[Enregistrement Électronique]
Le mercredi 26 avril 1995
[Français]
Le président: À l'ordre. Nous discutons aujourd'hui de la faune et de l'habitat.
[Traduction]
Notre groupe d'experts aujourd'hui réunit des fonctionnaires, des universitaires et des représentants d'ONG. Nous les avons invités pour qu'ils donnent au comité un survol de leur évaluation de la situation actuelle et de ses répercussions sur la faune.
Nous accueillons donc Robert Slater, sous-ministre adjoint, du ministère de l'Environnement; Chris Shank, du Comité du statut sur les espèces menacées de disparition au Canada; Stewart Elgie, du Sierra Legal Defence Fund; et le professeur Vernon Thomas, du département de zoologie de l'Université de Guelph.
Nous vous souhaitons la bienvenue. D'abord nous nous excusons du retard causé par un vote. Nos travaux vont être brusquement interrompus une fois de plus vers 17h30 par un autre vote, de sorte que certaines limites de temps nous sont imposées. Je vous invite donc à limiter la durée de vos exposés dans la mesure du possible, tout en gardant à l'esprit que la période de questions doit prendre fin à 17h30. C'est la partie de notre rencontre où les membres du comité sont le mieux en mesure de participer activement et où un échange est possible.
J'espère que vous pourrez vous en tenir à sept ou dix minutes par exposé aujourd'hui. Je m'excuse d'avoir à le dire. Si cela n'est pas possible, nous vous pardonnons. Si ça l'est, nous vous en serons reconnaissants.
Cela dit, puisque chaque minute compte, nous allons demander à M. Slater de lancer cette ronde du groupe de travail numéro un sur les mesures de prévention qui permettront d'éviter que des espèces et des habitats ne soient menacés.
[Français]
M. Robert Slater (sous-ministre adjoint, Service de la conservation de l'environnement, Environnement Canada): Monsieur le président, membres du Comité, il me fait grand plaisir d'être parmi vous pour discuter d'un enjeu très important, les espèces menacées.
Tout d'abord, permettez-moi de vous présenter mes collègues d'Environnement Canada: Mme Linda Maltby qui s'occupe uniquement du dossier des espèces menacées, le Dr Anthony Keith qui est le directeur du Centre national de la recherche faunique, M. Steve Wendt qui vous a parlé hier et d'autres experts d'Environnement Canada qui répondront aux questions que vous poserez peut-être.
[Traduction]
Il y a deux ans environ, à l'occasion d'une session antérieure, votre comité a publié un rapport au sujet des partenariats à l'échelle mondiale. Le comité avait fait l'examen des engagements de Rio de Janeiro et en était arrivé à la conclusion que le Canada, pour respecter le Convention sur la biodiversité, devrait envisager l'élaboration d'un cadre national visant la protection des espèces menacées et légiférer au besoin.
Vous-même, monsieur le président, avez proposé un projet de loi d'initiative parlementaire, et bon nombre d'organisations non gouvernementales, dont certaines qui ne sont pas représentées ici aujourd'hui, ont formulé des propositions dans la même veine. Le 17 novembre dernier, l'honorable Sheila Copps, ministre de l'Environnement, annonçait sa décision de concrétiser cette idée d'un cadre national pour la protection des espèces menacées, sans exclure la possibilité d'une loi fédérale.
Au cours des cinq ou six prochaines minutes, j'aimerais de façon succincte vous décrire où nous en sommes dans nos réflexions et nos travaux, surtout pour ce qui est des aspects qui auront une incidence sur les travaux du comité.
[Projection de diapositives]
M. Slater: J'aimerais passer immédiatement à la diapositive qui décrit le cadre national.
Voici la démarche envisagée pour l'élaboration d'un cadre national. Un tel cadre visant la protection des espèces menacées doit évidemment correspondre à certaines exigences.
Tout d'abord, il ne pourra être efficace que s'il permet d'identifier les espèces en péril et les diverses catégories de risques. Le processus doit être efficace aussi bien à l'échelle nationale qu'à l'échelle locale.
L'identification des espèces en péril ne constitue qu'une première étape essentielle de la démarche. Elle doit servir de déclencheur. Ainsi, le processus initial - le fait de lister ou de répertorier les espèces en péril - établit le premier maillage à partir duquel il nous sera possible de définir les interventions nécessaires.
Le processus d'identification débouchera sur des mesures de relance qui permettront aux espèces menacées de reprendre leur place dans l'environnement et de s'y perpétuer.
Donc, le processus d'identification et de listage, mené de façon cohérente à l'échelle nationale, ainsi que l'élaboration de plans d'action en conséquence constituent l'essentiel de notre proposition d'un cadre national de protection des espèces menacées du Canada.
L'approche est exposée dans le petit feuillet bleu qui, je crois, fait partie des documents qui vous ont été rendus disponibles. Elle servira de base aux discussions publiques que nous entreprenons la semaine prochaine et qui se dérouleront dans de nombreuses villes du Canada durant tout le mois de mai.
J'aimerais maintenant mettre en relief certains aspects de ce cadre, puis vous donner l'occasion de poser des questions qui me permettront de donner de plus amples explications.
Je tiens à souligner que le processus de listage doit être cohérent à l'échelle du pays, qu'il doit avoir un fondement scientifique et qu'il doit se faire en toute indépendance des diverses compétences. La liste doit être le reflet de l'ensemble des connaissances les plus avancées de nos experts du domaine au pays. La démarche doit permettre l'identification aussi bien des espèces d'importance nationale que des espèces d'importance locale. La cohérence nécessaire doit être assurée non seulement à l'échelle nationale, mais aussi à l'échelle locale.
L'identification d'une espèce en péril, que ce soit à l'échelle du pays ou à l'échelle locale, doit déclencher une réaction qui englobe l'intervention de toutes les collectivités qui sont en mesure d'agir de façon préventive ou curative.
Les compétences concernées sont les gouvernements aux paliers fédéral, provincial et municipal. Ce sont également les peuples autochtones, les propriétaires fonciers, privés ou industriels, et les organisations non gouvernementales. Toutes ces parties intéressées doivent contribuer à l'élaboration de plans de rétablissement. Les grandes lignes de ces plans sont énumérées sous les rubriques ayant trait à l'habitat et aux autres aspects du tableau.
Pour assurer les résultats souhaités, nous estimons qu'il faut revoir la législation du gouvernement fédéral. Les espèces menacées sont visées par quatre lois fédérales, mais aucune mesure législative intégrée ne porte sur cette question. Également, il n'existe des mesures législatives pertinentes que dans un petit nombre de provinces.
L'ensemble des pouvoirs législatifs pertinents forme un réseau assez large et hétérogène, dont le maillage est imparfait. Ainsi, certaines espèces menacées risquent de glisser entre les mailles du filet et de passer du statut d'espèces menacées à celui d'espèces disparues. Nous voulons resserrer le maillage et nous souhaitons le faire par la voie législative.
La dernière diapositive illustre les domaines où il nous semble que la loi fédérale aurait des effets bénéfiques. Comme je l'ai déjà dit, c'est là justement le sujet que nous allons aborder d'une façon générale à l'occasion de réunions publiques avec les Canadiens au cours du prochain mois.
La loi s'étendrait à toute la gamme des espèces canadiennes et la mesure législative fédérale constituerait l'apport du gouvernement fédéral à une démarche d'envergure fédérale. Elle viserait les espèces qui relèvent de l'autorité fédérale, à savoir celles qui franchissent des frontières internationales et celles qui sont visées par les lois relatives aux pêches et aux mammifères marins.
Nous estimons que le processus de listage - qui consiste à décider quelles sont les espèces menacées et dans quelle mesure elles sont menacées - doit être inscrit dans une loi et codifié. D'après nous, le CSEMDC, qui existe déjà, fournit la base nécessaire pour ce genre de démarche.
À partir du processus de listage, nous prévoyons que le ministre sera en mesure de formuler les critères pertinents aux nominations et à l'évaluation des espèces. La même approche servirait aussi bien au gouvernement fédéral qu'aux autres compétences - provinces, peuples autochtones, etc.
Une mesure législative fédérale éventuelle pourrait englober certains aspects relatifs à la protection et devrait nécessairement viser des questions comme la chasse, la perturbation d'espèces en péril et la définition de l'environnement critique d'espèces en péril. Nous croyons également que, dans les 24 mois d'une inscription officielle au répertoire, des plans de rétablissement devraient être rendus publics.
Comme dernier aspect relatif à la portée de la mesure fédérale, nous estimons qu'elle doit faire état des engagements internationaux du Canada en matière d'espèces menacées et de biodiversité.
Voilà donc, très succinctement, la description du cadre national, de la contribution fédérale éventuelle à un tel cadre et de la mesure législative fédérale qui pourrait contribuer à son efficacité.
Je crois avoir respecté la limite de temps, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Slater.
Je ne crois pas vous avoir entendu donner d'échéances. Si vous ne l'avez pas fait, je vous prie de dire au comité quel est le calendrier que vous envisagez. C'est un détail qui n'est peut-être pas sans importance.
M. Slater: Les réunions publiques doivent prendre fin le 31 mai. Un groupe consultatif en assure le suivi et doit nous faire rapport dans les meilleurs délais après cette date. La ministre nous a imposé un échéancier très serré. Elle souhaite demander l'autorisation officielle de rédiger un projet de loi en juin. Le cas échéant, nous serions en mesure de viser le dépôt en première lecture pour la session d'hiver de la Chambre.
Le président: Pour quelle année?
M. Slater: Pour cette année.
Le président: Merci, monsieur Slater.
Monsieur Shank, je vous prie de prendre la parole au nom de votre comité, le Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada. Je vous en prie.
M. Chris Shank (président, Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada): Merci beaucoup, monsieur le président.
Le Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada, le CSEMDC, est l'organisme qui fournit la liste officielle des espèces canadiennes qui sont en péril.
En réalité, quiconque peut déclarer une espèce en péril de façon unilatérale en se fondant sur des données très sommaires, voire inexistantes. Il est de bon ton de parler d'espèces menacées. Le fait de déclarer une espèce menacée peut avoir pour effet d'accroître le tirage d'un livre, de stimuler une campagne de financement ou de bien servir la publicité de telle ou telle cause.
C'est parce que le besoin d'une liste unique, fondée sur des données scientifiques, des espèces canadiennes en péril se faisait sentir que la 40e conférence fédérale-provinciale sur la faune a donné au CSEMDC ce mandat en 1976. Son mandat consiste, à l'échelle nationale, à déterminer le statut des espèces, sous-espèces et populations sauvages du Canada. Le mandat n'englobe que les poissons, les amphibiens, les reptiles, les plantes, les mammifères et les oiseaux.
Il est très clair selon le mandat qu'aucune conséquence légale ne découle d'un listage du CSEMDC. Une désignation du CSEMDC n'exige aucune mesure de la part de quelque compétence que ce soit, et, par ailleurs, le CSEMDC n'a de permission à demander à aucune compétence pour porter une espèce sur sa liste. Les désignations du CSEMDC sont fondées seulement sur la connaissance scientifique et doivent être tout à fait indépendantes de considérations non scientifiques et de pressions d'ordre politique.
Le comité est composé d'un membre de chacune des provinces et de chacun des territoires et d'un membre des quatre organismes fédéraux suivants: le Service canadien de la faune, les Parcs nationaux, les Musées nationaux du Canada et le ministère des Pêches et des Océans. Y siègent également les représentants de trois organisations non gouvernementales nationales: la Fédération canadienne de la faune, la Fédération canadienne de la nature et le Fonds mondial pour la nature Canada. Les autres membres du comité sont les présidents de sept sous-comités, soit ceux de la publicité, des poissons et mammifères marins, des oiseaux, des mammifères terrestres, des reptiles et amphibiens et, depuis 1994, d'un sous-comité qui se penche sur deux groupes particuliers d'invertébrés.
Compte tenu du chevauchement des rôles, le nombre des membres du CSEMDC peut varier entre 19 et 28 personnes. Le comité relève à l'heure actuelle des directeurs du Service canadien de la faune. Le CSEMDC bénéficie également du soutien d'un secrétariat qui fait partie du Service canadien de la faune et qui se charge de tous les travaux du comité au jour le jour.
Le CSEMDC se réunit une fois par année, normalement au début d'avril. Au cours de l'année, en prévision de la réunion annuelle, les présidents de sous-comités commandent des rapports de situation et en surveillent la préparation. C'est à partir de ces rapports de situation que le CSEMDC désigne le statut d'une espèce.
