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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 2 mai 1995

.1533

[Traduction]

Le président: Nous allons commencer. Je ne sais pas exactement où nous en étions rendus la semaine dernière et je suis donc disposé à entendre vos suggestions. Pensiez-vous répondre seulement à des questions aujourd'hui, ou avez-vous un exposé à faire?

M. Meyer Burstein (directeur général, Recherche et Analyse stratégiques, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Non, nous n'avons pas d'exposé. Nous avons fait notre déclaration préliminaire la semaine dernière. Nous sommes venus répondre à vos questions au sujet des rapports entre la recherche et la politique ou au sujet du témoignage de M. Don DeVoretz ce matin.

Le président: Bien. Le comité est-il d'accord? Nous sommes prêts à commencer les questions. Monsieur Nunez, voulez-vous passer votre tour?

M. Nunez (Bourassa): Oui, pour l'instant.

Le président: Monsieur Hanger, voulez-vous poser les premières questions?

M. Hanger (Calgary - Nord-Est): J'ai des questions à poser.

Nous consacrons 500 millions de dollars ou plus aux programmes d'immigration. Serait-il plus profitable pour notre économie d'augmenter ces dépenses ou plutôt de consacrer une telle somme à l'éducation des Canadiens dans des domaines de technologie avancée?

Nous dépensons toujours certaines sommes pour l'établissement des immigrants, pour leur formation linguistique et dans d'autres domaines. Ne serait-il pas préférable de consacrer ces sommes à l'éducation des Canadiens dans des domaines de technologie, si nous voulons en tirer un avantage économique?

M. Burstein: C'est le genre de questions auxquelles les chercheurs ne vous donnent jamais de réponses directes. Je ne sais pas si l'on peut avoir une réponse directe à une question de cette nature, et je vous répondrai donc indirectement.

Lorsque les économistes étudient la croissance économique et les éléments qui y contribuent, je pense que les économistes «nouvelle vague» - et j'invite mes collègues à ajouter ce qu'ils veulent à ce sujet - sont d'avis que les investissements dans le capital humain sont associés à la croissance économique plus que toute autre forme d'investissement. Si l'on peut trouver un moyen d'utiliser l'immigration pour soutenir le développement de la base du capital humain du Canada, on fait probablement un sage investissement économique. Je ne pense pas pouvoir en dire beaucoup plus sur cette question.

M. Hanger: Bien. Je vais vous donner un exemple encore plus concret. La ville de Calgary, et non seulement ma propre circonscription, compte une population vietnamienne importante. Il y a là un grand nombre de personnes qui ne parlent pas anglais. Elles ont de la difficulté à s'intégrer au marché du travail. Les crédits consacrés aux cours de lanque sont bien loin de répondre aux besoins, c'est-à-dire une formation suffisante pour leur permettre simplement de présenter une demande d'emploi. Pourtant, on ne fournit pas les crédits nécessaires.

.1535

Voici d'où vient ma question. Nous consacrons dans l'ensemble du pays 500 millions de dollars à des programmes de formation linguistique et d'autres types de formation, ainsi qu'à l'orientation professionnelle, et pourtant, d'après ce que je peux voir à Calgary, on répond ainsi seulement aux besoins d'environ 25 p. 100 des immigrants, qui ont en fait besoin d'une formation supplémentaire pour bien s'intégrer au marché du travail.

M. Burstein: Il devrait m'être plus facile de répondre à cette question parce que la plupart des Vietnamiens qui se sont établis à Calgary n'ont pas été choisis en vertu de programmes économiques. Ils sont arrivés en tant que réfugiés. Ils ont par la suite été parrainés.

Les crédits consacrés à la formation linguistique représentent-ils un investissement intelligent, quand on a déjà des gens ici? Je pense pouvoir répondre à cette question par un oui sans équivoque. Les connaissances linguistiques sont reliées de beaucoup plus près au succès de l'établissement et à la contribution, au revenu et à la fiscalité, notamment, que presque toute autre mesure imaginable.

M. Hanger: Vous ne répondez toujours pas à ma question.

Même l'argent dépensé pour ce très petit groupe de personnes permet seulement de répondre aux besoins d'un quart de la population qui a besoin d'une formation supplémentaire.

M. Burstein: Si vous posiez comme hypothèse dans votre question que j'utilise l'immigration comme une stratégie purement économique et me demandiez si j'y inclurais un élément réfugié et une catégorie de la famille ou si je me concentrerais sur les entrepreneurs indépendants, je vous répondrais que je choisirais cette dernière option. Si le seul objectif était économique, on ne se préoccuperait pas des réfugiés. Nous savons que les immigrants indépendants réussissent mieux.

M. Hanger: Je comprends.

M. Burstein: C'est pourquoi il est difficile de répondre directement à votre question.

M. Hanger: Nous nous occupons des réfugiés.

M. Burstein: Exactement.

M. Hanger: Il existe vraiment un besoin dans ce secteur, et je reconnais que nous devons probablement nous en occuper plus que du secteur des immigrants.

Mais passons donc à la question des immigrants, en excluant les réfugiés qui ont des besoins spéciaux. D'après ce que je peux comprendre, étant donné la variété des immigrants, les crédits sont encore insuffisants pour répondre aux besoins de formation linguistique et d'autres types de formation nécessaire pour bien s'intégrer. Est-ce correct?

M. Burstein: Que nous avons besoin de plus de cours de langue ou qu'il faut améliorer les connaissances linguistiques des immigrants?

M. Hanger: Nous avons vraiment besoin de consacrer plus d'argent à l'établissement des immigrants, afin de répondre aux besoins actuels.

M. Burstein: Je ne le dirais pas ainsi, mais je pense que nous devons accorder plus d'attention aux connaissances linguistiques des Canadiens nouvellement arrivés. Je suis d'accord avec vous sur cette question. Il y a bien des manières de le faire. On peut utiliser notamment le système de sélection, qui est en réalité une façon de privatiser l'enseignement des langues.

M. Hanger: Des crédits de 500 millions de dollars suffisent-ils?

M. Burstein: Je ne connais pas la réponse à cette question.

M. Hanger: Vous dites donc que vous ne savez pas précisément quel genre de besoin il existe...

M. Burstein: Tout d'abord, je ne suis pas certain que nous consacrions 500 millions de dollars à la formation linguistique.

M. Hanger: Je ne parle pas seulement de la langue. Je parle de l'établissement des immigrants.

M. Burstein: D'établissement en général... le chiffre auquel je songe est beaucoup moins élevé, mais il n'y a pas seulement les crédits fédéraux. J'essaie seulement de parler d'un principe général. Avons-nous avantage à aider les immigrants à s'intégrer? La réponse est oui. Je pense que des investissements de cette nature rapportent.

M. Hanger: J'admets que cela aide. Vous êtes ici à titre de fonctionnaire du ministère de l'Immigration. Les besoins sont-ils plus grands actuellement que ce qu'offrent ces programmes? Avons-nous la situation bien en main?

M. Burstein: Nous ne fournissons pas de cours de langue à tous les immigrants qui en auraient besoin. Est-ce une bonne réponse? Il existe des besoins qui restent insatisfaits.

M. Hanger: Je dois dire que je suis d'accord avec vous.

M. Burstein: Oui, il existe des besoins qui restent insatisfaits. C'est exact.

M. Hanger: Bien. S'il existe des besoins insatisfaits, dans quelle mesure le sont-ils, et est-ce un désavantage? C'est probablement le cas si l'on tient compte de la concurrence qui existe de nos jours sur le marché du travail. Quelle est l'ampleur de ces besoins insatisfaits?

M. Burstein: Je ne connais pas l'ampleur des besoins insatisfaits. C'est sans aucun doute un désavantage sur le marché du travail. Les immigrants qui ne parlent pas anglais ou français voient leurs probabilités d'entrée sur le marché du travail réduites de moitié, leur taux de chômage est deux fois plus élevé, et, même après qu'ils ont passé peut-être huit ans dans le pays, leur taux de rendement présente toujours des différences importantes.

.1540

Il est donc certain que la langue a un rapport avec la contribution des immigrants et leur succès.

M. Hanger: Pour remédier à ce problème, il faut alors... Est-ce vraiment un problème?

M. Burstein: C'est certainement un problème.

M. Hanger: Pour y remédier, quelle politique proposeriez-vous?

M. Burstein: Il y a un certain nombre de politiques possibles, en réalité. En novembre, le ministère a annoncé qu'il avait pris certaines mesures dans ce sens. L'une des solutions consiste à augmenter la proportion de personnes choisies pour leurs aptitudes. Une deuxième solution consiste à mettre davantage l'accent sur les aptitudes linguitiques, dans la grille de sélection. Nous pensons que c'est également une réponse partielle à la question concernant le type de connaissances et d'aptitudes que possèdent les membres de la catégorie de la famille, car le mécanisme de parrainage assurera un lien dans ce sens. Une autre partie de la solution consiste à établir des partenariats avec d'autres paliers de gouvernement et d'autres institutions qui fournissent la formation, afin de trouver d'autres moyens pour fournir cette formation.

La question des politiques n'est pas de mon ressort. J'appartiens au secteur de la recherche. En fait, il s'agit d'un mélange de toutes ces stratégies combinées.

M. Hanger: Vous ne pouvez donc pas me dire, en dépit du fait que ce soit la direction prise par le ministère, dans quelle mesure il a progressé à cet égard?

M. Burstein: Si vous voulez une bonne réponse, il serait préférable que vous posiez la question à quelqu'un d'autre. Nous n'aurons pas alors à revenir sur ce que j'aurai dit.

[Français]

M. Nunez: En ce qui a trait à votre service de recherche, quels sujets d'intérêt allez-vous aborder dans les mois ou les années à venir? Quelles grandes politiques de l'immigration étudierez-vous? Quelles sont vos priorités?

[Traduction]

M. Burstein: Notre service a pour priorité d'effectuer des recherches dans des domaines tendant à soutenir les orientations stratégiques du ministère...

M. Nunez: Par exemple?

M. Burstein: Je vais vous donner des détails. Je n'avais pas terminé ma phrase.

Nous devons mieux comprendre, je pense, l'immigration et le rendement économique. Il y a toute une série de questions à examiner pour comparer le rendement des immigrants que nous acceptons aujourd'hui par rapport à celui des immigrants qui sont arrivés dans le passé. J'y ai fait allusion lors de notre dernière comparution.

Nous savons que nous accueillons des immigrants d'origines beaucoup plus diverses qu'auparavant. Le rendement économique a-t-il changé? Est-ce que certaines des assertions faites au sujet de l'immigration sont toujours vraies aujourd'hui, ou ne le sont-elle plus?

On ne peut pas répondre à certaines de ces questions en examinant les données du recensement. Pour répondre à un certain nombre de ces questions, il faut suivre les progrès de certains immigrants. C'est donc un sujet de recherche important pour nous.

Nous voulons examiner le rapport, ou du moins voir s'il y en a, entre l'immigration et le développement de populations marginalisées. C'est une question importante lorsqu'on dirige un programme d'immigration.

Nous voulons examiner le rapport entre l'immigration et la tolérance. On estime - et je ne me souviens pas si j'en ai parlé la dernière fois ou non - que l'immigration favorise la tolérance plutôt que de donner le résultat contraire. Je sais que vous avez probablement entendu les deux arguments. Toutefois, si vous regardez ce qui se passe à Vancouver, par exemple, vous constatez que les gens ont beaucoup plus tendance à voir l'immigration comme un élément positif. Cela nous ramène à la sélection. Nous voulons donc mieux comprendre cette question.

Nous voulons mieux comprendre aussi l'intégration sociale. Nous en savons plus au sujet des personnes qui participent au marché du travail. Nous avons besoin de mieux comprendre le reste des immigrants.

