[Enregistrement électronique]
Le lundi 18 septembre 1995
[Traduction]
Le coprésident (le sénateur Oliver): Bonjour. Je m'appelle Don Oliver et je suis un des coprésidents.
Conformément aux ordres de renvois adoptés par le Sénat le mercredi 28 juin 1995 et par la Chambre des communes le lundi 19 juin 1995, nous sommes réunis pour discuter d'un code d'éthique à l'intention des sénateurs et des députés de la Chambre des communes.
C'est en toute logique que nous entendons aujourd'hui comme premier témoin Howard Wilson, le conseiller en éthique.
Monsieur Wilson est né à Edmonton, en Alberta. Ses études ont été couronnées par un Baccalauréat en économie (avec mention honorable) décerné par l'Université d'Edmonton. En 1964, il est entré à la fonction publique où il a occupé plusieurs postes au ministère du Commerce, des Affaires étrangères et du Commerce extérieur. De 1991 à 1993, il a occupé le poste de directeur exécutif du Secrétariat de la concurrence et de la prospérité à Industrie, Science et Technologie Canada et en juin 1993, il a été nommé sous-registraire général adjoint toujours à Industrie Canada. À ce poste, il est chargé d'administrer le code de conflit d'intérêts et d'après-mandat des titulaires de charges publiques.
Il est donc opportun qu'aujourd'hui, alors que nous commençons notre périple au pays des conflits d'intérêts et de l'éthique, nous entendions comme premier témoin M. Howard Wilson.
Monsieur, vous êtes invité à faire une déclaration préliminaire puis nous souhaiterons que vous répondiez aux questions qui vous seront posées par les membres de ce comité des deux côtés de la table. C'est à vous.
M. Howard Wilson (conseiller en éthique): Je vous remercie infiniment, monsieur le président. Je n'ai que quelques commentaires à faire.
Au cours des toutes dernières années, on s'interroge à savoir ce que pourrait être un code d'éthique approprié pour les sénateurs et pour les députés. De mon point de vue, la meilleure façon de commencer les discussions est de distinguer clairement entre les règles qui sont appropriées pour les législateurs, qu'ils soient de la Chambre des communes ou bien du Sénat, et les règles additionnelles requises des membres de l'exécutif, c'est-à-dire du gouvernement et tout particulièrement des ministres.
Un principe important, à plus d'un point de vue, un principe fondamental, doit être que les députés et les sénateurs ne devraient pas être empêchés d'avoir des intérêts en dehors de leur travail et d'être actifs dans leur milieu. Plusieurs soutiennent que c'est essentiel à la santé de notre démocratie parlementaire.
[Français]
En Ontario, l'an dernier, la Loi de 1994 sur l'intégrité des députés a été votée à l'unanimité de l'Assemblée législative. Elle a reçu l'assentiment royal en septembre, mais elle n'a pas encore été proclamée.
Le premier paragraphe de son préambule se lit comme suit:
- L'Assemblée dans son ensemble est à même de représenter le plus efficacement la population
de l'Ontario si les députés ont une expérience et des connaissances touchant à divers aspects de
la vie en Ontario et s'ils peuvent continuer à jouer un rôle actif dans leur collectivité, notamment
en oeuvrant dans le monde des affaires ou en exerçant une profession.
[Traduction]
Au Royaume-Uni, le comité Nolan fut établi par le gouvernement pour examiner les préoccupations actuelles à l'égard des normes de conduite de tous les titulaires de charges publiques. Son rapport préliminaire, en mai de cette année, en traitant d'emplois extérieurs pour les députés, rapporte les commentaires suivants:
- 19. Nous croyons que ces députés qui désirent être membres du Parlement à temps plein
devraient être libres de l'être, et qu'aucune pression ne devrait être exercée sur eux d'acquérir
des intérêts à l'extérieur. Mais nous estimons aussi qu'il est souhaitable pour la Chambre des
communes d'avoir des députés possédant une vaste diversité d'intérêts extérieurs continus. Si
tel n'était pas le cas, le Parlement serait moins bien renseigné et efficace qu'il l'est à l'heure
actuelle. Un Parlement composé uniquement de politiciens professionnels à temps plein ne
servirait pas les meilleurs intérêts d'une démocratie. La Chambre doit, si possible continuer à
représenter un vaste échantillon d'expériences courantes qui peuvent contribuer à son
savoir-faire.
- 20. En plus d'avoir des députés possédant des intérêts extérieurs continus, il est également
important que la Chambre des communes continue d'avoir des députés possédant une vaste
diversité d'antécédents. Nous devrions nous inquiéter de l'éventualité d'un resserrement de
l'éventail des hommes et des femmes compétents qui seraient attirés pour se présenter au
Parlement si les députés étaient interdits des intérêts extérieurs rémunérés. Nous croyons que
beaucoup de personnes compétentes ne voudraient entrer au Parlement si elles devaient non
seulement subir une baisse considérable de revenus pour ce faire mais aussi courir le risque de
voir leurs sources de gagne-pain disparaître complètement si elles venaient à perdre leur siège.
- Nous recommandons que les membres du Parlement demeurent libres d'avoir un emploi
rémunéré non relié à leur rôle de député.
Comparons maintenant ce qui précède à la situation s'appliquant aux ministres et aux autres membres du gouvernement. Ici, depuis des années, il a semblé essentiel que des règlements et des obligations régissant les conflits d'intérêts soient en place pour ces titulaires de charges publiques. Au niveau fédéral, ces règles en plus de la divulgation des biens et d'exigibilités et d'activités extérieures, précisent que les ministres, et autres, ne peuvent exercer une profession, diriger ou exploiter directement une affaire financière ou commerciale, conserver ou accepter un poste d'administrateur ou un autre poste dans une société financière ou commerciale, occuper un poste dans un syndicat ou une association professionnelle ou agir comme consultant rémunéré. De plus, le commerce de valeurs mobilières cotées en bourse, par exemple des actions, ne leur est pas permis.
Pourquoi? Parce qu'il était généralement bien connu que les ministres et les autres membres du gouvernement détiennent des pouvoirs considérables et ont accès à des renseignements qui pourraient mener à des situations de conflits d'intérêts à moins que certaines mesures soient prises pour prévenir ou pour éviter ces genres de situations. C'est ce que le code régissant les conflits d'intérêts tente d'accomplir.
Toutes les provinces et les territoires à l'exception de l'Île-du-Prince-Edouard, de la Nouvelle-Écosse et du Manitoba, font cette importante distinction entre les mesures appropriées aux membres de leurs assemblées respectives et celles qui s'adressent aux ministres.
Comment les autres juridictions ont-elles traité de la question des conflits et des législateurs? Contrairement à la situation des membres de l'exécutif où l'on essaie d'éviter la perception de conflits d'avance, l'hypothèse de fonctionnement a été d'accepter que des situations de conflits possibles sont propres à toute personne qui possède un éventail de biens et d'activités extérieures.
Dans les autres juridictions, et celles-ci comprennent la plupart des provinces et des territoires, la Chambre des communes britannique et le Congrès américain, l'emphase a été placée dans la divulgation. Ceci exige, normalement, que chaque législateur divulgue ses biens, ses dettes et ses activités extérieures. Dans la plupart des provinces, ceci est fait à titre confidentiel et un extrait est disponible dans un registre public, généralement par l'intermédiaire du greffier de l'Assemblée. Ces divulgations au Canada comprennent des renseignements sur le conjoint et sur les enfants à charge.
La divulgation est donc le coeur du système. Ce qui l'accompagne habituellement est l'exigence générale d'éviter les conflits en se retirant des discussions ou des débats qui pourraient avoir une incidence sur les intérêts privés de cet individu. L'essentiel de cette exigence et de cette responsabilité est qu'aucune interdiction n'est retenue pour les membres de l'Assemblée qui exercent une profession, dirigent ou exploitent une affaire ou investissent dans des valeurs mobilières négociables cotées en bourse.
L'autre situation qu'un nombre d'autres jurisdictions ont jugé importante fut l'élaboration d'un guide, à savoir quels cadeaux ou quelles autres formes d'hospitalité sont appropriés. Au Canada, au niveau fédéral, on ne s'inquiète généralement pas des cadeaux de moins de 200$. La même situation se retrouve dans les provinces où l'éventail varie d'une «valeur modeste» au Québec à plus de 1 000$ d'une même source sur deux années à l'Île-du-Prince-Édouard.
[Français]
D'autres problèmes auxquels le Comité voudrait s'attarder dans ses délibérations pourraient inclure, selon moi, les voyages et les règles prescrites dans la Loi sur le Parlement du Canada à l'égard des contrats. Les règles de cette loi, telles qu'elles s'appliquent aux députés et aux sénateurs, requièrent peut-être une mise à jour. Elles permettent de s'impliquer dans certains types de contrats, mais, par exemple, elles interdisent toute implication dans les contrats de construction d'un travail public. L'Ontario a récemment traité de cette question en interdisant généralement à un député d'être partie à un contrat ou d'avoir un intérêt dans une société privée qui détient un contrat avec le gouvernement de l'Ontario. Cependant, la société en question pourrait obtenir un contrat du gouvernement si l'intérêt du député faisait l'objet d'une fiducie de gestion approuvée.
Pour résumer, j'ai mis l'accent sur le fait que votre Comité devrait retenir le principe qu'il est grandement souhaitable que les députés et les sénateurs aient des intérêts extérieurs. Je suis en contact de façon régulière avec mes homologues provinciaux, et ils me disent que la confiance du public envers les députés a augmenté depuis que la divulgation publique est spécifiquement exigée.
[Traduction]
Si le Comité en venait à la conclusion que ce serait un résultat souhaitable, vous devriez donc décider à qui la divulgation devra être faite. Ce pourrait être aux greffiers respectifs de chacune des Chambres ou bien à une personne spécialement mandatée. Les deux manières se retrouvent au niveau des provinces.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Merci beaucoup, monsieur Wilson de cet exposé des plus intéressants. Vous avez certainement suscité notre intérêt en nous disant des choses très différentes de ce que nous avons pu lire dans la documentation écrite par le passsé. Vous adoptez une approche nouvelle face à un problème très épineux.
Nos séances comportent un autre aspect unique puisque nous devons non seulement examiner la question de ce qu'on appelle les conflits d'intérêts, mais également nous pencher sur un nouveau code de déontologie. Il y a une différence entre les deux. Avant de passer à des questions d'ordre général, je me demande si vous pourriez nous conseiller sur ce qu'il faudrait inclure dans un code de déontologie. Au cours de votre exposé, vous avez parlé des présents, mais quel autre conseil pouvez-vous nous donner? Où se fait la démarcation? Que faut-il inclure et que faut-il exclure, à votre avis?
M. Wilson: Merci, monsieur le sénateur. L'un des aspects importants, à mon avis, du code sur les conflits d'intérêts auxquels doivent se conformer les ministres, c'est le fait que l'on y trouve quelques règles précises. On y trouve notamment des règles sur l'exercice d'une profession, sur le genre d'actifs que l'on peut déternir et sur les présents que l'on peut recevoir.
