[Enregistrement électronique]
Le mercredi 26 avril 1995
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte.
Nous avons le quorum grâce à un député de l'opposition. Nous avons un membre d'honneur, nous allons donc commencer.
M. Meyer Burstein (directeur général, Recherche et analyse stratégique, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Monsieur le président, c'est la première fois que nous avons l'occasion de vous parler de certaines de nos activités. Nous avons pensé venir vous présenter certaines des personnes qui s'occupent de la recherche. C'est une expérience instructive pour nous également, puisque nous avons l'occasion de voir ce qui vous intéresse.
Si vous le voulez bien, je vais présenter certaines des personnes qui m'accompagnent. Craig Dougherty est agent de recherche. Derrick Thomas. Paula Bennett est chargée du secteur de la recherche en matière sociale et culturelle. Elizabeth Ruddick est responsable de l'analyse économique et démographique, ce qui correspond davantage à ce que nous allons étudier aujourd'hui; et finalement Claude Langlois.
Ces trois messieurs travaillent dans des domaines qui sont pertinents à ce que nous allons étudier aujourd'hui.
Le président: Êtes-vous l'agent de recherche principal pour l'ensemble du ministère?
M. Burstein: Oui. Mon titre est celui de directeur général, Direction générale de la recherche et de l'analyse stratégique. Cela ne signifie pas que je suis plus savant, mais j'ai des gens qui travaillent pour moi et qui le sont.
Je tiens à dire tout d'abord que tant le ministère que le ministre lui-même et nous tous sommes engagés à effectuer une recherche sérieuse. Je travaille dans ce domaine depuis peut-être dix ans et je constate que l'on s'intéresse à notre travail plus que jamais auparavant.
C'est intéressant. Je me promets d'étudier vite le rapport lui-même, je pense qu'il est intéressant de voir que l'un des problèmes consiste à essayer d'aborder certaines des questions importantes qui touchent l'immigration. En fait, nous n'avons pas assez de connaissances. L'immigration est devenue une question de politique publique importante seulement récemment et l'affectation des ressources intellectuelles, des données et de tout ce qui est nécessaire pour aborder ces questions est restée insuffisante.
S'il s'agissait d'un comité sur les questions de marché du travail - et vous vous occupiez des deux questions autrefois - vous pourriez faire toutes sortes de choses. En matière d'immigration, il faut bien comprendre que ce n'est que depuis dix ans environ que l'on a commencé à faire ce genre de travail. Diminishing Returns vous donne une idée de certaines des personnes qui travaillent sur ce domaine. Si vous continuez de recueillir des témoignages, nous pourrions vous suggérer certaines personnes qui ont des points de vues que vous pourriez trouver intéressants et que vous voudrez peut-être interroger.
Le président: Vos suggestions seraient les bienvenues. Si vous avez un francophone, cela nous serait utile également.
M. Burstein: Bien entendu.
Je sais que vous voulez examiner plus particulièrement le rapport Diminishing Returns. J'ai cru comprendre que vous préféreriez vous concentrer sur les conclusions et les implications de politique plutôt que sur la méthodologie. Nous sommes prêts à faire les deux. Si vous voulez parler de méthodologie, nous pouvons le faire. Nous avons certaines opinions concernant la méthodologie elle-même dont nous pouvons vous faire part, mais nous suivions vos instructions.
Le président: Je n'insisterais pas trop sur le rapport lui-même; je pense que nous nous intéressons à la vérité.
M. Burstein: Nous nous trouvons dans une situation délicate. Dans certains cas, les conclusions appuient certaines de nos propres conclusions, mais nous trouvons que la méthodologie utilisée est plutôt inhabituelle. Nous avons des amis, mais nous ne sommes pas sûrs s'ils sont dans le même camp que nous. C'est tout ce que je dirai là-dessus.
Je suivrai vos instructions, mais je pensais procéder de la façon suivante. Je pensais commencer en définissant les grandes orientations stratégiques adoptées par le ministère afin de rester dans le domaine des politiques. J'expliquerai les raisons pour lesquelles le ministère a fait ce choix, puis je passerai la parole à Elizabeth qui fera quelques observations sur le texte lui-même. Après quoi, nous passerons en revue ce texte et nous en discuterons plus en détail. Si cela vous convient, c'est la façon dont j'aimerais procéder.
Le président: Allez-y.
M. Burstein: Pour ce qui est des orientations stratégiques, l'annonce faite en novembre concernait un bon nombre de termes ou de sujets particuliers. Mais je pense qu'il est plus facile de les regrouper et c'est pourquoi je vais les grouper de la façon suivante et en définir deux plus particulièrement.
Le premier porte sur ce que j'appellerai le passage de l'intérêt privé à l'intérêt collectif. Plus précisément, cela signifie qu'il y a eu une réduction des niveaux d'immigration, un rééquilibrage, c'est-à-dire une évolution de la famille vers les personnes indépendantes et vers des travailleurs compétents, puis les changements aux critères de sélection eux-mêmes. C'est ainsi que cette orientation se définit.
La deuxième affirme premièrement que l'intégration est absolument essentielle et, deuxièmement que l'immigration doit être abordable; ce qui nous amène à l'idée de garantie du parrainage, à un droit d'établissement et encore une fois au passage vers l'indépendance et au changement de critères.
Il y a d'autres orientations, mais les deux dont parlent Diminishing Returns sont ces deux orientations stratégiques, et c'est pourquoi nous allons nous y intéresser.
La question est donc la suivante. Sur quoi nous sommes-nous fondés? Pas sur la recherche associée à Diminishing Returns, mais il y a certaines similitudes.
Avant d'aller plus loin, je vais faire une distinction théorique entre les stocks et les flux. C'est une distinction importante et je vais vous expliquer pourquoi.
