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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 6 novembre 1995

.1930

[Traduction]

Le coprésident (M. Milliken): La séance est ouverte.

Le comité est prêt à reprendre l'étude des Ordres de renvoi adoptés par le Sénat et la Chambre des communes.

[Français]

sur l'étude d'un code d'éthique à l'intention des sénateurs et des députés.

Ce soir, nous avons deux témoins des médias,

[Traduction]

M. Russell Mills, éditeur et président du quotidien The Ottawa Citizen, et M. John Paton, éditeur et directeur général du quotidien The Ottawa Sun.

Merci beaucoup d'avoir accepté de venir, messieurs. Nous sommes enchantés que vous soyez venus témoigner devant notre comité, ce soir. C'est la première fois, je crois, que nous avons des témoins des médias aux audiences de ce comité, et nous sommes impatients d'entendre ce que vous avez à nous dire.

Je suppose que vous avez une déclaration d'ouverture; nous serons ravis de l'écouter.

M. Paton, vous avez la parole.

M. John Paton (Éditeur et directeur général, The Ottawa Sun): Merci.

Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir invité ce soir à participer à votre enquête sur l'établissement d'un code d'éthique. Puisque je représente le messager que nombre d'entre vous aimeriez abattre, j'ai pensé que je vous serais très utile en répondant à vos questions. Toutefois, j'ai une brève déclaration à faire, qui reflète un peu l'image que j'ai de la question et ce que mes lecteurs me disent au téléphone et dans leurs lettres.

Je suis heureux d'être ici ce soir, mais je dois dire que je suis troublé de voir qu'après une vingtaine d'années de discussions sans fin sur les conflits d'intérêts et la conduite des parlementaires, il faut encore avoir un tel comité mixte spécial. Peut-être qu'en cherchant une réponse à cette question, le comité finira par y trouver une solution en poursuivant la tâche qui lui a été confiée.

Après les divers comités qui ont précédé le vôtre et leur foule de témoins, le message peut-il être énoncé plus clairement qu'il ne l'a déjà été? Celui de mes lecteurs est simple: Les Canadiens veulent que leurs parlementaires se conforment à un code d'éthique simple, facile à comprendre et à appliquer, et que ce code stipule que la vie des parlementaires doit être aussi transparente qu'un livre ouvert. Pour eux, rien d'autre ne fera l'affaire. Ni vos inquiétudes relativement au droit des parlementaires à la vie privée, ni vos protestations voulant que les codes d'éthique, les lois et le Code criminel en vigueur suffisent, ne calmeront les doutes qu'entretiennent les électeurs qui pensent que vous manigancez quelque chose.

.1935

Aussi blessant soit-il pour des femmes et des hommes honorables d'être présumés coupables sans motif dans l'esprit du public, c'est malheureusement la situation dans laquelle vous vous trouvez en tant que parlementaires. Au cours de la dernière décennie, avec la parution de livre après livre, depuis l'ouvrage de Bob Fife et de John Warren, A Capital Scandal, à celui de Stevie Cameron, On the Take, ou à la dernière oeuvre de Peter Newman intitulée The Canadian Revolution, 1985-1995, les électeurs sont arrivés à la conclusion que les concepts de privilège et de droit, traditionnellement conférés aux institutions et aux personnes qui les occupent, ne sont plus de mise.

Notre tissu social subit actuellement le plus fort bouleversement depuis la Seconde Guerre mondiale. Notre expérience sociale des soins subventionnés par le gouvernement, de la naissance au décès, est un échec. Les Canadiens savent que le gouvernement ne peut plus assurer les mêmes services qu'auparavant. Nous sommes livrés à nous-mêmes et nous le savons. Nos lecteurs disent simplement qu'ils refusent d'accorder au Parlement et aux parlementaires leurs privilèges traditionnels.

Depuis les billets de faveur offerts par les compagnies aériennes aux coupes de cheveux subventionnées, mes lecteurs, qui se débattent dans un environnement économique plus difficile, remettent en question chaque privilège conféré aux parlementaires. Cette remise en question est une réaction émotionnelle valable, mais je crois qu'elle empêche nos dirigeants gouvernementaux de faire leur travail.

Je suis persuadé que vous ne réussirez à accomplir efficacement votre tâche, qu'après avoir convaincu les Canadiens de vous faire de nouveau confiance. Pour retrouver cette confiance, il faut comme première étape, adopter un code d'éthique efficace.

Je comprends bien l'argument voulant qu'il existe sûrement une partie des finances et de la vie de nos élus qui pourrait demeurer privée, mais nous avons, malheureusement, dépassé cette limite, et cet argument ne vaut plus chez les Canadiens ordinaires. L'idée antérieurement avancée qu'une telle politique de rigueur empêcherait des hommes et des femmes qualifiés de se présenter aux élections laissent mes lecteurs sceptiques. Ils me le disent chaque jour. À mon avis, la grande majorité des Canadiens préféreraient un Parlement composé d'hommes et de femmes moins brillants, mais dont les vies seraient plus transparentes que pour le Parlement actuel.

Les Canadiens sont démoralisés d'entendre les parlementaires soutenir que les députés, surtout ceux sans portefeuille, ne font pas nécessairement partie du gouvernement, de sorte qu'ils n'ont pas besoin d'un code d'éthique aussi strict que, disons, les ministres du Cabinet. Les Canadiens vous considèrent déjà, que vous soyez sans portefeuille ou dans l'Opposition, comme des rouages du processus gouvernemental. La distinction, du moins chez mes lecteurs, est floue. Pour eux, les députés forment le gouvernement. Il est malhonnête, pour les parlementaires, de se voir sous un autre jour.

Cela m'a troublé de voir le conseiller spécial du Premier ministre Jean Chrétien en matière d'éthique, M. Mitchell Sharp, se démener devant ce comité pour essayer de démontrer que les parlementaires ne sont pas nécessairement des représentants du gouvernement ou qu'ils ne savent pas forcément plus que le commun des mortels ce qui se passe au gouvernement. Quoi qu'il en soit, il voulait manifestement dire que nous n'avons peut-être pas besoin d'un code d'éthique pour nous protéger de ceux qui essaient d'influencer nos parlementaires à leur propre avantage.

Qui pourrait cautionner un tel raisonnement, lorsque tous les grands cabinets de lobbyistes d'Ottawa font des tours de passe-passe pour mettre de l'avant leurs associés de la même couleur politique que le gouvernement en place, pour laisser dans l'ombre ceux qui avaient des rapports avec l'ancien gouvernement? Les parlementaires et les lobbyistes peuvent protester autant qu'ils le veulent, le public n'y voit évidemment qu'un bradage de l'accès au pouvoir.

Vous devez démontrer aux Canadiens que tel n'est pas le cas. Vous devez simplifier vos règles actuelles de sorte que vous les compreniez bien, car je suis persuadé, mesdames et messieurs, que vous comprenez implicitement ces règles, que le public les comprend également, et que vous devez leur donner force de loi. Toute autre mesure dégraderait davantage les rapports entre le Parlement et les citoyens et notre capacité de gouverner en tant que nation.

Je serais heureux de répondre à vos questions.

Le coprésident (M. Milliken): Monsieur Mills, voulez-vous faire également une déclaration?

M. Russell Mills (Éditeur et président, The Ottawa Citizen): Oui.

Le coprésident (M. Milliken): Allez-y s'il vous plaît, vous avez la parole.

M. Mills: Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant ce comité mixte spécial chargé d'étudier un code d'éthique destiné aux parlementaires. Le sujet sur lequel vous vous penchez est très important pour l'avenir eu égard à la confiance envers le gouvernement de notre pays, au palier fédéral.

Non, nous ne nous sommes pas concertés, M. Paton et moi, pour nos présentations, mais vous constaterez qu'elles se ressemblent beaucoup.

Je ne suis pas ici en tant que représentant officiel de l'industrie des journaux ni de tout le personnel de mon propre journal, même si j'ai consulté les personnes qui font directement des reportages sur les activités du Parlement et du gouvernement. Grâce à la rétroaction des lecteurs, à la suite de ces reportages, nous avons été sensibilisés aux attitudes du public à l'égard de nos institutions, et les quelques pensées que j'exprime aujourd'hui sont fondées sur cette rétroinformation.

.1940

Les travaux de votre comité se déroulent à un moment où s'exprime un manque flagrant de confiance envers nos institutions, le gouvernement notamment et, je dois l'admettre, les médias. Cette méfiance semble être particulièrement prononcée chez les jeunes qui affrontent un avenir plus difficile que les gens de ma génération. Dans un certain sens, ils ont le sentiment que leurs institutions sociales les ont abandonnés, et je crois que ce sentiment est confirmé par les résultats d'un bon nombre de sondages.

Il est crucial pour l'avenir de notre démocratie que la jeune génération ait l'assurance, même si notre société n'a pas réussi à lui fournir les emplois et les modes de vie qu'elle a donnés à ses parents, qu'au moins les institutions gouvernementales fonctionnent dans l'éthique. Si nous voulons que les membres de cette génération votent et soutiennent nos institutions politiques démocratiques, il faut qu'ils aient la certitude que leurs élus serviront toujours l'intérêt du public et qu'ils n'utiliseront pas leur charge publique pour servir des intérêts privés. Ils ont vu cela se produire trop de fois ces dernières années.

Augmenter cette confiance parmi les membres d'une génération sceptique ne sera pas facile et demandera certains sacrifices en ce qui a trait à la vie privée des parlementaires. Il faudra une divulgation sans réserve de tout conflit d'intérêts possible, des règles éthiques claires régissant la conduite et des mécanismes efficaces et acceptés pour les appliquer.

À mon avis, deux principes directeurs devraient orienter les travaux de ce comité, s'il a pour objectif de promouvoir la confiance du public à l'égard du Parlement et du gouvernement. Il s'agit de la simplicité de la divulgation. Des règles éthiques trop complexes pour être comprises et des procédures cachées du public n'aideront pas à promouvoir cette confiance si nécessaire.

Je vous rappelle ce qu'a écrit le juge William Parker en 1987 dans son rapport sur la conduite de l'ancien ministre Sinclair Stevens:

Dans la recherche de la simplicité, je suis persuadé qu'il faudrait un ensemble de règles qui s'appliquent à tous les parlementaires, aux ministres et aux simples députés de la Chambre des communes et aux sénateurs. Ces règles devraient se retrouver dans une seule loi. Le fait que certains parlementaires aient moins d'influence que d'autres n'est pas une raison acceptable pour abaisser la norme qui régit la divulgation et l'éthique, si l'on veut réaliser l'objectif de restaurer la confiance du public.

L'argument démontrant que les sénateurs devraient être subordonnés aux mêmes normes qui s'appliquent aux députés de la Chambre repose sur le raisonnement que les sénateurs n'étant pas tenus de rendre compte de l'exécution de leurs fonctions pour être réélus, ils doivent, encore plus que les autres, être assujettis à un code d'éthique rigoureux.

Les ministres seront manifestement plus touchés par les règles parce qu'ils ont davantage d'occasions de se trouver en situation de conflits d'intérêts.

Dans la détermination de ce qui doit tomber dans le domaine public, les parlementaires devraient être tenus de divulguer tous leurs intérêts financiers, y compris leur actif, leur passif et leur revenu. Les intérêts des membres de leur famille immédiate devraient également être divulgués, car ces membres peuvent aussi influencer le comportement public. Ces informations devraient être régulièrement mises à jour et mises à la disposition du public, dans les bibliothèques et dans des bases de données.

Il devrait être interdit à tout parlementaire de prendre part à des décisions qui pourraient avantager les intérêts d'un membre de sa famille immédiate. Dans certains cas, il faudra que le parlementaire se dessaisisse de ses actifs. Il devrait être aussi interdit à tous les parlementaires d'accepter des cadeaux ou des avantages, y compris des billets de voyage de complaisance au Canada et à l'étranger, au-dessus d'un seuil nominal, et tout cadeau accepté devrait être déclaré.

Il y aurait lieu d'interdire à tous les parlementaires de bénéficier de négociations concernant des marchés publics et d'y participer. Tout contrat détenu avant les élections ou la nomination devrait être divulgué dans le relevé des intérêts financiers du parlementaire.

Il faudrait empêcher tous les parlementaires de tirer parti de leurs rapports avec des sociétés qui font affaire avec le gouvernement, et d'accepter un emploi dans ces dernières qui puisse influencer ces affaires, pendant au moins deux ans après qu'ils ont quitté leur poste.

Ces règles devraient être appliquées par un commissaire à l'éthique indépendant, nommé par le Parlement et relevant de lui et non du gouvernement en place. Ce commissaire entendrait les plaintes, aurait le pouvoir d'enquêter et de veiller à ce que ces règles soient observées. Le processus d'audience et de règlement des plaintes devrait être aussi ouvert et public que possible.

Le modèle du Vérificateur général pourrait être le meilleur à suivre pour définir le rôle d'un commissaire à l'éthique indépendant. Une fonction de responsabilité analogue en matière d'éthique des parlementaires servirait enfin à reconnaître que la préservation de l'éthique du Parlement est tout aussi importante que la justification des dépenses de fonds publics.

On soutient, parfois, que des règles sévères de ce genre qui imposent la divulgation des intérêts détenus, dissuadent certaines personnes compétentes de se présenter aux élections. C'est peut-être vrai. Je crois, toutefois, que la confiance du public envers les institutions gouvernementales est si importante, que quiconque n'est pas prêt à divulguer ses intérêts privés ne devrait pas être élu à la Chambre ou nommé au Sénat pour prendre des décisions publiques.

.1945

L'adoption de certaines règles sévères mais simples, dans le contexte d'un processus de divulgation et d'application des plus transparents aux yeux du public, serait un élément de dissuasion efficace contre les abus de confiance dans les fonctions assumées. Cela permettrait de dissiper les doutes du public qui juge que les parlementaires poursuivent leurs propres intérêts et, en fin de compte, de commander le respect à l'égard du Parlement et du gouvernement fédéral.

De nombreuses tentatives visant à instituer un code d'éthique efficace ont échoué, dont un certain nombre, ces dernières années. Il est important, pour assurer l'avenir de nos institutions démocratiques au palier fédéral, que vous réussissiez à atteindre votre objectif.

Réussir véritablement à regagner la confiance envers l'intégrité du Parlement et du gouvernement exigera davantage qu'un code d'éthique strict et des mécanismes d'application efficaces. Il faudra que tous les parlementaires observent le code, et comme il sera difficile d'englober dans un seul train de règles toutes les fonctions sujettes à abus, ils devront en accepter l'esprit et la lettre.

Les institutions qui occupent les édifices dans lesquels nous sommes devraient être les plus respectées de notre pays. Comme nous le savons tous, elles ne le sont pas. Ce comité a l'occasion d'agir et de recommander l'adoption d'une norme d'éthique élevée et transparente pour tous les parlementaires. Pour le bien des générations futures de Canadiens, j'espère que vous y parviendrez.

En terminant, je voudrais dire, comme je l'ai déjà mentionné, que les médias ont plusieurs choses en commun avec ces institutions. La première est la méfiance du public, l'autre est que nous méritons une meilleure réputation que celle que nous accorde le public. Je crois que la plupart des gens dans notre industrie et des parlementaires sont des personnes honnêtes et travailleuses qui ne cherchent qu'à servir l'intérêt public dans l'exécution de leurs fonctions. Ce n'est qu'un petit groupe qui ternit cette réputation. Un code d'éthique efficace et exécutoire pour tous les parlementaires permettrait de redresser cet état de chose du côté parlementaire.

Merci. Comme l'a dit M. Paton, nous ferons de notre mieux pour répondre à vos questions.