Les rapports de situation sont rédigés par des gens qui sont des experts dans leur domaine. Ils contiennent les renseignements les plus récents sur la situation de l'espèce à l'étude. Ils peuvent avoir entre 20 et 200 pages, et leur rédaction peut exiger de quelques mois à plusieurs années. Ceux qui en sont les auteurs reçoivent des émoluments princiers, habituellement de l'ordre de 2 000$ à 2 500$. Vous comprendrez donc qu'ils le font essentiellement par amour de la nature et par sens du devoir.
La rédaction des rapports de situation est financée par des organisations non gouvernementales - il s'agissait auparavant du Fonds mondial pour la nature, et il s'agit désormais de la Fédération canadienne de la faune - ainsi que par plusieurs ministères fédéraux et parfois par certaines compétences locales ou régionales. Le CSEMDC traite généralement entre 20 et 25 rapports de situation par année, dont la rédaction coûte entre 40 000$ et 50 000$ environ annuellement.
Avant d'être déposés devant le comité plénier, les rapports de situation font l'objet d'un examen rigoureux de la part de pairs, des experts techniques qui siègent aux sous-comités. Lorsque le rapport est jugé satisfaisant pour dépôt devant la CSEMDC, il est tout d'abord transmis six mois d'avance aux compétences locales ou régionales, de manière à ce que toute considération d'ordre local pertinente y soit intégrée.
Il s'agit d'un processus qui a pris une importance additionnelle au cours des quelques dernières années dans le contexte du règlement de renvendications territoriales, notamment dans les Territoires du Nord-Ouest, où la loi exige que les groupes de cogestion de la faune des zones visées par des revendications soient intégrés au processus de désignation d'espèces menacées.
Lors de la réunion annuelle, les participants consacrent la plupart du temps à discuter du statut à attribuer aux diverses espèces qui ont fait l'objet d'un rapport de situation au comité. La désignation peut englober l'une ou l'autre des cinq catégories de risques suivantes: disparue, dans le cas d'une espèce qui n'existe plus; disparue au Canada, dans le cas d'une espèce qui n'existe plus dans la nature au Canada, mais qui existe ailleurs; en danger de disparition, dans le cas d'une espèce qui est menacée de disparition imminente au Canada ou dans le monde; menacée, dans le cas d'une espèce qui risque d'être mise en danger de disparition si certains facteurs limitatifs ne sont pas contrés; et vulnérable, dans le cas d'une espèce qui suscite des inquiétudes en raison de certaines caractéristiques qui la rendent particulièrement sensible à l'activité humaine ou aux événements naturels.
Il existe également deux autres désignations qui ne sont pas visées par la liste du CSEMDC: qui n'est pas en péril et sans statut déterminé.
Dans pratiquement tous les cas, les membres du comité sont en mesure d'attribuer une désignation par consensus. Parfois, plusieurs heures de discussions animées sont cependant nécessaires. Au cours de ce genre de discussions, les membres sont bien conscients du fait qu'ils doivent faire abstraction de leur appartenance et ne se laisser guider que par leur bon jugement. Les membres du comité n'agissent pas en fonction de directives reçues de leurs supérieurs et sont très conscients du fait que le CSEMDC est une organisation indépendante.
Comme je l'ai dit auparavant, le mandat du CSEMDC englobe les espèces, les sous-espèces et les populations qui ont une importance nationale. La définition que retient le CSEMDC de l'espèce n'est pas évidente: elle englobe les espèces, les sous-espèces et les populations correspondant à certaines aires géographiques. La définition de l'espèce selon le CSEMDC est donc beaucoup plus inclusive que celle de l'espèce biologique.
Il est assez évident que toutes les espèces et sous-espèces biologiques du Canada sont d'importance nationale. Le Canada serait amoindri s'il perdait l'une ou l'autre de ces espèces ou sous-espèces.
On ne peut pas en dire autant des populations. À chaque espèce peut correspondre un très grand nombre de populations. Par exemple, chaque lac et chaque étang a sa population distincte d'épinoche ou de petits poissons. Or, ces populations ne peuvent pas toutes avoir une importance nationale.
Le CSEMDC a réfléchi longuement aux critères qui permettraient de déterminer si une population a une importance nationale. Il en a retenu deux. Premièrement, la population doit avoir des caractéristiques génétiques distinctes et significatives. Deuxièmement, elle doit représenter l'une des grandes zones biologiques du Canada.
Par exemple, selon ces critères, le CSEMDC pourrait juger qu'une population d'ours grizzlis ou de caribous a une importance nationale si cette population habite la toundra, la forêt boréale, la cordillère ou la zone côtière du Pacifique. Par contre, le CSEMDC ne pousserait pas plus loin la différenciation, à moins que certaines caractéristiques génériques distinctes et significatives ne le justifient.
Il y a lieu de signaler qu'une partie importante de la liste du CSEMDC, notamment dans le cas des oiseaux et des mammifères, comporte des populations, et non pas des espèces biologiques au sens strict. Par exemple, onze espèces de mammifères en danger de disparition sont énumérées, mais il s'agit d'espèces biologiques au sens strict dans trois cas seulement.
Au cours des dix-huit dernières années écoulées depuis sa création, le CSEMDC a étudié des rapports de situation visant 367 espèces. La liste du CSEMDC pour 1995 contient 263 espèces, dont 118 sont vulnérables, 62 menacées, 55 en danger de disparition, 11 disparues au Canada et 9 disparues. Également, dans le cas de 93 espèces, il a été conclu qu'elles n'étaient pas en péril.
Les 367 espèces étudiées appartenaient toutes aux groupes taxonomiques des poissons, des mammifères, des oiseaux, des reptiles, des amphibiens et des plantes vasculaires, qui, ensemble, englobent environ 5 000 espèces canadiennes connues. Il ne s'agissait, dans aucun des 367 cas, d'échinodermes, de tardigrades, d'arachides, d'annélides, de coelentérés ou de l'un ou l'autre des nombreux autres groupes taxonomiques qui, ensemble, représentent 71 000 espèces dont l'existence au Canada est établie.
Le mandat reçu par le CSEMDC au départ n'englobe que 7 p. 100 des formes de vie qui existent au Canada, soit celles qui sont les plus visibles ou les mieux connues. En 1994, le CSEMDC a eu l'autorisation d'élargir son mandat de telle sorte qu'il englobe environ 4 600 espèces de lépidoptères, soit des papillons et des papillons de nuit, et environ 1 400 espèces de mollusques, soit les coquillages.
Le sous-comité des plantes a pris la décision d'englober dans son champ d'intérêt non plus seulement les plantes vasculaires, mais également environ 1 000 espèces de mousses, et de s'intéresser, provisoirement tout au moins, à environ 11 000 espèces de lichens et de champignons. Cet élargissement du mandat faisait passer le nombre d'espèces visées de 5 000 à 22 000, ce qui correspond à 30 p. 100 environ des espèces connues au Canada.
On peut dire sans risque de se tromper que le CSEMDC, depuis qu'il existe, a très bien fonctionné et a très bien réussi à mettre au point une liste d'espèces canadiennes en péril crédible et reconnue, établie sur une solide base scientifique. La liste donne une idée assez exacte et complète de la situation au Canada pour ce qui est des espèces en péril, tout au moins pour les espèces les plus connues.
Les membres du CSEMDC participent au processus avec beaucoup d'enthousiasme. Bon nombre d'entre eux m'ont fait savoir que le fait de pouvoir se départir de leur jargon bureaucratique et de leurs appréhensions politiques et de laisser toute la place à la biologie dans les discussions du CSEMDC était pour eux la source d'une grande satisfaction personnelle. Ceux qui font partie du CSEMDC ont l'impression de faire oeuvre utile et de jouer un rôle extrêmement important.
Le CSEMDC n'est cependant pas sans problèmes. Le secrétariat, par exemple, qui est logé et financé par le Service canadien de la faune, est débordé de travail et manque de personnel. À mesure que le public est sensibilisé aux espèces en péril, le personnel passe de plus en plus de temps à répondre à ses questions.
Le deuxième problème, c'est que le soutien administratif pour les experts en taxonomie au Canada est en train de diminuer. À l'heure actuelle, trois des six présidents des sous-comités techniques ont perdu leur emploi et travaillent, du moins partiellement, comme bénévoles pour le CSEMDC.
Le dernier problème est dû au fait que le montant versé aux auteurs des rapports d'étape, ou de situation, n'a pas vraiment augmenté considérablement au cours des 10 dernières années. À mon avis, il est inacceptable qu'on limite à 40 000$ ou 50 000$ par an le montant alloué à la préparation du rapport d'étape, qui est le fondement du système canadien pour les espèces en danger de disparition. Ces fonds sont non prioritaires, non garantis, et environ la moitié proviennent d'organisations non gouvernementales.
Je pense qu'il est clair que pour que le CSEMDC puisse inclure toute la gamme des espèces canadiennes à risque il doit y avoir une allocation prévisible pour la préparation des rapports d'étape. Cette allocation devrait être garantie et prévoir un montant plus élevé.
Je vous ai brossé un tableau très concis, très rapide, de la façon dont le CSEMDC fonctionne. J'espère que cela vous permettra de comprendre de façon très générale de quelle façon fonctionne le processus de désignation des espèces menacées au Canada.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Shank.
Nous allons maintenant passer à Stewart Elgie, avocat pour le Sierra Legal Defence Fund. Allez-y.
M. Stewart Elgie (avocat, Sierra Legal Defence Fund): Merci, monsieur le président. Je vous remercie de m'avoir invité.
Pour moi, c'est un peu du déjà vu. Il y a environ deux ans et demi, j'ai comparu devant votre comité, quoique certains visages étaient différents, pour parler de ce que le Canada devrait faire pour mettre en oeuvre ses obligations aux termes de la Convention sur la biodiversité. C'est du déjà vu, et ce, de plus d'une façon, car je pense que l'échafaudage était encore devant l'édifice à l'époque. J'espère que nous aurons au Canada une loi sur les espèces en danger de disparition avant que l'échafaudage ne soit démantelé.
[Français]
Malheureusement, je ne parle pas très bien le français. Je vais donc devoir continuer en anglais.
[Traduction]
Aujourd'hui, je représente la Canadian Endangered Species Coalition. Le comité directeur de la coalition comprend le Sierra Legal Defence Fund, le Fonds mondial pour la nature, la Fédération canadienne de la nature, la Société pour la protection des parcs et des sites naturels au Canada, le Sierra Club of Canada et l'Union québécoise pour la conservation de la nature.
L'objectif de la coalition est simple: encourager le gouvernement fédéral à adopter une loi ferme pour protéger les espèces canadiennes en danger de disparition. L'objectif de la coalition est appuyé par plus de 60 organismes nationaux au Canada, notamment l'Association du Barreau canadien, la Société canadienne des biologistes de l'environnement et de nombreux autres.
Je vous ai remis un mémoire assez long, qui répondra sans doute à n'importe quelle question que vous pourriez me poser au sujet de la loi. Il s'agit d'un document de 80 pages intitulé «Recommendations for Federal Endangered Species Legislation». Vous trouverez un résumé des recommandations à la fin, qui est une version raccourcie.
J'ai en outre apporté une liste des recommandations d'une page, que je remettrai au comité à la fin de mon exposé.
Permettez-moi tout d'abord de vous brosser un tableau général de la situation. Au Canada, nous pensons que la perte d'espèces est un problème que l'on retrouve dans les forêts humides du Brésil, mais c'est un problème ici également. Comme Chris Shank l'a dit, il y a au Canada neuf espèces disparues et onze espèces disparues au Canada.
[Projection de diapositives]
M. Elgie: Voici un bon symbole. Le renard véloce avait presque disparu, et nous l'avons ramené à la vie. Cette espèce disparue au Canada, que l'on croyait ne plus pouvoir retrouver dans la nature à l'état sauvage, a été ramenée dans une certaine mesure dans les Prairies grâce à des efforts de réintroduction.
Il y a 243 autres espèces que l'on considère comme étant en danger de disparition ou menacées au Canada - notamment la marmotte de l'île Vancouver et le caribou de Peary, deux populations qui sont en danger de disparition dans le Nord canadien.
Bien des gens sont surpris de retrouver cet animal sur la liste des espèces en danger de disparition; en fait, il s'agit d'une espèce vulnérable, mais l'ours polaire comme tel est maintenant en danger de disparition au Canada.
