[Enregistrement électronique]
Le mardi 13 juin 1995
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte.
Permettez-moi d'abord de remercier M. Grubel qui a bien voulu nous accorder un peu de temps. Comme vous savez, le problème qui nous occupe en ce moment est l'effet de l'immigration sur l'économie canadienne, de manière générale, et nous allons nous pencher tout particulièrement sur notre politique actuelle en matière d'immigration. Notre point de départ est le livre intitulé Diminishing Returns, mais ce n'est qu'un point de départ et non une limite.
Vous connaissez la procédure des comités parlementaires, et vous savez que vous avez droit à 10, 15 ou 20 minutes pour faire votre exposé, après quoi nous faisons un tour de table et nous posons des questions.
Merci encore d'être venus.
M. Herb Grubel, député (Capilano - Howe Sound): Merci beaucoup, monsieur le président. Ce n'est pas souvent que je me retrouve assis de ce côté-ci. C'est donc avec une certaine fébrilité que je m'adresse à vous aujourd'hui, et j'entends ne pas vous décevoir.
Je précise tout de suite que je m'adresse à vous en ma qualité d'économiste, en tant que spécialiste de la théorie et de la quantification de l'immigration. Les idées que je vais exprimer aujourd'hui ne sont pas celles du Parti réformiste.
Vous savez vous aussi la difficulté qu'il y a à faire admettre ces idées par un caucus, et c'est donc à titre personnel que je parle aujourd'hui.
Quelques mots au sujet de ma formation. J'ai commencé à m'intéresser à cette question à l'époque où j'enseignais à l'université de Chicago, dans les années 60, au moment du grand débat sur l'exode des cerveaux. J'avais alors écrit un article sur la question, qui a connu une grand diffusion.
Voilà qui me situe, et je vous expliquerai dans un moment en quoi consiste ma théorie fondamentale.
Je vous ai apporté quelques-uns de mes livres sur cette question, où je reproduis des articles qui portent essentiellement sur l'exode des cerveaux et où je mesure les effets économiques de la circulation transfrontalière du capital humain, entre autre chose.
Une petite anecdote amusante pour commencer. Voici un livre intitulé The Brain Drain. Je l'ai proposé à la revue Science, qui est publiée par l'Académie américaine des arts et des sciences. C'est une revue qui a une diffusion mondiale. On y trouve les toutes dernières idées sur les découvertes scientifiques. Ce volume comporte une section sur les sciences sociales, et j'ai écrit un article pour cette section sur les répercussions économiques de l'exode des cerveaux.
J'étais alors un jeune professeur adjoint ambitieux, et j'étais plus que ravi de recevoir toutes ces demandes de réimpression qui venaient du monde entier, jusqu'au moment où je me suis demandé d'òu venaient ces demandes. Elles me provenaient d'instituts de neurologie. Mon article avait été répertorié et un savant hongrois s'intéressait au drainage des fluides cervicaux. On s'était trompé de répertoire dans mon cas, et vous pouvez juger de ma déception.
Je connais très bien le contenu de ce livre parce que la moitié des auteurs des articles qu'on y trouve ont été ou bien mes collègues à un moment quelconque à l'université ou ont été mes élèves à l'époque où j'enseignais la théorie de l'économie internationale, un cours qui comprenait des conférences pendant une ou deux semaines sur les effets économiques des mouvements migratoires.
Dans le débat sur l'exode des cerveaux, j'ai acquis ma notoriété pour ce qu'on appelé ma position internationaliste. Et lorsqu'on a dit de moi, au cours de la dernière campagne électorale, que j'étais hostile aux migrations internationales, j'ai trouvé l'ironie savoureuse.
Imaginons un instant qu'il n'y a pas de gouvernement et que les activités économiques et autres activités humaines n'ont aucun effet sur le bien-être d'autrui, ce qu'on appelle en langage d'économiste les externalités, c'est-à-dire ces activités pour lesquelles on ne paie pas, ou pour lesquelles on n'exige pas de paiement si elles sont négatives. Imaginons cela un instant.
De là nous passons à une proposition économique très fondamentale. Si une personne peut se déplacer du pays A au pays B, qu'elle le fait volontairement et dit qu'elle s'en porte mieux, cela devient un bienfait pour le monde entier. La question est de savoir quel est l'effet de ce déplacement sur les autres.
Le pays que quitte la personne perd certains revenus. S'il s'agit de personnes hautement compétentes, disposant de revenus élevés, le revenu moyen de ce pays baisse, dans un sens statistique. Cela n'est pas sans importance. Ce qu'il faut savoir, c'est le degré de contribution de cette personne à la production de ce pays et le revenu qu'elle pouvait réclamer de la contribution qu'elle faisait à la production totale de ce pays.
Les économistes pensent que nos salaires sont déterminés en moyenne par ce que nous contribuons à la production économique.
Je ne veux pas m'étendre sur le sujet, mais vous comprenez que si vous êtes homme d'affaires et qu'il y a des gens qui gagnent 10$ l'heure et dont le rendement vous rapporte 11$ l'heure, vous allez bien sûr les engager. Si leur rendement vous rapporte moins de 10$ l'heure, vous n'allez pas les engager. Tout ce qui vous intéresse c'est de faire grossir votre chiffre d'affaires alors qu'en fait le revenu que vous tirez de cette personne en l'engageant est égal à ce qu'elle contribue à votre revenu après que vous lui avez versé son salaire. C'est la meilleure approximation qu'on peut obtenir.
Ce qui veut dire que lorsque ces personnes quittent des pays en voie de développement, elles emportent avec elles ce qu'elles contribuaient à la production, mais elles emportent également avec elles, en moyenne, exactement ce à quoi elles ont droit. La seule perte pour les gens du pays quitté est la possibilité de faire des affaires avec cette personne, et cela peut être très important.
Par analogie, dans le pays hôte, l'immigrant reçoit en salaire ce qu'il contribue. Bien sûr, comme chacun sait, l'immigrant a une bouche et des mains. En conséquence, le mouvement du pays A au pays B augmente le bien-être général parce que l'immigrant est plus prospère, et c'est pourquoi nous sommes tous pour l'immigration.
Le problème est que le monde réel, vie, les externalités et les gouvernements existent. C'est sur ce quoi portent ces articles dans ce livre publié par l'institut C.H. Howe.
Comment l'état intervient-il ici? L'état intervient parce que, d'une part, il perçoit des impôts, et parce que d'autre part, répand une manne qui est consommée par le contribuable. Il faut comprendre ici un truisme fondamental. Statistiquement parlant, l'on est obligé de croire que le Canadien moyen verse à l'état autant que ce qu'il reçoit en services de l'état. Il faut que ce soit comme ça.
Comme toutes les définitions, celle-ci ne nous est pas très utile, mais elle a du moins le mérite de nous rappeler qu'il y a des gens dont les revenus sont supérieurs à la moyenne. Ils paient donc plus d'impôt que le Canadien moyen. Et il y en a qui se situent au-dessous de cette moyenne, et ainsi de suite.
Parallèlement, pour ce qui est des ressources qu'on reçoit de l'état, il y en a qui en reçoive plus que d'autres et certains qui en reçoivent moins que d'autres. Il s'est avéré par le passé que les immigrants entrant au Canada et aux États-Unis gagnaient en moyenne des revenus supérieurs, payaient plus d'impôt et consommaient moins de services. En conséquence, le reste de la population, que l'état soit présent ou non, a toujours contribué par le passé au bien-être de ceux qui se trouvaient déjà dans le pays, comme l'histoire l'a prouvé.
J'en viens maintenant à ma critique. L'un des éléments importants de cette mesure est l'éducation. Il existe un mouvement parmi certains économistes qui est dirigé par un monsieur du nom de Jagdish Bhagwati. J'ai assisté à ses conférences à Bellagio et ailleurs. Cette personne, qui est très compétente, a quitté l'Inde et doit beaucoup à ce pays parce qu'elle a été éduquée là-bas grâce aux contribuables indiens. Si ce monsieur était resté là, il aurait été obligé de payer des impôts plus élevés le reste de sa vie. Mais justement, au moment où il est le plus performant, il est recruté par une université ou un institut de recherche des États-Unis ou du Canada. Il y a des Indiens qui sont très mécontents de cela.
Il a donc proposé que le gouvernement canadien perçoive des impôts pour le compte du gouvernement indien et que quiconque arrivant de l'Inde avec un niveau de scolarité supérieur paie des impôts supplémentaires, qui seront versés à l'Inde. La Fondation Rockefeller l'a soutenu dans sa recherche et il y a des ouvrages, sur cette question.
L'idée n'a pas fait long feu. À mon avis, on n'en reparlera plus jamais, mais cela illustre l'ampleur des problèmes qui nous attendent.
J'ai moi-même toujours combattu cette idée pour la raison que voici. Si vous avez une personne très scolarisée en Inde, cette personne, qui paie plus d'impôts que la moyenne, a également reçu des services éducatifs supérieurs. Comme vous le savez, seulement 20 ou 30 p. 100 des étudiants universitaires au Canada ou en Inde sont issus de la classe ouvrière. Les autres sont issus des classes à revenu supérieur.
Il en résulte en substance que cette personne aurait payé plus d'impôts mais aurait aussi reçu des services supérieurs. On n'en fait jamais mention dans toutes ces études. Les chercheurs, dans leurs études empiriques portant sur les dernières années, ne prennent que la valeur moyenne des sersvices gouvernementaux consommés.
Il y a aussi une autre façon d'envisager la question de l'éducation. À mon avis, nous avons un contrat avec les autres générations. Aus termes de ce contrat, mes parents m'ont mis au monde, et ce faisant ils ont assumé l'obligation de m'éduquer, parce que moi je n'avais pas le choix de naître ou non. Ils m'ont mis au monde, ils doivent donc m'éduquer. En échange, si je mets moi-même des enfants au monde, je dois assumer la même responsabilité.
Lorsque le gouvernement n'intervenait pas en matière d'éducation, il s'agissait clairement d'un contrat inter-générationnel, mais depuis que le gouvernement intervient, nous nous contentons de payer des impôts, et c'est l'état qui éduque la génération qui nous suit.
Si vous admettez ce modèle, on admet que cette personne très scolarisée qui quitte l'Inde et vient au Canada est l'équivalent d'une main et d'une bouche. Cette personne paie plus que sa part en impôts, mais il se peut fort bien qu'elle impose un fardeau au système, ou qu'elle lui demande des services éducatifs à un coût supérieur à la moyenne. Il s'agirait par exemple d'un universitaire, d'un médecin ou d'un professionnel quelconque, dont les enfants...
Excusez-moi, me voilà retombé dans cette vieille habitude que j'ai de parler au masculin. J'écris toujnours au neutre maintenant, mais c'est difficile. C'est beaucoup plus compliqué si je dis chaque fois il ou elle.
Cette personne, donc n'arriverait pas à la même conclusion que vous trouvez dans ce livre parce qu'on ne prend pas en compte les différences qu'il y a entre les demandes pour les services que les gens ont.
Deuxièmement, l'état intervient aussi évidemment en matière de bien-être social et autres, sujets du même ordre mais particulièrement au niveau des retraites. Il faut tracer ici la distinction entre les antécédents historiques en moyenne et ce qui se fait plus récemment.
Je suis parti d'une idée générale qui a été confirmée partout dans le monde: à savoir que les immigrants, grâce aux critères de sélection, ont mieux réussi que les gens du pays et qu'ils étaient en conséquence nantis de ces caractéristiques, de ces qualités que je viens de mentionner, et qu'ils ont produit un apport net pour les pays hôtes. Il faut maintenant considérer la question de l'immigration avec plus de prudence.
Il en est ainsi parce que notre attitude envers l'immigration a changé dans les années qui ont suivi la guerre. Jusqu'aux années soixante et soixante-dix, tous les pays industrialisés du monde imposaient des conditions extrêmement difficiles. Ils disaient: «Si vous voulez venir chez nous, ce sera à nos conditions à nous. C'est nous qui déterminons qui peut venir au Canada ou aux États-Unis.»
Nous avons donc envoyé nos agents dans le monde entier et nous leur avons dit: «Ne laissez entrer personne qui n'est pas jeune, en bonne santé, instruit et qui ne pourra s'adapter aisément à notre société.» C'est ce que disaient les gouvernements des pays industrialisés. Et c'est qui nous a donné les résultats que tout le monde constate aujourd'hui.
Comme vous savez, et on en a entendu parler souvent ici, sous le régime de Trudeau, nous avons changé les critères de sélection en faveur d'un système où plus de la moitié de nos immigrants ne sont pas choisis par le Canada; je les appelle les auto-sélectionnés. Ce sont les immigrants qui onto profité du programme de réunification des familles et du programme des réfugiés.
Il est parfaitement évident que si ce sont les immigrants qui se choisissent eux-mêmes, nous ne pouvons plus choisir les personnes nanties des caractéristiques qui, par définition, assurent le résultat dont je parlais au début, et c'est l'idée classique que je défends depuis toujours.
Si je donnais un cours aujourd'hui sur cette question, je dirais à mes étudiants qu'il est absolument essentiel de jeter un nouveau regard empirique sur la question et de nous demander quels sont les effets nets de l'immigration à la lumière du fait que plus de la moitié des immigrants d'aujourd'hui se sont auto-sélectionnés.
Le résultat est assez clair. Vous le savez tous; vous en entendez parler souvent. Si vous admettez un immigrant âgé de 65 ans, cette personne ne contribuera jamais aux caisses de retraite comme le RPC et n'aura pas de revenus qui seront imposés pour financer l'assurance-santé. Mais cette personne, après quelques années au Canada, a automatiquement droit à de tels avantages pour le reste de sa vie. Il en résulte que le principe qu'on croyait vrai autrefois n'est tout simplement plus vrai pour ce genre de personnes.
Voici les questions empiriques auxquelles nous devons répondre: Quel est l'âge moyen de ces immigrants aujourd'hui? Quels sont leurs caractéristiques au chapitre de la santé, de l'éducation, etc, lorsqu'ils arrivent ici? J'ai ici des statistiques du ministère de l'Immigration sur les revenus. On y montre que les personnes qui sont arrivées au Canada dans les années 1980 dans le cadre du programme de la réunification des familles gagnent des revenus qui sont de loin inférieurs à celui du Canadien moyen. C'est un groupe marginalisé. Ce que Don DeVoretz a identifié d'une façon plus systématique, c'est le fait que c'est vrai.
