[Enregistrement électronique]
Le lundi 4 décembre 1995
[Traduction]
Le coprésident (M. Milliken): La séance est ouverte.
Conformément aux ordres de renvoi adoptés par le Sénat le mercredi 28 juin 1995 et par la Chambre des communes le lundi 19 juin 1995, nous poursuivons notre examen d'un code d'éthique à l'intention des sénateurs et des députés de la Chambre des communes.
Nous avons ce soir l'honneur d'avoir parmi nous M. C.E.S. Franks, professeur au Département d'études politiques de Queen's University.
M. Franks a un exposé écrit qu'il va nous présenter, je pense. Après, j'espère que vous accepterez de répondre aux questions que les députés et sénateurs pourraient avoir à vous poser. La parole est à vous.
M. C.E.S. Franks (Département d'études politiques, Queen's University): Je dois vous avouer que je ressens une certaine inquiétude ce soir, parce que les codes d'éthique et de déontologie sont un sujet à propos duquel je n'ai rien rédigé. J'ai lu plusieurs ouvrages sur la question et j'y ai réfléchi, mais je n'ai jamais rien écrit. Étant un universitaire, j'ai l'impression de ne jamais savoir de quoi je parle à moins de l'avoir déjà écrit quelque part. Donc, j'ai pensé qu'il serait peut-être utile d'émettre certaines idées autant sur le contexte dans lequel s'insèrent les codes d'éthique que sur leur contenu en espérant que nous en arriverons, grâce à vos questions, à aller plus loin que là où je suis parvenu.
D'une certaine façon, je ne me sens pas à l'aise lorsque je parle d'éthique politique. Lorsqu'il est question de politique, à bien des égards, non seulement je ne sais pas ce qui est bien ou mal, mais il m'arrive souvent de changer d'idée. Je sais aussi qu'il y a une distinction énorme entre ce que les gens considèrent comme acceptable ou inacceptable et entre ce qui est légal et illégal, et il peut s'avérer difficile de trouver le juste équilibre quand on parle de code d'éthique.
L'éthique politique est l'un des domaines les plus déroutants de l'étude de la politique démocratique. On y retrouve plus que le mélange habituel d'intérêt lascif, le mal étant ce que l'on considère comme tel, et de jugements faciles, pour ne pas dire simplistes, sur le comportement d'autrui. C'est également un domaine où l'attitude est souvent de dire «faites ce que je dis et non ce que je fais», où la pratique et la position morale changent, selon la situation, selon surtout qu'il s'agit du gouvernement ou de l'opposition.
Par ailleurs, la politique canadienne a été, depuis la Confédération et certainement avant aussi marquée par le favoritisme, un favoritisme parfois très douteux. Pour être plus que de simples voeux pieux, il est important que les codes d'éthique ne soient pas, d'une part, neutres au point d'être excessivement permissifs ni, d'autre part, tellement stricts qu'ils seront inévitablement violés, contournés ou ignorés. Je vais maintenant examiner certaines des questions importantes qui se posent à propos des codes d'éthique pour les politiciens dans le contexte canadien.
La première question consiste à savoir quel type de comportement est en cause. Si on interrogeait le citoyen moyen sur l'éthique des politiciens, la réponse donnée pourrait fort bien être axée, comme l'attention des médias l'est souvent, sur leurs habitudes personnelles: quelle quantité d'alcool ils consomment, leurs penchants sexuels et savoir s'ils fument même la cigarette. Ce sont là les points sur lesquels une bonne partie des reportages mettent l'accent.
L'alcoolisme mondain semble acceptable tandis que tout comportement sexuel autre que l'accouplement de deux adultes monogames consentants dans la position du missionnaire peut provoquer le courroux de la presse et nuire à une carrière politique. L'Amérique du Nord semble être exceptionnelle à cet égard. Ailleurs dans le monde, une plus grande partie de la vie privée des politiciens demeure privée, et il semble y avoir une plus grande tolérance de la diversité et des peccadilles. Après tout, Profumo a été renversé parce qu'il avait menti au Parlement, pas parce qu'il avait couché avec Christine Keeler. Je me demande souvent quelle serait la réaction des journalistes si leur vie privée était soumise au même examen et aux critiques qu'ils réservent aux politiciens.
J'imagine que la tâche du comité consiste non pas à discuter du comportement des politiciens en privé, mais à examiner les circonstances où leurs actes nuisent à l'intérêt public ou vont carrément à l'encontre de la loi. Certaines activités pourraient relever à la fois de la vie privée et de catégories plus vastes, comme le harcèlement sexuel au travail, mais je ne crois pas qu'il s'agisse de questions extrêmement difficiles à régler. Il se peut cependant que je me trompe.
Lorsqu'on parle plus précisément d'un code d'éthique, les problèmes sont souvent définis comme étant un conflit d'intérêts, comme s'il était possible de faire une distinction entre l'intérêt public et l'intérêt personnel du politicien. Je trouve qu'il s'agit là d'une approche qui n'apporte rien d'utile, entre autres parce que l'intérêt public et l'intérêt personnel sont essentiellement contestables et que tout dépend autant de la façon d'envisager les choses que de mesures objectives. De plus, la distinction ne résout pas le problème du comportement qui est répréhensible et qui devrait être puni, mais qui ne sert pas moins l'intérêt public. Les types d'activités qu'un code de déontologie devrait viser demeureront forcément flous.
La deuxième question à se poser est la suivante: Quel est le rôle du représentant élu? Lorsqu'on pense à un code de déontologie, les deux rôles opposés du politicien semblent être, d'une part, celui du philosophe roi échappant aux besoins pressants de groupes d'intérêts et de commettants et tenant compte exclusivement d'un vaste intérêt public abstrait et, d'autre part, celui d'un touche-à-tout aux mains sales répondant aux pressions exercées par des commettants, des amis et des groupes d'intérêts en faisant largesse des deniers publics sous la forme de dons purs et simples, de réductions d'impôt, de règlements bienveillants, d'emplois, de contrats et d'autres avantages.
Lorsqu'ils critiquent le comportement des politiciens, les médias supposent normalement que ces derniers devraient jouer le rôle du philosophe roi. Lorsqu'ils traitent directement avec les politiciens, les commettants et les groupes d'intérêts exigent souvent qu'ils jouent celui du touche-à-tout.
Une bonne partie de ce qu'on appelle le travail de circonscription des députés canadiens consiste presque uniquement à obtenir des faveurs de la bureaucratie pour des commettants qui sont assez astucieux ou chanceux pour obtenir l'aide d'un député, jouissant ainsi d'un traitement supérieur à celui de leurs compatriotes moins chanceux. À quel moment la capacité des députés de venir en aide à des particuliers et à des groupes transgresse-t-elle la limite entre ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas?
Troisième question: Comment les politiciens devraient-ils être rémunérés? Ce n'est qu'au cours du siècle dernier que l'idée de rémunérer les représentants élus pour leur travail a fait son chemin. Jusqu'à tout récemment, le traitement des députés canadiens portait le nom d'«indemnité», comme s'il s'était agi d'un dédommagement pour une forme quelconque de punition. Auparavant, seuls pouvaient être au service du Parlement ceux qui étaient déjà riches, qui étaient appuyés par les riches ou qui pouvaient tirer profit de la politique.
Même de nos jours, le mode de rémunération varie énormément d'un pays à l'autre. Les politiciens américains sont relativement bien payés. En France, le cumul des mandats veut dire que bon nombre de politiciens ont droit à deux, trois, même quatre salaires comme représentants élus.
Le Canada se situe vers le bas de la gamme pour ce qui est de la rémunération. C'est l'un des facteurs qui expliquent le mécontentement face à la vie politique et le taux de roulement élevé des députés.
En Grande-Bretagne, une vieille tradition veut que les députés aient d'autres revenus. Un pourcentage élevé des députés reçoivent des provisions ou honoraires de lobbyistes et de groupes d'intérêts, et leurs revenus provenant de ces sources, surtout dans le cas des Conservateurs, sont souvent égaux ou supérieurs à la rémunération parlementaire.
Au Canada, plus souvent qu'autrement, le député a droit à une rétribution financière et se retrouve au pays des rêves lorsqu'il quitte le Parlement pour occuper un poste auquel il a été nommé par favoritisme. Plus d'un tiers des députés sortants probablement, surtout du parti ministériel, ont droit à ce genre d'avantages.
Il serait de toute évidence injuste que des députés en poste occupent une charge rétribuée par la Couronne. Est-il beaucoup moins injuste que l'attente d'une telle récompense régisse le comportement, notamment la loyauté envers le parti, pendant que le député est au service de la Chambre?
Quatrièmement, qu'en est-il des dépenses engagées durant une campagne électorale? Trop de choses ont été écrites à ce sujet pour que j'ajoute quoi que ce soit de nouveau. De plus en plus, on a tendance à considérer comme suspecte toute contribution à une campagne, mis à part les petits dons individuels, et à penser que les campagnes politiques devraient être financées par le Trésor public. Est-ce vraiment la façon d'établir un lien entre le politicien et l'électorat?
N'aurait-on pas raison de soutenir que les politiciens devraient représenter des groupes d'intérêts, du secteur des affaires ou du monde du travail, à caractère agricole ou environnemental ou peu importe, et que les contributions à une campagne sont une façon respectable et souhaitable de connecter un politicien à la réalité politique et économique?
Cinquièmement, qui profite des décisions politiques? Où se situe la frontière entre une attitude morale et ce qui est contraire à la morale? De nos jours, on considère généralement comme immoral un politicien qui profite directement de la situation en recevant des pots-de-vin pour des activités politiques. Mais cela vaut-il dans le cas des contributions ou des contributions au parti? Et qu'en est-il des restrictions en ce qui concerne l'emploi des conjoints et des membres de la famille? À quel moment cela commence-t-il à entraver la liberté des citoyens?