Nous avons besoin de savoir de quelles façons différentes les diverses générations sont touchées. Nous n'avons pratiquement fait aucune recherche à ce sujet. Presque tout le monde reconnaît, je pense, que lorsqu'on parle d'intégration on pense souvent aux enfants des immigrants plutôt qu'aux immigrants eux-mêmes. Il n'y a pratiquement aucune information à ce sujet. Nous constatons que les enfants ont souvent un meilleur rendement à l'école, mais nous ne savons pas où cela nous mène exactement. C'est donc un autre domaine que nous devons examiner.

.1545

À propos de ce que je disais tout à l'heure à M. Hanger concernant le rapport entre les caractéristiques des personnes qu'on amène ici comme immigrants et celles des personnes qui parrainent ensuite, nous avons du travail à faire.

Il y a également certaines questions concernant le programme de réfugiés que nous devons examiner.

Je me permets d'ajouter une autre chose qui pourrait vous intéresser. Nous sommes en train d'élaborer, en coopération avec un certain nombre d'autres pays, la plupart industrialisés, un projet en vue d'examiner l'impact de l'immigration sur les grandes villes du monde. Nous comparons donc l'impact de l'immigration sur Toronto, Montréal et Vancouver avec celui de l'immigration dans des villes comme Los Angeles et New York. L'Italie est l'un de nos partenaires. L'Australie est un autre partenaire, et nous allons donc examiner le cas de Sydney. Nous voulons également nous associer avec des pays comme la France et l'Allemagne, notamment.

Nous pensons que nous pouvons vraiment apprendre quelque chose à ces pays, notamment en ce qui concerne les meilleures pratiques et l'élaboration d'un processus. Il y a des différences entre le processus canadien et ceux qu'utilisent d'autres pays, et nous pensons que nous pouvons tirer de cela des leçons intéressantes.

[Français]

M. Nunez: La plupart des études ayant trait à l'immigration essaient de la relier aux facteurs économiques pour voir si elle constitue un apport pour la société canadienne ou si elle engendre un coût. Avez-vous aussi examiné l'immigration du point de vue démographique, compte tenu du taux de natalité très bas au Canada? Même si cela coûte cher au pays de faire venir des immigrants, si le Canada suspendait ou mettait un terme à cette immigration, ne verrait-il pas sa population commencer à décliner, et dans combien d'années? Pouvez-vous nous expliquer ce problème?

[Traduction]

M. Burstein: Je pense que si nous mettions définitivement un terme à l'immigration, il ne resterait plus de Canadiens en l'an 2700.

Vous devez comprendre que certaines de ces questions sont controversées. Les gens ont des opinions très contradictoires. Le Conseil économique a examiné notamment des pays ayant de grandes populations, de petites populations, des taux de croissance démographique élevés et des taux de croissance démographique faibles, et il a essayé d'établir un rapport entre ces éléments et le rendement économique. Il a constaté qu'en général il n'y avait absolument aucun rapport. Il en a conclu que la croissance démographique n'avait pas beaucoup de rapport avec le développement de l'économie.

Je ne suis pas certain d'être d'accord, mais je ne sais pas exactement comment trouver la réponse. Un certain nombre de problèmes d'adaptation pourraient être plus faciles à résoudre dans une économie en expansion que dans une économie stagnante ou en déclin. Il est peut-être plus facile de faire certaines choses dans l'économie en période de croissance économique. Je pense que c'est un domaine qui n'a pas été examiné.

Je ne prétends pas être spécialiste en la matière, mais je ne suis pas convaincu personnellement par les arguments démographiques. Il y a deux choses dont les arguments démographiques ne tiennent pas compte. Le Canada peut devenir beaucoup plus grand si l'on a un mouvement d'immigration très important. Je pense que c'est vrai. Je ne crois pas toutefois que ce soit une question intéressante. La question plus intéressante n'est pas celle de savoir quel est notre produit national brut (PNB), mais plutôt quel est notre PNB par habitant. Je ne suis pas certain que l'immigration change énormément notre PNB par habitant.

Pensons-y un instant. L'une des raisons pour lesquelles ce n'est pas le cas, c'est qu'il est difficile de changer avec l'immigration la structure par âge de la population. On peut la gonfler comme un ballon, mais on ne peut pas en changer tellement la forme et on ne peut pas aussi facilement l'utiliser pour corriger toutes les sortes de déséquilibres économiques.

Cela dit, dans une réponse.... J'oublie qui a posé la question la semaine dernière au sujet du rendement économique dans des pays donnés, et de la possibilité qu'on puisse établir un lien de cette nature. J'ai donné une réponse. Je m'étais dit que c'était comme écouter un spécialiste de la santé à qui l'on demandait si l'exercice contribuait à la longévité. Dans sa réponse, il a dit que si l'on prévoyait vivre encore cinq minutes, la meilleure stratégie serait de se coucher et de ne pas bouger du lit. Par contre, si on voulait vivre une longue vie productive, il fallait faire du sport.

.1550

Le lien que je vois entre cela et l'immigration, c'est que j'ai du mal à voir comment nous pourrons nouer des liens plus étroits avec les économies naissantes en Asie sans utiliser l'immigration comme moyen de soutien. Même si nous n'utilisons pas l'immigration de cette façon, l'immigration ou la migration seraient une conséquence de l'établissement de ce genre de liens.

En examinant certains des effets entre les générations, vous pouvez probablement présenter de bons arguments en faveur de l'immigration aussi.

Mais je ne vois pas de réponse claire. Je dirais une chose. Si vous développez une stratégie économique pour un pays, l'immigration peut jouer un rôle de soutien; mais l'immigration n'est pas la réponse aux problèmes économiques du Canada.

C'est probablement une assez longue réponse.

[Français]

M. Nunez: Mais vous n'avez pas répondu tout à fait aux questions ayant trait à la baisse de la natalité au Canada. Aujourd'hui, quel est le taux de la baisse de la natalité au Canada? Quelle est la répartition? Est-ce encore plus bas au Québec qu'ailleurs?

J'aimerais aussi que vous nous expliquiez la situation des minorités. Par exemple, aux États-Unis, le taux de natalité des Noirs américains est plus élevé que celui des Blancs. Parmi les Latino-Américains, il est encore plus élevé que chez les Noirs. Donc, si on fait venir des immigrants de certaines régions du monde, on pourra voir que le taux de natalité sera plus ou moins élevé. Pouvez-vous expliquer cela?

[Traduction]

M. Burstein: J'avais prévu répondre à votre question. Quant à la baisse du taux de natalité, je ne suis pas convaincu que cela fait une différence d'un point de vue économique, dans le sens où ce n'est pas évident qu'une plus petite population a un impact économique, surtout si votre point de repère est le revenu par habitant. Si la taille de l'économie est votre point de repère, il y a un impact. Mon argument, c'est que ce n'est pas le point de repère pertinent.

Le point de repère pour une population, pour le Canada dans son programme d'immigration... Si c'est économique, vous vous demandez quelle incidence les immigrants auront sur votre revenu. Faut-il admettre cet immigrant? Quelle serait l'icidence sur votre revenu? Il faut admettre que l'arrivée des immigrants entraîne une augmentation globale de l'économie, mais votre revenu ne changera peut-être pas. Donc, pour répondre à votre question sur la baisse du taux de natalité, je ne suis pas convaincu qu'il y a des incidences sur le plan économique.

D'après ma compréhension de la littérature - et encore une fois, je ne suis pas un expert en démographie - c'est après plusieurs... je ne devrais même pas dire plusieurs générations. Lorsqu'on assure un contrôle en fonction de certains facteurs socio-économiques, les taux de natalité des populations immigrantes sont identiques à ceux des personnes nées ici. Il y a peut-être eu des changements récemment. Si quelqu'un le sait, s'il vous plaît n'hésitez pas à me reprendre. Mais c'est ma compréhension de la situation.

[Français]

M. Nunez: Pour ce qui est des emplois occupés par les immigrants, avez-vous fait des recherches là-dessus? En général, on dit que les immigrants, sauf les gens très qualifiés, occupent les emplois les moins rémunérés au Canada, parfois les plus pénibles, ceux que les Canadiens ne veulent pas effectuer et où il y a très peu de chances de promotion, surtout pour la première génération. Avez-vous fait des recherches là-dessus?

[Traduction]

M. Burstein: À mon avis - et vous avez sans doute entendu Don DeVoretz en parler ce matin - lorsqu'on regarde la situation dans son ensemble, ainsi que la performance des personnes nées à l'étranger, on voit qu'elle dépasse celle des Canadiens de naissance. Ce fait irait à l'encontre de l'argument qui veut que les immigrants ont en général des emplois peu rémunérés. Je ne pense pas que ce soit le cas. Je crois que les personnes qui ont examiné ce fait considèrent que dans une certaine mesure, c'est la politique de sélection qui en est responsable.

Excusez-moi, j'ai oublié le deuxième volet de votre question.

[Français]

M. Nunez: Elle a trait aux emplois qui sont les plus difficiles, les plus pénibles, et où il y a peu de chances de promotion.

.1555

Avez-vous fait des études là-dessus? Dans quels secteurs de l'économie se trouvent ces emplois?

[Traduction]

M. Burstein: Je pense avoir répondu à votre question. Si vous regardez la façon dont les emplois sont distribués, vous pouvez constater que les immigrants sont sur-représentés dans les professions. Ils ont tendance à être sous-représentés dans des secteurs comme le secteur primaire. C'est en partie dû au fait qu'ils vivent dans les villes plutôt que dans les régions rurales. Le même phénomène existe dans le secteur des services.

Pour bien comprendre la question, il faut voir comment les diverses catégories d'immigrants se comportent sur le marché du travail. Je m'explique.

À l'appui de ce que vous dites, il convient de noter - cette constatation rejoint l'argument que vous avanciez - qu'en comparant la réussite économique des immigrants à leur niveau de scolarité, on s'aperçoit que les immigrants qui ont une faible scolarité ont tendance à mieux se tirer d'affaire que les gens nés au pays, par rapport aux immigrants plus scolarisés, qui éprouvent plus de difficulté de façon générale. C'est peut-être dû au fait que les premiers sont plus motivés et davantage prêts à faire des efforts.

Il est bien évident qu'immigrer quelque part est une expérience difficile et que personne n'effectue la transition de façon tout à fait volontaire. Les gens doivent faire des efforts pour s'habituer à leur nouvelle situation. Ils viennent ici parce qu'ils pensent pouvoir réussir, et ils y parviennent en travaillant plus fort que les autres.

M. Assadourian (Don Valley-Nord): Vous utilisez l'expression «s'intégrer à la société canadienne». Comment pouvez-vous en juger? Quelle catégorie utilisez-vous? Comment pouvez-vous dire que tel groupe est mieux intégré que tel autre? Quelle échelle employez-vous, et faites-vous une distinction entre l'intégration individuelle et l'intégration collective?

M. Burstein: Je vais laisser mon collègue, Derrick Thomas, répondre, parce que je pense que vous aurez une réponse plus précise de sa part.

M. Derrick Thomas (agent principal de recherche, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Personne ne s'entend vraiment sur ce que signifie «intégration».

Nous pouvons aborder la question de diverses façons. Nous pouvons nous demander, par exemple, si les gens sont indépendants sur le plan économique. Doivent-ils recevoir de l'aide du gouvernement? Dans la mesure où ils peuvent fonctionner de façon autonome, ils peuvent être considérés comme intégrés.

Une autre façon d'aborder la question consiste à voir s'ils atteignent la norme canadienne. Il y a plusieurs façons d'envisager la chose.