À mon avis, la question qui attend votre comité et qui au pays est de savoir si notre politique d'immigration va continuer de profiter aux Canadiens de manière générale en insistant sur l'application de nos critères de sélection. Ou bien, serons-nous dominés, nous les Canadiens qui sommes déjà là, par des personnes qui se seront choisies elles-mêmes et qui présenteront les caractéristiques que le ministère de l'Immigration et tous les chercheurs ont déjà identifiés?
À mon avis, c'est l'enjeu le plus important qui nous attend. Dans quelle mesure le Canada doit-il être charitable envers le reste du monde, dans quelle mesure doit-il l'aider?
Un dernier mot à ce sujet. Lorsque nous sommes généreux en cette matière - et je sais que les Canadiens sont des gens très généreux - nous croyons souvent que nous allons aider les pays en voie de développement dont bon nombre de ces personnes sont originaires.
Il ne faut pas oublier toutefois que la croissance et la pression démographique dans des pays comme l'Inde et tout le sous-continent indien, la Chine et certaines régions de l'Afrique sont telles que quel que soit le nombre d'immigrants que nous admettions, cela ne saurait faire aucune différence en ce qui concerne le bien-être des populations de ces pays-là.
En Inde, la population s'accroît chaque jour d'un nombre supérieur au nombre d'immigrants que nous pourrions recevoir en une année entière. C'est une réalité que nous ne devons pas oublier quand nous nous interrogeons sur le moyens d'être utiles. Il est certain que nous aiderons les gens qui arrivent ici et que leur niveau de vie augmente, mais ne nous faisons pas d'illusion, ne pensons pas que nous pouvons apporter des changements fondamentaux et améliorer véritablement la qualité de vie de tous ceux qui vivent dans les pays en voie de développement.
Je sais que vous voulez me poser des questions, mais il me reste une dernière observation. Il s'agit de la question la plus fondamentale. Jusqu'à présent, j'ai parlé du mélange des immigrants, maintenant, j'aimerais parler des niveaux.
J'ai toujours su que le Canada avait été construit sur la base de l'immigration. Nous en avons beaucoup profité. Nous sommes une société très riche et très diversifiée, à mon avis une des meilleures sociétés du monde.
Je suis également très conscient d'un phénomène que j'appelle un développpement exogène, c'est-à-dire que les Canadiens ne se reproduisent pas. Notre taux de reproduction net est de 1,6 p. 100 et pour assurer une population stable, on a besoin de 2,1 p. 100.
Je sais également que la croissance économique et la croissance démographique se conjuguent pour créer un climat sociétal supérieur à celui qui existe en présence d'une population stable ou d'une population qui diminue. J'ai donc toujours été d'accord avec les gens qui disent qu'un niveau d'immigration qui assure une croissance démographique lente est préférable à une diminution de la population.
Comme vous le savez, dans son livre, Don DeVoretz prétend que nous devrions fixer le nombre des immigrants à 0,88 p. 100 de notre population. Je ne sais pas comment il a fait pour être si précis, mais il s'agit de deux idées fondamentales: l'importance optimum de la population et le taux de croissance optimum.
En ce qui concerne la population optimale, les économistes sont très divisés. Je pense à quelqu'un qui s'appelle Julian Simon; avez-vous entendu parler de lui? Il a écrit plusieurs ouvrages; je le connais bien.
À l'époque de la crise du pétrole, tout le monde pensait que nos ressources naturelles s'épuisaient. En 1980, il a misé sur Erlich, vous savez, le type de la «bombe démographique» de Stanford. À l'époque, il disait: choisissez dix produits dont vous pensez qu'il coûteront plus en 1994 qu'à l'heure actuelle et, si sept de ces produits sont véritablement plus cher qu'à ce moment-là, je vous paierai 1 000$. Sinon, c'est vous qui me payerez 1 000$. Évidemment, vous savez ce qui s'est produit. Pratiquement tous les prix des produits de base ont baissé, à quelques exceptions près.
Simon est un optimiste, il pensait que l'humanité sur cette terre peut accomplir des progrès illimités, que plus nous sommes nombreux, plus nous risquons de produire des Einstein - même si son image est un peu ternie par la bombe atomique - des Mozart, etc. Plus nous avons, plus sommes susceptibles de faire des progrès sur le plan de la connaissance et, par voie de conséquence, d'améliorer notre niveau de vie. Et cela ne vaut pas seulement à l'échelle planétaire, mais chaque pays, individuellement, a intérêt à être le plus peuplé possible.
Je lui ai dit: «Nous allons tous être tassés comme des sardines» et il a répondu: «Nous pouvons toujours construire en hauteur».
Le président: Excusez-moi, mais nous avons un autre témoin à midi. Je ne voudrais pas être impoli, mais...
M. Grubel: D'accord, c'est ma dernière observation.
Vous savez qu'un pays peu peuplé a une productivité d'autant plus faible. Vous savez également qu'un apport de population favorise les échanges et la spécialisation et maintient l'augmentation de la productivité.
Cela dit, d'après ma théorie, et non pas celle de Julian Simon, nous savons également qu'en fin de compte on aboutit à une surpopulation, qu'il s'agisse de la planète ou d'un pays donné, et que cela se traduit par une baisse de la productivité. La productivité est donc fonction du nombre d'habitants par mille carré dans un pays; la courbe monte, puis redescend, et finit par atteindre ce point. La question est de savoir où nous en sommes par rapport à ce point maximum, où se situe le point optimum? Empiriquement parlant, nous n'en savons rien.
J'en viens à ma dernière observation. À mon avis, c'est une question que nous devons nous poser à nouveau car au cours des années 60 et 70, le conseil économique du Canada avait déterminé que le point optimum était de 1 p. 100. Je suis allé à Toronto et à Vancouver et j'ai pu constater le problème et les coûts de la surpopulation.
J'aimerais maintenant critiquer de façon précise un des articles. Vous voyez...
Le président: Monsieur Grubel...
M. Grubel: Oui.
Quand quelqu'un arrive à Vancouver et construit une maison en banlieue, il doit payer les taxes municipales qui s'appliquent dans cette région. Tous les calculs des coûts et des avantages sont fondés sur le coût des services offerts à une personne. Cela dit, le maire de Vancouver Ouest m'a dit qu'il faut s'attendre à des milliards et à des milliards de dollars de dépense dans le district régional de la région de Vancouver. La raison de ces dépenses, c'est que la population augmente, ce qui nécessite des égoûts et des systèmes d'adduction d'eau de plus grande dimension, de nouvelles routes, etc. Les coûts atteignent des somments vertigineux, comment va-t-on payer? Pour payer, il va falloir augmenter les impôts dans des régions où la population n'augmente pas.
Les immigrants ont donc un impact sur le coût de la vie des autres, impact considérable et dont on ne tient pas compte dans ces calculs. D'une certaine façon, on ignore l'existence du gouvernement.
Le problème ne tient pas uniquement à la congestion visible, à la surpopulation et à la pollution qui sont visibles. Le problème est également mesurable par leur incidence sur les gens lorsqu'on atteint de tels paliers de développement économique et de densité.
Je vous remercie pour votre patience.
Le président: Merci beaucoup.
Si les membres du groupe le permettent, M. Assadourian a demandé la première intervention car il doit partir.
Des voix: D'accord.
M. Assadourian (Don Valley-Nord): Merci beaucoup.
Monsieur Grubel, merci d'être venu. Je ne savais pas que vous étiez à Chicago pendant les années 60, si je l'avais su, nous aurions pu avoir cette discussion à l'époque. En effet, j'étais là-bas également, mais comme on dit souvent, mieux vaut tard que jamais.
M. Grubel: Où étiez-vous à Chicago?
M. Assadourian: À l'Académie des Beaux-Arts de Chicago.
Lors d'une réunion antérieure, nous avons discuté avec nos témoins de l'exode des cerveaux. Vous avez dit que lorsqu'un ressortissant indien éduqué, par exemple quelqu'un qui a un doctorat, arrive au Canada, cela n'a pas vraiment d'incidence économique sur l'Inde. En effet, s'il était resté là-bas, il aurait exigé un service comparable ou identique du gouvernement.
C'est peut-être vrai pour une personne, mais 20 p. 100 de la population indienne, soit 200 millions de personnes possède actuellement un doctorat ou un diplôme d'éducation supérieure, scientifique ou autre. Ne prenez donc pas l'exemple d'une seule personne, prenez l'exemple de 20 p. 100 de la population: si tous ces gens-là quittent leur pays pour venir au Canada, quel impact cela aurait-il sur la société indienne, et quel impact cela aurait-il sur la société canadienne?
C'est la question qu'il faut se poser et nous ne pouvons pas nous contenter de choisir un exemple, un incident. Voilà ce que je voulais dire.
D'autre part, vous avez parlé des retraités de 65 ans qui arrivent ici et qui ne font pas de contribution. À vous écouter, on pourrait croire que tous les immigrants qui arrivent ont 65 ans.
Si vous faites la moyenne d'âge de tous les immigrants qui arrivent, vous aurez quelque chose comme 30 ou 35 ans. On est donc loin de ce que vous nous dites, que tous ceux qui arrivent ont 65 ans.
Supposons que j'arrive ici à l'âge de 18 ou de 20 ans et que mon père a 65 ans; qu'est-ce que je dois faire, ne pas venir? Cela dit, quand vous faites la moyenne d'âge d'une famille qui arrive au Canada, cela vous donne quelque chose comme 25 ou 30 ans. C'est donc l'ensemble de la famille qui apporte une contribution à la société, contrairement à votre exemple d'une seule personne qui a 65 ans.
M. Grubel: Vous me permettez de répondre? Je donnerai des réponses rapides.
M. Assadourian: J'ai encore une question.
Vous avez parlé d'imposer les indiens éduqués qui arrivent ici. Vous vous en souviendrez peut-être, il y a quelques années il y avait un pays appelé l'URSS. Les gens de ce pays-là devaient payer une taxe à l'État, en particulier les immigrants juifs qui quittaient le pays. Ceux qui avaient un diplôme en science devaient payer 10 000 roubles, ceux qui avaient une maîtrise devaient payer 25 000 roubles, etc., c'était une compensation pour l'éducation reçue.
Est-ce que cela que vous proposez? Pouvez-vous nous donner des précisions?
Enfin, quelle est, d'après vous, le niveau d'immigration idéal?
Le président: Vous avez posé, je crois, quatre questions.
M. Grubel: Oui, je les ai notées.
Premièrement, au sujet de l'immigration non marginale, tout ce que vous avez dit est absolument exact, mais reste à savoir quel rapport cela a-t-il? Les «cerveaux» étrangers sont toujours arrivés au compte-gouttes. L'argument avancé était que l'Inde perdait ses Einstein.
Je vous répondrai que si un homme de science indien travaille à Berkeley et trouve un remède contre le cancer, l'Inde peut revendiquer son prix Nobel et pas Berkeley et c'est la population de l'Inde qui en profite. C'est donc parfaitement exact... si nous avions ces 200 millions. Mais où peuvent-ils aller, et qui les acceptera?
Deuxièment, comme vous le savez, l'Inde a un prolétariat universitaire. Ces gens-là sont extrêmement sous-employés. Ils sont merveilleusement éduqués mais ils ne trouvent pas de travail. Dans ces conditions, ce type d'immigration profite au monde entier.
Il est certain que nous n'avons pas suffisamment de temps pour discuter de ces questions qui mériteraient d'être beaucoup plus approfondies, mais j'y ai beaucoup réfléchi.
Quant à l'âge moyen, vous avez parfaitement raison. Toutefois, et je vous assure que ce n'est pas une chose que je recommande, je tiens à signaler que la société canadienne a le choix. En effet, si nous pouvons nous mettre d'accord pour adopter une politique destinée à réduire le nombre d'unités familiales, de membres de la famille, d'immigrants et de réfugiés qui se présentent d'eux-mêmes, l'immigration deviendrait alors une proposition beaucoup plus avantageuse. Nous devons décider si nous voulons être durs et revendiquer, en notre qualité de société, le droit, sinon le devoir de nous demander: «Qu'est-ce que ça nous donne à nous?» avant d'arrêter notre politique.
Une des variables dont Don DeVoretz, entre autres, discute lorsqu'il étudie les changements apportés à la politique en Australie et ailleurs, c'est de savoir comment dans la pratique on peut administrer l'immigration des gens qui présentent eux-mêmes leur candidature. Ce que vous dites est absolument exact, mais il ne faut pas oublier qu'il y a la moyenne d'une part et les cas marginaux d'autre part. On peut décider de laisser entrer tant de personnes... Nous pouvons faire un choix conscient en ce qui concerne la répartition selon les niveaux d'éducation, la santé, l'âge, etc.
Si vous me permettez une note politique, je peux vous dire que mes électeurs souhaitement vivement que nous nous intéressions à cette marge. Ils voudraient que nous réétudions sérieusement les avantages pour les Canadiens, pour leurs enfants et leur petits-enfants, d'une politique qui consiste à laisser entrer un aussi grand nombre des gens qui se présentent d'eux-mêmes, par comparaison à nos propres choix basés sur les avantages que cela présentera pour eux et leurs enfants.
Quant à la décision prise par certains pays d'imposer des taxes à l'immigration pour compenser l'éducation reçue par leurs citoyens, absolument. Ce n'est pas à moi de dicter au gouvernement indien ou au gouvernement russe ce qu'ils doivent faire. Certainement.
On a fait beaucoup de bruit à propos d'une question dont j'avais parlé et qui avait reçu l'appui du CNUCED, entre autre. L'idée était que la GRC devienne le bras éxécutif du trésor russe. Je suis contre cette idée. S'il nous disent de taxer quelqu'un jusqu'à son dernier soupir, nous n'avons aucun moyen de savoir si c'est légitime. Ce genre de chose aboutit forcément à un désastre légal et moral.
En ce qui concerne les niveaux d'immigration, je ne sais pas, je ne me suis pas encore formé une opinion. Si vous me connaissez, vous savez que je ne cherche pas à éviter la question. J'ai une formation universitaire, je m'appuie sur des faits.