Le coprésident (sénateur Oliver): Je tiens à vous remercier tous deux d'être venus. Je suis heureux que vous soyez ici, car à mon avis il est extrêmement important que le public connaisse l'opinion des membres des médias sur le sujet qui nous occupe. Les deux points de vue que vous avez exposés mettent en relief un certain nombre de choses critiques sur lesquelles nous allons nous pencher. Je vous remercie donc d'être venus et de participer à cette séance.

L'une des choses que vous n'avez pas abordées ni l'un ni l'autre est le rôle des médias dans la baisse dramatique de la réputation des parlementaires et des politiciens soulevée par les sondages d'opinions des Canadiens dans tout le pays.

Je sais qu'on a parlé de billets de faveur des compagnies aériennes, de coupes de cheveux, de voyages à l'étranger, et j'en passe. Quel est le rôle du média qui découvre qu'un député s'est rendu à l'étranger et a reçu un cadeau d'une centaine de dollars, alors que cette affaire prend des proportions exagérées et que ce média laisse entendre que nous acceptons des pots-de-vin et faisons des choses illicites et illégales? Est-ce que ce type de couverture ne fait pas penser au public que les parlementaires acceptent tous des pots-de-vin et font des choses répréhensibles? Est-ce vraiment nécessaire? Remplissez-vous véritablement votre rôle de professionnels en rapportant des choses comme celle-là?

M. Mills: Faites-vous allusion à une situation fictive?

Le coprésident (sénateur Oliver): C'est hypothétique.

M. Mills: J'ose espérer que, s'il s'agit d'une personne qui accepte un cadeau d'une valeur de 100 dollars, ce serait traité dans une juste perspective. Je ne me souviens pas d'un cas aussi exagéré. Mais nous savons qu'au cours des dernières années, il y a eu de nombreux cas graves de conflits d'intérêts et d'abus de confiance, que nous avons rapportés. À titre d'intermédiaires entre les parlementaires et le public qui les élit et a besoin d'être informé, je ne pense pas que nous ayons d'autre choix que de rapporter ce qui se passe de façon aussi complète et exacte que nous le pouvons.

Le coprésident (sénateur Oliver): Il n'y a pas si longtemps, tous les présidents des banques nationales au Canada ont dû déclarer leurs revenus et leurs salaires. Ils ont donc divulgué qu'ils gagnaient plus d'un million de dollars, etc. Ce sont des personnalités très en vue dans le public et elles ont un très grand contrôle sur nos vies, à l'instar des parlementaires; et pourtant, ils ne sont pas tenus de dévoiler leur passif. Ils ne sont pas obligés de divulguer les actifs de leur conjoint ou conjointe ni leur valeur nette. Pourquoi cette différence entre les deux? Pourquoi sont-ils à un niveau inférieur à celui des députés?

M. Paton: Je crois que c'est parce que les présidents de banque doivent agir dans les limites de la loi et des règles décidées par le Parlement et ses divers organes. Je crois que vous êtes à un niveau supérieur lorsque vous créez des lois, dans une large mesure, et cela vous place sous une plus grosse loupe.

Quant à la question de la divulgation des salaires des présidents de banque, il semble que la plupart des Canadiens conviendraient qu'ils ont ressenti certaines titillations lorsque les lois stipulant de telles divulgations ont été adoptées: qui gagnait quoi et ce qu'il fallait faire pour y arriver. Les gens s'intéressent toujours à ce que gagne leur voisin.

.1950

Je ne sais pas si vous l'avez remarqué - moi, si - que les gens s'intéressent bien moins à ce genre d'histoire qu'auparavant. Ces nouvelles faisaient la une. Maintenant, après trois ans, elles font bien moins fréquemment la première page des journaux financiers. À moins que le salaire ne soit vraiment astronomique pour le Canada, on n'en fait plus un plat.

Le coprésident (sénateur Oliver): J'ai une dernière question à poser. Vous avez utilisé l'expression «la vie devrait être un livre ouvert» au début de votre présentation. Vous avez tous les deux utilisé ce concept en disant que tout ce qu'un politicien possède et fait devrait être mis au grand jour à tout moment, et que rien ne devrait être caché. Vous avez également dit, dans votre deuxième intervention, que cela devrait être entendu par un commissaire relevant du Parlement et nommé par lui, et non par le Premier ministre.

À ce propos, je me demande si vous pensez que quelque chose ne devrait pas être dévoilé aux médias et au public. Je veux dire toutes vos dettes, tout votre passif, tout ce que vos enfants et votre femme possèdent, ou ce qu'a votre frère avec qui vous faites affaire. Toutes ces choses devraient-elles être divulguées au public et offertes à votre examen?

M. Mills: Je vais essayer d'y répondre le premier.

Tout d'abord, je voudrais revenir à la première question et dire qu'à mon avis il existe une différence essentielle entre le secteur privé et le secteur public.

Il existe une divulgation restreinte en ce qui concerne les actifs des présidents de banque, etc., mais ils doivent rendre compte aux actionnaires de leur société et, bien entendu, le conseil d'administration doit entièrement divulguer tout ce que les actionnaires ont besoin de savoir sur les dirigeants élus de cette société. Aussi y a-t-il une différence. Les gens à qui vous devez rendre compte sont les actionnaires du Canada, ses habitants.

Quant à la deuxième question, je crois que le principe à suivre est de tout faire pour dévoiler tout ce qui pourrait influencer le comportement d'une personne qui pourrait empiéter sur la conduite publique. Je pense qu'il faut se servir de son nez. Si l'on sent que quelque chose pourrait ne pas être correct, il faut en informer le public.

Comme je l'ai dit, gagner le respect que vous voudriez qu'on vous témoigne, surtout chez les jeunes, demande, à mon avis, que vous sacrifiez votre vie privée.

Le coprésident (sénateur Oliver): Merci beaucoup.

Le coprésident (M. Milliken): Merci, sénateur Oliver.

[Français]

Monsieur Bellehumeur, la parole est à vous.

M. Bellehumeur (Berthier - Montcalm): Je tiens à vous remercier d'être venus témoigner. Monsieur Mills, vous avez assez bien fait le tour de la problématique. Pour ce qui est de M. Paton, j'aurais une question à lui poser. Le Ottawa Sun a-t-il son propre code d'éthique?

[Traduction]

M. Paton: Oui.

[Français]

M. Bellehumeur: Le suivez-vous?

[Traduction]

M. Paton: Oui.

[Français]

M. Bellehumeur: Les politiciens doivent-ils avoir un code d'éthique aussi léger que le vôtre semble l'être, étant donné que l'actualité nous démontre qu'on peut faire à peu près n'importe quoi dans votre journal en ce qui a trait aux caricatures? On peut rire d'un handicap et on peut amplifier certaines choses.

On vous demande de vous excuser. C'est une farce de très mauvais goût, comme on le dit à l'unanimité, et votre journal ne fait rien. Vous ne vous excusez pas; bien au contraire, vous en ajoutez. Cela fait-il partie de votre code d'éthique?

.1955

[Traduction]

M. Paton: Tout d'abord, monsieur, le journal a publié une pleine page de lettres de personnes nous reprochant d'avoir publié cette caricature, et nous avons écrit un article sur la réception de cette caricature dans certaines régions du pays.

Pour ce qui est des excuses, nous avons bien dit que la caricature n'était en rien une attaque contre le handicap, de quelque forme que ce soit. Nous avons pensé qu'il s'agissait d'une satire politique légitime.

Quant à son rapport avec un code d'éthique... Vous trouvez cela de mauvais goût. Moi pas. C'est moi qui ai pris la décision de publier la caricature et je suppose que nous devons convenir que nous ne sommes pas d'accord sur ce point.

[Français]

M. Bellehumeur: Bien que vous ayez un code et que vous prétendiez le suivre, vous l'étirez à souhait. Est-ce bien ce que vous voulez dire?

[Traduction]

M. Paton: Non. Vous déformez ma réponse. Je vous dis qu'à notre avis cette caricature est une satire politique légitime. Nous en avons discuté le soir du référendum, parce qu'elle devait paraître dans le journal du lendemain, et nous avons décidé de la publier.

[Français]

M. Bellehumeur: Selon vous, cette caricature ne manque-t-elle pas d'éthique?

[Traduction]

M. Paton: Non monsieur, sinon je ne l'aurais pas publiée.

[Français]

M. Bellehumeur: Je n'ai pas d'autres questions à poser à de telles gens.

[Traduction]

Le coprésident (M. Milliken): Sénateur Gauthier, s'il vous plaît.

Le sénateur Gauthier (Ontario): Monsieur Mills, je suppose que lorsqu'un éditorial paraît dans votre journal - les journaux anglais ne signent pas leurs éditoriaux - c'est le journal qui exprime l'opinion de tous ses rédacteurs.

M. Mills: Le conseil de rédaction du journal se compose de moi-même, éditeur du journal, et d'un certain nombre de rédacteurs.

Le sénateur Gauthier: Pourquoi ne signez-vous pas vos éditoriaux?

M. Mills: Cela arrive parfois, mais rarement. J'en ai écrit un en première page, lundi dernier, qui porte ma signature.

Le sénateur Gauthier: Non, je veux dire dans la page habituelle de l'éditorial.

M. Mills: En règle générale, nous ne le faisons pas. Il n'est pas dans la tradition des journaux de la presse anglaise de signer les éditoriaux, car nous pensons parfois que le journal devrait avoir le droit de s'exprimer en tant qu'institution. Un éditorial ne doit pas être l'opinion d'une personne, mais l'opinion du journal, compte tenu des opinions de tout le groupe.

Le sénateur Gauthier: La plupart du temps, c'est le cas.

M. Mills: Oui, la plupart du temps, c'est le cas.

Le sénateur Gauthier: En fait, presque toujours, sauf dans des circonstances exceptionnelles.

M. Mills: Oui.

Le sénateur Gauthier: Dans un éditorial du 13 février 1992 - Je crois que c'était une dernière tentative pour obtenir -

M. Mills: Avez-vous bien dit le 13 février?

Le sénateur Gauthier: En 1992.

M. Mills: Oui, en 1992?

Le sénateur Gauthier: Étiez-vous là?

M. Mills: Est-ce que j'y étais? Non, j'étais à la tâche à Toronto, à ce moment-là.

Le sénateur Gauthier: Travaillant dur. Mais l'éditorial disait, et je cite:

Êtes-vous d'accord?

M. Mills: Est-ce que je suis d'accord avec quoi?

Le sénateur Gauthier: Pour ce qui est de la méfiance bien méritée.

M. Mills: Il s'agit d'une généralisation un peu hâtive. Je crois que pendant -

Le sénateur Gauthier: Bien. C'est tout ce que je voulais entendre, parce que -

M. Mills: Pardon?

Le sénateur Gauthier: - cela ressemble à un coup de patte contre...

M. Mills: Comme je l'ai dit dans mes dernières remarques, je crois que la plupart des parlementaires sont des gens parfaitement honnêtes, travailleurs et dévoués.

Le sénateur Gauthier: Vous avez conclu votre déclaration en disant qu'il faudrait se servir de son nez. J'aime cette expression. C'est la deuxième ou troisième fois qu'on entend ici cette expression. Qui doit renifler? Vous?

M. Mills: Non. Je pense qu'on devrait permettre au public de renifler.

Le sénateur Gauthier: Mais comment le public peut-il renifler?

M. Mills: Le public reniflerait le vent selon l'information que lui fourniraient les médias et si quelqu'un venait à penser que cela sent mauvais, cette personne devrait, à mon avis, pouvoir se plaindre au commissaire à l'éthique.

Le sénateur Gauthier: Bon. Et si quelqu'un était accusé à tort d'avoir fait quelque chose qui n'est pas vrai, lui accorderiez-vous le même espace en première page que vous y aurez consacré au moment où vous pensiez que cette personne avait, selon vous abusé du système?

Ne pensez-vous pas qu'il serait juste qu'une personne indépendante de vous et de nous, un commissaire qui aurait la confiance du peuple canadien, un commissaire peut-être, peut-être un conseil de commissaires - c'est une formule que l'on pourrait utiliser - qui serait chargé d'enquêter sur toute allégation et à qui tout parlementaire divulguerait certaines choses comme ses actifs, son passif et la liste que vous nous avez donnée concernant les intérêts d'entreprises et autres?

Ne pensez-vous pas que cela vaudrait mieux que de chercher à en savoir plus long, ce que certains d'entre vous font parfois?

.2000

J'essaie de trouver un mécanisme qui conviendrait. En qui pourrait-on avoir confiance, peut-être seulement en nos propres instincts?

M. Mills: Je crois que ces mesures devraient tout d'abord satisfaire le public. En dernier recours, c'est au public que vous devez des comptes, et c'est au public de déterminer s'il y a quelque chose de louche.

Le sénateur Gauthier: Ainsi, vous ne seriez pas d'accord avec un commissaire indépendant, quelqu'un comme le Vérificateur général, qui serait -

M. Mills: Quelqu'un qui relèverait du Parlement.

Le sénateur Gauthier: - nommé par le Parlement et qui en relèverait et qui, dans certains cas, déciderait qu'il «n'y a rien de mal, aussi je n'en ferai pas un plat».

M. Mills: Je présume que le commissaire exercerait ce rôle, qu'il prendrait des décisions quant à savoir s'il y a eu abus ou non, mais que je suis pas sûr que cela marcherait si la divulgation n'était faite qu'à cette personne.

Le sénateur Gauthier: Pourquoi pas? Dites-moi pourquoi. Le Vérificateur général rend un jugement sur les comptes publics du pays et dit, tous les trois ou quatre ans «Je n'aime pas la façon dont les comptes sont tenus», ce qui crée une sacrée situation, mais seulement de temps en temps.

Nous parlons de politiciens. Nous ne parlons pas ici d'administration publique, à propos d'un administrateur qui pourrait, volontairement ou non, avoir abusé de ses pouvoirs pour acheter de la peinture ou équiper un bateau ou quelque chose du genre. Je parle ici de politiciens, de ceux dont vous dites qu'ils sont calés en politique, ou qu'ils ont le bras long en politique.

M. Mills: Je crois que cela demande un véritable saint -

Le sénateur Gauthier: Bien entendu.

M. Mills: - qui n'aurait aucun lien partisan -

Le sénateur Gauthier: Évidemment.

M. Mills: - et qui ne pourrait pas être suspecté de couvrir quelqu'un pour des raisons partisanes, des raisons personnelles ou autres.

Le sénateur Gauthier: Pensez-vous que nous pourrions trouver une telle personne?

M. Paton: Il veut dire quelqu'un comme nous.

Le sénateur Gauthier: Non, ce n'est pas ce que je dis. J'essaie simplement de trouver les critères que vous utilisez pour trouver cette personne sainte, comme vous dites, sans liens partisans d'aucune sorte, qui soit juste, qui serait Salomon réincarné. Pensez-vous qu'il est possible de trouver une telle personne?

Les provinces en ont. Elles utilisent différents vocables, mais -

M. Mills: Oui, aucun nom ne me vient à l'esprit qui pourrait -

Le sénateur Gauthier: Je ne vous ai pas demandé de -

M. Mills: - Remplir ces -

Le sénateur Gauthier: Ce n'est pas dans votre domaine. Je ne voudrais pas aller -

M. Mills: - Exigences aussi hautes.

Le sénateur Gauthier: Vous pensez que trouver une telle personne serait difficile.

M. Mills: Ce serait une tâche très difficile que d'en trouver une.

Ce dont nous parlons, c'est de la confiance à l'égard de nos institutions publiques les plus importantes. Ce qui revient à dire que le public devrait faire tellement confiance à une personne que toute la crédibilité du Parlement et du gouvernement reposerait sur ses épaules. Je crois qu'un système ouvert où les gens pourraient exercer leur propre jugement -

Le sénateur Gauthier: Depuis 23 ans que je suis ici, monsieur Mills, il y a eu quelques - comment dirai-je - quelques incidents ministériels qui ont causé des situations difficiles pour tous les politiciens, tous les parlementaires. Nous payons tous la note lorsque le chef de la police du Canada déclare aux médias que 14 députés font l'objet d'enquêtes de la GRC, et que vous l'annoncez en première page.

