examiniez une demande de nouveaux médicaments. Il serait peut-être bon, avec l'autorisation d'un fabricant, de vous montrer les volumes qui nous parviennent. Comme je le disais tout à l'heure, j'ai reçu cette semaine une demande avec 800 volumes. Je pourrais vous montrer, dans mon bureau, la pile de livres et vous pourriez examiner la partie qui vous intéresse.

[Français]

M. Ménard: Non, pas celle-là.

[Traduction]

Mme Pieterson: Non, ce n'est pas nécessaire. Nous pouvons également vous montrer comment fonctionne le Programme des médicaments d'urgence: le médecin s'adresse à nous, il y a des formules à remplir par nous et par le médecin, l'appel au fabricant, le formulaire que ce dernier doit remplir et l'expédition du médicament. Nous pouvons organiser tout cela.

[Français]

M. Ménard: Depuis que je m'intéresse aux travaux de ce comité, mon obsession est le Réseau canadien d'essais cliniques. Si la sous-ministre était ici, elle vous dirait à quel point je suis une personne obsessionnelle. Moi, j'ai toujours compris qu'au Canada, il existait deux grands problèmes; le premier étant que le Réseau canadien d'essais cliniques souffrait d'un manque de financement, chose dont on n'a pas à discuter cet après-midi parce que c'est une autre question; le deuxième étant que ledit réseau, qui comporte cinq satellites de fonctionnement, se fait imposer le type de recherche à conduire par l'industrie pharmaceutique parce que c'est elle qui le finance.

C'est sur ce deuxième problème que nous, parlementaires, aurons à nous prononcer. Mais vous, fonctionnaires, vous voyez les protocoles de recherche, d'après ce que j'ai compris, pour chacun des essais cliniques conduits par le réseau. On nous dit qu'il y en a eu 40 depuis que le réseau existe.

Le militant de AIDS Action Now, Brian Farlinger, aujourd'hui décédé, était venu nous dire ce que pourrait faire le gouvernement canadien. C'était là le sens de ma question, plus tôt, quand on ne s'est pas compris. Les activistes sont venus nous dire que nous pouvons, comme législateurs, lorsqu'un protocole de recherche est approuvé par le gouvernement canadien, obliger celui qui le présente à y adjoindre une disposition d'accès humanitaire.

Est-ce que oui ou non ce serait possible? Je sais que dans la loi actuelle, ce n'est pas le cas. Mais je comprends bien que vous voyez chacun des protocoles autorisés qui va faire l'objet d'expérimentation par le Réseau canadien d'essais cliniques. Vous vous prononcez sur le mérite de ce protocole. De notre côté, comme parlementaires, il nous serait possible de présenter une résolution demandant que l'on modifie la Loi sur les aliments et drogue, si c'est celle qu'il faut modifier, pour que les fonctionnaires autorisés soient obligés de lier le consentement pour la conduite d'un protocole ou d'une recherche à l'accès humanitaire. Est-ce que cela serait possible?

Ce sera la deuxième grande question à laquelle il faudra apporter une réponse. Une fois les questions d'éthique réglées, nous, parlementaires, devrons décider si nous voulons recommander au gouvernement canadien de lier obligatoirement l'accès humanitaire à tout protocole approuvé par les services concernés, en l'occurrence le vôtre.

.1155

Est-ce que j'ai une bonne compréhension des choses quand je les présente de cette façon ou si je suis complètement à côté de la question?

Dr Bouchard: Je veux vous dire que vous n'êtes pas à côté de la question. J'ajouterai que vous êtes le bienvenu, si vous désirez venir passer une journée à réviser des médicaments. Nous vous accepterons; il y a toujours de la place.

M. Ménard: Les libéraux diront qu'il faut que je prenne ma pilule, vous comprenez?

Dr Bouchard: Il n'y a pas de problème. On pourrait prendre les arrangements nécessaires avec une compagnie.

Revenons à votre deuxième point. Si, éventuellement, vous voulez changer la loi, ce sera à vous de bien prendre en considération toutes les données du problème, car il ne s'applique pas uniquement à ce qui nous intéresse aujourd'hui principalement, soit le SIDA et le VIH.