Face à toute la gamme de problèmes auxquels font face les ministres et tout détenteur d'une charge publique - et j'inclus les sénateurs et les députés - il est important que le code repose sur un ensemble de principes. C'est de ces principes que découlent les règles que nous appliquons.
Ces principes incluent l'exigence fondamentale voulant que les détenteurs de charges publiques agissent avec honnêteté et respectent les plus hautes normes morales, que dans l'exécution de leurs fonctions officielles, leur comportement se prête à un examen attentif de la part du public, qu'ils prennent leurs décisions dans l'intérêt public en se fondant sur les mérites de chaque cas et qu'ils organisent leurs affaires privées de façon à ce que, s'il devait y avoir un conflit entre celles-ci et leurs responsabilités publiques, ils agissent dans l'intérêt public.
Voilà, monsieur le sénateur, certains des grands principes que vous voudrez peut-être songer à inclure dans le code.
Lord Nolan, comme par hasard a formulé cette recommandation. Le premier ministre britannique lui a demandé d'examiner le problème des députés, d'examiner la question de l'exécutif et de leur équivalent dans les sociétés d'État. Il va examiner la Chambre des Lords. Il va énoncer une série de principes généraux semblables qui portent sur l'intégrité, l'objectivité, l'ouverture et la transparence. Ainsi, un député, confronté à une question qui le préoccupe, pourrait se reporter à ces principes.
Il y a plusieurs exemples. Je ne voudrais pas définir à votre place ce qui convient le mieux aux députés et aux sénateurs.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Mais on devrait commencer par examiner quelques principes qui pourraient s'appliquer.
M. Wilson: Oui.
[Français]
Le sénateur Gauthier (Ontario): Monsieur Wilson, la position que vous proposez est différente de celle qui avait été proposée par le dernier comité à l'égard du projet de loi C-116. Je suis certain que vous vous en souvenez. Vous dites qu'il devrait y avoir un système ou des règlements pour contrôler les ministres et les autres gens qui ont un rôle important à jouer dans le gouvernement. Les autres législateurs, qu'ils soient députés ou sénateurs, seraient exclus.
Je pense que dans les provinces, actuellement, toutes les règles ayant trait aux conflits d'intérêts s'appliquent à tous les parlementaires. Est-ce que je me trompe? Dans vos remarques, vous avez donné certains exemples qui semblent indiquer qu'il y aurait une distinction à faire entre les ministres ou ceux qui sont proches du gouvernement et les autres parlementaires. Êtes-vous d'accord avec moi que ces lois provinciales s'appliquent à l'ensemble de la législature en question plutôt qu'à certains membres du Cabinet en particulier?
M. Wilson: Il n'est pas tout à fait juste de dire que les obligations dans les provinces sont exactement les mêmes pour les députés des assemblées et les membres du Cabinet.
En Ontario, par exemple, et l'Ontario est un bon choix, il y a des règles de divulgation qui affectent tous les députés, y compris les membres du Cabinet. Cependant, les ministres ont des obligations additionnelles.
Le sénateur Gauthier: C'est cela.
M. Wilson: Au Québec, les lois de l'Assemblée nationale affectent tous les députés et certaines lignes directrices émises par le premier ministre affectent uniquement les membres du Cabinet.
[Traduction]
Le sénateur Gauthier: Ai-je bien entendu, vous dites qu'il faudrait deux ensembles de règlements? Je vous ai entendu dire deux ensembles aujourd'hui, et le comité précédent avait déclaré qu'il fallait un ensemble de règles pour tous les députés, qu'ils soient ministres ou autres, et peut-être d'autres règles ou règlements pour ceux qui ont la responsabilité d'un ministère ou qui sont secrétaires parlementaires ou qui occupent d'autres fonctions semblables.
Vous ai-je mal compris?
M. Wilson: Je tente de faire une distinction, dans mon esprit du moins, entre ce qui convient au législatif et ce qui convient à l'exécutif.
Le sénateur Gauthier: Donc, il y aurait deux ensembles de règles?
M. Wilson: Oui. Toutefois, dans la mesure où une personne est député de l'assemblée législative et membre de l'exécutif, elle pourrait être visée par deux ensembles d'obligation.
Ce que je voulais faire ressortir clairement c'est qu'il est fondamental pour les législateurs de de savoir s'il convient ou non d'avoir des intérêts extérieurs.
Dans la mesure où quelqu'un a été nommé ministre ou secrétaire parlementaire, les règles additionnelles s'appliqueront et il deviendra peut-être alors impossible pour cette personne de faire telle ou telle chose. Voilà la règle au Canada. C'est la même règle dans les provinces et ailleurs.
[Français]
Le sénateur Gauthier: Le Comité a été chargé d'élaborer un code d'éthique. Les principaux éléments du code comprennent d'abord tout ce qui se rapporte aux conflits d'intérêts. Il y a ensuite tous les avantages personnels, les cadeaux que vous avez mentionnés dans vos commentaires, les avantages spéciaux donnés par un tiers ou les voyages, le lobbyisme qui se fait habituellement, en plus des règles relatives aux relations d'un ancien parlementaire, après son mandat, avec le gouvernement. Ensuite, il y a la question de savoir s'il est permis à un ancien parlementaire de traiter avec un gouvernement pour des achats ou des contrats de service.
En ce qui a trait à l'imputabilité et à l'intégrité de l'individu, voyez-vous des champs d'action qu'il faudrait restreindre autres que ceux dont je viens de vous mentionner?
M. Wilson: Les responsabilités des députés et des sénateurs sont tout à fait claires. Les députés représentent leurs électeurs et les sénateurs, les provinces.
On se demande souvent si les décisions que prennent les députés relèvent de la responsabilité privée ou publique. La responsabilité d'un ministre, par exemple, est très importante. Le ministre détient des renseignements et des pouvoirs, mais les députés ont la responsabilité de représenter leurs électeurs à l'assemblée législative. Je trouve que ces personnes sont souvent en conflit.
Il est bien clair que tous les députés d'une assemblée législative font face à des conflits, mais est-ce un problème? Je ne le crois pas, parce que leurs responsabilités sont tout à fait différentes de celles des ministres.
Voici un exemple précis. Une compagnie quelconque propose à un député de faire un voyage en Europe pour représenter les intérêts de la compagnie. Selon moi, il y a là un possible conflit d'intérêts. Mais si le voyage a pour objet la participation du député à une réunion internationale par l'entremise des associations interparlementaires, il n'y a pas conflit.
En l'absence de règles sur ce qui doit être fait en cas de conflit d'intérêts, à l'occasion, le député ou le sénateur doit se demander ce qu'il doit faire en cas de conflit. Il doit se demander si ce qu'il fait est tout à fait compatible avec ses responsabilités de député ou de sénateur. L'absence de telles règles crée un problème.
Au provincial, il y a des règles pour les cadeaux offerts aux députés; il y a des règles pour les délégations. Certaines situations où les intérêts pécuniaires d'un député sont en jeu obligent ce dernier à se récuser et à se retirer de la discussion.
Pour un ministre, c'est différent parce qu'il ne peut pas toujours se récuser. Un gouvernement ne pourrait pas fonctionner si les membres du Cabinet se récusaient 40 ou 50 p. 100 du temps. Il faut que les ministres prennent des mesures pour éviter les conflits d'intérêts.
Le sénateur Gauthier: Merci.
[Traduction]
M. McWhinney (Vancouver Quadra): Monsieur le président, j'ai la même préoccupation que vous, je crois, à propos de l'exposé. Il me semble que le raisonnement n'aboutit pas vraiment aux conclusions qu'en tire le témoin.
Notre mandat est d'examiner un code d'éthique, qui doit essentiellenent tenir compte de la perception que le public a de ses députés. Nous avons déjà publiquement discuté de la question de savoir si les députés touchent des pensions trop généreuses, une trop forte rémunération, se déplacent trop et autre.
Les conflits d'intérêts sont une question distincte. Elle est implicitement liée au processus législatif. Je m'interroge, par exemple, sur l'à-propos de précédents américains, à moins que l'on considère que la règle qui s'applique au Congrès des États-Unis diffère de ce que Ehrlich appelait la «règle des livres»: les règles abstraites. Les législateurs américains comptent activement participer à l'élaboration des lois, à la rédaction des lois, dès le départ. Ils ne sont pas assujettis aux strictes règles de part qui s'appliquent dans les régimes de la common law d'inspiration anglaise. Autrement dit, ils exercent un très large pouvoir discrétionnaire au moment de voter.
Je peux donc voir pourquoi aux États-Unis on impose des règles très draconiennes en matière de conflits d'intérêts; que ne suivent pas toujours, du reste, les sénateurs et les membres du Congrès. Je peux voir la raison d'être de ces règles, mais je doute que l'on puisse automatiquement les adopter au Canada, où le rôle des députés est totalement différent. Ceux-ci ne s'occupent pas activement de rédiger des lois dès le départ, de véritablement élaborer des lois, et bien sûr - et nous avons tous vu s'exercer la discipline de parti dans tous les partis à la Chambre - ils ne s'occupent pas activement non plus de défendre une position individuelle distincte de la ligne de parti.
Je vous demanderais donc si vous pensez vraiment que, en ce qui a trait au mandat que nous avons eu égard au code d'éthique, s'il y a lieu d'adopter les règles relatives aux conflits d'intérêts des États-Unis et d'autres systèmes où le régime parlementaire diffère du nôtre.
M. Wilson: D'abord, je suis d'accord avec vous. Si j'ai donné l'impression de vanter les règles américaines... ce n'est pas le cas. J'essayais plutôt de dire qu'avant d'entamer cette étude il faudrait d'abord bien cerner la distinction qu'il y a lieu de faire entre les responsabilités, dans notre parlement, du législateur et celles de ceux qui assument des responsabilités ministérielles.
J'ai dit également dans d'autres situations analogues - c'est-à-dire dans d'autres provinces et à la Chambre des communes britannique - on a jugé nécessaire et même souhaitable d'avoir des règles sur la divulgation. Je ne le préconise pas nécessairement, pas du tout. Je dis cependant que l'on ferait erreur en allant au-delà.
À la Chambre des communes britannique et dans d'autres provinces, il y une certaine divulgation publique, par laquelle les députés indiquent les intérêts qu'ils détiennent. Après quoi, une certaine version de cette divulgation est mise à la disposition du public. On y trouverait par exemple les noms des sociétés dont un député peut être administrateur. On peut y constater quel bien foncier il possède outre sa résidence. On pourrait y voir quelles sont les sociétés dans lesquelles il détient des actions. Il y a différentes façons d'aborder cette question.
Il vous appartient indéniablement de décider jusqu'où vous irez mais si vous alliez au-delà, vous commettriez une erreur car ce serait compromettre les chances d'un député ou d'un sénateur de participer pleinement aux activités de sa collectivité.
M. McWhinney: La question de la divulgation des intérêts prend toute son importance, par exemple, dans le cas du processus législatif et, si l'on n'en faisait pas de cas, un ministre qui serait membre du Conseil pourrait faire légitimement l'objet de mesures disciplinaires à la Chambre. On l'a vu par le passé. C'est à cela que revient l'inconduite parlementaire mais selon moi, cet aspect-là n'est pas directement relié à l'étude d'un code d'éthique à l'intention des députés.
