[Enregistrement électronique]
Le mardi 28 novembre 1995
[Français]
Le président: Bon après-midi, mesdames et messieurs. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre colloque sur les obstacles fiscaux à l'adoption de pratiques environnementales saines.
[Traduction]
Nous avons siégé hier jusqu'à une heure tardive et ce matin, et nous nous réunissons de nouveau pour essayer de voir, ce qui est un objectif difficile à atteindre, comment mettre en oeuvre de manière efficace et substantielle les principes du développement durable dans des méthodes fiscales qui soient favorables à l'environnement. On a beaucoup écrit sur la question. Des déclarations ont été faites à l'occasion de forums internationaux et canadiens. Les intentions sont bonnes, mais nous savons bien de quoi on dit qu'il est pavé de bonnes intentions. Nous voudrions trouver le chemin qui nous mène à des résultats conséquents.
Cela veut dire que nous devons en savoir plus long avant de pouvoir agir, et, pour en savoir plus long, nous avons besoin des conseils de personnes qui ont de l'expérience et des connaissances en développement durable ou dans des secteurs où un choix politique évident peut se faire, pourvu que la volonté politique soit là, bien entendu.
Cet après-midi, nos invités sont clairement identifiés. J'invite donc celui d'entre vous qui est disposé à intervenir le premier à se présenter brièvement et à faire le sacrifice suprême d'un bref exposé, de moins de 10 minutes si possible. Si vous vous limitez, nous aurons le temps de poser des questions et d'avoir des échanges plus sérieux.
Qui se dévoue le premier? Monsieur Hartman, je vous en prie. Je vous souhaite tous la bienvenue.
M. John Hartman (directeur de forums sur le transport, Association canadienne du transport): Merci.
Je pense qu'il est très opportun que le comité s'intéresse au secteur des transports, car les transports viables sont un sujet d'une brûlante actualité en ce moment, au Canada.
Vous savez que la notion de développement durable est apparue il y a une vingtaine d'années, mais ce n'est qu'au cours des deux dernières années que nous avons commencé à élaborer des stratégies concrètes dans divers secteurs et dans les régions. Comme les transports revêtent une importance cruciale pour l'environnement, l'économie et la société, ils devaient, ce n'était qu'une question de temps, commencer à monter dans l'ordre de priorité de tout le monde.
Aujourd'hui, je voudrais vous parler des activités de l'Association canadienne du transport, et je conclurai par quelques réflexions personnelles sur ce que l'avenir nous réserve.
Lorsqu'on parle de transports viables, on songe souvent aux transports urbains avant tout. La plupart des gens vivent en milieu urbain, là où est consommée la majeure partie des ressources et d'où vient la majeure partie de la pollution. Huit Canadiens sur dix vivent en milieu urbain, et les questions de transport les concernent tous. À presque tous les égards, les transports urbains sont si importants que, par comparaison, les transports interurbains semblent bien peu de chose. Par exemple, toutes les lignes aériennes ont transporté 32 millions de voyageurs en 1993. La Toronto Transit Commission en a transporté à elle seule 400 millions.
C'est dans le domaine du transport urbain que notre association, l'ACT a fait le gros de son travail. Nous avons pris position publiquement sur la possibilité d'une taxe fédérale relative aux transports viables. Elle est exposée dans une lettre qui a été adressée en 1994 au ministre fédéral des Finances, et je crois savoir que le texte de cette lettre se trouve dans votre documentation.
Nous avons exhorté le ministre à modifier la Loi de l'impôt sur le revenu pour que les laissez-passer de transport fournis par l'employeur ne soient pas considérés comme des avantages imposables que les employés doivent déclarer. Nous avons soutenu que la loi actuelle ne donnait pas le bon message aux Canadiens. Elle décourage l'utilisation des transports en commun, alors qu'un plus grand recours à ce type de transport et une utilisation moindre de la voiture particulière nous fera avancer dans la voie du développement durable. Il en résulterait à la fois une amélioration de l'air, une réduction de la consommation d'énergie et un allégement de la pression sur les budgets municipaux de voirie.
Nous ne sommes pas les seuls à défendre cette position. La même proposition a été faite par la Fédération canadienne des municipalités et l'Association canadienne du transport urbain, et elle figure également à la page 15 du rapport de votre propre groupe de travail.
Il est plutôt inhabituel que l'ACT prenne ainsi publiquement position. En réalité, je crois que c'est la première fois, depuis cinq ans et demi que je suis là. Normalement, nous trouvons les solutions à l'intérieur de l'organisme grâce à nos tables rondes.
Nous nous sommes prononcés publiquement cette fois-ci pour deux raisons. La première est que quelqu'un qui n'appartient pas à la famille de l'ACT devait agir. La deuxième est que la proposition cadre parfaitement avec la politique de l'ACT exposée dans ce document, A New Vision for Urban Transportation, que, sauf erreur, vous avez également dans la documentation qui vous a été remise. Nous croyons qu'il s'agit d'un document très important. Il a été publié en 1993, et il est l'oeuvre de notre conseil du transport urbain, l'un des cinq conseils permanents que nous appuyons.
Nous demandons ici des changements importants par rapport à ce qui s'est fait par le passé en ce qui concerne l'utilisation des terres et la structure urbaine, le rôle de l'automobile privée par rapport à d'autres modes de transport et le financement du transport. Nous croyons que nous aurons ainsi des villes plus propres, plus concurrentielles sur le plan économique et plus agréables du point de vue social.
Notre stratégie consiste à faire partager cette conception par le plus grand nombre de personnes possible pour qu'un changement réel se fasse sentir à l'avenir dans l'utilisation des terres et les plans en matière de transport. Jusqu'à maintenant, nous ne nous débrouillons pas trop mal. Nous avons obtenu l'appui non seulement de l'ACT, mais aussi de la Fédération canadienne des municipalités et de l'Association canadienne du transport urbain, de l'Institute of Transportation Engineers, du collectif ontarien sur les changements climatiques et de diverses municipalités comme le Grand Vancouver, Regina, Hamilton - Wentworth, collectivité modèle du Canada pour Action 21, le Grand Toronto, les municipalités régionales de York et d'Ottawa-Carleton, et la liste continue de s'allonger.
Malheureusement, ce n'est pas une solution vraiment fidèle aux principes du développement durable, car elle repose encore sur l'utilisation de moteurs à combustion interne qui consomment des carburants fossiles. Elle marque toutefois un grand progrès dans cette voie, et bien des gens la considèrent comme la meilleure solution possible aujourd'hui et le meilleur point de départ pour toute discussion sur un réseau parfaitement viable du point de vue de l'environnement.
Je voudrais maintenant mettre de côté mon titre de représentant de l'ACT pour vous parler de mon expérience personnelle.
Je dois vous dire tout d'abord « vous l'aurez déjà deviné, sans doute» que je suis fermement convaincu que c'est dans les tranchées urbaines que sera gagnée ou perdue la guerre des transports viables. Si nous pouvons réussir là, nous pourrons réussir partout.
Par le passé, le gouvernement fédéral n'a pas joué dans le transport urbain un rôle important ou direct, si bien que mes réflexions doivent respecter certaines contraintes. Ce que nous remarquons, c'est que le grand défi des gouvernements, en ce moment, est de réduire les déficits et de contrôler leur endettement, ce qui est très important. Malheureusement, les paiements de transfert ont fondu, ce qui s'est répercuté, par effet de cascade, jusqu'au niveau des municipalités, qui sont au bout de la chaîne. Les budgets municipaux, y compris ceux du transport urbain, sont donc réduits, dans une proportion allant parfois jusqu'à 25 ou 30 p. 100 par année.
Il est regrettable que cela se produise en ce moment, car c'est maintenant que nous avons besoin d'injecter davantage de capitaux dans le transport urbain pour le rendre plus attrayant par rapport à l'automobile.
Dans les questions posées aux membres de ce groupe, l'uniformisation des règles du jeu a été abordée. En ce moment, il n'y a pas uniformité. Les règles favorisent l'automobile, et il y a plusieurs raisons qui l'expliquent.
Nos villes ont été conçues pour les voitures, qui ne seraient jamais devenues aussi populaires s'il n'y avait pas eu d'infrastructures routières financées par les deniers publics. C'est nous qui avons le prix le plus bas pour l'essence, derrière les Américains. Les banlieues à faible densité sont subventionnées par les centres urbains. La plupart des règlements municipaux défavorisent le développement à usage mixte et à densité élevée. Et la liste continue.
Il faut selon nous que les règles du jeu favorisent moins la voiture à occupant unique et davantage la marche, la bicyclette, le transport en commun et le covoiturage. C'est ce que l'ACT propose.
L'imposition des laissez-passer des transports en commun est abordée dans le rapport de votre groupe de travail. J'appuie sa position, et l'ACT aussi.
Augmentation des taxes sur l'essence: je préfère la carotte au bâton. Les taxes sur les hydrocarbures et sur les produits causant le smog sont des moyens relativement brutaux qui, à dire vrai, ne me semblent pas très efficaces.
Toutefois, il faut être conscient que l'opinion canadienne est de plus en plus favorable au principe du paiement par l'usager, pourvu qu'il s'accompagne d'un quelconque principe d'économie par l'usager. Je suis donc porté à appuyer ce qui est proposé dans le rapport du groupe de travail, pourvu que toutes ces nouvelles recettes soient affectées, par disposition législative, aux améliorations du réseau de transport pour le rendre plus conforme aux principes du développement durable. Le conseil du transport urbain de l'ACT appuie probablement lui aussi cette proposition.
Quelques brèves réflexions sur l'avenir: que faut-il faire maintenant? Le Canada doit prendre sans tarder quelques mesures importantes. Tout d'abord, nous devons nous donner une conception des transports viables. Personne n'a encore rien proposé en ce sens. Si nous ne savons pas où nous allons, nous n'allons jamais y arriver. Parallèlement, il faut définir les transports viables dans un pays comme le nôtre; personne ne l'a encore fait non plus.
Il faut élaborer cette conception et cette définition en coopération, en faisant appel à un groupe représentatif des milieux du transport et du développement durable, c'est-à-dire avec les personnes qui devront subir les conséquences. Cette démarche exigera au moins une année de travail, et elle supposera beaucoup de négociation en cours de route.
Suivra une période de mise en marché et de promotion au cours de laquelle nous pourrons répandre la bonne nouvelle le plus loin et le plus rapidement possible pour faire adopter cette nouvelle conception, notamment aux échelons les plus élevés de la prise de décisions.
Une fois que nous saurons de quoi nous parlons et que la mobilisation sera amorcée, nous pourrons commencer à discuter de l'élaboration de stratégies et de mesures concrètes pour obtenir les résultats recherchés. Bien entendu, la démarche proposée s'inspire de l'expérience de l'ACT, qui a une optique urbaine.
Le parcours sera semé d'embûches. Trois obstacles me paraissent particulièrement importants. Le premier est celui de la perception du public. Nous devons la modifier, car, si nous voulons des transports viables, il faudra transformer notre mode de vie et nos comportements. Il nous faut des programmes de communication qui permettront de rejoindre le simple citoyen. Ces programmes n'existent pas encore, bien qu'Environnement Canada et Ottawa-Carleton soient en train de lancer des initiatives qui vont en ce sens.
Deuxièmement, il nous faut des indicateurs de rendement. Il nous faut de nouveaux moyens de mesurer la qualité de vie et la valeur de nos économies par rapport à l'environnement naturel. Le produit national brut est un échec total à cet égard. Il donne des indications trompeuses. Les nouveaux indicateurs doivent être significatifs, faciles à communiquer et dignes de foi, si nous voulons qu'ils soient utiles.
Troisièmement, un élément très important dans le secteur des transports est ce que nous appelons la comptabilisation du coût total. Tout le monde doit comprendre clairement le coût total véritable et les avantages des réseaux de transport actuels et des options proposées. Les systèmes de comptabilité et analyses de rentabilité classiques ne tiennent pas compte de tous les coûts.
Rien ne se fera du jour au lendemain. Si nous tenons vraiment à avoir des transports viables, nous devons admettre que la tâche sera longue.
Je crois que les transports viables au Canada méritent un centre permanent et en ont besoin si l'on veut assurer la permanence et des efforts soutenus. Ce centre devra être un lieu vraiment neutre pour qu'il soit possible de concilier les objectifs très différents qui lui seront présentés par les divers niveaux de gouvernement, les transporteurs, les expéditeurs, les voyageurs, les syndicats et d'autres personnes. Le Centre du transport viable a été spécialement créé pour jouer un rôle comme celui-là, et c'est pourquoi je l'appuie. Je crois que votre documentation comprend une brochure sur cet organisme.
