[Enregistrement électronique]
Le mardi 20 juin 1995
[Traduction]
Le président: Je voudrais souhaiter la bienvenue aux représentants de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, M. Duquette et M. Palmer.
Sans vouloir parler pour mes collègues, nous explorons actuellement la possibilité de réglementer les experts-conseils. Un consensus semble se dégager du groupe pour dire qu'il s'agit là d'un problème grave et qu'il convient par conséquent de prendre des mesures pour le régler.
Je sais que le gouvernement et différents comités parlementaires se sont penchés sur la question à plusieurs reprises au cours des 10 ou 15 dernières années. Nous espérons que notre rapport ne va pas simplement s'ajouter à la longue liste de rapports déjà déposés, de sorte que dans une quinzaine d'années, les gens ne disent pas: «Ils ont étudié le problème en 1995, mais ils n'ont absolument rien fait».
Nous avons donc hâte d'entendre vos recommandations sur les dispositions à prendre pour régler ce problème. Je sais que vous êtes déjà au courant de la procédure à suivre devant un comité parlementaire, alors je vais vous céder la parole tout de suite.
M. Philip Palmer (avocat général, Services juridiques (Ottawa), Commission de l'immigration et du statut de réfugié): Merci infiniment, monsieur le président. Je m'appelle Philip Palmer et je suis accompagné aujourd'hui de Pierre Duquette, vice-président adjoint de la section du statut de réfugié située à Montréal.
Nous n'avons pas de texte officiel à déposer devant le comité, mais nous comptions faire quelques remarques liminaires et vous donner une idée de la position adoptée précédemment par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié au sujet de la réglementation des experts-conseils. L'étude que vous poursuivez actuellement nous semble par conséquent tout à fait opportune.
M. Duquette a une longue expérience du droit de l'immigration et est très bien placé pour nous décrire l'évolution qui s'est produite au Québec, où la situation est assez différente de celle qu'on retrouve dans d'autres régions du pays. Ces explications vous aideront peut-être à formuler vos propres recommandations à ce sujet.
D'abord, il convient de vous faire remarquer que les experts-conseils en immigration sont expressément autorisés en vertu de la Loi sur l'immigration. Aux termes des articles 30 et 69 de cette dernière, une personne peut être représentée par un avocat ou un autre conseiller. Cela signifie, pour nous, qu'à peu près n'importe qui peut jouer ce rôle, qu'il soit rémunéré ou non. Par conséquent, des membres de la famille ou des représentants d'organisations non gouvernementales assistent souvent aux audiences de la Commission afin d'aider les intéressés. Les experts-conseils en immigration représentent une sous-catégorie de la catégorie générale des conseillers autorisés et peuvent par conséquent assister à une audience de la Commission au nom d'une autre personne moyennant rémunération.
Il convient également de vous dire que nos expériences ont été jusqu'ici assez variables en ce qui concerne les experts-conseils en immigration avec lesquels nous avons travaillé. Certains des experts-conseils qui comparaissent devant la Commission, quelle que soit la division, sont excellents. Ils sont extrêmement utiles: ils font ressortir les faits; ils préparent soigneusement la documentation; ils comprennent bien toutes nos procédures et ils nous aident à bien conduire les audiences. Ils constituent une ressource fort précieuse pour les personnes qu'ils assistent et ils aident également la Commission à bien s'acquitter de ses tâches.
Comme on vous l'a déjà dit, il existe un grand nombre d'experts-conseils qui ne répondent pas à ces critères. Ils constituent une source de problèmes pour la Commission et nous craignons aussi qu'ils servent mal leurs clients. Mentionnons, parmi les difficultés que nous avons rencontrées, la mauvaise préparation des documents constituant la preuve et la non-observation des dispositions relatives à la divulgation d'informations et des obligations de présentation de documents. Très souvent, ils semblent ignorer les procédures à suivre devant la Commission. Ils ont fréquemment une connaissance insuffisante du droit matériel et présentent par conséquent des arguments peu pertinents qui n'aident ni leurs clients ni la Commission à prendre une décision.
Il y en a d'autres qui ne comprennent pas à quoi se limite la compétence de la Commission. Par exemple, ils vont déposer un appel auprès de la Division des appels alors que la Commission n'est pas compétente pour le recevoir. En conséquence, des procédures doivent souvent être intentées pour débouter l'appel et éliminer ainsi le retard.
Nous avons également des problèmes de comportement. Parfois, les experts-conseils manquent de respect envers la Commission; on pourrait dire, je suppose, qu'ils posent un peu pour la galerie, afin d'impressionner leurs clients. Mais très souvent, cela n'a rien à voir avec le fond de l'affaire.
Nous constatons également que les experts-conseils demandent, plus souvent que les avocats, l'ajournement ou la remise à plus tard d'une affaire sans que ce soit nécessaire, ce qui crée des problèmes pour la Commission qui essaie de bien gérer sa charge de travail. Nous avons observé à différents moments qui ne sont pas toujours tout à fait francs avec nous en présentant les arguments ou les motifs qui sous-tendent la demande d'ajournement ou de remise à plus tard.
Les problèmes que je viens de décrire sont tous assez graves. Ils donnent lieu à de gros investissements de temps, et souvent du temps non productif pour les décideurs, sans parler du stress qu'ils causent au personnel. Il peut également arriver que les salles d'audience soient vides alors qu'il existe un arriéré de causes à traiter en raison d'ajournements demandés à la dernière minute. Nous pouvons donc affirmer que certains experts-conseils qui comparaissent devant la Commission perturbent de façon importante le travail de cette dernière.
Même si l'expérience de la Commission démontre que la gravité des problèmes varie d'une région à l'autre et dépend de la mesure dans laquelle des experts-conseils comparaissent devant la Commission, nous n'en sommes pas moins convaincus que la réglementation des experts-conseils, d'une façon ou d'une autre, aiderait non seulement leurs clients - c'est-à-dire les gens qui souhaitent immigrer au Canada - mais aussi la Commission en améliorant l'efficacité et l'efficience de ses procédures.
La Commission a d'ailleurs toujours appuyé l'idée de réglementer les experts-conseils en immigration. Au fil des ans, nous avons participé à diverses initiatives et collaboré à ce sujet avec l'Association du Barreau canadien, qui a même fait une étude de la question. Nous sommes intervenus auprès de différents gouvernements provinciaux, et notamment en Ontario, qui envisageaient il y a quelques années d'accorder des permis aux experts-conseils en immigration, à titre de techniciens judiciaires. Notre ex-président a rencontré le procureur général de l'Ontario de l'époque et les responsables du Barreau du Haut-Canada pour les encourager à prendre les dispositions qui s'imposaient pour mettre en place un système d'attribution de licences aux experts-conseils en immigration.
Nous croyons par conséquent pouvoir affirmer que nous avons toujours appuyé cette idée par le passé et que nous continuons d'être en faveur d'une forme quelconque de réglementation pour ce type d'experts-conseils. Ce serait, à notre avis, préférable pour le public et pour nous-mêmes, car nous serions plus à même de bien remplir notre mandat.
Nous n'avons jamais préconisé l'élimination ou l'exclusion des experts-conseils en immigration. Nous avons toujours reconnu qu'ils peuvent jouer un rôle utile et légitime et devraient pouvoir le faire dans un cadre bien défini. À notre avis, un consommateur averti est peut-être plus à même de faire un choix que le gouvernement dans ce contexte. Il reste que le travail que font les experts-conseils en immigration peut être mieux fait et devrait respecter certains des mêmes critères que doivent observer par exemple les membres du Barreau lorsqu'ils comparaissent devant la Commission en tant que tribunal.