Si vous pensez à l'immigration en termes de flux de gens qui arrivent au Canada, on peut dire un certain nombre de choses à ce sujet. Si vous y pensez en termes de gens qui sont déjà ici, on a alors affaire au stock ou au bassin des immigrants.
Ce bassin est ce qui a fait l'objet de toutes les politiques historiques. Si notre analyse s'y limite, on a alors une expression de ce que le Canada a fait à un moment donné de son histoire.
Par contre, le flux, c'est ce que nous faisons actuellement ou que nous avons fait il y a peut-être six mois, car c'est le temps qu'il faut pour que les décisions se concrétisent.
La distinction est très importante car si l'on s'intéresse au stock, on peut être tenté de dire que tout va bien alors que si l'on s'intéresse au flux, on constate qu'il y a certaines questions à régler.
L'inverse est également possible. Vous pouvez avoir réglé tous vos problèmes. Vous pouvez conclure que l'ensemble des politiques établies à l'égard du flux fonctionnent de la façon que vous le souhaitez. Vous voyez qu'il reste toute une série de problèmes, mais ces problèmes découlent des politiques du passé. Le programme des gens d'affaires en comporte des aspects.
Une voix: Dans votre analogie, faites-vous une différence entre un flux lent et un flux rapide?
M. Burstein: En effet, nous pouvons élargir la question indéfiniment. Gros poisson, petit poisson - tout ce que vous voulez.
Selon ce à quoi vous vous intéressez, il y a toujours une question à gérer, mais les remèdes seront différents. C'est pourquoi nous devons bien établir ces distinctions.
La question serait maintenant de savoir où est le problème. Est-ce un problème de stock ou un problème de flux? Nous répondons qu'il s'agit d'un problème de flux.
Certains disent en effet que dans l'ensemble les immigrants réussissent, «Le père de celui-ci est arrivé à peine à une telle date et a fini par se faire une place enviable», «On dit également que les revenus des immigrants dépassent ceux des Canadiens de naissance», etc.
Toutes ces constatations portent sur le stock alors que les politiques concernent le flux, et je pense que c'est ce sur quoi nous allons nous pencher.
En conclusion, je dirais que nous ne nous sommes pas fondés sur une seule étude. Nous nous sommes fondés davantage sur les tendances qui ressortent des textes universitaires et de certains travaux que nous avons faits à l'interne. Même s'il vous semble que nous sommes nombreux ici et que nous sommes également nombreux à la phase IV de la Place du Portage, en fait, nous sommes peu nombreux par rapport à ce que nous faisons. Une bonne partie de notre travail consiste à jouer les interprètes. Nous nous situons entre les universitaires et les décideurs. Dans d'autres domaines, nous contribuons réellement à la conception de la politique elle-même.
Je vais vous donner certains faits, ou en tout cas ce que nous pensons être des faits. Premièrement, les immigrants que le Canada reçoit aujourd'hui sont différents des immigrants que le Canada recevait par le passé. Je pense qu'il est évident pour tout le monde que les immigrants d'aujourd'hui ont des origines beaucoup plus diverses que les immigrants d'autrefois, et vous avez dit que cela représentait un défi. Ces gens sont moins susceptibles de connaître les marchés du travail occidentaux, ce qui peut avoir des conséquences sur leur capacité d'intégration au marché du travail.
Nous pensons que les immigrants d'aujourd'hui ne réussissent pas aussi bien qu'autrefois par rapport aux Canadiens de naissance et nous en avons des preuves. Nous pensons également que le marché du travail lui-même a changé et que certaines compétences requises à une certaine époque lorsqu'il était suffisant de travailler dur ne sont plus nécessaires dans le marché du travail d'aujourd'hui qui demande des compétences différentes.
Nous savons que les économistes s'entendent rarement sur la plupart des sujets, mais nous pensons que les textes sont généralement d'accord sur le temps nécessaire qu'il faut aux immigrants pour rattraper les Canadiens de naissance. Le temps nécessaire aux immigrants pour rattraper la population d'origine. On obtient toutes sortes d'estimations qui vont de 10 à 12 ans jusqu'à jamais. Nous allons ignorer le «jamais», mais on s'entend effectivement sur le fait qu'il faut davantage de temps aux immigrants d'aujourd'hui pour se rapprocher des normes de revenu canadien qu'auparavant. C'est une constatation importante.
On peut tirer un certain nombre de conclusions de cette constatation. L'une est que les impôts que les immigrants vont payer au cours de leur vie seront moins élevés, d'où les préoccupations supplémentaires concernant l'impact de l'immigration sur la situation financière.
Le recensement montre que le taux de chômage parmi les immigrants récents est plus élevé qu'autrefois. Un bon nombre de travaux, en particulier en Australie, montre que les immigrants ont beaucoup plus de difficultés à faire face à la récession. Ils sont les premiers à être licenciés et les derniers à être engagés.
Le président: Par «récent», vous entendez...?
M. Burstein: Les cinq dernières années ou les trois dernières années environ.
Nous avons fait une analyse approfondie du système de parrainage récemment qui nous a amenés à conclure que le nombre des immigrants parrainés qui dépendaient de l'assistance sociale était plus élevé que nous le croyions auparavant. Cela nous a indiqué encore une fois certaines difficultés d'absorption.
On peut également établir une corrélation entre la performance et des critères comme la langue, la scolarité et l'adaptabilité. Par conséquent, les changements que nous souhaitons apporter à la politique porteront sur la sélection.
Je vais rapprocher cela des orientations que nous avons effectivement prises.
La réduction des niveaux d'immigration découle de la question de la capacité d'absorption du Canada. Nous pourrons développer ce point si vous le souhaitez.
On reconnaît par là que les immigrants ont beaucoup plus de mal à s'intégrer et que les ressources publiques qui y sont consacrées deviennent rares.