Certaines espèces sont moins bien connues que d'autres, notamment la platanthère blanchâtre de l'Ouest, qui est maintenant l'une des espèces végétales à figurer sur la liste, qui en contient plus de 100. La grue blanche d'Amérique survit maintenant surtout dans le parc national Wood Buffalo et migre dans le Sud des États-Unis chaque année.
Une espèce bien connue est le béluga, qui est une espèce menacée surtout en raison de la pollution toxique dans les Grands Lacs et dans la voie maritime du Saint-Laurent. Malheureusement, l'eau est si polluée que souvent, lorsque ces animaux meurent, il faut se débarrasser de leurs carcasses comme s'il s'agissait de déchets toxiques.
Enfin, nous avons le pluvier siffleur, que l'on chassait initialement pour en faire des chapeaux et qui est maintenant en danger de disparition à cause du développement des plages, surtout dans l'Est du Canada.
Ce ne sont que quelques-unes des nombreuses espèces menacées au Canada.
Pourquoi voulons-nous sauver ces espèces? L'une des raisons, c'est tout simplement que ces espèces sont un système de première alerte ou un indicateur. Le béluga est un bon exemple.
Lorsqu'une espèce commence à diminuer, cela indique souvent que l'écosystème dont il fait partie est également menacé. C'est comme le proverbial du canari dans une mine de charbon, et c'est quelque chose que nous pouvons comprendre. Les écosystèmes sont difficiles à définir. La biodiversité est difficile à définir. Nous connaissons une espèce, nous pouvons la mesurer, et d'une certaine façon c'est un avertissement dont nous ne pouvons pas ne pas tenir compte. Il existe de nombreuses raisons, mais c'est l'une des plus claires.
Pourquoi les espèces diminuent-elles au Canada? Plus de 99 p. 100 de la diminution des espèces est causée par l'activité humaine. La toute première cause est la perte de l'habitat. Plus de 80 p. 100 des espèces qui figurent sur la liste du CSEMDC sont en train de diminuer à cause de la perte d'habitats. Si on veut résoudre le problème des espèces en danger de disparition, il faut s'attaquer au problème même, c'est-à-dire à la perte ou à la destruction de l'habitat. La chasse à outrance, la pollution et l'introduction d'espèces exotiques sont également des problèmes auxquels nous devons nous attaquer.
Je ne vous ferai pas une analyse des lois qui existent à l'heure actuelle au Canada. Vous trouverez tout cela dans mon mémoire si cela vous intéresse. Il suffit de dire que le Canada n'a aucune loi fédérale en ce qui concerne les espèces en danger de disparition. Lorsque je dis cela à mes étudiants en droit à l'Université de la Colombie-Britannique chaque année, bon nombre d'entre eux ne me croient pas. En fait, la ministre de l'Environnement a été quelque peu surprise de l'apprendre lorsqu'elle a rencontré pour la première fois certains groupes environnementaux, et je pense que c'est quelque chose qui surprend la plupart des gens. Il existe à l'échelle fédérale toutes sortes de lois concernant la faune, mais aucune d'entre elles ne vise à protéger les espèces en danger de disparition.
À l'échelle provinciale, c'est un peu mieux, mais pas beaucoup. Quatre des 12 provinces et territoires canadiens ont des mesures législatives pour protéger les espèces en danger de disparition. La loi du Québec et celle du Manitoba sont sans doute celles qui les protègent le mieux. Aucune loi n'est cependant assez ferme. Le plus gros problème, c'est que tout est discrétionnaire. L'établissement d'une liste est discrétionnaire, la protection de l'habitat n'est jamais exigée et les mesures d'application de la loi sont presque inexistantes.
Aux termes de la loi ontarienne, qui existe depuis 23 ans, il y a eu quatre poursuites, mais aucune d'entre elles ne portait sur l'habitat, et l'amende la plus élevée à être imposée était de 500$. On ne signale aucune poursuite aux termes des trois autres lois provinciales sur les espèces en danger de disparition. Nous avons donc beaucoup de travail à accomplir de ce côté-là.
Chris Shank vous a parlé un peu de certains de nos programmes informels. Le CSEMDC est en réalité très respecté et fait un excellent travail pour ce qui est de dresser une liste des espèces menacées, si on tient compte de ses fonds limités. Le problème, c'est qu'il n'y a aucune conséquence juridique, et c'est un peu comme si on avait un hôpital qui inscrivait et diagnostiquait les maladies de ses patients sans les traiter. Ce que nous voulons, c'est que certains des patients pour qui nous avons établi un diagnostic soient traités.
Nous avons un programme informel de rétablissement qui s'appelle RESCAPE. Son mandat est très limité, et jusqu'à présent il a permis de préparer des plans de rétablissement pour seulement 13 des 243 espèces menacées qui figurent sur la liste du CSEMDC. Ces plans de rétablissement n'ont pas force de loi, ce qui dans de nombreux cas les empêche d'être efficaces.
Une loi sur les espèces en danger de disparition ne peut de toute évidence régler à elle seule tout le problème. Nous devons encourager les efforts volontaires et éduquer davantage les gens, mais une loi doit faire partie de la solution. La Convention sur la diversité biologique a effectivement été à l'origine des efforts que nous faisons actuellement pour protéger les espèces en danger de disparition.
L'article 8.k) de la convention est important, et je pense qu'il est essentiel de savoir exactement ce qu'il dit:
- Chaque pays, dans la mesure du possible et selon qu'il conviendra, formule des dispositions
législatives pour protéger les espèces et populations menacées.
- Je souligne «les espèces et les populations».
- Nous recommandons que le gouvernement du Canada, en collaboration avec les provinces et
territoires... prenne des mesures immédiates en vue d'élaborer une approche législative
intégrée pour la protection des espèces en danger de disparition, de l'habitat, des écosystèmes et
de la biodiversité au Canada.
J'ajouterais que nous sommes certainement en train de rattraper d'autres pays à cet égard. Les gouvernements du Japon et de l'Australie ont adopté des mesures législatives fédérales sur les espèces en danger de disparition après la signature de la Convention sur la biodiversité en 1992. Nos voisins du Sud, les États-Unis, avaient en place des mesures législatives fermes depuis 1973, et je ne serais pas surpris que certains d'entre vous veuillent poser des questions au sujet de ces mesures législatives, étant donné que bon nombre de collectivités en sont certainement très conscientes.
Une chose que je dirais, cependant, avant que nous parlions de certains des détails, c'est que toute mesure législative qui sera adoptée doit l'être à l'initiative du gouvernement fédéral au Canada. L'une des raisons, c'est que nous avons analysé toutes les espèces qui figurent sur la liste du CSEMDC et que seulement 15 p. 100 d'entre elles vivent exclusivement dans une province. Le reste, soit 85 p. 100 - et ce pourcentage n'est qu'approximatif - se retrouvent dans des populations qui traversent la frontière nationale ou les limites provinciales.
Par conséquent, pour protéger ces espèces il faudra faire un effort national et international, et c'est pourquoi nous avons besoin d'un leadership fédéral en ce qui a trait à ces mesures législatives sur les espèces en danger de disparition.
Dans mon mémoire j'explique de façon très détaillée quels éléments sont à mon avis nécessaires. Le document d'une page que je vous ai remis énumère 10 ou 11 des éléments que je considère comme étant essentiels à une loi sur les espèces en danger de disparition, qu'elle soit fédérale ou provinciale.
Tout d'abord, il faut dresser une liste des espèces. C'est très simple: si on veut protéger les espèces en danger de disparition, il faut déterminer quelles espèces sont à risque, et non pas les tuer, mais leur donner un foyer. C'est aussi simple que cela, mais il faut que ce soit obligatoire et il faut y donner force de loi.
Permettez-moi de souligner deux ou trois des points qui se retrouvent dans ce document. Le premier - et puisque c'est le sujet du groupe, j'ai pensé que c'était approprié - c'est une approche axée sur la prévention. Une des faiblesses de la Endangered Species Act aux États-Unis, c'est qu'elle adopte une approche trop réactive. On attend que le patient soit dans l'aile des soins intensifs avant d'agir.
Nous recommandons que le Canada adopte une approche davantage axée sur la prévention. Nous avons une occasion unique de faire cela ici au Canada à l'heure actuelle. Si vous regardez la liste du CSEMDC, la majeure partie des espèces à risque sont dans la catégorie des espèces menacées et des espèces vulnérables. Si on compare le déclin des espèces à un escalier roulant, la plupart de nos espèces se trouvent à l'heure actuelle au milieu de l'escalier. Il y en a 57 qui sont près du bas de l'escalier, et nous devons leur faire remonter l'escalier, mais la plupart sont à peu près au milieu. Aux États-Unis, par contre, la plupart de leurs espèces se trouvent tout à fait au bas de l'escalier, plus de 600 espèces étant dans la catégorie des espèces en danger de disparition.
Ce que cela veut dire, c'est que, si le Canada prend des mesures dès maintenant, nous avons la chance d'adopter une approche axée sur la prévention pour la protection des espèces. Les approches axées sur la prévention sont moins coûteuses et plus efficaces, et impliquent moins de conflits, car on a plus d'options. Si nous attendons avant d'adopter des mesures législatives fermes, nous nous retrouverons avec un plus grand nombre d'espèces au bas de l'escalier et une tâche beaucoup plus grande à accomplir.
À la page 21 de mon mémoire, vous trouverez des recommandations sur trois façons précises d'adopter une approche axée sur la prévention en ce qui a trait aux mesures législatives. Tout d'abord, il faut déterminer les espèces menacées aussitôt qu'elles commencent à diminuer.
Deuxièmement, il faut exiger que toute activité de développement qui peut affecter une espèce fasse l'objet d'un examen préalable. En d'autres termes, il ne faut pas tout simplement punir les gens après le fait. Si quelqu'un veut développer un habitat qui est dangereux pour une espèce, il faut lui donner l'information à l'avance et lui permettre de modifier son plan ou de prendre des mesures d'atténuation afin que le projet n'affecte pas l'espèce en question.
La troisième façon consiste à s'assurer que les programmes et politiques gouvernementaux tiennent compte de la protection des espèces.
Le deuxième point que je voudrais souligner, c'est l'habitat. Comme je l'ai déjà dit, 80 p. 100 du déclin des espèces est attribuable à la perte d'habitats au Canada. Nous avons perdu plus de 90 p. 100 de notre forêt caducifoliée dans le Sud de l'Ontario, plus de 75 p. 100 des prairies et la majorité des terres humides dans le Sud du Canada. Ces habitats correspondent à des espèces menacées dans chacune de ces régions.
En ce qui a trait à l'approche fédérale-provinciale qui est proposée, il y a une chose que j'aimerais dire. Si on veut protéger les espèces, et plus particulièrement protéger leur habitat, il faut que ce soit obligatoire. Je félicite les gouvernements fédéral et provinciaux qui ont proposé une approche législative nationale. Cependant, cette approche donne aux gouvernements le pouvoir de protéger les espèces, mais ne les oblige pas à le faire.
Dans la plupart des cas, les gouvernements ont déjà ce pouvoir. Il serait certainement bien de pouvoir leur donner une plus grande boîte à outils, mais ce dont ils ont besoin, c'est de mesures législatives qui leur donnent du pouvoir. Nous ne pouvons plus laisser la protection des espèces au cas par cas. Nous devons nous engager à l'avance, en tant que pays, à protéger les espèces en danger de disparition et leurs habitats menacés.
L'article clé de l'approche qui est proposée stipule que les provinces et le gouvernement fédéral décideront quelles mesures seront prises le cas échéant pour protéger les espèces qui figurent sur la liste. Il n'est pas suffisant de dire que nous pourrions protéger les espèces.
Je ne parlerai pas de l'expérience américaine, sauf pour la résumer de la façon suivante. On a l'impression que la United States Endangered Species Act a bloqué le développement. La plupart des gens ont entendu parler de la chouette tachetée et du poisson-escargot.
Mais si on analyse l'expérience américaine, on s'aperçoit que, d'après un sondage effectué par le United States Fish and Wildlife Service, 99,97 p. 100 des projets où il pourrait y avoir conflit avec une espèce en danger de disparition ou son habitat ont pu recevoir le feu vert après l'examen préalable. En d'autres termes, ils ont pu déterminer des modifications et des mesures d'atténuation qui permettaient d'éviter de mettre en danger les espèces. Je parle de 99,97 p. 100 des cas.