Nous n'avons jamais préconisé une forme ou une autre de réglementation. Les modèles les plus courants consistent à réglementer directement, par le biais d'un organisme gouvernemental qui serait chargé d'attribuer des licences et de faire des inspections, ou de prévoir une forme de réglementation indirecte, soit une sorte d'autoréglementation relevant des associations professionnelles.
Nous sommes donc assez neutres pour ce qui est du mécanisme à retenir. Il va sans dire que nous nous ferions un plaisir de collaborer avec les autorités chargées d'administrer le régime de réglementation prévu.
Nous avons déjà collaboré à plusieurs reprises avec le Barreau et certaines organisations non gouvernementales, et même avec des associations professionnelles d'experts-conseils, pour offrir des ressources en vue d'aider les intéressés à dispenser une formation ou à mieux comprendre nos procédures et les questions de fond devant être abordées dans le cadre des audiences de la Commission.
Plutôt que de recommander un mécanisme de réglementation ou un autre, j'ai pensé qu'il serait plus utile que nous résumions les objectifs que n'importe quel régime de réglementation devrait réaliser. À notre avis, les éléments qui suivent correspondent aux questions les plus importantes qu'un mécanisme de réglementation devrait aborder convenablement.
Le premier élément est celui de la compétence, et pour moi, cela comprend les connaissances. Les gens qui se présentent devant la Commission doivent avoir des connaissances éprouvées du Droit et des procédures à suivre lorsqu'ils sont rémunérés pour représenter une autre personne. À mon sens, l'intégrité même du régime en dépend. S'ils sont incapables de traiter convenablement la question de fond dont peut dépendre le sort de leur client, c'est extrêmement injuste et pour le demandeur, et pour les décideurs, puisque les raisons invoquées ne sont pas nécessairement celles qu'il faut donner pour convaincre la Commission du bien-fondé de la demande ou de l'appel.
Il importe que les experts-conseils aient des connaissances de base du système judiciaire canadien et de la relation entre le Droit de l'immigration et le Droit administratif en général, les droits juridiques des citoyens et les décisions de justice.
Troisièmement, toute personne qui se présente devant la Commission doit connaître le système judiciaire et les recours dont peuvent se prévaloir les personnes qui ne sont pas satisfaites des résultats d'une procédure. Il ne s'agit pas là d'une question insignifiante. Il est au contraire critique que les experts-conseils sachent quels délais doivent être respectés, le champs de compétence des tribunaux pour donner réparation, et le genre de réparation qui peut être demandé. L'absence de ces connaissances peut donner lieu à des erreurs très graves qui s'accompagnent nécessairement de risques considérables.
La deuxième grande question importante est celle de l'éthique. Toute personne qui se présente devant un tribunal doit être liée par un code de conduite et d'éthique professionnelle en fonction duquel on peut mesurer sa performance et son rendement. Nous constatons très souvent que sur le plan du comportement et de la sincérité, les experts-conseils sont loin de répondre aux critères qui sont presque toujours respectés par les conseillers juridiques. Tous les membres de la Commission à qui j'en ai parlé m'ont justement dit que c'est là qu'on voit la plus grande différence entre les pratiques des experts-conseils et celles des conseillers juridiques.
Troisièmement, il n'est pas suffisant d'appliquer un code de conduite et de prévoir un premier cours de formation. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous craignons qu'un simple régime d'enregistrement ne soit pas efficace. Il faut prévoir moyens plus efficaces de traiter le non-respect de normes professionnelles. Un tribunal comme le nôtre doit avoir la possibilité de communiquer à d'autres autorités l'existence d'un problème. À l'heure actuelle, nous pouvons toujours écrire une lettre aux responsables du Barreau si un avocat se conduit mal, fait des déclarations mensongères, etc. Mais il n'existe pas de procédure analogue nous permettant d'attirer l'attention de quiconque sur le comportement des experts-conseils en immigration.
Un autre élément aussi important, sinon plus important - est la nécessité d'offrir un recours aux clients des experts-conseils en immigration. Quel que soit le régime de réglementation retenu, cet élément revêt une importance critique.
Il y a enfin la question de la formation. Pour nous, aucun système de réglementation ne sera efficace s'il ne tient pas compte du fait que tous les professionnels qui travaillent dans le secteur de l'immigration doivent constamment actualiser et améliorer leurs compétences et leurs connaissances professionnelles. Encore une fois, la CISR s'est toujours efforcée par le passé d'entretenir des relations soutenues avec les organisations qui sont actives dans ce domaine et de mettre ses ressources et ses employés à leur disposition pour aider à dispenser des cours de formation, et cela nous semble tout à fait essentiel pour garantir que les rapports entre la Commission et les personnes qui se présentent devant elle continuent d'être fructueux.
Je me permets également de vous dire que votre étude de la question tombe à point, à notre avis. C'est un moment tout à fait critique, car la charge de travail globale de l'ensemble de nos divisions a augmenté au cours des 12 ou 18 derniers mois, et elle continue à augmenter cette année. Dans certaines divisions, l'augmentation est très marquée. Dans d'autres, elle est plus progressive, mais l'incidence globale est tout de même importante.
En même temps, comme vous le savez déjà, les budgets réservés pour l'aide juridique sont restés inchangés ou ont même diminué. Par conséquent, la question de la représentation devant la Commission revêt une importance de plus en plus critique. L'aide juridique n'est plus du tout disponible pour bon nombre de causes qui sont examinées par notre tribunal. Dans certaines provinces, elle n'est pas disponible du tout. Dans d'autres, des mandats d'aide juridique deviennent de moins en moins fréquents.
Étant donné que les gouvernements à tous les paliers se sont engagés à réduire les déficits et les dépenses de programmes, nous pouvons nous attendre à l'avenir à ce qu'encore moins de personnes qui se présentent devant nous soient représentées par un conseiller juridique. Bien entendu, si elles ne peuvent recourir aux services d'aide juridique, ces personnes vont peut-être devoir demander l'assistance d'experts-conseils en immigration. Il est donc indispensable, non seulement pour nous, mais pour toutes ces personnes, que nous examinions en profondeur la question de savoir comment régler aussi efficacement que possible le problème que pose actuellement les experts-conseils en immigration.
Je devrais également vous faire remarquer que les gens qui se présentent devant notre Commission sont parmi les personnes les plus vulnérables et faciles à exploiter de toutes celles qui ont des contacts avec notre système judiciaire. Venant d'autres pays, elles ont d'autres antécédents culturels et ont fait l'expérience d'un autre type de système judiciaire. Elles ne savent guère comment fonctionne notre système et peuvent donc facilement être victimes de gens sans scrupule. S'assurer que ces personnes peuvent être représentées par des gens efficaces et honnêtes représente un défi pour notre société dans son ensemble, et sans aucun doute pour notre système judiciaire; il reste que nous devrions à mon avis nous efforcer de relever ce défi. J'espère que votre travail débouchera sur des résultats positifs. Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Duquette.
[Français]
M. Pierre Duquette (vice-président adjoint, Section du statut de réfugié (Montréal), Commission de l'immigration et du statut de réfugié): Comme M. Palmer l'a expliqué plus tôt, je suis vice-président adjoint de la Section du statut de réfugié de la CISR à Montréal.
J'ai aussi eu dans le passé d'autres occupations qui m'ont permis de cerner le problème des consultants. J'ai été avocat au bureau de l'aide juridique pendant près de 20 ans avant de commencer à la Section du statut de réfugié. J'ai également été président de la Section immigration de l'Association du Barreau canadien, Division du Québec, pendant une dizaine d'année et j'ai été un des fondateurs de ce qu'on appelle l'AQAADI, c'est-à-dire l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration. C'était, bien sûr, du côté pratique du droit.
D'un autre côté, j'ai été, à la fin et 1986 et au début 1987, conseiller juridique pour le ministre Weiner qui, à l'époque, était ministre d'État à l'Immigration. C'était à l'époque du projet de loi C-55, la modification majeure de la Loi sur l'immigration.