Tout ce que je dis, c'est que le chiffre que nous avons retenu a été choisi dans les années soixante, peut-être dans les années soixante-dix, par le Conseil économique du Canada. Depuis lors, les choses ont changé considérablement. Nous avons une telle mobilité. Nos villes sont des endroits très séduisants et la plupart de ces gens-là veulent y vivre, ce qui aggrave l'encombrement et tous les problèmes qui se posent dans les grandes villes. Vancouver perd rapidement du terrain et elle n'est déjà plus un des meilleurs endroits du monde où vivre, et cela est dû principalement à l'arrivée de gens qui viennent d'ailleurs au Canada et non pas d'immigrants de l'extérieur.
Il ne faut pas oublier qu'en accueillant un grand nombre d'immigrants de tous les coins du monde, qui très souvent, souhaitent vivre dans des endroits comme Toronto et Vancouver, nous rendons la situation plus difficile et plus coûteux pour tous ceux qui vivent déjà ici et pour les autres Canadiens qui, eux aussi, voudraient aller s'y installer.
Je ne connais pas de réponse, mais c'est une question qui mérite d'être approfondie.
Vous le savez très bien, c'est une proposition trompeuse de considérer le nombre de milles carrés au Canada, le nombre d'habitants par mille carré et de dire que nous sommes un pays terriblement sous-peuplé. Vous le savez bien. Nous sommes tous allés dans le Nord, et nous avons pu constater pourquoi à certaines saisons, personne ne voudrait y vivre. Nous savons pourquoi il y a si peu d'habitants dans ces régions-là et pourquoi ceux qui y sont cherchent à partir.
Le président: Votre temps est écoulé.
M. Assadourian: Vous me permettez une observation très courte? Une dernière chose au sujet de Vancouver; vous avez dit que la population des banlieues faisait augmenter la demande en matière d'infrastructure, d'égouts, etc. Il y a une chose que j'aimerais vous rappeler; j'habite Toronto, et depuis 25 ans, Toronto n'a plus de programme d'infrastructure, cela n'existe plus. L'infrastructure est payée depuis longtemps, on l'utilise, et la population s'étend vers l'extérieur, ce qui crée des emplois pour la population locale. Vous n'avez pas parlé des avantages de ces emplois-là.
De la même façon, ces gens qui arrivent payent très cher des programmes d'infrastructure qui dureront 50 ou 60 ans. Ce que nous avons aujourd'hui à Toronto a été construit il y a 50 ans. Tout cela est payé, dix fois payé, grâce aux taxes municipales.
Aussi, ne venez pas me dire que c'est une charge, car tout cela est payé. C'est un crédit qui profite aux autres, car nous sommes tous solidaires. C'est ce qu'on appelle le Canada, les grandes villes, les petites villes, tous ensemble nous cherchons à améliorer l'endroit où nous vivons. Voilà comment je vois les choses. Je ne vois pas les choses municipalité par municipalité ou groupe par groupe, je vois l'ensemble.
En décembre dernier, je suis allé à Taïwan...
Le président: Je vous demande poliment de vous arrêter.
M. Assadourian: Une seule chose.
La Chine, qui n'a pas d'infrastructure, doit consacrer cinq milliards de dollars américains à l'infrastructure. Ici, tout cela est déjà constsruit.
M. Grubel: Je m'incline devant votre expérience universitaire, mais vous n'avez pas la moindre idée des options qui existent sur le plan de la politique sociale.
Vous me dites que ces infrastructures sont déjà payées, que nous avons le droit de nous enrichir du fait que nous n'avons pas à les repayer. Or, dans ma circonscription le gouvernement fédéral, qui veut faire venir plus d'immigrants du reste du monde, demande aux gens de payer plus de taxes, et non pas moins de taxes puisque leur infrastructure est déjà payée.
Mes électeurs ne veulent pas en entendre parler.
M. Assadourian: Ce ne sont pas les mêmes gens que dans ma circonscription.
Le président: Nous allons dépasser un peu midi. Commençons par sept minutes et voyons où cela nous amène.
Monsieur Nunez, allez-y.
[Français]
M. Nunez (Bourassa): Ce n'est pas habituel de poser des questions à un député. Vous avez pris quelques précautions avant de commencer votre exposé en disant qu'il s'agissait de vos vues personnelles, mais je n'ai pas vu de différence entre votre position et celle de votre parti. Maintenant, concernant une question qui a déjà été posée, votre parti, à un moment donné, a eu comme programme de diminuer de 100 000 le nombre d'immigrants par année. Partagez-vous cet objectif?
[Traduction]
M. Grubel: Y a-t-il quelque chose d'officiel à ce propos?
M. Hanger (Calgary-Nord-Est): L'an dernier, c'était 150 000.
M. Grubel: C'était 150 000, ce qui donne environ 0,75 ou 0,8 p. 100 de la population, ce que vient de souligner cet intellectuel indépendant, conseiller auprès du ministère de l'Immigration.
M. Mayfield (Cariboo-Chilcotin): Monsieur le président, j'en appelle au Règlement car il ne me semble pas équitable de poser au témoin des questions concernant les politiques d'un parti puisqu'il est ici à titre de témoin indépendant pour exprimer son opinion personnelle. Il n'a pas à défendre la politique d'un parti.
Le président: Je ne crois pas que cela puisse faire l'objet d'un appel au Règlement, mais c'est...
M. Mayfield: La question me paraît déplacée Voilà où je voulais en venir.
Le président: Si le témoin n'a pas envie d'y répondre, il n'a qu'à s'abstenir, non?
M. Grubel: Écoutez, ma spécialité c'est le Comité des finances, alors j'ai tout simplement demandé à mon collègue qui se spécialise dans ces questions de me donner un coup de main. Je me rappelle maintenant que la base de notre parti avait massivement proposé un niveau de 150 000. Je me demande tout simplement si le Comité pourrait envisager une série de réunions pour demander aux experts quel serait le niveau optimal de la population canadienne, à leur avis.
Le président: C'est ce que nous faisons déjà dans le cadre de notre travail.
M. Grubel: Je vois. Je suis désolé. Je ne le savais pas.
Le président: À ce propos, il y a un membre du Parti de la réforme qui croit que nous devrions nous abstenir de parler de la politique de son parti avec vous, mais vous semblez être prêt à nous en parler. À vous de décider Si vous ne voulez pas nous parler de la politique du Parti de la réforme, vous n'avez qu'à le dire.
M. Grubel: Je vous remercie.
M. Mayfield: S'il doit se tourner vers quelqu'un d'autre pour obtenir la réponse à la question, ce n'est pas vraiment...
Le président: Absolument.
Alors si vous ne voulez pas y répondre...
M. Grubel: Merci. Je vais profiter de votre offre, mais vous êtes libre d'aborder tous les sujets que vous voudrez. Je serai heureux de me défendre.
M. Nunez: Je vous comprends, mais je ne vous poserai pas de question à propos de la politique de votre parti.
[Français]
Vous savez, il y a plusieurs catégories d'immigrants. Laquelle privilégiez-vous? Vous avez mentionné tout à l'heure que le rôle du gouvernement fédéral était minime quant à la réunification des familles ou quant à l'acceptation de réfugiés. Ne croyez-vous pas qu'il y a une sélection?
Quand les représentants du Canada se rendent dans les camps de réfugiés, ils n'acceptent pas n'importe qui. Ils prennent en considération le même critère que pour les immigrants indépendants. Ce sont les jeunes, les plus en santé, les plus instruits, enfin... Dans le passé, la plupart des réfugiés venaient de ces camps.
Quand on applique la politique de réunification des familles, lorsqu'on choisit un couple jeune, c'est parce que la femme est jeune et en santé. Ce n'est pas arbitraire. On ne laisse pas venir n'importe qui ici.
Quelle est votre opinion là-dessus?
[Traduction]
M. Grubel: J'ai l'esprit complètement ouvert à ce propos. Je vous ai dit quelle était la théorie. Évidemment, la théorie est neutre à propos de beaucoup de ces questions. C'est une question empirique.
Ce que j'ai devant moi, c'est la performance relative d'immigrants indépendants choisi et d'immigrants de la classe familiale au niveau du marché du travail. Je me rappelle avoir vu hier soir - je ne trouve pas la citation exacte maintenant - une ventilation par réfugié et par famille.
Il s'agissait de réfugiés au sens de la convention.
Cela se trouve à la page 3 du document «Revenu d'emploi par catégorie; moyenne 1988». Le revenu moyen des immigrants indépendants en 1988 était d'environ 34 000$ alors que la moyenne canadienne était de 22 000$. La parenté aidée n'avait qu'environ 18 000$. Les immigrants de la catégorie de la famille, environ 14 000$. Et les réfugiés au sens de la convention, seulement 12 000$. Voilà les chiffres qui me servent de guide.
Vous avez peut-être raison d'affirmer ce que vous dites, mais il y a quand même toutes ces preuves empiriques que nous avons sous les yeux. Le document n'est pas de moi; il est du gouvernement.
[Français]
M. Nunez: Non, mais on a entendu ici le témoignage d'un professeur d'université comme vous, le professeur Akbari, qui nous a dit que les immigrants consommaient moins de services et qu'ils payaient plus d'impôt, après quelques années, que les Canadiens d'origine. Est-ce que vous contestez ces affirmations? Je n'ai pas les chiffres devant moi, mais si je ne me trompe pas, je crois que le recherchiste pourra me les donner en gros.
[Traduction]
M. Grubel: Avec tout le respect que je vois dois, j'ai déjà abordé cette question. Puis-je me répéter? C'est vrai que cela a toujours été le cas et ce l'est encore aujourd'hui si l'on met tous les immigrants dans le même sac. Mais aujourd'hui, on fait cette expérience, on fait les calculs, on se penche sur les immigrants récents et on compare ceux que le gouvernement a choisi et ceux qui n'ont pas fait l'objet d'un choix. Le résultat, ce sont les statistiques que je viens de vous citer. Je ne les invente pas.
Le peuple canadien a le droit de connaître ces faits, de savoir que certaines catégories d'immigrants que nous avons accueillis en grand nombre depuis les quelques dernières années n'ont pas donné les mêmes résultats que la moyenne que nous avons constatée pendant les années d'après guerre, mais que c'est plutôt le contraire. Voilà ce que démontrent ces statistiques, ce que nous montre Don DeVoretz et ce sur quoi le monde universitaire en général se trouve d'accord.
M. Nunez: Ai-je le temps?
Le président: Mais oui.
[Français]
M. Nunez: Concernant les obligations internationales du Canada, vous savez que le Canada a signé la Convention de Genève sur les réfugiés, et comme pays signataire, il est obligé - j'ai bien dit obligé - d'accueillir un certain nombre d'immigrants. Or, si l'on considère seulement les aspects économiques de l'immigration, on devrait laisser un peu de côté les réfugiés. Par conséquent, que pensez-vous de l'obligation internationale du Canada d'accueillir des réfugiés à chaque année?
[Traduction]
M. Grubel: Je crois que c'est une obligation que nous devons continuer de respecter. Encore une fois, le problème c'est la sélection faite par les agents du gouvernement plutôt que de laisser la sélection s'opérer d'elle-même.
Vous avez dit que beaucoup de réfugiés, qu'un pourcentage élevé de réfugiés, sont choisis par nos agents qui font un tri dans le but d'atteindre le chiffre que nous croyons que la moralité nous impose. Nous choisissons ceux qui ont les plus grandes chances de connaître le succès parce qu'ils sont jeunes, en santé et ainsi de suite. Le problème, depuis quelques années, c'est qu'il y a aussi un grand nombre d'immigrants réfugiés qui sont ici grâce à l'autosélection. Ce sont eux qui bouchent toutes les toilettes des avions qui font le trajet des pays asiatiques au Canada en essayant de détruire leurs papiers d'identité. Ces gens nous disent: «Je suis monsieur X et je suis un réfugié». Ensuite, il y a le problème que vous connaissez tous très bien et dont on a déjà fait état ici.
Je crois que nous devons faire un choix au niveau des politiques pour changer la proportion des réfugiés choisis par nous et de ceux qui s'autosélectionent. Je crois que notre pays devrait étudier sérieusement le sujet.
[Français]
M. Nunez: Je ne pense pas qu'il y ait une autosélection de réfugiés parce que même s'ils viennent à nos portes, ils doivent passer devant la Commission de l'immigration pour obtenir leur statut de réfugié. Ils ne peuvent rester ici que si la décision leur est favorable. Ce n'est pas de l'autosélection.
[Traduction]
M. Grubel: En tout cas, c'est de l'autosélection pour ceux qui réussissent à traverser la frontière. Ils n'ont pas été choisis par les agents de votre gouvernement, les agents du gouvernement du Québec, qui ont décidé qu'ils voulaient telle ou telle personne. Cette personne a décidé de venir ici, peu importe les moyens, d'entrer au pays et de se déclarer réfugié.
Vous savez parfaitement, certains témoins vous l'ont dit, que le processus permet souvent à ces gens-là de prolonger leur séjour aux frais de la société en attendant l'issu des audiences. Périodiquement nous accumulons un tel arriéré qu'il faut attendre interminablement les décisions finales. Périodiquement également, nous déclarons une amnistie et on les autorise à rester.
Sur le plan empirique, et pour des raisons évidentes, je doute fort qu'il y ait tellement de différence entre la qualité des immigrants qui se présentent d'eux-mêmes et celle des immigrants que nous avons choisis d'avance dans des camps.
Je le répète, c'est une question empirique. Si vous avez des faits qui le confirment, j'aimerais bien les voir. Je les ajouterai à mon arsenal pour être sûr de ne pas me tromper quand j'en parle avec des gens.
Le président: Monsieur Mayfield.
M. Mayfield: Merci beaucoup.
En écoutant votre intervention, je me suis demandé si vous aviez des informations ou des précisions en ce qui concerne la valeur extrinsèque de l'immigration. Par exemple, je sais fort bien que notre position internationale, nos relations avec d'autres nations, nos activités de maintien de la paix, par exemple, tout cela n'est pas toujours entièrement altruiste, c'est un moyen pour nous d'assurer notre place dans la communauté internationale. En ce qui concerne l'accueil des réfugiés, la coopération avec d'autres organismes nationaux et le marché international, à votre avis, quelle est la valeur de ce genre de coopération pour le Canada?