Il convient aussi de se demander s'ils réalisent leurs aspirations. Y parviennent-ils, ou doivent-ils revoir les buts qu'ils s'étaient fixés ou se montrer plus réalistes quant à leur capacité de fonctionner dans la société canadienne? Ce qu'ils font correspond-il dans une certaine mesure à ce qu'ils espéraient?

Voilà donc trois façons différentes d'aborder la question.

M. Assadourian: Le facteur temps intervient-il? Quelqu'un qui est ici depuis 20 ou 25 ans doit-il automatiquement être considéré comme intégré?

M. Thomas: Non, pas nécessairement. Le temps est une considération, et il faut supposer que plus tôt quelqu'un s'habitue, mieux c'est. Dans une certaine mesure, plus tôt quelqu'un devient indépendant et autonome, mieux c'est, à moins que cela ne l'empêche d'atteindre la norme canadienne plus tard.

S'il suit des cours de langue pendant trois semaines de plus, par exemple, il peut peut-être espérer avoir un meilleur revenu plus tard.

On ne peut donc pas dire que plus la période est courte, mieux c'est dans tous les cas. C'est peut-être vrai de façon générale. Plus vite les gens deviennent indépendants, atteignent la norme canadienne, réalisent leurs aspirations, mieux c'est.

.1600

Le degré d'assurance des immigrants à l'intérieur de la société compte également. Assument-ils bien leur propre culture, de même que la culture canadienne?

M. Assadourian: Comment pouvons-vous l'évaluer?

M. Thomas: Vous pouvez poser des questions. Dans le contexte d'un sondage, par exemple, ce pourrait être: vous sentez-vous menacé? Croyez-vous que votre culture va disparaître? Vous sentez-vous assiégé? Avez-vous le sentiment d'avoir à vous défendre contre l'influence pernicieuse de la société canadienne?

M. Assadourian: C'est bon ou c'est mauvais?

M. Thomas: Je pense que c'est mauvais. Si vous n'êtes pas rassuré à ce sujet, c'est mauvais. C'est bon de vouloir conserver une partie de sa propre culture, mais c'est mauvais de se sentir menacé pour cela.

C'est la même chose pour les Canadiens. L'intégration suppose une évolution de la société canadienne. Ce n'est pas à sens unique. Si les Canadiens se sentent menacés, craignent pour leur culture ou un mode de vie qui leur est cher, c'est également mauvais.

M. Assadourian: L'intégration doit donc se faire de part et d'autre?

M. Thomas: Oui.

M. Burstein: Cela rejoint la deuxième partie de votre question, qui était sous-entendue. Vous parliez d'intégration sociale. Une société ne peut pas être intégrée si un certain nombre de ses groupes se craignent les uns les autres. Quelle que soit l'idée qu'on se fasse de l'intégration, on ne peut pas dire qu'elle existe si divers groupes de la société éprouvent des craintes les uns envers les autres. Cela va sans dire.

M. Assadourian: Merci.

Le président: Vous voulez intervenir à ce sujet?

M. Hanger: Oui.

C'est une déclaration intéressante et probablement juste. Je me demande cependant dans quelle mesure la politique multiculturelle officielle de notre pays influence la politique d'immigration du fait qu'elle encourage la séparation des groupes.

Je reviens à ce que vous disiez. Si l'intégration est impossible à cause de l'orientation de la politique multiculturelle du pays, celle-ci est mauvaise.

M. Burstein: Je ne suis peut-être pas le mieux placé pour parler de la politique multiculturelle, mais j'apporte une précision. L'argument de Derrick n'était pas que les gens devraient avoir des valeurs ou des aspirations culturelles différentes. Il voulait simplement dire que je ne devrais pas me sentir menacé du fait que vous avez des aspirations culturelles différentes des miennes et vice versa. Nous devons nous entendre à ce sujet.

Une société intégrée, donc, c'est une société où vous et moi pouvons être différents sans que cette différence entraîne des tensions. Vous ne trouverez personne du secteur multiculturel qui affirme le contraire.

M. Assadourian: La tolérance est donc un facteur d'intégration.

M. Burstein: Tout à fait.

M. Assadourian: Quelqu'un qui est né ici, d'une famille asiatique, par exemple, et qui n'est pas tolérant est donc mal intégré à la société. C'est cela?

M. Burstein: C'est une façon de voir le problème. Il y a des gens mal adaptés dont les parents sont venus au pays il y a plus de 300 ans.

Le président: Ils votent pour le Parti réformiste. Je plaisante.

M. Hanger: Il y a beaucoup de gens qui votent pour le Parti réformiste.

Le président: Je vais prendre à mon compte les quelques minutes qui restent à mon collègue.

En gros, l'argument de M. DeVoretz était que si nous maintenions un équilibre entre les immigrants de la composante à caractère économique et les immigrants de la catégorie de la famille à 50-50, ou même à 52-48, nous profiterions davantage, et non pas moins, de l'immigration au Canada.

Il proposait un niveau de 200 et plus; il était essentiellement d'accord avec les niveaux proposés par le gouvernement. Cependant, selon lui, pour que la population croisse de 1 p. 100 par année, il faudrait qu'il y ait 300 000 immigrants. Il ne voyait pas de problème avec un tel niveau, à condition que le bon équilibre soit respecté.

.1605

J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Burstein: Oui. J'ai certes une opinion sur le sujet.

Je ne comprends pas très bien à quoi correspond l'équilibre de 50-50 proposé par M. DeVoretz. D'une part, s'il exclut du calcul les personnes à charge des immigrants indépendants, il préconise le statu quo finalement. S'il les inclut, il bloque complètement la catégorie de la famille.

M. Hanger: S'il les exclut.

M. Burstein: Oui, s'il les exclut.

Je ne vois donc pas ce qu'il veut dire par un mélange 50-50. Une telle proposition ne signifie rien. Elle doit être revue.

Le président: Je pense qu'il est quand même d'accord avec la définition du ministère, selon laquelle le conjoint qui accompagne l'immigrant de la composante à caractère économique est également considéré comme un immigrant de la composante à caractère économique. Lorsque le conjoint est parrainé cinq ans plus tard, à ce moment-là il entre dans la catégorie de la famille. Lorsque le chef de famille, accompagné de sa famille, entre au pays, tous sont considérés comme des immigrants de la composante à caractère économique aux fins de l'équilibre 50-50.

M. Burstein: Je n'accepte pas une telle constatation. Je ne pense pas qu'elle soit scientifique.

Le président: Vous n'êtes pas d'accord avec la définition du terme?

M. Burstein: J'ai toutes sortes de difficultés. D'abord, certaines personnes qui viennent au pays en tant que conjoints parrainés sont parrainés par des Canadiens de naissance, et non pas par des immigrants.

Le président: Ils font partie de la catégorie de la famille.

M. Burstein: Oui.

En ce qui concerne la réussite des conjoints, je ne pense pas qu'elle égale celle des immigrants choisis. Il y a peut-être un lien, mais je serais surpris...

Le président: Il ne prétendait pas qu'elle le soit.

M. Burstein: Vous comprenez peut-être mieux que moi ce qu'il veut dire. Qui inclut-il au juste dans le 50 p. 100 des immigrants de la composante à caractère économique aux fins du 50-50?

Le président: L'immigrant accompagné de sa famille.

M. Burstein: C'est là le problème. Si le 50 p. 100 inclut la personne choisie plus les personnes à sa charge...

Le président: C'est le cas.

M. Burstein: ... à ce moment-là il préconise le statu quo. C'est ce qui se fait actuellement.

Le président: Je comprends.

M. Burstein: Nous sommes en train de changer le ratio quelque peu.

Le président: De quelle façon?

M. Burstein: Nous allons faire un mélange tel que, si les conjoints sont inclus... Sans les réfugiés, nous avons un mélange d'à peu près 53-43 dans le plan. Ce n'est pas une science précise.

Le président: Il serait d'accord. Il dirait que si vous voulez donner l'avantage à une catégorie... c'est-à-dire lui accorder plus que 50 p. 100, vous devez le donner à la catégorie des immigrants de la composante à caractère économique; le 50-50 viendrait du fait qu'en moyenne chaque immigrant de la composante à caractère économique finit par parrainer au moins un membre de la catégorie de la famille.

M. Burstein: Son étude rejoint de façon générale les grandes orientations proposées par le ministère. Cependant, je ne suis pas d'accord avec le multiplicateur que vous venez d'indiquer. Il n'est pas justifié par les études plus poussées. Je ne pense pas que le multiplicateur soit utile dans ce contexte de toute façon. Il laisse en suspens beaucoup de questions.

Je souscris aux données de DeVoretz dans la mesure où, de façon générale, elles rejoignent celles du ministère. Pour ce qui est de la méthode précise ainsi que des recommandations précises qui l'accompagnent, j'ai cependant beaucoup de réserves, et je me pose beaucoup de questions. Je ne comprends pas la méthode empirique; je ne comprends pas non plus les politiques prescrites.

Le président: Quelles sont les deux ou trois recommandations les plus controversées selon vous? Je ne crois pas que vous en ayez mentionné.

M. Burstein: Je dirais que la suggestion visant à accorder des points au conjoint est controversée.

Le président: Des points supplémentaires.

M. Burstein: Oui.

Le président: Pour les faire avancer plus rapidement.

M. Burstein: C'est une suggestion qui ne correspond à rien, parce qu'il n'y a pas d'attente actuellement et qu'il n'est pas question de queue pour ce qui est des immigrants indépendants ou de leur conjoint.

.1610

Le problème pour ce qui est de donner des points au conjoint c'est que cette mesure serait valable seulement si le Canada avait pour politique de préférer les familles aux personnes seules. Nous avons examiné cette possibilité. Nous avons pris deux cas: un cas où le conjoint de la personne était très scolarisé et parlait la langue, et un autre où le conjoint de la personne n'avait pas ces avantages. Quelle personne le Canada préférerait-il? Et la réponse était évidente.

Dans les faits, cependant, dès qu'on accorde des points supplémentaires à quelqu'un dont le conjoint parle la langue, on fait de la discrimination contre quelqu'un d'autre qui est seul. Nous pourrions nous doter d'une politique qui nous permette d'agir de cette sorte, mais nous n'avons pas de politique démographique de ce genre actuellement. Quel besoin en aurions-nous de toute façon? Nous avons essayé de voir si nous ne pouvions pas faire quelque chose à cet égard. Nous avons examiné le concept d'un conjoint moyen. Quelqu'un qui aurait eu un conjoint au-dessus de la normale aurait eu droit à des points supplémentaires. Finalement, nous avons renoncé à l'idée des points.

Le président: Je tiens à ce que le compte rendu indique que j'ai un conjoint au-dessus de la moyenne.

M. Burstein: Vous m'avez demandé un chiffre. Si vous voulez que continue, je...

Le président: J'y reviendrai. J'ai l'impression de m'accaparer tout le temps; je n'en ai pas terminé avec cette question. Je la confie à M. Dromisky.

M. Dromisky (Thunder Bay - Atikokan): Je trouve votre témoignage absolument fascinant. Je suis ébloui par le genre de plans que vous avez pour l'avenir et toutes les variables que vous entendez utiliser dans vos études. Tout ce travail tiendra sûrement votre ministère très occupé.

Je ne sais pas si tout cela est important, cependant, parce que nous parlons ici de gens, de gens qui viennent de partout dans le monde, de gens qui ont tous un bagage différent. Vous venez de faire une déclaration que je trouve intéressante, selon laquelle il serait injuste de comparer les familles aux personnes seules. Selon vous, c'est la raison pour laquelle il serait difficile de donner suite à la recommandation.

Nous devrions peut-être comparer les familles aux familles et les personnes seules aux personnes seules. Nous devrions peut-être procéder de cette façon plutôt que de nous inquiéter de la possibilité de trop mettre l'accent sur les familles. Vous comprenez ce que je veux dire?