Le copinage est une autre forme de comportement douteux, mais qui a une longue tradition au Canada. À mesure que l'on va du particulier au général, les groupes qui en profitent ont un caractère de moins en moins particulier et de plus en plus général, dont des entreprises, des groupes d'entreprises ou d'intérêts, des secteurs de l'économie, des circonscriptions ou des régions, des groupes ethniques et culturels et des classes sociales. À quel moment franchit-on, par son comportement, la frontière entre ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas, ce qui est moral et ce qui est immoral?
Sixièmement, une distinction peut-elle être faite entre les sphères politique et bureaucratique? La doctrine de la responsabilité ministérielle, telle qu'elle est souvent énoncée sous sa forme la plus rigide au Canada, donne à entendre qu'aucune distinction ne peut être faite entre la politique et la bureaucratie. Toutes les décisions sont politiques lorsqu'elles sont prises au nom d'un ministre, et celui-ci en est responsable devant le Parlement. Lorsqu'on le compare à d'autres démocraties développées de l'Occident, même à celles qui sont inspirées du modèle de Westminster, on s'aperçoit que le Canada se situe à l'extrémité de la gamme en refusant de faire cette distinction.
Je pense qu'il s'agit là du produit d'une longue tradition de favoritisme politique au Canada et du recours aux faveurs politiques pour garder le pays uni, obtenir l'appui nécessaire aux partis politiques et mobiliser les électeurs.
Je crois aussi que le comportement suspect de députés en particulier s'inscrit en bonne partie dans le contexte plus vaste de ce qui a habituellement cours et de ce qui est généralement accepté par les gouvernements et à l'intérieur de ceux-ci. Si nous voulons être sérieux dans nos efforts pour définir la frontière entre ce qui est moral et ce qui est immoral, alors il faut faire une distinction beaucoup plus claire entre la sphère où des règles bureaucratiques d'impartialité et de cohérence règnent et celle où les normes politiques d'incohérence et de particularisme l'emportent.
Je n'essaie pas de laisser entendre par là que la bureaucratie est bonne et la politique, mauvaise. Chacune a sa place, mais pour qu'une distinction nette puisse être faite entre ce qui est moral et ce qui est immoral, il faudrait arriver à faire de manière beaucoup plus officielle et rigide qu'à l'heure actuelle la distinction dans la pratique entre les sphères où les différentes séries de normes s'appliquent.
Comment faire respecter un code d'éthique? La transparence et la responsabilité sont ici les points de départ essentiels. Je pense que les commissaires à l'éthique, les comités parlementaires de l'éthique et ainsi de suite devraient venir au second rang. Par contre, je ne crois pas que la transparence permettra en elle-même de dévoiler les délits ou les abus graves.
C'étaient là mes observations écrites. J'ai ajouté à mes notes une page qui reprend ce qu'a dit à ce sujet un auteur britannique. Je vais vous citer quelques faits. En 1991, 384 députés détenaient entre eux plus de 500 postes de directeurs et 450 postes de consultants. L'industrie de la fourrure, l'industrie du tabac, les fabricants de boissons alcooliques et les fabricants de médicaments étaient particulièrement bien représentés. Les honoraires moyens des consultants étaient de 10 000£ par année c'est-à-dire d'à peu près 22 000$ ce qui faisait grimper énormément le salaire annuel du député qui était alors de 31 687£. La grande majorité des députés qui tirent des revenus d'autres sources se recrutent parmi les Conservateurs.
Je tenais à vous le dire pour vous donner une idée des raisons pour lesquelles certains députés britanniques aiment la vie à la Chambre et y restent aussi longtemps.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Merci beaucoup de votre évaluation et de votre analyse.
Avant de céder la parole à M. Boudria, j'aimerais vous poser une question. Vous vous demandez comment faire respecter un code d'éthique. J'en déduis que vous pensez qu'il devrait y en avoir un. Si j'ai raison, en quoi devrait consister le code? Devrait-il débuter par une série de principes généraux? Dans l'affirmative, quels types de principes devrait-on y trouver?
M. Franks: Cette question me préoccupe. Je ne suis pas certain qu'on puisse établir un code qui fonctionne. Je n'ai pas réfléchi assez longuement pour pouvoir vous donner une réponse. Je crois que les choses sont beaucoup plus simples dans le cas des bureaucrates, car il y a à la fonction publique des normes acceptées d'impartialité, de cohérence, de neutralité, pour ne mentionner que celles-là, de sorte qu'il est beaucoup plus facile de voir en quoi on y déroge.
Supposons qu'un député croie fermement qu'il faut appuyer et favoriser le commerce des fourrures. Cela veut-il dire qu'il ne devrait pas accepter un voyage financé par l'industrie de la fourrure pour aller la défendre devant des groupes en Europe, par exemple? Cela veut-il dire que cette personne ne devrait accepter aucune forme d'aide dans l'exercice de ses fonctions?
Les députés britanniques ont parfaitement le droit de le faire. Les deux seules restrictions qui s'appliquent sont les suivantes: ils doivent dévoiler leurs autres sources de revenu et celles-ci doivent être consignées dans un registre public. Il y a aussi un comité de surveillance. L'avantage de cette approche qui n'entre pas dans le détail, c'est qu'elle laisse au public le soin de juger du comportement des députés.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Tout ce que je voulais dire, c'est que vous donnez à entendre dans votre exposé qu'il devrait y avoir un code pour les sénateurs et les députés lorsque vous vous demandez comment faire respecter un code d'éthique. Lorsque vous parlez de respect, vous voulez parler du respect de quoi au juste?
M. Franks: Vous avez tout à fait raison. J'aurais dû préciser qu'il faudrait se demander comment faire respecter un code d'éthique, s'il en existait un. J'aime bien faire attention à ce que je dis.
Je le répète, plus j'examine la question, moins je suis convaincu que l'on puisse englober dans un code tout ce qui doit l'être. Ce qu'il faut, c'est une espèce de norme et, comme certains l'appellent, une certaine transparence. Je ne suis pas tellement partisan des codes de ce genre.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Monsieur Boudria.
M. Boudria (Glengarry - Prescott - Russell): Bienvenue, professeur Franks. J'imagine que c'est la deuxième ou la troisième fois que vous témoignez devant des comités parlementaires faisant ce genre de travail. Vous et moi sommes probablement les doyens ici aujourd'hui et en ce qui concerne la question.
Si vous me le permettez, je me contenterai de faire quelques observations auxquelles j'aimerais que vous répondiez.
Je suis l'un de ceux qui croient qu'il devrait y avoir un code. On pourrait discuter longuement de son contenu, mais les règles qui existent actuellement sont éparpillées. Nous avons des règles dans la Loi sur le Parlement du Canada, notre Règlement et le Code criminel. Nous avons des règles qui définissent en quoi consiste un comportement acceptable de la part des députés, règles qui découlent de décisions rendues par d'autres comités dans le passé ainsi que de la jurisprudence, si vous me permettez d'utiliser le terme, et ainsi de suite.
Si ces règles étaient regroupées, sans pour autant qu'il soit nécessaire qu'elles le soient toutes, un député saurait au moins à quoi s'en tenir et il aurait une petite idée de ce qu'il n'est pas censé faire.
Cela comporterait au moins un certain avantage, puisqu'il ne serait plus nécessaire de consulter l'article 110 du Code criminel, ou encore l'article 111, peut-être une certaine disposition du Règlement, et peut-être une autre disposition de la Loi sur le Parlement du Canada. Soit dit en passant, ce sont des dispositions différentes qui s'appliquent aux sénateurs. La situation est plutôt confuse pour le moment.
C'est là ma première proposition, mais j'aurais autre chose à ajouter. Je fais partie de ceux qui pensent que les règles devraient à tout le moins être différentes pour ceux qui sont titulaires d'une charge publique et ceux qui ne le sont pas. J'entends par titulaires d'une charge publique les ministres et les secrétaires parlementaires, parce que j'imagine que nos commettants nous considèrent tous comme tels. Par exemple, un simple député qui est médecin pourrait être autorisé à pratiquer sa profession le samedi matin. Par contre, cela devrait peut-être être interdit à un ministre du Cabinet.
Cela dit, j'ajouterais qu'il devrait peut-être y avoir un critère différent concernant ce qui peut être fait à cet égard.
Enfin, ce code ne devrait peut-être pas aller aussi loin que les règles de Bob Rae si je peux m'exprimer ainsi en Ontario. Je ne veux pas parler des règles de l'assemblée législative, mais bien des règles supplémentaires qu'il avait proposées.
Au risque de nommer quelqu'un, je me souviens du jour où Mme Evelyn Gigantes a démissionné du Cabinet. Je pourrais penser à dix raisons pour lesquelles elle n'aurait pas dû y être, mais celle que l'a incitée à démissionner ne figurait pas parmi elles. Elle a aidé un commettant sans avoir rien retiré personnellement, sans que cela comporte pour elle un intérêt financier ou pécuniaire quelconque. Il est un peu bizarre qu'elle ait eu à démissionner lorsqu'on pense à la façon dont les règles fonctionnent et à la façon dont elles sont administrées.
Cela dit, je devrais peut-être vous inviter à me faire part de vos réactions, si vous êtes d'accord.
M. Franks: Devrions-nous changer de place?
M. Boudria: Non, je ne prétends pas avoir les réponses. Je vous ai fait part de certaines de mes idées. Ce n'est pas la première fois que nous nous trouvons à cette table-ci vous et moi.