M. Grubel: Si j'avais plus de temps, je vous aurais parlé de l'immigration des jeunes, de la question de savoir si c'est vraiment possible. J'ai assisté à des conférences où on a dit que les gens étaient très inventifs, et qu'il est impossible de les empêcher de venir en érigeant des barrières. Supposons que notre population commence réellement à diminuer. Il y a d'une part notre niveau de vie qui est extrêmement élevé, et d'autre part il y a les autres pays du monde où la population est extrêmement élevée. Ils trouveront toujours un moyen d'entrer chez nous et il n'est peut-être pas possible de fermer nos frontières. C'est un problème auquel se heurtent actuellement les États-Unis en Californie. Vous le savez, il suffit que les gens passent la frontière une seule fois, et ils disparaissent dans le décor.
Dans beaucoup de pays, comme l'Allemagne, la croissance démographique naturelle est négative. Ils sont véritablement envahis par des immigrants.
Le système allemand est quelque peu différent. En effet, chaque fois que vous entrez en Allemagne, vous devez vous enregistrer et les vagabonds qui ne peuvent pas prouver qu'ils ont un travail ou un domicile peuvent se faire ramasser. Cela leur permet de laisser leurs frontières ouvertes tout en contrôlant l'immigration. Cela dit, cela ne les empêche pas d'être envahis.
Par conséquent, au lieu d'être envahis par des immigrants illégaux que nous n'avons pas choisis, nous aurions probablement intérêt à lacher de la corde et à diminuer ce vide démographique qui existe ici. Je reconnais avec vous que cet argument est valable lorsqu'on discute des niveaux optimums de population.
M. Mayfield: Est-ce que cela représente des avantages? Par exemple, si le Canada siège actuellement à la conférence du G-7, ce n'est pas parce qu'il est une redoutable puissance économique, c'est sûrement pour d'autres raisons. Est-ce qu'il y a d'autres avantages à accepter des réfugiés en plus de la contribution personnelle qu'ils apportent eux-mêmes dans le pays?
M. Grubel: Je n'ai pas encore eu l'occasion de discuter des facteurs extrinsèques. Cela fait l'objet de beaucoup de spéculation et, à ce sujet, l'article de mon collègue, Steve Globerman, est particulièrement important. Il a essayé d'étudier les données.
Je le répète, c'est une question empirique. Il est possible qu'une forte immigration en provenance de Chine se traduise par une augmentation du commerce avec la Chine à cause des liens sociaux et linguistiques qui se créent. C'est impossible à prouver. En théorie, je comprends la notion, mais je voudrais qu'on me la démontre.
M. Mayfield: Je ne suis pas certain que ce soit la réponse à laquelle je m'attendais, mais vous avez répondu à ma question. Merci beaucoup.
M. Grubel: On devrait examiner cela. En théorie, ce lien devrait exister, mais si tel est le cas, les données sont si minimes qu'on ne peut mesurer ce genre de chose adéquatement.
M. Hanger: Je m'intéresse plus particulièrement au processus de sélection. J'ai entendu dire récemment que le ministère envisage de modifier ses critères de sélection.
M. Grubel: Pour qui, les immigrants indépendants?
M. Hanger: Pour les immigrants indépendants et peut-être aussi pour les autres catégories; on envisagerait de modifier le système de points.
Nous avons écouté des experts du Québec qui ont analysé le rendement de cette province en matière d'immigration. Comme l'a souligné un professeur, les deux principaux critères dont on a tenu compte étaient la capacité d'adaptation et la langue. Croyez-vous que le reste du pays devrait aussi prendre en compte de tels critères? Sinon, de quels critères devrait-on se servir?
M. Grubel: Dans cette étude qu'a publiée l'Institut Fraser, j'ai inclus à l'analyse théorique l'idée que, lorsqu'on effectue une analyse coûts-avantages sur les aspects positifs de l'accueil de certains groupes de gens, on devrait inclure une analyse des coûts de l'adaptation; tout cela est lié à ce que vous dites.
Il est évident qu'il nous en coûte plus pour intégrer ceux qui doivent apprendre l'anglais à leur arrivée au Canada que les autres. Ce coût est peut-être compensé par les qualités que présentent ces personnes à d'autres égards. Encore une fois, c'est une question empirique.
Un sondage d'envergure que le gouvernement juge fiable montre qu'en 1984, les immigrants dont la langue officielle était le français avaient un revenu de seulement 20 000$ dans le cas des immigrants indépendants, et de seulement 10 000$ dans le cas des immigrants de la catégorie de la famille. Chez les immigrants de langue anglaise, toutefois, le revenu était de 32 000$ chez les indépendants et de 12 000$ chez les immigrants de la catégorie de la famille.
Il y a aussi la catégorie des immigrants bilingues et celle des immigrants qui ne parlent ni l'une ni l'autre des deux langues officielles. C'est stupéfiant: le revenu des immigrants indépendants et des immigrants de la catégorie de la famille qui ne parlent ni anglais ni français est très faible. Ils connaissent des problèmes d'adaptation et, en outre, leurs chances de succès sont de beaucoup inférieures à celles des autres immigrants après trois années au pays. Nous n'avons toutefois pas encore suffisamment de données pour déterminer ce qui se passe chez les générations suivantes.
Par ailleurs, une tendance très troublante se dessine aux Etats-Unis. J'ignore si vous avez entendu parler de Borjas; c'est un économiste de l'Université de Californie à San Diego, le meilleur économiste du domaine de l'économie de l'immigration. Il a décelé une tendance très troublante aux Etats-Unis.
Certains des immigrants, particulièrement les immigrants illégaux, ont, comme je viens de le souligner pour ceux qui viennent au Canada, des revenus moyens très faibles, mais c'est aussi le cas de la deuxième et de la troisième génération. Ni lui ni les autres experts qui ont étudié la question n'ont pu expliquer le phénomène. Il semble que ces immigrants de la deuxième et la troisième génération se joignent au quart monde des Etats-Unis.
M. Hanger: Je suis curieux: selon les informations qu'a étudiées un professeur d'une université montréalaise, la langue ne constitue plus le critère numéro un. On se fonde plutôt sur la capacité d'adaptation, la rapidité avec laquelle les immigrants s'adaptent et apprennent aussi la langue, je présume. C'est là le principal critère.
Je crois qu'au Québec, on accorde la préférence aux immigrants indépendants. Si on examine le rendement de cette province, cela semble être un des éléments clé; la langue ne constitue plus toujours un obstacle.
M. Grubel: Le problème, c'est de mesurer l'importance de ce facteur.
M. Hanger: En effet, c'est une excellente question. Qu'en pensez-vous?
M. Grubel: Ça reste une question empirique. C'est une proposition théorique intéressante, mais il faut la mettre à l'épreuve.
M. Hanger: Je vois.
M. Grubel: On ne peut mettre à l'épreuve cette théorie qu'en utilisant les critères de substitution, parce qu'on ne peut, simplement en regardant les gens, dire: «Il s'adapte bien». Il faudrait probablement trouver des critères de substitution pour la capacité d'adaptation, tels que l'âge et l'instruction. On s'y retrouve donc alors avec les vieux critères, n'est-ce pas?
M. Hanger: Oui.
M. Grubel: Si vous êtes jeune, alphabétisé ou très instruit, il est plus probable que vous appreniez une nouvelle langue que si vous êtes âgé et peu instruit. On en vient donc aux vieux critères qu'on examine simplement d'un point de vue différent.
M. Hanger: Par conséquent, les critères de sélection pour les immigrants indépendants sont essentiellement les mêmes que ceux utilisés chez nous dans le passé. Il n'y a pas vraiment lieu de modifier notre façon de faire pour cette catégorie.
M. Grubel: En fait, je crois que nous faisons l'envie des Américains. Borjas dit toujours: «Regardez ce qu'ont fait les Canadiens. Nous, aux États-Unis, devrions en faire autant». Nous faisons l'envie de bien des pays qui maintenant nous imitent.
Votre plus grande préoccupation devrait être de déterminer le nombre et le genre d'immigrants que nous voulons accueillir. Si on décide d'accueillir moins de parents, peut-être qu'il faudrait prévoir pour eux aussi un système de points.
Ce que nous disent certains de nos commettants, et quelqu'un l'a très bien articulé à la radio l'autre jour... Ça peut sembler une position extrême, mais vous devriez peut-être y penser. Quiconque veut s'installer au Canada mais ne peut vivre le reste de sa vie sans l'aide d'un ou de plusieurs parents ne devrait pas demander à immigrer au Canada. Il peut aller ailleurs. Nous, au Canada, avons la possibilité d'adopter une telle position. Il y a suffisamment de candidats qui nous diront: «Je suis disposé à aller au Canada sachant que je ne pourrai y faire venir toute la famille».
Bien sûr, ça signifie que ces immigrants auront les revenus élevés qu'ils attendent. Ils pourront alors envoyer beaucoup d'argent en Inde, en Allemagne ou ailleurs et aller rendre visite à leurs parents dans leurs pays d'origine pour les aider. Mais ils ne pourront les faire venir au Canada.
Il s'agit peut-être d'une mesure, mais elle figure parmi les nombreuses solutions proposées. Il y a bien d'autres options entre la situation actuelle et la solution extrême dont je viens de parler qui pourraient nous permettre de modifier la composition de la catégorie de la famille.
Le président: J'aimerais soulever brièvement deux points. Il nous reste environ trois minutes.
DeVoretz a recommandé un ratio de 1 pour 1 entre les immigrants de la composante à caractère économique et ceux de la catégorie de la famille. Essentiellement, il prétend que si nous allons, disons, au MIT et que nous incitons un homme originaire de Hong Kong à venir au Canada, ce monsieur voudra savoir si, en quelques années, il pourra ramener de son pays d'origine sa femme ou ses parents. Si on veut attirer les meilleurs immigrants, on doit leur permettre de parrainer leurs familles.
Deuxièmement, si on accueille au pays l'équivalent de 0,88 p. 100 de la population canadienne et que la population canadienne est d'environ 28 millions, on accueille 246 000 personnes. Avec ces deux affirmations, il me semble que DeVoretz approuve la politique actuelle du Canada en matière d'immigration.
M. Grubel: La politique actuelle en matière d'immigration a été établie, je crois, par le Conseil économique du Canada après de vastes consultations; le niveau d'immigration a été alors fixé à 1 p. 100 de la population.
Le président: Oui, mais, dans les faits, ça se situe sous 1 p. 100.
M. Grubel: Oui, mais ce sont néanmoins les objectifs. Lorsque viendra le temps pour vous de formuler des recommandations, vous devriez tenir compte du fait qu'on atteint rarement ces objectifs pour toutes sortes de raisons. Mais vous devez vous demander si l'idéal, le but, ce qu'on veut accomplir, ce devrait être un niveau équivalent à 1 p. 100 ou à 0,8 p. 100 de la population. Voilà la question.
Vous devriez examiner les données de DeVoretz, car, à mon avis, il y a une différence significative. Je le connais très bien. Son bureau était juste à côté du mien, à l'époque.
Le président: Vous voyez une différence significative entre 1 p. 100 et 0,88 p. 100?
M. Grubel: Oui, parce que cela signifie que ce niveau de 1 p. 100 n'est pas gravé dans le marbre, qu'il n'a pas à être accepté à jamais par les universitaires qui se spécialisent dans ce domaine.
DeVoretz a ouvert tout un débat sur la question de savoir si le niveau d'immigration devrait se situer à 0,88 p. 100, 0,89 p. 100 ou 0,06 p. 100. J'ignore quel pourcentage devrait être notre objectif, mais c'est un enjeu fondamental et j'estime que l'on devrait entreprendre à nouveau les travaux du Conseil économique du Canada, qui l'avaient amené à fixer le niveau d'immigration à 1 p. 100 de la population. On devrait le faire à la lumière de l'expérience que nous avons dans certaines villes qui sont devenues beaucoup trop grandes, congestionnées, polluées, et ainsi de suite, et tenir compte de la tendance des Canadiens qui veulent s'installer en ville mais qui voient leur place prise par les immigrants. On croyait que les immigrants s'installeraient dans les régions les moins peuplées du monde, mais tel n'est pas le cas.
Le président: Soit dit en passant, il avait aussi une opinion très différente des effets de l'immigration sur Vancouver. Il estimait que, pour répondre aux besoins de la Colombie-Britannique, il faudrait que le niveau d'immigration soit supérieur à 0,88 p. 100.
M. Grubel: Je ne suis pas d'accord avec nous à ce sujet. La science ne nous fournit pas de réponse à cette question.
Si vous voulez entrer dans le détail, je vous dirai qu'à mon avis, la prospérité de Vancouver n'est pas attribuable aux immigrants. A-t-on déterminé quels sont les coûts de l'afflux d'immmigrants dans cette ville pour ceux qui y habitaient déjà? En outre, nous savons que la grande majorité des immigrants qui ont assuré la croissance économique de Vancouver venaient en fait d'ailleurs au Canada.
Vous avez soulevé une deuxième question au sujet de la famille.
Le président: Oui, le ratio de 1 p. 100.
M. Grubel: Encore une fois, il faut d'abord avoir un modèle de ce qui se fait et des raisons qui justifient ces mesures. Ensuite, on pourra examiner les événements qui se produisent dans les faits et en tirer des conclusions. Toutefois, on ne peut se limiter aux faits. Il s'agit presque d'une question d'idéologie; toutes ces questions sont liées à notre vision d'un monde idéal. C'est une dimension qui fera tôt ou tard partie des discussions. Voilà pourquoi il est très difficile pour moi, à titre d'économiste, de choisir un niveau particulier.
Tout ce que je peux vous dire, c'est que ces critères doivent être pris en compte. DeVoretz a rendu un jugement empirique. J'ignore sur quoi il s'est fondé pour tirer ses conclusions parce que je n'ai pas vu ses études.
En fait, c'est une expérience de la pensée. Ce n'est pas ce que je recommande. Il faut faire preuve de prudence. C'est une expérience la pensée. Si, demain, nous adoptons une loi stipulant que nous n'accueillerons que ceux que nous avons choisis et, au plus, leur conjoint et enfants pourront venir un peu plus tard, dans quelle mesure le nombre de candidats répondant aux critères diminuera-t-il? Dans quelle mesure la qualité moyenne des candidats diminuera-t-elle à la suite de l'adoption d'une loi de ce genre?
DeVoretz conclut que cette baisse serait considérable. Moi, je conclus, en regardant l'Europe de l'Est ou le bassin d'immigrants en puissance est très vaste, que cette diminution serait peu importante.