Savez-vous ce qui s'est passé le lendemain? J'ai appelé le chef de la police - j'étais le whip de mon parti - et je lui ai dit, «Je veux vous parler. Je veux savoir pourquoi vous m'accusez». Il a répondu «Je ne vous ai pas accusé». Je lui ai dit alors «oh oui, vous l'avez fait, monsieur».

Lorsqu'on accuse 14 députés sans les nommer, on accuse tout le monde.

Nous avons donc bavardé. Il en est ressorti que la moitié des députés étaient accusés en vertu de la Loi électorale du Canada, pour des irrégularités en matière de divulgation, et la plupart d'entre eux ont été innocentés. Pour les autres, comme Gravel etc., quelques-uns ont été... Certains sont encore en procès, d'ailleurs. Les avocats savent comment tirer les choses en longueur.

Ce que je veux dire c'est que si l'on ne peut pas trouver quelqu'un, nous devrons mettre sur pied un comité. Diriez-vous qu'un comité composé, par exemple, de représentants des médias, du Barreau, si vous voulez, de la population du Canada...

Comment vous y prendriez-vous pour contrôler cela?

Voulez-vous que M. Epp ou moi-même vous dise ce que je possède. Ce n'est pas bien difficile. Ça remplirait une demi-page. Peut-être que ce serait un peu plus ardu pour M. Epp, mais je n'ai aucun problème à dire publiquement ce que je possède. J'ai une maison et un chalet, et c'est tout.

.2005

Qui déciderait? Qui voudrait savoir qu'une autre personne, comme Paul Martin par exemple, possède une grosse entreprise de transport? Il a déjà divulgué les détails de sa situation. Dans une certaine mesure, cela semble correspondre à la perception du public. Je n'ai pas encore entendu de critique à ce sujet.

Pensez-vous que nous pouvons trouver un comité? Pensez-vous qu'un comité est le moyen à choisir? Je cherche le mécanisme, le genre de moyen à utiliser pour faire ce que vous dites qu'il faut que nous fassions: divulguer, dévoiler tout ce que nous possédons, et déballer tout au grand jour. Devrai-je simplement faire une déclaration en Chambre?

M. Mills: L'objectif est-il d'essayer de le faire en nommant une personne ou en établissant un comité pour protéger la vie privée des parlementaires?

Le sénateur Gauthier: Non. C'est pour dire aux parlementaires qui viennent d'être élus - nous en avions 205 la dernière fois - ce à quoi ils doivent se conformer. Quelqu'un doit le leur expliquer. Nombre d'entre eux ne connaissent pas les coutumes et les procédures à suivre. Il faut donc que quelqu'un leur dise oui, vous devez tout divulguer.

Avant les élections, il faut leur dire qu'ils devront divulguer leurs actifs. Les actifs de leur famille, de leurs femmes et enfants, qui seront encore sans doute à leur charge, leur passif et leurs intérêts commerciaux. Si on le leur dit avant les élections, je n'ai rien contre. Mais je veux savoir comment rédiger un document de ce genre, qui présente un certain intérêt, sauf pour certains journaux et médias qui cherchent à fouiller, fouiller, fouiller pour finir par découvrir que le député possède un magasin qui a un marché avec le gouvernement.

Nous pouvons revenir en arrière; il se pourrait qu'une personne... Prenons le sucre. Souvenez-vous du scandale du sucre, il y a des années, lorsqu'un juge a conclu qu'il n'existait pas de cartel du sucre au Canada? Le juge a décidé qu'il n'y avait pas de cartel et le ministre a déclaré en Chambre que le juge n'était pas à la page et qu'il devait démissionner. On a prouvé par la suite qu'il existait un cartel, ou un genre de contrôle du sucre.

J'essaie tout simplement de déterminer de quoi nous parlons au juste. Je vous ai bien entendu; vous avez énuméré toute une série de choses. J'essaie de découvrir comment nous y relier. Quel mécanisme doit-on avoir pour y arriver? Comment doit-on s'y prendre? Dites-vous que pour trouver un commissaire, il faut trouver un véritable saint? Cela semble passablement difficile.

M. Mills: Vous auriez besoin d'un vrai saint si cette personne était la seule à qui les actifs seraient divulgués.

Le sénateur Gauthier: Le Parlement doit-il nommer un comité ou une commission? Vous avez parlé du Vérificateur général. Je me suis attaché à votre comparaison avec le Vérificateur général, qui me semble bonne. J'essaie de découvrir comment nous y prendre pour nommer cette personne, car vous devez avoir des idées à ce propos.

M. Mills: Je n'ai pas de réponse à cela.

Le sénateur Gauthier: M. Paton.

M. Paton: Je dirais que c'est l'affaire de ce comité, monsieur le sénateur. Je crois que la première étape est d'avoir un code simple, quelque chose que les gens peuvent facilement comprendre. La seconde, serait de mettre en place le mécanisme dont vous parlez qui permettrait de déclarer d'une quelconque manière les intérêts détenus pour que le code établi devienne exécutoire.

Il me semble que le comité qui rédigera le code devra être aussi chargé de la mise sur pied d'un mécanisme de divulgation à ce nouvel organe, que ce soit le Bureau du Vérificateur général ou un organisme analogue, qui devra être alors créé par une loi du Parlement.

Le sénateur Gauthier: L'Association canadienne des quotidiens a révisé dernièrement sa déclaration de 1977. Êtes-vous au courant?

M. Mills: Oui.

Le sénateur Gauthier: Je sais qu'il y a eu des débats houleux. Étiez-vous pour ou contre?

M. Mills: J'étais pour la révision.

Le sénateur Gauthier: Monsieur Paton, étiez-vous aussi pour la révision?

M. Paton: Oui.

Le sénateur Gauthier: Vous n'étiez donc pas trop inquiets de la possibilité que l'Association vous poursuive. Si vous aviez une série de principes auxquels vous-même et M. Paton vous conformiez et que quelqu'un utilise ces principes et vous poursuive en justice, cela ne vous inquiéterait pas?

Par exemple, vous avez dit que la publication par M. Paton de cette caricature n'était pas conforme au code d'éthique ou à cette déclaration de principes. Vous pourriez être poursuivi pour cela; nous ne pourrions pas le faire, mais vous le pourriez.

.2010

M. Mills: Nous ne sommes jamais heureux d'être poursuivis pour une raison ou une autre.

Le sénateur Gauthier: Mais cela n'a pas semblé vous inquiéter. Vous avez accepté la nouvelle déclaration de principes et vous allez la respecter.

M. Mills: Oui. Nous acceptons cette déclaration de principes, et nous avons nos propres principes qui recoupent certains principes de la déclaration.

Le sénateur Gauthier: Chaque journal a la sienne?

M. Mills: Je ne peux pas dire que c'est le cas de tous les journaux. Il est certain que beaucoup en ont.

Le sénateur Gauthier: Mais les problèmes qui ont fait l'objet de débats dans votre propre milieu, dans votre propre domaine, m'intéressent, et c'est pourquoi je cherche à découvrir exactement quelles étaient les positions. Vous dites que vous l'avez appuyée. Vous devez donc être d'accord avec tous les nouveaux principes, et je suppose que M. Paton l'est également.

M. Paton: Oui.

Le sénateur Gauthier: Bon. Je vais m'en procurer un exemplaire, ou vous pourrez m'en faire parvenir un? Pouvez-vous m'envoyer une copie du document de Southam, si vous en avez une?

M. Mills: Bien sûr.

Le sénateur Gauthier: Je ne pense pas que le journal The Sun en ait une pour toute la chaîne Sun?

M. Paton: Non monsieur, pas pour toute la chaîne.

Le sénateur Gauthier: Merci.

M. DeVillers (Simcoe-Nord): Merci messieurs, d'être venus.

Je déduis de vos témoignages que vous pensez tous deux - et je crois que les résultats de certains sondages appuient votre opinion - que les parlementaires ne jouissent pas d'une grande mesure de confiance ou de respect de la part du public. J'en conviens. En tant que membre du Barreau, j'ai dit à mes amis avant d'entrer en politique que j'étais de nature compétitive et que je ferai tout pour arriver premier. La deuxième place ne me suffisait pas dans les sondages.

Monsieur Paton, vous avez dit une ou deux fois dans votre exposé ce que vos lecteurs trouveraient acceptable en ce qui a trait à un code, etc. Quels renseignements avez-vous? Qu'est-ce qui est acceptable pour vos lecteurs? Avez-vous fait un sondage dans ce but?

M. Paton: Non monsieur, je n'ai pas fait de sondage auprès de nos lecteurs. Mais ils communiquent avec nous tous les jours, ils nous appellent au téléphone, ils nous écrivent. C'est ainsi pour tous les grands journaux au Canada. Si vous publiez un journal, vous êtes le lecteur le plus assidu de votre journal et des journaux de vos concurrents, et vous finissez rapidement par acquérir le sens de ce qui intéresse le lecteur, le rend furieux ou lui plaît.

En lisant n'importe quel jour la page des lettres des lecteurs de notre quotidien The Ottawa Sun, on se fait une bonne idée du peu d'estime ou de la haute estime que ces lecteurs éprouvent à l'égard des parlementaires. Je crois, comme je l'ai déjà dit, que nous sommes arrivés au point où seul un livre grand ouvert peut satisfaire nos lecteurs, pour utiliser cette expression encore une fois, monsieur le sénateur.

M. DeVillers: C'est donc l'opinion que vous ont inspirée les communications de vos lecteurs, des lettres au rédacteur en chef, etc.

M. Paton: Pas un jour ne passe, monsieur, sans qu'un ou plusieurs lecteurs ne communiquent avec moi. Je ne manque pas d'écouter ces lecteurs, tout comme le fait M. Mills, j'en suis sûr. Vous en écoutez autant que vous le pouvez dans une journée, sans pour autant interrompre votre travail. Il ne faut pas oublier non plus les messages télécopiés, le courrier électronique et les lettres. Des centaines de lecteurs communiquent avec nous tous les jours. Il est facile d'apprendre ce qu'ils pensent de certains sujets. Ils nous le disent. Nous n'avons pas besoin de deviner.

M. DeVillers: Bien. Si je comprends bien vos témoignages, vous souhaitez tous les deux voir la divulgation intégrée dans les modifications, et vous ne faites pas de distinction entre les députés sans portefeuille, les ministres et les sénateurs. Vous voudriez que la divulgation soit la même dans les trois cas. Est-ce bien cela?

M. Paton: Pour moi, c'est exactement cela. Je ne sais pas ce qu'il en est de -

M. DeVillers: Êtes-vous d'accord, monsieur Mills?

Le sénateur Gauthier: Les législateurs également.

M. Paton: Oui.

M. DeVillers: Vous ne tenez pas compte des différents degrés d'influence, etc.? Vous n'en tenez pas compte? Vous ne pensez pas qu'il vaut la peine de tenir compte de ces différences pour déterminer le degré de divulgation des renseignements personnels?

M. Mills: Comme je l'ai dit, je crois qu'il est très important que les règles soient simples et que le public puisse les comprendre facilement de façon à promouvoir la confiance dans les institutions. Un code simple qui s'appliquerait à tous permettrait de réaliser cet objectif de manière effective.

Certaines raisons peuvent expliquer des situations d'après-emploi d'un ministre qui a dirigé un ministère. Évidemment, il faudrait davantage de temps avant qu'il puisse travailler pour une entreprise qui a fait affaire avec ce ministère. Mais à part ça, je crois que des règles de base visant la divulgation, les conflits d'intérêts et des questions connexes, devraient s'appliquer à tous.

M. DeVillers: Je pense que vous avez aussi mentionné la différence de responsabilité entre les députés qui se représentent aux élections et les sénateurs qui ne le font pas. Vous ne voyez toujours pas de raison pour qu'il y ait des différences en ce qui a trait à la divulgation ou à l'éthique dans ces deux cas?

.2015

Une dernière question, monsieur le président. Vous avez mentionné la simplicité du code, mais il ne me semble pas avoir entendu de votre part des propositions précises. Voudriez-vous -

Le coprésident (sénateur Oliver): M. Mills nous en a données quelques-unes.

M. DeVillers: Plus précisément, quelle sorte de conduite voudriez-vous déterminer en dehors de ce que contient le Code criminel, en dehors de la calomnie, de choses de cette nature?

M. Paton: Monsieur, je n'ai pas fait de liste pour la même raison qui explique la tenue de ce comité. Il est très difficile de déterminer tout ce qu'on voudrait voir sur une telle liste.

J'insiste sur la simplicité parce que, malgré ce qu'a dit le sénateur Gauthier, je ne pense pas que cela présente un problème de compréhension pour les sénateurs et les députés. Je crois que le message que nous devons donner ici est la rédaction d'un code d'éthique que le public puisse comprendre, de sorte qu'il voie les règles que suivent ces hommes et ces femmes et comment elles sont appliquées.

Grosso modo, je pense qu'il faudrait présenter au public la manière dont vous gagnez votre argent, quels sont vos investissements, comment les membres de votre famille immédiate gagnent leur vie et quels sont leurs investissements. Je sais que cela est dur -

M. DeVillers: C'est le volet divulgation. Ce qui m'intéresse, c'est le volet éthique, au-delà des lois du pays.

M. Paton: Monsieur, il est difficile de s'asseoir en face de personnes que vous savez être honnêtes et travailleuses et de leur dire qu'une bonne partie de la population pense qu'elles risquent d'être victimes d'un cabinet de lobbyistes bien nanti qui aimerait qu'elles soulèvent une question en caucus, ou qui demanderait par exemple, à un membre du gouvernement de faire avancer le projet d'un de ses clients au Cabinet? Je pense que cela n'arrive que rarement, peut-être jamais. Pourtant, les gens le pensent. Cette perception existe manifestement, autrement, nous ne serions pas réunis ce soir et vous ne seriez pas ici comme vous l'êtes depuis la troisième semaine de septembre à essayer de régler cette question.

Il est évident que les gens pensent, comme l'a dit Russ ce soir, que les gens reniflent et qu'ils n'aiment pas l'odeur qu'ils sentent. Que quelque chose se passe ou non, là n'est pas tout à fait la question. Les gens pensent simplement que vous, les parlementaires, manigancez des choses, et ils voudraient qu'il y ait des règles qui vous empêchent de faire des choses abominables.

Il ne semble pas suffisant que les parlementaires soient régis par une loi fédérale, par le règlement sur l'enregistrement des lobbyistes et par le code du cabinet en vigueur. Dans l'esprit des gens, cela doit être trop compliqué, autrement nous ne serions pas ici. À mon avis, ils ont besoin de voir un énoncé de principe.

M. DeVillers: Quelque chose comme «il ne faut pas accepter un pot-de-vin pour faire avancer les intérêts d'un lobbyiste», mais c'est maintenant dans le Code criminel. C'est ce que je trouve difficile.

M. Paton: Je déteste avoir l'air de vous insulter, monsieur, mais je crois, oui, je crois qu'il faut un énoncé de principes fondamentaux.

M. DeVillers: Comme je l'ai dit, c'est déjà dans le Code criminel.

M. Paton: Oui monsieur, je le sais. Je pense que le public le sait. Mais ce qu'il sait et ce qu'il veut sont deux choses différentes.

M. DeVillers: Merci, monsieur le président.

M. Epp (Elk Island): Je répète ce qu'ont dit mes collègues. Je tiens à vous remercier d'être venus par cette soirée d'hiver, alors que vous aviez sans doute d'autres choses plus agréables à faire.

Je voudrais commencer par M. Paton. J'ai pris plusieurs notes pendant que vous parliez, messieurs. L'une des choses que vous avez dites à plusieurs reprises, monsieur Paton, est que les députés, les sénateurs et les représentants du gouvernement n'ont pas le droit d'avoir de vie privée.