M. Franks: Je vous ai avertis au début que ce n'est pas là une question dans le cas de laquelle j'ai repoussé les frontières de la connaissance. Au risque de vous paraître présomptueux, je dirais que je l'ai fait dans d'autres cas. Par conséquent, mes impressions sont celles de quelqu'un qui a lu les ouvrages d'autres auteurs et réfléchi à la question.
Vous devez vous rendre compte que la pratique varie énormément, non seulement d'un pays à l'autre, mais à l'intérieur des frontières du Canada. Je sais que de mon vivant des ministres provinciaux ont continué à pratiquer le droit les fins de semaine. Je suis certain que des ministres du Cabinet ont aussi continué à exercer des professions autres.
Je me souviens de quelqu'un qui m'a parlé d'un médecin qui était aussi ministre. Je ne sais pas si j'aurais aimé être son patient, mais cela n'a rien à voir avec le fait qu'il a continué à pratiquer la médecine pendant qu'il occupait une fonction au gouvernement.
À mon avis, cela soulève un problème en ce sens que je ne peux pas dire que tous savent qu'il existe déjà des normes tellement évidentes qu'aucune difficulté ne se poserait plus si seulement nous les observions. Les normes varient énormément. Il n'est pas nécessaire d'aller dans des endroits aussi fascinants que l'Italie et la Russie; elles varient de manière extraordinaire à l'intérieur même du Canada.
Je ferais une distinction à propos de votre première observation. Lorsque vous dites qu'il y a actuellement des règles, mais qu'elles sont éparpillées, je ferais une distinction entre un code d'éthique et une compilation de règles et de lois. J'imagine que cela serait très utile, et vous auriez peut-être raison de demander au conseiller parlementaire, au conseiller législatif.
M. Boudria: Mais ces règles sont codifiées, pas-
M. Franks: Non, il y a une différence entre une compilation de règles et une codification. Une codification est une distillation de ces règles sous la forme d'un énoncé officiel tout comme une charte des droits est en réalité une codification, mais peut-être ne serez-vous pas d'accord avec moi, des principes de la common law. Certains vous diront qu'il s'agit d'un contrat social, mais d'après ma façon de voir, il s'agit plutôt de quelque chose qui ressort de l'ensemble des lois. De la même manière, la compilation n'a rien d'un code puisqu'il s'agit uniquement d'une liste de choses. Il ne s'agit aucunement d'un énoncé des principes primordiaux auxquels les autres sont subordonnés. Donc, je ferais une distinction ici. Je pense qu'une compilation serait très utile et qu'une interprétation par certains des experts juridiques de la Chambre des communes le serait elle aussi.
Quant à savoir s'il devrait y avoir un critère différent pour les ministres, je dirais que oui, quoique l'idée soit très récente. Dans les années 50, les ministres tripotaient leurs portefeuilles d'actions selon les affaires que le Cabinet avait examinées la veille ou qu'il devait étudier le jour même. C'est ce qui se faisait.
M. Boudria: Mais vous seriez sûrement d'accord avec moi pour dire, professeur, qu'en 1995, cela serait répréhensible à en juger par les normes qui existent actuellement.
M. Franks: C'est une question que je me pose, mais j'ai l'impression qu'on demande parfois à nos politiciens d'être tellement intègres que cela est déraisonnable. Non, je ne pense pas qu'un politicien, que quelqu'un qui ait à prendre des décisions sur l'utilisation des fonds publics et des pouvoirs de l'État, devrait être directement partie à des transactions qui lui permettent de tirer un avantage personnel direct. Par contre, devrions-nous dire aussi que les députés, lorsqu'ils quittent le Cabinet, devraient attendre deux ans avant de pouvoir accepter un poste à la direction d'une société travaillant au Canada, ou de travailler pour une entreprise de lobbying ou une société d'avocats qui entretient des relations avec le gouvernement du Canada ou avec des entreprises qui sont en affaires avec lui? Allons-nous contrôler le présent uniquement sans empiéter sur l'avenir?
Il me semble que nous risquerions ainsi d'exiger l'intégrité totale dans une sphère plutôt limitée et d'ignorer tout le reste. Je dois avouer que je ne suis pas encore tout à fait convaincu que les politiciens, même s'ils étaient assujettis à un code d'éthique, ne veilleraient pas au grain, mais je ne vous mentionnerai aucun nom.
En d'autres mots, je suis d'accord pour dire qu'il devrait y avoir des règles plus strictes pour les ministres, mais cela ne résout pas le problème.
M. Boudria: Non, pas en soi.
M. Franks: Non.
La dernière partie de votre question consistait à savoir si les règles ne risqueraient pas d'être trop strictes. La réponse est oui, absolument. Cela ne fait aucun doute.
L'un des problèmes que posent des systèmes de contrôle de ce genre, c'est que lorsqu'on commence à exiger une intégrité totale dans certains cas, il risque alors d'y avoir des abus dans d'autres secteurs qui ne font l'objet d'aucune supervision. Je l'ai constaté à maintes reprises. C'est l'une des raisons pour lesquelles je pense qu'il faut se garder d'être trop précis.
N'oubliez pas qu'il faut replacer tout ce que j'ai dit dans le contexte de la question suivante: Avons-nous affaire à des politiciens qui sont des philosophes rois, des tribuns du peuple ou des représentants de groupes d'intérêts? Bien sûr, ils jouent ces trois rôles à la fois.
Il ne faut pas oublier que c'est le même Edmund Burke que celui qui avait fait une noble déclaration à propos de la conscience de la nation qui a dit à un autre moment qu'il avait passé son temps au Parlement à faire tout ce qu'il pouvait pour ses commettants. Aucune tâche n'était trop vile pour lui. Il a fait tout ce qu'on lui a demandé. Je suis persuadé que les trois quarts de tout ce qu'il a fait en sa capacité de député ne satisferaient pas au critère d'un code d'éthique.
Je le répète, les partis politiques puisent idéalement leur force dans une certaine coalition d'intérêts, de préoccupations ou de classes qui représentent certaines choses par opposition à d'autres. Lorsqu'on va de ce niveau de généralités à un niveau plus particulier où le député lui-même, sa famille ou ses amis peuvent tirer profit de la situation, où au juste tracer la ligne de démarcation? Je ne le sais pas. Je me demande si cela répond à votre question.
M. Boudria: Oui, un peu. J'essaie simplement de me faire une meilleure idée de ce que les gens en pensent. J'ai posé des questions semblables à un grand nombre de témoins. Il y a quelques semaines, nous avons rencontré des journalistes à qui vous avez fait indirectement allusion dans votre exposé. Je leur ai posé la même question: Les mêmes règles devraient-elles s'appliquer à tous, sans exception? Ils ont répondu que oui. Je leur ai demandé s'ils trouvaient quoi que ce soit à redire au fait que le médecin local qui siège au Parlement exerce le samedi. Ils ont dit que non, qu'il n'y avait rien de mal à cela. Je leur ai posé la même question dans le cas d'un ministre. Ils ont dit que oui, ils auraient quelque chose à redire à cela parce qu'il n'en aurait sûrement pas le temps et ainsi de suite. Je leur ai demandé s'ils ne venaient pas de me dire exactement le contraire. Oui, ont-ils supposé, et la discussion s'est poursuivie ainsi.
Disons que nous décidions d'avoir des règles du genre de celles que notre dernier projet de loi renfermait, que notre comité avait proposées il y a quelques années dans le rapport du comité spécial chargé d'examiner le projet de loi C-43. C'était le nom qu'il portait à l'époque. Les règles devaient englober une déclaration d'intérêts. Cette déclaration devrait-elle couvrir les actifs quantitativement ou qualitativement, ou les deux? La proposition que nous avions alors était semblable au régime de l'Ontario où, en ce qui concerne le représentant officiel en question-appelez-le le conseiller juridique, le commissaire aux conflits-il faudrait déclarer les deux; par exemple, 1 000 actions de Bell Canada. Toutefois, la déclaration rendue publique-par le ou la commissaire-indiquerait seulement qu'il s'agit d'actions de Bell Canada de manière à protéger la vie privée des intéressés dans la mesure du possible pour qu'ils ne soient pas pourchassés, menacés, pour qu'ils ne se retrouvent pas dans des situations où, par exemple, ils pourraient être victimes d'enlèvement. Par ailleurs, cela servirait l'intérêt public.
Si la réponse à cette question est oui, la même règle devrait-elle s'appliquer aux conjoints étant donné que dans ma province notamment, l'Ontario, la Loi sur le droit de la famille adoptée il y a quelques années précise que ce qui appartient à l'un des conjoints appartient à l'autre. Les mêmes règles devraient-elles s'appliquer aux deux conjoints, et dans quelle mesure?
M. Franks: Et jusqu'où iriez-vous?
M. Boudria: C'est la question que j'ai ensuite posée aux mêmes journalistes. Merci de me l'avoir rappelé. L'un d'eux m'a dit qu'elles devraient même s'appliquer aux enfants qui ne demeurent plus avec leurs parents et je lui ai demandé s'il était sérieux. Comment annoncer à votre fils de 30 ans qui vit à Vancouver qu'il doit vous envoyer une liste de ses actifs pour que vous la rendiez publique? Il vous répondrait tout simplement: «Tu es sûr que ça va papa?»
M. Franks: Ou à mon fils de 36 ans qui vit à La Jolla.
C'est une question qui me préoccupe, car, comme je l'ai dit, il n'est indiqué nulle part où au juste il faudrait établir la distinction. C'est pourquoi je dis que ces règles sont contestables. Les limites n'en sont pas bien définies. Si nous devions exiger cela des politiciens, pourquoi ne pas faire la même chose pour les fonctionnaires, les membres de tous les conseils d'administration et commissions et tous les juges?