Le président: Tout de même, selon votre hypothèse, on laisse ces immigrants amener leur conjoint et leurs enfants et on n'exclut que les grands-parents.
M. Grubel: Je parle des enfants mineurs, non pas des frères, soeurs, grands-parents et parents. Le développement en chaîne qui existe à l'heure actuelle disparaît.
Le président: Je m'arrête ici. Je crois toutefois savoir que les règles actuelles ne permettent pratiquement que le parrainage des enfants, conjoints et parents, c'est tout. Vous obtenez quelques points supplémentaires si vous êtes le frère d'un immigrant reçu, mais vous devez néanmoins satisfaire aux autres exigences.
M. Grubel: Si vous voulez adopter une approche plus savante, vous devriez poser des questions aux intéressés concernant les données, si jamais ces personnes viennent témoigner devant votre comité. Ainsi, certains facteurs pris en compte par DeVoretz dans son étude longitudinale sont périmés parce que nous avons déjà modifié certaines de ces règles. La situation a changé depuis les années quatre-vingt et cela explique peut-être certains des effets qu'on a voulu calculer.
Le monde de nos jours est si compliqué qu'il est difficile de tirer des bonnes conclusions empiriques. En outre, il faut tenir compte de ce que nous souhaitons pour notre société.
Je suis heureux de savoir que vous examniez la situation de près. Toutefois, je ne suis pas certain que vous arriviez à satisfaire tout le monde. En fait, je suis presque certain que vous n'y parviendrez pas.
La question, c'est de savoir ce que pensent les Canadiens, ce que veulent les Canadiens, leur donner la chance d'avoir voix au chapitre.
Il y a une chose qui me scandalise, mais qui est très importante pour votre comité. L'autre jour, j'ai participé à une consultation au Centre d'étude de la gestion. Or, on a constaté qu'il y a une énorme différence de vues sur la réforme de la politique sociale. Le comité Axworthy a interrogé de nombreux témoins à ce sujet. Parallèlement, ils ne... ce genre d'exercice n'avait jamais été fait, paraît-il. Pendant cette période, on a mené un sondage d'opinion publique sur les mêmes questions clé.
Je viens d'obtenir un exemplaire du rapport du sous-ministre. C'est fascinant.
Toute une gamme d'opinions ont été exprimées sur certaines questions clé par un échantillon de Canadiens stratifié de façon scientifique. Ça signifie que, pour les questions qui vous intéressent, ce que les Canadiens moyens pensent de la composition des catégories d'immigrants, la réunion des familles, etc., diffère de ce que nous disent les groupes d'intérêts particuliers.
Je vous mets donc en garde: si vous voulez poser ce genre de questions, si vous trouvez l'argent nécessaire pour le faire, vous constaterez vraisemblablement qu'une telle différence de points de vue existe. C'est d'une importance extrême, à mon avis. Si nous, les politiques, voulons agir dans le meilleur intérêt du pays, si nous voulons répondre aux attentes de notre pays, de nos gens, de nos commettants, nous devons nous assurer que ce sont eux qui comparaissent devant les comités car ils représentent le mieux le Canadien moyen.
Le président: Je vous remercie de ce conseil.
En terminant, je tiens à vous remercier encore une fois d'être venu. Je sais qu'il était un peu risqué pour vous de comparaître devant vos adversaires politiques.
Personnellement, je tiens à vous remercier de votre contribution à nos délibérations. Votre témoignage a été des plus intéressant. Il nous sera très utile dans notre rapport.
M. Grubel: Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir invité. J'espère que d'autres députés pourront témoigner comme je viens de le faire.
Le président: Avec la permission des membres du comité, j'aimerais que nous discutions maintenant de l'heure à laquelle nous lèverons la séance. Nous pourrons peut-être terminer vers 13h20.
M. Hanger: Je dois partir avant 13 heures.
M. Mayfield: Je dois partir maintenant, monsieur. Je suis désolé, je le regrette. J'aurais bien voulu entendre l'exposé des témoins suivants, mais je dois partir dès maintenant.
Le président: Je resterai jusqu'à 13h20.
À quelle heure devez-vous partir?
M. Mayfield: Si je peux revenir, je le ferai.
Le président: Très bien.
Je remercie MM. Buron et Langlais qui représentent l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration. Nous changeons maintenant de sujet pour revenir à la question de la réglementation des experts-conseils.
Messieurs, je suis désolé du retard. Je puis rester jusqu'à 14 heures et il est donc certain que vous aurez le temps qu'il vous faut pour nous présenter vos arguments.
Me Hugues Langlais (avocat, Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration): Merci, monsieur le président.
J'ai un résumé de mon mémoire ici, si cela peut vous intéresser. Il est en français, toutefois.
Le président: En français, ça va.
[Français]
M. Langlais: Premièrement, j'aimerais remercier le Sous-comité de nous permettre de venir devant vous pour vous exposer quelque chose qui nous préoccupe. Je ne sais si vous connaissez l'existence de notre association. Peut-être que oui; peut-être que non. Je me permets de résumer succinctement son historique.
L'association dont Me Buron et moi-même faisons partis à titre de membres de l'exécutif existe depuis cinq ans déjà, et elle représente la majorité - je dirais la majorité, oui, pour éviter toute nuance - des avocats qui exercent en matière d'immigration au Québec. Cela représente quelque 150 avocats, dont la majorité se trouve dans la région de Montréal. Les autres sont répartis dans les régions de Québec, de Sherbrooke et d'Ottawa-Hull.
Comme la question de l'immigration vous préoccupe, vous comprendrez que c'est dans la région de Montréal que se trouve la plus grande majorité des immigrants, toutes catégories confondues.
Au hasard de ces dernières années, j'ai eu, au sein de l'exécutif de l'Association, la responsabilité d'examiner de près la question des conseillers en immigration et d'entamer à cet égard des démarches auprès des décideurs et des autorités gouvernementales. Au fil de ces années, j'ai colligé dans ce que j'appelle une «liste jaune» les noms des conseillers qui m'étaient référés pour différentes raisons, bonnes ou mauvaises. Bref, tous les noms des conseillers qui avaient des pratiques particulières ont été portés à ma connaissance.
Nous nous présentons devant vous aujourd'hui parce que votre sous-comité étudie la question des conseillers en immigration, question qui préoccupe vivement notre association dans la mesure où elle touche à la protection du public, élément fondamental pour nous, avocats.
Je sais que le temps avance et je ne voudrais pas donner raison à l'adage qui veut que ventre affamé n'ait pas d'oreilles. Je vais donc être bref et vous exposer la situation.
En commençant, j'aimerais attirer l'attention du Sous-comité sur le fait qu'il existe fort probablement des conseillers en immigration qui sont très compétents et qui sont en mesure de faire un travail excellent. Malheureusement, ce ne sont pas ceux qui sont portés à notre connaissance. Ces derniers - et j'y reviendrai un peu plus tard - entrent plutôt dans les catégories de fraude, d'incompétence et d'exploitation des étrangers. Ce sont aussi des gens qui n'ont, pour ainsi dire, aucune formation spécifique pour exercer dans ce domaine.
Ce qui nous apparaît le plus fondamental et le plus dramatique, c'est l'absence de responsabilité professionnelle en regard des gestes qu'ils posent de même que l'absence d'obligation de rendre des comptes pour les sommes d'argent qui leur sont confiées.
Si vous le voulez bien, je vais commencer par des exemples de fraude. Le premier, vous l'avez en annexe de mon document. Il s'agit d'une publicité qui a été adressée à plusieurs entreprises membres de ce qu'on appelle TROC Canada sur la possibilité qu'ont les gens de dispenser des services moyennant rémunération en points TROC plutôt qu'en argent.
Par exemple, je pourrais, en ma qualité d'avocat, dispenser des services dans le cadre de cette organisation-là, facturer des honoraires et plutôt que de recevoir des dollars, je recevrais des unités TROC qui pourraient me servir à acheter des meubles ou à consulter un psychiatre, si cela était nécessaire. Les avocats en ont toujours besoin, semble-t-il! Voilà en quoi consistent les unités TROC. Elles équivalent à des dollars, mais sous une forme différente.
Comme vous pourrez le constater, cette publicité date de 1993. Soit dit en passant, cette société P&C.I. existe toujours et elle figure dans les pages jaunes de l'annuaire téléphonique de Montréal. Elle est située maintenant sur la rue Sherbrooke à Montréal.
Donc, cette entreprise offre la possibilité à des employeurs éventuels d'accorder des contrats de travail selon la formule du Québec, les attestations et les validations d'emploi, en échange de quoi ces employeurs s'engagent à ce que l'employé accepte une rémunération de 50 p. 100 en argent et 50 p. 100 en unités TROC.
Or, comme les unités TROC ne sont pas des dollars, cela nous pose un grave problème, car dans la province de Québec, toute rémunération doit être faite en dollars ou en quelque chose qui se convertit en dollars aux termes des articles 39 et suivants de la Loi sur les normes du travail. Quiconque ne s'y soumet pas contrevient directement à la Loi sur les normes du travail, laquelle, pour fin de compréhension, est une loi d'ordre public.
Voici un autre exemple qui démontre bien que les avocats ne sont pas nécessairement immunisés contre la fraude. C'est le cas d'un avocat qui avait été radié du Barreau pour avoir commis des actes frauduleux à l'endroit d'immigrants et qui, dans les jours qui ont suivi sa radiation, a déménagé ses pénates à l'extérieur du pays et a continué d'agir non plus comme avocat, mais comme conseiller en immigration.
Il s'agit donc ici d'une personne qui est très au fait de la réglementation et des lois au Canada et qui sait très bien que la meilleure façon de s'y soustraire, c'est de se retirer complètement.
Ce qu'il faut également savoir, c'est que lorsque des personnes agissent à titre de conseillers, elles le font généralement sous le couvert d'une compagnie. En cela, la Loi de l'immigration ne nous est d'aucun secours. Il existe bien maintenant un article du Code civil sur la possibilité de soulever le voile corporatif, c'est-à-dire d'aller chercher les actionnaires responsables, mais ce nouvel article s'avère assez difficile d'application. Lorsque les consultants font des manoeuvres frauduleuses, il est toujours possible d'intenter des poursuites contre les actionnaires ou contre les administrateurs, mais la preuve demeure relativement difficile à faire.
D'autres cas qui sont portés à notre connaissance sont des cas d'incompétence. Je vais vous en donner brièvement un exemple dont vous pourrez apprécier la portée. C'est l'histoire d'un revendicateur qui, suite à une décision négative de la CISR, s'est fait dire par un conseiller qui lui avait été présenté: «Je vais en appeler de la décision devant la Cour fédérale en ton nom.»
Évidemment, après vérification auprès du greffe de la Cour fédérale, on s'est rendu compte qu'aucun dossier n'y avait été présenté. De plus, un affidavit fait foi de conversations que le revendicateur a eues avec le conseiller, conversations au cours desquelles le conseiller lui aurait clairement dit de ne pas avertir les autorités de l'immigration de son changement d'adresse, mais plutôt de leur donner l'adresse et les numéros de téléphone du bureau du conseiller.
Évidemment, les conditions de son entrée au Canada, au moment de sa revendication, faisaient état de l'obligation qu'il avait de signifier dans les 48 heures tout changement d'adresse, de son domicile et non pas de celui de son conseiller, auprès des autorités de l'immigration. Ne l'ayant pas fait, il a contrevenu à son ordonnance, un mandat d'arrêt a été émis et il a été expulsé du Canada sans autre possibilité de recours.
Il est intéressant pour vous de noter que malgré le fait que ce cas ait été porté à la connaissance du Barreau du Québec et qu'une plainte formelle ait été déposée, il s'était écoulé plus d'un an entre la dénonciation du cas et le dépôt de la plainte. Or, en matière de poursuite par le Barreau de gens qui exercent illégalement la profession d'avocat, le recours est prescrit. Lorsque cela fait plus d'un an que l'acte a été commis, il n'y a plus aucune possibilité de poursuites pénales contre cette personne.
Dans le cas que je viens de vous exposer, on retrouvait la mention «Immigration, Legal and Investment Services» sur la carte d'affaires et le papier en-tête du conseiller. Un étranger qui voit une telle annonce, une telle carte d'affaires, est absolument incapable de savoir si la personne est avocat ou ne l'est pas.
Parmis les autres cas qui se présentent, il y a les cas d'exploitation et ceux-ci sont peut-être moins évidents. Disons qu'à chaque fois que le conseiller agit comme intermédiaire entre l'immigrant potentiel et le ministère, qu'il soit fédéral ou provincial - en ce qui a trait au Québec - , ce conseiller aide à la préparation de différents documents et il se trouve souvent à agir comme conseiller juridique au sens de la Loi sur le Barreau. À cet égard, j'aimerais préciser que le conseil juridique permettant d'élaborer un raisonnement qui met en cause les éléments de la loi et les faits particuliers qui lui sont présentés, est du ressort exclusif de l'avocat. Il en est de même de l'avis juridique qui en résulte.
Il faut bien comprendre que ce ne sont pas seulement les avocats qui sont capables de raisonner; plusieurs personnes le sont également. Toutefois, seul l'avocat est responsable devant la loi du raisonnement qu'il pose et de l'avis ou de l'opinion qu'il rend.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous sommes obligés de souscrire à des polices d'assurance-responsabilité minimales, pour ce qui est du Québec, de 600 000$, justement pour couvrir l'éventualité où on porterait un jugement qui serait mal fondé en droit ou qui donnerait une mauvaise indication en droit à une personne, à un client, quel qu'il soit. À ce moment-là, il a la possibilité de se faire indemniser par le biais du fonds d'indemnisation du Barreau du Québec.
Ces cas d'exploitation, on les trouve dans la majorité des dossiers de revendicateurs, parrainage et entrepreneurs. À cause des modifications proposées par le C-44 concernant toutes les équivalences canadiennes de crimes qui ont été commis à l'étranger, on sera appelés à intervenir davantage et probablement à décourager des immigrants potentiels de venir au pays.
L'autre chose qu'il faut également souligner, c'est que les immigrants sont dans une dépendance totale face à une personne qu'ils croient la mieux à même de présenter leur dossier ou d'influencer l'autorité politique.