M. Burstein: Non.

M. Dromisky: Vous avez dit que vous ne pouviez pas comparer les familles et accorder des points supplémentaires aux conjoints parce que cela n'était pas juste pour les personnes seules. Pourquoi comparerions-nous les familles aux personnes seules? Nous pourrions seulement comparer les familles entre elles - en accordant des points supplémentaires aux conjoints. Et les personnes seules seraient jugées par rapport aux autres personnes seules.

Ce que je veux dire, c'est que nous parlons parfois comme si nous étions au supermarché. Nous essayons de voir ce que nous pourrions faire pour produire le meilleur Canadien. Nous cherchons à créer une utopie. Ou encore, nous allons au supermarché pour acheter une douzaine d'oranges, une douzaine de pommes, une douzaine de bananes, nous allons les comparer. Nous pouvons comparer les oranges aux pommes, mais ne devrions-nous pas comparer les mêmes fruits entre eux? Ne devrions-nous pas comparer les oranges lisses à celles qui sont plus rugueuses, celles qui sont à moitié vertes à celles qui sont trop mûres? Je me pose la question.

Je pense que nous effectuons beaucoup de travaux, que nous produisons beaucoup de données simplement pour amuser le ministère de l'Immigration et intéresser ceux qui critiquent la politique d'immigration du pays.

Nous devrions peut-être nous attacher davantage à l'être humain, au type de personnes que nous voulons voir immigrer chez nous. À partir de là, nous aurions une bien meilleure idée des aptitudes des personnes à se révéler tolérantes au sein de notre société, à devenir plus productives, à s'entendre avec les autres, à s'épanouir et à faire partie de cette utopie que nous recherchons.

Il y a des indicateurs de la personnalité sur le marché actuellement; par exemple, l'indicateur Myers-Briggs utilisé par une multitude de pays et des milliers d'institutions tous les ans. Des millions de personnes sont visées, et les laboratoires de topographie regorgent de données. Avec les années, cet instrument est devenu presque infaillible.

.1615

Ne pouvons-nous pas utiliser ce genre de moyen pour trouver les gens...? Nous devrions d'abord définir le genre de personnes que nous voulons accueillir dans notre société. Cherchons-nous des gens agressifs, hostiles, prêts à se battre pour n'importe quelle raison ou des gens différents? C'est la question clé.

Êtes-vous prêt à réagir à tout ce que j'ai dit?

M. Burstein: Je peux certainement revenir sur certains de vos points. Je suppose que lorsque vous parlez de Myers-Briggs, vous n'êtes pas sérieux. Si vous voulez dire que le système canadien...

M. Dromisky: C'est simplement un exemple.

M. Burstein: Il pourrait être difficile à appliquer en Malaisie ou au Nigeria. Je ne sais pas si quelqu'un a essayé.

M. Dromisky: Il est utilisé au Japon.

M. Burstein: Si vous voulez dire que le système canadien devrait tenir compte des valeurs des gens, ma réponse est oui; il en tient compte actuellement. Lorsqu'on choisit quelqu'un qui est très scolarisé, on choisit quelqu'un qui pense que les études sont importantes. Certaines de ces mesures font indirectement une place aux valeurs et aux aspirations des gens.

Deuxièmement, il est prouvé que le Canada a bien réussi en matière d'immigration. Essayer d'identifier des types de personnes suppose un certain nombre de choses. Le système de sélection, de façon générale, identifie les types de personnes que recherche le Canada. Ce sont des personnes éduquées, qui peuvent parler la langue, qui ont de l'expérience dans des professions en demande, qui ont besoin de protection. Tels sont les immigrants que le Canada cherche à attirer, et le programme de recherche vise à appuyer cette orientation.

Si vous voulez savoir, par exemple, s'il est important de donner des points pour la langue et l'éducation, dans quelle mesure, vous pouvez soit essayer de deviner, soit vous fier à notre recherche. Je pense que notre recherche est un meilleur choix.

M. Dromisky: Vous avez parlé d'un certain nombre de variables. Allons-nous faire quelque chose pour ce qui est des attitudes, essayer de déterminer quelles sont les attitudes des gens? J'estime personnellement que c'est très important.

M. Burstein: Nous le faisons déjà, et nous avons l'intention d'insister là-dessus encore davantage à l'avenir. Lorsque le ministre reviendra et annoncera les niveaux de 1996 - il s'est engagé à le faire - il en profitera pour proposer une nouvelle série de critères de sélection devant s'appliquer aux immigrants indépendants ainsi qu'un nouveau système de gestion.

M. Dromisky: Nous nous engageons donc dans cette voie?

M. Burstein: Oui, parce que dans un marché du travail changeant il est important d'avoir des gens qui puissent se montrer souples; la capacité de s'adapter et la motivation deviennent donc des aptitudes clés. Il reste à savoir comment un agent d'immigration peut arriver à les déceler. Il doit y avoir une meilleure méthode qui lui permet de le faire.

[Français]

M. Nunez: À plusieurs reprises, j'ai vous ai demandé si vous aviez des chiffres concernant les Canadiens qui quittent le Canada. Combien de Canadiens quittent le pays chaque année? Vers quels pays se dirigent-ils? Le ministre m'a répondu qu'il n'y avait pas de contrôle au Canada, mais il semble que ce matin, il a été mentionné qu'un professeur d'université avait fait une recherche et concluait qu'environ 80 000 personnes quittaient le Canada chaque année. Je répète mes questions. Avez-vous fait des recherches là-dessus? Vers quels pays se dirigent-ils et pour quelles raisons? Est-ce 80 000 personnes ou davantage?

[Traduction]

M. Burstein: C'est moins. Nous dépendons de fait de Statistique Canada pour ce qui est de beaucoup de ces chiffres. Je pense qu'en 1994, c'était 44 000. C'est seulement une estimation. J'étais présent lorsque vous avez posé la question à M. Harder. Sans un contrôle strict des départs, il est très difficile d'en arriver à un chiffre précis.

L'estimation se fonde sur des éléments comme la différence non expliquée entre le nombre de naissances et le nombre de décès dans le recensement. Il y a également le fait que certains ont droit à des remboursements d'impôt lorsqu'ils quittent le pays. Les mesures de perception peuvent servir à préciser les estimations. Cependant, elles sont encore rudimentaires. J'ai vu des études indiquant que le taux d'immigration des immigrants est huit fois plus élevé que celui des Canadiens de naissance.

.1620

Donc, il y a un courant migratoire de retour qui est juste, et c'est probablement étroitement lié aux pays d'où viennent nos immigrants. Ensuite, il y a des conditions politiques, comme vous pouvez l'imaginer.

[Français]

M. Nunez: Croyez-vous que beaucoup d'immigrants retournent dans leur pays d'origine?

[Traduction]

M. Burstein: Oui, c'est un fait. À mon avis, ce n'est pas vraiment surprenant.

[Français]

M. Nunez: Des Canadiens d'origine aussi?

[Traduction]

M. Burstein: Non, pas des Canadiens de naissance. Ce sont des gens qui... Évidemment, il y a des Canadiens de naissance qui déménagent à l'étranger, mais lorsque vous regardez qui quitte le pays, vous voyez que les immigrants sont beaucoup plus portés à rentrer chez eux, à déménager à l'étranger, que les personnes nées ici. J'ai vu un facteur d'environ huit, mais je crois que c'était dans des prévisions d'une étude menée par Informetrica, et je ne suis pas sûr d'où vient ce chiffre. J'ai essayé d'obtenir des précisions de la part de Statistique Canada, et je n'ai pas pu comprendre tout à fait; donc, à mon avis, nous n'avons pas une bonne idée de l'émigration.

[Français]

M. Nunez: Avez-vous des chiffres sur l'immigration intérieure? Au Québec, le taux de rétention est plus faible que dans les autres provinces et le Québec doit dépenser énormément d'argent pour intégrer de nouveaux immigrants qui, plus tard, quittent pour l'Ontario ou la Colombie-Britannique. Est-ce un problème unique au Québec ou est-ce généralisé à travers le Canada?

[Traduction]

M. Burstein: Je commencerai ma réponse, et ensuite je demanderai à Craig s'il veut ajouter quelque chose.

Je crois que c'est particulier au Québec, pour deux raisons précises. Premièrement, le Québec a une politique démographique explicite par laquelle il essaie de maintenir son poids démographique. Donc, chaque fois que le Québec choisit un immigrant qui finit par déménager ailleurs au pays, il se retrouve dans une situation pire qu'avant et, en plus, il se trouve à avoir gaspillé de l'argent au cours du processus. La rétention est donc d'un grand intérêt pour le Québec.

Deuxièmement, dans le reste du Canada, si on accepte quelqu'un et si on ne fait plus rien après, tôt ou tard, la personne va s'assimiler à l'anglais. Au Québec, le même risque existe. La tendance naturelle ne va pas toujours vers le français. Donc, le Québec s'intéresse particulièrement à l'intégration, qui, encore une fois, est différente et doit être travaillée de façon plus intense.

Je m'arrêterai là; peut-être que vous pouvez ajouter quelque chose au sujet de notre travail sur la mobilité.

M. Craig Dougherty (agent de recherche, Division de la recherche et de l'information économique et démographique, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Bien sûr.

Dans le cadre de notre travail actuel, nous avons trouvé que le taux net de rétention, pour ainsi dire, est plus bas au Québec. Ce n'est pas un cas unique; le taux est également bas dans les provinces des Prairies, par exemple. En effet, l'Ontario et peut-être la Colombie-Britannique sont les seules provinces qui connaissent, avec le temps, un gain net d'immigrants qui s'établissent au Canada.

Je ne sais pas si cela répond à votre question. Je voulais souligner que ce n'est pas unique au Québec.

[Français]

M. Nunez: C'est raisonnable que le Québec dépense plus d'argent que les autres provinces dans le domaine de l'immigration, de l'accueil et de la formation linguistique.

Ma prochaine question a trait à la régionalisation de l'immigration. C'est un autre problème très important au Québec. La plupart des immigrants, soit presque 90 p. 100, sont concentrés dans la région de Montréal. Très peu de gens s'en vont vers les régions. Il y a eu plusieurs études. Avez-vous examiné cela? Comment peut-on résoudre ce problème, parce qu'il y a aussi la question de la Charte des droits de la personne? On ne peut obliger quelqu'un à vivre dans une ville déterminée. Comment pourrait-on solutionner ce problème?

[Traduction]

M. Burstein: En fait, je crois que le Québec a fait plus de recherche dans ce domaine que nous. Il y a quelques jours, dans le cadre du projet que j'ai mentionné plus tôt, nous avons discuté de l'impact de l'immigration sur les villes. Nous avons rencontré un citoyen d'Israël qui nous a dit qu'Israël, contrairement à d'autres pays, a une politique de dispersion et réussit assez bien à disperser ses immigrants dans tous les coins du pays.

.1625

M. Nunez: Grâce aux kibboutz?

M. Burstein: Peut-être. Je ne sais pas quel moyen ils utilisent, mais, selon notre interlocuteur, ils ont des connaissances particulières à offrir dans le cadre d'une étude sur une grande échelle.

Je reviens sur un certain nombre de points que vous avez mentionnés, pas nécessairement dans l'ordre.

Pour ce qui est de notre capacité de légiférer de façon à limiter la mobilité, vous avez raison: la Charte garantit le droit de se déplacer. Cependant, la Loi sur l'immigration contient actuellement une disposition qui nous permet de restreindre la mobilité pour une période limitée. Si nous voulions nous en servir, nous aurions à préparer une défense en vertu de l'article 1 de la Charte.

Je pense personnellement que nous réussirions. Nous ne pourrions certainement pas nous en servir pour amener une dispersion générale. Ce serait seulement si nous désirions envoyer un avocat ou un médecin dans une petite ville quelconque. La disposition ne serait utile que dans ce genre de situation.