M. Boudria: Il y a des règles qui s'appliquent actuellement aux titulaires de charge de la catégorie E. Elles sont légèrement différentes de celles de la catégorie B selon le code, ou le livre bleu qui est en vigueur actuellement.
M. Franks: Je ne vois tout simplement pas où ni comment vous allez pouvoir faire une distinction une fois une décision prise en ce sens, et votre question est très intéressante.
En Grande-Bretagne, si je comprends bien, le fait de détenir des actions dans une entreprise n'équivaut pas à un intérêt en ce sens que cela est accepté politiquement. On dit d'un député qu'il a des intérêts dans une affaire s'il est directeur d'une entreprise ou si des honoraires lui sont versés. Ainsi, si cette affaire était débattue au Parlement, le député se lèverait tout simplement et dirait pour commencer qu'il a des intérêts dans celle-ci, après quoi il poursuivrait sa déclaration. La plupart du temps, cela ne l'empêcherait même pas de voter. Cela ne s'applique cependant pas à la propriété privée, uniquement aux conseils d'administration et aux honoraires.
C'est une question qui me préoccupe et je risque de vous paraître très rétrograde. Supposons que vous disiez aux mêmes journalistes qu'ils devront non seulement divulguer publiquement-tout comme chaque membre du comité de rédaction de leur journal-la liste de tout ce qu'ils possèdent, mais qu'ils devront aussi, chaque année, publier une liste de tous les groupes dont ils ont reçu de l'argent comme conférenciers ou pour autres services rendus. Il y a bien des journalistes qui reçoivent 1 000$ ou 2 000$ pour prendre la parole en soirée devant une association de gens d'affaires.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Que souhaiteriez-vous que le comité fasse? Qu'aimeriez-vous qu'il fasse?
M. Boudria: Nous pourrions conclure un marché avec les journalistes. C'est tentant.
M. Franks: Vous êtes pris entre l'arbre et l'écorce, parce qu'il vous faut trouver une solution à une question qui ne fait pas l'unanimité quant aux principes qui devraient la régir.
Je pense que la suggestion de M. Boudria de compiler les lois, les règles et les règlements existants serait un excellent point de départ. Je pense aussi qu'il serait très utile d'inviter certains conseillers juridiques à faire par écrit une analyse de leur contenu et de ce qu'il suppose pour les députés et les sénateurs.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Comme M. Boudria vous l'a déjà dit, il s'agit presque d'un code.
M. Franks: Non, parce qu'il ne s'agit pas d'un texte officiel. C'est tout simplement une interprétation juridique que d'autres interprétations juridiques pourraient contredire.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Si les deux Chambres en étaient saisies sous la forme d'une résolution, ce code pourrait prendre l'apparence d'un document officiel.
M. Franks: Je n'ai pas réfléchi à cet aspect de la question, parce qu'une compilation de ce qui existe déjà ne nécessite pas une résolution de la Chambre pour confirmer son existence. Tout cela existe sous la forme de lois ou de décisions des présidents et des tribunaux.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Il y a un problème que M. Boudria n'a pas abordé, mais qu'il a soulevé avec d'autres témoins, et c'est que certaines des lois que nous avons actuellement ne sont pas tellement cohérentes.
Leur libellé est archaïque. Elles ne s'appliquent pas aux situations que nous vivons actuellement, et elles comportent des lacunes. Donc, il nous faut faire une mise à jour, moderniser ces textes de loi. Nous devons penser à l'avenir. Nous devons nous doter de règles de divulgation, pour que le public sache à quoi s'en tenir. Nous ne pouvons pas tout simplement demander à nos légistes d'écrire quelque chose à partir des règles et des règlements existants et des ordres des deux Chambres. Cela ne fonctionnerait pas.
M. Franks: Je ne pense pas qu'on puisse compter-
Le coprésident (le sénateur Oliver): Je suis désolé, mais la sénatrice Spivak a une question à poser.
La sénatrice Spivak (Manitoba): L'exemple que vous nous avez donné des Britanniques a piqué ma curiosité. Lorsque ces députés acceptent de l'argent comme consultants, est-ce seulement parce qu'ils sont censés observer ce qui se passe-ils ne sont pas supposés défendre les intérêts de ceux qui les payent?
M. Franks: Ils entretiennent des relations bilatérales.
La sénatrice Spivak: Ce n'est pas comme le Bloc québécois, qui représente les intérêts du Québec au Parlement, mais pas le contraire.
M. Franks: Ils sont aussi des porte-parole. Ce sont en quelque sorte les yeux et les oreilles de ceux qui leur versent des honoraires.
On s'entend pour dire qu'en ce qui concerne l'ouverture des magasins le dimanche, par exemple, les députés qui recevaient des honoraires d'associations de commerçants opposés à une telle chose ont influencé la décision de ne pas ouvrir boutique le dimanche.
La sénatrice Spivak: Personne n'a rien trouvé à redire.
J'ai posé cette question parce que je présume que les députés sont là pour représenter l'intérêt public-peu importe ce que cela veut dire, mais pas pour... Je trouve que c'est un concept très étrange.
M. Franks: Si je m'adressais à des étudiants, je dirais qu'on ne peut pas parler d'intérêt public comme tel, qu'il y a différentes vues au sujet de l'intérêt public. Si une députée représente une association qui s'oppose à l'ouverture des magasins le dimanche, comment peut-on dire que ses vues à ce sujet ne coïncident pas avec l'intérêt public ainsi qu'avec les vues de l'association?
La sénatrice Spivak: Prenons un exemple plus clair. Prenons les sociétés productrices de tabac et supposons que des députés soient consultants pour elles alors même que nous savons que des questions comme la publicité, par exemple, nuisent à l'intérêt public. Je crois que cela ne fait aucun doute.
M. Franks: Les Britanniques s'accommodent de la situation en ayant un registre-qui est publié-des intérêts des députés. C'est ce qu'on appelle le principe de la transparence.
En Angleterre, la tradition a toujours voulu que les députés défendent différents intérêts. Au XIXe siècle, jusque dans les années 1860 à peu près, le gros des affaires dont la Chambre des communes était saisie consistait en des projets de loi d'intérêt privé-pas en des projets de loi d'initiative parlementaire, mais en des projets de loi d'intérêt privé concernant des compagnies de chemin de fer, des compagnies de canal, des sociétés, des entreprises, dans le cas desquelles une loi du Parlement était nécessaire pour supprimer certains types de droits en vue d'affirmer ceux de groupes ou d'entreprises identifiables. Ce que j'essaie de faire ressortir, c'est que les députés défendaient ouvertement et manifestement des intérêts privés sans que cela semble susciter un conflit.
La sénatrice Spivak: Vous semblez croire que cela n'est pas une si mauvaise idée; en fait, je ne suis pas certaine de ce que vous en pensez. Allons un peu plus loin encore et supposons que ces gens fassent un travail magnifique... Supposons que je sois députée et que je représente admirablement bien les groupes d'intérêts, peu importe lesquels, qui me payent pour les représenter et qu'ils contribuent à ma caisse électorale. Cela ne me semblerait pas très démocratique. Je suis surprise que cela soit accepté en Angleterre, parce que seuls les gens assez riches pour financer la caisse électorale de députés à qui ils demanderaient de représenter leurs intérêts pourraient adéquatement faire valoir leurs vues au Parlement tandis que le reste de la population serait en quelque sorte laissé pour compte.
J'ai comme l'impression que vous adoptez une attitude de laisser-faire face à un code d'éthique. Je ne suis d'accord avec vous que dans la mesure où il est impossible d'édicter l'honnêteté, mais je pense qu'il est possible d'avoir une structure qui ne soit pas préjudiciable ou de faire en sorte que certaines choses soient clairement illégales. C'est pourquoi je dis qu'un code d'éthique ou que des règles sur le financement des élections-ce qui, selon moi, serait probablement plus utile que n'importe quoi d'autre à un système d'intégrité au Parlement-sont une bonne chose. Vous semblez dire le contraire. Vous dites qu'il faut se rendre à l'évidence, que les députés ne sont que des êtres humains et qu'ils peuvent représenter des intérêts privés. Je ne suis pas certaine de bien vous comprendre.
M. Franks: Revenons à la distinction que j'ai faite entre le rôle du député comme philosophe roi et son rôle comme représentant de groupes d'intérêts. Il n'y a rien...
La sénatrice Spivak: Est-ce la seule option?
M. Franks: Non, comme je l'ai dit, il y en a d'autres.
La sénatrice Spivak: On peut difficilement dire des députés ou des sénateurs que ce sont des philosophes rois.
M. Franks: Je pense que c'est la conclusion à laquelle nous allons en arriver. Si un politicien me dit qu'il agit dans l'intérêt public, ma première réaction est de lui demander ce qu'il entend par intérêt public. Cette notion ne correspond pas à quelque chose d'abstrait, de généralisé, sauf dans de rares cas-dont celui du tabac peut-être-où on peut dire que...
La sénatrice Spivak: Attendez un instant. Laissez-moi essayer de vous donner une définition. J'ai dit également que je ne savais pas ce que cela voulait dire. Après tout, bien des gens peuvent payer pour que leurs intérêts soient protégés. Les grosses sociétés ont des mécanismes de défense très adéquats, mais pas l'homme moyen quelconque. Il ne sait même pas ce qui l'attend.