Selon moi, le défi le plus important pour les milieux canadiens des transports en ce moment est l'application des principes du développement durable. Il n'y a pas de raison que le Canada ne puisse pas relever ce défi et jouer du même coup un rôle de chef de file dans le monde. Ceux d'entre nous qui consacrent une grande partie de leur vie à cette tâche ressentent parfois de l'exaspération et ont du mal à garder confiance, mais veiller au bien-être de ceux qui viendront après nous est un objectif noble, et je pense qu'il vaut la peine de faire de notre mieux pour l'atteindre.
J'espère ne pas avoir dépassé les dix minutes, monsieur le président. Merci.
Le président: Merci, monsieur Hartman. J'espère que la recherche de la définition des transports viables ne vous empêche pas de dormir. Votre exposé est déjà très étoffé, et la définition est peut-être secondaire.
Un thème très simple pourrait peut-être servir à vos fins, car ce serait une politique permettant d'atteindre le développement durable. La politique de transport peut varier d'une région à l'autre et en fonction de la densité démographique, mais vous recherchez sans doute la définition la plus souple possible pour atteindre vos objectifs ultimes. Si la politique des transports s'harmonisait avec une politique globale de développement durable, nous serions en excellente posture.
M. Hartman: C'est exact, et c'est ce que nous visons.
Le président: Dans ce cas, je ne gaspillerais pas trop d'énergie à chercher une définition parce que, dans l'intervalle, nous perdons un temps précieux.
Qui prendra maintenant la parole?
M. Colin Isaacs (directeur, Temporary Information Analysis): Merci, monsieur le président. Je m'appelle Colin Isaacs et je suis consultant en stratégies de développement durable, principalement dans le secteur privé. J'ai également fait partie du groupe de travail sur les instruments économiques, et, sans doute parce que j'en étais membre, je suis d'accord sur toutes les recommandations formulées dans le rapport.
J'ai également fait partie du collectif ontarien sur les transports et les changements climatiques qui a remis son rapport la semaine dernière. Il s'intitule A Strategy for Sustainable Transportation in Ontario. Je sais que David Runnalls, un collègue de l'ancienne table ronde de l'Ontario, a expliqué à votre comité les travaux du groupe la semaine dernière, mais je voudrais aujourd'hui déposer officiellement le rapport du groupe.
Enfin, dans l'imposante pile de documents que je vous ai apportée aujourd'hui se trouve un document de travail que j'ai rédigé récemment pour le groupe de travail national sur le transport viable. J'en ai apporté des exemplaires pour les membres du comité.
Une fois cela dit sur mes antécédents, je tiens à insister sur le fait que mes observations d'aujourd'hui sont personnelles et n'engagent que moi. Toutefois, certaines des données auxquelles je me reporterai viennent de travaux que j'ai exécutés pour le collectif des transports. J'ai remis les volumineux documents de recherche de base au greffier pour faciliter les recherches du comité. Ces travaux ont été financés conjointement par les tables rondes ontarienne et nationale, ainsi que par d'autres commanditaires des secteurs gouvernemental et privé.
Je considère une activité comme viable lorsqu'elle est saine des points de vue économique, social et environnemental. Il ne fait aucun doute que le réseau canadien de transport ne répond à aucun de ces trois critères. Par exemple, on peut dire, à partir des données de l'Europe occidentale, que la congestion dans les transports représente au moins 2 p. 100 du PIB.
Cela fait ressortir l'une des absurdités du PIB comme instrument de mesure. Les dépenses en matière de transport, y compris celles qui sont occasionnées par la congestion, sont un facteur d'inefficacité économique et causent du tort à l'environnement, mais elles contribuent à accroître le PIB. Il faut de toute évidence résoudre ce problème, comme M. Hartman l'a dit. Il est aussi évident que notre société serait plus viable si nous dépensions moins pour les transports.
Le réseau canadien est aussi un échec sur le plan social, car il a de nombreux effets nocifs, allant de l'asthme au stress.
Plus important encore, peut-être, le réseau canadien de transport ne favorise pas le libre déplacement des personnes et n'aide pas les Canadiens à se connaître les uns les autres, dans ce beau pays qui est plutôt vaste.
Je souligne le mot «aide». Certes, les réseaux de transport permettent aux Canadiens de se déplacer au Canada, et c'est une première étape importante, mais il est clair qu'ils ne favorisent pas ces déplacements à l'intérieur du pays. Selon moi, pour être vraiment viable, le transport des passagers doit être considéré comme un avantage sur le plan social, et, à cet égard, nos systèmes sont également des échecs.
Fait intéressant, nos réseaux de transport des marchandises n'atteignent pas non plus les objectifs sociaux. Comme nos systèmes de transport des marchandises sont subventionnés par l'État et la société, qui assument les coûts des externalités, il est d'autant plus difficile aux collectivités d'implanter des industries locales qui répondent aux besoins locaux.
Nous devons en priorité supprimer les subventions et veiller à ce que les réseaux de transport assument intégralement le coût des externalités qui leur sont liées. Cela non seulement nous aidera à atteindre nos objectifs en matière environnementale, mais aidera aussi l'économie en permettant aux collectivités locales de faire porter leurs efforts sur des entreprises locales qui auraient une production à plus grande valeur ajoutée et auraient donc un plus grand potentiel de création d'emplois, car il ne serait plus rentable de transporter des produits de faible valeur.
Le plus important, pour les points que je veux faire ressortir aujourd'hui, c'est que les réseaux de transport sont un échec sur le plan environnemental. Je n'ai certainement pas besoin d'attirer votre attention sur la masse d'information qui soutient cette accusation. Les données de base montrent que les transports sont à l'origine de 32 p. 100 des émissions de gaz carbonique au Canada. Ces émissions donnent une idée assez juste de nombreux autres effets sur l'environnement, notamment en ce qui concerne la pollution atmosphérique. À l'intérieur du secteur des transports, la plus forte contribution, et de loin, est celle des véhicules routiers.
Que peut-on faire? Il y a tout d'abord des questions très générales que notre société doit se poser. Par exemple, sur le plan du développement durable, est-il souhaitable ou non de favoriser les voyages tant à l'intérieur du Canada qu'à l'étranger? À dire vrai, je suis porté pour ma part à penser que c'est un facteur positif. En d'autres termes, des échanges accrus « et donc une meilleure compréhension « entre les habitants des différentes provinces, de différents pays et continents peut favoriser la cause du développement durable.
J'ajouterais que la liberté de voyager, qu'elle favorise ou non le développement durable, est une question qu'il n'est guère possible de débattre. Les gens exigent le droit de se rendre où ils veulent et quand ils veulent, essentiellement, et ce droit n'est pas discutable. Le gouvernement doit donc le reconnaître, mais la liberté de voyager ne donne pas la liberté de détruire l'environnement de la planète. Les déplacements doivent se faire de manière à nuire le moins possible à l'environnement et à rapporter le maximum d'avantages sur le plan social, à causer le moins de tort possible au point de vue social et à coûter le moins cher possible à l'économie.
En Allemagne, par exemple, les fabricants d'automobiles Mercedes Benz, Porsche, Volkswagen et BMW ont signé un accord avec plusieurs États, s'engageant à produire d'ici à l'an 2000 des voitures qui consomment moins de quatre litres de carburant aux 100 kilomètres ou, pour ceux d'entre nous qui en sont restés aux anciennes mesures, qui font plus de 70 milles au gallon. Bien entendu, ces voitures devront également respecter les objectifs européens de recyclage à la fin de leur durée utile.
Dans moins de cinq ans, les fabricants canadiens offriront-ils des voitures qui consomment moins de quatre litres de carburant aux 100 kilomètres? Sinon, quelles voitures les Canadiens achèteront-ils? La conjugaison de la technologie et de l'économie peut donner des solutions. Si nous ne tenons pas compte des considérations environnementales, et si nous continuons à fabriquer et à utiliser des produits qui ne respectent pas l'environnement, nous ne serons plus concurrentiels sur le marché mondial.
Je voudrais laisser un deuxième message au comité: nous devons commencer à modifier nos habitudes en renonçant à la voiture particulière en faveur des transports en commun, lorsqu'il est possible d'offrir ces services. C'est sur ce plan que le gouvernement fédéral peut assurer un leadership nécessaire.
Le groupe de travail sur les instruments économiques a recommandé de soustraire à l'impôt les laissez-passer de transport en commun fournis par l'employeur. Le collectif ontarien a formulé la même recommandation. Ce n'est pas précisément une mesure phénoménale, mais c'est une première indication importante qui montre que les priorités du gouvernement se modifient pour encourager l'utilisation des transports en commun autant que possible. Pourquoi faut-il tellement de temps pour prendre ces mesures pourtant modestes?
Le gouvernement fédéral peut également donner l'exemple par ses politiques et ses propres pratiques, et grâce à des programmes existants, comme les immeubles sans danger pour l'environnement. Il peut favoriser les échanges, faciliter la transition qui s'impose et aider les Canadiens à évoluer avec le minimum de perturbations pour l'économie et la société.
Il est certain qu'il faut agir pour faire évoluer le Canada vers des réseaux de transports plus viables. La seule question est de savoir si nous allons nous mettre à l'oeuvre maintenant ou si nous attendrons que la crise environnementale soit beaucoup plus grave.
Mon troisième et dernier message, dans le peu de temps qui m'est laissé aujourd'hui, concerne les taxes sur les hydrocarbures. Je promets que, l'ayant dit une fois, je ne reviendrai pas sur la question, mais il ne fait absolument aucun doute qu'il est maintenant crucial de réglementer les émissions de gaz à effet de serre.
Le rapport de la table ronde ontarienne, signé par des représentants d'entités importantes comme General Motors et les Travailleurs canadiens de l'automobile, dit ceci:
- L'un des défis les plus importants de l'Ontario et du monde entier sur les plans économique et
environnemental est le contrôle des émissions de gaz carbonique et d'autres gaz à effet de serre
qui menacent de déstabiliser le climat et de réchauffer la planète.
Les Européens, et surtout les Danois, nous donnent l'exemple dans l'utilisation des instruments économiques pour réduire la consommation de combustibles fossiles. La fiscalité danoise de l'énergie qui vise à réduire les émissions de gaz carbonique et d'oxydes de soufre est sans incidence sur les recettes, prévoit le remboursement des taxes aux entreprises pour les utilisations essentielles d'énergie, et elle a été approuvée par la Commission européenne.
Nous sommes brillants, et nous pouvons y arriver aussi. Selon moi, il nous faut une taxe non pas sur les carburants, mais sur le gaspillage de carburant. C'est le gaspillage qui cause le plus de tort. Nous devons prévoir des mesures économiques de dissuasion sévères pour décourager l'utilisation de combustibles fossiles dans les loisirs, les activités sociales et pour les simples promenades.
J'ai bon espoir que le Canada pourra concevoir une taxe sur le gaspillage de carburant qui découragera résolument la consommation inutile de carburants fossiles tout en permettant les utilisations essentielles efficaces de l'énergie dans l'entreprise pour continuer de faire tourner l'économie canadienne.
Si toute l'énergie humaine mobilisée pour combattre la taxe sur les hydrocarbures avait plutôt servi à chercher d'autres solutions logiques sur le plan économique, je suis certain que le ministre des Finances serait maintenant saisi d'une proposition réaliste de taxe sur le gaspillage de carburant.
J'exhorte le comité à commencer, de façon tout à fait prioritaire, à élaborer un instrument économique propre à favoriser l'efficacité énergétique et à décourager fortement le gaspillage et d'autres pratiques nocives pour l'environnement dans le secteur des transports.
Le président: Merci, monsieur Isaacs. Monsieur Bell.
M. Dave Bell (sous-ministre adjoint, Revue, Transports Canada): Merci, monsieur le président. Je suis heureux de cette occasion de reprendre les échanges avec le comité sur les moyens que prend le ministère des Transports pour relever le défi de l'intégration des considérations environnementales dans sa prise de décisions sur les politiques et les programmes.
Dans toute la mesure du possible, je vais essayer de répondre aux questions du comité dans l'esprit de cette discussion entre experts. À la différence de mes collègues, je n'ai pas préparé de documentation. Ils ont présenté des documents détaillés dans divers domaines, et je ne voulais pas faire double emploi.
Si je comprends bien, le comité veut voir dans quelle mesure le gouvernement répond aux recommandations du groupe de travail sur les instruments économiques et les mesures dissuasives afin de faire adopter des pratiques écologiquement saines, notamment en ce qui concerne les effets positifs ou négatifs de la fiscalité fédérale sur le développement de transports viables. Je voudrais tout d'abord prendre un certain temps pour passer en revue le contexte dans lequel ces mesures spécifiques ont été prises.