D'après ce que je connais de l'immigration, la question des consultants a toujours été très présente. Elle a fait l'objet d'un rapport dont vous avez sûrement entendu parler, en avril 1981, et qui traitait des conseillers peu scrupuleux. C'était une situation extrêmement pressante au Québec à ce moment-là et, par la suite, ce le fut de moins en moins.
Je vais essayer de vous expliquer ce qui se passe actuellement au Québec, parce que c'est un peu différent de ce qui se passe dans les autres provinces. Il est important de savoir ce qui se passe dans la province ou dans la région où il y a actuellement une grande partie des demandeurs du statut de réfugié.
Je ne propose pas de modèle et je ne dis pas ce qui devrait être fait. Je vais simplement vous donner une description de ce qui se passe.
Actuellement, devant les trois sections de la CISR, environ 95 p. 100 de la clientèle, au Québec, est représentée par un avocat. C'est de loin le pourcentage le plus élevé au Canada. Les consultants représentent une partie des 5 p. 100 qui restent. Certaines personnes sont représentées par des consultants et d'autres ne sont pas représentées du tout. Ce sont des gens qui ne veulent pas être représentés.
Il y a, comme M. Palmer le disait plus tôt, de bons consultants, mais il y a aussi de mauvais avocats. De façon générale, je dirais que le risque d'être mal représenté est certainement moins grand si c'est un avocat qui représente le demandeur plutôt qu'un consultant.
Quels sont les problèmes et quelles sont les solutions? Plus tôt, M. Palmer a un peu parlé des problèmes, mais j'aimerais en dresser un portrait plus spécifique.
J'ai connu une clientèle extrêmement vulnérable, celle des gens qui viennent devant la CISR, et pas seulement les réfugiés. Ce sont des étrangers qui, la plupart du temps, n'ont demeuré au Canada que très peu de temps et n'ont pas de référence pour se trouver un conseiller. C'est comme si vous vous retrouviez dans un pays du Tiers monde et qu'on vous demandait de vous trouver un avocat. À quoi et à qui pouvez-vous vous fier pour vous trouver un avocat? C'est le problème de ces gens-là.
Certaines personnes leur disent de retenir les services de tel conseiller parce qu'il est très bon. En vertu de quoi est-il très bon? La référence n'existe pas, et il arrive de temps en temps que le conseiller n'est pas bon. Le client subit alors un dommage majeur et, malheureusement, les plaintes sont extrêmement rares. Les étrangers ont tendance à craindre de se plaindre, que ce soit à la police ou même au Barreau. Ils pourraient se plaindre au Barreau, mais ils ne le font à peu près jamais. Ils ont peur que la situation difficile dans laquelle ils se trouvent ne soit aggravée du fait qu'ils se plaignent.
Tous conviendront qu'une erreur dans ce domaine-là peut être vraiment catastrophique. Si jamais on se trompe sur une demande de statut de réfugié ou si une personne est renvoyée du Canada par erreur, - je ne dis pas que ce sont des choses qui arrivent souvent, mais cela arrive à l'occasion - , c'est extrêmement grave.
D'après notre expérience, les consultants ne sont pas en mesure d'apprécier des situations juridiques complexes. Cependant, la plupart des avocats, d'une façon générale, de par leur expérience et leurs études, sont capables d'apprécier les questions difficiles.
Les questions juridiques sont souvent extrêmement complexes. Aujourd'hui, une bonne partie de la charge de travail de la Cour fédérale a trait à l'immigration et aux réfugiés. Au cours des dernières années, à cause de l'immigration, la Cour fédérale a augmenté le nombre de juges de façon très appréciable. Il faut souvent prendre des décisions extrêmement rapides quand on décide de faire intervenir les tribunaux supérieurs.
Pour une demande d'autorisation de révision judiciaire, il faut 15 jours. Donc, il faut être en mesure d'identifier la question juridique et de prendre la procédure nécessaire. Ce n'est pas donné à tout le monde et ce n'est pas possible pour un consultant de le faire. Si on en est rendu au 16e jour, c'est malheureux, mais, la plupart du temps, il est trop tard pour le demandeur.
Au Québec, et je pense que c'est la même chose partout ailleurs, on a trois catégories différentes de consultants. Les premiers sont les gens issus des groupes ethniques qui ont acquis une ascendance sur leurs compatriotes et qui, de ce fait, se sont donné le rôle de les représenter. D'un autre côté, vous avez des gens qui ne sont pas nécessairement des étrangers d'origine - souvent ils le sont, mais pas toujours - , mais qui ont un esprit commercial très poussé, qui s'aperçoivent qu'il y a beaucoup d'argent à faire dans ce domaine-là et qui, malheureusement, en font. Ces derniers, la plupart du temps, recrutent leur clientèle en annonçant dans les journaux. Leur bureau est ouvert pendant quelques mois, parfois même quelques années et, tout à coup, ils disparaissent. Ces consultants ont causé énormément de tort, principalement à leur clientèle.
Le troisième groupe, qui est malheureusement le plus petit, est composé de consultants qui sont sérieux et qui font un bon travail. Je parle, bien sûr, de la province de Québec parce que je ne sais pas ce qui se passe dans le reste du pays. Ce troisième groupe est formé de consultants qui travaillent depuis longtemps et qui font un bon travail. Je ne parle pas ici des bénévoles.
Les bénévoles des groupes ethniques et des associations d'aide aux réfugiés ont tous décidé, il y a de nombreuses années, de ne pas venir devant les tribunaux administratifs en matière d'immigration parce qu'ils considèrent, à juste titre, que c'est trop dangereux. C'est un domaine qui est difficile et les risques sont trop grands. Ceux-là ont décidé de confier leurs causes à des avocats.
Comme M. Palmer le disait plus tôt, la solution, pour les consultants, réside en une espèce de corporation professionnelle qui pourrait assurer à la fois compétence, éthique, discipline et formation. Quand je dis formation, je ne parle pas de cours de deux jours. Pour former une personne dans ce domaine-là, c'est beaucoup plus complexe. Il faudrait aussi que cette corporation professionnelle établisse la possibilité d'offrir des cautionnements ou une assurance, comme le font les barreaux des différentes provinces, de sorte qu'une personne lésée pourrait éventuellement être remboursée.
Ce n'est pas à moi de vous dire quelles mesures doivent être prises. Je vais quand même vous expliquer comment la question des consultants au Québec est devenue, avec les années, marginale. Ce n'est plus un problème, mais cela pourrait le devenir.
En 1995, c'est devenu un problème marginal pour plusieurs raisons. Premièrement, il y a le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration et ses politiques. Appelons ce ministère, dont le nom est un peu long, Immigration Québec. C'est comme cela qu'on l'appelle la plupart du temps. Au début des années quatre-vingt, ce ministère a décidé qu'aucun consultant n'allait avoir accès à ses bureaux au Québec et à l'étranger. Si des consultants se disaient les mandataires d'un demandeur ou d'un immigrant éventuel, ils avaient l'habitude de communiquer quand même directement avec l'immigrant en question. Cette politique a été suivie de façon constante. Par conséquent, les consultants ont eu beaucoup de difficulté avec Immigration Québec au cours des 15 dernières années et ont finalement mis un peu de côté ce champ de pratique.
Une partie de ce que fait Immigration Québec aurait pu éventuellement être payante. Il s'agissait des investisseurs, mais les consultants n'ont eu aucune prise parce qu'Immigration Québec exigeait que seuls des courtiers accrédités par la Commission des valeurs mobilières puissent faire affaire avec Immigration Québec, ce qui limitait énormément la possibilité pour les conseillers d'intervenir.
Je vous rappelle qu'Immigration Québec est le ministère qui sélectionne les immigrants et qui donne ce qu'on appelle des certificats d'acceptation pour les étudiants et les travailleurs temporaires. Cela ne se produit pas dans les autres provinces.