Selon moi, les députés qui connaissent les lois et qui connaissent les forces qui interviennent sur le plan économique et ainsi de suite sont là pour représenter exactement ces gens-ceux qui n'ont aucune idée de ce qui se passe et qui n'ont pas les moyens, financièrement, de se protéger contre les vicissitudes des forces économiques et législatives.
M. Franks: C'est un point de vue très légitime, et c'est là le rôle du tribun du peuple, que j'ai aussi mentionné.
À mon avis, les politiciens qui ne sont pas associés à des groupes ou à des électeurs en particulier ou à des gens qui ont des préoccupations précises sont une chose très dangereuse. Lorsque je pense aux mauvais gouvernements que nous avons eus au Canada, ceux qui me viennent à l'esprit en premier sont ceux qui ne s'attendaient pas à être réélus et qui se moquaient de tout. Je pourrais vous en nommer trois, mais je vais m'abstenir par politesse.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Je ne veux pas que vous vous donniez de noms, je vais passer à M. Richardson, puis à M. Epp.
M. Richardson (Perth - Wellington - Waterloo): J'ai bien aimé votre exposé; il dénotait une certaine verve, c'était un peu comme un clin d'oeil, et cela me plaît. Vous avez dit toutes sortes de choses intéressantes. Cependant, je ne vous ai pas entendu dire que nous devrions accepter le code d'Hammurabi, le code Morse ou un code d'honneur, ou encore que nous devrions choisir parmi différents codes.
L'image que projettent les politiciens est loin d'être flamboyante, ce qui n'était pas nécessairement le cas lorsque j'étais jeune. Je ne sais pas s'il faut attribuer cela à un, deux ou trois coquins ou au fait que la presse doit aller aux nouvelles-et les mauvaises nouvelles en sont de bonnes pour elle.
Pour en revenir à la représentation et aux intérêts, je dirais qu'il est tout à fait naturel que le Parlement soit la tribune où défendre différents intérêts. Prenons le comité de l'agriculture de la Chambre des communes. Il n'y a pas tellement de gens de Bay Street qui y siègent, et le centre-ville de Montréal n'y est pas tellement bien représenté non plus. Le comité a tendance à attirer des gens qui s'intéressent à l'agriculture, dont un grand nombre d'agriculteurs, et qui ont à coeur l'élaboration de lois qui servent leurs propres intérêts, qui, sans aller à l'encontre de l'intérêt général du Canada, servent leurs intérêts, sur les plans philosophique et financier.
Je dirais que la même chose s'applique au comité des ressources naturelles. Bon nombre de députés du nord de l'Ontario et de l'Alberta siègent à ce comité qui s'intéresse à l'exploitation minière, aux forêts et au pétrole. Ils vous diront qu'ils représentent leurs électeurs et qu'ils sont là pour défendre leurs intérêts auprès du Parlement. Je pense que tous ceux qui sont ici en sont conscients. Je ne vois pas pourquoi il s'agirait d'un conflit d'intérêts. On nous dit constamment que nous devrions consulter et représenter nos commettants. C'est ce que j'entends dire jour après jour et c'est la façon de le faire. Il est naturel qu'un député choisisse un comité en fonction de ses compétences et de ses antécédents en espérant que sa contribution servira au mieux les intérêts du pays.
J'ai examiné récemment la situation en Grande-Bretagne. Il y a plus d'une façon de voir les choses et il n'existe pas de code unique. Tout dépend. Les Américains ont une façon beaucoup plus stricte de voir les choses. Nous avons tendance à examiner de plus près le style américain que le style britannique, que je préfère personnellement, mais chacun ici a une opinion différente.
Nous ne savons pas dans quelle direction nous orienter. Nous avons entendu différents témoins. Comme Don Boudria vous l'a dit, nous avons rencontré deux journalistes qui avaient des vues complètement opposées. L'un d'eux nous a dit qu'il ne devrait pas y avoir de code et l'autre a dit qu'un tel code montrerait au public que les députés sont honorables et que leurs activités sont mesurables.
Les bons étudiants ne réussissent pas toujours ou ne font pas toujours les choses de la manière dont on le voudrait, parce qu'ils peuvent manquer de jugement même si la nature les a doués d'une grande intelligence. Les deux ne vont pas toujours de pair, et la même chose est vraie pour les politiciens.
Je ne connais pas la réponse non plus. Si vous pouviez vous éclairer, si vous pensez que je me trompe... Il me semble que les gens s'en tiennent à ce qu'ils connaissent le mieux.
M. Franks: Il n'y a rien de mal à cela. Cela nous ramène encore une fois à ce que je disais au début. L'intérêt public est contestable. Il veut dire différentes choses pour différentes personnes.
La façon de définir l'intérêt public au Canada consiste à prendre les vues et les intérêts exprimés au gouvernement, au Parlement et par la voie électorale, pour en arriver à un pot-pourri de vues qui sont très souvent contradictoires. Il n'y a rien de mal à cela, mais il reste que les valeurs se heurtent.
Cela m'inquiète beaucoup lorsque nous pensons pouvoir en arriver à des normes abstraites qui sont tellement claires que chaque acte peut être mesuré sans équivoque en fonction de celles-ci, parce que ce n'est pas le cas. C'est pourquoi je n'arrête pas d'insister sur le fait que l'un des rôles du Parlement est de représenter les intérêts.
L'un des problèmes qui se posent au Canada-le Parlement canadien a été mentionné bien des fois-tient à ce que les intérêts qui ont généralement tendance à être représentés sont ceux des plus favorisés. On a toujours critiqué la politique nord-américaine en général du fait que l'absence d'un parti populaire de gauche biaise les processus politiques, ce qui est dommageable en général. Toute la gamme des intérêts ne sont pas représentés, mais ce n'est pas en adoptant un code d'éthique qu'on va régler ce problème. On va le régler grâce à l'action et à l'activité politiques.
Je doute fort, si c'est cela qu'on pense, qu'un code d'éthique va éliminer les intérêts et créer des activités dans l'intérêt public. Je pense que vous avez tout à fait raison ici. Il existe de nombreux écrits là-dessus, que je n'ai pas besoin de vous mentionner.
Pour revenir à ce que j'ai dit tout à l'heure, et vous avez touché là une corde sensible, le problème, c'est que la norme en fonction de laquelle la presse semble évaluer l'activité politique est celle du philosophe roi-c'est-à-dire d'une personne qui n'a aucune affiliation, ni d'intérêts ni de racines dans une circonscription, qui n'est préoccupée que par l'intérêt public général. Si elle fait quoi que ce soit qui la mène à dévier de ce rôle idéal, quelque chose cloche.
Je n'essaie pas de défendre ici la basse politique ou le favoritisme. Je pense qu'il y a des abus terribles en ce sens au Canada. Ce que j'essaie de faire ressortir, c'est qu'on a peut-être trop facilement tendance à penser qu'on peut toujours distinguer le bien du mal et tout codifier.
Puis-je m'arrêter à cette question pendant une seconde, sénateur?
Monsieur Richardson, permettez-moi d'attirer votre attention sur une autre chose que j'ai mentionnée dans mes observations. Lorsque je dis qu'au Canada le système fait moins la distinction, officiellement et sur le plan institutionnel, entre ce qui est bureaucratique et ce qui est politique que tout autre système occidental que je connais, je le pense vraiment. Ce que je veux dire ici, c'est que le particularisme de la politique, ce sur quoi portent, je pense, les codes d'éthique et les codes de déontologie, a de profondes ramifications dans la bureaucratie. J'ai un dossier épais de coupures de journaux au sujet de contrats accordés l'année dernière à telle ou telle personne ou telle ou telle entreprise par le cabinet du premier ministre ou celui d'autres ministres.
Dans la plupart des systèmes, il existe une barrière institutionnelle entre la fonction publique et les politiciens qui empêche ce genre de choses de se produire. Ce que j'essaie de vous dire, c'est que dans la mesure où cela se fait à l'intérieur de la structure plus vaste de la politique canadienne-et je pense au favoritisme sous toutes ses formes-les députés sont généralement plutôt impuissants, et ils ne tirent pas grand-chose de tout cela.
Je le répète, je sais que cela ne vous aide en rien à régler la question du code de déontologie, mais si j'essayais de découvrir la cause principale du problème, je dirais qu'il faut aller chercher tout d'abord du côté de l'exécutif au lieu de se demander ce que les ministres ou leurs conjoints doivent déclarer; j'irais plutôt chercher du côté de l'intrusion du processus de décision ministériel dans la sphère bureaucratique. Je pense que c'est là la source véritable du problème.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Est-ce tout, monsieur Richardson?
M. Richardson: Je veux continuer.
Il y a un niveau qui est bureaucratique, comme j'en ai moi-même été témoin certaines fois dans ma vie, et c'est celui auquel de nombreux contrats sont accordés au gouvernement fédéral. Lorsqu'un fonctionnaire atteint l'âge de 55 ans, ou un âge moins avancé dans certains ministères, il part, accroche son complet bleu, revêt un complet gris et revient voir le gouvernement en disant qu'il est l'entreprise XYZ et qu'il a un gadget à vendre. Cet employé a partagé un bureau avec George pendant les six ou sept dernières années, il l'amène manger au restaurant et lui vend son produit. J'ai l'impression qu'autant de marchés sont conclus à Ottawa entre de vieux amis qui ont travaillé pour un même ministère que par le biais d'une ingérence politique active.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Vous voulez parler des contrats accordés par l'ACDI et d'autres organismes où on est entre amis.