La seule façon d'envisager une politique quelconque de dispersion, c'est de prévoir la participation de la localité au niveau de l'offre d'emplois et de l'intégration des personnes. Je pense que le Québec en est venu à cette conclusion également. Il n'y a pas d'autre façon de procéder.

M. Nunez: Vous avez indiqué que 90 p. 100 des immigrants vivent à Montréal. Avez-vous les chiffres pour Toronto et Vancouver, entre autres?

M. Burstein: Je ne sais pas si je peux m'en souvenir. Je dirais que pour ce qui est de l'Ontario, Toronto doit accueillir à peu près 60 p. 100 des immigrants. En Alberta, en groupant Calgary et Edmonton, le pourcentage serait probablement du même ordre. Vous le savez peut-être mieux que moi.

M. Hanger: Je pense que Toronto accueille environ 60 p. 100 des immigrants en Ontario. Je ne suis pas sûr pour ce qui est de Calgary. Je suppose que la grande majorité des immmigrants se dirigent vers les deux villes.

M. Burstein: Le pourcentage est peut-être semblable pour l'Alberta. Je ne peux pas me prononcer pour la Colombie-Britannique, mais j'ai l'impression que la concentration des immigrants à Vancouver n'est pas du même ordre qu'au Québec. Je ne sais pas pourquoi.

Le président: Monsieur Hanger.

M. Hanger: Cette conversation est très intéressante, mais avant de la poursuivre j'aimerais vous poser une petite question au sujet de l'augmentation de 975$ du droit d'établissement.

De quelle façon le gouvernement pourrait-il maximiser ses recettes en modifiant la répartition des immigrants de façon à attirer plus d'immigrants gens d'affaires et d'immmigrants indépendants ou en laissant la répartition telle quelle et en exigeant un droit d'établissement élevé au départ?

M. Burstein: Les recettes seraient accrues en modifiant la répartition.

M. Hanger: La Loi sur l'immigration prévoit des consultations avec les provinces avant l'établissement des niveaux d'immigration. Le ministre en a parlé et semble disposé à faire un effort en ce sens. Que s'est-il produit par le passé, et quelle différence y aura-t-il cette année?

M. Burstein: Je ne vais pas essayer de répondre de façon définitive, parce que, même si j'ai déjà participé à des consultations, je ne suis pas essentiellement chargé de cette responsabilité. Tout ce que je puis dire, c'est que le ministère a fait beaucoup d'efforts pour améliorer ces consultations au cours des dernières années. Si M. Marchi fait sa marque au ministère, c'est bien sur ce plan. Je ne suis pas ici pour défendre les politiques du gouvernement, mais je dois dire que la situation s'est améliorée.

M. Hanger: Oublions ce qu'il fait maintenant. Avant l'arrivée de M. Marchi, pourquoi la Loi sur l'immigration ne fonctionnait-elle pas lorsque venait le moment de consulter les provinces au sujet des niveaux d'immigration?

.1630

M. Burstein: Je ne pense pas qu'on puisse dire que le processus a échoué dans le passé, mais plutôt qu'il s'est amélioré.

M. Hanger: Si vous le voulez.

M. Burstein: Je crois vraiment que c'est le cas.

M. Hanger: Pour autant que je sache, et si l'on en juge par toutes les données dont le ministère doit disposer sur le sujet, je crois qu'on peut dire qu'il y a eu de grands échecs dans ce domaine. Ainsi, l'Ontario demande 110 millions de dollars de plus pour les services de santé parce que la province ne peut pas répondre aux besoins des immigrants qui s'installent dans le grand centre. Il faut de toute évidence imputer cela à l'échec des négociations entre le gouvernement fédéral et les provinces.

M. Burstein: Sans vraiment entrer dans cette question, je dois dire que l'Ontario ne vient pas à la table des négociations pour dire: «Nos services de santé ne suffisent pas, et il faut régler le problème de l'immigration.» Nos consultations portent sur les questions liées à l'immigration, et non pas à la santé. Nous laissons à l'Ontario le soin de nous dire: voici les problèmes qui découlent de l'immigration et qu'il convient de régler.

M. Hanger: Le gouvernement de l'Ontario a effectivement demandé à M. Marchi et à son ministère d'assumer la note pour ce qui est des services de santé destinés aux immigrants. Je dis simplement que le gouvernement fédéral et les provinces n'arrivent de toute évidence pas à s'entendre s'ils ne peuvent pas répondre...

M. Burstein: La réunion devrait être à huis clos. C'est simplement une blague.

Le président: Nous pourrions siéger à huis clos.

M. Burstein: Non.

M. Hanger: Parlons maintenant du système de points. Prenons le cas de quelqu'un qui aurait obtenu un diplôme d'enseignement au Liban. Lui accorde-t-on un certain nombre de points parce qu'il possède ce diplôme ou que sa formation est comparable à celle qu'il aurait pu obtenir au Canada?

M. Burstein: L'orientation du système de sélection a changé. Jusqu'à dernièrement, la majorité des points accordés se rapportaient à la profession exercée par le requérant. Selon le barème des points, un certain nombre de points étaient donc accordés pour la profession exercée, un certain nombre de points pour les connaissances liées à cette profession et un certain nombre de points encore pour l'expérience professionnelle. Le tiers des points accordés se rapportaient à la profession qu'on comptait exercer, et un certain nombre de points étaient aussi attribués pour le niveau d'éducation du requérant.

Aujourd'hui, nous voulons accepter comme immigrants au Canada des gens qui peuvent s'adapter à l'évolution du marché du travail. En effet, personne ne peut plus s'attendre à occuper le même emploi toute sa vie, pas même les fonctionnaires. Par conséquent, on accorde beaucoup plus d'importance aux compétences linguistiques, à l'éducation et à la capacité d'adaptation qu'à la profession exercée. Nous pensons cependant qu'il convient toujours d'accorder une certaine importance à ce facteur. Ainsi, on ne devrait pas accepter comme immigrants des gens qui ne peuvent occuper que des emplois très peu spécialisés. Le Canada n'a pas besoin de travailleurs de ce genre, car l'adaptation des travailleurs nous pose suffisamment de problèmes sans cela.

Prenons l'exemple précis que vous avez donné, soit celui d'un enseignant. Nous nous demanderions d'abord si cette profession fait partie des professions exclues. Dans ce cas-ci, je ne le pense pas. Nous nous demanderions ensuite quelles sont les connaissances et les capacités dont cette personne peut faire profiter le marché du travail canadien. Nous essayerions d'établir son niveau d'éducation, etc. La décision d'accepter ou non l'immigrant dépendrait de tous ces facteurs.

M. Hanger: Je vois pourquoi ce changement d'orientation est avantageux, mais si le niveau de formation d'un immigrant n'est pas suffisamment élevé pour répondre aux normes de la plupart des provinces, en quoi le fait d'être accepté au pays l'avancera-t-il? Il sera défavorisé, puisqu'il ne pourra pas mettre à profit la formation qu'il a reçue ailleurs.

M. Burstein: Permettez-moi de répondre à cette question en trois points. Premièrement, je crois qu'il nous faut régler le problème de l'accréditation qui se pose au Canada. Rien ne sert de choisir un immigrant qui a des compétences et des capacités manifestes pour lui faire perdre ensuite son temps une fois admis au pays.

Deuxièmement, je crois que nous devons informer les personnes visées du fait que, pour diverses raisons, certaines personnes peuvent avoir du mal à exercer leur profession au Canada.

.1635

Troisièmement, l'enseignant dont vous parlez ne serait pas choisi parce qu'il est enseignant, mais plutôt parce qu'il possède des connaissances connexes.

M. Hanger: Je vous le concède, mais s'il s'agit d'un système de points l'accent sera mis sur le candidat à l'immigration. Cette personne voudra mettre à profit les connaissance acquises dans l'exercice de sa profession. Elle ne se trouvera pas plus avancée... et je peux vous donner en exemple des centaines de personnes qui se trouvent dans ce cas dans ma propre circonscription.

M. Burstein: Et moi, je pourrais vous en donner encore davantage. Voilà pourquoi la recherche est utile. Nos travaux jusqu'ici se fondent sur la base de données portant sur les immigrants arrivés au pays entre 1980 et 1988. Ces données sont tirées de leurs déclarations d'impôt pour la période visée. Nous savons que le processus de sélection est logique. Il est vrai que ces personnes dont vous parlez peuvent dans une certaine mesure être déçues dans leurs attentes, mais ces recherches établissent que lorsqu'on choisit les gens en se fondant sur certains critères, c'est à leur avantage.

M. Hanger: Vous possédez donc ces données tirées de leurs déclarations d'impôt.

M. Burstein: Oui.

M. Dromisky: J'aimerais d'abord faire remarquer à mon adversaire d'en face que les déclarations faites par le gouvernement de l'Ontario sont à caractère purement politique parce qu'il a désespérément besoin d'argent, ayant dilapidé les fonds publics pendant plus de quatre ans. Je crois que c'est parce que ce gouvernement ne comprend pas vraiment les véritables forces économiques en jeu ainsi que la valeur du dollar. Cela n'a cependant rien à voir avec l'immigration.

Y a-t-il un pays dans le monde qui mette en oeuvre un programme visant à inciter les immigrants à s'installer dans diverses régions données du pays, de manière à répartir tous les immigrants dans l'ensemble du pays? A-t-on déjà mis à l'essai un programme semblable dans le monde?

M. Burstein: Je ne connais aucun pays qui ait eu recours à un programme d'incitation, mais il y en a peut-être.

Pendant un certain temps, nous accordions des points en prime aux immigrants prêts à aller s'installer dans certaines régions données du pays.

M. Dromisky: Cela a-t-il fonctionné?

M. Burstein: Non, parce que...

M. Dromisky: Parce qu'on ne peut pas obliger les immigrants à rester ensuite dans ces régions.

M. Burstein: Et aussi parce qu'on essaie d'évaluer les intentions de quelqu'un, ce qui est très difficile.

M. Dromisky: C'est juste.

J'ai déjà eu connaissance de trois ou quatre cas de personnes qu'on a induites en erreur au sujet des possibilités du marché du travail dans notre pays. Autrement dit, l'information qu'on leur a donnée au sujet du type d'emplois offerts sur le marché du travail n'était pas exacte. Les listes qu'on leur a données n'étaient pas à jour.

On me dit que beaucoup de requérants formulent la même plainte. Lorsque je suis allé à Edmonton la semaine dernière j'ai entendu quelqu'un d'autre se plaindre de ces listes.

Qui les établit?

M. Burstein: Je ne suis pas sûr que ces listes existent, mais c'est Développement des ressources humaines Canada qui est chargé de publier de l'information sur le marché du travail.

Ce n'est pas une tâche aisée. Les prévisions réelles sont toujours à court terme. Elles portent sur une période de trois, quatre ou peut-être cinq ans, mais il s'agit le plus souvent de prévisions de nature assez générale portant sur trois ans.

Je ne sais pas si, comme moi, vous avez des enfants. Je suis sûr que vous avez du mal à les conseiller sur leurs études. Il est difficile de leur dire ce que leur réserve l'avenir et dans quels domaines ils devraient se spécialiser.

M. Dromisky: Je sais bien qu'une invention pourrait du jour au lendemain entraîner l'élimination de 1 000 emplois.

J'aimerais revenir à vos plans futurs. J'aimerais en savoir davantage là-dessus. À quoi travaille votre ministère à l'heure actuelle?

