[Enregistrement électronique]
Le mercredi 12 juin 1996
[Traduction]
Le vice-président (M. Telegdi): Cette séance du comité des comptes publics est ouverte. Nous avons aujourd'hui des témoins du Bureau du vérificateur général et de Revenu Canada.
Monsieur Minto.
M. Shahid Minto (vérificateur général adjoint, Bureau du vérificateur général du Canada): Merci, monsieur le président. Je suis heureux de discuter du chapitre 11 du rapport du vérificateur général de mai 1996 sur la lutte contre l'évitement de l'impôt sur le revenu.
Tout d'abord, j'aimerais faire quelques commentaires généraux concernant l'évitement fiscal et le programme de Revenu Canada pour lutter contre cette pratique. L'évitement fiscal se produit lorsqu'une opération ou une série d'opérations, desquelles découle un avantage fiscal, sont contraires à l'objet et à l'esprit de la loi et vont à l'encontre de l'intention de cette dernière. L'évitement fiscal diffère de l'évasion fiscale, car il ne consiste pas à cacher délibérément un revenu ni à falsifier des dépenses. Contrairement à l'évasion fiscale, il ne constitue pas une infraction criminelle en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu et il n'est pas passible d'une amende spéciale.
L'ampleur de l'évitement fiscal au Canada n'est pas connue. Toutefois, les exemples et les pièces fournis dans le chapitre montrent à quel point certaines entreprises et certains particuliers sont prêts à aller au-delà de la planification fiscale légitime et à quel point certains fiscalistes peuvent être agressifs dans la promotion de stratagèmes fiscaux. La hausse de 45 p. 100 des nouvelles cotisations d'impôt de Revenu Canada pour des questions d'évitement reflète dans une certaine mesure la pratique répandue de l'évitement fiscal et la menace sérieuse qu'il fait peser sur l'assiette fiscale.
Les opérations liées à l'évitement fiscal sont souvent complexes, mettent en cause des tiers, parfois situés à l'étranger, et outrepassent les dispositions et les interprétations de la loi. C'est pourquoi la détection de telles opérations, l'établissement de nouvelles cotisations pour ces opérations et leur justification devant les tribunaux exigent de solides compétences techniques et en vérification de la part des vérificateurs de l'impôt de Revenu Canada. Il est également essentiel que les ministères de la Justice et des Finances fournissent un très grand appui à Revenu Canada dans cette lutte.
Le ministère de la Justice est chargé de fournir des services juridiques et de contentieux fiscal à la Cour canadienne de l'impôt et aux instances supérieures.
Le programme de l'évitement fiscal de Revenu Canada fait partie de l'ensemble de son programme de vérification. Les 130 spécialistes de l'évitement fiscal qui travaillent dans les divers bureaux du ministère partout au Canada représentent environ 3 p. 100 du nombre total de vérificateurs de l'impôt de Revenu Canada. En 1995-1996, le ministère s'attend à ce que ce petit groupe de vérificateurs rapporte 365 millions de dollars de plus en nouvelles cotisations et en intérêts. Il croit que ce montant augmentera à près de 500 millions de dollars au cours des années suivantes. Les spécialistes de l'évitement fiscal établissent chacun de nouvelles cotisations dont le montant total s'élève à environ 2,6 millions de dollars.
La responsabilité de la détection des stratagèmes d'évitement fiscal revient principalement aux 5 000 vérificateurs de l'impôt sur le revenu qui font la vérification des déclarations d'impôt des particuliers et des entreprises. Lorsqu'ils soupçonnent qu'une opération constitue un abus, ils peuvent consulter un spécialiste de l'évitement fiscal pour lui soumettre l'opération. À ce point, le travail détaillé de vérification est habituellement effectué par le spécialiste de l'évitement fiscal.
Je vais maintenant vous parler des principales inquiétudes que nous avons exprimées dans le chapitre 11. Tout d'abord, nous nous inquiétons des retards dans l'adoption des modifications qu'il est nécessaire d'apporter à la Loi de l'impôt sur le revenu. La législation fiscale est l'outil premier qu'utilisent les spécialistes de l'évitement fiscal pour établir de nouvelles cotisations à l'égard des opérations d'évitement. Il est donc important, lorsque des problèmes relatifs à l'application de la loi sont notés et portés à l'attention du ministère des Finances, que des modifications soient apportées à la loi dès que possible.