À quoi bon demander la divulgation des intérêts dans le cas des députés? Au moment où ils sont élus, on connaît leurs affiliations et leurs antécédents. À quoi bon cette divulgation si les députés ne parrainent pas directement le projet de loi? En d'autres termes, il se peut qu'il y ait conflit dans le cas d'un ministre et une fois repéré, les principes parlementaires les plus stricts s'appliquent. Cependant, quel est l'intérêt dans le cas des simples députés?
J'en reviens à la question plus générale, celle de savoir si nous ne devons pas nous inquiéter plutôt de la perception qu'a le public de la conduite des députés. Ne devrions-nous pas faire de cet aspect-là l'élément essentiel de notre étude?
M. Wilson: Je pense qu'au bout du compte c'est bien la question dont vous serez saisi. Tous ensemble, vous êtes certainement beaucoup mieux placés que moi pour pouvoir apprécier le degré de confiance que vous accorde le public quand il s'agit de l'intégrité des députés.
Permettez-moi de vous donner tout simplement quelques exemples. Dans d'autres pays, on a constaté une inquiétude. Ainsi, en 1974, les Britanniques se sont donné certaines règles. La plupart des provinces en ont fait autant. Pourquoi? Parce qu'on a estimé souhaitable de pouvoir compter sur un minimum de divulgation des intérêts que pouvait détenir un député ou son conjoint.
Cela se fait à l'échelle du pays. Il s'agit de savoir maintenant s'il est nécessaire de prévoir quelque chose au niveau fédéral et c'est votre comité qui est le mieux à même de répondre à cette question.
Mme Catterall (Ottawa-Ouest): Je voudrais des précisions sur ce que vous avez dit en réponse à une question du sénateur Gauthier. Il s'agissait de voyage. Nous devrions peut-être étudier cet aspect-là dans le contexte des cadeaux, par exemple.
Ainsi, j'ai eu l'impression que vous disiez qu'il pourrait y avoir conflit si quelqu'un acceptait un voyage pour se rendre à une réunion internationale au nom d'une compagnie. C'est bien ce que vous avez dit, n'est-ce pas?
M. Wilson: J'ai dit que cela pourrait poser des difficultés.
Mme Catterall: Toutefois, s'il s'agissait d'un employé, d'un dirigeant de la compagnie ou encore d'un cadre de cette compagnie, il n'y aurait pas de difficulté, n'est-ce pas?
M. Wilson: Non.
Mme Catterall: Quelle est la différence?
M. Wilson: À propos des voyages ou des cadeaux, je vous ai bien signalé qu'à moins que les choses ne soient bien comprises par le public, inévitablement, la presse comme le public penseront qu'il y a quelque chose de malhonnête.
Assurément, s'agissant du code que j'administre pour les ministres, l'existence de certaines règles sur certaines de ces questions permet de faire taire toute allégation d'irrégularité.
Je le répète, invariablement, dans les provinces, on a trouvé souhaitable d'imposer certaines règles sur les avantages.
Quand on voyage pour le compte d'une compagnie, c'est d'un tout autre ordre que d'accepter un voyage dont le coût est assumé par quelqu'un d'autre.
En fait, il ne s'agit pas de déterminer si cet exemple hypothétique est valable ou non. Je voulais tout simplement signaler que cela va entraîner un débat interminable dans la presse sur une irrégularitée possible.
Évidemment, dans le cas des associations interparlementaires, le cas semble très clair et ne fera broncher personne. Mais on s'intéresse tout de même à certains voyages, comme on l'a déjà vu. La plupart d'entre nous se rappellent au moins un cas récent. Je pense qu'il serait bon de se demander quels sont les règles les plus appropriées, car la perception qu'a la population de ce que fait la Chambre des communes est très importante, et ces incidents ne font rien pour redorer le blason de la Chambre. Je ne sais pas quelles règles vous pourriez choisir, et je n'oserais...
Mme Catterall: Laissez-moi reprendre votre principe selon lequel il est sain pour les députés de continuer à participer à différentes activités dans leur collectivité. Quelle est la différence entre, d'une part, celui qui continue à faire partie d'un certain secteur de l'économie en occupant un emploi, en partageant les coûts ou étant gestionnaire ou directeur d'une entreprise et, d'autre part, le député qui continue à participer aux activités de la collectivité en assistant à une conférence qui doit l'informer des travaux de telle ou telle industrie.
M. Wilson: Il n'y a peut-être aucune différence entre les deux.
Mme Catterall: Bien. Passons maintenant à la divulgation. Dans la législation municipale sur les conflits d'intérêts, là où elle existe comme en Ontario, par exemple, il existe un principe de base voulant que l'élu doit divulguer ses intérêts et s'abstenir de prendre part à des discussions sur une question dans laquelle il aurait des intérêts. À la page 3 ou 4 de votre document, vous avez mentionné ce principe de base, sans proposer de solution.
Le Comité devrait peut-être envisager un type bien spécifique de communication de l'intérêt: en effet, supposons que la Chambre soit saisie d'un projet de loi ou qu'un comité auquel vous siégez soit saisi d'une affaire qui vous intéresse et en vertu de laquelle vous pourriez, comme député, exercer une influence sur vos collègues, car vous êtes bien placé en étant à la Chambre des communes. Ne devrait-on pas exiger de vous que vous divulguiez votre intérêt à l'égard de la question dont est saisie la Chambre ou le comité et exiger que vous vous absteniez d'en discuter, de participer à la prise de décision ou d'exercer une influence?
M. Wilson: Je crois que c'est plus ou moins ce que l'on fait au Québec.
Il faut faire très attention lorsque l'on parle de s'abstenir de toute discussion. Prenez le cas du député qui est aussi agriculteur. Cela signifie-t-il que le député devrait se retirer de toute discussion agricole parce qu'il pourrait tirer quelque avantage du débat, quel qu'en soit l'issue?
Quand le député fait partie d'un vaste milieu, il ne devrait pas être question de lui demander de se retirer ou de s'abstenir des débats, sans quoi, inévitablement, on ne peut en cours de débats à la Chambre ou en comité puiser à même la grande expérience individuelle de ce député.
Ainsi, au gouvernement fédéral, nous avons eu souvent des ministres de l'Agriculture qui étaient eux-mêmes agriculteurs, et des mesures ont été prises pour que ces personnes puissent participer de plein droit à toutes les discussions du Conseil des ministres et à d'autres encore. Néanmoins, ils peuvent s'abstenir de la gestion quotidienne de leur exploitation agricole.
C'est une idée qui est valable en soi, mais qu'il ne faudrait pas pousser trop loin. Si vous voulez vraiment exiger que l'élu en question s'abstienne de toute discussion, il faudra que cela soit limité au cas où l'individu a des intérêts personnels très directs dans une affaire. Il ne faudra pas que la règle s'applique à celui qui s'intéresse, comme bien d'autres gens, à l'un ou l'autre des secteurs de l'économie par expérience ou par curiosité.
Mme Catterall: Je pense que c'est une question que nous devrions reprendre plus à fond.
Enfin, votre document ne dit pas vraiment si la définition des intérêts doit dépasser la proche famille, soit les fils, les filles et les conjoints. Les autres codes de conduite et de conflits d'intérêts semblent en élargir l'application. Je ne crois pas qu'il y ait vraiment de différence entre le conjoint avec lequel vous vivez et le parent à charge avec qui vous partagez votre domicile, par exemple. Jusqu'à quel point peut-on dire que les intérêts des autres sont les vôtres? Qu'en pensez-vous?
M. Wilson: S'il fallait préciser jusqu'où vont les liens de famille, nous n'en finirions plus.
Dans le cas des ministres du gouvernement fédéral et des provinces, on semble se limiter au conjoint et aux enfants à charge. Évidemment, au moment des discussions importantes, on demande toujours aux ministres s'ils ont des parents qui ont des rapports étroits avec le gouvernement du Canada. Il se peut alors que le ministre ait à prendre des des précautions à l'égard des activités que ce parent excerce auprès du gouvernement du Canada. Mais il serait difficile de prévoir une règle d'application générale.
Dans le cas des conjoints et des enfants à charge, le lien est plus direct. Le Comité qui s'est penché sur le projet de loi C-43 en est venu à cette même conclusion. D'ailleurs, c'est ce qui se fait dans les provinces et au palier fédéral dans le cas des ministres et des secrétaires parlementaires. Mais il faut se demander pourquoi?
Dans le cas des ministres, les intérêts des conjoints sont particulièrement importants. Ce n'est pas au conjoint d'agir, mais plutôt au titulaire de la charge publique. Il se peut fort bien que le conjoint du ministre détienne des intérêts qui pourraient être visés par les décisions que prendrait ce dernier. Par conséquent, dans les cas où cela pourrait se présenter, nous conseillerions aux ministres de ne prendre part à aucun échange là-dessus; ils devraient éviter toute discussion là-dessus, du simple fait que leur conjoint détient des intérêts et pourrait être avantagé par une décision prise par le gouvernement.
Les provinces ont adopté à peu près le même principe. Dans son rapport, le Comité mixte étudiant le projet de loi C-43 a établi que de plus en plus, le droit canadien considérait les actifs d'un couple marié comme étant conjoints, ce qui permet de faire une distinction des plus utiles entre ce type d'actifs et les actifs détenus par les frères, les soeurs, les oncles ou les tantes, etc.
Il y a un moyen de régler cette question. En fonction des principes que vous pourriez éventuellement établir, on pourrait décider que l'élu peut communiquer ses intérêts dans un cas particulier qui se trouverait être souvent un cas ponctuel; on pourrait alors appliquer les principes choisis et décider de la meilleure façon de résoudre le dilemme.
M. Epp (Elk Island): Merci, monsieur Wilson, de nous rendue visite.
J'ai suivi avec quelque intérêt votre carrière relativement brève pour l'instant de conseiller en éthique. J'aimerais m'attarder quelque peu à l'application des règles, puisque c'est le côté qui vous intéresse. Vous êtes en mesure de nous conseiller sur le type de législation qu'il nous faudrait, sur son champ d'application, sur les restrictions à imposer, etc.
Vous avez une certaine expérience de l'application - si j'ose dire - des codes ou de l'administration de ceux qui existent déjà; quels mécanismes devrions-nous instaurer? Comment devrions-nous faire pour imposer un code qui s'appliquerait à tous les députés, aux ministres du Conseil des ministres, aux sénateurs, etc.?
M. Wilson: Cela dépend surtout des obligations que vous imposerez. Si vous prévoyez un code qui fixe une grille de principes assortis de quelques règles spécifiques....
Supposons, comme point de départ à la discussion, que vous ayez opté pour un certain niveau de divulgation publique. Si c'est là ce que vous exigez - et je ne crois pas que vous devriez exiger quoi que ce soit de plus poussé - il faut d'abord vous demander à qui cette divulgation devrait être faite. Elle pourrait être faite au greffier de la Chambre ou au greffier du Sénat. Dans ce cas, la seule question qui devrait se poser à vous, c'est de savoir quoi faire lorsqu'un parlementaire décide de ne pas faire de divulgation.