Aux États-Unis, il y a une procédure à suivre lorsqu'il y a un conflit inéluctable entre une espèce et un projet et il a fallu y recourir seulement à trois occasions au cours des 21 ans d'existence de la loi, dont une fois pour la chouette tachetée et une fois pour le poisson-escargot, dont tout le monde a entendu parler. De toute façon, je ne vous ai brossé ici qu'un tableau très simplifié de la situation.
Pouvons-nous nous permettre de protéger les espèces en danger de disparition? À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral dépense environ 10c. par Canadien pour les programmes de protection des espèces en danger de disparition au Canada, d'après les chiffres fournis par le Service canadien de la faune. En Australie et aux États-Unis, les gouvernements fédéraux dépensent environ 35c. par citoyen aux termes de leurs lois sur les espèces en danger de disparition, soit un montant qui est lui aussi assez dérisoire. Si le gouvernement fédéral canadien augmentait les fonds consacrés aux programmes sur les espèces en danger de disparition à raison de 25c. par personne au Canada, cela contribuerait considérablement à protéger les espèces menacées.
Pour conclure, je crois que c'est Gandhi qui a dit que la grandeur d'une nation et son courage moral peuvent se mesurer à la façon dont ses animaux sont traités. Il est temps que le Canada soit évalué. Le 11 juin marquera le troisième anniversaire du Sommet de la terre de Rio. J'encourage le Cabinet fédéral à approuver d'ici là une loi fédérale ferme concernant les espèces en danger de disparition et à saisir le Parlement de cette loi d'ici à l'automne prochain.
Merci.
M. Adams (Peterborough): À titre d'information, votre texte dit 19c. par Canadien. Vous avez dit 10.
M. Elgie: Je vous remercie d'avoir apporté cette correction; le bon chiffre, c'est 10c.
Le président: Merci beaucoup.
Je donne maintenant la parole au professeur Thomas, de l'Université de Guelph.
M. Vernon Thomas (professeur, Département de zoologie, Université de Guelph): Merci, monsieur le président et membres du forum. Bonjour.
J'aimerais tout d'abord dire que mon exposé n'est pas une attaque contre les activités de chasse et de pêche. Mes observations visent plutôt à rendre ces activités plus durables pour l'avenir.
J'ai remis à chacun d'entre vous un dossier contenant documents et résumés, et j'aimerais maintenant vous dire qu'il y a deux paliers d'information. Les chapitres 1 et 2 contiennent des notes d'information et un synopsis de l'exposé que je vais vous présenter cet après-midi.
J'aimerais attirer votre attention sur les chapitres 3 et 4, qui contiennent tous les deux des documents très courts et intelligibles qui ont été présentés à l'OCDE en septembre dernier au sujet de la question des chevrotines et des plombs. Ces documents sont toujours valables sur le plan du contenu. Je vous conseille d'aller chercher certains renseignements pour compléter l'exposé verbal que je vous présente aujourd'hui.
Hier et aujourd'hui nous avons entendu parler de problèmes insurmontables pour la faune. Dans le domaine des toxines, nous savons qu'il y a des cocktails épouvantables qui se retrouvent dans nos lacs, dans nos rivières et dans notre atmosphère. Bon nombre des solutions semblent distantes, nécessitant des investissements très importants, la participation de nombreux paliers de gouvernement et de représentants de la société et de l'industrie.
Par contre, la question dont j'aimerais vous parler aujourd'hui est relativement simple. Il s'agit du problème des chevrotines et des plombs de pêche. Comparativement aux cocktails chimiques que l'on retrouve dans le Saguenay et dans les Grands lacs, c'est un problème que nous pouvons résoudre. Nous pouvons prendre une mesure bien précise pour traiter notre faune au Canada.
Le message que j'aimerais vous laisser aujourd'hui, c'est que la preuve scientifique a été faite. Nous n'avons pas besoin de gaspiller - et je souligne «gaspiller» - de l'argent à faire davantage de recherche. Cela n'améliorera pas notre compréhension du problème. Pour les chevrotines et les plombs de pêche, la science et la technologie ont donné toute une série de substituts qui sont efficaces et considérés comme non toxiques.
Nous avons amplement de lois ici au pays à l'échelle fédérale et provinciale pour imposer une transition. Nous avons des précédents internationaux; nous avons sur le plan international des obligations d'agir. Ce qui manque, c'est la volonté politique pour obliger les pêcheurs à la ligne et les chasseurs à utiliser des produits non toxiques. Voilà essentiellement le message que je veux vous transmettre aujourd'hui.
Permettez-moi de vous donner un exemple hypothétique. Disons que la chasse et la pêche à la ligne sont aujourd'hui de nouvelles activités, de nouveaux passe-temps au Canada. On se poserait les questions suivantes: «Qu'allons-nous utiliser comme chevrotines? Qu'allons-nous utiliser comme plombs de pêche?» Il est absolument impossible que nous choisissions le plomb, sachant aujourd'hui ce que nous savons. Avec toute la documentation qui existe dans nos bibliothèques et toute la quantité de preuves toxicologiques que nous avons, nous choisirions autre chose que le plomb.
Donc, la question que je vous pose, c'est: comment allons-nous éliminer le plomb? Au cours de mon exposé, je proposerai certaines suggestions.
Permettez-moi tout d'abord de souligner que nous ne parlons pas ici d'un problème de contamination causé par les industries, qui sont l'âme de nos collectivités et le principal moteur de l'économie. Nous parlons ici de gens qui s'amusent - de pêche et de chasse comme loisirs, qu'il s'agisse de la chasse à la sauvagine ou de tir au pigeon d'argile. Il s'agit d'une activité de loisir, et les choses doivent être classées dans ce contexte.
Voici quelques photos pour vous montrer l'ampleur du problème au Canada.
[Projection de diapositives]
M. Thomas: Voici le scénario: on voit quelqu'un qui chasse la sauvagine dans un marais. Vous voyez trois cartouches. Pour chaque chevrotine, environ une once de plombs tombera dans ce marais. Comment est-ce que cela devient un problème pour les oiseaux? La sauvagine, qu'il s'agisse de canards, d'oies ou de cygnes, avale ces plombs qui se trouvent au fond du marais, les prenant pour de la nourriture ou du gravier dont elle a besoin pour faciliter sa digestion.
Combien de plomb est ajouté? Les États-Unis estiment qu'avant 1991, lorsqu'ils ont interdit les chevrotines de plomb pour la chasse à la sauvagine, entre 3 000 et 3 500 tonnes métriques de plombs se sont ajoutées au marais chaque année. Ils s'accumulent; ils ne disparaissent pas; il reste là, et peuvent être toxiques pendant des centaines d'années.
On voit ici une cartouche qui contient environ 200 à 250 plombs. Si quatre de ces plombs sont consommés par un canard, ce canard mourra certainement d'empoisonnement au plomb chronique. C'est un fait. Voilà l'ampleur du problème.
Ici, j'utilise des données du gouvernement du Canada pour montrer les problèmes liés à l'empoisonnement au plomb au pays. On voit ici les provinces de l'Est, et lorsque vous voyez un point rouge ou jaune sur la carte, cela signifie que les oiseaux dans cette région ont un niveau de plomb considérablement élevé. Ces données ont été préparées en 1993 par le Service canadien de la faune. Ces calculs ont été faits à partir de jeunes oiseaux de quatre ou cinq mois. Ces analyses sont fondées sur les niveaux de plomb contenus dans leurs os, de sorte qu'on voit ici l'accumulation. Partout où on voit un point rouge ou jaune, on doit se rappeler qu'il y a un grave problème d'empoisonnement au plomb.
Ce que cela indique, c'est que, dans le cas d'un oiseau qui traverse l'Île-du-Prince-Édouard, on doit s'inquiéter non seulement du plomb contenu dans l'atmosphère, mais également du plomb contenu dans l'eau - un bon endroit à éviter. La Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick ont des régions où il y a une fréquence très élevée d'empoisonnement au plomb chez les oiseaux.
Voici une photo du Québec. Ici, on voit que le long des rives nord et sud du Saint-Laurent il y a un mur de plomb. Est-ce étonnant que nous ayons un problème d'exportation? Nous exportons l'empoisonnement au plomb vers les États-Unis. C'est vraiment un problème transfrontalier.
La diapositive suivante montre l'Ontario. Encore une fois, si vous voyez des points rouges ou jaunes, c'est qu'il y a un problème majeur d'empoisonnement au plomb des oiseaux. L'Ontario aurait dû être la première province à interdire le plomb il y a des décennies.
La diapositive suivante montre les provinces des Prairies. Au Manitoba, nous avons des points rouges et jaunes qui indiquent les régions où il y a une contamination élevée au plomb. Malgré les protestations de la Saskatchewan, et plus particulièrement de l'Alberta, qui prétendent ne pas avoir de problème d'empoisonnement au plomb parce qu'on n'y trouve pas beaucoup de canards morts, on peut voir néanmoins que ces deux provinces ont des points rouges et des points jaunes, selon les données indépendantes recueillies par le gouvernement.
Nous avons exclu la Colombie-Britannique, étant donné le manque de temps et également parce que cette province a accepté d'interdire les chevrotines de plomb, à compter du début de septembre 1995, pour la chasse à la sauvagine.
Passons maintenant brièvement aux plombs de pêche.
Les plombs de pêche sont très souvent la cause de la mort du huard... il suffit qu'il avale un seul plomb de pêche en consommant un poisson sur lequel était attaché un crochet, une ligne et un plomb, ou, de la même façon que la sauvagine, qu'il aille chercher ces plombs au fond du marais ou au fond du lac, les prenant pour des pierres dont il a besoin pour faire sa digestion.
Un plomb mesure environ un demi-centimètre de large, ce qui constitue une dose fatale de plomb pour n'importe quel huard, cormoran, héron ou goéland qui l'ingère. Il n'y a pas à s'y méprendre. Les preuves scientifiques sont là. Il s'agit d'une dose mortelle.
Combien de ces plombs retrouve-t-on un peu partout? On voit ici quelqu'un qui est allé faire de la plongée en apnée, non pas de la plongée sous-marine autonome, dans l'un des parcs provinciaux de l'Ontario l'été dernier. En une journée, cette personne, qui s'est arrêtée pour le déjeuner, pour prendre le café et le thé, a récupéré 803 plombs, soit un poids total de 52 livres. Et ce n'est pas la seule personne qui ait fait cela dans ce lac en particulier. N'importe lequel de ces plombs est plus que suffisant pour faire mourir un huard. Voilà l'ampleur du problème auquel nous sommes confrontés aujourd'hui.
Combien d'oiseaux devront mourir avant que nous agissions? Il y a des gens qui, au moment où je vous parle, diraient: «Je n'ai pas vu énormément d'oiseaux mourir. Peut-être y en a-t-il un ou deux ici et là. Qu'est-ce que cela peu bien faire, puisqu'il n'y en a pas beaucoup qui meurent?» La réponse, c'est qu'il n'y a pas de seuil critique, de niveau critique au-dessous duquel on ne fait rien et au-dessus duquel on commence à faire quelque chose qui aidera la situation.
On ne peut pas demander aux scientifiques de nous donner un nombre critique, car ce serait abuser de la science. Les scientifiques ne sont pas censés faire ce genre de choses. Nous faisons des jugements de valeur, et les jugements de valeur varient selon le type d'oiseaux.
En ce qui concerne les huards qui sont à risque, la société dirait peut-être: «Nous ne voulons perdre aucun de nos huards.» Pour les goélands, son attitude serait peut-être différente.
Permettez-moi de mettre les choses dans un contexte historique. Dans les années 70 et 80, les États-Unis perdaient un grand nombre de pygargues à tête blanche à cause de l'empoisonnement au plomb. Ils se nourissaient des nombreux canards que l'on retrouvait un peu partout dans les marais et qui avaient été tués par balle. Par conséquent, les États-Unis ont dit qu'ils ne voulaient plus perdre leur emblème national de cette façon. La pression en vue de protéger les aigles a été le facteur dominant qui a mené en 1991 à l'interdiction des chevrotines de plomb pour la chasse à la sauvagine aux États-Unis.