N'oubliez pas que la loi s'appliquera à tous les médicaments et à toutes les maladies. Il faut aussi bien se rappeler qu'elle s'appliquera aux grandes compagnies comme aux petites. Je ne suis pas certain que les petites compagnies auront les moyens financiers de fournir un effort soutenu comme celui que vous leur demanderiez.

L'autre point qu'il faut prendre en considération est que le Canada, même s'il est assez vaste, n'est probablement pas le principal marché de la plupart des compagnies pharmaceutiques. L'effort consacré présentement à la lutte contre le VIH/SIDA est international. De plus en plus, les protocoles, même ceux qui sont soumis au Réseau canadien d'essais cliniques sur le VIH, sont des protocoles internationaux. Le réseau a très peu à dire sur...

M. Ménard: Il est important de savoir que ce sont des protocoles internationaux. On nous l'a dit. Les gens du Réseau canadien d'essais cliniques nous ont dit que le grand mérite du réseau était d'encourager la recherche internationale. Je suis sur la même longueur d'onde que vous. J'ai toujours eu le sentiment que pour ce qui était de la recherche maison, il s'en faisait très peu.

Lorsqu'il s'agit d'un protocole international conduit sur le Réseau canadien d'essais cliniques, est-ce que vous le voyez? Est-ce que vous avez votre mot à dire?

Dr Bouchard: Oui.

M. Ménard: Quelle marge de manoeuvre avez-vous en ce qui concerne la liberté d'accorder ou non une autorisation?

Dr Bouchard: La marge de manoeuvre est extrêmement réduite; ou bien vous l'accordez, ou bien il ne se fait pas d'essais cliniques au Canada dans ce domaine. Il faut être honnête. Lorsque le médicament est disponible sous essai avec option libre aux États-Unis, si vous n'acceptez pas la même chose au Canada, vous créez de sérieux problèmes à la compagnie canadienne et aux patients du Canada.

M. Ménard: Je crois qu'il est très important que ce comité fasse l'effort de donner un caractère concret à toute cette question, sinon elle peut demeurer purement conceptuelle. Je ne suis pas médecin. J'ai peut-être fait un mauvais choix de carrière mais je suis député, et si on ne donne pas un caractère très concret à la question, on ne pourra pas faire de recommandations. Comprenez-vous?

Il y a une dimension manquante dans le dialogue. Pour nous, et ce n'est pas de la mauvaise foi, j'en suis convaincu, il faut que chacun des députés comprenne très exactement dans le détail ce que signifie autoriser un protocole de recherche. Il le faut sinon nous ne pourrons pas bien faire notre travail.

Dr Bouchard: Je pense qu'il va falloir que vous veniez nous voir, car cela dépasse largement ce qu'on peut faire ici.

M. Ménard: C'est vrai.

Le président: Madame Pineault, une dernière question, s'il vous plaît.

Mme Pineault: Ma question est la même que précédemment. Les réponses qui m'ont été fournies plus tôt concernant mon inquiétude sur la lourdeur du processus la laissent intacte. J'avais bien lu les documents qui m'ont été envoyés cette semaine et j'avais lu les informations que m'ont données les représentants du gouvernement fédéral.

Ma question porterait plutôt sur le genre de consultation qui a été menée ou qui ne l'a pas été en ce qui a trait à l'accès aux médicaments d'urgence. Quelle sorte de consultation envisage-t-on? Ou bien ce comité est-il le seul lieu où les membres du gouvernement pourront s'informer?

On a répondu avec beaucoup de bonne volonté à toutes les remarques que nous avons faites. Nous sommes prêts à accepter des suggestions, mais nous ne pouvons pas nous entendre - il faut être réaliste - pour faire des suggestions très concrètes, ce matin. Je conserve l'inquiétude qu'on met beaucoup de poids sur le dos des fabricants, qui ne sont pas des organismes humanitaires, mais des compagnies à but lucratif.

.1200

Ce n'est pas mal. Elles tentent de jouer un rôle social, mais ce sont des organismes à but lucratif et non des organismes humanitaires. Nous leur demandons de jouer un rôle qui ne cadre peut-être pas vraiment avec ce qu'elles sont. Des aménagements sont peut-être possibles pour faire que ces exigences cadrent mieux avec ce qu'elles sont. J'aimerais savoir quel processus de consultation est envisagé, s'il y en a un, et quand il aura lieu.