Il me semble que dans un tel cas, il ne s'agit pas vraiment de faire enquête comme tel; il s'agit en fait de la prérogative de la Chambre de faire respecter ses propres règlements. Je suppose que les deux chambres ont déjà le pouvoir de régler de telles questions.
Je ne voudrais pas commencer par parler d'enquête. La première chose à déterminer c'est la portée qu'il convient de donner à ce code que vous envisagez ainsi que les obligations qui en découleront. Si elles sont assez claires, il est peu probable qu'une enquête s'avère nécessaire.
M. Epp: Autrement dit, ce que vous dites c'est qu'il faut d'abord déterminer ce qu'il y aura dans la loi avant de parler de son application et de son administration.
M. Wilson: Oui, c'est...
M. Epp: Est-ce que nous poursuivons un fantôme? Combien d'enquêtes avez-vous menées depuis que vous occupez votre poste...?
M. Wilson: La question que vous posez est de savoir si le comité poursuit un fantôme en essayant d'élaborer un code de déontologie?
M. Epp: La population le réclame. Certains députés soulèvent ces questions de temps en temps, dont des députés de mon parti, car on a l'impression, à tort ou à raison, qu'il se passe des choses malhonnêtes.
Dans le cadre de vos fonctions, on vous demande d'administrer les codes actuels. Il y a le code d'éthique du premier ministre et il y a le code des détenteurs de charges publiques, et je suppose qu'il y a même un code tacite, pour aider le premier ministre, une sorte de code généralement reconnu de ce qui est considéré comme étant un comportement honnête.
Passez-vous toute la journée à vous tournez les pouces dans votre bureau ou êtes-vous occupé?
M. Wilson: Je pense faire une journée de travail honnête.
Permettez-moi de vous dire que vous traitez d'une question qui est très politique. Il n'y a pas si longtemps il aurait été insultant de douter de l'intégrité fondamentale d'un ministre. Dans ce pays, comme dans bien d'autres, on s'attendait à ce que ces personnes soient honnêtes et fiables, et la population était prête à l'admettre.
Si je dis cela, c'est que je ne crois pas que les administrations soient moins honnêtes aujourd'hui qu'elles ne l'était autrefois; c'est la population qui n'est pas prête à donner aux gens le bénéfice du doute - du moins en ce qui concerne les députés. Vous jugez peut-être cela regrettable, mais c'est l'une des caractéristiques de sentiment public qui prévaut dans ce pays. C'est certainement vrai aussi aux États-Unis et en Europe. Les gouvernements ont réagi en conséquence.
Depuis un certain nombre d'années, nous avons un code de déontologie très précis qui établit certaines règles fondamentales à l'intention du ministre. Je pense que les ministres le trouvent très utile. Pourquoi? Parce que cela leur permet de se sortir d'une situation impossible, ce qui se produit lorsque quelqu'un de sans doute bien intentionné leur dit: «Monsieur le ministre, je pense que vous êtes en situation de conflit; étant donné vos intérêts privés, je pense que les décisions que vous avez prises dans ce dossier sont moins motivées par vos responsabilités publiques que par vos intérêts privés. Le ministre peut alors répondre et dire: «Non, je suis désolé, mais je ne crois pas être en situation de conflit.» Cette personne peut revenir à la charge - et cela s'est vu - et dire: «Sauf votre respect, monsieur le ministre, je persiste à croire que vous êtes en situation de conflit.» Cela crée des problèmes énormes pour des personnes qui se sont engagées dans une carrière publique pour essayer d'atteindre des objectifs publics légitimes.
L'un des effets du code a été d'éliminer un grand nombre de cas de conflits possibles afin que la personne ayant des intérêts privés puissent prouver de façon concluante qu'elle est apte à s'acquitter de la tâche pour laquelle elle a été élue et nommée en cédant ses intérêts dans certains cas, en démissionnant de certains postes dans d'autres ou en plaçant ses intérêts dans une fiducie sans droit de regard.
Au début, j'ai dit que la situation des députés ordinaires était c'est tout à fait différente, mais il y a quand même des gens qui font des allégations. Vous êtes mieux placés que moi pour juger s'il convient de répondre à ces allégations, mais dans la mesure où vous croyez que ce genre de perception existe dans la population, l'une des façons de régler le problème, c'est d'exiger une certaine divulgation, et on m'a dit que les députés des assemblées provinciales trouvent cela utile. C'est une intrusion dans la vie privée, mais qui n'est pas exceptionnellement indiscrète. On ne détermine pas la valeur de vos actifs, mais, on vous dit quel genre d'intérêts vous pouvez détenir.
On a trouvé cela très utile. Je ne peux que répéter ce que m'ont dit certains commissaires à l'éthique dans les provinces. Selon eux, il a été ainsi possible à des députés qui avaient fait l'objet d'allégations de la part de journalistes ou de tierces parties... Ils ont pu avantageusement faire valoir qu'ils avaient fait une déclaration indiquant qu'ils possédaient ou non des intérêts dans certaines affaires. Cela était essentiellement considéré comme un minimum.
Mais M. McWhinney a soulevé un point important. Il convient de décider jusqu'où on veut aller. Personnellement, j'ai trouvé que le débat qui a eu lieu au cours des années 1980-1990 a semé la confusion. En fait, on a laissé entendre que tous les députés et sénateurs allaient devoir prendre les mêmes mesures que celles imposées à un ministre. Or, ce n'est absolument pas le cas. Je suis d'accord avec M. McWhinney sur ce point.
M. Epp: Il me semble qu'en l'occurence, on devrait appliquer le principe qui régit notre système de justice. Il nous faut un mécanisme qui exonère clairement toute personne innocente tout en établissant clairement la culpabilité d'une personne effectivement coupable. Mon expérience de nouveau parlementaire m'amène à abonder dans votre sens: C'est le 1/10 de 1 p. 100 qui entache la réputation des autres. Je pense que c'est vrai.
Je vais maintenant vous poser une question. Je ne sais pas si vous pourrez ou si vous voudrez y répondre. Peut-être allez-vous vouloir me chuchoter votre réponse à l'oreille pour que les autres n'entendent pas et qu'elles ne figurent pas au compte rendu.
Dans le cadre de vos fonctions à l'heure actuelle... vous avez dit qu'il s'agissait d'une question politique et que vous deviez faire rapport au Premier ministre. Supposons que vous êtes saisi d'un problème d'éthique, d'un cas de collusion ou autre. Ce peut être quelque chose d'aussi anodin qu'une levée de fonds au cours de la campagne électorale; mais voilà que soudain l'une des personnes ayant fait une contribution importante à la campagne d'un candidat nommé subséquemment ministre obtient un contrat... On pourrait croire qu'il y a quelque chose de suspect là-dessous, que c'est une façon pour vous de remercier cette personne qui vous a déjà aidé; une échange de bons procédés. Voudriez-vous dire au Comité s'il serait préférable que l'administration et l'application des règles que nous formulerons soient entre les mains d'une personne indépendante du pouvoir politique?
C'est une question piégée et vous avez le loisir de dire que vous ne voulez pas y répondre. Moi, mon opinion est faite.
Le coprésident (le sénateur Olivier): M. Wilson a déjà abordé le sujet dans son exposé, lorsqu'il a dit que cela est laissé à la discrétion de l'une ou l'autre Chambre ou confié à une personne en particulier, qui serait indépendante. Mais je vais laisser M. Wilson répondre lui-même.
M. Wilson: M. Epp soulève un point qui a suscité de longues discussions lors de l'examen du projet de loi C-43 à la Chambre des communes - un autre projet de loi C-43, pas celui sur les lobbyistes. On s'est demandé si le poste de conseiller en éthique devrait être un poste parlementaire ou si, comme c'est le cas à l'heure actuelle, son titulaire devrait être nommé par le Premier ministre.
Pour en revenir aux commentaires que j'ai faits tout à l'heure au sujet de la distinction entre le volet législatif et le volet exécutif, ces différences sont réelles. Elles sont constitutionnelles. Je ne sais pas s'il serait bon en fait de mélanger les deux.
Il y a de bons exemples de la voie choisie au Canada au niveau fédéral, qui est fondé sur le fait qu'au bout du compte, c'est le premier ministre qui est responsable de la conduite du gouvernement. Cette distinction existe aussi au Québec, ou certaines règles générales sont énoncées dans la loi visant l'Assemblée nationale. Il y a aussi, depuis un certain nombre d'années maintenant, des règles supplémentaires très distinctes établissant les responsabilités des ministres et les modalités de la reddition de comptes. Ces règles ont été émises en vertu de l'autorité du premier ministre du Québec, d'abord par M. Bourassa, ensuite par M. Johnson et maintenant, par M. Parizeau.
Cette distinction existe également au Royaume-Uni, ou le Comité Nolin a établi clairement les exigences s'appliquant aux députés de la Chambre et à l'exécutif.
La question est oui, certaines provinces ont combiné les deux. Cela ne pose pas de problème. C'est leur décision. Ici, il a été délibérément décidé de ne pas combiner les deux et en conséquence, je relève du Premier ministre.
Il y a de bons précédents ailleurs - tout à fait conformes, je crois, à la tradition parlementaire - mais cela n'empêche que tout le monde ne s'accorde pas forcément sur ce point.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Monsieur Wilson, MM. McWhinney et Epp ont invoqué la notion de confiance et de perception publique et vous avez dit que les médias en étaient aussi en partie responsables et que c'étaient eux qui posaient des questions sur l'intégrité parlementaire. Autour de cette table, il n'y a que des parlementaires. Devrions-nous consulter ceux qui semblent discerner une érosion de l'intérêt, de la perception et la confiance du public? Devrions-nous les consulter sur le contenu et les principes de ce code?
M. Wilson: Cela pourrait s'avérer fort utile. Il existe un certain nombre de gens qui réfléchissent à ces questions.
Je crois que certains membres de la presse pourraient témoigner de manière constructive. Il y a aussi l'expérience de certains commissaires provinciaux. Un certain nombre d'universitaires ont réfléchi et écrit sur ces questions. Entendre les conclusions de certains d'entre eux pourrait être agréablement ou désagréablement instructif.
Il reste cependant que tous les membres de votre comité sont remarquablement au fait de l'opinion publique et, tout compte fait, ils sont les mieux placés pour juger et décider. Car enfin, c'est bien de cela qu'il s'agit, restaurer la confiance du public dans l'intégrité de cette institution.
Il y a 20 ans, notre discussion aurait été tout à fait différente. Il y a 20 ans, il n'aurait peut-être même pas été jugé nécessaire d'en discuter. Le fait que vous en discutiez maintenant est important en soi.
Le sénateur Stollery (Bloor and Yonge): Monsieur le président, comme certains autres, cela fait un peu plus de 20 ans que je suis ici. Je dois dire qu'en mes 23 ou 24 années de Parlement, à la fois comme membre élu et comme membre nommé, et ayant connu des centaines de députés, j'ai beaucoup de mal à trouver ces 10 p. 100. D'après moi c'est tout à fait infime. Si je réfléchissais vraiment à fond, je crois que je pourrais dire avoir le souvenir d'un ou deux individus douteux, et bien entendu ces deux-là n'ont pas été réélus, sort réservé aux députés quand il font certaines choses qu'ils ne sont pas censés faire, c'est tout du moins ce que je pensais.