Pour réduire certaines des pressions financières et restructurer l'immigration de façon à ce que les gens puissent plus facilement s'intégrer, il y a rééquilibrage de la composition des immigrants et un changement des critères de sélection. C'est la réponse à cette situation.
Dans la mesure où les parrains ne sont pas capables de s'acquitter de leurs obligations ou peut-être ne le souhaitent même pas, et que cela se traduit par un transfert du fardeau financier aux autres contribuables qui ne semblent pas du tout prêts à assumer ces coûts, l'idée d'une garantie financière a été adoptée.
Du fait que l'immigration doit être abordable - et c'est là peut-être une raison plus philosophique dans la mesure où on considère que l'entrée au Canada est plus un privilège qu'un droit - on a adopté la taxe d'établissement.
Nous pouvons revenir à certains de ces aspects plus en détail, mais je vais me tourner vers Elizabeth - et je vois que vous regardez l'horloge, ce qui me fait parler plus vite - et lui demander de faire quelques remarques sur le rapport, après quoi nous répondrons à vos questions.
Le président: D'accord. Un de nos membres doit partir à 16h55 et je tiens à ce qu'il ait la possibilité de dialoguer avec vous.
M. Burstein: Nous serons heureux de revenir n'importe quand.
Le président: D'accord.
M. Burstein: Préférez-vous simplement commencer le dialogue dès maintenant?
Le président: On nous a recommandé d'entendre Mme Ruddick pendant quelques minutes.
Mme Elizabeth Ruddick (directrice, Section de la recherche économique et démographique, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): J'essayerai d'être brève.
J'aimerais parler de certaines des conclusions du rapport, dire si elles appuient ce que nous avons fait nous-mêmes - et j'aborderai certains des points que Meyer vient de mentionner et les annonces faites par le ministre en novembre - et si nous sommes d'accord avec les conclusions tirées. Peut-être voudrez-vous réserver cela pour plus tard. Si vous le souhaitez, je peux faire quelques observations sur la façon dont les agents de recherche ont obtenu leurs résultats car nous sommes parfois en accord avec le résultat mais pas toujours sur la façon dont ils sont parvenus à leurs conclusions.
Le président: Vous rendez-vous compte que nous allons d'abord parler de quatre chapitres.
Mme Ruddick: Oui. J'ai essayé de détacher les conclusions qui portent sur ces chapitres. C'est ce dont je vais parler et non des autres articles.
La première conclusion du rapport est qu'il doit y avoir un meilleur équilibre entre la catégorie des immigrants qui contribuent à l'économie et la catégorie familiale. Cela se fonde sur l'affirmation voulant que ceux qui sont sélectionnés, en particulier les travailleurs qualifiés et les gens d'affaires, réussissent mieux sur le marché du travail. Ils ont de meilleures compétences que la catégorie familiale ou les réfugiés. Si le professeur DeVoretz vient témoigner, il vous dira, et nous sommes d'accord, qu'il est important de tenir compte du facteur économique au moment d'établir le programme.
Nous sommes d'accord et notre propre recherche vient appuyer le fait que les gens que nous sélectionnons ont des revenus supérieurs. Ils contribuent davantage à l'économie que ceux que nous ne sélectionnons pas, et il est certain que l'annonce que le ministre a faite en novembre préconisant la réduction des immigrants dans la catégorie de la famille et une augmentation des immigrants contribuant à l'économie va dans cette direction.
Le professeur DeVoretz a également recommandé que l'on instaure une caution de parrainage. Nous sommes également d'accord sur ce point. Nous examinons la question des engagements de parrainage et nous voulons savoir si les immigrants ou les parents, qui sont souvent des citoyens canadiens, respectent ces engagements. Encore une fois, nous essayons, toujours par souci d'économie, de faire en sorte que les parrains ne se servent pas des services sociaux et soient couverts par leur engagement. Je pense que le lien entre la proposition d'une caution et la recherche effectuée pour Diminishing Returns est bien mince. C'est la conclusion qui est tirée, mais l'idée de la caution n'est pas directement soutenue par la recherche mentionnée dans le volume.
En outre, plusieurs études montrent que la scolarité et la langue sont des facteurs importants du succès économique. Cela devient évident lorsque l'on examine divers éléments de la participation au marché du travail. Là encore, cela va dans le sens de l'orientation lancée par le ministre au titre des nouveaux critères de sélection pour les travailleurs qualifiés. La langue et la scolarité vont être plus particulièrement importantes pour les immigrants dont nous nous attendons à ce qu'ils soient prêts à travailler lorsqu'ils arrivent et à ce qu'ils n'aient pas de difficulté avec ce travail.
Il y a un autre article de Ather Akbari qui porte principalement sur la contribution des immigrants au trésor au cours de leur vie. Les immigrants contribuent-ils, paient-ils plus d'impôt que ce qu'ils retirent ou reçoivent en fonds publics et en transferts de toutes sortes?
C'est une question intéressante. Elle porte sur les montants payés et les montants reçus au cours d'une vie. A un moment ou à un autre, les Canadiens ou les immigrants paient plus pour ces avantages qu'ils reçoivent ou l'inverse. Cela dépend de l'âge, du nombre d'enfants que l'on a, de la santé et d'autres aspects.
Il est important de se rappeler que tous les contribuables, qu'ils soient immigrants ou canadiens, vont payer en moyenne davantage qu'ils ne reçoivent en transferts directs. Sinon, le pays ferait faillite dès le départ.
Une voix: Nous sommes en faillite.
Mme Ruddick: Nous serions dans une situation encore plus difficile.
Une voix: Par conséquent, nous avons reçu davantage que nous n'avons payé.
Mme Ruddick: Ce que nous examinons, ce sont les transferts directs. Nous examinons ce que nous recevons en transferts réels par rapport à certaines choses comme les dépenses gouvernementales en infrastructure ou en logements subventionnés. Il s'agit donc de transferts directs. A cet égard, je pense qu'il est juste de dire que c'est ce qui se passe même maintenant.