Je signale pour commencer que les transports sont un secteur de demande dérivée. Cela veut dire que, même si ce secteur doit assumer ses responsabilités en matière environnementale, par exemple en ce qui concerne la réduction des émissions dans l'air ambiant, la latitude dont il dispose pour le faire est quelque peu limitée par la nécessité de répondre aux besoins des Canadiens en matière de transport des passagers et des marchandises. Notre stratégie de transport viable doit donc tenir compte des considérations économiques, sociales et environnementales. Colin a parlé avec beaucoup d'éloquence de ces trois aspects. Je ne reviendrai donc pas là-dessus.
Au niveau fédéral, nous travaillons dans un esprit de coopération afin de tenir compte de manière équilibrée de ces trois aspects dans nos décisions. Étant donné que d'autres pouvoirs publics doivent participer à l'élaboration de solutions, par exemple dans le secteur du transport urbain viable, il doit y avoir collaboration, à tous les niveaux de gouvernement, avec les usagers, les exploitants et le grand public.
John a parlé de toute cette question de l'indispensable collaboration. Comme je l'ai dit lorsque j'ai comparu devant votre comité en février, notre ministère tient à faire en sorte que ses décisions sur les politiques et les programmes non seulement satisfassent aux critères normaux de sécurité, d'efficience et de compétitivité dans les transports, mais tiennent compte aussi des défis que sont la réduction ou l'élimination de la pollution et la préservation des ressources. C'est ce que nous faisons. L'initiative nationale visant à réduire la pollution venant des véhicules et des carburants n'est qu'un exemple de ce que nous faisons pour combattre la pollution et économiser les ressources. Cette initiative est une condition préalable à la mise en place de moyens de transport plus viables et à l'intégration des facteurs environnementaux dans toutes nos décisions.
Il est parfois relativement simple de trouver le juste milieu. De toute évidence, le secteur des transports doit respecter les lois et règlements en matière environnementale pour protéger l'environnement, la santé et la sécurité de l'homme. Dans d'autres cas, la solution est beaucoup plus complexe.
Les réseaux de transport et la politique des transports du gouvernement ont évolué pour répondre aux besoins du public en matière de mobilité et donner à l'industrie les services intégrés et abordables dont elle a besoin dans le transport des marchandises. Certains services conçus pour répondre à ces besoins ne semblent pas viables. Le développement urbain à faible densité auquel on a assisté au Canada et à l'étranger a entravé la mise en place de transports en commun abordables et favorisé la dépendance à l'égard de l'automobile.
Comme vous le savez, environ 70 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports viennent de la circulation des voitures et des camions dans les zones urbaines. Je dois signaler que cela a entraîné des problèmes d'inefficacité dans les transports, ce dont Colin vous a entretenu; il y a des problèmes comme la congestion et des coûts sociaux qui sont peut-être plus élevés.
Le comité tient aussi à ce que les réseaux de transport des marchandises qui se sont mis en place et ceux dont les services et les taux sont un facteur clé pour assurer la compétitivité de l'industrie et le maintien des emplois « en permettant par exemple aux Canadiens de se procurer des légumes frais» soient viables, étant donné la prédominance du camionnage dans le transport interurbain. Ces questions préoccupantes se posent parce que, dans l'empressement à répondre aux besoins des Canadiens, on n'a pas défini de manière acceptable les conséquences environnementales des services de transport.
Nous devons trouver un nouvel équilibre, ce qui ne sera possible que par un engagement à long terme. En ce sens, je suis d'accord avec John pour dire qu'une démarche à long terme s'impose et qu'il n'y a pas de solution éclair.
Pour commencer, des choix éclairés doivent reposer sur une bonne compréhension, par le public, des conséquences environnementales des caractéristiques actuelles de l'activité économique et sociale, transports compris. Il importe également que le public saisisse la relation entre la demande de transport et les services que cela suppose, et soit conscient des coûts et des avantages de réseaux de transport plus viables. John a également traité de cette question de manière assez détaillée.
Nous avons progressé dans la compréhension des moyens de faire face aux conséquences environnementales du transport urbain. Il existe des villes, à l'étranger « Portland, en Oregon, par exemple» où une planification intégrée de l'utilisation des terres et des transports s'est traduite par un environnement urbain plus vivable, moins pollué et consommant moins de ressources.
L'acceptation du fait que le cadre urbain doit changer si l'on veut assurer le développement durable et avoir des transports plus viables est en quelque sorte une percée. Cela ne veut pas dire qu'il faut renoncer à prendre des mesures ayant un effet plus immédiat pour pallier l'impact environnemental du transport dans les villes.
J'ai parlé de l'initiative des carburants moins polluants. Entre autres choses, Transports Canada va atteindre son objectif national en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre de son propre parc automobile.
En outre, l'Association canadienne des transports et la Fédération canadienne des municipalités font la promotion des transports viables à l'échelle nationale. Nous avons entendu deux personnes en parler. Ainsi, la région du Grand Vancouver a adopté une vue d'ensemble et des mesures pour faire en sorte que soit plus viable la zone urbaine dans le sud-ouest de la Colombie-Britannique.
Ce qui est en cause, au fond, c'est de savoir s'il faudra ou non des mesures supplémentaires à l'échelle nationale et dans les zones urbaines, pour favoriser l'évolution des transports urbains viables. Transports Canada collabore avec d'autres ministères fédéraux pour faire en sorte que les transports contribuent à l'application du plan d'action fédéral relatif aux changements climatiques.
Le comité n'ignore pas les changements profonds qui s'opèrent dans le monde du transport dans le centre des villes, et il sait comment le gouvernement répond à la nécessité d'une réforme fondamentale. Nous avons un système concurrentiel, et les forces du marché, dans le cadre plus large de la nouvelle politique nationale des transports, concourent à la satisfaction des besoins du Canada.
Il y a des rajustements « et il y en aura d'autres» au fur et à mesure que le secteur des transports traverse cette période de bouleversements. Ces rajustements se feront en partie grâce à des mesures pour que les Canadiens paient intégralement le coût des services de transport qu'ils utilisent.
Le rythme de l'évolution vers la prise en compte de tous les coûts dans les transports, notamment par une réduction des subventions aux transports, ne permettra pas toujours d'atteindre tous les objectifs. Nous avons éliminé certaines subventions, notamment l'aide au transport du grain dans l'Ouest et au transport des marchandises dans l'Atlantique, mais, à terme, les coûts économiques ou sociaux pèseront plus lourd que les avantages sur le plan environnemental.
Il existe un obstacle encore plus fondamental: le fait que les coûts environnementaux commencent tout juste à être pris en compte dans l'établissement des prix, et ce, dans tous les secteurs de l'économie.
Le secteur des transports est en train de devenir plus viable. On peut faire beaucoup plus pour pousser cette évolution plus loin, mais il ne saurait devenir tout à fait viable tant que les autres secteurs de l'économie et le grand public n'auront pas modifié les caractéristiques de leur demande de services de transport. Colin et John y ont fait brièvement allusion en parlant de la perception du public. Le public doit comprendre.
Le ministère aborde ces questions en tenant compte de l'environnement ainsi que des coûts et avantages économiques et sociaux. Nous le faisons en partenariat à l'intérieur de l'administration publique et du secteur des transports. Vous devez savoir que nous sommes membres de l'ACT, l'association dont John fait partie.
En général, je dois dire que nous avons étudié et parfois mis en oeuvre les recommandations du groupe de travail et de nombreux autres promoteurs du transport viable. Par exemple, nous participons au collectif des changements climatiques dont Colin a parlé et à la table ronde de l'Ontario sur l'économie et l'environnement.
La protection et la bonne gestion de l'environnement ne sont pas des notions nouvelles pour le secteur des transports et notre ministère. Nous avons encore beaucoup à faire, mais nous avons déjà beaucoup fait sur les plans de la gestion de la conformité, de l'évaluation environnementale et de l'application de critères environnementaux dans les bureaux et les marchés de l'État.
Le développement durable, qui devrait être appuyé par l'évolution de transports plus viables, revêt toutefois un certain caractère de nouveauté. Nous attendons beaucoup d'une conférence de l'OCDE sur les transports viables qui aura lieu en mars pour progresser au plan international à cet égard. Je suis persuadé que les conseils de votre comité nous seront d'un précieux secours pour préparer notre contribution à cette conférence et soutenir l'évolution vers des transports viables.
En somme, nous prenons des mesures pour mettre en place un secteur des transports rentable: privatisation d'installations, suppression de subventions, diverses autres mesures. Nous croyons qu'il en résultera un meilleur équilibre entre l'offre et la demande de services de transport. Nous croyons aussi que cela permettra au public de faire des choix plus éclairés en matière de transport, grâce à une information plus complète sur les coûts.
Avec le temps, il sera tenu compte des questions environnementales dans l'établissement du prix des services de transport, lorsqu'une meilleure information sera disponible. Mais, pour produire cette information, John et Colin en ont parlé, diverses activités s'imposent au préalable. Il nous faut un cadre pour définir avec exactitude les problèmes et les coûts, des moyens de mesure et des indicateurs pour évaluer les coûts et enfin le moyen d'informer des consommateurs de ces coûts lorsqu'ils choisissent des moyens de transport.
Pour résumer, nous nous efforçons d'évoluer vers des transports viables. C'est un sentier aux embranchements nombreux, un cheminement qui emprunte de nombreuses artères, mais nous croyons que, en fin de compte, avec un effort concerté sur différents fronts, avec le temps et la collaboration des divers niveaux de gouvernement et du grand public, nous atteindrons nos objectifs.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Bell.
[Français]
Docteur Genest, vous avez la parole.
M. Bernard-André Genest (professeur, Département des sciences administratives, École des sciences de la gestion, Université du Québec à Montréal): Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés et membres du Comité, je vous présente immédiatement l'objectif et la portée de mon exposé.
À partir d'un exemple, celui du transport ferroviaire des voyageurs, je souhaiterais susciter une réflexion et peut-être quelques échanges sur les effets négatifs sur l'environnement non voulus et peut-être surprenants de certaines subventions au transport.
Je ne vous fais part ni d'une nouvelle recherche ni du point de vue d'un organisme, mais plutôt d'un point de vue personnel basé sur bientôt 30 ans d'expérience dans ce domaine, d'études approfondies et d'observations intéressées de ce qui est faisable ou non techniquement, économiquement et surtout politiquement.
Voici brièvement le plan de mon exposé: d'abord quelques mots sur le transport ferroviaire au Canada, sur les rêves et les réalités, ainsi que sur VIA Rail et son impossible mandat, ce qui ne sera pas une révélation; quelques mots aussi sur la grande vitesse ferroviaire dans le corridor, non pas pour relancer le débat, mais parce que c'est un exemple très éloquent pour la réflexion que je vous propose. Cette réflexion s'articulera autour du paradoxe entre les avantages environnementaux de ce projet et l'accueil peu enthousiaste qu'on lui a fait.
Le transport ferroviaire au Canada, rêves et réalités: Berton a dit: Chaque pays a ses pyramides; celles du Canada, c'est le Canadien Pacifique, la voie ferrée d'est en ouest. Il avait, ma foi, un peu raison.
Il est incontestable que le chemin de fer a développé l'Ouest canadien et fait le Canada que nous connaissons aujourd'hui.
Mais ce qu'on a observé aussi, c'est que cette industrie, comme ailleurs en Amérique du Nord, est devenue nonchalante et s'est spécialisée tardivement, s'adaptant mal aux changements de la société.
Dans le subconscient collectif, le transport ferroviaire au Canada se distingue par un amour inconsidéré, adolescent presque, du train, une vision surtout nostalgique du rail et, si vous me permettez une blague facile qui se dit plus facilement en anglais, old railway practice is a highly sustainable transportation system.
Un autre aspect du transport ferroviaire au Canada, c'est une prise de décision politique chargée d'émotivité et influencée par des réactions particulières, locales ou relevant d'intérêts économiques, sociaux ou autres.
C'est dans ce contexte qu'on a confié à VIA Rail un mandat impossible: assurer à la fois des services corridor, des services transcontinentaux est et ouest, des services régionaux et des services éloignés dans des villes qui ne sont pas desservies autrement que par chemin de fer.
Bien sûr, au cours des toutes dernières années, ceci a été largement rationalisé. Mais la rationalisation s'est faite trop tard. VIA Rail s'était fait une réputation de dépensière et l'avenir du transport ferroviaire était peut-être déjà compromis.
Je reviens à l'exemple que je vous cite pour susciter la réflexion, celui de la grande vitesse ferroviaire dans le corridor. Je vous fais grâce des qualités de ce mode de transport. Je pense que de nombreuses études les ont bien établies. J'insiste cependant sur les avantages environnementaux du rail, qui sont modestes avec la technologie actuellement en place, mais qui seraient considérables avec une grande vitesse ferroviaire électrifiée et moderne dans le corridor.
Alors, pourquoi un accueil aussi peu enthousiaste à un projet qui, au fond, présentait des avantages environnementaux considérables, dans un pays où tout le monde dit favoriser l'environnement et toutes sortes d'autres bonnes causes?