La Charte des droits et libertés nous accorde un certain degré de protection de notre vie privée en tant que citoyens. Voulez-vous priver tout député ou sénateur de ces droits?

Vous avez également dit «Aucune partie de la vie d'un représentant du gouvernement ne doit rester privée». Je pense que je cite exactement vos paroles. Pourriez-vous faire un juste équilibre? Je sais qu'en défenseur de ce qui est bon pour le public en tant qu'éditeur de journal, vous ne voudriez pas que le balancier aille trop loin.

M. Paton: Ce n'est pas exactement ce que j'ai dit, monsieur, mais je suis d'accord avec plusieurs points que vous avez exprimés.

La situation du pays est telle qu'à mon avis, les parlementaires vont devoir sacrifier une bonne partie de la protection de leur vie privée que moi, en tant qu'individu, qui ne suis pas un représentant du gouvernement, je n'ai pas à sacrifier. C'est à cause de la conjoncture.

.2020

Je m'acharne inutilement, mais vous savez, en tant que parlementaires, que le Parlement lui-même n'est pas tenu en haute estime. Je crois que le seul moyen de regagner la confiance de l'électorat est de repousser le balancier plus loin que vous ne le souhaitez. À mon avis, c'est le seul moyen - et d'après ce que me disent mes lecteurs - de recommencer à restaurer la confiance des électeurs.

M. Epp: Permettez-moi de vous poser une question personnelle. Avez-vous jamais envisagé de vous présenter à des élections?

M. Paton: Non monsieur. Je ne pense pas que je pourrais supporter ce genre de surveillance du public.

M. Epp: Vous avez répondu à ma deuxième question par votre première réponse. Autrement dit, vous êtes une personne qui serait dissuadée de se présenter par la nécessité d'ouvrir tout grand votre vie aux yeux de tous.

M. Paton: Oui monsieur, mais sans fausse modestie, je ne crois pas que je ferais un bon député. Je crois qu'il faut avoir une bonne dose d'altruisme, et j'ai tendance à être égoïste.

M. Epp: Bon.

M. Paton: Monsieur, je voudrais ajouter que la situation de M. Bellehumeur, ici, ce soir, est l'une des raisons pour lesquelles je ne voudrais pas être au Parlement. Ce monsieur n'est évidemment pas venu pour débattre cette question, mais pour m'insulter et insulter mon journal. Je peux l'accepter, monsieur, parce que c'est mon domaine. Mais je ne pense pas que j'aimerais être au Parlement, simplement pour passer une partie de mon temps à traiter ce genre de question.

M. Epp: Oui. Pour votre gouverne, je connais les deux genres en tant que député. Je reçois des compliments, des gens me disent, eh, vous faites du bon travail, et d'autres me demandent si je sais ce que je fais. Oui, on apprend à vivre avec ça.

M. Paton: Oui monsieur, cela m'arrive aussi tous les jours.

M. Epp: Et j'espère que, nous parlementaires, ne deviendrons pas insensibles à ce que les gens disent des deux côtés de la barrière.

M. Paton: Oui.

M. Epp: Cela m'amène à la prochaine question. Vous avez dit tous les deux que nous avons besoin d'un ensemble simple de règles, faciles à comprendre par le public, qui nous aideront à retrouver sa confiance.

Je me sens mis personnellement au défi, tout comme ce comité, car nous devons arriver vraisemblablement à rédiger un code par point un, deux, trois, quatre - un code qui stipulerait ce que l'on peut faire, devrait faire, ne pas faire, à l'intérieur de limites strictes. Par exemple, selon le code de l'Ontario, on ne peut accepter de quiconque, chaque année, un cadeau dont la valeur dépasse 200 dollars sans le divulguer. Non, vous ne le pouvez pas. Point. Tout cadeau de moindre valeur doit être divulgué, et tout cadeau de plus de 200 dollars, doit être refusé. C'est l'un des détails.

Nous allons nous réunir et nous mettre d'accord - même si je suis dans la minorité, comme cela nous arrive souvent ici - sur ce que le code devrait contenir au minimum. Quelles vont être les limites?

Très franchement, je crois que je vais laisser échapper ce que je pense et dire gentiment que M. Bellehumeur avait vraiment quelque chose à dire. Votre caricature m'a beaucoup offensé personnellement. Je crois qu'elle était très injuste. C'est ce que je pense.

Vous, par contre, pensez qu'elle n'était pas injuste; vous avez donc ici un simple exemple de deux perceptions différentes de ce qui est juste et de ce qui ne l'est pas, aux deux extrêmes. Comment pensez-vous que nous pourrons établir un code?

M. Paton: Vous ne m'avez pas compris, monsieur, car je conviens avec vous qu'en ce qui touche cette caricature, les gens sont pour ou contre. Il n'y a pour ainsi dire pas de zone grise pour quelque chose d'aussi cinglant.

Ce que je voulais dire tout à l'heure, c'est que le problème n'est pas la caricature. Nous sommes ici ce soir pour discuter d'un code d'éthique des parlementaires, et lorsque M. Bellehumeur a abordé cette question, cela n'avait rien à voir avec le sujet à l'étude. Je discuterai avec plaisir avec lui de tout autre problème.

Le sénateur Gauthier: J'invoque le règlement.

Je dois remarquer, monsieur - et je ne suis pas plus son ami que quiconque - en français nous parlons d'un code d'éthique. C'est la traduction du mandat de ce comité, qui fait état du terme éthique. Pour lui, qu'y avait-il d'éthique dans cette caricature? C'était là sa question.

M. Bellehumeur est un membre actif de ce comité. Il n'est pas juste venu pour vous insulter. Il est venu parce qu'il est membre du comité et qu'il participe à ses travaux.

Toutefois, son concept et le mien en tant que francophones est que nous parlons d'un code d'éthique, et non d'un code de conduite, parce qu'un code de conduite est trop vague. Je ne sais pas pourquoi on a utilisé cette expression. D'ailleurs, nous allons changer le titre de ce comité mercredi prochain.

M. Paton: Monsieur, c'est le titre que j'avais devant moi lorsque je suis arrivé.

Le sénateur Gauthier: Je sais. L'éthique était le mot que vous aviez?

M. Paton: Non, code de conduite.

Le sénateur Gauthier: Eh bien, vous voyez.

Le coprésident (M. Milliken): Dans la version française, il s'agit d'un code d'éthique.

Le sénateur Gauthier: C'est exact.

Le coprésident (M. Milliken): C'est correct.

.2025

Oui, monsieur Epp, vous pouvez poser vos questions. Je ne crois pas que le sénateur Gauthier ait une objection bien fondée. Il nous a simplement interrompus.

M. Epp: Je trouve ces digressions intéressantes.

J'avais une remarque à faire. C'est qu'il y a une différence. Manifestement, il y aura des différences de perception. Je dirais même que parmi les gens d'un même parti, il y aura une différence entre ce que les uns trouveront acceptable, les autres pas.

Je crois que c'était le cas pour les gouvernements précédents. Lorsque vous lisez des ouvrages comme celui de Steve Cameron... que j'ai d'ailleurs perdu dans l'avion. Je l'ai laissé dans l'avion. Ça m'énerve. Je vais devoir en acheter un autre, et je n'ai pas envie de le faire. Mais vous lisez le livre. Et vous voyez qu'il se passait des choses. J'ai parlé à des membres de ce parti, qui m'ont dit qu'ils n'approuvaient pas non plus ces manigances. Donc, comment devons-nous nous y prendre?

M. Paton: Je crois monsieur, et je me répète, qu'il vaudrait mieux, tout d'abord, regrouper en un seul document, facile à comprendre, tous les codes d'éthique, les lois et règlements qui vous régissent.

Ensuite, il faut que ce document soit exécutoire et qu'il soit perçu comme ayant force de loi.

M. Epp: D'accord. Vous avez juste dit de nouveau la même chose sans... C'est sans doute injuste de ma part que de vous demander ce genre de détail.

Je m'adresse à vous, monsieur Mills. Je dois dire que j'ai apprécié votre insistance. Vous dites que nous avons besoin de quelque chose de simple, facile à communiquer, parce que nous voulons communiquer avec le public. Toutefois, vous dites aussi que les sénateurs ont besoin d'un code rigide parce que les électeurs ne les suivent pas d'aussi près; du moins c'est ce que je comprends d'après mes notes. Vous voulez quelque chose de simple, mais vous voulez aussi que le code soit rigoureux.

Peut-être que la meilleure manière de m'exprimer est de vous poser cette question, puisque vous connaissez sans doute le code de l'Ontario, de vous demander si ce genre de chose serait approuvé par les Canadiens.

M. Mills: Je pense que ce comité devrait se tourner vers les autres juridictions, vers les provinces, examiner les règles des autres pays démocratiques pour trouver des lignes directrices sur la manière de rédiger un code. Je ne suis pas expert en la matière. Je connais un peu le code de l'Ontario et je sais que certains de ses éléments sont plus rigoureux que ce qui existe ici. À mon avis, vous devriez vous adresser à d'autres compétences pour trouver des lignes directrices qui vous aideront à rédiger quelque chose.

Je tiens à souligner une fois encore l'urgence d'un code. Tout comme l'a dit M. Paton à propos de la rétroaction et des attitudes du public à l'égard du Parlement, ces attitudes ne sont pas saines. Vous ne pouvez avoir d'indication plus claire de ce que le public ressent à ce sujet, que les résultats des dernières élections fédérales où l'un des partis politiques historiques du Canada a presque été anéanti; et la principale question dans ces élections a été, d'après ce que m'en ont dit les lecteurs, l'éthique, le problème de la corruption et l'abus de pouvoir. Le peuple canadien n'acceptera plus cela.

M. Epp: Bien. Je voudrais aussi vous demander, en ce qui concerne votre propre industrie: si nous avions un tel code, cela faciliterait-il votre tâche de journaliste? Dans l'affirmative, quels sont les changements que vous envisageriez dans votre travail?

M. Mills: Je pense que si vous aviez un code d'éthique efficace et qui fonctionne correctement, la couverture des activités par un journal serait bien plus ennuyeuse. Nous aurions moins de scandales à rapporter.

M. Epp: J'espérais que vous me diriez que vous seriez plus à même de faire des reportages fouillés et exacts, parce que vous disposeriez des renseignements, et que vos reportages seraient moins fondés sur la conjecture et davantage sur les faits. C'est la réponse que je cherchais. Maintenant que je l'ai dite, êtes-vous d'accord?

M. Mills: Oui, je suis sûr que ce serait le cas. Mais je pense que si tout était rendu public ou que tout ce que nous recommandons était dans le domaine public, nous aurions moins d'abus de pouvoir à signaler. Nous saurions exactement qui est impliqué dans la privatisation des aéroports et des choses de ce genre, et des rapports qui les sous-tendent, etc. Il y aurait moins de scandales à rapporter.

M. Epp: Bien. Je voudrais que mes paroles soient portées au compte rendu - j'essaie qu'il en soit ainsi pour toutes les réunions du comité, c'est mon but - je dis que je suis complètement d'accord avec vous sur ce qu'un commissaire devrait être, c'est-à-dire totalement indépendant. Il devrait relever du Parlement. Il devrait avoir les mêmes pouvoirs et modes de fonctionnement que le Vérificateur général du côté financier, de sorte que ses rapports seraient crédibles et qu'on saurait bien qu'aucun motif politique ne justifierait ses actes. Je ne pense pas avoir de question à ce chapitre. Je voulais simplement ajouter cela.

.2030

Par contre, j'ai une question concernant le travail des journalistes. En tant que membre d'un nouveau parti, je me suis rendu compte, comme jamais auparavant, de l'énorme pouvoir et de l'influence des médias. Je vous envie même, parfois. Quelque chose arrive à Ottawa ou à un autre siège de gouvernement et vous avez le droit de donner par écrit votre opinion, votre point de vue, votre perception. Beaucoup de gens lisent ce que vous écrivez et y croient dur comme fer. Vous avez cette capacité, vous les journalistes et les éditeurs de journaux, et j'aimerais savoir si vous pensez que notre code d'éthique devrait comprendre quelque chose de précis sur les rapports des députés, des sénateurs, des ministres et des représentants du gouvernement avec les médias.

M. Paton: Non.

M. Epp: Pourquoi pas?

M. Paton: Parce qu'il me semble que vous ne comprenez pas le rôle des médias, monsieur.

Lorsqu'il s'agit de reportage, notre travail consiste simplement à relater ce qui se passe, comme font les deux messieurs à ma gauche. Mais lorsque vous parlez d'opinions comme des faits, dans chaque journal et autre organe d'information et de presse, il existe une tribune réservée aux opinions de la gauche, de la droite et du centre de l'éventail politique.

Je ne crois pas que nous devrions être impliqués dans votre processus de transparence en faisant partie de l'organisme dont vous parlez. Je pense que nous pouvons venir ici aujourd'hui comme représentants des gens qui y travailleront, pour vous dire notre opinion dans les termes les plus fermes sur le contenu d'un code de conduite ou d'éthique que nos lecteurs veulent voir élaborer. Par contre, je ne nous vois pas jouer un rôle dans son application ou sa révision.

M. Epp: Ceci est intéressant.

M. Mills: Je suis presque complètement d'accord avec M. Paton, sauf en ce qui concerne un incident qui a eu lieu récemment.

Le comité chargé de l'étude de la privatisation des aéroports a essayé de forcer l'un de nos rédacteurs à produire des documents dont il avait parlé. Grâce à des négociations, la raison l'a emporté et nous avons réglé l'affaire. À notre avis, cependant, il n'a pas été suffisamment tenu compte de notre rôle et de l'importance que revêt l'information du public dans une démocratie. Je ne pense pas que recourir à un mandat de saisie des documents d'un journaliste soit une chose qu'un comité comme celui-ci devrait faire, lorsqu'il y a des moyens plus appropriés d'obtenir l'information recherchée.

M. Epp: C'est intéressant, parce que dans l'affaire de Paul Bernardo, les journaux ont vertement critiqué l'avocat qui a conservé les bandes vidéo pendant si longtemps, qu'on a pensé que la justice avait été corrompue, lorsqu'elles ont été diffusées. Mais quand il s'agit de vos propres fins... Je suis d'accord avec vous, dans une certaine mesure, que les gens ne seront pas libres de se confier à un journaliste, s'ils savent que ce dernier témoignera contre eux. Mais n'êtes-vous pas tenus de respecter le droit et la justice du pays?

M. Mills: Absolument. Dès que l'information a été reçue, le rédacteur en question a écrit une série d'articles sur son contenu. Il a signalé que les avis des hauts fonctionnaires avaient été ignorés, ainsi que d'autres détails que nous connaissons maintenant. Cela a été la cause première de l'enquête et des événements qui ont suivi.

M. Epp: Cela a aussi fait marcher les déchiqueteuses.

M. Mills: Je suis persuadé que tel a été le cas, mais poursuivre un journal n'était pas la première chose que devait faire un comité pour trouver des renseignements. Il n'a pas été reconnu que nous jouons un rôle important dans le fonctionnement de notre type de société.

M. Epp: Je pense généralement que parfois les gens des médias - tout comme le public, je suppose - veulent que nous nous conformions à des normes plus élevées que les leurs, mais je pense qu'il faut l'accepter dans notre pays, puisque nous croyons fermement à la liberté d'expression.

J'aimerais aborder cette question plus tard, mais je voudrais laisser pour le moment la parole aux autres membres, monsieur le président.

Le coprésident (M. Milliken): Merci, monsieur Epp.

Madame Parrish, s'il vous plaît.

Mme Parrish (Mississauga-Ouest): Il est toujours difficile de passer après M. Epp, mais cela semble mon sort dans ce comité.