J'aurai peut-être la chance de revenir sur l'aspect de la formation, mais j'aimerais mentionner qu'un des membres du Comité permanent de la Chambre des communes sur la question de l'immigration et de la citoyenneté, au lendemain de sa défaite électorale l'année dernière, s'est ouvert un bureau de conseiller en immigration dans le bureau de comté qu'il avait du temps qu'il était député et avec le même numéro de téléphone qu'il avait lorsqu'il était député. Cela n'est un secret de polichinelle pour personne. Il s'agit de M. Fernand Jourdenais, que vous connaissez probablement, et sa publicité ici est on ne peut plus claire.
Je vous en cite un passage:
- Advenant que vous ou quelqu'un que vous connaissez puisse avoir besoin d'assistance auprès
des autorités compétentes en cette matière, n'hésitez pas à faire appel à l'un ou l'autre de mes
services.
L'autre chose qu'on a aussi portée à notre connaissance, c'est la question de ce que j'hésite à appeler les honoraires. Parlons plutôt des montants qui sont facturés aux immigrants. J'ai entendu dire dernièrement qu'on avait exigé 6 000$ US pour remplir des formulaires sans pour autant garantir qu'ils seraient effectivement remplis. Généralement, on demande 50 p. 100 du montant facturé au moment de la rencontre et l'autre 50 p. 100 lorsqu'on obtient la résidence. On s'engage aussi, de façon verbale, à rembourser l'argent versé advenant le cas où la demande serait rejetée. Encore faut-il, pour cela, que le conseiller soit encore dans les parages!
Dans certains cas ou plutôt dans la majorité des cas, on va même jusqu'à promettre le résultat. Cela se fait ici, mais surtout à l'étranger. Donc, moyennant 6 000$, on va vous promettre que vous allez obtenir la résidence. Peu importe votre statut, peu importe le fait que vous ayez pu commettre des crimes ou que vous puissiez avoir des raisons d'être inadmissible, pour des raisons médicales ou autres, on va vous promettre la résidence.
En tant qu'avocat, lorsqu'on est confronté à ce genre de situation, on est obligé de rendre des comptes au Barreau du Québec, notre ordre professionnel, de façon à ce qu'on revoie, si une plainte était déposée, les montants facturés pour s'assurer qu'ils étaient effectivement justes et raisonnables, compte tenu du travail accompli. Si la conciliation échoue, il y a un mécanisme d'arbitrage qui fait en sorte que les honoraires peuvent être réduits à la partie équivalente au travail fait ou à la nature ou à la valeur du travail qui a été fait.
Donc, comme je l'ai mentionné, il n'y a aucune garantie de remboursement des sommes confiées, peu importe le montant. Il n'y a pas de compte en fidéicommis qui existe pour les conseillers comme c'est le cas pour les avocats.
Pour ce qui est de l'exploitation, ce sont dans les méthodes de recrutement qu'on trouve les façons les plus nuancées. Généralement, ça se passe à l'étranger où les intermédiaires locaux procèdent à un rabattage systématique. Ce sont alors des interprètes ou d'autres personnes qui font passer des annonces et qui amènent des gens dans des hôtels des grandes villes contre un montant d'argent pour eux. Une fois sur place, les conseillers en immigration leur promettent monts et merveilles, y compris la résidence. Ils font un grand discours avec, d'un côté, le drapeau canadien et, de l'autre, la photo du premier ministre, tout cela pour ajouter à la crédibilité générale du processus, de façon à pouvoir attirer vers eux le plus grand nombre de personnes et leur soutirer le plus d'argent possible.
Un autre problème que nous avons rencontré, c'est l'absence de formation et de responsabilité. J'ai glissé un mot sur la formation en parlant du député qui avait ouvert son bureau mais généralement, l'absence de formation fait référence à des gens qui ont peut-être été fonctionnaires à l'immigration, qui s'y connaissent dans un minimum de choses, mais qui ne sont pas nécessairement au courant de toutes les démarches. Il peut s'agir aussi d'avocats qui ont été radiés.
À ce moment-là, ils devraient connaître la loi ou on suppose qu'ils connaissent à tout le moins la Loi sur l'immigration et d'autres lois pour éviter d'avoir à faire face à la justice. Dans bon nombre de ces situations, il s'agit tout simplement de gens qui connaissent la langue dans laquelle se fait le recrutement. Ce sont souvent des interprètes qui n'ont aucune espèce de connaissance de la Loi sur l'immigration. Le seul avantage qu'ils ont, c'est de parler une des langues officielles du Canada et la langue du pays d'origine, de façon à faire le travail de rabattage, ou tout simplement à faire remplir les papiers ou à les remplir eux-mêmes.
L'autre chose, c'est qu'il y a des situations de responsabilité civile qui nous apparaissent assez dramatiques. Qu'on pense à la situation du garant lorsqu'on signe des contrats de parrainage. Est-ce qu'on sait? Est-ce qu'on a indiqué aux futurs immigrants la portée du contrat de parrainage? Est-ce qu'on a été en mesure de la leur expliquer? Est-ce qu'on leur a aussi expliqué, lorsqu'on a sollicité de leur part des mariages blancs - parce que je pense que vous n'êtes pas sans savoir que cela existe - qu'il y a un marché secondaire pour ce genre de choses-là?
Les prix varient. Je pense qu'il n'est pas farfelu d'avancer, parce que je l'ai entendu, qu'un mariage coûte 5 000$. Est-ce qu'on sait qui organise ces mariages-là ou qui les recommande, ou qui y participe d'une façon ou d'une autre? Est-ce qu'on connaît les conséquences, en droit civil, d'un mariage contracté de cette façon-là et toutes les responsabilités qui incombent aux deux conjoints?
Je le mentionne pour ceux qui connaissent peut-être la question, mais le patrimoine familial est une réalité omniprésente au Québec, et je pense qu'il y a des équivalents en Ontario. Le Ontario Family Act est une autre loi qui crée un patrimoine particulier en matière de mariage. Donc, ce sont des responsabilités qui viennent avec un mariage, et ce n'est pas quelque chose qu'on peut faire à la légère, d'une part.
D'autre part, il y a le contrat d'engagement. Vous savez qu'à cet égard-là, le Québec a des règles particulières, qu'il fait signer pour des raisons financières des engagements à ceux qui prennent la responsabilité de parrainer. Il y a donc des obligations qui découlent de ce contrat-là, et si ces obligations ne sont pas expliquées, il y a problème.
L'autre problème que nous constatons, c'est celui des emplois attestés ou validés. Vous en avez un exemple avec TROC Canada. On va faire des offres d'emploi, mais on n'expliquera pas la portée de ces offres d'emploi. Si la résidence n'est pas acceptée, est-ce que l'employeur a des obligations face à cet immigrant potentiel? Est-ce que l'employé aura des recours? Quelle est la nature de ce contrat-là? De quelle façon est-il formulé? Il y a donc des difficultés pour ce qui est de la catégorie des entrepreneurs, une catégorie qui existe au fédéral et au provincial.
Il y a différentes façons d'acquérir des actifs dans une entreprise et, évidemment, lorsque cela se présente, on ne fera pas nécessairement appel à un avocat qui viendra expliquer les tenants et les aboutissants des conséquences, au plan civil, de l'acquisition d'actifs ou d'actions d'une entreprise et des formalités obligatoires au sens du Code civil. Pour ce qui est des investisseurs, est-ce que le conseiller prend la peine d'expliquer les conséquences fiscales des investissements qui sont faits? L'expérience nous démontre que ce n'est pas le cas.
Une autre chose qui est absente pour les conseillers, c'est le secret professionnel. La Cour fédérale a reconnu que lorsque le revendicateur fait appel aux services d'un avocat pour mieux défendre ou mieux faire valoir ses intérêts, selon les mots du juge Noël, ce revendicateur a droit au privilège du secret professionnel et que, dans ce cas, les notes prises pour la préparation des formulaires de revendication sont de l'essence même du privilège avocat-client. À notre avis, cela touche toutes les formalités liées à l'immigration. Dès que la personne ferait appel à un avocat, elle serait protégée par le secret professionnel.
C'est une espèce de survol des problèmes que nous avons constatés. J'ai oublié de vous mentionner - et j'espère vous faire rigoler plus qu'autre chose - que j'ai également en ma possession un catalogue de femmes à marier, si cela vous intéresse.
J'ai également des demandes qui nous viennent de Belgique et de France relativement à des pratiques qui ont cours dans ces pays où les conseillers se trouvent, et on nous demande ce qu'on en pense.
Ce bref survol des problèmes que nous avons rencontrés nous amène inévitablement à examiner la loi actuelle, ou plutôt l'absence de loi ou de réglementation dans ce domaine-là. Vous n'êtes pas sans savoir que l'alinéa 114(1)v) de la Loi sur l'immigration prévoit que le législateur fédéral permet que des autorisations soient délivrées à des personnes pour représenter, devant un arbitre, une section du statut ou la section de l'appel des personnes qui seraient rétribuées sans être membres du Barreau d'une province.
Toutefois, cet article-là existe depuis déjà de nombreuses années et le législateur fédéral n'a jamais senti le besoin de le mettre en vigueur.
L'Association s'inquiète énormément devant la judiciarisation du processus. Comment se fait-il qu'il n'y ait pas de règle qui encadre les conseillers? C'est une question qui nous préoccupe beaucoup.
Par ailleurs, les peines qui sont prévues à la Loi sur l'immigration aux articles 94, 95 et 96 ne sont pas, à notre avis, suffisamment répressives pour permettre un contrôle, une mainmise, un encadrement ou une dissuasion du travail des conseillers malhonnêtes.
Par ailleurs, le Code criminel a des possibilités... Là-dessus, j'inviterais les membres du Sous-comité à surveiller l'actualité, parce qu'il y aura, dans les prochains jours, des poursuites intentées contre un conseiller en immigration de la région de Montréal, pour une fraude totalisant 10 millions de dollars US à l'endroit de 7 000 à 8 000 dossiers de demandeurs de résidence permanente. Des accusations devront être déposées dans un proche avenir, mais surtout auprès des policiers responsables de la GRC chargés de faire enquête.
Évidemment, vous vous douterez bien que ce conseiller, sentant la soupe chaude, a trouvé le moyen de déguerpir en ne laissant derrière lui que les clés de son bureau. Il n'y a aucun actif qui permette d'obtenir quelque remboursement que ce soit.
J'ai également appris qu'on s'apprêtait à émettre, dans ce même dossier, un mandat d'arrêt international. Mais évidemment, la mesure est un peu illusoire tant qu'on ne peut pas le retracer.
Donc, ce conseiller devrait faire l'objet d'accusations au sens du paragraphe 380(1) du Code criminel, lequel prévoit que:
- 380(1) Quiconque, par supercherie, mensonge ou autre moyen dolosif, constituant ou non
un faux semblant au sens de la présente loi, frustre le public ou toute personne, déterminée ou
non, de quelque biens, argent ou valeur:
- C'est l'acte d'accusation qu'on voudra retenir.
Il s'agit, aux dires des policiers qui sont responsables de porter des accusations au regard de cet article 380, d'une preuve qui est très difficile à faire.
[Traduction]
Le président: Est-ce que je peux vous interrompre? M. Hanger doit partir à 13 heures.
M. Langlais: Il me reste à peu près cinq minutes.
Le président: Nous pourrions peut-être permettre à M. Hanger de poser ses questions, et ensuite nous pourrions reprendre, monsieur Nunez. C'est juste?
M. Hanger: Merci.
Combien d'experts-conseils y a-t-il au Québec et, si vous avez cette information, au Canada?
M. Langlais: Je n'ai pas recensé les experts-conseils du Québec. J'ai ici un exemplaire des pages jaunes de la région de Montréal. Vous pouvez voir la liste de tous ceux qui travaillent comme expert-conseil. Je ne les ai pas comptés.
Pour ce qui est du nombre d'experts-conseils au pays, je n'en ai pas la moindre idée.
M. Hanger: J'ai reçu des plaintes dans mon bureau au sujet du laxisme, ou du manque de compétence, si vous voulez, de certains avocats qui se sont occupés de causes d'immigration. Toutefois, je n'ai pas reçu de plaintes au sujet des experts-conseils. Cela ne veut pas dire qu'il n'y en pas qui soient incompétents. Je sais qu'il y en a.
Vous avez surtout parlé des experts-conseils par opposition aux avocats, mais il se trouve peut-être parmi les experts-conseils des avocats qui ont été rayés du Barreau.
La réglementation que nous envisageons sera très importante, à mon sens, et agira sur la façon dont les experts-conseils travailleront. À l'heure actuelle, il semble qu'on hésite à appliquer les règles en vigueur que ce soit la Loi sur l'immigration ou les politiques et règlements en matière d'immigration.
En ce qui concerne les experts-conseils, s'ils deviennent assujettis à une réglementation, comment devrions-nous appliquer ces règlements, qu'il s'agisse d'un avocat ou d'un expert-conseil?
M. Langlais: J'y arrivais. J'allais justement traiter de ce point avant que vous ne posiez votre question.
Comment peut-on réglementer un expert-conseil? Personnellement, je peux vous dire, comme le fait l'association que je représente, que les experts-conseils devraient être assujettis aux règles de la profession de chaque province.
Ainsi, si j'ai besoin de services d'expert-conseil en immigration, j'informe mon client des coûts de ces services. Je suis alors en mesure de contrôler les coûts pour mon client. C'est la première chose.
Deuxièmement, à titre de professionnel engageant un expert-conseil, je deviens responsable, aux termes de la Loi du Barreau du Québec, des agissements de cet expert-conseil. C'est mon obligation à titre d'avocat professionnel. Ces règles existent déjà. Nous n'avons pas besoin d'en créer des nouvelles. Je crois que les mêmes règles s'appliquent à tous les autres Barreaux du Canada.
Comment peut-on réglementer les experts-conseils qui travaillent à l'extérieur du pays? En les obligeant à travailler sous l'égide d'un avocat inscrit au Barreau de cette province. C'est ainsi qu'on pourra les surveiller. Il incombera alors à l'avocat inscrit au Barreau de la province ou d'un territoire de s'assurer que l'expert-conseil qu'il engage est compétent et de divulguer toutes les informations pertinentes à son client.
Si l'expert-conseil ne s'occupe pas bien de sa tâche, qui blâmera-t-on? L'avocat. Et je n'ai pas envie de me faire blâmer pour les erreurs d'un autre.