Un deuxième facteur a fait que les consultants sont beaucoup moins nombreux au Québec. Ce sont les efforts du Barreau du Québec, surtout depuis 1989. Le 1er janvier 1989, le C-55 est entré en vigueur et tout ce qui était du domaine des réfugiés est devenu hautement judiciarisé. La présence d'un conseiller dans la salle d'audiences est devenue pratiquement nécessaire, parce que cela devenait, à ce moment-là, des audiences. Le Barreau a vu là une possibilité de débouchés pour les jeunes avocats qui cherchaient de nouveaux champs de travail et qui, à l'époque - c'est arrivé plus vite au Québec qu'en Ontario - , n'en trouvaient pas.
Le Barreau a mis sur pied des cours de formation permanente en matière d'immigration et a encouragé toutes les initiatives qui étaient prises dans ce sens. Par conséquent, le bassin d'avocats spécialisés en immigration a augmenté de façon très appréciable à partir de 1989.
Je ne sais pas si vous vous souvenez qu'au début de 1989, il y avait le phénomène dit des avocats d'office. Le Barreau du Québec a été le seul barreau au Canada à négocier directement avec l'Immigration pour les avocats d'office et a signé une entente à cet égard. Donc, le Barreau du Québec est intervenu de façon importante.
Le troisième facteur a trait à l'aide juridique. L'aide juridique s'est impliquée en matière de réfugiés. En fait, dans la province de Québec, il n'y a jamais eu vraiment de problèmes d'aide juridique. Presque toutes les personnes économiquement défavorisées ont eu droit à l'aide juridique avant 1989. Depuis 1989, cela s'applique à tout le monde en matière de refuge, d'enquêtes devant l'arbitrage et d'appels. Donc, à peu près tout le monde est couvert.
Actuellement, au Québec, on procède à une réforme majeure de l'aide juridique. Par contre, il a été clairement décidé que toute représentation devant les tribunaux administratifs, y compris la CISR, ne serait pas touchée. Donc, l'aide juridique continuera à s'impliquer devant la CISR.
Le quatrième facteur est très important. Il s'agit des groupes d'aide aux réfugiés. La table de concertation qui existe au Québec depuis 1979 regroupe tous les groupes d'aide aux réfugiés. Ces groupes affiliés ont, depuis très longtemps, des liens étroits avec des avocats et réfèrent leurs clients aux avocats. Jusqu'à maintenant, aucun de ces groupes n'a fait affaire avec des consultants.
En conclusion, à cause de l'aide juridique au Québec, parce que les demandeurs préfèrent évidemment avoir un avocat qui ne facture pas plutôt qu'un consultant qui envoie une facture et parce que ceux qui ne sont pas admissibles à l'aide juridique vont plutôt utiliser des avocats qui ont acquis, avec l'aide juridique, une solide expérience en matière d'immigration, même ceux qui paient prennent des avocats plutôt que des consultants. À cause des pratiques d'Immigration Québec depuis une quinzaine d'années, les consultants ont été à peu près écartés de la scène au Québec. Merci.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup. Je donne la parole à M. Nunez pendant 10 minutes.
[Français]
M. Nunez (Bourassa): Merci pour vos présentations. J'aurais cependant aimé recevoir un texte parce que ce que vous avez dit est important.
Ma première question s'adresse à M. Palmer. M. Duquette a dit qu'au Québec, il y avait un avocat dans 95 p. 100 des dossiers. Le problème des consultants est donc mineur. Avez-vous des chiffres pour le reste du Canada?
[Traduction]
M. Palmer: Je n'ai pas de chiffres en tant que tels, mais dans la Section des réfugiés, un nombre important de requérants est représenté par des avocats. C'est surtout dans les autres divisions que les consultants sont impliqués en grand nombre.
M. Nunez: Dans quelles provinces retrouve-t-on les problèmes les plus graves en ce qui en ce qui a trait aux consultants? Dans quelles régions?
M. Palmer: Probablement à Vancouver et, dans une proportion moindre, à Toronto, surtout dans la section qui traite des appels dans la région de Vancouver. Mais à Toronto, il y a également des problèmes sérieux.
M. Nunez: En quoi les problèmes de Vancouver et de Toronto sont-ils différents?
M. Palmer: C'est surtout sur la question du parrainage pour laquelle l'aide juridique n'est pas disponible dans la plupart des cas. C'est souvent moins cher de prendre un consultant, ou bien les appelants ne connaissent pas le milieu des services d'avocats et prennent des représentants dans leur communauté ethnique. Grosso modo, c'est la solution qu'ils trouvent.
M. Nunez: Au Québec, c'est un problème important et les corporations professionnelles sont de juridiction provinciale. Selon vous, comment peut-on résoudre ces problèmes constitutionnels?
M. Palmer: Honnêtement, je pense qu'il est possible d'éviter la question constitutionnelle. Cela ne me semble pas un problème urgent à résoudre. Pour moi, la question principale qui se pose est la suivante: Y a-t-il un palier de gouvernement qui soit disposé à traiter cette question sérieusement et à prendre des mesures décisives pour régler les problèmes qui se posent?
Le gouvernement fédéral, par exemple, pourrait sans doute imposer des limites en ce qui a trait aux personnes qui sont autorisées à comparaître devant la CISR, de façon à ce qu'on limite effectivement les catégories de ceux qui sont autorisés à comparaître sans que le gouvernement fédéral n'ait à réglementer directement en la matière.
La Loi sur la Cour fédérale, par exemple, dispose que les membres des barreaux des divers provinces et territoires, ainsi que les membres des corporations professionnelles du Québec peuvent exercer leur profession devant ses tribunaux. Voilà l'exemple d'un cas où on a doté le gouvernement fédéral d'une autorité très claire en la matière; il peut décider de qui peut ou ne peut pas comparaître devant ses tribunaux bien que le règlement régisse un groupe professionnel qui relève de la compétence provinciale.
Je pense que la question constitutionnelle n'est pas grave, si on veut agir rapidement. Si on ne veut pas agir rapidement, elle est grave.
[Français]
M. Nunez: Mais vous savez probablement que les provinces anglophones n'ont pas démontré beaucoup d'intérêt dans ce domaine, tandis que le ministère de l'Immigration du Québec, commeM. Duquette vient de le dire, a une réglementation.
M. Duquette: C'est une politique et non une réglementation
M. Nunez: C'est une politique?
M. Duquette: Oui.
M. Nunez: Cela existe-t-il dans d'autres provinces?
M. Palmer: Selon ce que j'en sais, il n'y a pas de politique comparable dans les autres provinces, mais il n'y a pas non plus de ministère de l'Immigration dans les autres provinces. C'est unique au Québec.
M. Nunez: Comme vous l'avez dit, le problème du manque de connaissances ou d'éthique n'existe pas seulement chez les consultants, mais aussi chez les avocats. Y a-t-il eu des plaintes des commissaires contre les consultants? Il n'y a pas d'organisme auquel s'adresser, mais dans le cas des avocats, y a-t-il eu des interventions de la Commission?
[Traduction]
M. Palmer: Oui, il y en a. Nous avons une procédure établie pour quiconque voudrait déposer une plainte contre un membre du barreau qui comparaît devant nous.
[Français]
M. Nunez: Qu'avez-vous fait? J'aimerais que vous me citiez un cas concret.
[Traduction]
M. Palmer: Je ne peux pas vous donner de chiffres concrets. J'imagine qu'il y a environ quatre ou cinq cas par année où la Commission soumet à des corporations professionnelles des cas de comportement qu'elle estime ne pas être à la hauteur des normes de comportement professionnel.