À l'heure actuelle, nous exportons des canards empoisonnés au plomb aux États-Unis. Des pathologistes dans les États de New York et du Wisconsin y signalent l'arrivée d'oiseaux empoisonnés au plomb. Nous exportons toujours des aigles empoisonnés au plomb aux États-Unis. Nous contrecarrons en un sens l'intention de la loi américaine en ne prenant pas de mesures réciproques.
Qu'est-ce qui nous oblige à agir? Nous avons des substituts pour le plomb. Nous avons la possibilité d'utiliser des plombs de pêche en étain, en bismuth, en molybdène, en tungstène et en acier inoxydable. On les trouve sur le marché; on peut les acheter aujourd'hui dans n'importe quel magasin. Nous avons des substituts efficaces en acier et, récemment, en bismuth, pour les chevrotines. On peut en trouver.
Nous avons la technologie dans l'industrie. L'industrie n'est pas à blâmer. Elle est d'accord avec la nécessité d'apporter des changements. Je peux vous nommer 12 compagnies qui fabriquent des chevrotines non toxiques. Je peux vous nommer six compagnies aux États-Unis qui fabriquent des plombs non toxiques à l'heure actuelle.
Aux termes du traité sur les oiseaux migrateurs signé avec les États-Unis en 1916, nous avons l'obligation de protéger les espèces. Au Canada, la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs contient un article stipulant que nous devons prendre des mesures contre les toxines environnementales qui ont un impact sur nos oiseaux migrateurs. La disposition existe. Nous l'utilisons pour les points chauds; pourquoi ne l'utilisons-nous pas dans tout le pays?
Est-ce que cela fonctionne pour ces points chauds? La réponse est non. C'est presque comme si on essayait de maintenir une zone d'eau douce au beau milieu du Pacifique. Les États-Unis sont tout prêts à reconnaître que les points chauds, ou névralgiques, sont politiquement utiles, mais, du point de vue biologique, n'empêchent nullement l'intoxication par le plomb. Pourquoi? Parce que ces points sont petits et que les oiseaux sont migrateurs, ne restent pas à un endroit donné.
Pourquoi n'avons-nous pas pris de mesures? J'espère que vous ne m'en voudrez pas si je rejette une certaine partie de la responsabilité sur un certain ministère. À mon avis, le Service canadien de la faune n'a pas su manifester fermement son leadeaship ni prendre d'initiative en agissant plus tôt sur ce problème de concert avec les provinces.
Je vais citer un extrait de tous ces documents que vous avez; au cours de sa comparution hier devant votre comité, M. Wendt a dit ce qui suit:
- Pour résoudre le problème de la contamination des oiseaux aquatiques par les cartouches à
grenailles de plomb, il faut rendre obligatoire l'utilisation de cartouches non toxiques dans les
régions où l'on a constaté que le problème se pose avec acuité.
- Cette méthode doit être appliquée à beaucoup plus grande échelle que ce n'est le cas en 1993 si
on veut réduire le risque d'intoxication des oiseaux aquatiques par le plomb.
- Les paroles de M. Wendt sont de toute évidence restées sans écho.
Là encore, je pense que nous connaissons le problème, et il faut que les fonctionnaires, et non pas les membres élus du gouvernement, soient prêts à agir.
Hier, nous avons entendu M. Wendt signaler que le PNAGS, le Plan nord-américain de gestion de la sauvagine, constituait une initiative importante. Il représente beaucoup d'argent, environ 100 millions de dollars par an, que l'on consacre à la réhabilitation des terres humides pour les oiseaux aquatiques.
Il est paradoxal que 80 p. 100 de cet argent soient consacrés aux provinces des Prairies, où l'intoxication par le plomb n'est pas censée être particulièrement grave. Je vous dirais qu'il est ridicule de dépenser tant d'argent chaque années pour réhabiliter et acquérir des terres humides si l'on continue à les polluer avec du plomb. C'est illogique. Ce qu'il faudrait faire, c'est les acheter et les protéger.
Sur la base de quelles autres lois canadiennes pouvons-nous prendre des mesures? Toutes les provinces ont des dispositions législatives suffisantes pour leur permettre d'interdire les plombs de pêche aussi bien que les cartouches de plomb.
Au niveau fédéral, nous avons la Loi sur les parcs nationaux, qui peut réglementer l'utilisation des plombs de pêche dans les parcs nationaux, ainsi que, bien entendu, la LCPE - dans sa version amendée, j'espère - qui nous autorise à réglementer la production, l'importation, la vente et peut-être l'utilisation de la chevrotine et des plombs de pêche.
Sur le plan international, il existe d'importants précédents. En 1993, les Pays-Bas ont interdit totalement l'utilisation du plomb, comme l'avait fait auparavant le Danemark. Ce n'était pas s'en prendre spécialement aux pêcheurs et aux chasseurs, mais parce que c'est conforme à un objectif de retrait du plomb toxique de l'ensemble de l'environnement.
Toute mesure destinée à supprimer l'utilisation du plomb est entièrement conforme à la Convention sur la biodiversité. La Convention de Bonn, un texte législatif européen important protégeant les oiseaux dans l'ensemble de l'Europe et de l'Afrique du Nord, exige l'interdiction de l'utilisation du plomb dans les armes en Europe avant la fin de cette décennie.
L'OCDE a tenu une conférence à Toronto l'année dernière et recommande plus particulièrment que l'Union européenne et les États-Unis - et pas le Canada, soit dit en passant - agissent au niveau du conseil de l'OCDE pour mettre un terme à l'utilisation des produits contenant du plomb qui menacent la salubrité de l'environnement.
N'oublions pas la Convention des Nations Unies sur l'environnement et le développement, surtout son principe 15, qui porte sur les mesures de précaution. C'est en fait celui sur lequel s'appuie votre comité. Il y a également le principe 16, selon lequel le pollueur doit être le payeur.
En Amérique du Nord, nous pouvons prendre en considération l'ALÉNA et son texte complémentaire, l'Accord nord-américain de coopération dans le domaine de l'environnement, qui aurait d'ailleurs pu aussi bien être écrit spécialement pour le plomb, puisqu'il parle de la totalité du cycle de vie des produits. Il mentionne aussi la pollution transfrontalière ainsi que la protection des espèces et de leurs habitats.
Les mesures législatives sont là. Il nous faut agir.
J'ai une dernière chose à dire. S'il semble que nous devions nous engager dans de laborieux pourparlers avec les provinces avant de pouvoir agir au niveau fédéral, je vous rappellerais la chose suivante. Dans son dernier budget, le ministre des Finances, M. Martin, a abrogé l'entente du Nid-de-Corbeau. Cela a de bien plus grandes répercussions sur l'économie, le monde agricole et la population canadienne que tout ce qui peut toucher l'utilisation de chevrotine ou de plombs de pêche non toxiques. Le comité pourrait utiliser cela comme un précédent pour recommander que soient prises des mesures fermes et immédiates à ce sujet. Merci.
Le président: Comme vous pouvez l'entendre, nous allons devoir voter dans quelques minutes. Nous nous réunirons ici à nouveau immédiatement après le vote, sans doute aux environs de 17h45, pour que nous puissions avoir une bonne série de questions jusqu'à la fin de cette discussion. Nous aurons ensuite une pause d'une heure vers 18h30 pour le repas, et nous nous réunirons à nouveau à 19h30. Merci beaucoup.
La séance est temporairement levée.
PAUSE
[Français]
Le président: Le forum reprend son travail. Nous aurons un tour de questions de cinq minutes chacun et nous pourrons peut-être en faire un deuxième si tous les députés veulent collaborer.
Madame Guay.
Mme Guay (Laurentides): J'ai essayé de prendre quelques notes. Monsieur Slater, vous nous avez mentionné tantôt qu'il n'y avait pas vraiment de loi pour la faune, mais plutôt quatre grandes mesures législatives et qu'il fallait éventuellement faire une loi au niveau fédéral. J'aimerais savoir où sont ces grandes mesures législatives et si elles sont appliquées. Est-ce que c'est au ministère de l'Environnement? Comment est-ce que cela fonctionne présentement? J'aimerais avoir une réponse brève pour que je puisse poser d'autres questions.
[Traduction]
M. Slater: Il y a quatre lois fédérales qui concernent la protection des espèces menacées, mais aucune n'a spécifiquement ou exclusivement pour objet de protéger ces espèces. De la même façon, comme l'a dit M. Elgie, il y a quatre provinces, dont deux, selon nous, ont une loi exemplaire, et deux ne s'en tirent pas trop mal, alors que les autres n'ont pris que des dispositions relativement limitées.
À l'heure actuelle, les choses se font surtout en collaboration à partir des observations du CSEMDC, qui fournit la liste. Ensuite, on met au point des plans facultatifs de rétablissement ou de renouvellement pour rétablir ces espèces dans le milieu naturel.
[Français]
Mme Guay: Monsieur Shank, vous nous avez parlé des problèmes inhérents à la confection des listes des espèces en danger ou qu'on doit protéger. N'a-t-on pas déjà, dans les provinces, une liste déjà préparée qu'on pourrait utiliser comme base et perfectionner pour épargner de l'argent? On sait qu'on n'a pas beaucoup de fonds à investir. On coupe un tiers des fonds au ministère de l'Environnement. Que peut-on faire pour que cela se fasse rapidement? Vous nous avez dit qu'on devrait avoir un rapport après le 31 mai 1995 afin qu'on puisse faire cette loi le plus rapidement possible. Il faut bouger vite.
[Traduction]
M. Shank: Pour autant que je sache, il y a quatre provinces qui ont des listes des espèces menacées. Comme je l'ai dit, la liste du CSEMDC ne concerne que les espèces importantes à l'échelle nationale. Quant au rapport, le CSEMDC publie chaque année une remise à jour des espèces canadiennes menacées. C'est le principal rapport présenté au niveau national. Cela répond-il à votre question?
[Français]
Mme Guay: Oui, merci.
Monsieur Elgie, j'aimerais vous poser une question sur le fonctionnement aux États-Unis. Vous en avez parlé, mais vous n'avez pas beaucoup élaboré. Je sais que les États fonctionnent avec l'EPA. Comment fonctionnent-ils exactement? Y a-t-il des espèces qui sont sauvegardées dans certains États où on applique l'EPA? Comment les choses fonctionnent-elles aux États-Unis comparativement à ce qui se passe ici, au Canada?
[Traduction]
M. Elgie: Il y aurait beaucoup à dire en réponse à cette question, mais je vais répondre brièvement et remettre au comité un document de trois pages que j'ai rédigé et qui répond partiellement à cette question.
La loi américaine contient nombre des éléments que nous recommandons. Les Américains procèdent d'une façon très simple. Ils dressent une liste des espèces menacées ou en péril. Ils en identifient l'habitat. Ils empêchent les gens de tuer directement les espèces concernées. Dans la plupart des cas, ils préviennent également toute activité risquant de nuire à l'habitat. Enfin, ils exigent des plans de rétablissement.
C'est une description un peu trop simplifiée, mais il s'agit là des éléments principaux. Ces activités relèvent de l'équivalent du Service canadien de la faune: le U.S. Fish and Wildlife Service.
La première différence c'est que les États-Unis ont une loi fédérale relative aux espèces en péril alors que nous n'en avons pas. L'historique de cette loi est à vrai dire intéressant, et je vais vous le retracer brièvement. Pendant la plus grosse partie des années 50 et 60, la protection des espèces en péril était du ressort des États pour la même raison qu'ici, c'est-à-dire l'impression que c'était quelque chose qui ne relevait pas traditionnellement du gouvernement fédéral. Les mêmes problèmes se sont alors posés que chez nous, c'est-à-dire la continuation de la diminution du nombre de représentants de ces espèces. C'est ainsi que, en 1973, le gouvernement fédéral a pris la décision inhabituelle d'intervenir dans ce domaine et d'adopter une loi fédérale sur les espèces en péril, très énergique.
Je vous laisserai peut-être le document qui décrit certaines des mesures efficaces prévues. Le principal résultat en est que, dans ce pays, comme je le dis dans mon exposé, ils ont réussi à axer cette loi sur les mesures à prendre pour que les projets de développement ne mettent pas en danger les espèces figurant sur une liste.
Ils ont constaté que plus de 99,9 p. 100 des projets présentant de tels risques pouvaient être réglés grâce à ce processus d'examen préablable. C'est une idée très efficace. On entend seulement parler des quelques rares cas que l'on ne peut pas résoudre.