M. Burstein: Pour ce qui est de la recherche?

M. Dromisky: Oui. Quels sont les objectifs que vous visez à l'heure actuelle? À quels projets travaillez-vous?

M. Burstein: La semaine prochaine, nous vous présenterons un rapport exposant notre programme de recherche actuel. Nous l'avons établi l'an dernier, mais nous l'avons modifié à plusieurs reprises. Il vous permettra de vous faire une idée.

Je demanderais à Claude de vous dire quelques mots au sujet de notre base de données longitudinale.

.1640

M. Claude Langlois (agent de recherche principal, Recherche et Analyse économique et démographique, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Notre ministère travaille à sa base de données longitudinale. Permettez-moi de vous donner une brève explication. Nous avons demandé à Statistique Canada de faire un lien entre les visas d'immigration émis entre 1980 et 1988 et les déclarations d'impôt remplies par les immigrants au cours de la même période. Ces renseignements figurent dans la très grande base de données de Statistique Canada, à laquelle il est très coûteux d'avoir accès. Nous commençons à tirer de l'information de cette base de données depuis peu seulement. L'un des documents que nous vous ferons parvenir se fonde sur l'information figurant dans cette base de données et décrit brièvement la contribution économique relative des immigrants indépendants et des immigrants appartenant à la catégorie de la famille.

Nous n'avons pas les ressources voulues pour effectuer toutes les recherches que nous souhaiterions faire, et c'est pourquoi nous avons accordé certains contrats de recherche à des universitaires de l'Université Wilfred Laurier, de l'Université Queen's, de l'Université de Montréal et de l'Université de Saskatoon. Leurs recherches doivent porter sur la mobilité interurbaine, c'est-à-dire qu'ils doivent chercher à établir ce qui incite les immigrants à s'installer à Montréal, à Vancouver ou à Toronto après leur arrivée au Canada. Ils doivent aussi établir un lien entre la situation économique des immigrants et leur niveau d'instruction, leur expérience professionnelle, le chômage de différentes catégories d'immigrants et le travail autonome. Nous disposons d'un ensemble d'information sur les différentes sources de revenu.

L'un des aspects les plus intéressants de ces recherches, c'est que, pour la première fois, nous pouvons isoler les différentes catégories d'immigrants de manière à pouvoir décider quels immigrants nous allons considérer comme indépendants, à savoir le requérant principal ou aussi les personnes à charge, les conjoints, la catégorie de la famille, les réfugiés, etc. Nous pouvons aussi faire une ventilation par pays d'origine, par connaissance du français ou de l'anglais à l'arrivée au pays et par niveau d'instruction.

Nous commençons à peine à exploiter cette source d'information nouvelle. Ce ne sera pas une panacée, mais une source précieuse d'information sur le comportement des différents groupes d'immigrants.

M. Dromisky: Disposez-vous de renseignements sur le comportement criminel ou les accusations portées contre des immigrants?

M. Langlois: Pas dans cette source de données. L'information que nous obtenons de Statistique Canada est de nature confidentielle. Nous obtenons des renseignements consignés au moment de l'arrivée de l'immigrant: son nom, sa date de naissance, son pays d'origine, sa langue, son sexe, son niveau d'instruction, sa profession, etc. Nous tirons aussi des renseignements des déclarations d'impôt. Aucun autre type de renseignement ne figure pour l'instant dans cette source d'information. La criminalité n'est donc pas...

M. Dromisky: Ça viendra plus tard.

Le président: Ou sous une autre forme.

M. Thomas: Nous avons fait une étude sur la criminalité au cours de laquelle nous avons étudié le dossier des immigrants incarcérés dans des prisons fédérales. Nous avons conclu que par comparaison avec les Canadiens de souche il y avait deux fois moins de risques que les immigrants soient incarcérés pour avoir commis des infractions graves.

Nous essayons aussi d'établir dans quelle mesure les immigrants vivant dans de grands centres canadiens, et notamment Toronto, bénéficient de l'aide sociale. Nous avons étudié sur une période de 10 ans le cas des immigrants appartenant à la catégorie de la famille. Compte tenu de la période visée, les ententes de parrainage s'appliquaient toujours. Nous avons donc comparé les dossiers de bien-être social aux dossiers d'immigration en décembre 1993 et ensuite en octobre 1994. Nous avons essayé de voir combien d'immigrants recevaient des prestations d'assistance sociale. Nous avons établi qu'en décembre 1993, 14 p. 100 des immigrants arrivés au pays au cours des 10 années précédentes recevaient des prestations de bien-être social.

Nous savons donc quelles sont les caractéristiques des immigrants qui reçoivent de l'aide sociale, par opposition à l'ensemble des immigrants.

M. Dromisky: Pour ce qui est des recherches qui portent sur l'intégration des divers groupes ethniques, et j'entends par là le fait que certains groupes ethniques abandonnent les us et coutumes de leur pays d'origine pour adopter le mode de vie canadien...

.1645

M. Thomas: Abandonnant leurs valeurs traditionnelles...

M. Dromisky: Savons-nous s'il y a des mariages mixtes d'un groupe ethnique et religieux à l'autre?

M. Thomas: Les statistiques globales et certaines études permettent d'établir qu'il y en a. Elles laissent à penser que ceux qui conservent leurs valeurs traditionnelles s'adaptent mieux à leur nouveau milieu. Cet attachement aux valeurs traditionnelles les aide à éviter la criminalité et ils ont moins besoin du bien-être social. Les données dont on dispose semblent le prouver.

Je ne sais pas si cela leur permet également de s'adapter aux normes canadiennes. Nous n'en sommes pas sûrs, mais ça semble être le cas. Il est difficile de dire jusqu'à quel point exactement...

M. Dromisky: Devant les tribunaux, on ne fait plus mention de l'origine ethnique des gens, n'est-ce pas? Il est donc très difficile de dire quel est le taux de criminalité chez les immigrants.

M. Thomas: Les autorités pénitentiaires ont cette information. Je ne pense pas que les tribunaux compilent ce genre de statistiques, et je ne sais d'ailleurs pas si nous le voudrions, puisqu'il faudrait prendre une décision.

M. Dromisky: C'est juste.

M. Thomas: Mais cette information est recueillie ailleurs.

Le président: J'aimerais maintenant vous poser quelques questions. Revenons à l'étude de DeVoretz. J'aimerais que vous nous disiez sur quels principaux points vous n'êtes pas d'accord avec l'auteur. Dans l'ensemble, je pense que l'étude appuyait la politique actuelle du gouvernement en matière d'immigration.

M. Burstein: Je souscris à cette interprétation, et je ne l'écarte pas du revers de la main. Il y a cependant un certain nombre d'études que je comprends mal, et voilà donc pourquoi je ne compte pas leurs auteurs comme mes amis, même si je partage leurs conclusions. Il y a la question dont j'ai déjà parlé, celle des conjoints et des points de prime.

Je ne souscris pas à l'idée qui a été avancée d'allouer 300 000 immigrants à la Colombie-Britannique et un nombre moins élevé à l'Ontario, et ensuite de faire la moyenne. Je ne souscris pas du tout ni à l'analyse ni à l'argumentation sur laquelle elle se fonde. En fait, je les rejette complètement.

Le président: Vous rejetez donc l'idée voulant que les besoins des régions varient en matière de niveaux d'immigration?

M. Burstein: Oui. Je rejette l'idée de besoin en elle-même. Je crois que l'analyse qui sous-tend cette idée provient de l'étude Akbari. Je ne pense pas qu'on doive établir les niveaux d'immigration sur cette base. J'ai des réserves au sujet de l'étude elle-même.

Le président: Pourriez-vous brièvement nous les exposer? Sur quoi portent-elles?

M. Burstein: Je pense simplement que les calculs portant sur l'avantage net de l'immigration et faisant état d'un rendement décroissant dans ce domaine, calculs sur lesquels devrait reposer la politique d'immigration, sont totalement faux. Je pourrais vous donner plus d'explications, mais je répète qu'ils sont faux.

Ils sont faux parce que, si l'on regarde ces calculs, on voit que tout le monde - tant les Canadiens de souche que les immigrants - contribue de façon positive à l'économie. Or, le Canada connaît un déficit. Je crois qu'il y a une question de logique qui se pose. Deuxièmement, ces calculs ne tiennent pas compte des dépenses spéciales consacrées aux immigrants. Troisièmement, l'étude se fonde sur des statistiques de 1990. La question intéressante à se poser, c'est de savoir ce qu'il adviendra de la tendance.

Je ne pense pas non plus qu'il soit logique au Canada que la politique d'immigration de la Colombie-Britannique soit différente de celle de l'Ontario, car je ne sais pas comment on appliquerait une telle politique. Je pense que, dans l'ensemble, les immigrants prennent les bonnes décisions stratégiques quant à l'endroit où s'établir.

.1650

Le président: C'est vrai.

M. Burstein: Cela nous ramène à la question que m'a posée M. Nunez. Pourquoi vont-ils à Montréal? Parce que c'est là que se trouvent les emplois, et ils le savent très vite. C'est là que se trouve également leur parenté, et c'est dans cette ville qu'ils souhaitent vivre.

L'accent qui est mis sur les coefficients multiplicateurs est tout à fait déplacé. Le principe d'un coefficient multiplicateur est le suivant: on admet une personne, laquelle fait venir x autres personnes par la suite. Dans les années 1970, le ministère était obnubilé par ce genre de questions, car les responsables craignaient de ne plus avoir la haute main sur leur politique s'ils admettaient une seule personne et que cette dernière était responsable de la sélection de tous les immigrants qui suivraient.

Toutes les études effectuées par le passé ont conclu que les coefficients multiplicateurs sont très instables. L'immigration est souvent fonction des événements qui se déroulent à l'étranger. Les événements politiques peuvent inciter certaines personnes du jour au lendemain à faire une demande et à précipiter les événements parce qu'elles veulent éviter quelque chose. D'une part, on ne peut pas dire d'un pays donné, au fil des ans, que le coefficient multiplicateur est stable.

D'autre part, les coefficients multiplicateurs mentionnés dans l'étude ne sont pas compatibles avec les résultats des études antérieures. Je ne comprends pas la façon dont on a procédé, mais à première vue, si l'on examine les statistiques concernant l'Inde, par exemple, on constate qu'un tout petit nombre d'immigrants indépendants débouche sur un nombre incalculable de demandes ultérieures d'immigration au titre de la catégorie de la famille. Je ne comprends pas comment cela correspond au coefficient multiplicateur. Lorsqu'on examine le nombre d'indépendants par rapport aux membres de la famille et les coefficients multiplicateurs pertinents, je ne vois pas le rapport.

Ce que je reproche à ce principe, c'est de ne pas être pertinent, car il est toujours possible en dernier ressort de décider, tout d'abord, à quoi doit correspondre telle ou telle catégorie d'immigrants et ensuite si l'on veut fixer une limite ou non. Si l'on estime qu'il y a des abus dans une catégorie donnée, on peut toujours fixer un plafond.

La question qui est plus intéressante, et de loin, est celle dont j'ai parlé plus tôt. Quel est le rapport qualitatif? Si je vous choisis parce que vous avez un diplôme universitaire, quelles sont les chances que votre femme en ait un également? S'il existe ce genre de lien, alors on applique une politique selon laquelle il y a un lien entre la sélection initiale et les admissions ultérieures, et c'est important.

Le président: Ce qu'il veut dire, c'est que si vous voulez m'attirer, en tant qu'homme d'affaires de n'importe quel pays, si vous savez que je souhaite parrainer d'ici trois ou quatre ans, en moyenne, un grand-parent ou un conjoint, vous en tiendrez compte dans votre...

M. Burstein: C'est faux du point de vue empirique; c'est absurde. En un mot, cela revient à dire que pour convaincre les gens qui m'intéressent de venir dans notre pays il me faut les autoriser à venir accompagnés de leur famille. Je ne pense pas que ce soit le cas. Je ne pense pas que les données relatives aux admissions à l'étranger corroborent cet argument.