Mais sur le plan des orientations, ce qui est vraiment important, ce n'est pas de savoir si au cours de sa vie un immigrant paie ou contribue davantage qu'il ne reçoit, mais quelle est la situation financière présente par rapport aux services nécessaires pour appuyer l'intégration. Le gouvernement finance les cours de langue, les services d'établissement et l'intégration. Le gouvernement ne peut pas se permettre d'attendre les dix ou vingt ans nécessaires pour qu'un immigrant donné qui reçoit ces services les rembourse sous forme d'impôts plus élevés ou...
Une voix: Je suis désolé. Etes-vous en train de dire que nous ne pouvons pas?
Mme Ruddick: Nous ne pouvons pas.
C'est une question intéressante et il est intéressant de savoir ce qui se passe, mais du point de vue des grandes orientations, la question consiste davantage à savoir dès maintenant quels sont les montants qui ont été versés et les montants qui ont été récupérés.
Le dernier point que j'aimerais aborder est une conclusion voulant que les contraintes et les besoins économiques régionaux devraient être pris en compte dans la politique sur l'immigration, en tenant compte du fait que nous n'avons pas un marché du travail national au Canada, mais plutôt une série de marchés du travail régionaux. Les conditions économiques des provinces sont différentes et alors que certaines provinces sont en période de déclin, d'autres sont en période de croissance. C'est pourquoi la politique de l'immigration devrait en tenir compte.
Nous sommes d'accord avec cette conclusion, même si là encore, je ne pense pas qu'elle soit fondée sur une recherche précise. Elle ne semble pas découler d'une recherche spécifique mais plutôt d'observations superficielles de la situation actuelle en Ontario et en Colombie-Britannique. L'Ontario connaît une situation économique difficile, mais a reçu un grand nombre d'immigrants. La Colombie-Britannique se porte plutôt bien et a également reçu un grand nombre d'immigrants mais qui sont différents de ceux de l'Ontario.
C'est une question d'orientation qui préoccupe gravement le ministre puisqu'elle touche à la façon dont il planifie ses niveaux d'immigration, par le biais de consultations avec les provinces. C'est également un peu plus compliqué que ne le laisse penser Diminishing Returns dans la mesure où les immigrants se dirigent là où ils ont de la familler et des amis et là où il y a des emplois et des services de soutien.
Nous savons notamment que les immigrants qui sont les plus susceptibles de se déplacer ne sont pas ceux qui ont des liens familiaux, mais ceux que nous sélectionnons, ceux qui sont les plus scolarisés et ceux qui ont de meilleures aptitudes linguistiques.
Il est très difficile d'orienter les gens vers différentes provinces et de les influencer réellement au départ de façon déterminante. Les immigrants de la catégorie de la famille sont ceux qui sont les moins susceptibles de se déplacer. Or, ils constituent actuellement le gros des immigrants. C'est un de nos sujets d'étude et un problème qui préoccupe les provinces.
En fait, il y a des recherches réalisées au niveau provincial. Nous avons commencé à travailler sur la mobilité, sur les facteurs qui poussent les gens à se déplacer et sur le fait de savoir si le gouvernement peut prendre des mesures pour les influencer. Mais pour le moment, la recherche montre qu'il existe de nombreuses raisons institutionnelles qui poussent les gens à se rendre dans certaines provinces ou certaines régions, et que ces raisons ne seront pas faciles à changer.
Je vais interrompre ici ce bref aperçu de certaines de ces conclusions. J'aimerais vous demander maintenant s'il y a d'autres points que vous aimeriez pouvoir aborder ou si vous avez d'autres questions à poser.
Le président: Si le Comité le veut bien, M. Dromisky doit partir à 16h55. Si vous n'y voyez pas d'inconvénients, je vais lui donner la parole en premier.
M. Dromisky (Thunder Bay - Atikokan): J'ai participé à une session de citoyenneté à Edmonton et on a posé certaines questions sur les nouveaux citoyens, qu'ils soient immigrants ou réfugiés, et sur le fait de savoir si certaines régions du monde produisent de meilleurs citoyens que d'autres. Les recherches peuvent-elles nous montrer que la préparation à l'immigration est nettement supérieure dans certaines régions du monde que dans d'autres? Plus simplement, nos immigrants devraient-ils venir de certains pays plutôt que d'autres? Autrement dit, lorsque nous recevons un immigrant d'une région particulière du monde, cette personne a-t-elle plus de chance de devenir un citoyen canadien supérieur que s'il s'agissait d'une personne d'une autre région qui, nous le savons, risque de poser des problèmes beaucoup plus importants, simplement par la façon dont elle a été élevée, en raison de son système de valeurs ou quels que soient les autres facteurs? Avons-nous fait des recherches dans ce domaine?
M. Burstein: Il est difficile de répondre à votre question dans la mesure où si l'on y répond dans un sens strictement économique, il est évident que si l'on prend quelqu'un des États-Unis qui parle anglais et qui fait partie d'un marché du travail qui est exactement semblable au marché du travail canadien, cette personne va certainement avoir beaucoup plus de facilité à s'intégrer au Canada. Sa performance va presque immédiatement être la même que celle d'un Canadien. En fait, les Américains sont souvent meilleurs que les Canadiens parce qu'ils ont plus tendance à se déplacer.
Quelqu'un qui ne parle ni anglais ni français, qui n'a pas l'expérience du marché du travail canadien et est susceptible de faire l'objet de discrimination aura certainement beaucoup plus de difficulté.
Mais j'ai apporté une réserve. J'ai demandé quel jeu nous voulons jouer.