Il est très important que nous ayons actuellement au Canada un système permettant aux parlementaires d'approuver ou de désapprouver les lois qui leur sont proposées, mais ils ne sont pas les rédacteurs de ces lois comme c'est le cas avec le système du Congrès aux États-Unis.
Cet été nous avons reçu la visite d'une délégation australienne... Je crois qu'il s'agissait de députés régionaux. Ils étaient de la Nouvelle-Galles du Sud. Ils ont un système d'une complexité invraisemblable. Ils en sont arrivés au point où ils renoncent à leurs privilèges de citoyen. Une fois élus, ils perdent leurs privilèges de citoyen et nomment une commission de citoyens pour gouverner selon une recette qui ouvre la porte à tous les problèmes.
J'en ai conclu, à toutes fins utiles, que les règles et les principes de leur système faisaient perdre à ces députés australiens leur statut de citoyen. Une assemblée est censée regrouper des citoyens élus mais apparemment ce n'est pas le cas en Nouvelle Galles du Sud.
Je ne comprends pas. Il y a la Loi sur le Parlement du Canada. Il y a la Loi sur la gestion des finances publiques. Il me semble qu'elles fonctionnent bien. Il y a un problème? Un parlementaire corrompu ne tombe-t-il pas sous le coup de la Loi sur le Parlement du Canada ou de la Loi sur la gestion des finances publiques? N'est-ce pas toujours les cas?
M. Wilson: Monsieur le sénateur, je ne suis pas là pour défendre un point de vue particulier.
Le sénateur Stollery: Non, je sais. Mais vous êtes spécialiste. J'aimerais que vous me donniez des exemples.
M. Wilson: J'espère être d'accord qu'aller aussi loin que ce que certains font... sauf erreur, je crois avoir rencontré certains de ces gens de la Nouvelle Galles du Sud. J'étais également très étonné de ce qu'ils pensaient nécessaire pour éviter les conflit. Mon argument fondamental est qu'il est nécessaire que les parlementaires soient en prise avec les réalités de la collectivité s'ils veulent faire correctement leur travail dans les deux chambres.
La Loi sur le Parlement du Canada pose-t-elle un problème? J'ai cité celui des contrats évoqués en des termes qui datent du siècle dernier.
Le sénateur Stollery: C'était à cause, je crois, de la construction des ouvrages publics... et le comité des chemins de fer, qui comme vous le savez était présidé par George-Étienne Cartier était le comité le plus dépensier du Parlement. Je suppose qu'il a été singularisé parce qu'il avait des contrats...
M. Wilson: Et cela fait des années que le texte n'a pas été remanié.
À ce sujet, si je pouvais... Le comité chargé d'étudier le projet de loi C-43, en parlant de cette question, a très clairement indiqué que gouverner était beaucoup plus complexe aujourd'hui qu'autrefois quand les travaux publics représentaient l'essentiel...
Le sénateur Stollery: Exactement.
M. Wilson: Par conséquent, aujourd'hui, il serait bon qu'un règlement interdise aux sénateurs et aux députés toute participation à des activités contractuelles avec le gouvernement. Ce que je voulais dire...
Le sénateur Stollery: Mais c'est interdit, n'est-ce pas? Un parlementaire n'a pas le droit de participer à un contrat avec...
M. Wilson: Il peut être actionnaire d'une compagnie et à mon avis cela ne devrait pas poser de problème. Gouverner devenant de plus en plus complexe, le gouvernement étant le plus gros acheteur sur le marché, il peut arriver qu'une entreprise tout à fait légitime dont un des actionnaires est parlementaire soit injustement éliminé de ces contrats. Je dis qu'il y a des solutions à ce genre de problème.
La Loi sur le Parlement du Canada est-elle absolument parfaite dans ce domaine? Non, il y a des problèmes. Ils ont partiellement été pris en compte par le comité chargé d'étudier le projet de loi C-43. Sa solution était un peu draconienne. Mais c'est une question intéressante.
Faut-il aller plus loin? C'est votre question. Peut-être pas. Ce sera à vous de juger. Vous siégez alors que le comité chargé d'étudier le projet de loi C-43 pendant la dernière législature a conclu à l'unanimité à un minimum de divulgation pour les députés et les sénateurs. La majorité des provinces ont conclu depuis déjà quelques années à la nécessité d'un niveau minimum de divulgation. C'est la réalité. Vous pouvez en tirer les conclusions que vous voudrez.
Le coprésident (sénateur Oliver): Êtes-vous d'accord avec cette réalité?
M. Wilson: Au niveau provincial, ces initiatives n'ont pas été sans résultat.
Le sénateur Stollery: Monsieur le président, je reviens au fait qu'au cours de toutes ces années... à l'exclusion du conseil des ministres, bien entendu, qui opère à un niveau totalement différent puisqu'il prépare les lois destinées à l'approbation de la Chambre des communes et du Sénat... je n'arrive vraiment pas à comprendre - et je crois bien connaître le système parlementaire de notre pays - comment un parlementaire peut se débrouiller sans tomber sous le coup de la Loi sur la gestion des finances publiques - car il faudra que cela soit... Qu'importe. Comment peut-il échapper à la bureaucratie, à l'administration?
Le simple député n'assiste pas aux réunions du conseil des ministres, ne participe pas aux débats du conseil des ministres. Je ne vois pas quel miracle permettrait à un parlementaire canadien d'être corrompu. Je me trompe peut-être.
Je ne l'ai personnellement jamais vu au cours de toutes ces années.
Vous êtes parlementaire. Vous participez au caucus, vous faites connaître votre point de vue qui est pris en compte par le caucus, le système, etc. Vous ne pouvez pas plus influer sur la décision d'un ministre que Joe Smith ou Marilyn Smith.
Je crains que nous ne nous imposions des règles inextricables pour résoudre un problème inexistant.
M. Wilson: Je ne pense pas être vraiment en désaccord avec ce que vous dites. Il existe déjà certaines règles, celles que l'on trouve dans la Loi sur le Parlement du Canada et certains règlements administratifs de la Chambre des communes et la Loi sur la gestion des finances publiques.
Le sénateur Stollery: Et le Code criminel.
M. Wilson: Parfaitement, et dans le Code criminel.
Si quelque chose d'autre doit être ajouté, c'est à vous d'en décider. Je me permets simplement de vous conseiller de ne pas imposer aux simples parlementaires ce qui est nécessaire d'imposer aux membres du conseil des ministres.
Mme Parrish (Mississauga-ouest): Vous allez devoir être patients avec moi car je pose toujours des questions très simples.
J'ai remarqué que vous avez répondu à la question de M. Epp en disant: «Je crois faire honnêtement mon travail». Je voudrais savoir - et je vous demande pardon d'avance de vous taquiner un peu - si vous avez respecté toutes les lois en vigueur en vous rendant à votre travail aujourd'hui. Pas d'accord au Code de la route? Pas d'infraction? Ce n'est pas une question piège.
M. Wilson: Il est tout à fait possible que j'aie dépassé le temps autorisé par le parcomètre sans payer...
Mme Parrish: Je ne veux pas de confession. Avez-vous respecté à la lettre le Code de la route en vous rendant ici?
M. Wilson: Je crois.
Mme Parrish: Vous n'avez assassiné personne?
M. Wilson: Non.
Mme Parrish: Vous n'avez rien volé?
Vous savez quand vous arrivez au travail - et vous avez dit travailler honnêtement - que vous avez tant d'heures à faire par semaine, et qu'il peut arriver que vous restiez un peu plus tard un jour et que vous rentriez un peu plus tôt le lendemain. Mais d'une manière générale, vos pauses café, vos pauses toilettes, toutes ces activités quotidiennes, ne sont pas réglées de très près?
M. Wilson: C'est exact.
Mme Parrish: Et comme vous l'avez dit vous-même, vous êtes certain de travailler honnêtement.
C'est la même chose pour moi et ce qui m'inquiète c'est que si nous cédons à la méfiance, à cette perception que les politiciens sont des escrocs, que si nous mettons trop de règles en place - l'heure pour les toilettes, l'heure d'arrivée au travail et l'unique heure à laquelle on peut tenir une réunion - nous ne ferons que conforter cette perception du public.
Cela m'inquiète beaucoup car depuis que je suis politicienne ma vie est un livre ouvert. J'ai pris quelques livres pendant l'été et on parle de ma bonne santé dans les journaux de Mississauga. Ma vie est un livre ouvert.
Nous sommes assujettis à la loi et nous sommes sous le microscope de l'opinion publique. Malgré toute notre bonne volonté, je ne pense pas que nous puissions adopter des règles assurant notre jugement et notre intégrité. C'est le rôle de l'électorat.
C'était plutôt un commentaire. Vous êtes certain de faire un bon travail. Je suis certaine de faire un bon travail et d'être honnête.
Je crois en la divulgation. Je crois à l'universalité de cette divulgation. Mais je crains vraiment qu'en nous surréglementant en adoptant trop de règles, nous reconnaissons avec le public qu'elles sont indispensables.
En plus, les un ou deux escrocs que le sénateur a connus pendant toutes ses années ici sauraient probablement contourner ces règles.
Le sénateur Stollery: Sur peut-être 2 000 députés.
Mme Parrish: Exactement, et ces deux-là auraient probablement l'expertise nécessaire pour contourner n'importe quelle règle.
Le coprésident (sénateur Oliver): Monsieur Wilson, vous avez quelque chose à ajouter?
M. Wilson: Je trouve, moi aussi, qu'il est très dangereux d'avoir trop de règles.
Le coprésident (sénateur Oliver): Mais vous avez parlé moins de «règles» que de «principes».
M. Wilson: Exactement. Mais ceux-là sont importants. Ils donnent des indications utiles dans certains circonstances, des indications qui peuvent être nécessaires lorsqu'il s'agit de cadeaux, de voyages, etc. Ce sont les seuls cas que j'ai mentionnés. En fait, je ne pense pas qu'il y ait autre chose.
Il y a un aspect qui est important et que j'ai vu ailleurs, et je pense en particulier à nos voisins du Sud: pour faire en sorte que le public ait de nouveau confiance dans l'intégrité des législateurs, on a adopté des règles si précises qu'on a fini par avoir l'impression que les gens qui occupent ces postes n'ont ni l'intelligence, ni le bon sens, ni le jugement nécessaire pour accomplir leur tâche sans qu'on leur dise exactement ce qu'ils doivent faire. Bref, on parvient à l'inverse de ce qu'on recherchait.
Le coprésident (M. Milliken): Monsieur le président, j'aimerais poser au témoin une question sur le lobbyisme, un aspect dont nous n'avons pas encore parlé aujourd'hui.
Il est bien connu que les membres du Parlement - et, bien sûr, je parle aussi des sénateurs - font des démarches au nom de leurs électeurs ou d'autres personnes auprès des ministres ou des différents organismes du gouvernement du Canada. À votre avis, devons-nous réglementer le lobbyisme des parlementaires - et bien sûr, je ne parle ni des ministres ni des secrétaires parlementaires - et si c'est le cas, avez-vous des suggestions à nous faire?