Le président: Il a dit que nous intéressons davantage les immigrants de la composante à caractère économique à cause de la catégorie de la famille.

M. Burstein: C'est peut-être le cas pour une faible proportion, mais je ne pense pas que ce soit vrai dans le sens où il l'entend. Son argument porte qu'une bonne politique économique consiste à permettre aux gens de parrainer les membres de leur famille, car autrement on ne fera jamais venir les immigrants qui nous intéressent. Je ne suis pas d'accord sur ce point. Une bonne politique économique - et j'insiste bien sur les termes «politique économique» - consiste à sélectionner un maximum de candidats à l'immigration et à admettre aussi peu que possible de gens parrainés par ces derniers par la suite. Voilà ce qui serait une bonne politique économique.

Reste à savoir si l'on peut...

Le président: Puis-je intervenir un instant? Il faut également que nous offrions des conditions intéressantes aux candidats que nous choisissons.

M. Burstein: Nous le faisons. Ils viennent. Je ne pense pas qu'on puisse trouver un moyen de les attirer.

Le président: Ce qu'il a dit, c'est que la catégorie de la famille et la politique de réunification des familles sont des facteurs d'attraction des immigrants.

M. Burstein: Il s'agit là d'une affirmation catégorique qui ne repose sur aucune donnée empirique. Je soutiens que, d'après notre expérience, ce n'est pas le cas.

Le président: Il a des exemples concrets à donner.

M. Burstein: Je soutiens que les nôtres sont plus convaincants. Rien ne justifie un tel argument. Lorsque nous avons modifié les conditions de parrainage des personnes à charge, nous n'avons constaté aucune baisse d'intérêt; par exemple, lorsque la politique relative au parrainage des membres de la famille a changé. À une époque, on pouvait venir accompagné d'enfants qui n'avaient jamais été mariés. Cela n'avait aucune incidence. Les résultats de cette politique ne nous ont pas empêchés de faire venir des immigrants indépendants.

.1655

Le président: Je voudrais en revenir à DeVoretz, mais y a-t-il une justification économique à la famille?

M. Burstein: Une justification économique? Ce n'est pas la même chose que la question de savoir si elle représente une valeur économique.

Le président: Qu'en est-il?

M. Burstein: Ma réponse est non. Nous n'avons pas mis en place la catégorie de la famille dans le cadre d'une politique économique. Nous le faisons parce que nous voulons créer une société où l'on accorde de l'importance à la famille. Comment est-ce possible si l'on ne permet pas aux gens qui immigrent dans notre pays de faire venir des membres de leur famille? C'est illogique. Ce n'est pas une stratégique économique.

Le président: Je comprends. Nous ne pouvons pas justifier cette décision. Ainsi, à ceux qui critiquent la catégorie de la famille et cet aspect de notre politique pour des raisons d'ordre économique, nous pouvons dire que cela procure des avantages économiques, mais...

M. Burstein: Oui. C'est peut-être même rentable pour nous, mais je pense que le rendement n'est pas aussi grand que lorsqu'on choisit une personne en particulier. Les études dont Claude a parlé révèlent que le revenu moyen d'un candidat que l'on choisit est deux fois et demie plus élevé. On peut donc en déduire que sa contribution fiscale sera même encore plus importante, étant donné le genre de système que nous appliquons. Le reste en découle naturellement.

Le président: Je comprends. Je ne veux pas insister lourdement sur la question, mais à un moment donné il a mentionné le nom d'une personne qui est sans doute vraiment riche et qui a déclaré que s'il avait choisi le Canada plutôt que Los Angeles, c'était entre autres choses parce qu'il pouvait amener ses parents avec lui.

M. Burstein: Et il a peut-être raison sur ce point, mais dans l'ensemble je n'accepte pas l'idée qu'il s'agisse d'une stratégie économique.

C'est peut-être une stratégie valable pour diverses autres raisons - tout comme la politique sur les réfugiés représente une bonne stratégie pour diverses raisons - mais cela n'a rien à voir avec des raisons d'ordre économique. L'immigration n'est pas simplement une question d'économie. Je ne pense pas qu'on puisse assujettir toute notre politique en matière d'immigration aux répercussions qu'elle a sur l'économie canadienne, car c'est impossible.

Le président: Je comprends bien, mais je pense que les Canadiens, du moins au lendemain de la dernière récession, voulaient savoir que c'est une pierre angulaire de notre politique. Ce n'est peut-être pas un mur porteur, mais cela représente au moins les grandes lignes de notre politique. Il s'agit de principes économiques...

M. Burstein: L'immigration au titre de la catégorie de la famille est importante, mais lorsque je pense à cela je n'entrevois pas ces futurs immigrants comme procurant d'énormes avantages économiques à la population qui les accueille. C'est possible, mais si votre objectif était de maximiser le rendement économique, votre politique ne prévoirait ni la catégorie de la famille ni la catégorie des réfugiés.

Je ne pense pas que mes observations soient litigieuses. Ce que je dis saute aux yeux.

Le président: Très bien. Y a-t-il autre chose? Je ne voulais pas interrompre la tendance à la critique de DeVoretz.

M. Burstein: Je ne veux pas en dire trop à ce sujet, car je le connais, et, en fait, je l'aime bien. Je ne voudrais pas qu'il lise le compte rendu et pense que je rejette tout ce qu'il a fait jusqu'ici.

Le président: Eh bien, qu'approuvez-vous? Pourquoi ne faisons-nous pas...

M. Burstein: J'ai déjà pris un bon départ, n'est-ce pas?

Des voix: Oh, oh!

Le président: Quels sont, à votre avis, les points forts de sa...

M. Burstein: Je pense qu'il a mis le doigt sur les problèmes de façon générale et que ses conclusions vont dans le bon sens. Cela me convient.

Lorsqu'on choisit un économiste ou un universitaire, on constate probablement que ces personnes sont prêtes à parler de toutes sortes de choses. Elles vont passer plus de temps à discuter de points litigieux que de terrains d'entente.

À mon avis, les conclusions de la plupart des études vont dans le bon sens.

Le président: Si vous deviez choisir un ou deux éléments que vous appuyez vraiment et qui paraissent très pertinents, lesquels choisiriez-vous?

M. Burstein: Ce qui me paraît le plus positif, c'est la proposition visant à rééquilibrer les flux d'immigration. Je pense que c'est un bon conseil.

Le président: Comment établir les niveaux d'immigration, que ce soit 240 ou 220 ou 190 ou 150? Je sais que la politique entre en ligne de compte dans une certaine mesure.

M. Burstein: Là encore, il vaudrait mieux poser cette question à mes collègues qui s'occupent de politique.

Il s'agit en gros d'un amalgame. En partie, cela se fonde simplement sur des projections directes. Par exemple, si l'on considère le nombre de revendicateurs du statut de réfugié qui vont être admis au Canada, ce n'est pas une chose dont le Canada décide, si ce n'est dans les grandes lignes.

.1700

Pour ce qui est de la catégorie de la famille, aux termes de la politique actuelle, les niveaux ne sont que des projections. Certaines personnes ont des droits, et elles les exercent et viennent au Canada.

Le ministère exerce un contrôle plus strict dans le domaine des réfugiés parrainés par le gouvernement, des immigrants indépendants et du programme des gens d'affaires. Quant à vous dire que je peux le faire de façon exacte... Il s'agit davantage d'une idée générale du taux de succès de la politique, pour savoir si nous atteignons notre objectif en matière de répartition entre les catégories d'immigrants et s'il nous faut apporter certains changements. Ce n'est pas plus difficile que cela.

Le président: Je comprends la répartition, mais il m'est très difficile de retourner à St. Thomas et d'expliquer pourquoi on a opté pour 230 au lieu de 130.

M. Burstein: Pour expliquer ce changement, vous pourriez essayer d'expliquer ce qu'il faut faire pour atteindre l'objectif de 130. Lorsqu'on commence à réduire les éléments, on comprend pourquoi ce genre de politique est logique ou ne l'est pas.

Si vous vouliez atteindre demain l'objectif de 130, il vous faudrait sans doute supprimer tous les indépendants et tous les réfugiés. Il vous faudrait sans doute adopter une loi en vue de limiter le nombre de membres d'une même famille qui peuvent venir dans notre pays. Ce serait la façon d'atteindre cet objectif. Si vous vouliez en arriver à 130 à un peu plus long terme, vous feriez ce que l'on a fait en 1982, c'est-à-dire supprimer tous les immigrants indépendants. Au bout d'un certain temps, vous finiriez par avoir en quasi-totalité des immigrants qui appartiennent à la catégorie de la famille.

Le président: Ne peut-on pas faire un peu des deux?

M. Burstein: Ou vous pourriez faire un peu des deux et...

Le président: Cette personne à St. Thomas dira que, d'accord, c'est assez complexe et que cela va prendre du temps, mais pourquoi ne pas le faire? Les députés réformistes ne sont pas là, mais ils ont dit que nous devrions avoir 150...

M. Burstein: N'ont-ils pas parlé de 170? Il s'agissait en fait d'une diminution assez modeste que...

Le président: Pendant la campagne, c'était 150, et pour nous, c'était 1 p. 100 de la population. Il y a eu tout un tollé au sujet de leur politique raciste et de notre politique morale, mais je n'ai jamais entendu d'argument vraiment valable et pertinent contre l'objectif de 150.

M. Burstein: Là encore, que faut-il faire pour atteindre cet objectif? Quels sont les problèmes entourant la répartition actuelle? Il faut que l'apport d'immigrants soit établi en fonction du taux de succès perçu de la politique actuelle. Répondez-vous aux besoins des réfugiés? Répondez-vous aux attentes des gens qui sont ici et qui veulent parrainer des membres de leur famille? Les immigrants de la composante à caractère économique que vous acceptez trouvent-ils un emploi dans le pays?

Si l'on examine les observations du Conseil économique, c'est justement l'approche qu'il a adoptée. Il a demandé si le taux d'admission actuel des immigrants posait des problèmes et a déclaré que, s'il n'y en avait pas, il fallait poursuivre la politique actuelle.

[Français]

M. Nunez: Avant de poser ma dernière question, j'aimerais dire que je ne suis pas satisfait de la coopération du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, du moins en ce qui me concerne. Je l'ai déjà dit au ministre lorsque j'ai été nommé critique. Il a convoqué tous les critiques et il nous a offert sa coopération. Personnellement, je suis assez frustré. Je vous demanderais de me fournir la liste de vos publications. Comment peut-on avoir accès à de tels documents, à vos recherches, à vos plans de travail?

J'aimerais obtenir tout cela, mais souvent, je demande certaines choses ici et personne n'assure le suivi. On ne nous répond pas. J'ai l'impression que parfois les avocats ou les organisations qui défendent les immigrants ou les organismes de réfugiés ont plus accès au ministère que nous, députés.

.1705

Pour moi, c'est très frustrant. Quand je pose des questions, j'ai la sensation que les gens ne veulent pas nous informer pleinement. Ce n'est pas votre cas, mais c'était le cas du sous-ministre il y a quelques jours, et je le dis publiquement. C'était mon préambule à la question.

Avez-vous fait des études ou des recherches sur les pays dont viendront les futurs immigrants du prochain siècle? Le continent asiatique sera-t-il toujours le principal contributeur en matière d'immigration? Que prévoyez-vous? Avez-vous fait des études sur l'Amérique latine, qui est l'une des sources les plus importantes pour l'immigration aux États-Unis? Pour le Canada, quelles régions du monde sont les sources d'immigration?

[Traduction]

Le président: Voulez-vous qu'on réponde à la première partie de votre question?