M. Adams: Messieurs, j'ai vraimment apprécié vos exposés. Je ferai une comparaison entre ce que nous faisons ici et une situation que vous connaissez tous, la révolution de l'hygiène publique qui s'est produite il n'y a pas si longtemps; cela fait peut-être 150 ou 200 ans. C'est à ce moment-là que quelqu'un a démontré scientifiquement l'existence d'un lien entre la saleté et la maladie et entre la propreté et la santé.
Je suis sûr que la question a été débattue. Je suis sûr que des gens ont pensé que la saleté était bonne pour la santé, etc. M. Thomas, qui est ici aujourd'hui, en est un exemple. Les savants ont acquis la conviction qu'il y avait un rapport entre la saleté et la maladie. Puis des groupes de gens ont mis au point des façons de répondre à ce problème. Cela correspond aux questions que la plupart d'entre vous ont abordées, et en fait même M. Thomas dans une certaine mesure. Cela inclut notamment la façon de travailler dans un hôpital ou dans une cuisine, et de construire des égouts ou de lancer des programmes de sensibilisation afin que les gens améliorent leur hygiène personnelle. Voilà le genre de choses que vous abordez.
Il y a eu ensuite la question de créer une volonté politique. Les choses ne se sont pas nécessairement passées dans cet ordre. Il y a des mesures législatives avec des lois, des pénalités et des récompenses pour le maintien de la propreté, des pénalités contre la saleté, etc.
Soit dit en passant, la volonté politique implique que l'on dépense des sommes importantes. Ne serait-ce que, par exemple, pour les égouts. Mais l'essentiel, c'était ensuite de convaincre les hommes et les femmes qu'ils étaient en danger. C'est ainsi qu'aujourd'hui, dans nos instants les plus intimes, nous avons des gestes inconnus avant cette révolution.
Je pense - j'ai parlé des premiers éléments, et M. Elgie s'occupe de l'aspect législatif - que ce sont les derniers éléments qui nous font défaut. Vous avez dit, monsieur Elgie, que les espèces en péril constituent un indicateur de la situation du reste de la faune. Ici-même, nous considérons la faune comme un indicateur de l'ensemble du système, qui comporte d'ailleurs une autre espèce en péril, non mentionnée sur la liste, la nôtre.
Pour en revenir à cette question, je vous dirai que tant que nous ne serons pas convaincus dans nos activités privées - pas quand nous adoptons un comportement conscient, que nous faisons du recyclage, etc. - que nous sommes en péril, et que notre espèce est peut-être la catégorie la plus élevée devant figurer sur cette liste, nous ne ferons aucun progrès.
Avez-vous des idées à ce sujet? Vous avez dit, je crois, monsieur Shank, que certains se servent des espèces en péril de toutes sortes de façons différentes, par exemple pour faire des levées de fonds ou des choses comme ça. Mais ils ne font souvent pas le lien avec leur propre situation et avec le fait que notre espèce est en péril sur cette planète. Quelqu'un parmi vous souhaiterait-il dire ce qu'il en pense?
M. Elgie: Je vais essayer. Vous parlez des problèmes que posent l'éducation et la sensibilisation, de toute évidence. À bien des égards, les gens ont du mal à comprendre le rapport qui existe entre eux-mêmes et la santé des écosystèmes parce que, dans notre société, nous avons pris nos distances avec la nature. Comment rétablir ce lien entre elle et nous constitue un énorme problème.
Néanmoins, dans une certaine mesure, l'existence d'espèces en péril est utile, parce que les gens comprennent ce qui se passe. Cela suscite une réaction chez bien des gens, ce qui représente déjà une première étape de la sensibilisation.
On peut utiliser certains chiffres précis pour aider les gens à se rendre compte de l'importance du problème. Prenons par exemple les médicaments. Près de la moitié de ceux qui sont prescrits au Canada viennent de sources naturelles. Mario Lemieux serait probablement mort de leucémie l'année dernière sans la pervenche de Madagascar, sur laquelle est basé son traitement. L'aspirine que nous prenons tous vient d'une espèce végétale. Le taxol, que l'on utilise contre le cancer, vient de l'if occidental de la Colombie-Britannique.
On peut donc certainement parler des avantages directs que la protection des espèces naturelles a pour nous, mais le plus difficile, c'est de nous rendre compte de la mesure de notre dépendance par rapport au milieu vital de la planète elle-même. On ne peut pas vraiment faire autrement qu'enseigner cela dans les écoles et éduquer la population.
M. Adams: Ce n'est pas l'amour de la propreté qui a convaincu tout le monde lors de cette autre révolution, mais la peur de la maladie et de la mort. C'est cela qui a été déterminant.
M. Slater: Si vous croyez dans le développement durable, vous devez accepter l'idée que nous sommes convaincus, en tant qu'espèce, que nous sommes assez intelligents pour être capables d'aimer la propreté ou pour modifier constamment la façon dont nous faisons certaines choses afin de réduire les conséquences que notre existence sur cette planète a pour l'environnement.
En fait, au niveau mondial, avec une population qui atteindra 12 milliards d'ici le milieu du prochain siècle et une activité économique pouvant atteindre une valeur comprise entre 120 et 150 billions de dollars, cette augmentation brutale de la population et cette augmentation encore plus importante et plus rapide de l'économie pourraient en fait avoir des répercussions moins grandes sur la nature que celles que nous avons actuellement. L'idée, c'est que nous sommes assez intelligents pour décider de modifier notre comportement plutôt que de réagir face à une catastrophe comme des reptiles, ce qui est une autre façon de se comporter.
M. Adams: Je suppose que le problème ne se pose pas au plan intellectuel. J'ai essayé de vous ébranler un peu. Bien sûr, le monde sera ébranlé si nous continuons de consommer au même rythme qu'aujourd'hui quand la population atteindra 12 milliards d'individus. Mais il sera alors trop tard.
M. DeVillers (Simcoe-Nord): Ma première question s'adresse à M. Slater et porte sur les coupures budgétaires annoncées à Environnement Canada. Je sais que le comité va étudier les prévisions budgétaires, mais en ce qui concerne le présent forum, j'aimerais savoir s'il y a des renseignements au sujet des répercussions que ces coupures auront sur le Service canadien de la faune.
M. Slater: Monsieur le président, je n'ai pas les chiffres précis devant moi, mais je serais ravi de les fournir au comité et de parler de cela lorsque nous examinerons les prévisions budgétaires.
Le budget du Service canadien de la faune sera diminué d'environ 25 p. 100 pour l'ensemble du pays, mais le ministre nous a demandé, dans ce cadre général, d'augmenter en fait progressivement les dépenses que nous consacrons à la protection des espèces en péril. Les réductions ne s'appliquent pas de façon générale; elles sont sélectives et doivent s'accompagner de l'établissement de priorités nouvelles.
M. DeVillers: Oui; je m'intéresse plus aux services qu'aux chiffres.
M. Slater: La réduction des services?
M. DeVillers: Oui, le cas échéant, et quelles en seraient les répercussions.
M. Slater: Oui, l'ensemble de l'organisation sera touché. Comme je l'ai dit, nous essayons de faire face au difficile problème de distinguer ce qui est important de ce qui l'est moins.
Il y aura des réductions dans tous les secteurs, notamment en ce qui concerne l'activité scientifique et nos relations avec les universités. Pour ce qui est de l'initiative sur les espèces en péril, nous avons des pourparlers, qui iront sans doute très loin, avec les provinces quant à la répartition de nos rôles respectifs. Il s'agit d'essayer de protéger globalement les intérêts de la population canadienne même si certains aménagements doivent invervenir dans ce contexte entre le gouvernement fédéral et les provinces.
M. DeVillers: Ma deuxième question s'adresse à M. Elgie. Il recommande, je crois, notamment un système permettant d'identifier dès que possible les espèces potentiellement menacées. Je me demande si nous sommes actuellement capables de le faire. Dans quelle mesure les réductions affectant les services vont-elles se faire sentir dans ce domaine?
M. Elgie: Je vais répondre à la première partie de votre question: avons-nous les moyens nécessaires pour cela maintenant? Chris Shank est peut-être mieux à même de vous répondre que moi. Je pense que la façon dont le CSEMDC dresse actuellement la liste des espèces en péril est une très bonne façon d'identifier les premiers symptômes du déclin d'une espèce. Il y a une catégorie «vulnérable» qui correspond précisément à cela.
C'est là qu'il faudrait apporter des changements; il faut en tirer des conséquences. Il faut y voir ce que j'appellerais un feu jaune. La loi devrait y voir une incitation à la prudence, et certaines mesures de gestion devraient s'en inspirer.
Je ne sais pas si les réductions budgétaires auront des répercussions là-dessus. Il faudrait que je demande à quelqu'un pour pouvoir vous répondre.
Assurément, comme je l'ai dit, la protection des espèces en péril ne coûte pas très cher. Si l'on regarde la totalité des sommes qu'y consacrent l'Australie et les États-Unis, le chiffre est d'environ 35c. par habitant. Il n'y a donc pas à sacrifier son bas de laine pour protéger les espèces en péril.
Mme Kraft Sloan (York - Simcoe): Je veux tous vous remercier pour vos excellents exposés. Ils m'ont beaucoup appris.
Je suis, comme M. Adams, d'avis que, tant que nous ne nous serons pas rendu compte que l'humanité est une espèce en péril, nous ne ferons rien de véritablement important face à ce problème. Nous allons continuer à nous demander si une route est plus importante qu'une chouette tachetée.
J'ai deux questions assez précises à poser. La première porte sur le processus de consultation entourant la loi relative aux espèces en péril. J'ai vu le calendrier, avec les différents endroits où elle aura lieu.
Étant donné que ces audiences sont télévisées, je me demandais si vous pourriez faire savoir à la population canadienne, ainsi qu'à mes collègues et à moi-même, comment elle peut participer à ces consultations.
Deuxièmement, j'ai une question à propos des cartouches à grenaille de plomb, des plombs de pêche et autres utilisations du plomb. Je l'ai déjà posée aux témoins hier. On m'avait dit que des négociations menées avec les provinces avaient montré qu'elles ne pourraient vraisemblablement prendre aucune mesure importante concernant l'interdiction des cartouches à grenaille de plomb et des plombs de pêche avant l'an 2000. J'aimerais avoir plus de précisions à ce sujet. Je me demande pourquoi nous ne pouvons pas agir un peu plus vite.
M. Slater: Je répondrai d'abord à votre deuxième question. Pendant ce temps, quelqu'un pourra peut-être me donner la réponse à la première.
En ce qui concerne les cartouches à grenaille de plomb et les plombs de pêche, M. Thomas s'est montré très éloquent et très convaincant. Nous nous sommes récemment livrés à une activité importante en examinant l'ensemble des renseignements et preuves existant à ce sujet.
Il est clair, et on l'a souligné, que les décisions prises dans ce domaine l'ont toujours été en collaboration avec les gouvernements des provinces. C'est comme cela que nous agissons dans ce domaine.
Nous allons envoyer ce rapport aux provinces dans les jours qui viennent. La version finale en a été réalisée à cette fin. Il en sera question lors d'une réunion nationale sur la faune qui aura lieu au mois de juin et nous avons l'intention de demander qu'une décision soit prise rapidement quant à la façon de s'occuper de ce problème.
Comme l'a signalé M. Thomas, la Colombie-Britannique a pris des mesure pour interdire l'utilisation des cartouches à grenaille de plomb cette année. D'autres provinces montrent qu'elles sont prêtes à modifier leur attitude. Nous insisterons là-dessus lors de cette réunion du mois de juin.
Mme Kraft Sloan: Pourquoi m'a-t-on parlé de l'an 2000?
M. Slater: Je pense que c'est sans doute le plus «lent» dénominateur commun.
Mme Kraft Sloan: J'espère que les cygnes-trompettes de l'Ontario comprennent cela. Vous avez peut-être des informations au sujet de la première question.
M. Slater: Les gens qui veulent assister aux réunions qui auront lieu dans toutes les capitales de l'ensemble du pays, devraient contacter Lynda Maltby au numéro 819-953-4389. Vous pouvez également utiliser la Voie verte sur l'autoroute de l'information et correspondre avec Jim Foley en utilisant l'adresse FoleyJcpits1.am.doe.ca.
Mme Kraft Sloan: Je voudrais une précision supplémentaire. Si des citoyens ordinaires ou des membres de ma circonscription d'York-Simcoe veulent participer à ces consultations, ils doivent appeler Linda Maltby. Doivent-ils préparer un mémoire? Comment peuvent-ils participer plus activement à ce processus?