Je propose à votre réflexion les pistes suivantes. Il y a tout d'abord une mauvaise perception de ce qu'est le transport ferroviaire moderne, la contrepartie de notre amour inconsidéré du rail tel qu'il était dans notre enfance ou même avant, une perception défavorable de VIA Rail qui est due, en partie, au mandat impossible qu'on lui a confié. Mais je suggère aussi, et c'est peut-être ce qui peut intéresser davantage votre comité, que les services régionaux et éloignés se sont maintenus longtemps, très longtemps, peut-être trop longtemps, parce qu'ils bénéficiaient de subventions.
Je ne conteste pas le bien-fondé de ces subventions, mais j'attire votre attention sur le fait qu'elles ont eu des effets négatifs sur l'environnement.
Voilà la réflexion que je vous propose. Je pense que c'est, peut-être par la négative, une réponse à vos questions 3, 5 et 6 sur les panels sectoriels.
Je suis désolé de vous proposer une réponse par la négative, mais c'est ce que j'étais en mesure de faire compte tenu du temps qui m'était imparti. Je serai très heureux de répondre aux questions que les membres du comité pourraient avoir.
Je vous remercie de votre attention.
Le président: Merci, monsieur Genest. Nous allons commencer par Mme Guay, si vous le voulez bien.
Mme Guay (Laurentides): Lorsqu'il est question de sociétés ferroviaires, je peux toujours raconter l'histoire du petit train du Nord qui traversait naguère mon comté et dont la voie est aujourd'hui transformée en piste cyclable, la plus longue du Canada car elle fait 230 kilomètres de long.
On n'a pas vraiment développé au Québec, ni même au Canada, le transport ferroviaire. On a plutôt développé le transport automobile. C'était une question du temps qu'il fallait pour se rendre d'un endroit à un autre. Encore aujourd'hui, si on prend le train pour aller de Montréal à Ottawa, on met le même temps qu'en voiture. De nos jours, les gens sont toujours pressés, à la course et veulent se rendre d'un point A à un point B le plus rapidement possible. Il serait très difficile de changer cette mentalité. Il y a eu des tables rondes, des négociations et beaucoup de consultations à ce sujet. Il faudrait des années pour changer cette mentalité nord-américaine.
Je vais revenir au sujet de notre politique fiscale dont on parlait plus tôt. Hier, j'ai posé la même question à nos invités. J'aimerais savoir ce que vous pensez d'une taxe verte, comment on pourrait l'appliquer dans le domaine du transport, où on devrait l'appliquer et à quoi elle devrait servir. Si vous voulez me répondre, faites-le chacun à votre tour et rapidement, s'il vous plaît.
M. Genest: Madame la députée, mes distingués collègues ont émis beaucoup de réflexions sur le bien-fondé économique de certaines décisions. Je suis d'accord sur cela. Mais l'exemple que je viens de vous citer en est un où, malgré l'existence d'un consensus sur le bien-fondé économique de faire autre chose, on ne l'a quand même pas fait pour des considérations politiques. Je ne crois pas qu'une taxe verte ou quelque instrument économique que ce soit puisse à lui seul changer la situation. Ce qui a changé la situation dans certains pays, qui je crois nous dépassent du point de vue de la protection de l'environnement dans les transports, c'est avant tout le leadership politique. Les faits économiques sont là, mais les décisions à prendre sont extrêmement difficiles. Je pense que je viens d'adresser ce message aux bonnes personnes.
[Traduction]
M. Isaacs: Il existe un bon nombre de possibilités de taxes écologiques sur les sources d'énergie dans les transports. La difficulté, au Canada, c'est que rares sont les cas qui relèvent uniquement du gouvernement fédéral.
Presque toutes les principales possibilités, notamment certaines de celles qui sont signalées dans le rapport sur les transports en Ontario et un grand nombre de celles dont il est question dans le rapport du groupe de travail sur les instruments économiques, l'an dernier, mais non dans notre propre rapport, exigeraient au moins des consultations fédérales-provinciales et peut-être même un leadership assuré principalement par les gouvernements provinciaux.
Je crois toutefois que, si on veut opter pour cette orientation, il y a de nettes possibilités de taxes environnementales sur le gaspillage d'énergie dans les transports. Certains des modèles européens auxquels j'ai fait allusion et certains des travaux de l'OCDE et d'autres instances pourraient servir de point de départ.
La solution n'est pas toute prête pour la mise en oeuvre, mais ce ne serait pas un travail considérable que de préparer une proposition et de la soumettre aux divers intéressés, commeM. Hartman l'a proposé, pour assurer ce leadership. En fait, nous espérions que le collectif ontarien fasse quelque chose dans ce domaine. Malheureusement, notre mandat a pris fin en septembre et le temps a manqué pour poursuivre ce travail.
Je dois ajouter que je m'inquiète un peu de voir qu'on s'attarde tout d'abord aux instruments. Je préférerais qu'on définisse d'abord les problèmes pour ensuite trouver le meilleur moyen de les résoudre plutôt que de choisir un instrument, essentiellement une taxe écologique, et de chercher ensuite où on peut s'en servir.
Je suis généralement d'accord pour dire que la carotte est préférable au bâton. Si nous pouvions proposer des mesures incitatives au lieu d'imposer une taxe, ce serait une meilleure solution.
Je pense que la grande question, en ce moment, consiste à trouver les occasions d'agir. Elles peuvent être minimes au départ, mais commençons là où nous pouvons le faire, et mettons en place les mécanismes pour élaborer des stratégies et programmes de transport viable.
M. Bell: Comme M. Isaacs, je dirais que les taxes écologiques, qui visent souvent les transports routiers, sont un régime fédéral-provincial. Il n'y a pas un seul pouvoir public qui puisse agir seul. Cela occasionne de graves difficultés de mise en oeuvre, et il faut beaucoup de temps pour obtenir des résultats.
Comme vous le savez parfaitement, il existe à tout moment des régimes différents animés de principes politiques différents, si bien qu'il est difficile d'obtenir une certaine cohérence dans l'ensemble du pays. Comme M. Isaacs, je crois que nous devons répondre à diverses questions avant d'être sûrs que les instruments économiques sont la meilleure solution. Nous avons encore beaucoup à faire, selon moi, avant d'avoir cette assurance.
Il se fait du travail dans divers domaines, et je crois que nous devons appuyer ces efforts. Nous devons aussi tirer des enseignements de ce que font les autres, qui sont sans doute pas mal plus avancés que nous dans ces domaines. Colin a parlé de quelques exemples. Nous voulons participer à la conférence de l'OCDE en mars prochain et nous espérons que ces problèmes commenceront à se préciser pour que nous puissions voir la gamme des possibilités et comment nous pouvons nous y prendre.
Chose certaine, il est difficile, pour le gouvernement fédéral, d'imposer unilatéralement une taxe écologique. Mais je tiens à m'assurer que c'est la bonne solution au bon problème, au lieu de proposer une solution, quitte à chercher ensuite le problème correspondant. Une taxe peut souvent nuire, si elle est la bonne solution au mauvais problème.
Voilà mes réflexions.
M. Hartman: Sur quoi va porter la taxe? De quel montant sera-t-elle? À quoi serviront les recettes perçues? Il m'est difficile de commenter sans savoir à quoi m'en tenir là-dessus.
Comme je l'ai déjà dit, je m'oppose généralement à l'idée de taxes brutales. Il existe néanmoins un appui croissant pour des taxes supplémentaires, pourvu que les recettes servent exclusivement à l'amélioration du réseau de transport.
L'accueil serait certainement très bon dans presque toutes les municipalités canadiennes. En fait, l'administration régionale d'Ottawa-Carleton a approuvé « au niveau du comité et non du conseil» un programme prévoyant qu'on demande au gouvernement provincial de céder à la région une plus grande partie du produit des taxes sur l'essence et des frais d'immatriculation. Cet argent pourrait être réservé aux améliorations du réseau de transport dans Ottawa-Carleton. Selon moi, ce genre de taxe a une certaine logique.
Si le but visé est d'assommer l'automobiliste à coup de taxes pour qu'il se comporte en bon citoyen et laisse sa voiture à la maison, l'échec est certain.
Il y a environ 25 ans, j'ai été très frappé, lors d'une discussion avec les consommateurs, à Regina, au sujet du réseau de transport en commun de la ville. À l'époque, l'essence coûtait environ 50c. le gallon. Nous avons demandé aux participants de combien le prix de l'essence devrait augmenter pour que les automobilistes arrêtent d'utiliser leur voiture et empruntent les transports en commun. Ils ont répondu 4 $. Il aurait fallu faire passer le prix de l'essence de 50c. à 4 $ pour qu'on cesse d'utiliser la voiture. C'est pourquoi je ne pense pas que ces taxes soient très utiles comme moyen de modifier le comportement. Je pense toutefois qu'elles ont une certaine utilité s'il s'agit de percevoir de nouvelles recettes au niveau municipal et de les affecter au réseau de transport.
Le président: Merci, madame Guay. Monsieur Forseth.
M. Forseth (New Westminster - Burnaby): Merci beaucoup, messieurs. Je pense que c'est vous, monsieur Bell, qui avez mis sur le tapis la question du paiement de tous les coûts par l'usager. Quoi qu'il en soit, j'ai une double question, et n'importe lequel d'entre vous peut y répondre.
La première partie porte sur l'idée d'une comptabilisation de tous les coûts. Je voudrais que vous donniez des exemples, surtout pour l'automobile. J'entends certains de mes électeurs maugréer et dire que, à leur avis, si on tient compte des coûts dans le sud-ouest de la Colombie-Britannique ou ailleurs, les automobilistes paient de façon disproportionnée. Ils paient trop cher. Les taxes prélevées pour les routes ne servent pas aux travaux de voirie.
Je voudrais que vous convainquiez les auditeurs, entre autres, des résultats de vos observations. Décrivez-les et proposez une argumentation pour étayer votre opinion, soit que la voiture revient peut-être trop bon marché en ce moment et que l'automobiliste s'en tire à bon compte aux dépens de quelqu'un d'autre. Il faut situer dans son contexte cette question de la comptabilisation de tous les coûts.
L'autre élément du problème, ce sont les déplacements pour se rendre au travail dans les zones urbaines. Il était présent dans certains des exemples que nous avons donnés, et ce type de déplacement est celui qui représente le plus fort volume. C'est de cela, en tout cas, que se préoccupent surtout les municipalités aux prises avec des problèmes de congestion. L'infrastructure s'adapte en fait à ce problème des déplacements pour le travail.
De quel côté se situeraient les meilleurs compromis pour avoir un mode de transport viable, surtout pour les déplacements motivés par le travail, dans les grandes agglomérations urbaines au Canada?
Ma question comprend donc deux parties. Vous pourriez peut-être répondre le premier, monsieur Bell.
M. Bell: Je vais faire de mon mieux, mais je pense que mes collègues s'en tireront mieux que moi pour répondre à cette question.
Je suis certain que John répondra mieux que moi. À propos de la comptabilisation de tous les coûts de transport, notamment pour les déplacements urbains, vous voudriez sans doute savoir de quels coûts il faut tenir compte. Qu'est-ce qui compose en fait le coût total? Il faut prendre en considération non seulement des choses comme le coût de l'essence mais aussi le coût de production du véhicule et de l'essence. Il faut ensuite ajouter par exemple le tort causé à l'environnement, les coûts de la congestion, la perte de temps et d'autres éléments semblables. Au bout du compte, on compare les coûts aux avantages. Ceux-ci comprennent la liberté pour l'automobiliste de faire un déplacement supplémentaire en rentrant chez lui, de se retrouver seul, de choisir le trajet le plus court pour rentrer chez lui, de choisir l'heure à laquelle il peut venir au travail et rentrer chez lui.
En somme, dans la comptabilisation de l'ensemble des coûts, si on veut, il faut tenir compte de ces facteurs qui se présentent différemment aujourd'hui. Bien des gens disent que leurs déplacements ne leur coûtent que le prix de l'essence. Ou ils parlent du coût du stationnement, une fois en ville. Et celui qui emprunte les transports en commun dit souvent que le coût se résume au prix de son laissez-passer mensuel ou de son ticket.
Voilà quelques-uns des aspects qu'il ne faut pas perdre de vue lorsqu'on essaie de tenir compte de tous les coûts au lieu des seuls déboursés immédiats. Il y a une foule de coûts. Je n'en ai mentionné que quelques-uns.
Cela vous éclaire-t-il, monsieur Forseth?
M. Forseth: Ça va. Il faut maintenant établir le lien avec les déplacements pour le travail. Alors essayez de spéculer, d'explorer la question. Il y a certainement des gens qui ont réfléchi au problème. Que faut-il faire pour trouver la meilleure solution en ce qui concerne spécialement les déplacements pour le travail en milieu urbain? Comment faut-il évoluer pour avoir des transports viables?