[Français]
M. Nunez: Sans donner les noms, dites-moi en quoi la plainte consistait. Était-ce de la fraude? Quel était le problème?
[Traduction]
M. Palmer: Oh, non, je n'ai jamais vu de cas de fraude. Généralement, les plaintes concernent plutôt les avocats qui ont manqué très sérieusement de respect devant le tribunal ou qui, par exemple, n'ont pas comparu ou qui ont comparu, mais ont dû demander un ajournement parce qu'ils s'étaient engagés à comparaître ailleurs en même temps, causant ainsi un problème dû à un comportement qu'on estime ne pas être professionnel chez un avocat. Voilà la nature des problèmes que nous avons rencontrés.
[Français]
M. Nunez: Et quelle a été la réponse du Barreau, du syndic?
[Traduction]
M. Palmer: Diverses mesures ont été prises; dans certains cas, les avocats ont été réprimandés. Dans d'autres, le barreau a fait enquête et a conclu qu'il n'était pas nécessaire d'aller plus loin. Que je sache, aucun avocat n'a été radié du barreau suite à une plainte que nous avons logée.
[Français]
M. Nunez: En ce qui a trait au Québec, monsieur Duquette, y a-t-il eu des tentatives en vue d'inciter les consultants à s'autodiscipliner?
M. Duquette: Il y a eu une organisation qui a été mise sur pied au milieu des années quatre-vingt, je crois. C'était pour des questions d'immigration et non de réfugiés, et c'était pour l'obtention de permis d'immigration. Ils ont eu certains contacts avec Immigration Québec, parce que c'était là que se faisait la majeure partie de leur travail, mais l'accueil a été plutôt froid. Je pense que l'association n'existe plus.
M. Nunez: Vous avez dit qu'environ 5 p. 100 des demandeurs sont représentés par un consultant ou pas représentés du tout. Ces 5 p. 100 représentent combien de cas?
M. Duquette: On parle de tout ce qui se fait à la CISR, donc de l'arbitrage, des demandes de statut de réfugié et des appels. Je peux parler des demandes de statut de réfugié, parce que le volume des appels, du moins à Montréal, est assez faible. Simplement pour vous donner un ordre de grandeur, il y a une cinquantaine de commissaires à Montréal et un seul est affecté aux appels.
Du côté de l'arbitrage, je ne connais pas le volume exact, mais chez nous, on a environ 10 000 ou 11 000 demandes de statut de réfugié par année; c'est 5 p. 100 de cela.
M. Nunez: Oui, mais il y a...
[Traduction]
Le président: Il faudra que ce soit votre dernière question.
[Français]
M. Nunez: Un témoin est venu dire ici que ce sont en partie le ministère de l'Immigration et la CISR qui sont responsables de l'augmentation du nombre de consultants parce que les demandeurs n'ont pas accès facilement aux fonctionnaires pour obtenir des renseignements. Quelqu'un nous a dit qu'il n'y avait personne à Montréal et que c'était les gardiens de sécurité qui disaient aux gens qu'il fallait faire cela, qu'il fallait s'adresser ici, qu'il fallait remplir cela. La CISR est-elle en partie responsable?
M. Duquette: Il faut faire une distinction nette. La CISR est le tribunal qui juge certaines causes en appel, des causes de réfugiés, des causes d'arbitrage et des causes d'éventuel renvoi du Canada. Ce n'est pas le bureau de l'Immigration. C'est complètement indépendant et ce n'est pas du tout lié à l'Immigration. S'il y a des problèmes à l'Immigration, malheureusement, on ne peut pas en discuter ici. Nous ne sommes pas des experts du côté de l'immigration.
M. Nunez: Merci.
[Traduction]
M. Mayfield (Cariboo - Chilcotin): Merci beaucoup, messieurs de vos exposés qui ont été fort intéressants. J'aimerais éclaircir une ou deux choses.
Monsieur Duquette, je crois que vous avez dit que 95 p. 100 des clients étaient représentés par des avocats au Québec. Est-ce exact?
M. Duquette: Oui.
M. Mayfield: Et environ 5 p. 100 sont représentés par des experts-conseils qui n'ont pas de formation de juristes?
M. Duquette: Oui, ou alors ils ne sont pas représentés du tout.
M. Mayfield: Permettez-moi de vous soumettre un scénario hypothétique. Supposons le cas d'un ex-employé du ministère, par exemple, qui a une longue expérience du milieu de l'immigration et des réfugiés. Il a donc décidé d'offrir ses services en tant qu'expert-conseil dans le secteur privé. Que devrait faire cette personne pour être homologuée au Québec? Quelles exigences lui seraient imposées? Quelle formation devrait-elle suivre, comment serait-elle accrédité?
M. Duquette: Aux termes de la loi existante, rien de particulier.
M. Mayfield: Rien du tout?
M. Duquette: Une telle personne n'aurait qu'à ouvrir un bureau et à se déclarer expert-conseil. La situation est d'ailleurs la même en Ontario ou ailleurs.
M. Mayfield: Je me demandais si vous auriez, messieurs, des recommandations à nous faire quant aux normes minimales qui devraient être imposées aux experts-conseils. Voulez-vous suggérer qu'ils devraient avoir une formation de juriste et des diplômes de droit? Devraient-ils détenir des diplômes de droit, et aussi suivre une formation en matière de consultation? Si nous voulons réglementer dans ce domaine, quel genre d'exigences d'homologation devrions-nous imposer selon vous? Auriez-vous des recommandations précises ou des idées à formuler en la matière?
M. Palmer: Peut-être dirais-je quelques mots et Pierre pourra ajouter ses commentaires.
Il faut tenir compte d'un certain nombre de choses. Premièrement, en ce qui a trait au travail effectué par les experts-conseils, il faut faire la différence entre ceux qui aident les immigrants, par exemple, et ceux qui comparaissent en tant que conseillers devant l'une des sections de la CISR. Il s'agit d'activités très différentes. Dans un cas, les consultants guident les demandeurs et leur facilitent la tâche face aux procédures administratives qui régissent le choix des immigrants, l'obtention de visas, le statut de résident permanent, etc.
M. Mayfield: Ainsi, si les experts-conseils devaient subir une formation, il devrait y avoir deux programmes de cours pour tenir compte de ces deux démarches différentes?
M. Palmer: Pratiquement, oui, et j'imagine qu'une personne ayant travaillé comme agent d'immigration au ministère fédéral pourrait donner un cours portant sur ces questions procédurières.
Toutefois, pour ce qui est de ceux qui comparaissent devant la CISR, il faut une connaissance de questions juridiques d'envergure, du droit administratif et des questions de procédure. Pour ces personnes-là, il me semble qu'il faut une formation juridique, dans une certaine mesure; cela devrait être un prérequis. Je ne pense pas qu'il faille carrément un diplôme de droit, mais je pense qu'il est nécessaire d'avoir suivi un cours en droit de l'immigration ou en droit des réfugiés afin de représenter les gens de façon compétente. Il faut posséder des notions de droit d'une certaine envergure, et il y a maintenant beaucoup de jurisprudence dans ce domaine. Il faut étudier de façon très sérieuse pour maîtriser les éléments de base qui permettent de pratiquer devant la Commission.
M. Mayfield: Il y a un étudiant en droit, au moins, qui a dit qu'il avait l'intention de se spécialiser en droit de l'immigration parce que c'était la spécialité qui permettait de faire le plus d'argent en échange du... Eh bien il n'a pas dit «du moindre effort», mais je suppose que cela a quelque chose à voir là-dedans.
Pense-t-on qu'on devrait aussi réglementer les tarifs, ou imposer un barème? Selon l'un des témoignages que nous avons entendus ici, et sans doute y a-t-il d'autres cas, on demande des sommes faramineuses en échange de ce genre de services... ce qui est assez décevant, à mon avis.