M. Hanger: Voilà l'autre question que je voudrais vous poser. Vous avez parlé des experts-conseils qui travaillent outremer et de certaines des préoccupations dont on vous a fait part.
Je ne sais si cette publicité a paru outremer, mais j'en ai dans mon bureau et ils garantissent à peu près tout. Or, ce ne sont pas que des experts-conseils qui font cette publicité; il y a aussi des avocats.
Comment peut-on réglementer ce genre de chose à l'étranger? C'est très difficile. Ça ne se passe pas au Canada.
M. Langlais: Premièrement, monsieur Hanger, il faut une plainte. Si personne ne se plaint, on ne parviendra jamais à réglementer qui que ce soit, que ce soit les experts-conseils ou les avocats.
En premier lieu, il faut probablement faire une publicité quelconque, comme de publier des feuillets à distribuer par le ministère, où l'on préciserait en quoi consiste le mécanisme des plaintes, dans les cas où l'on n'est pas satisfait de l'aide fournie par un tiers, qu'il s'agisse d'un avocat ou d'un expert-conseil. On indiquerait aussi comment procéder et à quel organisme s'adresser. C'est ainsi qu'on pourrait rejoindre tous ceux qui exercent à l'étranger, c'est tout au moins mon avis.
M. Hanger: Comment peut-on influer sur ce que font les gens à l'étranger? C'est impossible car ils ne vivent pas au Canada.
M. Langlais: À moins qu'ils ne soient inscrits au Barreau du Québec ou à tout autre Barreau provincial. En ce cas, ces personnes sont régies par la loi canadienne et peuvent donc faire l'objet de poursuites pour faute professionnelle en vertu des règlements provinciaux.
M. Denis Buron (avocat, Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration): Si vous le permettez, j'aimerais ajouter quelque chose. Ce qu'il y a d'important ici, c'est que dans le cas d'une inconduite professionnelle ou d'une fraude commise par un avocat, il existe des recours. Il y a toujours moyen de déposer une plainte et d'obtenir que le fautif soit rayé du Barreau. Il est aussi possible de recouvrer l'argent grâce à de l'assurance, même lorsque les services ont été fournis à l'extérieur du pays. Bien sûr, c'est nécessairement très difficile, mais cela demeure possible.
Cela dit, dans le cas d'un expert-conseil qui n'est pas avocat et donc ne fait partie d'aucun Barreau, il est vraiment impossible de faire suivre une plainte quelconque; il n'y pas non plus moyen de récupérer l'argent; enfin, il n'y a rien à faire pour empêcher le ou la coupable de s'adonner à la fraude, de faire des fausses représentations ou de percevoir de l'argent sans qu'il y ait eu prestation de services. Enfin ce sont peut-être là les principaux motifs de grief.
L'aspect le plus important ici est qu'en vertu de notre système, certaines gens peuvent agir en dehors de tout encadrement juridique et donc faire ce qu'ils veulent tandis qu'il y en a d'autres, des professionnels ceux-là, assujettis à une réglementation quelconque.
J'espère donc que les divers Barreaux et ordres professionnels de notre pays vont continuer à étudier les activités de ces professionnels, et j'estime même qu'ils en ont la responsabilité. Toutefois, il n'existe aucun mécanisme de droit de regard sur les activités des experts-conseils non réglementés, de ceux qui ne font pas partie du Barreau.
À mon avis, si les avocats se rendent coupables de fautes professionnelles, il est extrêmement important d'imposer des mesures disciplinaires. Il n'existe cependant aucune mesure semblable dans le cas de ceux qui échappent à la surveillance.
M. Hanger: Je comprends mais je vois difficilement comment nous pourrions réglementer les activités qui se passent à l'extérieur du pays. Je suis sûr d'ailleurs que la question soulèvera beaucoup de discussions.
Si j'ai bien compris vos propos, vous êtes d'avis que les avocats devraient contrôler tout cela.
M. Langlais: Le terme «contrôler» est probablement trop fort. Ce que nous souhaitons, bien entendu, c'est que les avocats se voient reconnaître un droit exclusif en vertu de la Loi sur l'immigration, tout simplement afin d'assurer la protection des immigrants. Nous estimons en effet qu'il existe déjà trop de problèmes avec les experts-conseils en immigration actuels.
J'irai encore un peu plus loin et affirmerai que si l'on s'efforce de réglementer le travail des experts-conseils, il faudra que l'on conçoive un cadre réglementaire et même un examen d'accrédition professionnelle, et le reste. Cela coûtera très cher cependant, et je suppose que tout le monde garde à l'esprit le problème que constitue les dépenses publiques.
Il existe déjà des règlements dans chacune des provinces, des règlements encadrant les activités de certains professionnels. Si l'on décide de faire englober les activités de ces experts-conseils en immigration par lesdits règlements de chacune des provinces, cela ne coûtera rien puisque les lois et les règlements existent déjà. S'il y a un prix à payer, il sera uniquement moral car il faudra que chaque avocat veille à ce que l'expert-conseil fasse son travail de la façon appropriée. C'est uniquement cela qu'il en coûtera.
Donc pour répondre à votre question, oui, l'on demande la création d'un mécanisme de surveillance quelconque, mais son objectif est strictement de protéger le public.
Nous allons même jusqu'à dire que nous ne tenons pas à toute force à faire le travail de bureau nous-mêmes. Nous accepterions volontiers que quelqu'un puisse faire sa demande de résidence lui-même. S'il en est incapable toutefois et ne comprend pas le libellé des formulaires, il ou elle peut s'adresser à un organisme sans but lucratif ou à un service gouvernemental reconnu.
Qu'y a-t-il de répréhensible au fait que quelqu'un qui réclame le statut de réfugié ou fait une demande de résidence s'adresse au Conseil canadien pour les réfugiés, l'organisme de M. Matas? Je n'y vois aucune objection. J'ai confiance en ce groupe.
Les cas de fraude de cette nature qui se produiraient au sein du CCR compromettraient certainement sa réputation, et je pense donc que les organismes semblables, c'est-à-dire les organisations sans but lucratif, se réglementeraient eux-mêmes.
M. Hanger: Je vois. Toutefois, le genre de structure que vous proposez pour les régir ne me sourit guère. J'ai de la difficulté à comprendre l'identité et le fonctionnement du Conseil canadien pour les réfugiés, à part le fait qu'il s'agit d'un groupe de pression assez semblable au vôtre, même si votre organisme à vous tombe dans une catégorie un peu plus vaste. Enfin, c'est mon avis.
Pour ce qui est des fautes professionnelles, aucun témoin ne m'en a donné des preuves nettes jusqu'à maintenant. Bien sûr, vous m'avez cité certains exemples mais n'importe qui peut faire cela. Ainsi par exemple, on peut évoquer des gestes criminels de toutes sortes commis dans toutes les régions du pays, dont la fraude, qui relève clairement du droit pénal. Quant à l'incompétence, bien entendu elle tient à l'absence de formation. Or, il s'agit-là des deux points que vous avez soulevés et malgré eux, le portrait d'ensemble ne me paraît pas aussi inquiétant que cela. Bien sûr qu'il y a des abus partout, mais la situation est-elle si grave?
M. Langlais: Nous estimons qu'une seule faute professionnelle commise à l'encontre d'un immigrant suffit pour que l'on soulève une question.
Dans le cas précis que j'ai mentionné, celui qui donnera lieu à des mises en accusation bientôt et que je vous prie instamment de suivre, la fraude alléguée s'élève à quelque 10 millions de dollars américains.
M. Hanger: Je vois.
M. Langlais: Il s'agit donc d'une fraude grave.
M. Hanger: Bien sûr qu'il s'agit de quelque chose de grave.
M. Langlais: Cela couvre entre 7 000 et 8 000 dossiers, cela veut dire entre 7 000 et 8 000 immigrants en puissance. Est-ce trop? Notre société peut-elle accepter que certains de ses membres dupent les autres ici ou cherchent à faire la même chose à l'étranger?
Nous devons tous réfléchir à l'image que cela donne du Canada, car c'est cela qui est en jeu.
M. Buron: À mon avis, ce que nous savons n'est que la partie visible de l'iceberg. Les cas dont nous vous avons parlé sont ceux qui sont portés à notre attention, surtout du fait que nous avons été obligés d'essayer de réparer les pots cassés à la dernière minute ou que nous avons essayé de venir en aide à des gens désespérés qui ne veulent pas nécessairement intenter de poursuites. Ils veulent tout simplement émigrer, tel est avant tout leur but; ils ne veulent pas nécessairement faire punir quelqu'un ni même recouvrer leur argent. Ils veulent émigrer ici. Ils tiennent à être bien servis et en toute légalité. Donc ce que nous avons évoqué n'est que la partie visible de l'iceberg.
Les rares personnes, dont la plupart sont encore à l'extérieur du Canada, qui découvrent qu'on les a trompés de diverses manières, et qui cherchent toujours à entrer légalement au Canada - car la légalité de leur démarche compte beaucoup à leurs yeux - tiennent à ce que les choses soient effectuées selon les règles. En conséquence, plutôt que de se laisser enliser dans leurs difficultés causées par des inconduites professionenlles comme la fraude, ils décident d'aller outre et d'insister pour se faire admettre, et veulent prendre tous les moyens légaux nécessaires pour atteindre leur objectif. Quant à savoir combien d'autres étaient prêts à tout faire, de façon légale ou non, combien d'autres ont essayé, recommenceront, et se feront escroquer encore et encore jusqu'à devenir un autre cas difficile à régler pour nos ambassades et nos mandataires, je l'ignore. Combien de dossiers s'accumuleront-ils dans le bureaux? Combien d'autres cas aussi ne seront jamais portés à notre attention.
M. Hanger: Je voudrais dire un dernier mot, monsieur le président, après quoi je devrai partir.
Je remercie ces messieurs d'être venus témoigner. Je crois qu'ils nous offrent un point de vue différent.
Mais les êtres humains cherchent toujours à contourner les interdits, de sorte qu'il y aura toujours des abus de toutes sortes. Autrement, vous ne seriez pas ici; vous ne trouveriez pas à vous employer comme avocats. Ainsi va le monde, malheureusement.
Le président: Nous n'aurions pas de députés non plus.
M. Hanger: Exactement.
Le système prête le flanc aux abus et la réglementation n'est pas nécessairement toujours le meilleur moyen d'y mettre fin. Parfois, il suffit de puiser à la source des fonds et l'argent est un moyen infaillible. Il y a beaucoup d'argent dans tout ce domaine de l'immigration. On peut adopter des tas de règlements, confier l'affaire à diverses organisations ou autorités, sans pour autant être vraiment plus avancés. Les abus continueront parce qu'on ne pourra jamais réglementer tout le monde. Je ne songe pas seulement à une autorité précise en la matière, en l'occurrence le Barreau. Je voudrais voir les choses dans une optique plus large.
Vous aurez peut-être l'occasion de témoigner de nouveau, je ne sais trop.
Je suppose que cet exercice ne sera pas terminé à la fin du mois.
Le président: Non, mais il est difficile de faire une enquête scientifique sur les abus. Les auteurs de ces abus ne se présentent pas pour faire rapport sur leurs activités.
M. Hanger: On en parle beaucoup et il y a certains exemples, je vous l'accorde.
M. Buron: Peut-être qu'en cette matière, il faudrait chercher à prévenir les abus, plutôt que d'y remédier après coup. Ce que nous proposons, ce n'est pas tellement de réglementer les experts-conseils en matière d'immigration, mais plutôt d'appliquer un règlement existant et de contrôler le tout par l'intermédiaire des associations du Barreau, de telle manière que tout le secteur soit plus sûr et mieux organisé pour tous les intervenants. Je pense que c'est de cette façon que l'on pourrait résumer notre position.
Le président: Nous avons entendu des avocats de l'Ontario et de Colombie-Britannique qui ne nous ont pas recommandé d'interdire les activités parajuridiques. À leur avis, tout cela ne devrait pas relever exclusivement des avocats. Ils estiment qu'il y a un grand nombre d'experts-conseils intègres et compétents qui font du bon travail. Ce sont souvent d'ex-employés.
Ils semblent être d'avis que nous devrions établir une organisation professionnelle dont pourraient être membres autant les avocats que les non-avocats et qui s'autoréglementerait. Ses pouvoirs lui seraient conférés par la loi, mais les non-avocats pourraient participer à certaines conditions. En outre, cette organisation s'autofinancerait.
Pourrais-je avoir vos commentaires là-dessus?
M. Buron: Personnellement, je vois mal comment un tel système pourrait s'autofinancer. Je crois qu'il en coûterait terriblement cher de réglementer une nouvelle catégorie de professionnels, quel que soit le nom qu'on leur donnerait, peu importe que cette tâche soit assumée par les provinces ou par le gouvernement fédéral. Je répète qu'il faut se pencher sur le problème potentiel de savoir qui payera la note. Les provinces ou le gouvernement fédéral?
Je pense que ce problème est d'une telle importance qu'il vaut mieux envisager d'autres possibilités. Il serait préférable d'utiliser les organisations et régimes de protection existants et d'essayer de protéger le public grâce au système actuel, en faisant appel aux associations du Barreau, qui sont très bien équipées. C'est déjà dans leur statut...
Le président: Vous voulez parler des barreaux.
M. Buron: Oui. C'est déjà dans le mandat de ces associations professionnelles de protéger le public et de prendre des mesures contre les fautes professionnelles commises par les gens qui donnent de mauvais conseils juridiques ou qui exagèrent dans leurs poursuites judiciaires. C'est très facile pour ces organisations de se ramifier et de se spécialiser davantage dans ce domaine sans qu'il ne leur en coûte un sou. Je trouve que c'est un facteur très important.
Pourquoi créer un problème pour en résoudre un autre? Pourquoi ne pas utiliser une solution qui existe et qui se traduira, le cas échéant, par une augmentation des droits que doivent payer tous les avocats du pays?
Le président: Parce que si nous mettions à la rue tous ces excellents experts-conseils qui ne sont pas avocats, cela leur coûterait cher, à eux et à toute la communauté des immigrants.