M. Bell: J'aurais beaucoup de mal à répondre. Je n'ai pas beaucoup travaillé sur le transport urbain, car cela ne relève pas de notre responsabilité, monsieur Forseth. Si on me permet, je préfère laisser la parole à Colin, qui a travaillé dans le domaine, et à John. Ils ont probablement une vue beaucoup plus nette de la question.
M. Isaacs: Monsieur Bell a très bien expliqué les externalités liées à l'utilisation de la voiture et du camion. Je ne vais donc pas m'y attarder.
Le collectif ontarien a commandé beaucoup de recherches sur la comptabilisation de l'ensemble des coûts. J'ai remis ces nombreux documents au greffier au lieu de donner un exemplaire à chacun des membres du comité.
Il ne fait aucun doute que les gouvernements fédéral et provinciaux prélèvent plus de recettes auprès des automobilistes qu'ils ne dépensent d'argent pour les routes et les coûts directs liés au transport routier. Mais les municipalités reçoivent une infime partie de cet argent. L'infrastructure routière des municipalités, la plus importante par le nombre de kilomètres, est donc financée presque entièrement à partir des recettes fiscales des municipalités, à partir de leur propre assiette fiscale. Par conséquent, si on étudie les dépenses fédérales et provinciales, on a l'impression que les automobilistes se font avoir. En réalité, au niveau local, ils reçoivent une très importante subvention. Et ce ne sont là que les coûts directs. Il y a en plus, bien sûr, les coûts indirects considérables dontM. Bell a parlé.
Quant à savoir comment aborder la question au niveau urbain, les recherches du collectif ont montré que, malgré tout ce qu'on peut lire et entendre, les subventions aux services de transport municipal sont en fait plus faibles que les subventions à l'automobile dans les grands centres urbains. Cela donne à penser que, sur les plans économique et environnemental, il faut évoluer, là où c'est possible, de la voiture privée aux transports en commun. Ce serait à la fois plus économique et plus sain pour l'environnement.
De toute évidence, on ne peut pas se limiter aux réseaux et aux véhicules de transport en commun. Il faut intégrer cette démarche à une révision de notre planification urbaine. Si les villes continuent de s'étendre... Les réseaux de transport en commun deviennent très peu rentables lorsqu'ils servent des banlieues à faible densité.
M. Forseth: Proposez-vous donc que nous fassions comme à Hong Kong en construisant en hauteur plutôt qu'en laissant les villes s'étaler?
M. Isaacs: Pas du tout. Nous sommes loin de la densité observée à Hong Kong. Même les quartiers les plus denses de Toronto, de Montréal et d'autres villes plus anciennes restent bien en deçà des densités qu'on trouve dans une grande partie de l'Europe, dans des villes très agréables comme Paris.
Mais ce n'est pas une simple question de densité. Il s'agit de savoir où placer les installations, de voir les relations entre le foyer, les lieux de travail et les écoles, d'adopter une toute nouvelle optique dans notre manière de construire. Cela est en train de se produire parce qu'il y a de bonnes raisons économiques pour réaménager le centre des villes au lieu de les laisser se dégrader. On consacre beaucoup de temps et d'efforts à ce travail.
On s'efforce aussi, dans l'aménagement de nouvelles collectivités, de faire en sorte que les voitures deviennent à peu près inutiles dans la zone urbaine. La voiture serait louée ou laissée dans un garage en périphérie et servirait lorsqu'on veut quitter la zone urbaine.
M. Hartman: Lorsqu'on parle du coût des automobiles, il y a trois types de coûts en cause. Il y a ceux dont on est conscient et auxquels on pense tous les jours lorsqu'il faut prendre des décisions: essence, huile, etc. Il y a aussi le coût total de la voiture pour le consommateur, ce qui comprend notamment la dépréciation, l'entretien préventif et l'assurance.
Il y a ensuite le coût total de la voiture pour la société. C'est de ce coût qu'il est question lorsqu'on parle de la comptabilisation de tous les coûts. Cela comprend par exemple la pollution atmosphérique, le bruit, les coûts d'hospitalisation des accidentés de la route pour le régime de santé, le coût des services de police et tout le reste. Si je demandais à dix personnes d'estimer ces coûts, j'obtiendrais dix réponses différentes. Cela fait partie du problème, et c'est pourquoi les résultats de ces études sont discrédités et que personne ne les croit. Le fait demeure que toutes ces études et toutes ces recherches montrent constamment que le coût total, pour la société, est notablement supérieur au coût total pour le consommateur. La différence varie entre 50 et 300 p. 100 de plus que le coût total pour le consommateur.
J'ai dit dans mon exposé que c'était une discipline toute nouvelle que celle de l'évaluation de ces coûts. Nous devons mettre les méthodes au point et les faire progresser au point que les résultats soient acceptés dans la prise de décisions quotidiennes et que les contestations cessent. Ceux qui prétendent que la voiture n'est pas subventionnée ne pourraient pas prouver leur point de vue, franchement, parce qu'elle est effectivement subventionnée.
Dans la région du Grand Vancouver, où a été réalisé le projet Transport 2021, je pense qu'on a estimé que la subvention par voiture, dans la partie continentale de la province, était de 2 600 $ par année. Voilà un exemple.
Dans la deuxième partie de votre question, vous avez demandé quelle était la meilleure solution pour les déplacements au travail. Il est impossible de donner une réponse générale. Il faut voir la situation de chaque municipalité.
Vous constaterez aussi que la solution n'est pas une seule recette magique. Parfois, il faut améliorer les transports en commun de tel côté, adapter les prix du stationnement par là, et avoir un service d'apport de tel autre côté. Dans Ottawa-Carleton, par exemple, la solution est peut-être le Transitway. Dans le sud-ouest de la Colombie-Britannique, la formule ALRT est une possibilité, car les densités sont assez élevées. Il faut combiner divers éléments. Ce n'est pas une bière, mais un cocktail. La solution consiste à trouver le bon dosage du cocktail.
M. Forseth: Merci.
M. Hartman: Je pense que, dans le sud-ouest de la Colombie-Britannique, vous avez fait un travail extraordinaire avec Transport 2021 et tout le reste.
Le président: Très bien, monsieur Hartman. Merci.
Monsieur Genest?
M. Genest: Oui, monsieur le président.
Je suis d'accord avec vous, monsieur, pour dire que le public ne croit pas que les taxes sur l'essence servent à la construction des routes. Et il a raison de ne pas le croire. Aucun gouvernement, que je sache, n'a prouvé clairement que l'argent perçu auprès des automobilistes leur revient. Les contribuables soupçonnent que l'argent ne va pas là où il devrait aller, ce qui complique la prise de décisions sur ces questions.
Il est probablement vrai aussi, j'en conviens avec M. Hartman, que les automobilistes ne paient pas tout ce que coûte leur mode de transport. Il va être difficile de l'expliquer au public, aux électeurs.
Ma troisième observation est que je ne suis pas certain qu'il faille s'intéresser avant tout aux déplacements pour se rendre au travail et en revenir. Ces déplacements sont probablement de moins en moins représentatifs du fort volume de transport qu'on observe dans les zones urbaines. Je m'explique. De plus en plus de gens ont un trajet qui comporte trois ou quatre arrêts, si bien que les déplacements dans toutes les zones urbaines se font beaucoup plus dispersés. Beaucoup de réseaux de transport en commun ne sont pas bien adaptés à ces nouvelles habitudes, et il se peut qu'on ne puisse pas les adapter. Je ne pense pas qu'on ait trouvé le type de service de transport en commun capable de répondre à ces besoins.
Je suis d'accord avec M. Hartman sur le dernier point: il est absolument impossible d'amener les automobilistes à renoncer à leur voiture à coup de taxes. Ils emprunteront les transports en commun lorsque ceux-ci constitueront une meilleure solution, mais la plupart de nos transports en commun n'ont pas été conçus dans cette optique. Pas étonnant qu'ils ne puissent pas répondre à cette demande.
Le président: Merci.
N'oublions pas le mandat de notre comité, avant de trop nous empêtrer dans les ramifications des politiques de transport. C'est une invitation que je fais à M. Steckle, Mme Kraft Sloan, M. Adams et M. Lincoln.
Monsieur Steckle, vous avez la parole.
M. Steckle (Huron - Bruce): Je voudrais vous poser une question, monsieur, si on me permet. M. Hartman a parlé d'une taxe sur le gaspillage de carburant. Je voudrais que vous m'expliquiez. C'était vous, monsieur Isaacs? Excusez-moi.
Vous avez parlé de la difficulté d'appliquer cette taxe, si toutefois on opte pour cette possibilité. Vous pourriez peut-être nous donner une explication de ce que vous entendez par là et de ses conséquences pour les voyageurs, par exemple dans le domaine du tourisme. Je voudrais entendre votre explication.
M. Isaacs: Une façon très simple d'aborder cette question est celle qui est appliquée depuis longtemps dans divers secteurs: tous paient la taxe en faisant le plein et ceux qui y ont droit peuvent obtenir un remboursement, par exemple les agriculteurs, les entreprises, etc. Cette manière de procéder a été adoptée il y a longtemps.
On pourrait certainement concevoir une formule permettant de maintenir au strict minimum les conséquences économiques tout en limitant la taxe aux utilisations qui, de toute évidence, ne sont pas essentielles.
Un bon point de départ serait la vente d'essence en jerrycan, parce que cette essence sert presque toujours à des activités de loisir. Une partie importante de la pollution atmosphérique par le dioxyde de carbone vient des moteurs à deux temps des véhicules de plaisance.
Même lorsqu'on part en vacance, il faut choisir les moyens les plus efficaces possible, par exemple se rendre en voiture du point A au point B, si c'est la destination vacances, et, sur place, emprunter les transports en commun pour visiter la ville, en choisissant les trajets les plus courts plutôt que les itinéraires indirects. Chacun de nous peut faire beaucoup.
Une solution qui a été envisagée est que chacun, dépendant de l'endroit où il habite, par exemple, reçoive une allocation de base, sans doute au taux actuel, et que l'utilisation excessive, non justifiée par les affaires, soit assujettie à la taxe.
Les modèles en voie d'élaboration en ce moment sont surtout européens. Il ne sont pas immédiatement transposables en Amérique du Nord parce que la fiscalité des carburants est beaucoup plus lourde en Europe « parfois trois ou quatre fois ce que nous payons» et la géographie est très différente.
Selon moi, au lieu de rejeter l'idée de taxes sur les carburants, nous devrions commencer à étudier sérieusement la question pour voir si, comme les Danois, les Néerlandais et d'autres l'ont fait, nous pouvons concevoir un régime fiscal qui décourage le gaspillage des hydrocarbures, mais permet à l'économie de fonctionner sans perturbation. Je suis persuadé que nous avons assez de créativité pour y arriver.
M. Steckle: Nous avons parlé du transport des personnes. Un autre aspect que nous n'avons pas beaucoup abordé cet après-midi est celui du transport des biens et services. Mme Guay a fait remarquer que nous voulons aller vite et parvenir rapidement à destination. Nous avons maintenant des services de livraison juste à temps. Nous en sommes à utiliser le réseau routier, toute cette infrastructure, pour acheminer les produits à temps.
À une époque, nous faisions appel aux services ferroviaires, mais, depuis une dizaine d'années, nous passons notre temps à supprimer des voies ferrées. Allons-nous revenir au transport ferroviaire?
La plupart des gens, de leur propre gré, choisissent la voie de la moindre résistance. Si la voiture est plus rapide que l'autocar ou le train, c'est la voiture qui sera choisie, peu importe le coût.
La taxe de 4 $ ne conviendrait peut-être plus aujourd'hui. Il faudrait peut-être qu'elle soit de6 $. Je ne suis pas certain.
Voudriez-vos commenter?
M. Genest: Vos observations sont un peu générales, mais nous devons tenir compte de cet aspect.
Depuis une trentaine d'années, au Canada, les institutions et la fiscalité ont beaucoup encouragé la concurrence entre le train et le camion. La lutte a été acharnée, et les chemins de fer ont perdu beaucoup de trafic dans des secteurs où, à court terme, le camionnage est plus efficace et très économique. C'est ainsi que nous nous sommes retrouvés dans la situation actuelle, où la forte utilisation des camions a beaucoup détérioré les routes.
Pourtant, le cadre institutionnel, législatif et fiscal décourage gravement une collaboration concrète entre les chemins de fer et les entreprises de camionnage. Il est possible que soit en train de se produire chez nous ce qui arrive au Japon, où, semble-t-il, on remet sérieusement en cause le principe de la livraison juste à temps à cause du dommage causé aux routes par tous ces camions qui circulent à toute heure du jour et de la nuit.
Il existe évidemment des obstacles institutionnels à la coopération qu'il nous faudrait dans l'intérêt de l'environnement.