[Traduction]

Dr Uscinowicz: Ce n'est là, bien entendu, que le début du processus de consultation et du processus, dans son ensemble. Il s'agit là d'un document de discussion, j'insiste là-dessus.

Nous parlons de l'idée qui inspire le projet, nous ne parlons pas de détails précis, encore que nous soyons intéressés à entendre tous les commentaires sur ces détails. Nous avons adressé ce document, aux fins de consultation préalable, aux fabricants du Canada, au secteur des laboratoires pharmaceutiques, tant l'Association canadienne de l'industrie du médicament que les associations de produits génériques à l'Association des infirmières et infirmiers du Canada, à l'Association médicale canadienne, à l'Association pharmaceutique canadienne, à certains gouvernements provinciaux, à la Société canadienne des pharmaciens d'hôpitaux et au Collège des médecins du Québec.

Ce n'est là que le processus initial. Lorsque nous aurons une meilleure idée du système que nous envisageons nous essaierons, selon toute probabilité, de le publier dans le Journal de l'Association médicale canadienne et, le cas échéant, dans d'autres revues pertinentes afin d'obtenir les commentaires de toutes les parties concernées. Nous avons d'ores et déjà l'intention de faire cela.

Mais il ne s'agit toutefois que d'un commencement. En fait, à l'époque où nous en parlions, nous ne savions pas que nous serions invités par ce comité et que nous aurions le privilège d'entendre vos commentaires, privilège que nous apprécions beaucoup.

[Français]

Dr Wainberg: Je voudrais ajouter un point en ce qui concerne les essais cliniques mis en oeuvre par le Réseau canadien d'essais cliniques sur le VIH.

En plus d'être président de l'Association sur la recherche VIH au Canada, je suis aussi président du comité scientifique du Réseau canadien d'essais cliniques sur le VIH.

Je dois reconnaître qu'une partie assez importante des essais cliniques effectués au Canada sont des essais cliniques de Phase I; c'est-à-dire qu'on étudie un nouveau médicament pour avoir une idée de sa toxicité, etc., et pas nécessairement pour mieux comprendre quel est son effet antiviral.

[Traduction]

En second lieu, je voudrais vous faire remarquer qu'un grand nombre des essais envisagés par le Réseau des essais du VIH sont en fait proposés par le chercheur, ce qui revient à dire que les idées de ces essais émanent de cliniciens-chercheurs individuels. C'est ainsi que le docteur Cameron, qui est assis à côté de moi, a lui-même proposé au Réseau canadien pour les essais VIH, au cours des années, plusieurs essais très importants.

Il existe, je crois, un mécanisme pour examiner tant les essais cliniques proposés par un chercheur que les essais cliniques dont on pourrait dire qu'ils ont été proposés à un certain niveau, tout au moins lorsque des multinationales pharmaceutiques en ont adressé la demande au Réseau canadien pour les essais VIH.

Mais même lorsque ces essais cliniques émanent de sociétés pharmaceutiques multinationales, il est juste de reconnaître que dans la plupart des cas, ces essais sont proposés, en fait, par des cliniciens-chercheurs travaillant en hôpital ou en université. Ceux-ci ne sont pas nécessairement au Canada, ils peuvent se trouver aux États-Unis ou en Grande-Bretagne mais nous, en tant que société internationale, avons un pays dans lequel nous devons participer, pour certains essais, au niveau international aussi bien que national.

.1205

Le fait qu'un essai parvienne au Réseau sous l'égide d'une société pharmaceutique n'implique pas nécessairement que l'essai n'émanait pas d'un clinicien-chercheur travaillant en hôpital ou en université. Il convient de noter cela, car c'est une distinction importante.

Le président: Je vous remercie, docteur Wainberg.

Docteur Logue, pour une courte intervention, s'il vous plaît.

Dr Logue: J'ai deux petites questions, l'une touchant la procédure.

Dans les documents contenant la proposition d'un nouveau programme, il y a une distinction subtile dans l'accès au Programme des médicaments d'urgence. À l'heure actuelle, le généraliste adresse la demande directement à la Direction des médicaments, alors que dans la nouvelle proposition, c'est le médecin qui communique directement avec le laboratoire pharmaceutique.