M. Buron: Dans certains cas, il y aurait une perte. Dans d'autres cas, ces gens-là seraient certainement recrutés par le système quelque part pour essayer de mettre à profit leurs compétences, tout d'abord parce qu'il est vrai que certains d'entre eux sont très compétents et on leur donnerait la chance de continuer leur bon travail là où il y a du travail à faire. Mais je ne crois pas qu'on devrait créer tout un nouveau système en nous écartant complètement de ce qui existe déjà. Je ne crois pas que ce soit la bonne façon de faire. Comme mon collègue l'a dit, nous devrions plutôt les placer sous la surveillance des avocats, directement ou indirectement, afin de leur imposer un certain contrôle pour s'assurer que leur pratique ne donne pas lieu à des abus.
Le président: Avez-vous autre chose à ajouter?
M. Langlais: Non, tout a été dit. Nous croyons fermement qu'il y a de bons experts-conseils et qu'il y en a de mauvais. Dès que l'on commence à réglementer, il est évident que ceux qui sont bons doivent payer pour les mauvais. Le principe a toujours été le même au cours des années. Nous ne voulons pas que le sous-comité s'imagine que nous, en tant qu'avocats, ne causons jamais de problèmes quand nous nous mettons au service des gens.
Le président: En effet, nous ne le croyons pas.
M. Langlais: Je le sais. Mais il y a également un mécanisme qui permet au public de porter plainte si nos services ne sont pas satisfaisants. Il existe déjà une série de règles qui pourraient servir à contrôler les experts-conseils.
Le président: Je voudrais changer de sujet. Il y a une autre opinion qui est dans l'air, à savoir que le gouvernement fédéral n'a pas d'affaire à se mêler de tout ce secteur et qu'il incombe en fait aux autorités provinciales de réglementer les services professionnels. Constitutionnellement, toutes nos tentatives pourraient être extrêmement limitées et se réduiraient peut-être à des comparutions devant la CISR, ce qui ne réglerait que 10 p. 100 des problèmes tout au plus. Le gouvernement fédéral n'a pas le pouvoir de réglementer la personne qui ouvre un bureau et qui vous demande 10 000$ pour vous conseiller sur la manière de remplir un formulaire ou la façon de faire venir votre femme de votre pays. Je me demande quel est votre avis sur ce point constitutionnel.
M. Langlais: C'est précisément pourquoi nous ne proposons pas que le gouvernement fédéral réglemente la pratique des experts-conseils en immigration. Nous ne croyons pas que ce soit la chose à faire. En fait, nous proposons de s'en remettre aux provinces comme c'est le cas actuellement. Mais pourquoi la Loi sur l'immigration permet-elle actuellement à ces experts-conseils en immigration de mener leurs activités si, d'une manière ou d'une autre, c'est un empiètement sur la compétence provinciale? C'est déjà permis, peut-être faudrait-il supprimer tout cela.
Peut-être seuls les avocats devraient être autorisés à pratiquer ce domaine du droit, comme la plupart des autres domaines juridiques qui sont réservés aux avocats. Je crois que c'est comme cela qu'il faudrait procéder. Par conséquent, il ne s'agit pas d'empiéter sur la compétence provinciale, mais plutôt de laisser les provinces s'en occuper pleinement. Laissons les provinces exercer pleinement cette compétence.
Elles ont d'ailleurs un problème actuellement. Par exemple, quand le Barreau du Québec veut agir contre un expert-conseil à cause d'une possible ingérence dans le champ de la pratique du droit - je formule la chose de cette manière, faute de mieux - il a un problème, car il peut bien dire que la loi du Québec ne permet à personne d'autre qu'un avocat de pratiquer le droit, mais la loi fédéral permet aux experts-conseils d'agir dans les champs de compétence fédéraux. Alors, y a-t-il faute professionnelle? On peut difficilement dire qu'il y a ingérence dans la pratique du droit, puisque le gouvernement fédéral a autorisé cette pratique, du moins en apparence.
Il faudrait peut-être donc que les choses soient plus claires, c'est le moins que l'on puisse dire. Peut-être faudrait-il définir exactement ce qui est permis et ce qu'il ne l'est pas. Je trouve que ce champ devrait être réservé aux praticiens du droit, aux gens qui connaissent la loi. La Loi sur l'immigration n'est pas facile à appliquer. Je ne pense pas que l'on devrait permettre à n'importe qui d'apposer une plaque sur sa porte et de dire «voilà, je suis expert-conseil, venez me consulter».
Le président: Très bien.
En terminant, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je vais permettre à l'attachée de recherche, qui est également avocate de vous poser quelques questions.
Mme Margaret Young (attachée de recherche du Comité): Merci.
Nous n'avons pas le texte intégral de votre mémoire en anglais mais nous avons une feuille qui présente à notre intention un résumé de vos recommandations.
J'ai numéroté les quatre recommandations que vous avez faites et il me semble qu'il y a une contradiction entre les recommandations 2 et 4. En effet, la deuxième recommandation stipule que la Loi sur l'immigration devrait interdire à quiconque n'est pas avocat de faire la moindre démarche dans le domaine de l'immigration; c'est du moins ce que je comprends à la lecture du texte. Quant à la recommandation 4, elle dit que les experts-conseils devraient agir sous la responsabilité professionnelle d'un avocat.
Est-ce l'un ou l'autre? Devraient-ils être tenus d'être avocats pour donner des conseils en matière d'immigration, ou bien devraient-ils agir sous la responsabilité...
M. Langlais: Je n'ai pas eu la chance de finir mon exposé et d'expliquer ce point.
Essentiellement, nous envisageons de modifier la Loi sur l'immigration de manière à reconnaître explicitement que seuls les avocats peuvent représenter les candidats à l'immigration, que ce soit pour une simple demande de résidence permanente, pour un cas de réfugié ou pour un appel devant la Commission du statut de réfugié.
En attendant que la loi soit modifiée de cette manière, nous dirions que pour le moment, pendant l'intervalle, un expert-conseil serait obligé d'agir sous la responsabilité professionnelle d'un avocat. Ce serait une situation temporaire.
Mme Young: À la recommandation 3, vous faites allusion à une disposition de la Loi sur l'immigration du Québec qui concerne la représentation devant le Bureau de révision en immigration. Je ne connais pas le bureau ni la disposition en question. Pourriez-vous nous donner des explications?
M. Langlais: Le Bureau de révision en immigration est un organisme créé aux termes de la Loi sur l'immigration du Québec et qui est chargé d'examiner, de façon générale, toutes les demandes de parrainage qui ont été refusées et tous les certificats de sélection qui ont été refusés. Comme vous le savez, c'est dans le cadre de ce processus que les candidats à l'immigration font l'objet d'une sélection préliminaire au Québec. Le Québec remet un certificat de sélection selon divers critères, mais la personne a le droit d'en appeler devant le Bureau de révision en immigration à Montréal.
L'article 31 de cette loi stipule spécifiquement que nul ne peut comparaître devant le bureau à moins d'être avocat, c'est-à-dire d'être un représentant rémunéré. Il y a possibilité de se faire représenter devant le bureau par un organisme à but non lucratif, une organisation non gouvernementale, mais ce doit être à titre gratuit et une déclaration en ce sens doit être faite devant le bureau.
Si quelqu'un veut se faire représenter par un avocat, il peut se présenter devant le bureau accompagné d'un avocat et il est alors reconnu que l'avocat est rémunéré, soit par l'aide juridique, soit par le candidat lui-même.
Le président: Peut-on obtenir de l'aide juridique au Québec pour une audience devant la CISR?
M. Langlais: Oui.
Le président: Est-il question de modifier cela?
M. Langlais: À l'heure actuelle, rien n'indique que ce sera changé. Il faut dire qu'on donnera aux directeurs de bureau d'aide juridique un pouvoir discrétionnaire assez important leur permettant de se retirer d'un dossier. Mais c'est encore trop vague pour juger des conséquences de cette réforme qui est actuellement en cours au Québec.
M. Buron: Vous savez peut-être qu'un projet de loi a été présenté récemment en vue de réformer l'aide juridique au Québec. Les conséquences sont loin d'être claires pour ce qui touche aux questions d'immigration.
Il semble que cela ne changerait rien quant aux personnes qui auraient droit à l'aide juridique, mais le résultat net sur le plan pratique est difficile à évaluer pour le moment. Il est loin d'être certain que le projet de loi sera adopté tel quel, de toute manière.
Mme Young: Vous avez mentionné en passant l'alinéa 114(1)v) de la Loi sur l'immigration. Je ne suis pas certaine d'avoir bien compris quel est le rapport entre cette disposition et votre proposition, s'il y en a un. Vous avez dit que cette disposition n'avait pas été appliquée, ce qui est assurément vrai. Mais comme vous le savez, il est question dans cet article de l'autorisation que peut accorder une autorité habiletée. Cela ne semble pas cadrer avec vos règles.
Vouliez-vous dire que nous devrions aller encore plus loin que cela? Vous ne parlez pas d'une autorité habiletée - ou bien cette autorité serait-elle les associations du Barreau d'un bout à l'autre du pays?
C'est un point de détail, mais je n'ai pas très bien compris ce que vous vouliez dire à ce sujet.
M. Langlais: Quand j'ai mentionné l'article 114, ce que je voulais dire, c'est que cette disposition de la Loi sur l'immigration existe depuis trois ou quatre ans et, à ma connaissance, n'a jamais été appliquée.
Que s'est-il passé? Pourquoi ne l'a-t-on pas appliquée? Du fait qu'elle n'a jamais été appliquée, il n'y a pas de règles régissant les experts-conseils et les avocats telles que prévues dans la Loi sur l'immigration. Comme il n'y a pas de règles, nous disons qu'il faut ou bien l'appliquer... et si nous décidons de l'appliquer, cette disposition stipule qu'il faut désigner une autorité habilitée à le faire, d'après la version française. Nous estimons que les autorités provinciales devraient être habilitées à prescrire les règles en question.
Nous allons plus loin et nous disons que tous les experts-conseils devraient relever de la loi créant le Barreau, de même que tous les avocats.
Mme Young: Cela m'amène à ma dernière question. Vous dites que les autorités provinciales devraient être chargées de délivrer les autorisations et l'on peut supposer qu'elles se tourneraient vers les associations du Barreau. Mais du point de vue fédéral, cela pose un problème, car les provinces se sont montrées très peu empressées à agir.
Celle que je connais le mieux est l'Ontario, où l'on a étudié la question en long et en large, et, pour finir, on n'a pas reconnu qu'il y avait un problème particulier du côté des experts-conseils en immigration, un problème qui exigeait la création d'une structure et des autorisations.
Du point de vue fédéral, si les provinces refusent d'agir, que peut-on faire, ou que devrait-on faire? Je comprends que vous ne recommandez pas de créer une lourde bureaucratie fédérale, mais si les provinces - et à ce sujet, j'aimerais que vous nous fassiez part de ce que vous savez quant à l'opinion du gouvernement du Québec en cette matière - si les provinces donc ne se montrent pas intéressées à intervenir, ou bien exigent une compensation importante pour le faire, le comité doit-il renoncer et conclure qu'il n'y a rien à faire.
M. Langlais: Il y a un aspect de votre question, nommément la compensation, que je ne veux pas aborder, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, car je ne sais vraiment pas comment.
Mme Young: Non, je me trouvais simplement à dire qu'une province en particulier a fait savoir qu'elle était prête à le faire si on lui donnait l'argent nécessaire; à cette condition, les autorités provinciales sont prêtes à réglementer le secteur en notre nom.
M. Langlais: Je vois. La différence fondamentale, c'est qu'en Ontario, les autorités provinciales doivent administrer une loi fédérale. Il n'y a pas de loi provinciale sur l'immigration. Nous avons donc là-bas un organisme provincial qui s'ingère dans l'application d'une loi fédérale, tandis qu'au Québec, nous avons une loi adoptée aux termes de l'accord que nous avons signé.
Le Québec a le privilège de choisir ses propres immigrants, comme vous le savez. Or, aucune disposition de cette loi ne prévoit l'intervention d'experts-conseils. Néanmoins, ces gens ont offert leurs services et servent d'intermédiaires entre le gouvernement provincial du Québec et les immigrants. Le gouvernement du Québec est donc intéressé à réglementer les experts-conseils. Il ne l'a jamais fait. Pourquoi? Parce que le lobby des experts-conseils est très très fort.
Néanmoins, on fait en sorte que les experts-conseils ne peuvent assister aux entrevues. Ils ne peuvent participer à des discussions quelconques entre le gouvernement et le candidat à l'immigration dans la province. Il y a toute une série de règles administratives énoncées dans un chapitre. C'est publié seulement en français, mais pour votre gouverne, c'est le chapitre 10, du Guide des procédures de sélection.
On y fait une nette distinction entre d'une part les experts-conseils et tout autre groupe apparenté et, d'autre part, les conseillers juridiques, qui sont les avocats et les notaires, et je ne parle pas d'un notaire public au sens où on l'entend dans les provinces du Common Law, mais du notaire aux termes de la législation provinciale du Québec. Il y a des règles précises qui s'appliquent à tous les deux.
À titre d'avocat, je suis considéré conseiller juridique et j'ai le droit d'avoir accès aux dossiers de mes clients. Je n'ai aucun problème. Je peux les accompagner aux entrevues. À titre d'expert-conseil, je ne pourrais pas y aller. Donc, si je décidais d'abandonner la pratique du droit et d'ouvrir un cabinet d'expert-conseil, je ne pourrais pas faire la même chose que je fais actuellement aux termes de la loi québécoise.
Mme Young: Merci.
Le président: Pour dissiper toute équivoque, est-ce votre position ou bien est-ce la position officielle du Barreau du Québec?
M. Langlais: Non, le Barreau du Québec témoignera devant vous le 22 juin, je crois.
Le président: La greffière m'a dit que nous entendrons les représentants de l'Association du Barreau canadien, qui témoignera au nom de toutes les provinces.
M. Langlais: Mais les gens du Québec, très probablement?
Le président: Eh bien, c'est ce que je croyais.
Une voix: Le Barreau du Québec va témoigner.
Le président: D'accord.
Merci beaucoup, messieurs, pour votre exposé.
M. Buron: La réponse à votre question est que nous ne présentons pas la position du Barreau du Québec; nous présentons la position de notre association.
Le président: Merci beaucoup d'être venus. Je m'excuse pour le retard et pour le fait que certaines personnes ont dû partir. Ceux qui étaient absents pourront lire la transcription. Votre témoignage nous aidera à prendre une décision et à formuler des recommandations. Merci beaucoup.
M. Langlais: Merci monsieur le président.
M. Buron: Merci.
Le président: La séance est levée.