Je vous remercie. Par déférence pour les personnes qui travaillent sans cesse à consigner tout ce qui se dit... Vous savez tout comme moi que ce n'est pas vrai, parce qu'elles posent leur plume quand nous posons des questions idiotes ou qui ne les intéressent pas, et la reprennent quand vous nous répondez avec verve. J'ai déjà travaillé dans les médias, et nous avons parlé des clips de trois minutes, de trois et cinq secondes. Ces gens là ne sont pas totalement désintéressés.

.2035

J'ai toujours enseigné à mes élèves en sociologie que, lorsqu'ils lisent quelque chose dans le journal, cela a été filtré. Le filtre est ce qu'ils lisent ou entendent, ce qui les intéressent, et c'est cela qui fait vendre les journaux. Ce qui fait vendre les journaux, c'est la drogue, le sexe, et le rock and roll. Si vous avez des politiciens dans un scandale, vous avez sur un plateau la drogue, le sexe et habituellement le rock and roll.

Je ne suis pas ici pour discuter de la manière dont vous gagnez votre vie, parce que je sais ce que c'est, et nous ne sommes pas sans tache. Mais, aux fins du compte rendu, je dis bien que la divulgation publique de tous les actifs des politiciens de tous les niveaux est pour moi parfaitement acceptable. Je sais que cela réglerait d'emblée une quantité de problèmes.

Je m'enlise dans un code d'éthique parce que lorsqu'il y a trop de règles et qu'elles sont trop précises, les escrocs ont tôt fait de se frayer un chemin, tandis que les bons sont tracassés. Je pense que vous êtes partiellement responsables de la cote si basse que vous accordent les sondages, que vous l'admettiez ou non, à cause de la drogue, du sexe, et du rock and roll.

Je crois que si nous étions tous parfaits, et que si nous faisions bien les choses, que nous ne faisions rien d'excitant, d'intéressant ou de marginalement criminel, vous n'auriez rien à écrire.

Quant aux sujets que vous traitez, vous rendez un service précieux. En mon âme et conscience, je suis convaincue que l'affaire de l'aéroport Pearson n'aurait jamais été exposée si The Toronto Star ne l'avait pas suivie. Vous rendez un service public, mais il n'est pas aussi neutre que vous vouliez nous le faire croire à la fin de votre exposé. Je crois qu'il est gâté, peut-être pour le plus grand bien du public. C'est l'expression que vous avez utilisée, je crois.

Je veux parler de quelque chose de plus fondamental. Comme je l'ai dit, je crois dans la divulgation publique. Mais j'ai des problèmes en ce qui a trait à un code d'éthique. Peut-être parce que je suis un ancien professeur et que je crois que si on plie à la perception des personnes qui vous appellent toute la journée... si j'ai vraiment écouté les personnes qui me téléphonent plusieurs fois par jour... Ma circonscription compte 250 000 habitants et les campeurs heureux ne m'appellent guère. Ceux qui me détestent, qui n'aiment pas ce que fait le Premier ministre et qui sont mécontents de quelque chose sont ceux qui m'appellent sans arrêt. Je pense que vous êtes dans la même situation.

Une partie de notre problème est que le système des partis politiques de notre pays, qui remonte à 30 ou 40 ans, est fondé sur les erreurs de l'un ou l'autre parti. Lorsqu'un parti fait des erreurs, l'autre fonce et vous le signalez. Nous devons alors nous venger. On peut le constater en regardant la période de questions. Ce n'est que bottes et parades, parades et bottes. Le combattant le moins blessé sort gagnant de la période de questions. Le système même est fondé sur les conflits, sur l'exposition du mal, et sur la belle image qu'il faut donner de nous aux dépens d'un autre parti politique. Votre travail, dans la vie, est de rapporter cela et de vendre des journaux.

Comment voudriez-vous qu'une série de règles qui, en fait, alimentent cette perception, puissent nous aider tous? Je ne sais pas s'il s'agit d'une question pour la forme, mais je me suis bien amusée.

M. Mills: Je crois qu'un code d'éthique efficace et exécutoire et une divulgation complète auraient un effet de dissuasion contre l'abus de pouvoir, et il y aurait moins d'incidents de ce genre à signaler.

Vous avez parlé de sexe, de drogue et de rock and roll. Je me rappelle d'un article paru dans le quotidien The Ottawa Citizen au milieu des années 1980, à propos du comportement d'un certain ministre de la Défense qui est allé dans un bar interdit aux soldats canadiens, pendant qu'il était en Allemagne. Vous devez vous rappeler de cette histoire qui combinait presque tous ces éléments et a coûté à notre journal un million de dollars en frais d'avocats pour se défendre, parce que nous avions publié une histoire et l'avions portée à l'attention du public.

Le ministre et le gouvernement de l'époque avaient invoqué les privilèges de la Couronne pour empêcher le journal de se défendre contre une accusation de diffamation. Aussi vous abordez ici une question délicate. C'est comme si les reportages de ce genre de choses sont toujours minables et ne servent qu'à vendre des journaux. Je vous assure que ce n'est pas le cas.

Mme Parrish: Je ne veux pas dire que ces sujets de reportage sont toujours minables et ne servent qu'à vendre des journaux. Je vais me servir encore une fois des services de ces deux messieurs assis ici. Ils vont sans doute prendre leur plume plus rapidement si je dis quelque chose de choquant, que si je reste assise à bavarder gentiment avec vous et si vous me donnez des réponses anodines, sans que nous nous fâchions. Ils n'auraient rien à écrire.

M. Paton: Vous décrivez la condition humaine.

Mme Parrish: Oui.

M. Paton: Je veux dire que les gens agissent ainsi. Ils éprouvent des titillations lorsqu'ils découvrent des choses choquantes et totalement inacceptables. Cela fait partie de ce que nous faisons, dans une certaine mesure, mais nous ne faisons pas que ça. Je pense que nous tous devons accepter le bon et le mauvais que le sort nous réserve.

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Je ne me souviens pas d'un journal qui ait imprimé quelque chose juste pour choquer les gens ou pour mousser les ventes. À court terme, on peut faire n'importe quoi, mais à long terme, si l'on n'exerce pas bien ses fonctions, que ce soit dans votre travail ou dans le mien, on perd vite son emploi.

Mme Parrish: Vous n'êtes pas ici pour défendre l'industrie des journaux, et je suis désolée de voir que certaines questions nous mènent sur cette voie. Mais ce que je veux réellement faire, et c'est pourquoi nous passons des heures à siéger dans un comité comme cela, c'est de réaliser si l'on a vraiment besoin d'un code d'éthique, car pour le moment je n'en suis pas convaincue. Je pense que la divulgation publique serait un pas de géant dans la bonne direction.

En ce qui a trait à un code d'éthique assorti d'un ensemble de règles, vous devez vous souvenir que nous sommes un groupe de personnes assez raréfiées. Nous ne sommes que 295, et je ne sais combien de sénateurs, représentant 30 millions de personnes au Canada. Je suis persuadée que ceux qui ne voudront pas divulguer leurs actifs, non merci, voteront pour le prochain sur la liste. Si vous examinez le processus de nomination et les batailles qui s'y déroulent, il y a bien des gens qui seraient heureux d'être assis avec nous.

Une fois que je suis ici, je suis sous la loupe du public. De fait, lorsque je regarde mes actifs, vous pourriez croire que je puis être corruptible, car ma venue ici m'a complètement vidé les poches. Je suis une cible plus facile que ceux qui ont une quantité de biens.

Nous ne sommes pas tous à blâmer. D'abord, la perception du public est fausse parce qu'on ne cesse de recevoir des appels d'excentriques. Une journaliste, dont je tairai le nom, qui n'a rien à envier à Attila le Hun, et qui habite dans ma circonscription, a écrit des articles très durs à mon sujet.

M. DeVillers: Quelles sont ses initiales?

Mme Parrish: Diane Francis.

Elle a écrit des articles vicieux à mon égard, d'après des potins entendus à un cocktail d'un ennemi politique. Au lieu de lui répondre en écrivant une lettre au rédacteur en chef et entamer une bataille - parce qu'on m'a dit souvent que vous aviez plus de papier, d'encre et de temps que moi, et c'est vrai - je lui ai envoyé une lettre privée lui disant qu'elle se faisait de fausses idées à mon endroit et lui demandant d'aller un peu plus loin. C'est devenu infernal. Douze articles plus tard, j'en souffre encore. J'aurais plutôt dû me battre dans les journaux.

En fait, qui se charge de changer la perception du public qui pense que nous sommes tous pourris, et quelle est votre contribution à ce chapitre?

Vous vous contentez de nous dire qu'il nous faut un code très rigide, mais lorsque j'enseignais, les enfants les plus faux jetons, les plus pourris, semblaient être des anges en classe. Ils savaient comment contourner les règles, parce qu'elles étaient claires; elles existaient et ils savaient quoi faire. Mais lorsqu'il n'existe pas de règles, lorsqu'il ne s'agit que de la surveillance du public et de l'opinion publique et que vous ne pouvez pas sortir sans que quelqu'un vous voie et sache ce que vous allez faire, c'est une question plus subtile et l'incitation à bien se conduire est plus forte.

M. Paton: Peut-être que je pourrais répondre à votre question en vous en posant une moi-même. Est-ce que vous faites partie de ce comité, ou le comité a-t-il été nommé parce que vous pensez que les médias vous ont obligés à le mettre sur pied, ou bien pensez-vous que ce comité est nécessaire, ou est-ce parce que vous pensez que le public veut que ce comité existe?

Je pense que vous êtes ici parce que d'après vous, le public veut ce comité. Vous avez réalisé qu'il existe une grande méfiance dans vos circonscriptions, après avoir parlé à vos agents et à d'autres personnes sur la situation dans vos circonscriptions. Vous voulez remédier à cette méfiance, de sorte que vous puissiez vaquer à vos occupations qui aident à gouverner le pays.

Mme Parrish: Dans ma circonscription, qui compte 250 000 personnes, il y a quelques cinglés qui n'arrêtent pas de m'écrire par courrier électronique - la plus merveilleuse invention après la caisse automatique d'où je peux retirer mon argent; j'adore ça. Ils vous envoient sans cesse des lettres, et le journal local en imprime une de temps en temps.

L'homme qui fait cela est vraiment cinglé. En règle générale, je dirais que sur 250 000 habitants, il y en a 249 000 qui sont contents de ce que je fais. Ils ne pensent pas que je commets des crimes à Ottawa. Ils pensent que j'ai un niveau élevé de rendement et de crédibilité. Vous n'entendez pas parler des gens heureux.

M. Paton: C'est peut-être ce qui se passe dans votre circonscription, mais les sondages à l'échelle nationale, provinciale et autre montrent que les deux tiers ou les trois quarts des répondants pensent que vous ne faites pas votre travail correctement, ou se méfient. C'est ce à quoi vous devez répondre ici.

Je suis désolé que vous soyez victime de représailles, mais en même temps, à moins que ce comité ne mette au point un code d'éthique que ses membres pourront communiquer aux électeurs, je ne crois pas que vous pourrez sortir de ce pétrin - et je crois que c'est un pétrin. Je n'essayais pas d'être hyperbolique en disant qu'à moins que vous n'informiez vos électeurs que vous prenez les dispositions nécessaires pour les rassurer à votre égard, vous devrez renoncer à votre capacité de gouverner.

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Mme Parrish: Très bien. Croyez-vous qu'une divulgation complète sera une mesure suffisante?

M. Paton: Je crois que c'est une mesure suffisante. Mais je pense également qu'il ne devrait pas y avoir divulgation complète, sans un code et sans un mécanisme d'exécution que les électeurs puissent aisément comprendre: si vous faites mal, voici que qui vous arrivera. Si ces trois éléments ne sont pas présents, alors aucune de ces mesures ne suffira.

Mme Parrish: Donc, ce dont nous traitons ici vous et moi, dans ce commentaire, c'est d'un code très concret, simple et ouvert, comme vous l'avez dit, sans entrer dans la zone nébuleuse du comportement et de ce qui est socialement acceptable.

M. Paton: J'ai trouvé fascinant de lire les commentaires qu'a faits M. Mitchell Sharp devant ce comité, parce qu'on pouvait voir un homme intelligent faisant une distinction intelligente entre les parlementaires, qui occupent une charge publique, les gens qui sont dans le gouvernement et les gens qui n'y sont pas, mais qui se trouvent simplement au Parlement. Je pense que ce genre d'argument et de détail ne suffiront plus désormais. Le public vous peint tous du même pinceau.

Mme Parrish: Je m'excuse de sembler chercher la confrontation, surtout si je ne dois jamais plus est mentionnée agréablement dans vos journaux. J'essaie de dire ce que je veux dire, et j'aimerais que vous soyez d'accord, car je me sentirais mieux. En partie, oui, il nous faut une divulgation complète. Pour une autre partie, oui, vous devez vendre des journaux en rapportant des histoires passionnantes sur des cambriolages, des incendies, des politiciens qui se sont cassé le nez ou des politiciens qui se sont comportés comme des imbéciles durant la période de questions. C'est ce qui fait mousser la vente de journaux et je crois que c'est en partie ce qui crée l'opinion publique.

M. Paton: C'est en partie ce qui fait vendre des journaux, sans aucun doute, mais ce n'est pas seulement ça.

Mme Parrish: Oui. Est-ce cela qui crée en partie l'opinion publique?

M. Paton: Bien sûr. Je peux dire, au nom de Russ et au mien, que nous n'avons jamais écrit de script pour la période de questions -

Mme Parrish: Dieu merci!

M. Paton: - mais nous n'avons pas été expulsés de la Chambre pour avoir menti. Il va sans dire que tirer sur le messager peut être la solution de temps en temps, mais je crois qu'un simple reportage sur une activité comme la période de questions n'est pas une raison suffisante. Ce n'est pas à nous que l'on doit imputer les raisons de la dégradation de la période de questions au point où elle en est, comme le disent certains, mais bien à vous.

Mme Parrish: Merci beaucoup.

Le coprésident (M. Milliken): Monsieur Fewchuk.

M. Fewchuk (Selkirk - Red River): Bonsoir, monsieur Paton et bonsoir monsieur Mills. Merci et bienvenue dans la région de la Capitale nationale du Canada.

Que pensez-vous des règlements municipaux actuels qui visent les membres élus au Manitoba, par exemple?

M. Mills: Je n'en sais pas assez pour faire des commentaires.

M. Fewchuk: C'était très simple lorsque j'ai été élu la première fois, dans les années 1970. Au palier municipal, il fallait tout divulguer et consigner les renseignements sur une formule, si l'on avait des obligations, des terres, des investissements, etc. On devait aussi déclarer tout ce qu'on recevait en cadeau.

Cette formule, que l'on rendait une fois remplie, était mise dans une enveloppe, cachetée, et donnée au secrétaire-trésorier qui l'enfermait dans un coffre-fort. S'il y avait des signes de conflit, on sortait l'enveloppe et la seule personne qui en prenait connaissance était le secrétaire-trésorier, lui seul, et personne d'autre, et c'était lui qui décidait.

Ce sont des règles simples. On avait une formule avec les documents de nomination, et l'on savait exactement à quoi s'attendre. C'était à vous de choisir; ou vous vous présentiez, ou vous ne vous présentiez pas, si vous ne vouliez pas signer les documents. Avant de prêter serment, vous deviez remplir la formule de divulgation.

M. Mills: Comment une personne est-elle censée savoir s'il y a eu conflit d'intérêts?

M. Fewchuk: C'est aux médias de le faire. Ils commencent à enquêter et attirent notre attention.

M. Mills: Mais si vous êtes seul à remplir la formule et que vous possédez tant d'actions de la société x, et que vous prenez une décision qui avantage la société dont vous êtes actionnaire, comment quelqu'un peut-il savoir que vous possédez des actions?