M. Franks: Dans bien des cas, la période d'attente dont j'ai parlé s'applique, ce qui aide à atténuer le problème.
Soit dit en passant, si vous pensez que la situation est grave au Canada, vous devriez voir ce qui se passe aux États-Unis. C'est impressionnant, vraiment. J'en suis parfois sidéré.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Monsieur Epp, s'il vous plaît. Je vous remercie de votre patience. Nous avons toujours hâte d'entendre ce que les Réformistes ont à dire.
M. Epp (Elk Island): Il n'y a pas de quoi.
Professeur Franks, une phrase m'est venue à l'esprit pendant que vous parliez. Ne vous en offusquez pas. J'essayais de m'imaginer en train d'essayer de faire coller du jello au mur, parce que vous semblez dire que rien ne servirait d'avoir un code, que nous n'arriverons jamais à en établir un. Dans votre préambule, vous avez dit, entre autres, qu'il serait impossible d'avoir un code qui veut vraiment dire quelque chose. Vous avez été très vague, d'après moi. Est-ce parce que vous voulez que nous nous arrêtions à cette question ou parce que c'est vraiment ce que vous pensez? Je sais que vous êtes professeur et que votre travail consiste à stimuler l'imagination. Croyez-vous vraiment que cela importe peu ou qu'il soit impossible d'en arriver à un code?
M. Franks: Je pense que ce sera difficile dans bien des cas. Je le crois sérieusement.
Je pense qu'il serait possible d'avoir un code et des principes de responsabilité et de transparence qui soient utiles. Je ne pense pas qu'ils préviendront ou dévoileront les délits et les abus importants parce que ceux-ci seront dissimulés. Ils serviront plutôt de directives dans biens des cas.
M. Epp: Mais s'il existait des lignes directrices ou un code définissant ce qui est mal, même si un individu arrivait à y échapper en gardant ses activités secrètes, la population canadienne ne serait-elle pas quand même gagnante en ce sens que si cet individu était découvert, elle saurait précisément qu'il a enfreint une règle? N'est-ce pas là un avantage?
M. Franks: Je ne suis pas convaincu que vous sauriez en tout temps si quelqu'un a enfreint une règle ou non. Supposons qu'un député soit invité par un gouvernement étranger à visiter un autre pays et que certaines de ses dépenses soient payées. Je ne sais pas si cela serait assujetti ou non à un code d'éthique.
L'idée, en ce qui concerne la responsabilité et la transparence, c'est qu'il y a des principes qu'on peut examiner et commenter.
M. Epp: Prenons l'exemple suivant. Il pourrait y avoir des entreprises privées qui parrainent des députés ou d'autres personnes qui entretiennent des rapports d'amitié avec un ministre. Supposons qu'un entrepreneur paye un voyage à un député dans un endroit exotique à ce temps-ci de l'année. Si l'entrepreneur en question demandait ensuite au député d'intervenir en son nom auprès du ministre, vous conviendrez avec moi que cela serait contraire à l'éthique. Il est sûrement contraire à l'éthique d'accepter un voyage, car on risque ainsi de contracter certaines obligations.
M. Franks: Cela est-il contraire à l'éthique pour un courtier? Est-ce contraire à l'éthique si un homme d'affaires le fait pour un autre?
M. Epp: Oui.
M. Franks: Est-ce contraire à l'éthique si cela est fait pour un journaliste?
M. Epp: Oui.
M. Franks: Pourquoi vous en prenez-vous aux députés?
M. Epp: Pas du tout.
M. Franks: Ce sont ceux pour qui vous voulez un code d'éthique.
M. Epp: Je dis que c'est contraire à l'éthique. C'est contraire à l'éthique de se laisser influencer par de l'argent et des cadeaux qui deviennent en quelque sorte un avantage.
M. Franks: Même si j'étais d'accord avec vous pour dire que cela est contraire à l'éthique, je tiendrais à faire une autre distinction. C'est une distinction qui a la consistance du jello, si vous me permettez de reprendre votre expression.
Une chose qui est contraire à l'éthique est-elle nécessairement illégale ou devrait-elle être considérée comme telle?
M. Epp: Il y a bien des choses dans notre pays qui sont actuellement considérées comme légales, mais qui sont pourtant contraires à l'éthique.
M. Franks: Je suis tout à fait d'accord avec vous. La question que j'essaie de vous poser est la suivante. Le critère dont vous parlez ici est-il contraire à l'éthique? Je vous la pose parce que les gouvernements font bien des choses qui sont, selon moi, contraires à l'éthique. Je ne vous donnerai pas d'exemples, car cela n'a aucun rapport.
M. Epp: Vous voulez parler de notre régime fiscal, par exemple?
M. Franks: C'est vous qui l'avez dit. Pourtant, il n'est pas illégal.
Je le répète, ce qui me chicote un peu, c'est que même si nous avons tous des valeurs morales différentes, nous essayons ici d'imposer aux députés et aux sénateurs des valeurs qui ne trouvent pas nécessairement leur fondement dans la loi et qui pourraient simplement s'expliquer par le fait que nous trouvons quelque chose offensant plutôt que nuisible.
M. Epp: Pourquoi pensez-vous que nous sommes ici?
M. Franks: Idéalement, et non pas pour leur satisfaction personnelle, je dirais que les députés ont au moins deux fonctions. La première est de représenter les gens qui les ont élus-je parle ici des députés et non pas des sénateurs-et l'autre est de représenter l'intérêt public dans la mesure où leurs convictions les amènent à le faire. Ce sont là leurs deux fonctions, et elles sont souvent contradictoires.
M. Epp: Et si un député ou une députée omettait de s'acquitter de ces fonctions, faudrait-il exiger des comptes?
M. Franks: C'est ce qui se fait. C'est ce à quoi les élections servent.
Je me souviens que Gordon Fairweather a dit très clairement que la majorité de ses électeurs étaient en faveur de la peine de mort, que ce n'était pas son cas, et que ses électeurs connaissaient son point de vue tout comme il connaissait le leur, mais qu'ils avaient tous convenu de s'accommoder de la situation. Voilà un très bon exemple de l'opinion d'un député sur l'intérêt public qui était contraire à celle de ses électeurs qui, pourtant, ont accepté de le réélire. Le contraire aurait pu se produire aussi.
M. Epp: À la page 2 de votre exposé-et j'ai souligné parce que je me suis dit que lorsque j'aurais la parole, je vous demanderais ce que vous avez voulu dire-vous dites «... comme si une distinction pouvait être faite entre l'intérêt public et l'intérêt personnel du politicien». Si un politicien se sert de son influence et que cela lui rapporte des avantages, disons financiers, directement et d'une manière flagrante, et cela aux dépens des contribuables, n'y a-t-il pas alors une distinction plutôt claire entre ce qui est dans l'intérêt public et ce qui est dans l'intérêt personnel du politicien?
M. Franks: Supposons que le gouvernement dise à un député: «Nous voulons libérer votre siège. Nous allons vous nommer ambassadeur en Ruritanie.» Supposons que le député en question lui réponde ceci: «C'est une bonne idée. J'accepte.» Cela peut être dans son intérêt personnel, dans celui du parti et dans l'intérêt public aussi, selon le député. Mais, est-ce contraire à l'éthique?
M. Epp: Dommage que M. Gauthier ne soit pas ici aujourd'hui, parce qu'il a en quelque sorte servi l'intérêt public en acceptant d'être muté d'un poste à l'autre.
M. Franks: Je ne voudrais pas rien dire de tel.
M. Epp: Vous ne voulez pas porter de jugement, mais n'est-ce pas là exactement le genre de choses qui soulèvent des objections de la part du public? N'êtes-vous pas d'accord pour dire que c'est la raison pour laquelle, lors des dernières élections, le Parti libéral et le nôtre ont inclus dans leur plate-forme la promesse d'éliminer les nominations par favoritisme, parce que le public s'y oppose, et que cela va donc à l'encontre de l'intérêt public?
M. Franks: Il y a énormément de bonnes idées dans la plate-forme du Parti réformiste, mais je ne les énumérerai pas, parce que je sais que les éloges vous embarrasseraient et que cela ne serait pas juste. Il y a cependant une autre chose à ajouter. J'ai peur qu'on ait tendance à simplifier outre mesure. Cela nous éloigne un peu des codes d'éthique, mais c'est une question que je considère comme importante, à savoir que les conflits de valeurs se situent au coeur de la politique.
L'autre jour, quelqu'un m'a dit être en train de discuter de la règle d'or. Nous y croyons tous. Je ne pense pas que la règle d'or enseigne aux gens à être des capitalistes ou des socialistes. Je pense que la règle d'or nous laisse le choix, qu'elle nous enseigne à aimer notre prochain autant que nous, qu'on soit un capitaliste qui croit au marché libre ou un socialiste qui croit en l'intervention du gouvernement.
M. Epp: Je suis d'accord.
M. Franks: Cependant, la politique peut être une source de conflits. Un gouvernement socialiste vous dira que certaines des choses qui se font sur le marché libre ne sont pas dans l'intérêt public. Un gouvernement capitaliste vous dira, quant à lui, que le genre de choses que font les gouvernements socialistes ne sont pas dans l'intérêt public. C'est ce que je veux dire lorsque je parle de conflit des valeurs. Cela apparaît aussi dans les codes d'éthique.
Je n'essaie pas de vous dire qu'il n'y a rien qui ne soit manifestement répréhensible, parce que ce n'est pas le cas. Je pense qu'il est manifestement répréhensible d'accepter des pots-de-vin.