M. Slater: Pourquoi ne pas demander à Linda qui organise ces choses dans l'ensemble du pays de se joindre à nous?
Mme Lynda Maltby (chef, Conservation des espèces en danger de disparition, Service canadien de la faune, Environnement Canada): Je m'appelle Linda Maltby, je dirige la division de la Conservation des espèces en danger de disparition au Service canadien de la faune, d'Environnement Canada.
En gros, il s'agit de faire le bilan de la question des espèces en danger de disparition au cours des prochains mois.
Pour répondre à votre question, il y a différentes façons pour le public de se tenir au courant du processus général de consultation ou d'y participer. On peut trouver dans ce livre bleu les renseignements au sujet d'Internet, c'est-à-dire l'adresse que Bob vient tout juste de vous donner.
Il y aura des avis et des communiqués au moins une ou deux semaines à l'avance dans les différents journaux locaux des villes où se tiendront les ateliers. Les gens sont invités à contacter au moins les coordonnateurs de ces ateliers pour la ville qui les intéresse afin d'obtenir les renseignements nécessaires et le matériel qu'ils pourraient vouloir utiliser pour les ateliers eux-mêmes.
Les ateliers sont publics. Même si nous avons invité les groupes directement intéressés à y assister, il est prévu que le public pourra également y participer.
Il y a donc différentes possibilités. Les gens peuvent obtenir ce livre bleu et le lire. Ils trouveront des questions à la fin du livre et ils peuvent nous envoyer directement les réponses à l'adresse mentionnée. Je crois que cela permet de couvrir la plupart des aspects touchant la consultation publique.
M. Elgie: J'ajouterais que toute personne intéressée peut appeler la Canadian Endangered Species Coalition à laquelle on peut téléphoner gratuitement au numéro 1-800-267-4088. Il faut demander à parler à Francesca Binda.
Nous fournirons certainement des renseignements au sujet des audiences et de la façon dont on peut renforcer la législation pour protéger efficacement les espèces en danger de disparition au Canada.
Le président: Je voudrais transmettre aux agents du Service canadien de la faune présents dans cette salle le message suivant au sujet du problème troublant que posent les cartouches à grenaille de plomb et les plombs utilisés pour la pêche. Je voudrais les assurer qu'il n'existe aucune personnalité politique sensée qui s'opposerait actuellement à ce que l'on abandonne le plomb en faveur de produits non toxiques, compte tenu des informations fournies par des gens comme M. Thomas ou d'autres à propos de la toxicité des produits utilisés actuellement. Rien n'indique qu'il y ait la moindre opposition à un tel changement. Il me semble que c'est simplement la bureaucratie qui fait preuve d'une inertie caractérisée.
Certains d'entre nous ont écrit au ministre du Patrimoine canadien. On nous a répondu que des études supplémentaires sont nécessaires, mais que quelque chose pourrait peut-être se faire ou être mis en oeuvre en 1996, mais cela n'est pas clair du tout.
Il me semble que, sans un ferme leadership de la part des représentants du Service canadien de la faune, nous continuerons de parler de cette question jusqu'à l'an 2000, comme le montrent les conclusions dont nous a fait part hier, Mme Kraft Sloan. Rien ne justifie une telle lenteur. C'est vraiment quelque chose de troublant car on ne voit se manifester aucune espèce d'opposition politique à un changement de ce genre.
Dans deux ans, lorsque ce forum se tiendra à nouveau, nous espérons ne pas nous trouver dans une situation embarrassante en constatant, si nous nous penchons à nouveau sur cette question, qu'elle n'a pas encore été réglée. Nous espérons vraiment que vous utiliserez vos idées, votre énergie et votre compétence pour faire avancer les négociations assurément difficiles que vous menez avec les provinces, et nous vous demandons sincèrement de le faire.
Il a été annoncé il y a un mois - nous l'avons tous appris et nous avons applaudi la nouvelle - que la Colombie-Britannique avait bougé, en quelque sorte, manifestement. Pourquoi les autres provinces n'en font-elles pas autant? C'est extrêmement difficile à comprendre. Les preuves présentées aujourd'hui par M. Thomas sont stupéfiantes et troublantes. C'est profondément troublant à cause des conséquences à long terme que cela peut avoir sur la santé humaine. Comment savoir? Nous vous demandons donc de vous pencher là-dessus et d'essayer de faire avancer les choses une fois pour toutes.
[Français]
Mme Guay: Monsieur Slater, vous dites que vous négociez toujours vos ententes avec les provinces, mais on sait que dernièrement, certaines ententes d'harmonisation qui avaient été négociées n'ont pas fonctionné comme on le voulait. On était parti avec de grandes idées et on est revenu avec des mesures volontaires, entre autres pour les émanations de gaz à effet de serre. On a beaucoup de difficulté à conclure des ententes fonctionnelles avec les 10 provinces.
J'ai deux inquiétudes. Premièrement, comment va-t-on appliquer une loi sur la faune et la faire respecter par les 10 provinces et les territoires? Deuxièmement, d'où vont venir les fonds? On fait des coupures importantes au ministère de l'Environnement fédéral et on en fera également aux ministères de l'Environnement provinciaux. Certaines provinces, qui sont plus petites et moins bien équipées, ne voudront peut-être pas piger dans les poches de leurs contribuables pour protéger la faune. Je suis très consciente qu'il faut le faire, mais je reviens à la base. Comment applique-t-on cela sur le terrain, d'une façon fonctionnelle, pour éviter qu'on adopte une loi qui ne peut pas être appliquée parce qu'on ne s'entend pas avec les provinces et parce qu'on manque d'argent?
[Traduction]
M. Slater: Je peux vous dire un peu où nous en sommes maintenant par rapport à la situation au moment où la ministre a lancé l'initiative, en novembre, lorsqu'elle a rencontré les membres de la coalition dont M. Elgie est l'un des dirigeants.
En novembre, nous ne prévoyions pas que nous ferions autant de progrès de façon aussi contructive. Nous avons énormément progressé dans nos discussions avec les provinces et les Autochtones et, en fait, avec tous les groupes intéressés qui auront un rôle prépondérant à jouer à l'égard des espèces en danger de disparition.
De notre point de vue, en tant que gouvernement, les principaux groupes avec lesquels nous devons absolument nous entendre sont les gouvernements provinciaux et les administrations autochtones établies en vertu de règlements de revendications territoriales.
Au départ, nous projetions de tenir ces réunions de consultation publique un peu plus tôt que ce n'est maintenant prévu. Nous avons décidé de reporter cette activité parce que nous progressions avec nos collègues des provinces qui étaient en train de s'assurer le soutien populaire essentiel à cette initiative dans leurs domaines de compétence. Pour ces raisons, nous croyons que ce modeste délai était très important et à produit les résultats désirés.
Je demanderai à M. Elgie ce qu'il en pense, car il a peut-être, au sujet de nos progrès, un point de vue un peu différent du nôtre.
Pour ce qui est des niveaux de financement que peuvent assurer le gouvernement fédéral et les gouvernements des provinces afin d'atteindre les objectifs que nous partageons tous, comme le dit M. Elgie, il n'est pas nécessaire que cet ensemble d'initiatives soit très onéreux. Ce qui compte, à mes yeux, c'est de trouver de nouvelles façons de faire ce que nous faisons déjà, plutôt que de nécessairement mettre sur pied de nouvelles méthodes d'intervention. Ce qui compte surtout, en matière de développement, c'est d'apprendre à travailler d'une façon qui ne touche pas les espèces en danger de disparition plutôt que de faire quelque chose de tout à fait nouveau. Ce qui compte surtout, c'est de comprendre comment gérer nos forêts et nos terres agricoles dans cette optique.
M. Thomas: Madame Guay, je peux fournir quelques statistiques susceptibles de vous aider. Songez simplement aux fonds que les gouvernements consacrent chaque année en Amérique du Nord à la réhabilitation des oiseaux aquatiques et des terres humides. Depuis 15 ans, c'est environ 100 millions de dollars par année. Je sais que le gouvernement du Canada réserve à cela environ 10 millions de dollars annuellement. Et les espèces visées, pour l'instant, ne sont pas en danger de disparition. Ce sont les espèces qui sont exploitées par environ un tiers d'un million de chasseurs, tout au plus, au Canada.
J'aimerais dire que même si je conviens de l'utilité de consacrer des fonds aux terres humides, il faut modifier nos priorités. Si nous pouvons nous permettre de réserver des fonds fédéraux à la préservation d'espèces d'oiseaux aquatiques qui sont directement exploitées et ne sont d'aucune façon menacées, nous pourrions peut-être redistribuer une partie de ces sommes et en faire bénéficier des programmes touchant des espèces menacées ou en voie de disparition qui pourront ainsi être vraiment efficaces.
M. Elgie: Je me contenterai de dire brièvement que je suis d'accord avec M. Slater; des progrès raisonnables ont été réalisés pour ce qui est de la coopération fédérale-provinciale au cours des six derniers mois.
Je donnerais un B au processus de collaboration. Le contenu ne mérite sans doute, pour l'instant encore, qu'un D. Il est excellent que tout le monde se parle, et que tous reconnaissent la nécessité de produire une législation.
Le projet législatif à l'étude, pourtant - et je ne veux pas m'acharner - ne propose rien de plus que de donner aux gouvernements la capacité de protéger les espèces en danger de disparition. Il faut passer à l'étape suivante et s'engager véritablement à le faire.
Ceci dit, les progrès ont certainement été remarquables jusqu'à maintenant. À ce rythme, nous arriverons peut-être au but.
M. Adams: Comme vous le savez, nous n'avons plus beaucoup de temps. Mais je veux soulever quelques points qui sont essentiellement de nature administrative. Premièrement, vous avez parlé d'un livre bleu. Pour mémoire, s'agit-il du document intitulé Une approche nationale pour la conservation des espèces en péril au Canada - Document de travail.
Monsieur Elgie, je constate que l'avertissement contenu dans ce document que vous publiez est extrêmement vaste. Ne convient-il pas d'en mentionner le titre et de donner la référence et la source, ou un renseignement de ce genre? Pouvez-vous nous l'indiquer?
M. Elgie: La Canadian Endangered Species Coalition a publié un document intitulé Recommendations for Federal Endangered Species Legislation. Pour l'obtenir, il suffit de composer le 1-800-267-4088. Il s'agit d'un examen des lois relatives aux espèces en danger de disparition en Australie, aux États-Unis, et dans quatre provinces canadiennes, ainsi que des projets de loi émanant des députés, notamment, de M. Caccia. On tente, dans ce document, de combiner les éléments les plus valides et l'on recommande une approche préventive efficace pour la protection des espèces. Je crois que vous l'avez lu depuis que je vous l'ai remis, il y a une heure.
M. Adams: Je n'ai eu aucune difficulté.
Messieurs Thomas et Slater, il y a aujourd'hui dans le hansard une très brève déclaration appuyant ce que notre président a dit au sujet de la chevrotine et des plombs. J'espère que vous pourrez vous en servir, monsieur Slater.
À cet égard, je sais que le ministère a été très durement touché, comme tous les autres, par les compressions qui ont été imposées. Je le comprends parfaitement. Malgré nos discussions antérieures, je vous prie instamment de faire tout en votre pouvoir pour favoriser la recherche - et je ne le dis pas seulement pour les espèces en danger de disparition ou le Service canadien de la faune, mais peut-être plus particulièrement dans ces secteurs - notamment en ce qui concerne les moyens de contrôle, au sein du ministère.
Dans le domaine dont nous parlons, on néglige trop souvent, lorsque les temps sont durs - et ils risquent de l'être pendant quelques années encore - la surveillance vraiment perfectionnée. Il ne suffit pas de se rendre sur place et d'effectuer quelques mesures, il faut que des spécialistes qui ont entrepris leurs propres recherches assurent un contrôle. Je vous prie donc instamment, dans tous les secteurs du ministère, de favoriser la recherche.
Monsieur Shank, ma curiosité a été piquée. Je vois que les caribous Peary sont mentionnés ici, et je constate que cette espèce est maintenant considérée comme menacée. Je me demande ce qui s'est passé, puisqu'elle habite l'Extrême-Arctique. Les caribous de l'île Banks ne vivent pas si loin au nord, j'imagine, mais pourquoi une espèce comme celle-là serait-elle en danger?