J'aimerais connaître la raison de ce changement. Je sais que si je demandais l'accès au Programme des médicaments d'urgence, dans certains cas j'obtiendrais une information utile si je contactais d'abord la Direction des médicaments, car celle-ci peut m'informer si elle a, oui ou non, déjà fait une demande pour obtenir ce médicament, si cette demande a été rejetée, où en est le dossier ou s'il y a une DNR, etc..

Je ne sais donc pas au juste pourquoi il y a une proposition de changement, et dans certains cas cela pourrait s'avérer plus difficile pour les médecins. Nous pouvons prendre contact avec les sociétés pharmaceutiques, mais nous risquons de passer un temps considérable à essayer de trouver quelle est la personne la plus apte à nous répondre.

La seconde question concerne la sensibilisation sur l'ensemble du processus, ce qui peut avoir des effets sur la façon dont le processus est ultérieurement évalué.

Le Réseau canadien pour les essais VIH a un programme dans le cadre duquel est prévu, à Toronto, pour la nouvelle année, un forum pour les malades et médecins de premier recours; ils essaieront de se pencher sur des problèmes d'ordre général, par exemple en quoi consiste un consentement éclairé, comment lire un protocole, ainsi que les avantages et inconvénients respectifs de l'accès humanitaire et de l'essai sur échantillon aléatoire contrôlé, et autres questions de ce genre. C'est là une information très utile qui doit permettre aux malades et aux médecins de prendre leurs décisions en toute connaissance de cause. C'est un programme remarquable qui a été mis sur pied par le Réseau canadien pour les essais VIH.

Je me demandais simplement si vous, qui faites partie de Santé Canada, avez l'impression que vous y trouveriez également votre rôle. Est-ce là partie de votre mandat? En voyez-vous l'utilité? Voudriez-vous participer à de tels programmes?

Dr Uscinowicz: Permettez-moi de répondre à la première question.

Cette direction est une très petite organisation. Nos effectifs ne comptent pas plus de 500 personnes qui s'acquittent de toutes les fonctions exigées par notre mandat et notre mission.

Il y a deux ans environ nous avons entamé un processus de renouvellement: nous avons examiné chaque activité de cette direction pour essayer d'améliorer, à divers points de vue, la façon de procéder, mais également en tenant compte de nos ressources. C'est là le premier point que je voulais souligner.

Le second, c'est que c'est toujours encore la prérogative du secteur pharmaceutique de décider, ou non, de mettre un médicament sur le marché. Nous pouvons donner notre consentement, mais la décision définitive revient toujours encore au laboratoire pharmaceutique, et c'est pourquoi il nous a paru plus approprié d'inclure en premier le fabricant.

Ceci est prévu, en particulier dans les cas d'urgence, afin de souligner l'opportunité de l'envoi, au médecin, du médicament, pour ses malades.

Ce sont là les trois raisons principales.

Mme Pieterson: J'ajouterai simplement que nous continuons à fournir de l'information. Si vous êtes médecin et si vous voulez savoir si les laboratoires X sont disposés à livrer un médicament, vous pouvez faire appel à nous, et nous vous fournirons cette information. Cela ne changera pas: nous aurons toujours encore une liste des sociétés et des médicaments qu'elles fournissent.

.1210

Dr Logue: Je n'ai pas très bien compris le résumé du Programme d'accès spécial: dans le second paragraphe du projet, vous indiquez que le fabricant, dans une situation d'urgence, sera autorisé à livrer, sans autorisation préalable de la Direction des médicaments, le médicament au médecin.

Mme Pieterson: C'est exact.

Dr Logue: Quand vous présentez votre organigramme, cela signifie...

Mme Pieterson: L'hypothèse est que le médecin sait déjà que le fabricant... Si le médecin ne le sait pas, nous lui donnons l'information.

Dr Logue: À la même page, sous autorisation de livrer, il est dit que le fabricant serait le point de contact pour le médecin et aurait l'autorisation de fournir au médecin, au reçu d'une autorisation de livraison de la Direction des médicaments, un médicament pour un maximum de 50 patients. À un endroit, vous dites donc qu'un fabricant peut livrer sans autorisation préalable, et dans un autre paragraphe vous indiquez...