M. Epp: Cela est inclus actuellement.
M. Franks: Oui, mais lorsqu'on entre dans le détail, les distinctions s'estompent.
Pour revenir à ce que je disais à propos du changement d'attitude lorsqu'on passe d'un côté de la Chambre à l'autre, il est très facile lorsqu'on fait partie de l'opposition de distinguer le bien du mal, et c'est parce que l'opposition n'a, en réalité, aucun pouvoir. C'est ce que j'appelle le mode victime, le sentiment d'être victime. Les victimes sont les seuls êtres innocents de ce monde parce qu'elles n'ont aucun pouvoir, de sorte qu'elles sont pures. C'est l'une des raisons pour lesquelles tout le monde veut être une victime, parce que chacun veut être pur. Mais lorsqu'on commence à jouir d'un certain pouvoir, il faut faire des choix dans des situations où entrent en jeu des valeurs contradictoires et l'ambiguïté morale, de sorte que cette clarté et cette pureté se perdent. Lorsque c'est le cas, les vues divergent quant à ce en quoi consiste l'intérêt public.
J'attirerais cette fois-ci votre attention sur un député qui croit personnellement que la liberté d'action personnelle équivaut à pouvoir conduire une motocyclette sans porter un casque, à être propriétaire d'une arme à feu sans avoir de permis et à fumer le cigare. Un autre député pourrait dire que cela va à 75 p. 100 à l'encontre de l'intérêt public. Ce n'est pas si facile. Je dirais qu'un code d'éthique doit viser essentiellement des choses qui sont de toute évidence illégales.
Le coprésident (le sénateur Oliver): C'est ce que fait le Code criminel.
M. Epp: Il me semble cependant que dans notre système démocratique, nous avons collectivement convenu que c'est à la majorité des électeurs qu'il revient de décider ce qui est acceptable. Nous exerçons ce pouvoir de décision lorsque nous choisissons qui va nous représenter à la Chambre des communes. Nous n'avons pas ce choix en ce qui concerne le Sénat à l'heure actuelle, et c'est l'un des sujets à propos duquel les opinions divergent. Mais lorsqu'il s'agit de choisir entre le socialisme ou un libéralisme débridé, c'est à la population que la décision revient. Nous lui demandons quel modèle servira le mieux, selon elle, les intérêts de notre pays, et elle élira le gouvernement de l'heure.
Les gens nous disent très clairement qu'ils en ont assez de voir les politiciens user de leur influence dans leur propre intérêt. Parce que les partis politiques, surtout les deux plus éminents du Parlement actuel, ont promis de faire quelque chose à ce sujet pendant la campagne électorale, il s'ensuit qu'ils ont le devoir de tenir leurs promesses et de prendre les mesures nécessaires pour que le public puisse à nouveau avoir confiance dans ses institutions. C'est là le mandat du comité. C'est presque en ces termes qu'il a été énoncé.
D'une certaine façon, je partage vos craintes quant à l'espoir que le code va tout simplement tout régler. Je ne pense pas que ce sera le cas. Néanmoins, je crois que nous devrions pouvoir codifier au moins les éléments de base sur lesquels sont manifestement d'accord la majorité des Canadiens pour en arriver à un ensemble de règles obligatoires auxquelles les parlementaires devront obéir. Qu'en pensez-vous?
M. Franks: Je dirais qu'il y a certains éléments de base, dont ceux du Code criminel, sur lesquels nous sommes manifestement tous d'accord. Je ne sais pas dans quelle mesure on s'entend par contre pour dire que l'appui accordé à des politiciens sous la forme de voyages ou d'autres récompenses est répréhensible. Je ne suis pas certain que les gens soient unanimes à le dire. C'est là que les questions de la transparence et de la responsabilité deviennent importantes, car, s'il y a une certaine visibilité, le public pourra juger par lui-même.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Pourrais-je vous lire deux principes pour que vous me disiez s'ils entrent, selon vous, dans les genres de catégories dont M. Epp parlait. Écoutez ceci, par exemple:
- Tout titulaire d'une charge publique devra se conformer aux principes suivants: les titulaires de
charge publique agissent avec honnêteté et font preuve du plus haut niveau de probité pour
maintenir et accroître la confiance du public dans l'intégrité, l'objectivité et l'impartialité du
gouvernement.
Écoutez le suivant:
- Les titulaires de charge publique sont tenus de s'acquitter de leurs fonctions officielles et de
gérer leurs affaires privées de manière à résister à l'examen public le plus approfondi,
obligation dont ils ne sauraient s'acquitter pleinement en respectant tout simplement la loi. Il y a
une norme plus stricte encore.
M. Franks: J'aimerais que tous les politiciens, tous les professeurs et tous les bureaucrates s'en tiennent à ces normes, et à bien d'autres encore. Je ne suis pas convaincu que le seul fait de les énoncer va vous mener très loin.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Ce sont là des normes sur lesquelles chacun devrait modeler sa conduite.
M. Franks: Mais ce ne sont pas des normes objectives. Ce sont des normes subjectives. Vous parlez dans le premier cas du plus haut niveau de probité. Voulez-vous dire sur le plan public ou privé?
Le coprésident (le sénateur Oliver): Pour que la confiance du public et l'intégrité...
M. Franks: Mais il n'est pas question, dans ce cas, d'éthique publique; il est dit tout simplement...
Le coprésident (le sénateur Oliver): On parle des normes éthiques les plus élevées.
M. Franks: Certaines personnes considèrent qu'il est contraire à la morale de consommer de l'alcool.
Une voix: Et de fumer.
M. Franks: Comme je l'ai dit, nous sommes obsédés en Amérique du Nord par le comportement sexuel. S'agit-il de choses qui entrent dans la définition d'une norme éthique? Ne serait-ce pas là une façon de dire que l'État n'a pas de place dans les chambres à coucher de la nation, mais que la nation peut savoir ce qui se passe dans la chambre à coucher? Est-ce ce que cela veut dire? Parlons-nous d'éthique privée personnelle ou publique?
Le coprésident (le sénateur Oliver): Publique.
M. Franks: Ce n'est pas ce que dit votre énoncé; il parle d'éthique, mais sans préciser que c'est dans la sphère publique. Il n'accorde aucune liberté dans la pratique...
Le coprésident (le sénateur Oliver): Oui. «Les titulaires de charge publique agissent»«conformément à la loi d'interprétationt» «avec honnêteté et font preuve du plus haut niveau de probité pour maintenir et accroître la confiance du public»-vous voyez qu'on a utilisé le mot public-«dans l'intégrité, l'objectivité et l'impartialité du gouvernement».
Ce ne sont pas tant les mots qui m'intéressent que le principe lui-même. La question que j'essaie de vous poser est la suivante: Ne seriez-vous pas d'accord pour dire que si nous avions une série de principes comme ceux-là, qui définiraient clairement ce à quoi nous aimerions tous en arriver, on pourrait enrayer une partie de la méfiance envers les politiciens pour ce qui est de choses comme les voyages éclair, les cadeaux de l'étranger et ainsi de suite, s'il y avait divulgation et s'il était possible de juger de ce genre de conduite en fonction de principes comme ceux-ci?
M. Franks: J'aimerais pouvoir vous dire oui parce que je pense personnellement que c'est ce qu'il faut. Un problème surgit lorsque j'essaie de définir ce que chacun de ces termes veut dire, étant donné tous les jugements contradictoires qui peuvent être posés. Je me sentirais beaucoup plus à l'aise si les normes en fonction desquelles les gens seraient évalués n'étaient pas aussi abstraites, si elles étaient plus précises, du genre de «vous ne pouvez accepter de pots-de-vin».
Je sais que cela ne vous est pas tellement utile. L'un des problèmes qui se poserait, si les règles étaient ainsi énoncées, serait à peu près le même que celui qui se pose actuellement, selon moi, dans le cas des lois criminelles au Canada; chacun d'entre nous contrevient à ces lois à un moment ou à un autre, parce qu'elles sont beaucoup trop nombreuses. Personne n'arrivera à respecter ces normes, parce qu'il est impossible de faire preuve en tout temps du plus haut niveau de probité. Ces normes finiront par devenir ce que j'appelle des voeux pieux et perdront leur utilité.
Je n'ai rien d'autre à ajouter. C'est la crainte que suscite en moi ce genre d'énoncé, car il manque de précision et ne va pas de soi. Ces normes peuvent faire l'objet de bien des interprétations différentes.
Le coprésident (le sénateur Oliver): C'est pourquoi il faudrait un conseiller juridique ou une autre personne indépendante qui aurait à trancher, comme c'est déjà le cas dans de nombreuses provinces canadiennes.
M. Franks: Oui, mais, encore une fois, ce n'est qu'une opinion. Ce n'est pas la fin de-
Le coprésident (le sénateur Oliver): Mais seriez-vous d'accord pour qu'il y ait un tel système, pour qu'il y ait un conseiller juridique?
M. Franks: Non. Je pourrais soutenir que non. Je préférerais-
Le coprésident (le sénateur Oliver): Vous ne seriez pas d'accord pour qu'un juge en chef de la Cour suprême du Canada ayant pris sa retraite devienne le conseiller juridique des parlementaires à qui il donnerait son avis s'ils se posaient une question à propos de ce qu'ils sont sur le point de faire?
M. Franks: Je ne vois rien de mal à donner son avis, mais s'il s'agissait d'un avis autoritaire du genre «vous pouvez» ou «vous ne pouvez pas», un problème se poserait. Les juges ont leurs préjugés et leurs intérêts comme tout le monde.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Oui.
Monsieur Epp, je ne voulais pas vous interrompre, mais j'ai jugé que le moment était bien choisi pour demander au témoin ce qu'il pensait de certains de ces principes.
M. Epp: Vos questions supplémentaires sont tombées à point.
J'aurais une autre petite question à poser, après quoi je céderai la parole à quelqu'un d'autre si c'est nécessaire.