Pensez aux enfants de ces gens. Nous avons des preuves que les enfants d'immigrants nés à l'étranger, les Coréens, par exemple, sont exceptionnels. En fait, si l'on veut intégrer les enfants coréens, il faudrait peut-être créer des gens qui ne sont pas aussi portés sur la réussite scolaire. C'est ce que l'intégration voudrait dire dans ce cas.
Il faut définir nos critères. On peut adopter une stratégie qui tient compte du fait que l'économie mondiale se déplace vers l'Asie et que l'immigration peut appuyer ce genre d'intégration du Canada avec les économies en développement.
Mais on peut aussi laisser de côté l'économie et estimer que l'immigration n'est pas uniquement une question d'économie mais aussi une façon de produire une société plus tolérante. Or, on ne peut pas rendre les gens plus tolérants en important des immigrants qui leur ressemblent parfaitement. Il faut importer des gens qui ne leur ressemblent pas et leur faire comprendre que ces personnes peuvent faire de bons voisins. On choisit alors des gens qui ont des qualités admirables. Dans ce cas, il est peut-être préférable de sélectionner quelqu'un originaire de l'Inde ou de la Chine qui va réussir plutôt qu'un Américain.
Je ne sais pas exactement comment répondre à votre question, mais c'est la façon dont je vois les choses.
M. Dromisky: Il est bien évident que nous n'avons pas vraiment les données qui justifient certaines des préoccupations que j'ai soulevées ou certaines des questions ou des observations que j'ai faites au sujet de la sélectivité.
M. Burstein: Je peux vous donner une réponse directe. Si vous me demandez si l'on peut montrer la performance économique par pays d'origine, je vous répondrai oui.
Voulez-vous savoir où se trouvent les gens qui seront le plus susceptibles de bien réussir? Cela va confirmer probablement les hypothèses qui sont le plus souvent formulées, à quelques exceptions près.
Mais la vraie question c'est de savoir ce qu'on essaie de prouver. Quelle est la théorie derrière tout cela, et est-ce une bonne idée?
M. Dromisky: Les chefs de police m'ont parlé de la criminalité et me disent qu'ils ne voient jamais dans leurs cellules de stations de police ni dans les prisons des gens de certains pays. Les juges vous diront qu'ils ne voient jamais de gens d'un pays particulier. Ces gens ne sont jamais accusés de quoi que ce soit. Ils ont un style de vie différent et un système de valeurs différentes. C'est ce que les juges et d'autres personnes en position d'autorité dans le système judiciaire, des postes de supervision et de mise en oeuvre, me disent. Ils ont en tête des groupes ethniques bien précis.
Je me demande si nous pouvons faire certaines recherches à ce sujet ou cela va-t-il à l'encontre des droits de la personne?
M. Burstein: Non. Nous ne parlons plus de Diminishing Returns ici, mais nous avons effectivement fait des recherches sur certaines de ces questions.
Je vais demander à Derrick de vous en parler car il a fait beaucoup de recherche dans ce domaine.
Pour ce qui est de la criminalité, il faut faire certaines distinctions. Si l'on découvre qu'un groupe particulier comporte davantage de criminels, cela veut-il dire que nous les importons? Est-ce là la raison? Est-ce plutôt qu'une fois au Canada, ces gens font l'objet d'une discrimination et ne peuvent pas entrer dans le marché du travail et obtenir des emplois décents? Par conséquent, la question est de savoir si nous produisons ces criminels.
M. Dromisky: Je comprends...
M. Burstein: Laissez-moi vous dire de façon très générale ce que nous avons découvert.
M. Dromisky: Je suis désolé, je dois partir. Je vais participer à une émission-débat à la télévision.
M. Burstein: J'espère que vous ne considérez pas que j'ergote.
M. Dromisky: Non.
M. Burstein: C'est juste une manière de poser des questions pour avoir des réponses.
M. Dromisky: Cela m'a toujours intrigué et je n'arrive pas à trouver quoi que ce soit qui corrobore les propos de ces gens.
Le président: Nous devrions écouter la réponse avant de passer à M. Nunez.
M. Derrick Thomas (agent de recherche principal, Service de recherche économique et démographique, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Je crois que je suis d'accord sur l'essentiel de ce qu'a dit Meyer. Il a fort bien répondu à la question.
On peut trouver des données qui montrent que certains groupes sont surreprésentés, par exemple, dans la population carcérale, etc., mais je crois qu'il y a d'autres explications. Il y a par exemple le degré d'éducation du groupe, sa structure d'âge, car en prison on trouve en majorité des jeunes de sexe masculin. Il y a aussi la discrimination sur les marchés du travail et dans le système éducatif.
Il pourrait être en fait dangereux de faire croire que le programme d'immigration pourrait servir à contrôler ce problème. Le programme d'immigration n'est pas du tout l'outil approprié pour contrôler le script. Il est évident qu'il faut exclure les criminels, mais nous en avons la preuve, ceux qui font les manchettes, ceux qui tuent des policiers, etc., avaient six ou huit ans lorsqu'ils sont arrivés au Canada. C'est donc un problème social.
En essayant d'exclure ce groupe du Canada, vous risquez de conforter l'image que les membres de ce groupe se font d'eux-mêmes ainsi que celle qu'en ont les autres. En d'autres termes, quelle serait votre réaction si on vous disait que ce pays n'est pas pour vous, qu'on ne veut pas de vous dans un pays.
Par le biais de l'immigration, nous imposons des valeurs à ceux qui sont déjà là. Chaque fois que nous disons que nous ne voulons que des immigrants éduqués, cela revient à dire qu'au Canada nous n'aimons que les gens éduqués. Si nous disons ne vouloir que des immigrés venant de certains pays, cela revient à dire que nous considérons moins ceux déjà arrivés d'autres pays. Cela revient à alimenter une sorte de mythe provocateur de marginalisation et créateur de problèmes criminels.