M. Wilson: Merci. J'ai lu les termes de votre mandat et je me suis demandé comment on pourrait répondre à cette question-là.
Les députés et les sénateurs sont contactés par des lobbyistes. Le gouvernement du Canada a adopté une loi qui exige que ces lobbyistes déclarent leurs objectifs dans un registre public. Cela comprend le lobbyisme des députés et des sénateurs.
Je ne sais pas si on a besoin de règles particulières. Vous entendrez forcément des arguments qui pèseront très lourdement dans la balance lorsque vous aurez à décider du bien-fondé d'une affaire. À mon avis, il est également très difficile de faire une distinction entre les demandes de vos électeurs et celles d'un intermédiaire qui pourrait être embauché par quelqu'un qui est également un électeur, par exemple une compagnie, et qui viendrait vous demander quelle est, à votre avis, la meilleure façon de présenter une cause. C'est probablement une discussion qui va dans les deux sens.
Je ne sais pas très bien quelle serait la solution. Comme je l'ai dit, le lobbyiste est dans l'obligation, au minimum, de déclarer ses intentions.
Le coprésident (M. Milliken): Alors, quelle est votre solution?
M. Wilson: Je ne sais pas si j'ai une solution.
Le coprésident (M. Milliken): Vous ne recommandez pas certaines mesures.
M. Wilson: Non. Je vous avouerai que je trouve très difficile de faire une distinction entre les diverses origines de ces requêtes. Il est certain que vous avez une responsabilité envers vos électeurs, ils viennent vous voir, ils vous font part de leurs préoccupations, vous pouvez transmettre ces préoccupations au ministre, aux hauts fonctionnaires, vous pouvez essayer de défendre leur cause. À d'autres moments, ce sont des lobbyistes qui viendront vous voir parce qu'il y a parfois des chevauchements entre différentes causes, ou encore tout simplement, parce qu'ils cherchent à obtenir votre soutien. À mon avis, cela fait partie du processus parlementaire.
Je ne vois rien de mal dans le fait qu'il y a dis lobbyistes, c'est à la racine même du processus démocratique. Tous les Canadiens n'ont pas la possibilité d'exposer leur requête individuellement à leur député ou à d'autres.
Le coprésident (sénateur Oliver): Sénateur Prud'homme.
[Français]
Le sénateur Prud'homme (La Salle): J'ai siégé aux anciens comités avec beaucoup d'assiduité. On a agonisé sur toutes ces questions pendant des années. J'en viens toujours à la même conclusion, à savoir qu'on ne peut pas légiférer l'honnêteté.
Et quand on commence à légiférer l'honnêteté, il n'y a pas de fin aux règlements qu'on peut écrire.
L'honorable sénateur Stollery a touché ce point et nous l'avions touché. Je me demande combien de gens, au Canada, ont lu ce qui existe déjà: le Code criminel.
[Traduction]
Les dispositions du Code criminel sur les détenteurs de charges publiques ont tout pour faire peur aux gens et les empêcher de se présenter, cela semble si dangereux. On n'a pas le droit de parler. Pendant la campagne électorale, on ne peut même pas sous-entendre qu'on pourrait envisager d'embaucher quelqu'un en échange de son aide au moment des élections. C'est illégal. On ne peut pas le faire.
[Français]
On ne peut faire ça. Quand on prend cela à la lettre...
[Traduction]
La Loi sur le Parlement du Canada - c'est un comité dont j'ai fait partie également. Je ne voudrais pas être méchant ou citer des noms, mais c'est aujourd'hui du domaine public. Un des membres du Comité a essayé d'en profiter pour faire accepter certaines choses qu'il n'aurait pas dû faire. Il a invoqué la Loi sur le Parlement du Canada, mais c'est un texte qui n'a pas été adopté pour aider les escrocs, par exemple dans l'administration de leur budget. Cette personne est maintenant devant les tribunaux pour d'autres raisons, après de nombreuses années. Elle avait invoqué la protection de la Loi sur le Parlement du Canada, mais les juges, dans leur sagesse, ont décidé que non, qu'un escroc était un escroc ou qu'une escroquerie était une escroquerie.
Je ne parlerai pas longtemps aujourd'hui car j'aimerais donner certains conseils au Comité s'il reste du temps. On m'a dit qu'après avoir siégé au Parlement pendant 35 ans, après avoir siégé à tous ces comités, je peux même demander la permission de comparaître comme témoin. On m'a répondu: «Certainement, pourquoi pas?» J'aimerais discuter plus longuement avec mes collègues des moyens de favoriser l'honnêteté.
Évidemment, un des dangers est la possibilité de ce que j'appelle émoustiller les gens. «Mon député vaut tant, celui-ci vaut tant...». Ce n'est pas la voie que j'ai choisie.
C'est une chose que j'ai découverte en Australie lors d'un voyage à mes propres frais. Pendant que j'étais là-bas, je suis allé voir ce qu'ils faisaient, car c'était l'époque où je siégeais ici au comité qui étudiait le projet de loi sur les conflits d'intérêts et les associations parlementaires. J'y reviendrai tout à l'heure car c'est une chose qui émoustille beaucoup les gens.
Quand j'étais à la Chambre des communes, je n'ai jamais craint de défendre les députés qui voyageaient, et je n'aurais pas peur non plus de le faire au Sénat. L'important c'est d'expliquer clairement à la presse ce que vous faites et à quoi ça sert.
Comme tous les honorables sénateurs et députés qui ont siégé au comité qui étudiait le projet de loi C-43 l'ont dit, il existe peut-être une possibilité à ce niveau-là. Il y a peut-être une différence entre quantification et qualification. En fin de compte, peut-être en viendrons-nous à discuter avec vous de la possibilité d'être plus blanc que neige, si toutefois cela est possible. C'est là que nous pourrions parler de quantification et de qualification. Nous pourrions peut-être demander à tous les membres du Parlement de qualifier leur participation aux affaires publiques - leur demander s'ils sont propriétaires de quelque chose - sans conclure pour émoustiller les gens: «je vaux tant».
Je suis prêt. J'espère que vous comprenez la différence car nous avons passé des heures à comparer «quantification» et «qualification». Il s'agit de qualifier la valeur d'un membre du Parlement, après quoi c'est au public de tirer ses conclusions et à la presse de suivre l'affaire en cas de conflit d'intérêts.
Mais je reviens en arrière pour parler des cadeaux aux membres du Parlement. Effectivement, il y a quelque chose à faire. Je ne comprends pas qu'on autorise quelqu'un à voyager dans le monde entier et à accepter des cadeaux. Le cadeau, ce n'est pas le voyage, mais un cadeau qu'on reçoit à l'étranger.
Quant aux associations parlementaires, j'ai rédigé un long rapport à ce sujet, et trois ou quatre ans plus tard, je suis prêt à le défendre publiquement à nouveau. La conclusion de ce rapport ne coïncidait pas absolument avec mon opinion personnelle, c'était plutôt le reflet des opinions collectives que j'avais traduit.
J'hésiterais donc beaucoup, chers collègues, membres du comité, à décider qu'il n'y aura plus de voyages à l'exception de ceux des associations parlementaires.
Pour terminer mon intervention d'aujourd'hui, je me contenterai d'un seul exemple à titre d'illustration.
Il y a bien des années, un homme - je vais le nommer - , M. Bob Coates, qui par la suite est devenu ministre de la Défense nationale, a dû démissionner de son poste pour avoir été vu dans un bar. Les Européens n'en revenaient pas qu'on lui reproche une telle peccadille. Mais c'est une autre histoire. Il y a longtemps, à l'époque où il ne faisait pas partie du Cabinet, il créa le groupe d'amitié parlementaire Canada-Corée du Sud. C'était à l'époque où nous n'entretenions aucune relation avec la Corée du Sud.
Cette initiative n'a pas été bien accueillie par le gouvernement du jour, ni par les fonctionnaires des Affaires étrangères qui n'aiment pas beaucoup que les députés en sachent plus long qu'eux. Je ne me gêne pas pour le dire. Ces gens craignent que, lors d'un débat, les députés puissent contester leur point de vue sur un sujet donné.
On m'a demandé: «Êtes-vous allé en Corée du Sud?» J'ai répondu: «Oui.» On m'a ensuite demandé: «Qui a payé?» J'ai dit: «Le gouvernement de Corée du Sud.» Je vous remercie. Vous savez maintenant que j'y suis allé. Vous pouvez maintenant suivre ma vie publique.
Pour moi, voilà une forme de divulgation publique. Je crois qu'on commettrait cependant une erreur en réservant ce genre de voyage aux seuls fonctionnaires des Affaires étrangères ou aux seuls membres d'associations parlementaires officielles. Ce ne serait pas vraiment dans l'intérêt du Canada.
Parlons encore un peu de l'exemple Canada-Corée. M. Coates a fait connaître la Corée du Sud à son caucus. C'est aussi de cette façon que le caucus en est venu à mieux connaître Taïwan. Je ne partage pas le point de vue de l'association parlementaire de Taïwan puisque j'appuie plutôt la position de la Chine, mais je conviens que cette association a le droit d'exister.
C'est donc en raison de l'initiative prise par M. Bob Coates il y a très longtemps en ce qui concerne la Corée du Sud que ce marché s'est ensuite ouvert au Canada. C'est bien connu. Dans la foulée de l'initiative de M. Coates, le premier ministre du Canada s'est rendu en Corée du Sud et l'établissement de liens avec ce pays a eu des retombées économiques positives pour le Canada.
La même chose vaut pour Taïwan. Je ne suis pas d'accord avec la position de Taïwan comme je l'ai dit, mais ce n'est pas une raison pour interdire à des délégations de s'y rendre.
J'espère donc, monsieur, que vous changerez votre point de vue au sujet des voyages. Étant donné les faussetés que répand la presse concernant les associations parlementaires, je crois qu'il serait bon de tenir un débat au sujet de leur rôle. Tout le monde a peur d'exprimer son point de vue sur le sujet, mais pour certains députés, c'est la seule façon de se renseigner sur un pays donné.
Nous croyons à la liberté d'association dans ce pays. Si des députés veulent s'associer pour...
J'ai participé à la création de l'association Canada-Cuba de même qu'à celle de l'association Canada-Amérique latine. M. Stollery en est l'éternel président et moi j'en suis le fondateur. Le Canada convient...
Je voulais que les députés fédéraux comprennent que la scène internationale doit les intéresser. Je voulais leur ouvrir les yeux au sujet du monde. Nous ne sommes pas des députés provinciaux, mais des députés fédéraux, et voilà pourquoi nous devons nous intéresser à ce qui se passe à l'étranger. Malheureusement, l'une des seules façons de le faire, c'est par le biais des associations parlementaires, reconnues ou non.
Toutes les associations finissent un jour par être reconnues. Au début, l'association Canada-Japon n'était pas reconnue. Elle est maintenant l'une des associations officielles.
Comme vous le savez, la plupart de ces associations parlementaires ont grandement élargi les horizons des députés. Ceux qui se rendent à Washington sous les auspices du Centre parlementaire avec Peter Dobell... Certains y verront un conflit d'intérêts. Je crois plutôt qu'il s'agit d'un processus éducatif. Il y a des députés qui, de temps à autre, se rendent aux Nations Unies à titre de membres de délégations parrainées par des Églises. Pourvu que tout soit public, je ne vois pas pourquoi on les empêcherait de le faire.