M. Isaacs: Le collectif des transports, qui regroupait des représentants du camionnage et des chemins de fer, a appuyé vigoureusement l'idée de l'intermodalisme, c'est-à-dire la livraison locale par camion et le transport sur longue distance par train. Le CN a annoncé cet automne son service Ecorail, qui est un système très efficace pour mettre les camions directement sur les rails, sans tout le travail de chargement et de déchargement qui s'imposait par le passé.
Nous commençons à avancer dans la bonne direction, mais il reste beaucoup de travail à faire pour déceler les obstacles à une plus grande utilisation des systèmes intermodaux et trouver comment les surmonter. Certains des obstacles sont peut-être de l'ordre de la fiscalité, mais je ne les connais pas.
M. Hartman: Nous n'allons pas revenir à l'époque où tout était transporté par le train parce que ce mode de transport consomme moins d'énergie et est plus écologique. Nous observons aujourd'hui une très nette tendance, dans les compagnies de chemin de fer et de camionnage, à former des alliances stratégiques et à collaborer: le train pour les longs parcours, le camion pour les trajets courts, le ferroutage et la formule dont Colin a parlé, etc. Cela ne va pas changer, parce que ni les chemins de fer, ni les camionneurs, ni les consommateurs ne le veulent. Toute cette tendance est soutenue par le marché.
Mais cela soulève une question intéressante qui m'inquiète, mais à laquelle je n'ai pas de réponse. Nous assistons à un profond bouleversement dans le réseau de transport nord-américain, et il est provoqué par le marché: toujours plus vite, toujours plus de marchandises à transporter. Nous sommes très préoccupés par notre compétitivité, ce qui nous amène à prendre toutes sortes d'initiatives pour être concurrentiels. Quelle est la relation entre ces activités économiques et la viabilité de l'environnement? S'agit-il de deux objectifs concurrents? Selon la théorie du développement durable, ils ne devraient pas l'être.
Je suis très préoccupé, et je n'ai pas de réponse. Le comité voudra peut-être réfléchir à la question plus tard.
J'ai parfois l'impression que nous sommes comme des gerboises qui tournent dans leurs petites cages. Nous courons de plus en plus vite pour rester sur place. Nous n'osons pas arrêter, parce que nous savons ce que l'élan de la roue va provoquer. C'est ainsi que je vois les transports aujourd'hui.
Le président: Madame Kraft Sloan, si vous voulez bien.
Mme Kraft Sloan (York - Simcoe): Monsieur Isaacs, je parcourais rapidement votre mémoire, Criteria for Sustainable Transportation. J'ai remarqué que vous disiez qu'il fallait susciter des appuis pour un développement de l'infrastructure axé sur l'usage de carburants de rechange: installations pour faire le plein, recharger les accumulateurs, piles, etc. Si nous voulons encourager les consommateurs à utiliser des carburants plus efficaces pour se déplacer, nous devons veiller à ce qu'ils aient la possibilité de le faire. On ne peut pas s'attendre qu'ils fassent ce choix si l'infrastructure nécessaire n'est pas là. À la lumière de notre discussion sur la dissuasion ou sur l'obstacle que la fiscalité constitue pour l'adoption de bonnes pratiques environnementales, je me demande si vous voyez un lien avec le régime fiscal pour que nous puissions appuyer le développement de ces autres infrastructures.
M. Isaacs: Si cette rencontre avait eu lieu il y a quatre ou cinq mois, j'aurais certainement recommandé que le gouvernement fédéral utilise des carburants de remplacement dans ses propres véhicules, mais il a déjà pris cette initiative. C'est une excellente nouvelle pour le secteur des carburants de remplacement.
Nous avons un programme raisonnable d'avantages fiscaux au niveau du prix des carburants de remplacement. Des carburants comme le gaz naturel, le propane, l'éthanol, etc. échappent à la taxe d'accise qui frappe l'essence et le carburant diesel. Il existe donc des mesures incitatives.
Je n'avais pas prévu d'aborder aujourd'hui la question des subventions au secteur pétrolier parce qu'elle est très complexe et non directement liée aux prix. Nous avons l'occasion d'agir et, pour parler franchement, je crois qu'acheter le plus rapidement possible des véhicules qui utilisent des carburants de remplacement est l'une des initiatives que le gouvernement fédéral peut prendre pour stimuler l'offre de ce type de véhicule.
J'aurai deux brèves observations à faire. Tout d'abord, nous ne pouvons pas agir uniquement du côté des carburants. Ils sont un élément important de l'équation. Certains d'entre nous ont abordé les travaux de la table ronde, en Ontario, au printemps dernier, en pensant que les carburants de remplacement étaient une option intéressante. Nous avons constaté que le plus que nous puissions attendre de ces carburants, n'est qu'une amélioration de 10 p. 100. Nous allons certainement adopter cette option, mais une fois qu'on a remplacé les carburants, il n'y a rien d'autre à faire de ce côté.
Deuxièmement, dans certaines régions du pays, l'offre de carburants de remplacement est largement en avance sur la demande. Le public n'est pas au courant, mais ces produits sont sur le marché. Le gaz naturel et le propane, notamment, sont relativement faciles à utiliser dans les transports. J'utilise moi-même du propane dans mon véhicule, et je n'ai à peu près pas de problème à faire le plein où que je me trouve, y compris dans des coins reculés du Canada et des États-Unis.
Nous en sommes là avec les carburants. L'encouragement à utiliser davantage les carburants de remplacement ne se situe pas aussi haut, dans ma liste de priorités, que l'encouragement à moins circuler.
Mme Kraft Sloan: J'ai une autre question, à moins que d'autres témoins ne veuillent commenter. D'accord.
Nous devons songer non seulement aux coûts pour l'environnement de la consommation de tel ou tel carburant, mais aussi à la production de ce carburant. Nous devons nous préoccuper du cycle de vie de la source d'énergie. L'un des témoins voudrait-il expliquer ce qu'il considère comme le carburant le plus écologique du point de vue de la production et de l'utilisation. Ou, si vous ne pouvez commenter directement, pourriez-vous nous indiquer des endroits où on fait des recherches sur la question?
M. Isaacs: Je dirais que vous avez tout à fait raison. Vous avez mis le doigt sur une question clé qui est extrêmement complexe. La question est relativement simple lorsqu'il s'agit de carburants extraits du pétrole comme le gaz naturel, le propane, l'essence et le diesel, mais elle est extrêmement complexe dans le cas de carburants extraits de la biomasse comme l'éthanol, car il y a une multitude de méthodes de production. Les avantages pour l'environnement dépendent du mode de production.
Vous êtes sûrement au courant de la controverse des derniers mois et des dernières années au sujet de l'éthanol. Certains prétendent qu'il faut plus d'énergie pour produire un gallon d'éthanol qu'on ne peut en retirer à la consommation. Si tel est bien le cas, ce n'est évidemment pas une solution bénéfique pour l'environnement.
Mais il y a aussi des manières de produire de l'éthanol de manière très écologique. Lorsqu'on entre à ce point dans les détails, c'est une tâche très ardue que d'analyser le cycle de vie.
Mme Kraft Sloan: C'est la seule manière d'établir tous les coûts environnementaux, à moins qu'on ne fasse une analyse complète du cycle de vie.
Quelqu'un d'autre voudrait-il commenter?
Connaissez-vous quelqu'un qui fait de bonnes recherches dans ce domaine?
M. Isaacs: Je me ferai un plaisir de remettre au comité des documents qui contiennent beaucoup d'information sur les carburants. Nous avons beaucoup travaillé sur les carburants provenant de la biomasse et les carburants de remplacement pétroliers comme le gaz naturel et le propane.
Mme Kraft Sloan: Lorsque l'on considère une étude de base, c'est là un aspect qui compterait certainement beaucoup, avec l'analyse de l'ensemble du cycle de vie.
M. Isaacs: Juste.
Le président: Monsieur Adams, s'il vous plaît.
M. Adams (Peterborough): Monsieur Isaacs, je voudrais bien consulter certains de ces documents. Je vous donnerai ma carte tout à l'heure.
Ma question s'adresse à M. Hartman, mais MM. Bell et Genest voudront peut-être aussi commenter, car il s'agit de l'exemption d'impôt pour les laissez-passer de transport en commun.
L'idée me paraît merveilleusement simple. Je peux voir toutes sortes d'avantages, notamment pour les contribuables à faible revenu. Ce serait un gros avantage dans ce domaine. Vous pourriez peut-être saisir cette occasion pour nous livrer vos réflexions ou approfondir un peu la question. Ainsi, a-t-on pensé à en faire un élément optionnel des contrats, ou faudrait-il que ce soit obligatoire? A-t-on pensé au contrôle des permis? Autrement dit, si une personne obtient un laissez-passer, y a-t-il d'autres personnes qui s'en servent? La formule a-t-elle été mise à l'essai ailleurs? A-t-on établi les coûts pour le Canada? En d'autres termes, a-t-on calculé les coûts pour notre régime fiscal?
Enfin, je vois qu'il en est question dans le rapport du groupe de travail sur les instruments économiques et les mesures dissuasives, comme vous l'avez dit. Cela nous indique sans doute où nous en sommes, à quel stade on en est rendu dans le système. Par exemple, a-t-on calculé les coûts? Envisage-t-on cette possibilité sérieusement?
Le président: Les réponses pourraient-elles être brèves, s'il vous plaît?
M. Hartman: Pourriez-vous reprendre les questions une à la fois, s'il vous plaît?
M. Adams: Bien sûr. Pour commencer, y a-t-il eu des expériences ailleurs?
M. Hartman: Oui.
M. Adams: Ont-elles été concluantes? Et sur le plan pratique? Par exemple, faut-il que ce soit un avantage optionnel, aux fins de l'impôt sur le revenu, ou cela doit-il faire partie du contrat? Comment procède-t-on en ce qui concerne l'impôt sur le revenu?
M. Hartman: Les choses peuvent se passer comme pour toutes les autres conditions d'emploi.
M. Adams: D'accord.
M. Hartman: On ne peut pas laisser son laissez-passer à un copain parce qu'il porte une photo. Cette politique existe aux États-Unis et dans des pays européens. Dans certains d'entre eux, on a remporté un grand succès. La formule est liée à des mesures spéciales de promotion « les étudiants pendant l'année scolaire et divers mécanismes de commercialisation semblables.
M. Adams: Est-ce qu'on a calculé les coûts au Canada? Autrement dit, quelles sont les conséquences financières d'une subvention semblable, si on veut employer ce terme, au Canada? Cette question a un lien avec la suivante: à votre point de vue, où en est-on en ce moment?
M. Hartman: L'ACT n'a pas calculé les coûts, mais l'Association canadienne du transport urbain l'a fait. Je vais vous communiquer les chiffres avant de partir aujourd'hui.
M. Adams: D'accord, merci beaucoup.
M. Hartman: Et le dernier point?
M. Adams: Où en est l'étude de la question? Je vois qu'on en parle dans le rapport du groupe de travail, mais est-elle à l'étude dans l'appareil gouvernemental?
M. Hartman: Le ministère des Finances a toujours rejeté la proposition.
M. Adams: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci.
Il nous reste vingt minutes et nous avons encore trois interventions avant que le timbre ne se fasse entendre. Ce sont celles de MM. Lincoln et Finlay et la mienne. Ce sera d'abord M. Lincoln.
M. Lincoln (Lachine - Lac-Saint-Louis): J'ai deux petites questions. La première se rapporte à ce que M. Adams a dit du rapport du groupe de travail. Vous proposez en fait que nous réitérions la proposition de l'exemption d'impôt pour les laissez-passer de transport en commun. Comme M. Isaacs faisait partie du groupe de travail, je voudrais savoir ceci.
Je constate, monsieur Hartman, que vous faites allusion à au moins une des deux autres recommandations. L'une porte sur une taxe sur l'essence, assortie d'un fonds de l'efficacité dans les transports. La deuxième prévoit une taxe sur les véhicules trop gourmands. Vous et M. Isaacs pourriez-vous expliquer très brièvement si vous êtes d'accord ou non pour qu'on remette cette idée à l'honneur? J'ai pu constater, d'après votre texte, que vous aviez des réticences au sujet de la taxe sur les véhicules qui consomment beaucoup.
M. Hartman: Je suis en faveur d'une taxe sur l'essence pourvu que toutes les nouvelles recettes soient affectées au réseau de transport.
Quant au «feebate», je n'ai pas d'opinion très arrêtée. Je ne crois pas que ce soit très efficace, en fin de compte. C'est un peu comme la taxe fédérale de 100 $ sur les climatiseurs des voitures. Combien de personnes ont renoncé au climatiseur à cause de la taxe? Je ne crois pas que cela aura une grande influence.