M. Nunez: Je ne sais pas si votre témoin est prêt à répondre car il s'agit pratiquement d'une question poilitique. Pouvez-vous y répondre?

M. Burstein: Nous avons l'intention de vous fournir la liste de toutes les recherches en cours. Si nous sommes venus aussi nombreux, c'est justement parce que nous voulons nous mettre à votre disposition. Nous sommes tous convaincus que la recherche est importante. Les études ne sont pas réservées à une élite, elles sont faites pour être diffusées. Nous comptons bien vous communiquer le maximum des résultats de nos recherches. Le problème auquel nous nous heurtons, c'est que nous n'avions pas la version française du document que nous voulions vous fournir. Certaines parties doivent être révisées et traduites, mais vous l'obtiendrez dans le courant de la semaine.

M. Nunez: Cela m'a déjà été signalé, mais aucun fonctionnaire de votre ministère n'a dit un seul mot en français pendant les deux réunions que nous avons eues avec vous. Vous êtes des fonctionnaires fédéraux, et non des fonctionnaires de l'Ontario ou de la Colombie-Britannique.

M. Burstein: Il y a au sein du groupe des gens qui parlent français, et parfois même je m'y risque moi-même, mais j'ai jugé bon de parler en anglais pour des raisons de précision - et je tiens à être bien précis dans mes réponses.

Votre seconde question portait sur l'origine des prochains immigrants. Si vous voulez savoir d'où viendront les immigrants au cours des cinq prochaines années, le mieux à faire c'est de voir quelles sont les sources actuelles de l'immigration. Le parrainage est de loin le facteur le plus déterminant. Même lorsqu'il s'agit d'immigrants indépendants, ils sont motivés par une série de facteurs qui ne changeront sans doute pas à court terme. Les choses pourront évoluer à Hong Kong dans moins de cinq ans, mais pour le reste du monde, ce ne sera pas le cas. C'est donc sans doute la première chose que je dirai en réponse à votre question.

Quant aux pressions à l'orgine de l'immigration, elles seront surtout en Asie, en Afrique du Nord et en Amérique latine - je suis moins certain pour l'Europe de l'Est. Nous avons essayé en une occasion de faire une étude qui portait sur les facteurs vraisemblables à l'origine de l'immigration. Je n'ai pas été convaincu finalement que c'était une bonne façon de dépenser les deniers publics car tout cela était beaucoup trop fondé sur la spéculation. En fin de compte, on pourrait en arriver à peu près au même résultat en lisant The Economics qu'en discutant avec un groupe d'experts pour connaître leur avis. Cela saute aux yeux.

L'origine des immigrants à long terme dépend également de la politique qu'adoptera le ministère, et il ne s'agit pas tant d'une prédiction passive que d'une série de décisions concrètes. Par exemple, si l'on décide de ne pas admettre autant de requérants de la catégorie de la famille, on va diminuer la proportion de gens en provenance d'Asie et de la région des Antilles. D'une certaine façon, il est donc impossible de vraiment répondre à votre question car on ne peut pas établir de prévisions à ce sujet, tout dépendra de la politique du pays.

Le président: À ce sujet, je me demande s'il serait utile de nous remettre quelques pages pour nous aider dans notre analyse. Je me demande également si vous aimeriez... Je pense queM. DeVoretz aimerait beaucoup prendre connaissance de votre analyse critique et participer à une sorte de... Cela vous serait-il utile?

.1710

M. Burstein: Il me faut consulter les responsables à ce sujet. Je ne sais pas quel est le protocole lorsque des témoins se présentent devant un comité et que ce dernier leur demande d'accomplir une tâche à son intention. Il me faudra retourner au ministère pour demander si c'est une chose qui se fait couramment. Je ne peux pas répondre à cela.

Le président: Tout dépend de la façon dont nous formulons la question. Si je vous pose une question en vous demandant de me fournir une réponse par écrit, c'est normal. Je ne cherche pas à vous faire faire une étude proprement dite car je ne veux pas vous obliger à engager des ressources déjà maigres.

M. Burstein: Si c'est ce que vous souhaitez, et si le règlement du comité prévoit que nous fournissions des réponses par écrit au sujet de ces études, nous le ferons. Nous traiterons de chacune d'elles séparément.

Je ne sais pas qui est le mieux placé pour faire ce genre d'évaluation. Dans certains cas, il vaut mieux que ce soit fait par les pairs des auteurs de ces études. Nous sommes spécialisés dans certains secteurs, mais pas dans tous. Il y a une différence entre le fait que je vienne témoigner devant votre comité et que ce dernier demande aux membres de mon groupe et à moi-même de préparer par écrit une analyse critique détaillée de certaines études. Je m'en remettrais à ce que vous me demandez.

Le président: Je ne cherche pas à augmenter votre charge de travail, mais si c'est possible, par exemple, disons...

M. Burstein: Puis-je faire une suggestion?

Le président: Allez-y.

M. Burstein: Au début du rapport intitulé Diminishing Returns, M. DeVoretz fait un résumé global. Il s'inspire de diverses études figurant dans cet ouvrage et en arrive à certaines conclusions d'ordre politique. Si vous le souhaitez, nous pourrions réagir à ce chapitre d'introduction et dire en quoi ces orientations politiques diffèrent de celles actuellement en vigueur, ce que nous pensons des données empiriques qui les étayent et pourquoi, à notre avis, il y a peut-être une façon différente d'envisager les choses.

Le président: Très bien, nous procéderons de cette façon.

Dans le peu de temps qu'il nous reste, en ce qui a trait au chapitre que nous examinons - et je vais devoir faire appel à votre aide - il y a notamment «l'incidence des immigrants sur le Trésor du Canada, aux environs de 1990». Pouvez-vous nous dire à brûle-pourpoint si vous appuyez les conclusions et l'analyse de ce chapitre?

M. Burstein: Non.

Le président: Vous ne les appuyez pas ou vous ne pouvez pas me le dire à brûle-pourpoint.

M. Burstein: Non, je ne les appuie pas.

Le président: Pas plus les conclusions que l'analyse?

M. Burstein: Oui, si ce n'est de façon très générale et relativement à l'orientation générale de ces conclusions, c'est-à-dire lorsqu'il dit que les rendements sont décroissants.

Le président: Je vois.

M. Burstein: J'appuie la méthode suivie pour en arriver à cette conclusion. La plupart des économistes qui se sont penchés sur la question sont du même avis, même s'ils n'ont pas toujours utilisé les mêmes méthodes.

Le président: Vous ne pensez toutefois pas que l'étude en soi soit particulièrement valable?

M. Burstein: C'est exact. Et la façon dont on l'utilise pour étayer une série d'arguments politiques n'est pas non plus logique, à mon sens.

Le président: Pourriez-vous résumer votre position?

M. Burstein: Oui. C'est ce que j'ai dit plus tôt au sujet des 300 000 immigrants admis en Colombie-Britannique par opposition aux 200 000 en Ontario, et le sujet de l'établissement de la moyenne. Je ne comprends pas comment on peut en arriver là. Je ne pense pas que ce soit exact.

Le président: Très bien. Avez-vous une idée sur le chapitre intitulé «Gains canadiens en matière d'immigration», de 1971 à 1986, étude de Sheila Fagnan, quant à son contenu, ses conclusions et sa méthodologie?

M. Dougherty: Je dirais que, de façon très générale, j'appuie les conclusions de cette étude.

Le président: Et la méthodologie?

M. Dougherty: Et la méthodologie, mais dans une certaine mesure seulement. Je dois tout de même émettre certaines réserves.

À mon avis, certains détails laissent à désirer dans l'analyse définitive. Je vais prendre comme exemple son évaluation de la langue. Ce genre de renseignement n'est pas très utile dans ce domaine. La mesure qu'elle pourrait obtenir sur l'incidence de la langue sur les gains, qui est moins que satisfaisante, ne correspond pas à la véritable incidence que la langue peut avoir sur les gains. C'est ce que je veux dire lorsque je précise que j'ai certaines réserves.

.1715

M. Burstein: J'ai une deuxième remarque à faire à ce sujet. Elle examine en fait les résultats à deux époques différentes.

M. Dougherty: Oui, en effet.

M. Burstein: Lorsqu'on examine deux époques, il y a bien des façons de les relier. On peut procéder de telle ou telle façon. Nous voulons savoir quelle est le bonne façon d'établir le lien. Certaines questions de politique très importantes restent en suspens.

M. Dougherty: Oui, en effet.

Je voudrais ajouter quelque chose au sujet des deux périodes envisagées. Il aurait beaucoup mieux valu que, dans le cadre de cette étude, on définisse de façon plus précise les cohortes qui ont été adoptées, au lieu de faire la distinction entre celles de la période antérieure à 1976 ou 1971, sauf erreur, et celles de 1971 à 1986. Il s'agit là de regroupements très vastes. Il aurait été beaucoup plus utile et intéressant de définir de façon plus précise les cohortes qui ont été utilisées.

Le président: Si je vous demandais de consacrer une quinzaine ou une vingtaine de minutes à consigner par écrit - je ne sais pas si vous dictez ou si les fonctionnaires tapent tous à notre époque - vos observations générales, cela nous serait utile. Et vous ne gaspilleriez pas vos ressources, ou du moins cela ne vous obligerait pas de faire une ponction excessive dans vos ressources. Je ne veux pas vous confier une tâche à laquelle vous allez devoir passer des heures et des heures, à consulter d'autres personnes car vous pensez que nous... Est-ce que vous me comprenez?

M. Burstein: Oui.

Le président: «Immigration et chômage: une perspective macro-économique canadienne et le chômage» est le chapitre suivant. Avez-vous une idée sur la question de savoir...? Il s'agit de l'étude de Bill Marr et de Pierre Siklos.

M. Dougherty: Là encore, je vais répondre si vous n'y voyez pas d'inconvénient.

Je n'ai rien à repprocher à cette étude qui a été très bien faite. Elle nous présente un point de vue différent de celui que l'on adopte généralement dans bon nombre d'études sur l'immigration, et je vais vous expliquer précisément ce que je veux dire.

Dans bon nombre d'études sur l'immigration, on s'efforce de calculer l'incidence de l'immigration sur les immigrants eux-mêmes, tandis que lorsqu'on examine les répercussions de l'immigration sur le chômage, on tient compte véritablement de l'incidence sur le Canada. D'une certaine façon, nous replaçons ces données dans un cadre plus pertinent relativement à la question qui nous intéresse. C'est à mon avis l'un des points forts de ce chapitre. Les méthodes et les conclusions sont très solides.

Le président: Très bien.

M. Dougherty: Je le dis de façon très générale.

Le président: Vous donneriez donc un A...

M. Dougherty: Oui, sans doute.

Le président: ...À Akbary, un F...

M. Nunez: Êtes-vous du même avis?

Le président: ...et à Fagnan un C, je suppose.

Une voix: À laquelle?

Le président: S'agissait de l'étude intitulée «Les gains canadiens en matière d'immigration»? Ou était-ce l'autre?

Une voix: [Inaudible - Éditeur]

Le président: C'est quelque part au milieu du livre.

Une voix: Très bien.

Le président: Merci beaucoup.

M. Burstein: Nous communiquerons avec vous pour vous dire quand, à peu près, il nous sera possible de répondre à tout cela par écrit.

Le président: Très bien, mais si cela doit vous prendre trop de temps, c'est qu'il y a eu un malentendu entre nous.

M. Burstein: Cela ne prendra pas trop de temps.

Le président: Très bien. Voyez-vous un inconvénient à ce que nous envoyions votre avis àM. DeVoretz?

M. Burstein: Non, pas du tout. Nous le lui communiquerons nous-mêmes, en fait.

Le président: Très bien. Merci beaucoup.

M. Burstein: Merci.

Le président: La séance est levée.

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