M. Fewchuk: C'est très simple; on le trouve d'une façon ou d'une autre, par les médias et d'après les titres fonciers. Vous savez la superficie de terres que vous possédez, alors vous n'avez qu'à consulter les règles.

M. Paton: Je suis d'accord avec vous pour ce qui est de la première partie, mais je dois me ranger du côté de Russ, je ne suis pas d'accord avec la deuxième partie. Si l'on doit divulguer les biens, il faut que cela se fasse ouvertement, qu'on puisse consulter les documents.

M. Fewchuk: Selon vos dires, il semble que vous ne serez jamais satisfait d'un code d'éthique quel qu'il soit.

M. Paton: Non monsieur, ce n'est pas vrai.

M. Fewchuk: Au fond, c'est vrai.

M. Paton: Non monsieur, ce n'est pas vrai.

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M. Fewchuk: Il ne reste rien si vous divulguez tout ce que vous possédez - tous vos biens fonciers, toutes vos valeurs et tous vos actifs.

M. Paton: Oui monsieur, je sais que c'est difficile.

M. Fewchuk: Et votre retraite, et votre assurance-vie.

M. Paton: Je crois que c'est ce que veulent les gens. Vous devez décider si cela est approprié, mais c'est ce que mes lecteurs disent qu'il faut que vous fassiez.

M. Fewchuk: J'ai déjà fait cela deux fois. Ça ne me dérange pas; ce que je vous dis. C'était les règles et règlements lorsque j'ai été élu.

M. Mills: Je répète simplement ce que j'ai dit: je ne vous envie pas, dans la situation où vous vous trouvez.

M. Fewchuk: Cela ne me fait rien.

M. Mills: Mais je pense que les parlementaires devront faire des sacrifices pour ce qui est de leur vie privée afin de promouvoir et de rétablir la confiance du public à l'égard d'institutions aussi vitales que le Parlement et le gouvernement fédéral.

M. Fewchuk: Je voulais juste savoir si vous seriez satisfait, mais vous ne l'êtes pas encore entièrement. C'est ce que je veux dire. Il semble que vous ne serez jamais pleinement satisfait, quoi qu'on fasse.

Merci.

Le sénateur Stollery (Bloor et Yonge): Ma première question est également une observation.

Je sais que vous éditez tous deux un journal, ce qui signifie que vous êtes davantage intéressés par l'aspect commercial que par l'aspect éditorial. C'est du moins ce dont je me souviens des éditeurs avec qui, comme nombre d'entre nous, j'ai eu à faire.

Je suis à Ottawa depuis environ 24 ans, comme député et sénateur. Mais je ne vis pas ici; je vis à Toronto. J'ai remarqué, depuis quelques années, que les journaux d'Ottawa sont très durs à l'endroit des parlementaires et du Parlement. Je ne porte pas d'accusation, mais dans l'ensemble, je dirais qu'ils sont considérablement plus durs que les journaux de Toronto à l'égard de Queen's Park ou de la mairie.

Lorsque je dis cela, je ne pense pas seulement aux parlementaires, aux députés et aux sénateurs, mais aussi au personnel qui travaille sur la colline parlementaire. La presse d'Ottawa peut être très désagréable envers le Sénat, mais je pense au personnel, aux agents de police et à tous les gens qui y travaillent. Je ne sais pas combien il y en a maintenant à cause des coupes budgétaires, mais eux et leurs familles sont tous des acheteurs de biens dont les journaux font la publicité.

Comme je l'ai dit, je ne vis pas ici, mais je me suis souvent demandé quel effet cela a eu sur l'aspect commercial d'Ottawa, lorsque je constate qu'on ne peut pas vendre une maison pendant deux ou trois ans.

Vous dites que vous n'êtes pas durs, mais c'est mon observation personnelle. Comme je l'ai dit, je n'ai pas de plainte à formuler. Je n'ai pas eu de difficulté à cet égard. Mais qu'avez-vous à dire à ce propos?

Je suppose qu'en tout, il y a plusieurs milliers de personnes qui travaillent dans ces locaux. Il y en avait bien plus que cela. Je ne me souviens pas du nombre, maintenant. Eux et leurs familles sont des clients, et lorsqu'ils rentrent chez eux, ils lisent et entendent ce qu'on dit de l'institution et des gens qui y travaillent. C'est dur. Ils n'osent pas dire aux gens comment ils gagnent leur vie, parce qu'ils doivent vivre ici.

Quels sont les effets sur la ville? Est-ce que vous y avez pensé?

M. Mills: Cela a des effets. M. Paton et moi sommes très conscients du fait que le gouvernement fédéral est la base économique de notre collectivité et va l'être toute notre vie et bien après.

Le sénateur Stollery: Mais bien moins que lorsque je suis arrivé ici il y a 24 ans.

M. Mills: Certainement moins, mais c'est encore -

Le sénateur Stollery: Il y a juste moins d'habitants à Ottawa et moins de personnes qui travaillent.

M. Mills: Il y a plus d'habitants à Ottawa et davantage de personnes qui travaillent, mais le gouvernement fédéral est toujours au coeur de notre communauté. Nous en sommes profondément conscients.

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Je ne suis pas sûr de pouvoir répondre à votre accusation.

Le sénateur Stollery: Non, c'est une observation.

Peut-être que j'ai tort. Vous pouvez affirmer que vous n'êtes pas durs.

M. Mills: Je ne pense pas que nous le sommes. Je ne crois pas, par exemple, que l'actuel gouvernement de l'Ontario penserait que nous avons été plus durs à l'égard du gouvernement fédéral que ne l'a été le Toronto Star, ou que le gouvernement précédent penserait que nous avons été plus durs envers les gouvernements d'ici que ne l'a été, par exemple, le Toronto Sun à l'endroit du gouvernement NPD en Ontario.

Le sénateur Stollery: Mais je ne parlais pas de politique gouvernementale. Vous m'avez mal compris.

Je ne parle absolument pas d'arguments d'ordre politique. J'ai constaté parfois des attaques contre les institutions en tant que telles, au sujet de leurs dépenses et d'autres choses de ce genre, je ne parle pas de question de politique publique.

M. Mills: Je crois que vous avez raison, si vous dites que la politique de notre journal est de préconiser l'abolition ou la réforme du Sénat, dans ce cas, oui.

Le sénateur Stollery: Je comprends qu'il y ait une divergence d'opinion au sujet du Sénat, mais il me semble parfois que les critiques sont très dures, et ne portent pas sur la politique.

Nous avons nos propres positions sur la réforme du Sénat, mais je ne veux pas discuter de ce sujet. Je parle du déclin de la ville d'Ottawa, que je suis depuis 23 ans, et le fait est qu'il y est difficile de vendre une maison à l'heure actuelle.

M. Paton: Vous demandez-vous si nous avons joué un rôle dans ce déclin, sénateur?

Le sénateur Stollery: Oui.

M. Paton: Non, je ne crois pas.

Le sénateur Stollery: Bien.

Mon autre question porte sur la divulgation. Ce qui me semble difficile dans cette affaire de divulgation - et je crois que cela fait partie de ma question sur la dureté - c'est l'insinuation que les députés sont corrompus. C'est tout ce dont il s'agit. On insinue que ce ne sont pas des citoyens qui font de leur mieux dans des circonstances très difficiles et qui, dans la plupart des cas, ne sont pas particulièrement bien payés. C'est ce qui m'inquiète.

Cela ne vous ennuie pas? Vous ne pensez pas qu'il s'agit d'une insinuation...? Lorsque je parle de dureté à Ottawa à l'égard des institutions, des députés et des sénateurs, il me semble que cette dureté donne corps à l'insinuation qu'ils sont malhonnêtes.

M. Paton: Monsieur, si cela ne nous inquiétait pas, nous ne serions pas ici.

Est-ce que cela ne m'inquiète pas de voir, comme la plupart des sondages le montrent, que les Canadiens semblent avoir perdu la foi dans leur gouvernement ou dans le processus politique?

Le sénateur Stollery: Ils ont également perdu leur foi dans les médias, selon ces mêmes sondages.

M. Paton: C'est vrai, et cela m'inquiète profondément.

Le sénateur Stollery: Cela dépend de la façon de poser la question. Je m'interroge.

Le coprésident (M. Milliken): Sénateur, je crois que nous devrions donner au témoin la possibilité de répondre à la question avant de passer à la suivante. C'est très déroutant pour ceux qui essaient de suivre la discussion.

Le sénateur Stollery: D'accord.

M. Paton: Sénateur, le fait que les Canadiens semblent avoir perdu leur confiance dans le Parlement m'inquiète beaucoup et c'est l'une des raisons pour lesquelles, après avoir parlé au sénateur Oliver, j'ai voulu venir témoigner, ce soir, pour vous livrer mes impressions de ce que mes lecteurs me disent.

Si j'interprète correctement votre question, vous pensez que ce n'est pas tant les actions du Parlement, mais la manière dont elles sont rapportées qui ont créé cette perception. Je suppose, d'après les questions qui ont été posées ce soir, que d'autres sont d'accord avec vous.

Peut-être que dans une certaine mesure, les bouffonneries de la période de questions et les limites imposées à certains médias dans leurs reportages de ce qui s'y passe, en ont fait davantage un vrai cirque que cette période ne l'est en réalité, mais je crois, monsieur, que dans l'ensemble, les Canadiens ont perdu confiance dans le Parlement à cause des agissements des parlementaires et de la manière dont ils pensent que le gouvernement a répondu à leurs besoins. Cela a bien moins à voir avec la façon dont nous écrivons ou nous télévisons ce que vous faites, qu'avec ce que vous faites.

.2100

Le sénateur Stollery: Merci, monsieur le président.

Le coprésident (M. Milliken): Merci, sénateur.

Monsieur Boudria, s'il vous plaît.

M. Boudria (Glengarry - Prescott - Russell): Merci, monsieur le président.

Certains d'entre nous doivent participer à plus d'une réunion en même temps, aussi je vous prie de m'excuser si mes questions portent sur un sujet que vous avez traité dans votre présentation.

Tout d'abord, je voudrais parler un peu des initiatives que nous devons suivre. Vous vous souvenez sans doute qu'au cours de la dernière législature, nous avions les projets de loi C-114, C-46, C-43, C-116, puis le projet de loi annexé au rapport du Comité parlementaire chargé d'étudier le projet de loi C-43. Je suis vraisemblablement le seul du groupe qui ait eu quelque chose à voir - et sans doute le sénateur Oliver - avec toutes ces étapes puisque j'ai participé aux travaux des comités antérieurs.

Il y a des domaines où il existe des zones grises pour lesquelles nous aurions besoin de conseils. L'une d'elles est la question de la sphère de compétence du conseiller en éthique, du jurisconsulte, du commissaire aux conflits d'intérêts, bref de la personne qui va occuper le poste dont il est question, en supposant qu'il y en ait un.

D'une part, nous avons les députés bien ordinaires comme moi ou certains de mes collègues. Je ne suis même pas sûr de faire partie de cette catégorie, en tant que whip. Quoi qu'il en soit, ils n'occupent pas de charge publique, dans le langage parlementaire. Certaines personnes peuvent penser que nous occupons des charges publiques, mais il existe des définitions bien précises sur ce point.

D'autre part, il y a des personnes qui occupent des charges publiques, comme les ministres et les secrétaires parlementaires. Dans le sens parlementaire, ils occupent une charge publique.

D'une part, si un ensemble de règles détermine que le Premier ministre est le chef suprême, on nous critique en disant que nous ne relevons pas d'une personne indépendante du Parlement. C'est ce que vous a dit mon collègue, monsieur Epp.

D'autre part, on critique aussi le fait que, s'il s'agit d'une personne indépendante, surtout en ce qui touche les titulaires de charges publiques, et que cette personne relève directement du Parlement, la responsabilité ne s'arrête pas au sommet, c'est-à-dire au Premier ministre.

Au cours de la dernière législature - et vous vous en souviendrez sans doute - j'étais, disons, un critique dur de M. Mulroney et de son groupe. Jamais je n'ai proposé que les titulaires de charges publiques relèvent d'une personne indépendante, car à mon avis il était important que je puisse dire au Premier ministre «Votre ministre à fait telle ou telle chose; comment pouvez-vous justifier...?»

La dernière réponse que j'aurais voulu entendre était, «ne me le demandez pas, il y a une personne indépendante qui relève directement de la Chambre et qui s'en occupe.» La question supplémentaire aurait alors toujours été, «mais vous êtes le chef, vous l'avez nommé, c'est vous qui êtes responsable». Comprenez-vous? Voilà deux façons différentes de voir les choses qui sont presque incompatibles pour les titulaires de charges publiques.

S'il s'agit d'une personne indépendante, comme le dit M. Epp, vous ne pouvez pas avoir l'autre possibilité. Ou du moins, vous donnez au Premier ministre, ou à toute autre personne responsable, le moyen idéal de se dérober aux enquêtes à son sujet, pour le simple motif que la personne est indépendante, qu'elle relève directement du Parlement, comme un vérificateur général, un commissaire aux langues officielles ou toute autre personne relevant directement du Parlement.

Je voulais avoir votre opinion sur ces choses là. J'y ai pensé. C'était dans notre rapport du comité parlementaire sur le projet de loi C-43. Le sénateur Oliver doit s'en rappeler. On ne me donne pas beaucoup de conseils à cet égard. Certains de nos témoins n'abordent pas le sujet. Je voulais avoir votre opinion là-dessus, si vous ne l'avez pas déjà fait ce soir.

M. Mills: Monsieur Boudria, je sais que vous avez participé à de nombreux travaux visant l'adoption d'un code d'éthique et je suis convaincu que vous avez pensé plus profondément que nous à certaines subtilités à ce sujet.

Je ne suis pas sûr de bien comprendre votre inquiétude. Je ne crois pas qu'un conseiller indépendant en matière d'éthique ou un commissaire qui relèverait du Parlement atténuerait de quelque façon que ce soit la responsabilité qui incombe au Premier ministre et au cabinet d'assurer une conduite éthique. Cette personne serait simplement un policier qui surveillerait ce qui se passe et ferait partie d'un mécanisme d'enquête et d'exécution. Ce n'est pas parce que nous avons un vérificateur général qu'on ne peut pas poser au ministre des Finances des questions sur les dépenses ou les finances publiques. Le Vérificateur général est simplement une personne indépendante, qui intervient et exprime un point de vue différent et qui fait partie d'un mécanisme de revue, d'enquête et d'exécution.

.2105

M. Boudria: Partagez-vous également ces opinions, monsieur?

M. Paton: Il y a deux choses, monsieur Boudria. L'une est que la distinction que vous faites est la même que M. Mitchell Sharp a faite devant ce comité en ce qui concerne les titulaires de charges publiques par rapport aux parlementaires en général.

M. Boudria: Exactement. C'est précisément le cas, oui.

Suis-je trop pur?

M. Paton: Oui. Je crois qu'il s'agit d'une subtilité juridique qui n'intéresse personne. À mon avis, pour la population, si vous êtes au Parlement, vous êtes au gouvernement, ou vous faites partie du processus gouvernemental. Je serais surpris si deux Canadiens de votre circonscription ou celle de quelqu'un d'autre ne pensent pas que vous occupez une charge publique. Oui monsieur, c'est ce qu'ils pensent. Je n'ai pas le moindre doute là-dessus.

La deuxième chose est, qu'à mon avis, il sera absolument essentiel d'avoir un organisme indépendant qui surveille l'application de ce code de conduite ou d'éthique une fois qu'il aura été créé, et je ne pense pas qu'il limitera votre capacité ou celle de quiconque dans l'Opposition, de vous attaquer à un ministre qui poserait un problème particulier ou de vous adresser au Premier ministre pour lui demander si le comportement du ministre en cause est acceptable. Si un ministre du cabinet pose un problème et qu'on le découvre, je pense alors que le Premier ministre agira en conséquence, qu'il existe ou non un organisme d'enquête indépendant.