Je crois qu'il conviendrait donc de tenir un débat sur toutes ces questions. Je respecte beaucoup les vues du Parti réformiste. J'ai eu une longue discussion à ce sujet avec certains députés de ce parti, et je respecte leur point de vue. Je respecte le point de vue de tous les députés, ce qui ne signifie pas que je sois toujours d'accord avec eux. Une fois qu'on aura bien fait connaître la situation, ce sera à nous d'être très clair avec la presse et de faire face à l'opinion publique.
Je me suis déjà engagé - et M. Oliver le sait, parce que je l'ai fait au Sénat, mais aussi à la Chambre à l'époque - à participer à un débat télévisé sur le sujet des associations parlementaires, car je suis convaincu qu'en bout de ligne, c'est dans l'intérêt des Canadiens que leurs députés soient le mieux informés possible. Le Canada ne peut cependant demander aux députés en visite dans un pays à l'invitation des autorités de celui-ci, d'aller vérifier si les fonctionnaires de l'ACDI font bien leur travail, par exemple.
Un député pourrait évidemment faire un crochet et visiter tous les projets de l'ACDI auxquels on consacre des millions et des milliards de dollars. Le gouvernement ne va certainement pas subventionner votre visite. Les Églises le feraient peut-être. Les Affaires étrangères ne vont pas vous envoyer sur place à moins que le ministre ne le leur recommande.
Je sais que vous devez croire que je donne libre cours à la frustration que j'ai accumulée depuis 30 ans du fait qu'on n'a jamais compris ce que j'essayais de faire ou que je ne suis pas parvenu à mieux l'expliquer aux Canadiens. Je suis partisan de l'ouverture, et je proposerais qu'on laisse aux Canadiens le soin de décider s'ils doivent faire confiance ou non à leur député. Mais pour cela...
On a adopté la solution que vous préconisez aux États-Unis, et je suis allé sur place voir ce qu'il en était. Chaque année, le Code américain sur les conflits d'intérêts prend de l'ampleur. Vous en savez certainement plus long que moi là-dessus.
Or, nous ne sommes pas aux États-Unis, mais au Canada. Ici, les élus n'exercent pas autant d'influence sur le processus décisionnel.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Sénateur Prud'homme, vous avez soulevé plusieurs questions. Pourriez-vous permettre à notre témoin, M. Wilson, de répliquer.
M. Wilson: Tout ce qu'on vient de dire fait ressortir la complexité de la question des déplacements. C'est important de le reconnaître. Lorsque vous l'aborderez, je suis convaincu que vous constaterez que, dans la plupart des cas, ces déplacements sont faciles à justifier.
Il est possible qu'en fonction de ceux qui les parrainent, certains déplacements soulèvent des interrogations plus sérieuses, mais je n'ai vraiment pas assez d'expérience dans ce domaine pour me prononcer. Vous voudrez peut-être vous pencher sur cet aspect-là de la question, mais il ne fait aucun doute qu'actuellement certaines associations ont un caractère prospectif et ne sont pas officielles. Il est bien évident que leur objet est de favoriser de meilleurs rapports avec certains partenaires susceptibles de devenir des partenaires importants du Canada.
Le sénateur Gauthier: Comme vous le savez, la Chambre des communes fait tenir un registre au sujet des déplacements. Il n'existe pas un tel registre au Sénat. Il faudra peut-être songer à adopter cette formule.
Le registre n'est pas parfait. En le consultant, on apprend où s'est rendu le député, mais non pas ce qu'a coûté son déplacement.
Depuis 1994, les conjoints et les personnes à charge des ministres ainsi que d'autres titulaires de charges publiques sont assujettis au code dont la mise en oeuvre vous a été confiée. Des problèmes se sont-ils posés à cet égard?
M. Wilson: Non.
Certaines personnes se sont cependant à juste titre demandé quels problèmes nous voulions éviter. Je leur ai dit qu'il ne s'agissait pas tant de demander au conjoint du ministre de faire quoi que ce soit, que de pouvoir conseiller à celui-ci quelle précaution prendre. Autrement dit, si des mesures s'imposent, c'est au ministre de les prendre.
Cette explication a satisfait tout le monde.
Le sénateur Gauthier: Conseilleriez-vous au comité de recommander que les conjoints de tous les parlementaires soient assujettis au Code sur les conflits d'intérêts?
M. Wilson: Compte tenu des responsabilités des simples députés et sénateurs, je ne crois pas qu'ils aient vraiment des précautions à prendre. Par ailleurs, il serait peut-être utile qu'on demande à leurs conjoints de divulguer certains renseignements.
Le sénateur Prud'homme a fait remarquer à juste titre qu'il faut éviter de titiller les gens. La plupart des provinces ainsi que le Royaume-Uni ont certainement essayé ne pas le faire.
Le sénateur Gauthier: Vous semblez préférer que la divulgation soit interne. Il s'agirait de divulguer les renseignements pertinents au greffier de la Chambre ou du Sénat. Vous ai-je bien compris à cet égard, monsieur Wilson?
M. Wilson: C'est une possibilité. L'autre possibilité, ce serait de créer un poste spécial.
Le sénateur Gauthier: Songiez-vous à quelqu'un qui n'appartiendrait pas au Parlement? Le dernier projet de loi portant sur le sujet proposait de confier cette tâche à un jurisconsulte.
M. Wilson: Je crois comprendre que son rôle devait être différent que celui du jurisconsulte québécois. On allait cependant lui donner le même titre. Je ne crois cependant pas que le jurisconsulte soit un fonctionnaire de l'Assemblée nationale. Le projet de loi C-43 prévoyait que le jurisconsulte serait un fonctionnaire du Parlement.
C'est une possibilité. Je n'ai pas d'opinion tranchée là-dessus.
Le sénateur Gauthier: Vraiment?
M. Wilson: Vraiment. Mon idée n'est pas faite à ce sujet.
Cette fonction pourrait être dévolue au greffier ou à un jurisconsulte.
Le sénateur Gauthier: Vous avez mentionné la Loi sur le Parlement du Canada. Vous avez dit qu'on devrait examiner d'autres contrats en plus de ceux qui ont directement trait aux travaux publics. Auriez-vous l'obligeance de nous fournir une liste des autres situations de conflit d'intérêts potentiel dans laquelle pourrait se retrouver un député à l'expiration de son mandat.
M. Wilson: Oui, j'aurais dû vous parler plus tôt de l'après-mandat.
Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'assujettir les sénateurs ou les députés ayant quitté leur poste à des règles spéciales. Cela nous ramène à la question des pouvoirs conférés à un sénateur ou à un député. Des règles s'imposent dans le cas des ministres, mais je ne connais aucun cas où des législateurs auraient été assujettis à des règles spéciales après avoir quitté leur poste. Je n'en vois vraiment pas l'utilité.
Le sénateur Gauthier: Je vous remercie.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Monsieur Epp, avant que je ne vous donne la parole, j'aimerais faire remarquer qu'il y a un député qui n'a pas encore posé de question aujourd'hui, c'est-à-dire Michel, et j'aimerais lui permettre de le faire maintenant.
Michel.
[Français]
M. Bellehumeur (Berthier - Montcalm): Monsieur Wilson, nous nous sommes rencontrés à plusieurs reprises lorsque nous avons étudié le projet de loi C-43. Je ne vous ai pas posé de questions parce que je sais assez bien ce que vous pensez de plusieurs sujets comme la transparence et ainsi de suite.
Voici ce qui me frappe aujourd'hui, et je vais vous interroger sur cela, monsieur Wilson. On parle de voyages, de cadeaux et on fait de grands plaidoyers pour la vertu. C'est bien beau, tout cela, mais est-ce que votre expérience dans le poste que vous occupez depuis quelque temps et les commentaires que vous avez pu recevoir de contribuables, de gens qui vous ont téléphoné et même de personnes qui sont venues témoigner relativement au projet de loi C-43 et dont le témoignage dépassait largement la question des lobbyistes vous portent à croire, dans votre for intérieur, que le Parlement fédéral a besoin d'étudier un code d'éthique dans le sens qu'on veut le faire présentement?
Au fond, c'est ça, la question. Si vous dites qu'on n'en a pas besoin, on va aller vite. Je vois qu'on en a pour jusqu'au 31 octobre. Si on entend tous les témoins qu'on a là, on sera encore ici à Noël. Cela ne me dérange pas, mais je me souviens que, lors de l'étude du projet de loi C-43, nous avions travaillé presque jour et nuit pour accoucher d'une souris.
Monsieur Wilson, grand conseiller du premier ministre en éthique dans ce Parlement, dites-nous si nous avons besoin ou non d'un code d'éthique.
M. Wilson: Je pense, monsieur Bellehumeur, que la législature, les députés et les sénateurs ont besoin d'un code de déontologie modeste, qui comporterait peut-être des éléments de divulgation, mais pas plus. Il y aurait peut-être lieu d'avoir des règles plus précises relativement aux cadeaux ou aux voyages, mais pas plus, et peut-être des principes, comme dans les codes actuels, sur l'intégrité et la résolution des situations de conflit entre des intérêts privés et des responsabilités publiques. On a besoin d'un code modeste.
M. Bellehumeur: Vaut-il la peine que le Parlement adopte ce code sous forme de loi? Est-ce que je vais revenir encore une fois à mon vieux dada, le projet de loi C-43, avec le code d'éthique pour les lobbyistes, qui est beaucoup plus une série de voeux pieux qu'une loi restreignante pour les lobbyistes? Si c'est modeste, est-ce simplement pour se donner bonne conscience?
M. Wilson: Je ne suis pas expert concernant la Loi sur le Parlement du Canada. Pour ce qui est du projet de loi C-43, le Comité a proposé un amendement à la Loi sur le Parlement du Canada, je crois. Je suppose qu'il y a d'autres possibilités, comme une résolution de chacune des Chambres. Je ne suis pas un expert, mais je crois que le Comité est habilité à décider si le sujet requiert un amendement à la Loi sur le Parlement du Canada ou une résolution imposant des obligations à tous les députés et les sénateurs.
M. Bellehumeur: Ma dernière question, monsieur Wilson, devrait peut-être s'adresser à M. Prud'homme, à la suite de son grand plaidoyer. Je pourrai la lui poser plus tard.
Je vais citer un très petit cas. Quelqu'un vous a déjà posé une question sur ce qui se passait dans les municipalités. Au Québec, on a la Loi sur les cités et villes, le Code criminel et même une loi spécifique sur ça.
Étant donné ce que j'ai entendu, vous allez me répondre, monsieur Wilson, qu'il nous faudrait peut-être un code modeste. Ce qui existe dans la Loi sur les cités et villes, le Code municipal ou la loi spécifique n'est pas modeste.