Mme Pieterson: Il y a deux situations différentes: la situation d'urgence authentique, celle dans laquelle une autorisation préalable n'est pas nécessaire pour obtenir le médicament, parce que c'est une course contre la montre. Si le médecin décide donc qu'il s'agit d'une vraie urgence, le fabricant peut immédiatement fournir le médicament. Quand il n'y a pas urgence, c'est-à-dire dans l'autre situation, la société pharmaceutique doit obtenir de nous une autorisation préalable.

Dr Logue: Mais dans l'un et l'autre cas, le médecin peut s'adresser à vous pour une demande de renseignements.

Mme Pieterson: C'est exact.

Dr Logue: Ce qui se passe généralement, c'est que dans le petit nombre de cas où il y a vraiment urgence et où nous demandons un médicament pour une situation d'exception, le programme existant est satisfaisant, et nous nous adressons à vous, mais pour ces grands programmes, nous essayons généralement d'obtenir un accès élargi, et nous nous adressons au fabricant.

On peut naturellement discuter pour savoir si un cas est une urgence réelle ou non, mais dans l'un et l'autre cas, nous pouvons nous adresser directement à votre bureau.

Mme Pieterson: C'est exact.

Dr Logue: La seconde question porte sur l'éducation. Le forum que propose le Réseau canadien pour les essais VIH vous paraît-il relever de votre mandat? Êtes-vous désireux de participer à de tels forums?

Dr Bouchard: Nous avons été invités à y participer, nous avons reçu trois invitations; une personne de notre bureau se rendra à ce forum, même si ce n'est pas moi.

Dr Logue: Je suis heureux de vous l'entendre dire, mais serez-vous participant, ou votre rôle sera-t-il purement passif? Est-ce que vous voudriez voir ce rôle élargi? Voudriez-vous financer un projet pareil? Pensez-vous que c'est élargir les options et les décisions des patients? Cela fait-il partie de votre mandat, ou bien cette question vous dépasse-t-elle?

Dr Uscinowicz: La question est trop vaste, et une décision de dépenser de l'argent ne relève pas de nous. La Direction des médicaments évalue l'innocuité et l'efficacité des médicaments qui lui sont soumis, c'est là l'essentiel de notre mandat.

Mme Pieterson: Vous reconnaîtrez qu'il y a conflit si nous finançons des études de médicaments que nous homologuerons. Personne n'approuverait cela, je pense.

Dr Logue: Je comprends que comme organisme de réglementation vous ne veuillez pas faire cela, mais en finançant un programme pareil, vous permettriez aux Canadiens de choisir à meilleur escient entre certaines options de traitement.

Dr McFadden: Je n'ai pas de question à poser, c'est un simple commentaire. J'étais inquiet lorsque M. Ménard a fait cette proposition, que d'autres avaient fait avant lui, d'obliger le cas échéant, les sociétés pharmaceutiques à prévoir, dans leurs essais cliniques, la possibilité d'accéder à une demande de fourniture de médicaments pour motifs humanitaires.

Ce genre d'activité ne devrait jamais être rendu obligatoire, ce serait contre-productif. Il est bien assez difficile, pour les sociétés pharmaceutiques, de faire des essais au Canada, la plupart des principales sociétés étant établies aux États-Unis. Même si on met en place une excellente infrastructure d'essais cliniques, les sociétés pharmaceutiques se trouvent, pour la plupart, aux États-Unis. Si nous ajoutons une démotivation de plus - car c'en serait une - aux essais exécutés au Canada, nous risquons de prolonger encore davantage la période d'attente pour l'accès à ce médicament.

Dr Cameron: Je suis d'accord avec le docteur McFadden. En second lieu, si la clause obligatoire de fourniture pour raisons humanitaires ou de bras parallèles aux essais cliniques menés par le Réseau canadien pour les essais VIH pouvait être jointe, donnez-nous en les moyens, et nous le ferons.

.1215

Le président: Je vous remercie, docteur Cameron.

[Français]

Merci beaucoup à tous nos panélistes. Nous sommes très heureux de cette rencontre. Les discussions ont été très ouvertes et très passionnées.

Nous nous reverrons mercredi prochain à 15h30. Nous discuterons alors des aspects éthiques et législatifs.

Merci beaucoup et bonne fin de journée.

La séance est levée.

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