J'ai constaté cela à maintes reprises. L'affaire Coates, qu'a mentionnée M. Mills, est un cas dans lequel une personne a été expulsée du Cabinet, avant qu'il y ait eu enquête. Je pense que ce même processus pourrait être répété, sauf que l'enquêteur dans le domaine qui nous occupe serait un organisme dont vous pourriez peut-être recommander la création à la fin de ces audiences.

M. Boudria: Je vous remercie de votre réponse; vous avez raison en ce qui a trait à ce que me répondrait l'un de mes mandants. Cette soi-disant subtilité n'existe pas pour eux.

La façon dont nous avons abordé la question, peut-être pas projet de loi qui nous intéresse, mais dans le dernier, soit le projet de loi C-116, est que le gouvernement en place avait élaboré le scénario suivant: il y aurait deux commissaires aux conflits d'intérêts. L'un devait surveiller les parlementaires qui n'étaient membres du cabinet ou autre, mais que nous appelons des titulaires de charges publiques dans le jargon parlementaire. Il devait relever directement du président de la Chambre. Les ministres, dont la nomination au cabinet et leur renvoi incombaient au Premier ministre, auraient relevé de lui.

Ensuite, naturellement, comme la Chambre règle le sort des députés en général, nous aurions relevé d'elle; et parce que le Premier ministre est le maître de ce qui se passe au cabinet, c'est sous son autorité que les intéressés auraient été placés. C'était là la logique de ce rapport.

On a eu des difficultés pour ce projet de loi. Il n'était pas bien construit. Certaines personnes devaient s'inscrire dans un système pour être jugés dans l'autre. Je pense que le projet de loi - et je vois que le sénateur Oliver est d'accord - était mal construit. On a prouvé à ce moment-là, que le projet de loi ne fonctionnerait pas à cause de sa construction boiteuse.

Vous ne trouvez pas juste qu'on sépare, si c'est l'expression correcte, les députés en deux groupes différents. Monsieur Paton, vous n'y avez vu aucun avantage.

M. Paton: Il n'y a aucun avantage à court terme, parce qu'en tant que société nous avons dépassé ce genre de subtilité. J'ai dit au sénateur Oliver, au cours d'un entretien privé, que j'étais persuadé qu'une divulgation complète et publique pourrait réussir en temps et lieu, et que si la confiance du public était rétablie, on pourrait alors donner quelque chose de plus agréable aux personnes qui souhaitent occuper des charges publiques. En attendant, vous avez un problème de relations publiques d'envergure et il vous faut élaborer quelque chose, comme un code de conduite ou d'éthique, qui permette de le résoudre pour regagner la confiance du public.

.2110

Quant à notre présente discussion, à savoir si un parlementaire est un membre du gouvernement qui devrait être subordonné à un code d'éthique différent de celui qu'un parlementaire du gouvernement ou du caucus serait tenu d'observer, crois, qu'à l'heure actuelle, cela ne présente aucune importance pour l'électeur moyen canadien.

M. Boudria: Puis-je continuer pendant une minute ou deux?

Tout de même, ce ne serait pas correct pour un ministre de l'Industrie de posséder des actions de Bell Canada ou d'une autre société de ce genre, mais il devrait y avoir une autre règle, si M. Epp ou moi avions des actions de Bell Canada. En tant que députés sans portefeuille, devrions-nous nous dessaisir de ce que nous possédons, comme doit le faire un ministre?

M. Paton: Monsieur, je crois qu'à l'heure actuelle, c'est ce que le public vous demande de faire. C'est ce que me disent mes lecteurs, de vive voix ou dans leurs lettres. Je crois que ce qu'ils veulent est exactement ce que vous avez dit.

M. Boudria: Êtes-vous d'accord, monsieur Mills?

M. Mills: Je crois que le double système que vous préconisez, pour les titulaires de charges publiques et pour les autres parlementaires, serait un fardeau considérable eu égard à la confiance envers le Premier ministre. Le Premier ministre est responsable, en fait, de la conduite éthique de tous les membres du cabinet. Cela fonctionne si on lui fait confiance. C'est un système qui peut marcher, si c'est le cas.

Mais nous avons vu dans le passé que cela n'a pas été le cas, lorsque le Premier ministre n'avait pas la confiance du public. En fait, il est arrivé que le premier ministre soit la personne dont le public se méfiait le plus de tout le gouvernement. Comme je l'ai déjà dit, nous en avons vu le résultat aux dernières élections, alors qu'un des partis politiques historiques du Canada a été pratiquement anéanti, en grande partie à cause de la méfiance envers le gouvernement et des soupçons d'abus de pouvoir.

M. Boudria: Bon. Quant à l'autre problème, le même test devrait-il s'appliquer à tous? Même si vous n'avez qu'un système, les exigences devraient-elles être les mêmes pour tous? Par exemple, un député sans portefeuille devrait-il vendre les actions dans une quincaillerie qu'il possède dans sa circonscription?

M. Paton: Je ne sais pas s'il doit vendre ses actions, mais peut-être -

M. Boudria: Il devrait le faire s'il était ministre; et si c'est le même test, la réponse devrait être affirmative.

M. Paton: Alors le code unique doit être modifié pour inclure les différentes parties de l'éventail.

Je crois que ce n'est pas une tâche insurmontable, monsieur Boudria. Je pense que c'est facile.

M. Boudria: Sauf votre respect, c'est une réponse différente de celle que vous avez faite tout à l'heure.

M. Paton: Monsieur, je dis que le même code doit s'appliquer et qu'un seul code doit s'étendre à tous les parlementaires.

M. Boudria: Mais devrait-il y avoir un test différent?

M. Paton: Non.

M. Boudria: Non?

M. Paton: Non. Un seul code doit s'appliquer à tous les parlementaires et la difficulté de la tâche qui se présente à vous et de rédiger un code qui puisse englober les deux extrêmes de l'éventail, soit un ministre du cabinet et un député sans portefeuille.

M. Boudria: Êtes-vous d'accord, monsieur Mills?

M. Mills: Aux fins de simplicité et de compréhension pour le public, je crois que vous devriez avoir un code aussi simple que possible pour tous. Maintenant -

M. Boudria: Il n'en existe nulle part, à l'heure actuelle. Vous en rendez-vous compte?

M. Mills: Je sais.

M. Boudria: Il n'y en a pas dans les provinces ou ailleurs.

M. Mills: Je pense que cela devrait être votre objectif. Le code devrait être le même en ce qui concerne la divulgation. Dans au dessaisissement, il se peut qu'il y ait une norme différente pour les députés sans portefeuille et pour les ministres qui sont directement responsables d'un secteur.

Est-ce que cela est sensé?

M. Paton: Je crois que nous allons tomber dans un piège.

M. Mills: Non -

M. Boudria: Non, je n'essaie pas de vous piéger. J'essaie simplement de vous demander de me donner des éclaircissements. Je suis désolé d'aller dans le détail, mais je suis déjà passé par là et je veux avoir une meilleure image de ce que vous pensez être juste.

Même au cours de notre brève discussion des cinq ou dix dernières minutes, je vois déjà un progrès, si je puis m'exprimer ainsi.

M. Paton: Non. Je suis toujours en faveur d'un seul code.

Quelques membres: Oh, oh!

M. Paton: Je crois que c'est l'unique option qui vous est offerte. Vraiment.

M. Boudria: Maintenant, je vous entends dire la même chose tous les deux.

Le sénateur Gauthier: C'est bien.

M. Mills: L'objectif est, à mon avis, d'avoir quelque chose d'aussi simple que possible pour que les Canadiens comprennent que c'est la façon dont les élus sont censés se comporter. Est-ce correct?

M. Boudria: Bon. J'ai encore une dernière remarque.

Tout d'abord, si quelqu'un pense qu'il n'existe pas de code d'éthique à l'heure actuelle, c'est faux. Il y en a, mais un peu partout. Il y en a dans la Loi sur le parlement du Canada, il y en a dans le Code criminel, il y en a dans nos règlements et il y en a dans les règlements du Conseil du Trésor.

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Nous avons donc des règles, mais elles ne sont pas codifiées. Elles ne sont pas uniformes. Nous avons même des règles qui ne s'appliquent qu'à un «travail public». Personne autour de cette table ne sait ce que cela veut dire.

M. Paton: Plus précisément, les gens ne savent pas comment ces règles sont appliquées. Ce n'est pas simplement que les règles sont éparpillées. Je pense que le public n'est pas sûr de la manière dont elles sont appliquées, sinon en vertu du Code criminel, et -

M. Boudria: C'est juste. Certaines d'entre elles sont tellement dépassées qu'il n'est plus possible de les appliquer, notamment celles sur le travail public. Maintenant, on pourrait par exemple appliquer un test si un député possédait une entreprise de construction qui installe un ponceau, mais ce serait différent s'il vendait des programmes informatiques d'une valeur de plusieurs millions de dollars. C'est parce que certaines de ces règles sont terriblement désuètes. C'est la raison de notre présence.

Je suis désolé d'avoir pris trop de temps, monsieur le président.

Le coprésident (M. Milliken): Merci, monsieur Boudria.

Nous allons entamer notre deuxième tournée. Sénateur.

Le coprésident (sénateur Oliver): Monsieur Mills, lorsque vous avez répondu à une question de M. Epp, vous avez dit qu'à votre avis le comité devrait se pencher sur autant de sujets, de domaines que possible et s'adresser à autant de juridictions que possible, et même à des juridictions étrangères.

L'un des rapports préliminaires que j'ai eu l'occasion de consulter est celui de lord Nolan, en Angleterre. Le Parlement britannique est en réalité très différent du nôtre. J'ai feuilleté le rapport encore aujourd'hui. Là-bas, on peut travailler à contrat ou être payé comme consultant, tout en étant député actif.

Ma question s'adresse à vous deux. Pensez-vous que les députés canadiens devraient être en mesure, et y être autorisés, d'avoir un emploi et un revenu autre que leur salaire de député?

M. Paton: Non monsieur. Je pense que la tradition parlementaire britannique de l'amateur noble est de plus en plus discréditée au sein de la société britannique, et les gens s'attendent maintenant à ce que leurs parlementaires représentent leur circonscription à temps plein. Malgré ce que pensent de nombreuses personnes de cet édifice en ce qui concerne leur paie, les gens de l'extérieur pensent que leur salaire est suffisant pour le travail qu'ils font.

Je dirais donc non. Être un parlementaire ou un sénateur est un travail à plein temps.

Le coprésident (sénateur Oliver): Monsieur Mills?

M. Mills: Je suis d'accord. Si les gens pensaient que leurs parlementaires recevaient un salaire d'autres sources, cela ne ferait pas grand-chose pour assurer leur confiance dans nos institutions publiques.

Le coprésident (sénateur Oliver): Et que pensez-vous d'un honoraire de membre du conseil d'administration d'une société, d'un salaire pour enseigner un cours à l'université, pour faire un peu de dentisterie le samedi à la maison, ou pour faire du travail d'avocat un jour par semaine?

Le sénateur Gauthier: Si vous étiez agriculteur, vous n'auriez plus droit de faire des travaux agricoles.

M. Mills: En réponse à vos trois questions hypothétiques, je dirais non, oui et oui. Je dirais que pour siéger au conseil d'administration d'une société, non. Pour faire des travaux de dentisterie, oui, je pense. Pour enseigner dans un collège, je suppose que oui, à moins qu'il y ait -

Le sénateur Gauthier: Qu'en est-il des travaux agricoles en fin de semaine?

M. Mills: Oui. Soyons raisonnables.

M. Paton: Je crois que je répondrais non, non, non, non et oui.

Le coprésident (sénateur Oliver): Vous avez manifestement une exploitation agricole.

M. Paton: Non, mais je comprends quelqu'un qui dépend du temps qu'il fait.

Le coprésident (sénateur Oliver): Je vous remercie.

Le coprésident (M. Milliken): Merci, sénateur.

Monsieur Epp.

M. Epp: Mon intervention sera brève cette fois.

J'ai une question au sujet de la divulgation. Vous tenez tous deux fermement à la divulgation. D'autres juridictions ont des règles exigeant de divulguer tous les renseignements au commissaire à l'éthique ou quel que soit son titre, mais aucune divulgation n'est faite au public à moins qu'il n'y ait une audience publique, et la plupart du temps, il n'y en a pas. En cas de différend, l'enquête initiale est menée en secret par le commissaire. Dans certains cas, il fait une recommandation, etc.

Préféreriez-vous que la divulgation soit véritablement publique? Autrement dit, si je me présente au Parlement, je dois maintenant faire la liste de mes biens, de mes actions, etc. Vous ne nous avez pas encore dit si vous préconisez la divulgation des dettes. Cette divulgation devrait-elle se faire uniquement au commissaire ou bien au public? Quelqu'un devrait-il pouvoir entrer sur l'Internet et chercher Ken Epp pour trouver son bilan financier? Est-ce que c'est cela que vous préconisez?

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M. Paton: Oui, il devrait y avoir divulgation pleine et entière et, oui, elle devrait être publique.

M. Epp: Avez-vous une opinion à ce sujet?

M. Mills: C'est aussi ce que j'ai proposé. Il devrait y avoir divulgation des actifs, du passif et des sources de revenu, et cette divulgation devrait être publique.

L'autre moyen serait de relever d'un commissaire aux vertus exemplaires. Si le public faisait tellement confiance à une personne au point que la confiance envers le Parlement et le gouvernement ne dépendrait que d'elle, alors cet objectif serait réalisable; malheureusement je ne crois pas qu'une telle personne existe. La seule autre solution est de rendre publique la divulgation et laisser le public en décider lui-même.

M. Epp: Je n'ai pas le moindre doute que cela découragerait beaucoup de gens très compétents de se présenter aux élections. Vous avez dit que ce n'est pas un problème, à votre avis. Cela ne vous dérange pas que des personnes qui réussissent bien en affaires ou dans un autre domaine ne veuillent plus se présenter à des élections parlementaires? N'est-ce pas une lacune?

M. Paton: Monsieur, ce que j'ai dit, c'est que si vous demandiez à des Canadiens, mettons dans la circonscription de M. Boudria, s'ils préféreraient un processus transparent et avoir un candidat moins brillant, ou bien un processus fermé et un meilleur candidat, j'affirme qu'à l'heure actuelle, les gens vous diraient qu'ils opteraient pour un processus transparent et accepteraient le candidat qui voudrait bien se présenter, plutôt qu'un candidat supérieur qui se présenterait parce que le processus est fermé.

M. Epp: Je n'accuse pas et je ne fais pas de supposition, aussi ne m'interprétez pas en mal, je vous prie. Mais n'êtes-vous pas poussé, tout au moins en partie, à chercher cette transparence totale pour faciliter votre travail de journaliste? Vous n'auriez plus à travailler aussi dur. Vous n'auriez plus à payer pour avoir accès à l'information. Vous n'aurez plus qu'à passer par votre ordinateur et boum, vous obtenez l'information et écrivez un article à ce propos.

M. Paton: La divulgation n'est pas ce qui facilite notre travail, monsieur. Ce qui rend notre travail difficile, c'est de découvrir la transgression, quand il y en a. Ce n'est pas de chercher sur l'Internet ou dans une bibliothèque, quelque part. La transgression, que ce soit un député qui accepte des pots-de-vin de 5 000 dollars à une soi-disant levée de fonds, ou un député qui a abusé de ses privilèges d'une façon ou d'une autre, ça ne se trouve pas sur l'Internet.

Ce qui va se trouver sur l'Internet, comme les délibérations de ce comité, sont les biens rendus publics de sorte que le public pourra en prendre connaissance. Je suppose que si Ken Epp vote d'une certaine manière, et si Ken Epp semble en tirer un avantage personnel, alors les gens de sa circonscription peuvent décider quoi faire à cet égard.