M. Palmer: Naturellement, à la CISR, nous ne sommes pas au courant des relations entre les conseillers et leurs clients. Comme vous, nous entendons des anecdotes et des histoires d'horreur, qui, quand elles nous parviennent, sont des histoires de troisième ou de quatrième main; ainsi, nous ne pouvons pas nous permettre d'émettre des hypothèses.
Nous n'avons pas arrêté de position quant à la réglementation des tarifs. Nous avons certainement entendu parler de cas où les conseillers ont manqué de scrupules et de conscience, si ces histoires étaient véridiques, mais la CISR n'a pas de point de vue particulier sur la question, que je sache. C'est une question qui relève de la réglementation ou de la régie d'un aspect des droits du consommateur, si vous voulez, et je pense que cela relève plutôt d'Immigration Canada ou des autorités provinciales.
M. Mayfield: Certaines des histoires qu'on nous relate sont grosses comme des maisons. Elles ajoutent certainement une dimension concrète aux choses abstraites dont nous avons tendance à discuter.
Vous a-t-on cité des cas qui semblent démontrer la nécessité du genre de règlement dont nous parlons?
M. Palmer: Personnellement, je n'ai pas entendu parler de tels cas. Toutefois, j'ai eu des conversations avec, notamment, des membres de la section des appels de Toronto et de Vancouver qui étaient carrément indignés par les comportements de certains experts-conseils qui comparaissent devant eux; certains sont des goujats, semble-t-il, qui manquent totalement d'éthique, entre autres. Les commissaires auxquels j'ai parlé déclarent sans contredit qu'il y a souvent des situations abusives et qu'il faut instaurer des mesures pour y remédier.
M. Duquette: La question des tarifs est importante, mais la compétence l'est plus encore. Comme je l'ai expliqué auparavant, le problème des experts-conseils ne se pose pas beaucoup au Québec, mais il existe un problème assez connu qui ne concerne pas la CISR, mais bien l'immigration.
Il n'y avait qu'une compagnie à Montréal qui a offert ses services pendant un certain nombre d'années, et qui demandait 2 000$ pour faire modifier le statut des immigrants éventuels, somme qui était à peu près raisonnable. Le problème, c'est que la compagnie ne faisait rien. Elle a offert ses soi-disants services qui consistaient à ne rien faire, pendant un certain nombre d'années, a accumulé des sommes d'argent considérables, puis a fermé ses portes.
Si vous avez une association professionnelle comme le Barreau, ou une autre association du genre, il y a toujours des comités qui peuvent se pencher sur la question des tarifs. Dans un cas comme celui là, un comité se pencherait sur le travail effectué et verrait si la somme exigée est acceptable.
Mais sans association professionnelle du genre, qui va statuer? Qui va pouvoir prendre ce genre de décision?
M. Mayfield: La CISR peut-elle faire quoi que ce soit pour admettre ou refuser d'admettre ceux qui accompagnent les demandeurs en tant qu'experts-conseils ou avocats, ou les commissaires sont-ils plus ou moins forcés d'écouter quiconque se présente devant eux? Si ce n'est pas le cas - et je ne connais pas la réponse à cette question - et s'ils ne peuvent exercer aucun contrôle sur ceux qui peuvent ou non se présenter devant eux, faudrait-il modifier la loi en ce sens?
M. Palmer: Selon nous, oui, il faudrait modifier la loi. Dans certains cas, les commissaires aimeraient mieux que certains personnages ne comparaissent plus devant eux, mais selon notre interprétation de la loi, ils n'ont pas le pouvoir...
Le président: Quelle loi?
M. Palmer: La Loi sur l'immigration. Si telle ou telle personne se présente en tant que conseiller représentant un demandeur, nous devons l'accepter, si c'est ce que désire le demandeur.
Le président: Voulez-vous que nous apportions ce changement à la loi?
M. Palmer: Je ne sais pas si cette idée soulève beaucoup d'enthousiasme chez les commissaires. Un tel changement signifierait que nous devrions agir en tant que policiers, si vous voulez, et je ne pense pas que ce soit un rôle approprié pour nous. Nous sommes un tribunal d'arbitrage. Vous vous souvenez peut-être de l'origine des barreaux, qui sont nés de la juridiction inhérente des tribunaux, qui ont le pouvoir de décider de ceux qui ont le droit de plaider devant eux, et peut-être avez-vous aussi remarqué que les tribunaux ont cédé cette tâche, il y a longtemps, aux corporations professionnelles, aux barreaux, pour d'excellentes raisons, selon moi.
Je pense qu'il serait difficile pour nous de déclarer qu'un tel s'est mal comporté et ne peut comparaître devant nous, alors qu'un autre est digne de comparaître. Cela mettrait les commissaires dans une drôle de position, et une position malsaine. C'est une position qui risque de provoquer toutes sortes de conflits. Nous préférerions très certainement qu'un tiers ait la responsabilité de déterminer si telle ou telle personne a les compétences et le comportement voulus et attendus de ceux qui se présentent comme conseillers devant nous.
M. Mayfield: Je pense à la situation qui a cours devant les tribunaux à l'heure actuelle; personne ne suggère que les commissaires de la CISR devraient être des juges, mais par contre, les juges jouissent d'une assez grande discrétion et peuvent administrer à leur guise leur salle d'audience. Pensez-vous qu'il faudrait accorder de plus grands pouvoirs discrétionnaires de cet ordre aux commissaires de la CISR, et que cela leur serait utile?
M. Palmer: Les juges jouissent de certains pouvoirs extraordinaires, mais même le pouvoir des magistrats est limité, en ce sens que si un juge estime qu'un avocat qui est devant lui se comporte très mal, il peut l'accuser d'outrage au tribunal, mais c'est un pouvoir assez brutal. Ils peuvent aussi porter plainte de façon à attirer l'attention du Barreau, ce qui nous ramène une fois de plus à la possibilité de réglementer ce genre de comportement directement.
Je pense que les juges se retrouvent dans la même position que nous quand ils ont devant eux des parties qui sont peut-être mal représentées. Les juges savent qu'ils éprouvent un certain ressentiment face au comportement de l'avocat; ils estiment que l'avocat est incompétent, mais ils ont devant eux des gens qui ont des histoires à leur raconter, qui doivent plaider leur cause, et le travail du juge est de les écouter pour en arriver à une décision, tout en tentant de faire abstraction du comportement des personnes qui se présentent devant eux, et je pense que c'est généralement ce qui se produit.
Franchement, je ne pense pas que cela améliorerait beaucoup les choses pour nous si nous avions le pouvoir de décider de ceux et celles qui peuvent - ou ne peuvent pas - comparaître devant nous.
Pierre, avez-vous des pensées dont vous aimeriez nous faire part à ce sujet?
M. Duquette: Oui, d'une certaine façon, je pense que nous sommes en meilleure position que les juges. Quel que soit le tribunal, qu'il s'agisse d'un tribunal ordinaire ou d'un tribunal administratif, ce sont les clients qui choisissent leur avocat, et non les juges, ou les juges du tribunal administratif. C'est la situation qui a cours, même si le client choisit quelqu'un que le juge abhorre et préférerait éviter. Il devra quand même l'endurer pour la journée.
Le juge d'un tribunal ordinaire écoutera les deux parties dans une cause et attendra la fin avant de prendre sa décision. Par contre, le devoir du commissaire de la CISR est de faire enquête sur le cas et de déterminer si le demandeur est ou non un réfugié, parfois en dépit de l'avocat. Si l'avocat fait mal son travail, c'est au commissaire d'essayer d'élucider les éléments du cas, et même d'y ajouter sa propre information, dans le but de déterminer si la personne est, ou n'est pas, un réfugié. Nous sommes donc dans une meilleure situation à mon avis.