Il y a des choses que les élus doivent faire: ils doivent se retirer et ils doivent dénoncer; ils ont des rapports à faire tous les ans au ministère des Affaires municipales. Pourquoi une petite municipalité qui a peut-être 600 000$ ou 700 000$ à gérer - comme il y a 1 441 municipalités au Québec, il y en a qui ne gèrent pas grand-chose - devrait-elle avoir un fardeau administratif de dénonciation alors que nous, les députés et sénateurs, aurions un petit code modeste traitant des voyages et des billets de hockey reçus pour aller voir jouer les Canadiens? Pourquoi devrait-il y avoir une aussi grande différence?
M. Wilson: Au niveau des municipalités, les intérêts en jeu sont relatifs à des propriétés ou à des licences. Par exemple, on doit s'assurer qu'une activité est possible au marché, à Ottawa. Les décisions des conseillers municipaux sont très liées à des intérêts individuels. Ça, c'est l'idée.
Dans les assemblées provinciales et au niveau fédéral, les décisions ne portent pas sur des questions de propriété. Par exemple, dans la Loi sur l'assemblée nationale, au Québec, on dit:
- 62. Un député qui a un intérêt financier, personnel et direct, distinct de celui de l'ensemble des
députés ou de la population, dans une matière soumise à la considération de l'Assemblée, d'une
commission ou d'une sous-commission, doit déclarer publiquement cet intérêt avant de
prendre part aux débats ou de voter sur cette question.
- Toutefois, il n'a pas à faire cette déclaration s'il s'abstient de participer aux débats et de voter
sur cette question.
Au niveau fédéral, c'est la même chose. Les intérêts relatifs aux terrains, par exemple les décisions d'expropriation, et les décisions visant à donner aux individus des droits de participation dans une société n'existent pas au niveau fédéral.
On parle de la législation qui concerne les corporations canadiennes; on a des règles visant les lobbyistes; on a des budgets. Les décisions sont plus générales. Il faut que les règles nécessaires soient appropriées au niveau décisionnel en question.
C'est pour cette raison que j'ai parlé d'un code modeste.
[Traduction]
Le coprésident (le sénateur Oliver): Monsieur Epp, les dernières questions sont à vous.
M. Epp: Merci. Mes questions seront brèves. Je voudrais vous donner un ou deux exemples, car je crois voir que la résolution du comité faiblit très rapidement pour ce qui est de la nécessité d'instaurer un code d'éthique et un mécanisme d'application.
Monsieur Wilson, j'aimerais connaître votre réaction aux deux exemples auxquels j'ai pensé. Prenons le cas du député du Parlement qui aurait accumulé des dettes énormes au cours de sa campagne électorale et qui, suite à son élection, devient ministre. Quelqu'un organise pour lui une levée de fonds, amasse énormément d'argent et, par la suite, reçoit un contrat du ministère dirigé par cette personne. À votre avis, cela devrait-il faire l'objet d'une enquête? Est-ce un manquement à l'éthique?
M. Wilson: Monsieur Epp, vous venez de me poser une question hypothétique.
M. Epp: Est-ce illégal? Qui porterait des accusations? Vous? Moi, à titre de député du Parlement?
Le sénateur Prud'homme: Il faudrait invoquer le Code criminel et déposer une plainte directement à la GRC. Le Code criminel est beaucoup plus rigoureux que n'importe quel code d'éthique.
M. Epp: Si je comprends bien, vous n'allez pas me répondre. Je vais vous donner un autre exemple. Prenons le cas d'un parlementaire qui touche quelque 60 000$ par année. Pour un millionnaire, c'est de la menue monnaie, mais pour la plupart des Canadiens, ceux que je représente, c'est beaucoup d'argent.
Disons que ce parlementaire, qu'il s'agisse d'un député, d'un ministre ou d'un sénateur, travaille parallèlement comme expert-conseil auprès d'une entreprise qui le paie essentiellement le même montant pour voyager dans le monde entier en sa qualité d'expert-conseil pour collecter des données, rédiger des rapports, etc., pour son client. Est-ce un manquement à l'éthique? Devrait-il y avoir une enquête? Devrait-il y avoir des règles pour empêcher cela?
M. Wilson: Dans ma déclaration liminaire, j'ai mentionné qu'en vertu d'un principe bien ancré, on reconnaît aux députés le droit d'avoir d'autres intérêts. Certains choisiront de ne pas en avoir, alors que d'autres jugeront important de continuer de participer activement à la vie de leur collectivité. Ces derniers peuvent accepter de siéger à des conseils d'administration. Ils peuvent aussi diriger leur propre entreprise. Ils peuvent faire quantité de choses.
La seule façon de contrer des allégations d'inconduite - et c'est ce qui a été fait au niveau provincial - c'est la divulgation. À ce moment-là, on peut se demander si certaines de leurs activités servent leurs intérêts privés au détriment de leurs responsabilités publiques.
À priori, j'hésiterais beaucoup à accuser d'inconduite toute personne engagée dans une activité extérieure. Au contraire, j'estime que c'est là un droit.
M. Epp: D'accord. En conclusion, je tiens à dire aux autres membres du comité que je trouve cela absolument stupéfiant. Je trouve que mon travail de député est plus qu'un travail à temps plein. J'ai dû abandonner mon autre carrière pour devenir député. Je consacre 18 heures par jour à mes fonctions. Je n'ai pas le temps de travailler pour quelqu'un d'autre. Voilà pourquoi je ne travaille plus comme professeur de mathématique et d'informatique.
À mon avis, toute personne rémunérée à titre d'employé à temps plein de la population canadienne ne devrait pas avoir d'autres sources de revenu. Je suis désolé, mais c'est mon opinion. Et si cette personne en a, eh bien il faut qu'elle soit tenue de divulguer intégralement toutes ses activités.
Sinon, le Comité n'a plus qu'à susprendre ses travaux et je vais m'occuper d'autre chose.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Monsieur Wilson, voulez-vous intervenir?
M. Wilson: Non.
Le sénateur Prud'homme: J'ai une brève question à poser. Prenons le cas de mon père qui a fait de la politique - et je pense qu'il a fait de l'excellent travail - et qui était aussi médecin. À votre avis, un médecin qui se fait élire devrait-il abandonner complètement sa pratique médicale?
M. Epp: C'est une question difficile. Évidemment, comme vous le savez...
Le sénateur Prud'homme: Et on peut ajouter d'autres professions. Un agriculteur, propriétaire d'une grosse exploitation en Saskatchewan... Je peux vous donner de nombreux exemples de personnes que je connais, particulièrement en Saskatchewan et en Alberta. Prenons l'agriculteur qui...
M. Epp: Je peux répondre à votre question. C'est très simple.
Le sénateur Prud'homme: C'est la raison d'être du Comité.
M. Epp: Je peux m'acquitter de mes fonctions de professeur uniquement si je suis là physiquement. Le médecin, comme de nombreux autres professionnels, peut pratiquer uniquement s'il est là physiquement. Par contre, l'agriculteur peut louer ses terres à ses voisins. Il peut demander à son fils ou à son gendre ou à n'importe qui d'autre d'exploiter sa terre en plus de la sienne. Il peut physiquement se consacrer à représenter ses commettants, les gens qui l'ont élu, et c'est là la différence.
Je connais des hommes d'affaires qui ont une entreprise dont la gestion ne nuit en rien à leur travail de parlementaires. Cela dit, il convient de veiller à ce que les décisions qu'ils prennent à titre de parlementaires n'aient pas d'incidence sur la bonne marche de leur entreprise. Cet aspect n'est pas négligeable et je pense que le problème a déjà été réglé. Ces personnes doivent s'abstenir de voter sur des questions où les décisions pourraient se traduire par un avantage pécuniaire direct pour eux.
J'ai répondu à la question.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Monsieur Wilson, étant donné les multiples questions qui vous ont été posées aujourd'hui, vous avez pu voir que vous avez été un véritable catalyseur. Vous avez stimulé la réflexion de tous les participants aujourd'hui, ce qui est excellent.
Comme je l'ai dit au début de la séance, vous êtes notre premier témoin. Ce qui m'a le plus intéressé, c'est que vous avez dit qu'il était souhaitable que les députés et les sénateurs aient des intérêts extérieurs. C'est l'un des arguments majeurs que vous avez avancés, et nous en tiendrons compte au cours de nos délibérations futures.
Je vous remercie beaucoup d'être venu. Nos recherchistes ont préparé d'autres questions, et nous vous les ferons parvenir dans l'espoir d'obtenir des réponses que nous pourrons soumettre au reste du Comité.
Merci beaucoup.
M. Wilson: Merci.
M. Epp: Monsieur le président, avec votre permission, je voudrais présenter deux motions.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Certainement.
M. Epp: Je vais les lire toutes les deux, étant donné que je n'en ai qu'un seul exemplaire, et je les remettrai ensuite au greffier. Si on doit en discuter séparément, vous pourrez peut-être les relire.
Ma première motion vise à nous aider à faire du bon travail en tant que comité. Nous avons besoin d'avoir le plus d'informations et de données possibles, et ma motion vise à obtenir les lignes directrices établies par le Bureau du premier ministre à l'intention des ministres. Nous ne les avons pas à l'heure actuelle, mais je pense que cela nous aiderait.
Ma deuxième motion porte aussi sur la cueillette de données: que nos recherchistes préparent un tableau et une liste de toutes les recommandations faites par des commissions aux comités précédents en matière d'éthique et de code de conduite, en identifiant les sources de chaque recommandation, par sujet. Cela donnera sans doute un document de quatre ou cinq pages.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Nous n'avons pas le quorum de onze à l'heure actuelle. Par conséquent, j'accepte le préavis de vos deux motions et nous en discuterons la prochaine fois que nous aurons le quorum.
M. Epp: Il n'y a pas onze députés présents?
Le coprésident (le sénateur Oliver): Nous ne sommes pas onze maintenant.
M. Epp: Je tiens à signaler que tous les députés du Parti réformiste membres du Comité sont présents.
Le sénateur Gauthier: Vous êtes le seul.
Le coprésident (M. Milliken): Non, il y a trois députés réformistes qui siègent au Comité.
M. Epp: Qui sont les deux autres, monsieur le président?
Le coprésident (M. Milliken): Tous les membres du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre en sont membres. Vous êtes un remplaçant, n'est-ce pas?
M. Epp: Non, je suis un membre régulier.
Le coprésident (M. Milliken): C'est impossible parce que la composition du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre a changé aujourd'hui et ses membres siègent à notre comité. Il s'agit de M. Frazer, de M. Ringma et de M. Speaker.
M. Epp: Dans ce cas, je signale qu'un tiers de nos membres est ici.
Le coprésident (M. Milliken): Autrement dit, aucun d'entre vous n'est ici.
M. Epp: J'avertis mes collègues qu'ils auraient intérêt à être plus que trois parce que la prochaine fois, nous serons plus nombreux qu'eux.
Le sénateur Prud'homme: Vous rendez-vous compte qu'ils ne sont même pas ici?
Le coprésident (le sénateur Oliver): Le comité directeur du comité spécial mixte se réunira à 6 heures aujourd'hui pour discuter des témoins et d'autres questions dont nous ferons rapport au comité dans son ensemble à l'occasion de la prochaine séance.
Cela dit, quelqu'un est-il prêt à proposer l'ajournement?
Des voix: Oui.
Le coprésident (le sénateur Oliver): La séance est levée.