M. Burstein: Ce que nous voulons dire du point de vue statistique c'est que quand on considère l'ensemble de la population, les immigrants adultes comptent pour près de 20 p. 100 de la population canadienne. Il n'y a pourtant pas 20 p. 100 d'immigrants dans les prisons.
M. Thomas: Environ 10 p. 100.
M. Burstein: Oui.
M. Thomas: Environ la moitié de ce qu'on pourrait logiquement escompter.
M. Burstein: Oui. C'est exactement là où je veux en venir.
Quand on considère les groupes particuliers qui constituent cet ensemble, on constate, oui, qu'il y a des problèmes spécifiques et c'est alors qu'il faut se demander la raison de ces problèmes. Vos procédures d'admission sont-elles fautives? Est-ce que nous sommes fautifs au niveau de l'intégration? De mauvaises politiques de sélection ont-elles permis l'arrivée d'immigrants inintégrables? C'est ça la question. C'est la question que nous nous posons. Je n'en connais pas la réponse.
Le président: Je crois cependant que la question était la suivante: Vous arrive-t-il de qualifier une société étrangère de dysfonctionnelle et de refuser toute immigration de sa provenance?
M. Burstein: Non, et nous n'avons ni les outils ni les moyens nécessaires pour le faire.
[Français]
M. Nunez (Bourassa): Monsieur le président, j'aimerais que vous suiviez la même procédure qu'on utilise au comité plénier et qu'on commence par l'Opposition officielle. Vous aussi, vous pourrez prendre la parole, naturellement, mais j'aimerais que ce soit une allocution un peu plus ordonnée.
Merci pour votre exposé, monsieur Burstein, madame Ruddick et votre équipe. Quand le Comité a décidé de mener cette étude, j'ai été vraiment surpris, parce que cette étude est basée sur une publication qui vient d'ailleurs, du C.D. Howe Institute. Je pensais que vous aussi, comme département de la recherche du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, vous seriez en mesure de faire des analyses et de produire des ouvrages également.
Dans d'autres pays, quand on analyse, surtout des politiques du gouvernement, ces analyses viennent de l'intérieur et ici, c'est quelque chose de l'extérieur. Ce fut ma première surprise quand le Comité a commencé à étudier cette question très importante.
Non, vous n'avez pas donné les renseignements. Personnellement, je suis très intéressé à connaître vos publications parce que je pense que vous êtes une équipe professionnelle. Est-ce que vous faites des travaux scientifiques ou est-ce que vous faites seulement des travaux à la demande du ministre pour appuyer des politiques gouvernementales, comme il y a quelques années, pour appuyer les politiques du gouvernement conservateur, et aujourd'hui, pour appuyer les politiques du gouvernement libéral? Est-ce que vous faites vraiment des travaux scientifiques?
J'aurais plusieurs questions à poser, mais comme je n'ai pas beauroup de temps, vous pouvez en prendre note et ensuite, si vous le voulez bien, vous pourrez répondre. J'aimerais obtenir des précisions. Combien de personnes êtes-vous au sein de ce département? Je constate que vous êtes des professionnels de la même façon que les gens qui nous ont écrit. Vous avez un avantage additionnel: vous avez un accès direct aux informations, chose que les professeurs d'université ou les chercheurs d'université n'ont pas. Ils doivent probablement avoir accès à l'information au sein du ministère.
J'aimerais obtenir une liste de vos publications. Je n'ai pas encore lu ce livre, mais j'aimerais le lire parce qu'il contient des données de base que vous abordez. D'abord, quand on dit que les immigrants, comparativement aux citoyens canadiens nés ici, ont un revenu plus élevé, j'aimerais savoir de quels immigrants vous parlez et combien sont-ils au Canada? Sont-ils de la première génération ou de la dernière? Quand on parle des immigrants, il faut bien identifier ce dont on parle. Je pense que c'est votre rôle de le faire.
Parlons de l'éducation des immigrants. Aujourd'hui, parce qu'il y a ce sentiment anti-immigration qui se développe très vite au Canada, vous mettez l'accent seulement sur le coût de l'intégration, mais j'aimerais que vous soyez équitables et que vous abordiez aussi les coûts pour les pays d'origine en matière d'éducation.
Je viens d'un pays pauvre, le Chili, et ce pays-là a investi 6 ans pour mon éducation primaire, 6 ans pour le secondaire et 5 ans pour l'université. Cela a coûté très cher à un pays pauvre, à la société chilienne.
J'aimerais que vous nous disiez, mais avec des statistiques, pas avec des discours vagues et ambigus, combien il en aurait coûté de former un immigrant comme moi, ici, dans cette société. Combien le Canada a-t-il épargné par ma venue ici, en matière d'éducation? J'ai toujours travaillé, je n'ai jamais rien demandé comme services. L'assurance-chômage et tout cela, je ne connais pas cela.
Il y a beaucoup de professionnels qui viennent ici. J'aimerais avoir des chiffres exacts. Si vous ne pouvez pas nous les fournir aujourd'hui, faites-le plus tard. Combien ces études coûte-t-elles au Canada?
[Traduction]
Le président: Apparemment il nous reste 11 minutes avant que les cloches ne commencent à sonner et je voulais donner un peu de temps à M. Assadourian.
[Français]
M. Nunez: Je suis vraiment surpris que tout cela repose sur une initiative extérieure et non pas sur les études faites par le ministère.
[Traduction]
Le président: Est-ce que vous pourriez nous préparer quelque chose pour mardi?
Le greffier du Comité: C'est possible. Nous avons un témoin de prévu. Nous pourrions faire les deux si vous voulez, mardi matin et mardi après-midi.
Le président: Donc siéger deux fois mardi? Nous avons un témoin de prévu de 11 heures à 12h30, nous pourrions peut-être faire cela mardi après-midi.