M. Mayfield: Cette nouvelle n'a pas été confirmée, mais j'ai entendu dire que le nouveau gouvernement de l'Ontario envisageait la possibilité de mettre fin aux paiements de l'aide juridique qui sont versés aux conseillers non juristes. Avez-vous entendu dire quelque chose du genre et, plus précisément, quel effet cela aurait-il sur le travail de la CISR?
Le président: Permettez-moi de vous interrompre. Vous ne pouvez obtenir de paiements de l'aide juridique que si vous êtes un avocat. Le gouvernement envisage de ne pas accorder l'aide juridique à certains réfugiés.
M. Mayfield: Quel serait l'effet d'une telle décision?
M. Palmer: J'ai brièvement fait allusion à cette possibilité dans mes remarques liminaires, et c'est quelque chose que nous prenons très au sérieux. Nous avons toujours été en faveur de l'aide juridique aux personnes qui comparaissent devant la Commission, certainement dans la section des réfugiés et dans d'autres cas, où l'issue d'une cause peut être la détention ou l'expulsion du demandeur du Canada.
S'il devenait beaucoup plus difficile d'obtenir l'aide juridique et si moins de gens pouvaient se faire représenter devant nous, ce serait très grave. Ce serait un problème pour nous aussi, car nous devrions compenser l'absence de représentants juridiques en aidant les gens à présenter leurs causes. Il y a toutes sortes de problèmes qui se posent quand les demandeurs ne sont pas représentés, et ces difficultés se multiplieraient; certains documents n'auraient pas été déposés, les gens ne connaîtraient pas les critères auxquels ils doivent répondre, ne sauraient pas comment établir le bien-fondé de leurs demandes, ni quels éléments présenter, ne comprendraient pas les procédures et ne se présenteraient pas au moment prévu.
L'autre problème, c'est que compte tenu des risques juridiques liés au fait de ne pas avoir reçu le statut de réfugié, ces gens-là s'adresseraient certainement à des experts-conseils en immigration, ce qui amplifierait considérablement le problème qui existe déjà à la section du statut de réfugié. J'estime que ce serait très regrettable. Nous considérons que l'on comblerait éventuellement une lacune en réglementant les experts-conseils en immigration si l'aide juridique était beaucoup plus difficile à obtenir.
M. Assadourian (Don Valley-Nord): Pourrions-nous avoir un exemplaire de l'étude du gouvernement ontarien sur les experts-conseils dont vous avez parlé?
M. Palmer: Il s'agit du rapport Ianni sur les techniciens juridiques qui a été faite vers 1989, si je ne me trompe. Si le Comité n'en a pas un exemplaire, je vous en procurerai un volontiers.
Mme Margaret Young (attachée de recherche): Si j'ai bonne mémoire, quelques passages seulement du rapport concernent les experts-conseils. C'est un rapport qui porte sur les techniciens juridiques en général. Je l'ai mentionné dans l'aperçu que j'ai préparé. Vous pourriez peut-être y jeter un coup d'oeil.
M. Assadourian: Vous avez dit que l'on avait beaucoup de problèmes avec les experts-conseils et qu'il ne faut pas supprimer les termes «autres conseillers» quand on fait un exposé. Pouvez-vous dire pourquoi vous ne voulez pas qu'on les supprime? Que se passera-t-il si on le fait?
Il y a beaucoup de transactions en argent liquide qui se font. J'ai entendu parler de quelques cas dans ma circonscription. Connaissez-vous un cas où des experts-conseils ont remis de l'argent liquide à des employés du ministère pour obtenir certaines faveurs en retour? J'ai entendu parler d'un expert-conseil qui a été accusé de meurtre au deuxième degré et de sa fille qui a été accusée de meurtre au premier degré. On en a parlé dans les journaux. Cet expert-conseil roulait en Mercedez. Je crois qu'il est toujours expert-conseil.
M. Palmer: Votre deuxième question est tellement intéressante que je crains que ce soit la seule dont je me souvienne pour l'instant.
Le président: La première était la suivante: pourquoi n'interdit-on pas à tous ceux qui ne sont pas avocats d'intervenir.
M. Assadourian: Elle concernait les termes «autres conseillers».
M. Palmer: Je crois que dans certains cas, ce n'est peut-être pas absolument nécessaire. Par exemple, dans les cas d'appel concernant des personnes parrainées fait devant la section des appels, il n'y a pas de droits juridiques qui entrent en ligne de compte. Personne ne risque d'être emprisonné ou renvoyé dans une région dangereuse ou déporté à l'étranger. Par conséquent, la nature des intérêts en jeu varie considérablement selon les cas.
Au niveau de la section des appels, si c'est une question de parrainage, il est très souvent possible que d'autres personnes, comme des membres de la collectivité, des membres d'ONG, de la parenté, des amis ou des gens qui connaissent assez bien la situation, aident les intéressés. Parfois, il suffit de prouver que son revenu est suffisant pour pouvoir parrainer un membre de sa famille. Dans un autre cas, je crois qu'il faut se demander si la présence d'un avocat, avec les frais et la procédure que cela implique, est absolument nécessaire, compte tenu de la nature des intérêts juridiques.
Je crois que la Commission tient à ce que la procédure soit la plus informelle possible. Nous n'estimons pas que nos procédures doivent être compliquées au point de toujours nécessiter la présence d'un avocat pour représenter un client si c'est ce que veut ce dernier, et certainement pas dans les cas qui ne sont pas compliqués. Par contre, la plupart des gens souhaitent se faire accompagner et nous ne voyons aucun inconvénient à ce que la personne qui les accompagne ait la compétence voulue pour essayer de régler les problèmes susceptibles de se poser dans le cadre de l'étude d'une demande.
Personne ne contestera, je pense, que lorsque la section du statut de réfugié a affaire à un cas de déportation, l'avocat est probablement le meilleur défenseur que l'on puisse trouver, en tout cas lorsque des questions juridiques complexes se posent. Ce n'est peut-être pas toujours le cas lorsqu'il s'agit de questions moins complexes, mais j'estime qu'il est important de se faire représenter par quelqu'un qui est au moins capable de reconnaître ses propres limites. Quand il est dépassé, un bon professionnel recommande à son client de se faire représenter par un expert, par quelqu'un qui est plus compétent que lui.
À propos de votre deuxième question, je ne connais personnellement aucun cas de fonctionnaire des services d'immigration ou de la CISR ou n'importe quel autre organisme gouvernemental qui ait accepté de l'argent de quelqu'un dans l'exercice de ses fonctions.
Le président: Ni un mandat.
M. Palmer: Ni un mandat-poste, ni des objets de valeur ou autres objets, des manteaux de fourrure. Ce serait manifestement de la corruption et je ne connais personnellement aucun cas de ce genre.
M. Assadourian: Voici ma troisième et dernière question. Vous souvenez-vous qu'il y a quelques années, il y avait environ 100 000 dossiers d'immigration en retard? Les gens faisaient la queue sur Université Avenue, à Toronto, pour essayer d'entrer dans les bureaux de l'immigration.
C'est pourquoi le gouvernement a décidé d'instaurer un système électronique et de déménager les services de traitement à Vegreville et à Missisauga. Maintenant, pour savoir où en est votre dossier, il suffit de former le numéro puis d'appuyer sur le bouton 1 si on veut les services en anglais et sur le 2 si l'on veut les services en français et pousser tel ou tel bouton pour communiquer votre date de naissance ou votre numéro d'assurance sociale.
Nous n'avons plus de retard. À cause du retard, il y a maintenant beaucoup plus d'experts-conseils qu'il ne faut. Est-il possible de revenir à l'ancien système des contacts personnels entre ceux qui ont besoin du service et ceux qui le fournissent?
La plupart du temps, quand les gens viennent dans mon bureau, ils me demandent où en est leur dossier. Je leur répond qu'ils ne sont là que depuis deux mois et que cela prendra du temps. Ces gens-là devraient probablement payer s'ils avaient été trouver un expert-conseil, mais quand ils viennent chez nous, cela ne leur coûte rien. C'est l'un des services que l'on offre.