M. Epp: Ils ont le droit de savoir cela, oui.

M. Paton: Je crois qu'ils ont le droit de le savoir.

Je ne pense pas que vous nous facilitez la tâche. Cela dit, dans ma profession, je suis en faveur de tout ce qui peut faciliter l'accès à l'information, pour des raisons évidentes.

M. Epp: Pour le moment, quelle est votre opinion sur la disponibilité de l'information concernant le financement des campagnes électorales?

Il y a énormément de méfiance dans le public, à mon avis. Si quelqu'un donne de l'argent pour la campagne électorale d'un candidat et obtient par la suite un contrat du gouvernement, le public fait immédiatement le lien. Vous, dans votre profession, faites souvent ce rapprochement. Les règles en vigueur régissant la divulgation sur les donateurs et le montant des contributions vous semblent être suffisantes? Doivent-elles être renforcées dans notre code d'éthique?

M. Paton: C'est une question à laquelle il est difficile de répondre. Sous de nombreux aspects, je pense qu'elles ne sont pas adéquates, parce qu'il nous est souvent impossible de découvrir le montant de la contribution de monsieur X par rapport à la contribution de l'entreprise de monsieur X versées aux mêmes personnes du même parti.

Mais je ne suis pas certain que renforcer le code à ce chapitre nous aidera à découvrir ce que nous cherchons. Je ne pense pas que ce soit votre responsabilité de faire ces rapprochements pour nous.

M. Epp: Je voudrais parler un peu du comportement personnel, du code d'éthique.

L'une des choses qui font tomber les députés et les sénateurs dans le discrédit, c'est qu'ils se conduisent mal en public. Par exemple, un député de notre région a été accusé dernièrement de conduite en état d'ébriété. Il conduisait dans un sens interdit, brûlait les feux rouges, etc. Ce n'est pas un comportement propice au regain de confiance envers les politiciens.

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Pensez-vous que nous pourrions inclure dans un code d'éthique quelque chose qui interdise de fréquenter les boîtes de danseuses nues - je crois que ce fut le cas d'un ancien politicien en Europe - et d'autres choses de ce genre? Est-ce que nous pouvons mettre cela impunément dans un code d'éthique?

M. Paton: Non, je ne le crois pas.

M. Epp: Le problème restera donc sans solution.

M. Paton: Si un député est ivre et qu'il est arrêté, il devra répondre à des accusations en vertu du Code criminel et affronter ses électeurs le jour des élections.

M. Epp: Bien.

M. Mills: Je ne sais pas si vous pouvez réglementer efficacement la conduite privée à l'extérieur.

Pour aller plus loin, ce qui fait tomber le Parlement en discrédit chez les jeunes, c'est le comportement qu'ils découvrent à la Chambre des communes.

M. Epp: Oui.

M. Mills: Un peu plus de courtoisie dans certains débats et certaines discussions aiderait également à sauvegarder le respect à l'égard de ces institutions.

M. Epp: Quand j'ai pris mon siège de député pour la première fois, j'étais plein d'idéals et je pense que, tout comme moi, d'autres députés de mon parti ont bien commencé. Nous étions sur la voie de la réussite. Nos gens ont travaillé dur pour entrer dans le débat. Nous avons fait beaucoup de recherches et d'études. En fait, plusieurs libéraux l'ont remarqué et ont dit que les débats étaient empreints d'une nouvelle qualité lorsque nous avons commencé en janvier 1994.

Et cela s'est détérioré.

J'ai observé que la tribune de la presse n'est jamais pleine, sauf à la période de questions. Le reste du temps, elle est presque vide. Nous ne lisons ni n'entendons guère de choses positives sur la solidité des débats, sur une présentation objective, sur ce qu'un Réformiste ou un Libéral a dit, ni sur une corrélation entre les deux interventions pour que le public puisse décider quelle est la meilleure orientation.

Au lieu de cela, on a des reportages sur des échanges acrimonieux, et sans aucun doute, sur le spectacle quotidien que l'on appelle la période de questions. Fondamentalement, c'est comme cela que les médias décrivent le Parlement au public. Je crois que, dans une certaine mesure, on nous juge mal.

M. Paton: Je ne suis pas certain du système que vous envisagez pour que le public vous juge mieux. La chaîne CPAC, qui fonctionne 24 heures par jour, diffuse les débats de la Chambre, et non seulement la période de questions, bien entendu, mais aussi les délibérations de divers comités et d'autres activités de la Chambre. Je suis une bête politique, et je pitonne sans arrêt pour trouver les chaînes qui diffusent des choses qui m'intéressent.

Je crois que le public en sait davantage sur vous à cause de ça.

Quant à l'absence de journalistes à la Chambre, les débats sont télévisés en direct à leurs bureaux du 150 de la rue Wellington, ou bien encore ici. Ils savent ce qui se passe.

M. Epp: Eh bien non, ils ne le savent pas.

M. Paton: Ils peuvent suivre ce qui se passe sur l'inforoute électronique. On n'a pas besoin d'être sur place autant qu'avant.

En ce qui concerne la situation relativement à la période de questions, cela revient un peu à poser le problème de l'oeuf et de la poule. Êtes-vous sûr que c'est la manière dont nous vous décrivons, ou bien est-ce la manière dont vous vous représentez vous-mêmes pendant la période de questions?

J'ai parlé plus tôt de la question des privilèges. Des choses qui se disent en Chambre que les gens ne répètent pas à l'extérieur de peur de se faire poursuivre, à tout le moins, sont le genre de choses qui rendent les Canadiens méfiants à l'égard de cette institution davantage qu'ils le devraient. Ils voient quelque chose se passer dans la Chambre, et on soulève la question de privilège qui protège l'intervenant. Lorsque des journalistes posent des questions aux députés en cause à l'extérieur de la Chambre, ils refusent de répéter l'allégation, alors qu'ils savent pertinemment qu'elle sera reprise dans tous les journaux et les médias, avec le même privilège: cela été dit à la Chambre des communes; cela peut donc être répété. C'est sans doute une vétille exagérée que n'importe qui pourrait dire, mais elle ne doit pas être répétée à l'extérieur de la Chambre par la personne qui l'a prononcée, parce que celle-ci ne serait plus protégée.

M. Epp: Il est certain que le comportement en Chambre et le langage qu'on y utilise parfois, ainsi que les échanges durant la période de questions, affectent la perception de qui nous sommes et de ce que nous sommes. Je ne crois pas que l'on peut régler cela dans un code d'éthique. Je ne sais pas comment on pourrait le faire.

M. Paton: Je ne crois pas que ce soit nécessaire. Je pense que vous ne pouvez pas mener la période de questions comme vous le voudriez, selon les questions que vous avez devant vous. Mais quand on peut accuser le vice-premier ministre de menteur, puis quitter la Chambre et refuser de répéter son allégation, pour des motifs évidents, les gens n'ont plus confiance en vous. C'est indubitable. Ils savent ce qui se passe. Ils voient que c'est un théâtre politique de pacotille, et non de gouvernement.

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M. Epp: Je vais être franc avec vous encore une fois. Nous sommes un nouveau parti qui fait ses armes. Le public ne nous a pas encore acceptés, parce que nous ne sommes pas connus. C'est frustrant de voir que les médias vous laissent de côté en disant que vous êtes inefficaces parce que vous ne suivez pas les règles de la Chambre, acceptées par la presse. Mais je m'éloigne du sujet.

J'ai encore une question en ce qui concerne le code d'éthique. Je suppose que votre présence devant ce comité est honorable. Nous voulons vraiment retrouver la confiance du public, ce qui fait d'ailleurs partie du mandat de ce comité.

Le champ est libre, et je vous lance la balle. Que recommanderiez-vous à ce comité de faire qui vous aiderait dans votre profession à pousser le public à renouveler leur confiance dans ses institutions, y compris dans le Parlement du Canada?

M. Mills: Que peut faire ce comité pour nous aider à rétablir la confiance?

M. Epp: Oui. Selon votre point de vue, comme vous l'écrivez dans votre journal.

Le coprésident (Sénateur Oliver): Rédiger un article sur le code d'éthique une fois qu'il aura été rédigé.

M. Mills: Oui, évidemment. Produisez un code d'éthique efficace, y compris des règles effectives ainsi que des mécanismes de divulgation et d'application. Ils seront publiés dans les moindres détails.

Je crois que si cela arrive et que le processus s'ouvre au public, ce sera un moyen d'empêcher tout abus de pouvoir pour faire avancer ses propres intérêts. Lentement, au fil du temps, la réputation du Parlement et du gouvernement se rétablira.

M. Epp: Monsieur Paton, avez-vous quelque chose à dire?

M. Paton: J'ai une réponse du même genre. Je suis persuadé que c'est seulement grâce à un simple code d'éthique qui semble être bien appliqué et bien compris du public canadien que vous commencerez à retrouver la confiance du public en tant que parlementaires. Par l'intermédiaire de mon journal et des autres médias qui feront des reportages à ce propos, le peuple du Canada commencera à penser que les parlementaires méritent sa confiance.

M. Epp: Bien. Nous espérons que vous allez commencer à répandre les bonnes nouvelles avec plus de vigueur.

M. Paton: Je pense, monsieur, que si vous avez deux rédacteurs en chef devant vous, vous aurez au moins deux articles.

Le sénateur Gauthier: Si je vous ai bien compris, vous voulez étendre la divulgation aux conjoints et aux enfants. C'est bien cela?

M. Paton: Oui, c'est ce que je voudrais.

Le sénateur Gauthier: Dans quelle mesure?

M. Paton: La famille immédiate.

Le sénateur Gauthier: C'est-à-dire?

M. Paton: Les enfants et le conjoint ou la conjointe.

Le sénateur Gauthier: Jusqu'à quel âge? J'ai des enfants qui ont 37 et 38 ans. J'ai un autre garçon de 34 ans et une fille de 29 ans. Ils ne vivent pas à la maison.

M. Paton: Aux fins de simplicité, s'ils peuvent voter, oui.

Le sénateur Gauthier: Ils seraient assujettis aux mêmes règles, parce que leur père est au Parlement.

M. Paton: Oui monsieur.

M. Boudria: Même s'ils ne vivent pas à la maison?

M. Paton: Me demandez-vous mon opinion personnelle ou bien ce que pensent mes lecteurs?

Le sénateur Gauthier: Je vous pose une question.

M. Paton: Je pense que les gens vont exiger qu'il y ait le plus de divulgation possible en ce qui concerne la famille immédiate des parlementaires.

Un exemple serait la situation du Premier ministre et ses rapports avec la famille Desmarais. Je ne crois pas que quiconque puisse penser que le Premier ministre fasse quelque chose pour la famille Desmarais ou Power Corporation, simplement parce que sa fille s'est mariée dans cette famille, mais il y a eu beaucoup de commentaires dans le public à cet égard.

Si l'un des buts de ce comité est d'essayer, dans la mesure du possible, de dissiper ce sentiment parmi les électeurs, alors vous devez accepter la divulgation.

Le sénateur Gauthier: Sur ce point, je ne suis pas d'accord.

Monsieur Mills, êtes-vous du même avis?

.2135

M. Mills: J'ai juste un ou deux points et quelques exemples pratiques.

Il y a eu des cas où les actifs détenus par des membres de la famille ont joué un rôle dans les juridictions. Nous avons vu un ancien président des États-Unis qui avait un fils dans une entreprise, qui lui a causé un problème d'éthique. Nous avons vu le spectacle ridicule de Sinclair Stevens et de son épouse avec toutes ses transactions financières.

Le sénateur Gauthier: Des confidences sur l'oreiller. Il s'agit du conjoint ou de la conjointe. Je parle des enfants. Je n'ai pas de problème pour le conjoint ou la conjointe.

M. Mills: Bon. Sous le même toit; vous n'avez rien à redire à ça?

Le sénateur Gauthier: Sous le même toit?

M. Mills: Même des enfants adultes. Je suis sûr que si je faisais travailler encore un peu ma cervelle, je pourrais trouver d'autres exemples, mais il est certainement possible -

Le sénateur Gauthier: Avez vous des amis dans la politique?

M. Mills: Oui.

Le sénateur Gauthier: Avez-vous parlé aux enfants de ces amis dans les 15 dernières années? Essayez de leur parler. Voyez combien sont tentés d'entrer en politique. Il n'y en aura pas beaucoup.

Vous voulez que la divulgation couvre également mes enfants. L'un est comptable. L'autre travaille pour Paul Martin comme attachée de presse. Elle peut être en conflit d'intérêts d'après vos règles. Je ne voudrais certainement pas les soumettre à pareille chose. Je quitterais plutôt que les exposer à une situation aussi injuste.

M. Paton: Je conviens qu'il s'agit de mesures draconiennes, monsieur. Je pense simplement que c'est ce qui sera acceptable au bout du compte. Je crois que n'importe quoi de moins -

Le sénateur Gauthier: Quelle serait la différence? Mon fils est comptable agréé. Il travaille dans un bureau. Il n'habite pas à la maison. Il a 34 ou 35 ans. Quel genre de conflit -

M. Paton: Pour moi, personnellement, aucun.

Le sénateur Gauthier: Comment le forceriez-vous à révéler combien il gagne? Comment feriez-vous? Il vous dirait simplement d'aller au diable, parce qu'il a des droits. Comme vous l'a dit M. Epp, il a des droits.

M. Paton: Peut-être y a-t-il une limite -

Le sénateur Gauthier: Révélez-vous votre salaire au public? Votre femme révèle-t-elle son revenu au public?

M. Paton: Eh bien monsieur, si j'arrive à devenir le cinquième plus haut salarié de ma chaîne, alors oui, car je suis membre de la corporation et mon salaire sera révélé au public, que j'aime cela ou pas.

M. Epp: Cela va arriver?

M. Paton: Mon plus grand désir est d'arriver à un dollar de moins que le cinquième plus haut salaire de la chaîne.

Le sénateur Gauthier: Monsieur Mills, vous n'avez pas mentionné -

M. Mills: Vous soulevez certainement un point intéressant ici. Comment pourriez-vous appliquer cela? Je ne sais pas. Nous ne rédigerons pas ce texte législatif, c'est à vous de le faire.

Le sénateur Gauthier: Personne n'a dit que ce serait un texte législatif. Quelqu'un a parlé de résolutions -

M. Mills: Eh bien, rédigez des résolutions ou autre chose.

Le sénateur Gauthier: Puis-je vous poser juste une question?

M. Mills: Vous savez ce dont nous parlons. Nous voulons tous que nos enfants réussissent. Mais il y a eu des cas. Je n'arrive pas à penser à des exemples autres que celui où l'on a donné des travaux gouvernementaux à un enfant adulte à titre d'entreprise. Ce genre de chose n'est certainement pas fait pour inspirer le respect envers le gouvernement ou le Parlement. Dans des cas comme celui-là, il faut qu'il y ait divulgation. Il ne faudrait pas que cela se reproduise sans que le public le sache.

M. Paton: Cela est en train d'arriver à la Société canadienne des postes. M. Clairmont fait l'objet d'une surveillance serrée du public pour ses amitiés et ses relations d'affaires, et les entreprises dans lesquelles travaillent ses enfants. Même si c'est une société d'État, vous pouvez vous servir de cet exemple et l'appliquer à tout ce qui pourrait se produire au Parlement.

C'est la raison pour laquelle je crois que la seule chose acceptable, en ce qui concerne le public, c'est une divulgation complète.

Le sénateur Gauthier: Je crois que j'en ai assez entendu.

Le coprésident (M. Milliken): Merci beaucoup.

Je tiens à remercier les deux témoins de leur temps et de leurs questions. Manifestement, d'après la durée de la réunion, vous pouvez déduire que vous avez stimulé les membres du comité par le nombre de questions et de problèmes. Nous attendons avec impatience la couverture du rapport que vous ferez lors de sa parution. Merci infiniment pour votre participation.

La séance est levée.

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