M. Burstein: Cela dépend de l'heure. Nous pourrions faire cela à 15h30 ou à peu près.
Le président: Bien sûr.
Vous avez pris note de tout ce que mon collègue vous a demandé?
M. Burstein: Non, si je pouvais, j'aimerais donner un début de réponse.
M. Assadourian: Excusez-moi. Avant, j'aurais quelques questions corollaires à poser. Vous pourriez peut-être répondre à toutes en même temps car les miennes concernent plus ou moins le même sujet.
Pour commencer, aux pages 8 et 9 de ce résumé - je ne sais si vous en avez une copie - vous parlez d'immigrants nés au Canada et d'immigrants arrivés avant 1967. Pourquoi les qualifiez-vous d'immigrants? Un immigrant reste immigrant toute sa vie - c'est ça l'idée. Est-ce votre prémisse, ou est-on immigrant pendant trois ans puis citoyen?
M. Burstein: Ce n'est pas mon résumé.
M. Assadourian: Oui, mais vous utilisez la même terminologie. C'est ma première question puisque vous en avez parlé.
M. Burstein: Oui. Je veux dire...
M. Assadourian: Mon deuxième point concerne l'éducation des nouveaux Canadiens. Je ne veux pas utiliser le terme «immigrants». Quand une famille de six arrive, le mari, la femme et quatre enfants, et qu'un d'entre eux a une maîtrise, l'autre a un baccalauréat, un doctorat et des études supérieures, cette éducation a coûté au gouvernement de ce pays de l'argent. Quand ces gens arrivent, est-ce que vous portez les frais d'éducation de ces immigrants au crédit du Trésor national du Canada, ou du gouvernement provincial, ou que sais-je, quand vous faites votre calcul, dans la colonne des crédits ou des débits?
Le président: Si vous pouviez nous donner tout...
M. Burstein: Nous inclurons tout et je demanderais peut-être aussi à Elizabeth d'ajouter son grain de sel. Nous nous ferons un plaisir de fournir la liste des publications du ministère et nous les mettrons à votre disposition.
Le président: Celles de votre service de recherche?
M. Burstein: Je ne sais si vous voulez simplement une liste des publications de notre service ou une liste générale de toutes les publications. Je me ferai un plaisir de vous fournir les deux. Mais si vous voulez une liste de nos rapports, je me ferai un plaisir de vous la communiquer.
Le président: Nous ne voulons pas celles qui nous donnent bonne conscience.
M. Burstein: Non? Très bien, les publications de recherche.
Je crois qu'en deuxième question vous m'avez demandé le nombre de professionnels chargés de la recherche dans mon groupe. Nous sommes 19 et jusqu'à tout dernièrement la recherche n'était pas notre seule responsabilité. Nous en avions toutes sortes d'autres, mais désormais nous nous concentrerons plus sur la recherche.
Votre troisième question concernait l'accès à la l'information et vous nous avez demandé si nous avions accès à des informations auxquelles les universitaires n'avaient pas eux accès. La réponse est non. En fait, dans la mesure du possible, un de nos objectifs est d'encourager les chercheurs universitaires à faire plus de travail dans ce domaine et, dans ce but, nous nous efforçons de leur faciliter l'accès à ces informations. La majorité de nos renseignements nous sont fournis par Statistique Canada. Pour d'autres, nous avons toutes sortes d'initiatives en place visant à produire plus de données afin que les universitaires puissent faire le genre de travail que nous estimons utile.
Comme je l'ai dit lors de ma déclaration préliminaire, concernant le marché du travail, par exemple, les renseignements ne manquent pas. Pour l'immigration, ce n'est tout simplement pas le cas. Il nous est donc nécessaire de consacrer une partie de notre temps, de notre énergie et de nos ressources à la simple production de ces données, ce qui en soi n'est pas toujour évident, et nous avons lancé quelques initiatives en ce sens.
Quant à savoir qui est ou n'est pas immigrant, il n'y a pas de définition magique. C'est en partie une question philosophique. Permettez-moi de vous donner quelques exemples.
Mes parents sont arrivés au Canada en 1948. J'étais un réfugié. Je suis né en 1946, donc quand je suis arrivé ici, j'avais deux ans. Pour le genre d'analyse que nous faisons, nous comptabilisons toute personne née à l'étranger comme immigrante, donc j'appartiens à cette catégorie. J'ai fait toutes mes études au Canada. Certains pourraient dire que je dois être dans cette catégorie parce que mes parents ne parlaient pas anglais à la maison; peut-être.
Par exemple, si vous considérez les statistiques récentes, est-ce que vous considérez que les enfants d'immigrants qui sont nés au Canada sont des immigrants ou bien les classez-vous parmi les Canadiens de naissance pour tout ce qui a trait à l'éducation, les résultats scolaires, etc.? Je ne connais pas la réponse à cette question.
Il n'y a pas de réponse toute faite. Cela dépend d'une question plus précise que vous avez posée.
Quant à la question de l'équité et de l'importance de l'équité, la réponse est oui. Quand on m'a demandé si notre politique devrait faire des distinctions entre les différents pays, c'est la raison pour laquelle j'ai répondu en vous demandant si vous vouliez la réponse économique ou si vous vouliez une réponse dans une perspective plus élargie. Je vous donnerais la même réponse.
On nous a demandé de venir ici parler de Diminishing Returns, un ouvrage qui est essentiellement un traité d'économie. Le problème, si l'on veut passer d'un traité d'économie à une solution sur le plan politique, c'est que le traité d'économie est axé sur une perspective unique et ne tient pas compte de la perspective élargie. Toutefois, si vous le souhaitez, nous pouvons élargir le cadre de la discussion.
Quant aux conclusions au sujet de la performance - et cela nous ramène peut-être un peu à la question que vous posiez - nous nous penchons sur des facteurs comme les revenus, le chômage, ce type d'indicateurs. Quant aux explications de ces performances, nous tenons compte précisément de ce que vous étudiiez, ce qui, en termes économiques, est appelé capital humain intégré.