M. Shank: La réponse est simple: nous l'ignorons. Nous pouvons songer à diverses causes, notamment au réchauffement de la planète, qui modifie le profil hygrométrique dans le Nord. Ce phénomène entraîne une plus grande formation de glace au début de l'automne. Parce que la température se tient autour du point de congélation, il se forme une couche de glace sur l'herbe. Pendant l'hiver, les animaux meurent de faim.
Il est malheureusement très difficile de vérifier cette hypothèse. C'est sans doute tout ce que nous pouvons dire pour l'instant.
M. Adams: Les espèces qui se trouvent dans des régions isolées et qui ne font pas l'objet d'une chasse intensive parce qu'il y a peu d'habitants dans ces régions sont menacées autant que celles qui se trouvent beaucoup plus près de nous.
M. Shank: Il n'y a vraiment aucun point du globe qui échappe aux conséquences de l'activité humaine.
M. DeVillers: Ma première question s'adresse à M. Thomas. Je crois que vous avez mentionné dans votre exposé que le Canada exporte bel et bien l'empoisonnement au plomb aux États-Unis, où la chevrotine et les plombs sont interdits. J'imagine que les réactions là-bas sont plutôt négatives. Pourriez-vous, d'après votre expérience et vos contacts, nous parler de cette réaction.
M. Thomas: Les fonctionaires et d'autres intéressés oeuvrant dans le domaine de la conservation et du nettoyage environnemental aux États-Unis ont exprimé une certaine impatience. Ils sont frustrés. En vertu de la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs, on s'attend à ce que les signataires suivent l'exemple de ceux qui adoptent des positions progressistes; alors, pourquoi le Canada ne peut-il imiter cette mesure claire et innovatrice qui a été prise aux États-Unis il y a quatre ans? Nous avons les mêmes oiseaux et les mêmes voies migratoires. Pour notre nation éclairée, la logique ne peut-elle franchir les frontières?
Je connais deux sénateurs américains qui éprouvent une certaine irritation, c'est le moins qu'on puisse dire, au sujet du Plan nord-américain de gestion de la sauvagine. Les fonds nécessaires à la réalisation de ce plan proviennent à 75 p. 100 des États-Unis et sont en grande partie dépensés au Canada. Le plan n'exige pas que les terres réhabilitées ou acquises dans le cadre du PNAGS soient, dès le début, déclarées régions sans plomb. On a dit que c'était ridicule. On créee un nouvel habitat et, parallèlement, on en nie la valeur pour les oiseaux que l'on cherche à protéger. On voit-là un manque flagrant de logique.
M. DeVillers: Merci. Ma deuxième question s'adresse à M. Elgie. Dans la recommandation 2(i), vous affirmez que la législation devrait prévoir une aide et des encouragements afin d'inciter les propriétaires fonciers du secteur privé à protéger les espèces menacées.
Pourriez-vous nous expliquer de quelle façon cela pourrait se faire? Parlez-vous d'incitations fiscales dans le cas des gains en capital s'appliquant au don de terres ou à leur leg par testament? Pensez-vous plutôt à quelque chose d'autres?
M. Elgie: C'est certainement une de nos suggestions. Je n'en ai pas fait mention dans le cadre de mon exposé, mais dans le mémoire, à partir de la page 60, l'on trouve des recommandations précises visant la protection des espèces en danger de disparition sur les terres privées. Je ne veux pas lire toutes les suggestions précises, mais nous proposons un certain nombre de méthodes.
Je dirai tout d'abord que la plupart des propriétaires fonciers du secteur privé sont très désireux de protéger les espèces en danger de disparition qui se trouvent sur leurs terres, lorsqu'ils ont été informés de leur présence. Certains jugent ce fardeau mal venu parce qu'il interdit d'autres utilisations, mais la vaste majorité des propriétaires, à mon avis, sont heureux d'agir.
Aux États-Unis, l'expérience a montré qu'il fallait utiliser la carotte plus que le bâton lorsqu'on a affaire à des propriétaires fonciers du secteur privé. Il ne faut pas mettre l'accent sur des mesures draconiennes, inflexibles, même si elles sont parfois nécessaires.
Je recommande plusieurs choses. Il faudrait notamment que les propriétaires fonciers qui veulent adopter des plans de conservation sur leurs terres, mais n'ont pas le temps ni les connaissances nécessaires, puissent faire appel au gouvernement. Il faut que du personnel soit affecté pour aider ces gens à élaborer des plans de conservation dans leurs secteurs, de préférence, pour un regroupement de propriétaires fonciers.
Les choses se passent ainsi de façon volontaire dans certaines régions du Canada. Il faut maintenant élargir ce type d'initiative.
Il faut diffuser de l'information. Les gens doivent comprendre pourquoi il importe de protéger les espèces qui se trouvent sur leurs terres et de quelle façon leur contribution se fait vraiment sentir. Certains peuvent même souhaiter en tirer des revenus, en ouvrant leur propriété aux amateurs d'observation d'oiseaux, par exemple. Dans de tels cas, il faut les encourager et leur permettre de mener ces activités.
Les mesures plus coercitives, toutefois, sont un peu comme les incitations fiscales. Dans le budget, on propose d'établir des ententes ou des servitudes en matière de conservation, ce qui serait un bon début. Ainsi, les gens qui réservent leurs terres, en tout ou en partie, à la conservation des habitats, pourraient bénéficier des avantages accordés aux organismes de charité. À mon avis, il faut offrir des avantages fiscaux aux personnes qui renoncent à utiliser une partie de leurs terres à des fins de production pour protéger l'habitat d'espèces en danger de disparition, et cela pourrait se faire au niveau des taxes foncières provinciales ou municipales ou de l'impôt fédéral sur les gains de capital. C'est une mesure que le gouvernement fédéral pourrait et devrait prendre.
Par le passé, comme le mentionnait M. Thomas, nous avons consacré des milliards de dollars à subventionner des activités qui entraînent la destruction d'habitats sur des terres privées. Nous avons versé de l'argent à des agriculteurs pour qu'ils cultivent des terres marginales qui constituent peut-être l'habitat de certaines espèces.
Pour une fraction de ces sommes, nous pouvons aider, dans une certaine mesure, les propriétaires fonciers qui offrent de cesser de produire sur une partie de leurs terres afin de conserver des habitats. Les avantages économiques sont bien supérieurs aux coûts. Les Canadiens consacrent plus de 8 milliards de dollars par année à des activités liées à la faune. Il serait logique de verser une infime partie de cette somme aux propriétaires de terres privées qui fournissent ce service public.
Mme Kraft Sloan: Pratiquement tous les témoins que nous avons entendus ont mentionné la nécessité d'éduquer les gens. Toutefois, il semble y avoir des idées bien ancrées et de très fortes résistances qui empêchent l'implantation d'idées neuves dans ce domaine. Si vous abordez de tels sujets dans certains milieux, on vous classe d'emblée comme un environnementaliste et on vous ignore.
Nous n'avons pas beaucoup de temps. C'était un peu le thème de nos discussions d'hier. Nous n'avons pas, non plus, beaucoup d'argent. Je vais demander aux membres du panel s'ils ont des idées sur la façon dont nous pourrions modifier le message et les médiums, et peut-être même la cible. Devons-nous cibler différemment notre message? De quelle façon pourrions-nous être plus efficaces pour communiquer certaines idées? Je sais qu'il n'y a pas de réponse toute faite à cette question. Il faut éduquer la population, bien sûr, mais de quelle façon pouvons-nous y arriver plus efficacement et plus rapidement?
M. Thomas: Je peux faire deux suggestions qui pourraient être mises en oeuvre presque immédiatement. Ainsi, le Service canadien de la faune a, ou du moins avait, une série de capsules documentaires intitulées La faune de l'arrière-pays qui donne quelques renseignements simples au sujet des oiseaux.
Je crois que nous pourrions modifier le message. Nous pourrions nous contenter d'énoncés simples, par exemple: ce type de munitions entraîne la mort d'oiseaux lorsqu'elles sont dispersées dans l'environnement, ce type de plomb, utilisé par les pêcheurs, est mortel pour les huards. Nous possédons les médiums; nous nous en sommes déjà servi. Il suffit de changer un peu le message.
Dans l'avion, en venant ici, j'ai feuilleté le magazine En Route et l'équivalent publié par Air Canada. C'est un vecteur parfait pour transmettre de l'information au sujet des espèces en danger de disparition. Il faut s'en servir de la même façon que les vignettes utilisées pour faire passer le message au sujet des stupéfiants, celles où l'on montre une cellule de prison sombre et crasseuse. C'est le type même d'auditoire captif, ce sont des gens qui cherchent quelque chose à lire. Faisons paraître une annonce pleine page ou double page dans En Route.
Nous avons aussi un autre type de message, au sujet de la grenaille et du matériel de pêche non toxiques. Nous avons le vecteur, mais nous ne l'avons pas utilisé de façon créative pour atteindre un but spécifique.
M. Shank: Je veux signaler que la puissance d'Internet n'a pas encore été vraiment appliquée au Canada aux programmes de conservation des espèces en danger de disparition. Le Service canadien de la faune pourrait très bien composer, pour le World Wide Web, une première page sur les espèces en danger de disparition, pour diffuser de l'information dans le monde entier au sujet de ce qui se passe au Canada à l'heure actuelle.
M. Elgie: Je crois que c'est vraiment une question fondamentale: Comment pouvons-nous, en les touchant au coeur, inciter les gens à se soucier de leurs relations avec la faune et avec la nature dans son ensemble, et à la comprendre?
Vous devriez presque faire appel à des éducateurs. Comme j'en ai connu beaucoup pendant ma jeunesse, je crois que j'ai appris un peu par osmose. À mon avis, il est évident que la plus grande partie de nos connaissances est acquise pendant notre jeunesse. Nous pourrions envisager plusieurs types d'intervention, notamment promouvoir ou rendre obligatoires les études environnementales pour les écoliers.
D'après mon expérience de l'enseignement au niveau universitaire, le cours où mes étudiants apprennent le plus pendant toute l'année est celui où ils sortent de la classe. Nous nous rendons dans un parc national ou dans une forêt. Plutôt que de simplement parler des lois, nous en parlons en faisant un lien avec l'endroit où nous nous trouvons. Mes étudiants comprennent alors toute l'importance de la question, et pas seulement sur le plan intellectuel.
Si notre société veut encourager ce que David Orr appelle la «culture écologique», nous devons lui accorder la même importance qu'autres autres cultures. En fait, l'ouvrage de David Orr, intitulé Ecological Literacy vaut la peine d'être lu. L'auteur y explique comment intégrer dans notre vie quotidienne notre relation avec la nature.
M. Slater: Mes enfants ont de la difficulté à comprendre cela. Ils ne peuvent s'imaginer participer à des décisions quelconques qui entraîneraient la destruction ou la disparition d'une espèce. Pour eux, c'est inconcevable.
Ils n'ont, par contre, aucune difficulté à comprendre ce que nous disions plus tôt, que la situation de ces espèces est comparable à celle du canari dans les mines. C'est un signal d'avertissement au sujet de ce que nous faisons à l'ensemble de la nature.
Le problème, j'imagine, consiste à traiter avec les intérêts bien établis qui contrôlent aujourd'hui les décisions, avec leurs systèmes de valeurs et l'éducation qu'ils ont reçue.
J'imagine que nous pourrions parler des aspects économiques de la question. Examiner la valeur totale de la nature plutôt que de la comptabiliser à rabais, comme c'est la pratique habituelle.
Le président: Cela nous amène à la conclusion. En vous écoutant tous quatre répondre à la question de Mme Kraft Sloan, je n'ai pu m'empêcher de songer qu'il y a environ 12 ans, dans ce pays, l'essence sans plomb était difficile à trouver et c'est de l'essence au plomb que voulait le consommateur. Les gouvernements, à l'époque, pensaient qu'il serait impossible de faire la transition. Et voyez ce qui s'est produit en finalement très peu de temps. Si nous l'avons fait pour l'essence, pourquoi ne pouvons-nous le faire pour d'autres produits qui touchent la faune?
Mais voilà que je commence à me répéter, alors nous allons nous arrêter ici et reprendre la séance à 19h30.
Nous vous remercions infiniment de votre participation à nos travaux de cet après-midi. Nous espérons, grâce à vos efforts et à vos bons conseils, être très prochainement en mesure d'examiner un projet de législation. Merci beaucoup.
La séance est levée.