M. Isaacs: À propos des laissez-passer, il serait sans doute prématuré de dire au comité ce qu'il peut faire, mais il me semble qu'il a une possibilité que n'avait pas le groupe de travail sur les instruments économiques, celle de demander au ministère des Finances pourquoi il n'a pas retenu une proposition qui semble faire l'objet d'un très large consensus dans la société.
Quant aux deux autres recommandations, j'ai dit que, selon moi, les progrès se feront par une foule de petits pas plutôt que par une avancée fulgurante, comme l'a dit M. Hartman.
Une taxe sur l'essence serait toujours utile, pour les raisons qui sont avancées par le groupe de travail sur les instruments économiques. Je pense que le «feebate» serait utile.
Ces mesures sont-elles en soit suffisantes pour entraîner de profonds changements dans le comportement de la société? Sans doute pas, et certainement pas avec les taxes sur l'essence de l'ordre de celles qui risquent d'être adoptées, selon moi. Mais cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas envisager cette possibilité dans le cadre d'un programme à long terme plus important.
M. Lincoln: Une dernière question. Il s'agit de ce qu'ont dit MM. Steckle et Adams de toute la question commerciale, du transport de marchandises, des camions et... D'après votre graphique, monsieur Isaacs, si on ajoute le transport par camion et la consommation de carburant diesel, qui sert surtout aux camions et aux autobus, on obtient environ 34 p. 100 de la consommation de carburant.
Comme cela vous a été dit, quand on calcule le coût de la construction et de l'entretien des routes, et les coûts sociaux, on obtient des chiffres terribles. Par contre, comme vous l'avez dit, monsieur Hartman, il y a d'autres objectifs sociaux et économiques, et nous essayons d'accélérer sans cesse l'acheminement des marchandises... Comme simple profane, j'emprunte les routes pour me rendre dans ma circonscription, et je constate qu'il y a de plus en plus de camions qui circulent de plus en plus vite.
Dans ma propre circonscription, il y a eu plusieurs accidents mortels à un certain endroit, et je crois que, ces derniers temps, tous ont été provoqués par des camions, par des gros camions qui se font arrêter pour excès de vitesse.
Parallèlement, nous limitons de plus en plus le réseau ferroviaire. Je sais que nous essayons le programme Ecorail. Je pense qu'il y a un projet très fructueux en ce moment dans les liaisons entre Drummondville et Montréal, et il y a des projets ailleurs également.
Selon vous, comment faudrait-il rétablir l'équilibre en faveur du rail? Le transport ferroviaire est à l'origine de 3 p. 100 des émissions nocives, ce qui est moins que les autres modes de transport. Comment peut-on rétablir l'équilibre? Comment pouvons-nous prendre des mesures proactives pour changer le système sur une grande échelle pour que les transports moins dangereux pour l'environnement soient plus utilisés que le camionnage?
Le président: Pourrions-nous avoir des réponses rapides, je vous prie?
M. Hartman: Je ne crois pas que ce soit possible.
Le président: Nous ne pouvions pas avoir plus bref.
Pourriez-vous expliquer davantage, monsieur Genest?
M. Genest: Je crois, monsieur le président.
Je suis d'accord sur ce que M. Hartman a dit tout à l'heure. Nous n'allons jamais revoir le jour où toutes les marchandises étaient transportées par le train. C'est une époque révolue. Mais je pense que les choses ont évolué au point que, actuellement, les vrais facteurs économiques favorables au transport intermodal, pas un transport intermodal imposé, mais souhaité... Les vrais facteurs économiques ne ressortent pas, en partie pour des raisons historiques « y compris l'histoire de la gestion des transporteurs» et en partie à cause de mesures législatives contradictoires attribuables à des objectifs contradictoires des divers niveaux de gouvernement, les provinces favorisant le camionnage, qu'elles contrôlent, alors que le gouvernement fédéral est censé favoriser le train, qu'il contrôle.
Tout cela n'est pas très propice à un réseau intermodal rentable et efficace. Il existe du transport intermodal, mais nous pourrions en avoir bien plus, et l'environnement et les routes auraient moins à souffrir.
Le président: Monsieur Isaacs.
M. Isaacs: Monsieur le président, je suis d'accord, de toute évidence. Je ne voulais pas que nous soyons deux aux côtés de M. Hartman, mais il me semble qu'il existe encore des occasions extraordinaires d'encourager le transport ferroviaire.
Les coûts en cents par tonne-kilomètre sont indiqués dans l'autre petit graphique que j'ai remis au comité, et il y a beaucoup d'autres détails dans la documentation du groupe de travail ontarien.
Il me semble qu'il faut commencer par s'occuper des secteurs où il y a déjà des voies ferrées. En ce moment, les autorités fédérales dépensent encore pour des projets d'expansion du réseau routier dans des régions congestionnées. Dès que l'expansion est chose faite, la nouvelle capacité est aussitôt utilisée et le problème de congestion se pose de nouveau. Il me semble qu'il est temps de canaliser une partie du financement des infrastructures qui est disponible pour faire en sorte que l'infrastructure ferroviaire soulage le réseau routier.
Le président: Merci, monsieur Isaacs.
M. Finlay et moi allons nous partager le reste du temps, c'est-à-dire 14 minutes exactement. Monsieur Finlay.
M. Finlay (Oxford): J'espère, monsieur le président, que je vais pouvoir vous laisser la plus grosse moitié de la période.
À titre d'information, monsieur Genest. Vous parlez plusieurs fois de l'environnement dans votre mémoire. Vous dites que le train à haute vitesse aurait un impact environnemental favorable. Vous avez dit que les transports ferroviaires au Canada étaient déjà relativement sans danger pour l'environnement. À la dernière page, vous écrivez que le projet d'amélioration de VIA Rail, de train rapide, et tout le reste, suscite peu d'enthousiasme, en partie à cause de subventions qui ont eu un impact environnemental négatif dont il n'avait pas été tenu compte. À quoi songez-vous?
M. Genest: Je songeais notamment aux subventions versées pour maintenir les services ferroviaires dans des localités éloignées et des services régionaux sur courte distance, services qui, dans bien des cas, ont fini par disparaître. Mais ils ont été maintenus pendant de longues années.
Bien entendu, c'est le résultat ultime qui a été mauvais pour l'environnement. Ce n'est pas du tout ce qu'on attendait de ces subventions. À l'époque, elles ont été versées pour des raisons très valables, mais le fait qu'il ait fallu tant de temps pour rationaliser les services ferroviaires a eu en fin de compte des effets négatifs non souhaités et certainement non prévus sur l'environnement en ce sens qu'elles ont ralenti le développement du rail moderne, qui est plus favorable à l'environnement que les modes de transport concurrents.
M. Finlay: Et plus favorables que les vieux trains?
M. Genest: Très certainement.
M. Finlay: J'ai une question qui s'adresse à tout le monde, si je peux me permettre.
Nous discutons des mesures qui jouent au détriment du développement durable. Nous avons entendu de votre part des réflexions positives et d'autres négatives à ce sujet. Je me demande si chacun d'entre vous ne pourrait pas me citer une ou plusieurs mesures fédérales actuelles qui favorisent des méthodes de transport viables? Comment encourageons-nous ces pratiques par des mesures fiscales?
M. Hartman: Je ne saurais l'affirmer avec certitude, mais nous devons subventionner l'essence de quelque manière, sans quoi le prix de l'essence chez nous ne se classerait pas au deuxième rang parmi les plus bas du monde. Je ne crois pas que les Canadiens paient l'essence à son coût réel. C'est en tout cas ce que je soupçonne. Si j'ai raison, alors je mettrais ce problème en tête de liste.
M. Finlay: Cela rejoint votre proposition de taxer plus lourdement l'essence.
M. Hartman: Oui, pourvu qu'une partie des recettes soient réinjectées dans le réseau de transport.
M. Bell: Je suis d'accord avec John sur ce point. Ce que nous essayons de faire, c'est bâtir un réseau de transport qui tient compte des aspects social, économique et environnemental. Tout ce qui ne permet pas au réseau de transport d'avoir des coûts qui conviennent aux usagers lorsqu'il s'agit d'une demande dérivée, ce qui est le cas des transports, risque de rendre le processus à la fois long et très difficile. Nous devons nous attaquer à toutes les causes de distorsion dans le rapport entre l'offre et la demande en matière de transport; il se trouve que les subventions figurent parmi ces causes.
Dans certaines circonstances, des subventions s'imposent pour des raisons d'ordre social très spéciales « les voyageurs handicapés ou les services aux localités éloignées, par exemple. Mais, de manière générale, les subventions tendent à fausser le processus de prise de décisions des usagers qui déterminent la demande.
M. Isaacs: Je suis plutôt d'accord avec M. Hartman, mais je fais une mise en garde: le groupe de travail sur les instruments économiques a passé beaucoup de temps à essayer de trouver ces subventions, et, pendant la période de six mois dont il disposait, il n'y est pas arrivé. Je suis quand même d'avis qu'il vaut la peine de revoir la question et d'essayer de les déceler.
Je dirais aussi « cela peut sembler timide, mais je crois que c'est surtout en ne donnant pas l'exemple que le gouvernement faillit à sa tâche» que l'acquisition de véhicules consommant des carburants de remplacement devrait être seulement l'amorce d'un vaste programme d'acquisition de produits qui sont sans danger pour l'environnement et efficaces sur le plan énergétique, programme qui toucherait tous les champs d'activité du gouvernement. De la sorte, l'industrie et le grand public pourraient constater quelles économies et quels avantages écologiques extraordinaires on peut retirer d'un programme qui vise à réduire le temps et l'argent que l'on consacre à des déplacements inutiles.
M. Genest: Nous avons un certain nombre de mesures fiscales et autres qui peuvent servir à atteindre ces objectifs. Selon moi, c'est moins le choix d'une mesure donnée qui est important que de veiller à assurer un suivi et à appliquer la mesure à fond.
Par exemple, il semble y avoir consensus pour dire que les laissez-passer de transport en commun sont une bonne chose. J'ai eu l'occasion d'en discuter avec une dizaine de personnes qui ont des fonctions de gestion. Toutes ont soutenu énergiquement que c'était absolument infaisable et que ce n'était pas judicieux sur le plan de la gestion. Je ne prétends pas qu'elles ont raison. Ce que je veux dire, c'est que, si nous voulons nous engager dans cette voie, il faut aller jusqu'au bout et ne pas nous arrêter à mi-chemin, pour dire ensuite que c'était une bonne idée, mais qu'elle n'a pas marché. Elle marchera si nous le voulons, et cela nécessite une planification plus détaillée.
M. Finlay: Merci beaucoup.
Le président: Dans les cinq minutes qui restent, je vais essayer de caser six questions, qui sont toutes inspirées ou motivées par la volonté de tirer une conclusion quelconque qui puisse être utile pour une étude de base et peut-être figurer dans notre rapport.
La première question qui surgit à l'esprit est celle de savoir quels sont les modes de transport les plus nocifs du point de vue écologique, de manière à réduire les dommages causés à l'environnement.
Deuxièmement, quel est le mode qui est le plus lourdement subventionné? Je suppose que nous devons aborder cette question dans une optique nationale.
Troisièmement, quel type d'organisation faut-il pour assurer la coordination ou la coopération entre les politiques fédérales et provinciales, étant donné que notre constitution est conçue de telle manière que l'utilisation des terres relève des provinces et que cette utilisation détermine la forme que prennent les villes et les banlieues cinquante ou soixante ans à l'avance?
Quatrièmement, comment la réduction de 20 p. 100 des émissions de dioxyde de carbone à laquelle le Canada s'est engagé devrait-elle être répartie entre les régions du pays et par niveau de gouvernement, pour peu que ce soit la bonne manière de s'y prendre?
Cinquièmement, comment faudrait-il revoir le mandat de VIA Rail? M. Genest nous a dit que ce mandat comportait des imperfections. Comment faut-il le modifier?
Sixièmement, comment se fait-il que, dans une partie densément peuplée de l'Europe, la France, la Société nationale des chemins de fer soit lourdement endettée et enregistre un déficit? Comment l'expliquer?
Septièmement « et vous en avez parlé en répondant à des questions de Paul Steckle, je crois et de MM. Lincoln et Adams» il y a la question d'une complexité infernale des recettes fiscales, qui comprennent les recettes provenant de l'immatriculation, des taxes sur l'essence et des autres taxes de sources ayant un lien avec l'usager. Comment ces recettes fiscales vont-elles être liées, affectées et transférées pour subventionner des transports qui ne sont pas privés?
C'est une chose qui s'est faite dans plusieurs pays européens, comme vous pourriez probablement nous l'expliquer, tous autant que vous êtes. L'automobiliste paie pour accéder à certaines parties de la ville, et ces droits servent ensuite à subventionner les transports en commun locaux, par exemple. Un lien se trouve établi entre les transports privés et publics. Il n'y a aucune coupure artificielle. Monsieur Hartman, vous en avez parlé dans une de vos interventions, je crois.