Supposons que vous arriviez ici avec une bonne éducation, que vous puissiez parler la langue, que vous possédiez déjà certains avantages. Voilà ce que nous voyons dans notre recherche, voilà la façon dont ces universitaires voient les choses.
C'est cela qui oriente des politiques comme la politique de sélection. Et si vous décidez que pour l'instant l'immigration est une bonne chose, vous devez tout de même vous assurer que la personne qui arrive au Canada peut s'intégrer. Si vous ne réussissez pas à intégrer les nouveaux arrivants, vous feriez mieux de vous en passer, car ils ne seront qu'une source de problèmes.
Comment faire pour que ces deux types de politiques coexistent? Comment les concilier? Par une politique de sélection encore plus finement ajustée.
C'est un domaine où il n'y a pas de réponse facile. Nous n'essayons pas de vous soumettre un traité politique, nous essayons de vous expliquer que nos travaux servent à orienter certaines politiques même si, à certains égards, on pourrait considérer qu'ils sont assez restreints. Nous essayons de travailler d'une façon objective. Nous ne sommes pas responsables du ministère de la propagande pour la citoyenneté et l'immigration. Nous essayons d'être un organisme de recherche, de fournir les informations les plus objectives possible.
Je vous avouerai que cela ne plaît pas toujours au ministre et qu'il n'est pas toujours satisfait des résultats qu'il voit. Mais ainsi va la vie.
Le président: Personne ne conteste l'intégrité du ministère ou le professionnalisme de ce groupe, certainement pas.
Comment jugez-vous les avantages économiques qu'apporte quelqu'un comme Frank Stronach? Aux fins de la discussion, supposons qu'il n'ait pas du tout parlé l'anglais lorsqu'il est arrivé; aujourd'hui, il dirige la plus grosse compagnie de pièces d'automobile du pays, une compagnie qui a été jugée la meilleure compagnie de pièces d'automobile au monde. Prenez son revenu, 2 millions de dollars par année, et...
M. Burstein: Dans la plupart des études, oui. Aux fins du programme des gens d'affaires, non. Quand il s'agit du programme des travailleurs spécialisés, nous considérons toute la gamme. Aux termes de cette politique, on considère les critères et ce qui contribue de façon importante au succès économique, et pour mesurer cela, nous avons mis au point un test.
Quant au programme des gens d'affaires, c'est beaucoup plus un pari statistique lorsqu'on sélectionne les gens sur la base de l'expérience qu'ils sont censés avoir, sur la base de ce qu'ils ont accompli, sur la base de ce qu'ils pourraient créer en venant au Canada. Pour être sûrs d'attirer les gagnants, nous sommes prêts à laisser venir un certain nombre de perdants.
Mme Ruddick: Quelle que soit la façon dont Frank Stronach est arrivé ici, pour mesurer sa contribution économique, nous ne tiendrions pas seulement compte de son revenu, mais également du nombre d'emplois qu'il a créés, du genre d'industrie qu'il a mis sur pied, de choses moins tangibles et plus difficiles à cerner. Par exemple, quels sont les avantages de sa société sur le plan de la balance commerciale? Dans quelle mesure a-t-il contribué à l'activité commerciale? Il y a toute une série d'indicateurs. Cela dit, si on considère uniquement les avantages économiques, il faut encore s'en tenir à des questions très terre-à-terre de dollars et de cents, d'emplois, ce genre de contributions.
On ne tient pas compte des contributions apportées par d'autres immigrants.
Le président: Je refuse d'entrer dans cette discussion. Vous avez utilisé le terme «terre-à-terre». Les contributions économiques ne sont jamais terre-à-terre.
Je me demande s'il figure dans vos statistiques.
Mme Ruddick: Absolument, mais le seul problème c'est qu'il constitue probablement une exception, il est tout en haut de l'échelle, et comme ils ne sont pas tellement nombreux à ce niveau-là, ce ne sont probablement pas des exemples que nous retenons. Cela dit, il figure dans les statistiques que nous regardons.
Le président: J'imagine que si vous laissez entrer 10 000 personnes qui ne parlent pas anglais, il y en a une qui s'averera une exception.
Mme Ruddick: Nous connaissons certaines caractéristiques que les exceptions ont en commun, mais il y aura toujours des exceptions, et il y aura toujours des gens qui ne correspondent pas exactement au moule, et sur le plan de la recherche, ce sont les choses qui nous posent des problèmes. Cela dit, nous avons des agents de visas qui savent ce qui motive les gens, qui ont une bonne idée de la contribution que tel homme ou telle femme peuvent apporter à l'économie.
Le président: Je vais terminer par cette observation: Si j'ai bien compris la façon dont vous jugez les exceptions, vous tenez pour acquis que c'était une erreur de votre part, et vous décidez d'ignorer le cas.
Mme Ruddick: Non, il n'y a que deux ou trois personnes qui ont un revenu comparable à celui de Frank Stronach, et pour des raisons de confidentialité nous ne pouvons pas les nommer.
Le président: D'accord. Mais votre politique devrait tout de même tenir compte du fait qu'il arrive parfois qu'une personne qui ne parle pas anglais et qui a l'air de...
Mme Ruddick: Idéalement, c'est vrai. En fait, si vous considérez les éléments du programme des travailleurs spécialisés, vous verrez qu'un agent de visas qui a devant lui une personne qui ne correspond pas au moule mais qui possède toutes ces qualités que possède Frank Stronach a le pouvoir de dire: «Bienvenue».
Le président: Nous continuerons nos travaux mardi à moins que vos plans ou les nôtres ne changent. Si c'était le cas, nous pourrions nous mettre d'accord sur une autre date.
La séance est levée.