Vous avez indiqué à plusieurs reprises que pour vous, la transparence et la responsabilité sont des qualités souhaitables. Quel degré de transparence exigeriez-vous de vous-même ou des députés? Quel est le mécanisme que vous préconisez pour assurer cette transparence?
M. Franks: Après mûre réflexion, je sais que si je devais déclarer toutes mes transactions financières et tous mes biens personnels pour être député, ce serait probablement assez pour me dissuader d'accepter le poste, pour la bonne raison qu'il y a des choses qui, selon moi, ne regardent personne d'autre et que je suis entêté lorsqu'il en est question. Je trouverais donc difficile d'exiger de quelqu'un d'autre ce dont je ne me sens pas capable moi-même. Je dois vous avouer que c'est une question qui m'a donné du fil à retordre.
Je ne sais pas quoi vous répondre en ce qui concerne les biens personnels des députés-ou de leurs conjoints, comme quelqu'un l'a dit tout à l'heure-mais je pense qu'ils devraient être tenus de divulguer leurs sources de revenu. Oui, je serais certainement d'accord.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Sénatrice Milne.
La sénatrice Lorna Milne (Brampton): J'allais justement vous interroger au sujet des biens du conjoint. Pensez-vous que les conjoints devraient être tenus de tout déclarer au même titre que les députés ou les sénateurs?
M. Franks: C'est encore une fois une question à laquelle il est difficile de répondre, parce que les familles fonctionnent de bien des manières différentes. C'est certainement un facteur qui interviendrait, n'est-ce pas? Si un conjoint obtenait un emploi auprès d'une firme de lobbying, cela serait utile à signaler. Mais jusqu'où aller, comme nous l'avons vu tout à l'heure, pour ce qui est des avoirs des conjoints?
À quel point commence-t-on à établir, en ce qui concerne l'intégrité et d'autres choses du genre, des règles tellement strictes que les gens se demandent si la vie politique les intéresse ou non? À quel point tous les aspects de la vie d'un politicien doivent-ils être publics? Ou n'y a-t-il pas une certaine vie privée à laquelle un député a droit?
Comme vous pouvez le voir, c'est une question qui me met mal à l'aise.
La sénatrice Milne: Malheureusement, vous soulevez des questions qui ne s'étaient pas encore posées pour nous. Oui, vous avez réussi à stimuler notre imagination, mais vous soulevez plus de questions que vous n'en réglez sans nous indiquer la voie ou la marche à suivre. Vous vous contentez de nous parler de transparence et de nous suggérer de dresser la liste de toutes les lois qui s'appliquent actuellement.
M. Franks: Cela me semble être un bon point de départ.
Je vous ai avertis au début que je n'avais pas écrit assez d'articles sur le sujet pour pouvoir dire que j'avais élargi le champ des connaissances actuelles.
Il y a des gens au Canada, des universitaires «et je suppose que vous en avez rencontré« qui ont rédigé de nombreux ouvrages sur les codes d'éthique. Je n'ai jamais été inspiré par les codes d'éthique au point d'avoir le goût de dire quoi que ce soit, parce qu'ils entrent pour moi dans la même catégorie que les déclarations et les chartes des droits, qui comportent des énoncés très complexes en apparence simples, mais qui ne mènent pas nécessairement quelque part.
Je sais que le gouvernement actuel s'est engagé dans son livre rouge à adopter un code d'éthique, et je pense que c'est une chose très noble. J'aurais une seule mise en garde à faire, à savoir que ce code ne devrait pas être hautain au point où tous y manqueront, ni strict et précis au point de dissuader les gens de faire carrière en politique. Il me semble que ce sont là les deux principaux points à retenir.
Il m'est souvent arrivé de constater qu'un gouvernement, lorsqu'un problème de comportement se posait dans un secteur, établisse dans ce secteur en particulier des règles tellement efficaces que tout ce qui est intéressant et vilain se fait ailleurs. Ma crainte, c'est que les exigences et les attentes rattachées à la charge politique soient tellement élevées que seuls des gens qui n'ont ni argent et ni conjoint accepteront de briguer les suffrages lorsque vous aurez terminé.
La sénatrice Milne: Cela pourrait aussi être un problème.
Cela n'a rien à voir avec les conflits d'intérêts, mais je me demandais ce que vous avez voulu dire à la page 4 où vous comparez le Canada à un pays des rêves où une rétribution financière attend le député lorsqu'il quittera le Parlement pour être nommé à un poste par favoritisme. Voulez-vous bien me dire où vous avez pris cela? D'après mon expérience, très peu de gens, et très peu de membres du Cabinet, se retrouvent dans ce pays des rêves lorsqu'ils prennent leur retraite.
M. Franks: Je n'aurais pas dû soulever la question avec les sénateurs du comité.
La sénatrice Milne: Lorsque vous parlez du pays des rêves.
M. Franks: Ce n'est pas vraiment un pays des rêves, comme vous et moi le savons. On se fait des illusions quand on pense que les députés sont grassement rémunérés.
Par contre, le seul gouvernement de l'hémisphère occidental que je connaisse qui, volontairement, soit devenu minoritaire après avoir été majoritaire a été celui de M. Trudeau en 1984, à cause de nominations par favoritisme qui ont réduit le nombre des députés de sorte qu'ils se sont retrouvés minoritaires à la Chambre. De toute évidence, ils voulaient autre chose à part quitter le Parlement.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Monsieur Malhi.
M. Malhi (Bramalea - Gore - Malton): Monsieur Franks, pensez-vous que la divulgation empêchera de bons candidats de briguer les suffrages aux élections fédérales?
M. Franks: Si j'avais à identifier le principal problème qui se pose pour le système parlementaire canadien, je dirais que c'est le taux de roulement élevé des députés. Tous font bien leur travail, mais, le problème, c'est qu'ils ne restent pas longtemps. D'après toutes les études que j'ai lues, internationales et comparatives, pour être efficace, un Parlement a besoin de députés d'expérience.
Cela dit, il y a plus de députés qui choisissent de ne pas briguer de nouveau les suffrages au Canada qu'il y en a qui quittent la politique pour toute autre raison dans la plupart des démocraties occidentales. Le manque d'attrait de la vie parlementaire pose de toute évidence un problème qui nuit à la capacité de notre Parlement de s'acquitter de ses fonctions principales qui consistent à contrôler l'exécutif et à exprimer les vues des citoyens.
Je dirais que c'est un problème très grave. Il n'a rien à voir, d'après moi, avec la pénurie de gens respectueux de la morale au Parlement, car je crois que les députés sont des gens biens. Le problème s'explique plutôt par le roulement de sorte que nous manquons de députés d'expérience. Nous ne pouvons pas compter sur un Parlement puissant et indépendant qui puisse s'acquitter de ses fonctions comme il le voudrait.
Je ne sais pas à quel point un code d'éthique peut décourager les gens de se porter candidats, mais je pense que c'est une question à laquelle votre comité devra répondre.
M. Malhi: S'il devait exister un code d'éthique applicable à tous les parlementaires, recommanderiez-vous la création d'un poste de conseiller indépendant, comme celui qui existe actuellement dans les provinces?
M. Franks: Je pense qu'un conseiller est utile. Je ferais cependant des réserves à propos d'un conseiller qui serait en même temps un juge. Autrement dit, je m'opposerais au fait que quelqu'un puisse dire que cela est bien ou mal, qu'on peut faire ceci ou cela ou qu'on a eu tort de faire telle ou telle chose. Cette question me préoccupe.
Est-ce la distinction à laquelle vous pensiez, monsieur, lorsque vous m'avez posé cette question?
M. Malhi: Certaines provinces, comme le témoin précédent l'a indiqué, ont des conseillers. Je pense que cela est très utile dans certains cas, mais pas dans d'autres.
M. Franks: La situation varie énormément d'une province à l'autre. Ce qui est acceptable dans une province ne l'est pas, à l'heure actuelle, dans une autre. Je ne suis pas convaincu que le gouvernement fédéral aurait raison de se fixer comme objectif ce que fait la plus stricte des provinces. Je n'en suis pas du tout convaincu. Les provinces fonctionnent à un niveau différent et sont soumises à des exigences différentes.
M. Malhi: J'ai une autre question. J'ai lu dans le Toronto Star, avant-hier je pense, que lorsque la plupart des membres du Congrès ou du Sénat aux États-Unis ont une certaine maladie cachée et la divulguent, ils pensent ne plus pouvoir s'acquitter de leurs fonctions. Ils le font savoir publiquement à la population. Qu'en pensez-vous? Je n'en ai pas beaucoup entendu parler au Canada. Il y a de trop nombreux centres. Ces gens là-bas font une déclaration.
M. Franks: Je n'ai pas assez réfléchi à la question pour pouvoir vous donner une réponse utile. Je ne saurais pas quoi vous répondre. J'en suis désolé.
Le coprésident (le sénateur Oliver): Professeur Franks, au nom du comité, je vous remercie infiniment d'être venu nous rencontrer ce soir. Vous êtes le dernier témoin entendu par le comité pendant l'année qui se termine. Nous allons reprendre nos travaux en février. Nous vous remercions beaucoup d'avoir été des nôtres. Vos observations, en ce qui concerne surtout les différentes normes éthiques que des particuliers ou des partis politiques peuvent avoir, nous ont fait voir sous un nouvel éclairage certaines des questions que nous examinions. Nous vous en remercions.
M. Franks: C'est moi qui vous remercie, monsieur, de m'avoir offert l'occasion de vous exposer mes vues.
Le coprésident (le sénateur Oliver): La séance est levée.