Ce sont là des questions qui, avec d'autres, nous aideraient beaucoup à présenter la semaine prochaine des propositions sur les transports qui seront pertinentes. J'espère que vous n'allez pas vous reposer pendant le week-end, de manière que vous puissiez nous présenter quelque chose d'intéressant lundi.
M. Lincoln: Pouvez-vous répéter les deuxième et troisième points, s'il vous plaît?
Le président: Je pense qu'il portait sur les modes de transport les plus dangereux pour l'environnement.
M. Lincoln: C'était le premier.
Le président: Quel mode est le plus lourdement subventionné?
C'est peut-être ici. Je cherchais une réponse à cette question. Cela est peut-être dépassé pour vous, et ce n'est peut-être pas une question pertinente, auquel cas vous pourriez nous dire quelles questions manquent de pertinence. Personne ne s'en offusquera.
M. Lincoln: Quel était le troisième point, Charles?
Le président: Probablement le type d'organisation nécessaire pour assurer la coopération entre les niveaux fédéral et provincial de gouvernement. Il est évident que nous ne pouvons pas continuer comme ça. C'est insensé. Mais c'est la Constitution que nous avons, et nous devons nous y adapter.
Observations?
Mme Payne (St. John's-Ouest): J'ai une brève question. On pourra également y répondre dans les observations.
M. Hartman, je crois, a dit que nous devions avoir des communications au niveau de la base lorsqu'il s'agit de transport en commun. Pourriez-vous me dire ce que vous entendez par la base? Selon moi, ce doit être ceux qui ont des faibles revenus. Ils empruntent normalement les transports en commun, ils font du covoiturage, se déplacent par autobus, etc.
M. Hartman: Je voulais parler de nos voisins, de ceux qui habitent dans votre rue, dans la mienne, dans la sienne.
Mme Payne: D'accord. Je continue. Chez moi, il y a deux personnes. Je me sers de mon véhicule et mon mari du sien. Mon voisin à trois enfants, et sa femme emprunte les transports en commun. Les enfants vont à l'école en autobus ou les parents les conduisent en voiture. Je ne vois toujours pas clairement ce que vous entendez par la base. Est-ce que nous ne devrions pas sensibiliser ceux qui ont des revenus moyens ou élevés à l'utilisation de...?
M. Hartman: Vous avez peut-être raison, mais ce n'est pas ce que je voulais dire. La base, ce sont ceux qui vous ont élue.
Mme Payne: Je vois, et c'est que je n'avais pas bien compris.
M. Hartman: C'est ce que je veux dire. C'est tout le monde.
Mme Payne: Mais avez-vous toujours l'impression que c'est à ces gens que nous devrions probablement nous adresser plutôt qu'aux personnes qui ont un revenu comme le nôtre ou plus élevé?
M. Hartman: Oui. Les plus démunis empruntent les transports en commun à cause de leur situation financière, mais il est vrai que, dès qu'ils s'en sortent « s'ils y arrivent jamais» ils s'empressent d'acheter une voiture. Lorsqu'un adolescent atteint l'âge du permis de conduire, la première chose qu'il fait, c'est jeter son laissez-passer d'autobus. Pourquoi? À cause des normes de notre société. C'est sur ce plan que le changement fondamental doit se produire. C'est des gens de la base que je parle en ce moment. C'est cela que je voulais dire.
Mme Payne: Merci, monsieur le président.
M. Isaacs: Je voudrais essayer de répondre à certaines des questions et peut-être même d'établir un lien avec celle de Mme Payne.
Il me semble que c'est plus le degré d'utilisation que le mode de transport qui détermine l'importance relative des dommages causés à l'environnement. Une voiture qui transporte quatre ou cinq personnes, par exemple lorsqu'il s'agit de conduire les enfants à l'école, est peut-être plus efficace que le réseau de transport scolaire. Le pire, c'est prendre sa voiture pour aller chez le dépanneur du quartier, c'est la motoneige ou la moto marine, tout ce qui sert strictement aux loisirs.
Si on insiste pour comparer les modes, il y a beaucoup d'information dans la documentation du collectif que j'ai remise à vos documentalistes. Il ne fait aucun doute pour moi, après avoir étudié la documentation en détail, que la voiture particulière arrive en tête de liste pour le tort causé à l'environnement en comparaison de la valeur qui en est retirée. Je pense qu'il faut toujours maintenir ce lien.
Quant à savoir quel est le mode le plus lourdement subventionné, on entre là dans toutes sortes de querelles, car tout dépend de la manière dont on répartit les subventions pour la construction des routes et tout le reste. Étant donné que la majorité des routes sont construites pour la circulation des voitures particulières, il me semble juste de dire que c'est encore l'automobile qui arrive en tête de liste. Il est donc tout à fait justifié de se préoccuper surtout du transport des personnes, des points de vue environnemental et économique.
Pour ce qui est de la coordination fédérale-provinciale...
Le président: Excusez-moi de vous interrompre, mais vous avez également tenu compte de l'avion dans cette analyse, n'est-ce pas?
M. Isaacs: Effectivement.
Lorsqu'on parle de réseaux de transport public, il est très important de tenir compte des coefficients de charge. Les coefficients des lignes aériennes au Canada ont beaucoup augmenté récemment. De toute évidence, le tort causé à l'environnement par passager-kilomètre a donc diminué. Il n'y a pas encore si longtemps, deux compagnies assuraient simultanément les mêmes liaisons avec des appareils à moitié remplis. Il est clair que c'était extrêmement inefficace, et cela semble commencer à changer pour des raisons d'ordre économique.
En ce qui concerne la coordination fédérale-provinciale, M. Hartman et moi avons parlé des travaux des tables rondes. Le collectif ontarien montre très bien, me semble-t-il, comment des personnes qui doivent normalement être en désaccord « des représentants des gouvernements fédéral et provincial, de l'industrie de l'automobile, des transports ferroviaires, du camionnage, des transports en commun, des syndicats et d'organisations écologistes assez radicales» peuvent discuter et finir par signer un rapport qui contient des recommandations extrêmement valables. Il est possible de mener cette démarche beaucoup plus loin, et les retombées peuvent être extraordinaires dans l'élaboration de la politique d'intérêt public au Canada.
Très honnêtement, ceux qui s'occupent de cette question, les protagonistes, ont tendance à ne pas tenir compte des querelles fédérales-provinciales qui surgissent si souvent et empêchent de s'intéresser aux objectifs à poursuivre. C'est un processus lent, mais je pense que ce rapport et bien d'autres qui ont été mentionnés montrent que cela peut être très productif.
Je vais sauter quelques questions et laisser à d'autres membres du groupe le soin d'y répondre. Le seul autre point sur lequel je voudrais revenir est celui de la répartition géographique et peut-être aussi intersectorielle de la réduction de 20 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre.
Nous ne devons pas oublier que c'est là un objectif provisoire, que le développement durable est un cheminement, pas un objectif fixe, qu'il ne s'agit pas simplement d'atteindre l'objectif de20 p. 100 pour dire que le travail est fait et passer à autre chose. Je suis convaincu que, lorsque nous approcherons des 20 p. 100, nous envisagerons des objectifs plus exigeants. Nous devrions donc nous soucier de réduire les émissions de dioxyde de carbone chaque fois que l'occasion se présente, dans tous les secteurs et toutes les régions du Canada, sans trop nous préoccuper de la répartition de la responsabilité entre certaines personnes ou certaines régions.
Le président: Mais vous convenez tout de même qu'il faut répartir les efforts.
M. Isaacs: Il faut absolument qu'il y ait répartition du travail, mais faisons tous le maximum, et commençons à louanger ceux qui obtiennent les meilleurs résultats.
M. Genest: Je suis d'accord sur les réponses que M. Isaacs a donné aux premières questions, monsieur le président, mais vous attendez sans doute de moi que je parle de VIA Rail et de la SNCF.
Certaines modifications ont déjà été apportées au mandat de VIA Rail. Il y a eu une rationalisation. Selon moi, les choses se sont faites trop lentement et trop tard. Une rationalisation plus poussée s'impose. Davantage de services doivent être rationalisés « je ne veux pas dire supprimés, parce qu'une partie du problème tient au fait qu'ils ont été simplement supprimés.» Il faut les remplacer par quelque chose d'autre. Le mandat d'assurer des services pour des raisons non sociales, c'est-à-dire non liées au transport, devrait être encore plus clairement mis à part qu'aujourd'hui, et il devrait peut-être être confié à une autre société que VIA Rail.
Quant à la dette de la SNCF, on ne m'a pas demandé de faire des analyses financières, mais je soupçonne qu'il y a deux causes. Tout d'abord, comme il s'agit d'un monopole, il est probable qu'on ne demande pas assez pour le transport des marchandises, simplement pour maintenir le volume. Nous avons constaté que même des compagnies ferroviaires privées le faisaient. C'est peut-être un élément de réponse. L'autre partie de l'explication est peut-être que la société à tellement de «tarifs sociaux» qu'elle ne rentre probablement pas dans ses coûts. C'est que le chemin de fer sert à atteindre des objectifs sociaux qui sont sans doute très valables, mais qui faussent le rendement financier du chemin de fer.
J'ignore si c'est toujours la même chose aujourd'hui, mais Philadelphie a pendant longtemps exigé un prix uniforme pour ses jetons de transport. Il n'y avait pas de taux réduits pour les jeunes et les personnes âgées, par exemple. Même prix pour tout le monde. Si l'élève avait droit à un rabais, il achetait ses jetons à l'école, et c'est le conseil scolaire qui payait la différence entre le prix uniforme et le montant payé par l'élève. Les personnes âgées qui avaient droit à un rabais s'adressaient à l'association des personnes âgées; elles payaient ce qu'elles avaient à payer, et l'association versait la différence à l'administration des transports en commun.
Si l'approche avait été la même à la SNCF, on constaterait qu'elle n'est peut-être pas endettée, en fait. C'est simplement qu'on lui a fait faire autre chose que de transporter des personnes.
Le président: Avez-vous quelque chose à dire sur le transfert de recettes fiscales et autres entre l'usager et le secteur public?
M. Hartman: Vous voulez parler du mécanisme qui permet d'assurer ce transfert?
Le président: Je voudrais savoir si cela se fait et, si oui, dans quelle mesure.
M. Hartman: Oui, l'établissement du prix des routes se pratique dans un certain nombre de villes asiatiques et européennes, et cela se fait depuis de longues années.
Le président: Et au Canada?
M. Hartman: Pas au Canada.
Le président: Avez-vous des recommandations à ce propos dans votre rapport?
M. Hartman: Oui, dans la mesure où nous avons parlé de la taxe sur l'essence et de l'affectation de son produit au réseau de transport.
Je n'ai rien à ajouter pour répondre à vos sept questions, mais pourrais-je dire un dernier mot à propos de votre rapport? Serait-il possible que quelqu'un, dans l'administration fédérale, consacre un peu de temps et d'argent aux recherches sur les sources d'énergie que nous pourrons utiliser dans les transports lorsque nous ne pourrons plus consommer de carburants fossiles? Le Canada ne pourra jamais faire beaucoup de recherche là-dessus, comparé aux Américains, aux Japonais, etc., mais il serait bien que le Canada fasse un petit quelque chose. Je songe à l'énergie solaire.
Le président: À 13 heures, M. Passmore, l'un des témoins, a fait toute une intervention sur l'absence de conscience politique de l'importance de la recherche et du développement dans le secteur de l'énergie solaire. Il nous a dit que le budget annuel affecté à ce secteur par le ministère des Ressources naturelles était inférieur à un million de dollars. Votre intervention confirme ce qu'il nous a déjà dit. Nous prendrons bonne note de cette observation.
D'autres questions, pour finir?
[Français]
Mme Guay: Monsieur le président, je voudrais soulever un seul autre point. Vous parlez de la taxation du coût des plaques d'immatriculation, etc. N'est-ce pas géré par les provinces depuis très longtemps? Ce n'est pas de compétence fédérale, mais de compétence provinciale. Il est difficile de dire au fédéral de s'ingérer là-dedans.
[Traduction]
Le président: Oui.
[Français]
Mme Guay: Certaines provinces, comme le Québec, ont mis en oeuvre l'assurance-automobile et ont développé des systèmes excellents et très efficaces. Je ne vois pas comment le fédéral pourrait taxer dans un domaine qui est de compétence provinciale. Je voulais simplement préciser ce point.
[Traduction]
Le président: Oui, et il ne faut tirer aucune déduction. Il s'agit de savoir comment nous organiser pour assurer la meilleure coopération fédérale-provinciale possible dans le domaine des transports.
Nous vous remercions beaucoup de votre présence et de votre contribution. À bientôt.
La séance est levée.