Ce que j'essaie de dire, c'est si l'on pourrait éliminer en partie le besoin de s'adresser à un expert-conseil si l'on revenait à l'ancien système, c'est-à-dire si l'on établissait une communication directe entre qui offre le service et ceux qui le reçoivent.
M. Palmer: J'estime heureusement ne pas avoir la compétence voulue pour en parler. Si je ne me trompe, monsieur Harder, qui est sous-ministre de l'Immigration et est chargé de superviser les activités de ce ministère, viendra témoigner devant vous. C'est directement son domaine.
Le président: Non, il n'a pas le temps de venir et nous verrons Mme Laura Chapman. Nous essayons toujours d'organiser une rencontre avec lui.
M. Palmer: C'est moi qui me suis trompé.
Je ne suis malheureusement pas en mesure de répondre. Pierre, je ne sais pas si ton expérience te permet de faire des commentaires à ce sujet.
M. Duquette: En fait, je crois qu'on pourrait dire que nous sommes heureux que ce ne soit pas notre problème. C'est une question qui relève de l'Immigration et de la Citoyenneté et cela ne relève pas du tout de nous. Nous n'avons rien à voir avec Vegreville ni avec les bureaux d'immigration. Comme l'a dit Philip, quelqu'un viendra en discuter plus tard.
Le président: Espérons que nous pourrons nous arranger pour que ce soit cette semaine.
M. Assadourian: Merci.
Le président: Voulez-vous poser à nouveau votre question concernant les contacts avec la Commission du statut de réfugié? Je crois que vous voulez savoir s'il y a moyen de mieux renseigner le public.
M. Assadourian: Cela dispenserait les intéressés de devoir engager un expert-conseil. C'est ce que j'essayais de dire, pour éviter de communiquer avec Vegreville ou d'autres services.
M. Duquette: Le problème ne se pose pas à la CISR. Un client ou son avocat ont bel et bien la possibilité d'obtenir de bons renseignements sur son dossier. Il n'y a pas de problème. Les avocats ou les clients peuvent appeler pour savoir ce qu'est devenu le dossier. C'est très facile. Ils peuvent venir au bureau où l'on peut toujours rencontrer quelqu'un. Ce n'est pas une machine, contrairement à ce que vous avez dit. Nous n'en sommes pas encore arrivés là.
M. Dromisky (Thunder Bay - Atikokan): On a déjà répondu à mes questions. Je suis très préoccupé par l'hypocrisie, et par l'escroquerie, et par la rapacité qui incitent certaines personnes à s'improviser experts-conseils et à escroquer le plus possible les gens sous prétexte de vouloir leur venir en aide.
Le président: Vous ne parlez pas des députés, je suppose?
M. Dromisky: Non; je parle des experts-conseils.
Je ne sais pas comment on va résoudre ce problème, mais il faut faire quelque chose pour éviter que ce genre d'attitude se répande et se perpétue. Le gouvernement fédéral veut prendre le taureau par les cornes et dire qu'il fera en sorte que seules des personnes qualifiées fournissent les services requis à ceux et celles qui en ont besoin et qu'il établira un programme avec l'aide de la province... Il faut faire quelque chose.
J'ignore quelle est l'étendue de vos pouvoirs. Pouvez-vous recueillir des renseignements sur le genre d'avis que les experts-conseils donnent à leurs clients? Est-ce autorisé par la loi?
M. Palmer: Ce ne l'est pas. Nous voyons ce que cela donne à la salle d'audience. Il nous arrive d'être très préoccupés, mais nous ne savons évidemment pas ce que les experts-conseils ont dit à leurs clients ni ce que ceux-ci leur ont raconté. Ils sont liés par le secret professionnel, en quelque sorte. Nous ne sommes pas les mieux placés pour obtenir ce genre de renseignements.
M. Dromisky: Je ne suis pas préoccupé uniquement par la question temps. On joue avec la vie d'une foule de personnes et cela leur coûte très cher. En outre, cela coûte beaucoup d'argent aux contribuables à la longue. J'estime qu'il est temps que l'on prenne le taureau par les cornes et que l'on essaie de régler ce problème.
M. Palmer: Il y a un fait qui mérite peut-être d'être signalé. On a parfois tendance à l'ignorer ou à formuler cela de différentes façons. Il s'agit notamment d'un abus du rapport de forces qui existe. Quand on engage un expert-conseil pour son propre compte, on investit cette personne d'un énorme pouvoir moral. Certains experts-conseils ont systématiquement abusé du pouvoir qu'ils ont sur les personnes qu'ils représentent. C'est peut-être ce que je trouve le plus répréhensible et ce qui nous incite le plus à croire qu'il faut régler le problème le plus vite possible. C'est un problème très grave et il peut faire des dommages considérables.
Le président: J'ai entendu dire qu'il est arrivé que les membres de la Commission interdisent l'accès à certains experts-conseils, leur interdisent de comparaître, et que personne ne l'avait contesté.
M. Palmer: C'est peut-être la clé. Quelqu'un m'a dit que l'on a fait savoir à certains experts-conseils qu'ils étaient persona non grata et qu'ils ne pouvaient plus se présenter devant la Commission. S'ils avaient insisté sur leurs droits juridiques, je ne suis pas sûr que la loi aurait confirmé la légalité de notre attitude.
Le président: D'après votre témoignage, vous ne voulez pas en faire une habitude.
M. Palmer: Je ne pense pas que ce serait sain.
Le président: Cela vous ennuie-t-il si l'attachée de recherche vous pose une question?
M. Palmer: Non. Allez-y.
Mme Young: Quelqu'un a dit que la réduction de l'aide juridique dans diverses provinces risquait d'inciter les gens à engager des experts-conseils plutôt que des avocats. Il me semble que ce serait le cas uniquement si les experts-conseils pratiquaient à des tarifs plus bas que ceux-ci. On a entendu parler de certains cas où les tarifs étaient exorbitants, mais avez-vous déjà entendu dire que les experts-conseils sont payés généralement moins pour leurs services lorsqu'ils viennent devant la Commission?
M. Palmer: Cela varie énormément et nous n'en n'avons absolument aucune preuve. J'ai l'impression qu'il existe plusieurs sortes d'experts-conseils. Certains d'entre eux sont très sérieux. Il s'agit très souvent de gens qui étaient des hommes de loi dans leurs pays d'origine et qui ont une grande conscience professionnelle. Leurs honoraires sont peu élevés et concurrentiels et ils offrent un véritable service. Je crois que c'est le genre d'experts-conseils qui attirent naturellement des clients.
Dans la plupart des cas où j'ai entendu parler d'honoraires exorbitants, il s'agit de gens qui promettent ou garantissent d'obtenir un certain résultat, d'exercer une certaine influence ou de faire pencher la décision du ministère ou de la CISR en faveur de leurs clients. On ne voit pas beaucoup de gens comme cela à la section du statut de réfugié ni dans les cas d'expulsion. Je crois que cela a tendance à se produire dans les cas de parrainage par la famille ou lorsqu'il s'agit de demandes faites à l'étranger, par exemple.
Pierre, vous avez peut-être...
M. Duquette: Oui. En ce qui concerne la représentation devant la CISR dans la province de Québec, d'après les avocats et les experts-conseils que je connais, je dirais que si l'on cessait de fournir de l'aide juridique, ce ne serait pas plus cher dans certains cas de recourir à un avocat qu'à un expert-conseil. Cela coûterait probablement la même chose.
Le président: Pas possible?
Merci beaucoup d'être venus, messieurs. Nous apprécions vos témoignages. Espérons qu'on prendra le taureau par les cornes et que l'on arrivera à contribuer à résoudre le problème.
La séance est levée.