Nous reconnaissons que ce processus de modification peut être long, mais nous avons noté que les retards dans l'adoption des modifications législatives peuvent entraîner des pertes fiscales supplémentaires, des vérifications inefficientes et de nombreux appels. Nous avons recommandé que Revenu Canada consulte le ministère des Finances et cherche des moyens d'accélérer l'adoption des modifications législatives requises.
Notre deuxième inquiétude a trait au fait que dans les cas d'application de la règle générale anti-évitement et de règlement des appels, les spécialistes de l'évitement fiscal ne reçoivent que peu ou pas de rétroaction. Nous croyons qu'une plus grande rétroaction leur permettrait d'accroître leur niveau de connaissances et d'efficience.
La règle générale anti-évitement a été instaurée en septembre 1988 en vue de mieux réagir à la grande variété d'abris fiscaux abusifs et de réduire le besoin de dispositions anti-évitement supplémentaires dans la Loi de l'impôt sur le revenu. Un comité interministériel a été mis sur pied pour examiner et approuver chaque cas d'application de la règle. Au 31 octobre 1995, le comité avait reçu 148 renvois auxquels la règle pourrait s'appliquer.
Nous avons constaté que les vérificateurs de l'évitement fiscal ne comprennent pas le raisonnement sur lequel repose la décision du comité de permettre au ministère d'établir de nouvelles cotisations pour des opérations d'évitement fiscal en utilisant la règle générale anti-évitement. Nous croyons que les décisions du comité doivent être mieux communiquées aux vérificateurs de l'évitement fiscal et ce, afin d'améliorer l'application de la règle. Étant donné que les tribunaux ne se sont pas encore prononcés sur cette question, le comité est seul à définir la façon dont la règle s'applique.
Une observation semblable a été faite concernant les décisions de la direction générale des appels. Les contribuables contestent un bon nombre des nouvelles cotisations pour évitement fiscal au stade des appels. Pour la période de quatre ans terminée le 31 mars 1995, la direction générale des appels a traité plus de 500 cas d'évitement fiscal. Dans 45 p. 100 des cas, l'impôt établi à la suite d'une nouvelle cotisation a été modifié ou annulé. Étant donné que le processus des appels peut servir de moyen de contrôle de la qualité de la vérification, le fait pour les vérificateurs de l'évitement fiscal et d'autres intéressés de recevoir une rétroaction constituerait pour eux une expérience d'apprentissage utile et améliorerait l'efficience des vérifications futures.
Notre troisième inquiétude porte sur le manque d'uniformité dans la façon dont les bureaux de district examinent les questions d'évitement fiscal mettant en cause de grandes entreprises. Les grandes entreprises, particulièrement celles qui effectuent de nombreuses opérations tant nationales qu'internationales, représentent un risque élevé parce qu'elles ont souvent l'occasion de participer à des stratagèmes d'évitement fiscal et qu'elles ont les ressources nécessaires pour le faire. Nous avons noté qu'à Toronto, là où se trouvent un grand nombre de grandes entreprises, les vérificateurs de l'impôt n'ont fait qu'un seul renvoi aux spécialistes de l'évitement fiscal.
Notre quatrième inquiétude a trait au fait que les abris fiscaux abusifs exercent des pressions sur le régime fiscal. De 1992 à 1994, les contribuables ont investi près de 5 milliards de dollars dans des abris fiscaux. Il est déconcertant d'observer que la plupart des abris fiscaux vérifiés par Revenu Canada ont été trouvés abusifs.
En 1994 et en 1995, Revenu Canada et le ministère des Finances ont pris des mesures pour combattre les abris fiscaux abusifs. Ces mesures devraient contribuer à réduire l'incidence future de ces abris. Nous croyons que le gouvernement pourrait envisager d'intervenir dans deux secteurs afin de réduire davantage la portée des abris fiscaux abusifs.
La loi canadienne ne prévoit pas de pénalité pour la promotion d'un abri fiscal abusif. Il s'ensuit que les promoteurs d'abris fiscaux abusifs ne courent à peu près aucun risque. Par comparaison, aux États-Unis, une disposition législative a été adoptée en 1982 pour que l'Internal Revenue Service puisse imposer des pénalités à quiconque met sur pied un abri fiscal abusif, en fait la promotion ou le vend.
Les promoteurs d'abris fiscaux encouragent les investisseurs à demander une réduction de leurs déductions à la source dès qu'ils achètent une part dans un abri fiscal. Ces renonciations sont accordées pour cause de préjudice. Les investisseurs peuvent ainsi financer la partie en argent de leur achat par des retenues à la source réduites.
Notre inquiétude est que le raisonnement derrière l'octroi de renonciations n'est pas clair, particulièrement dans un contexte où la plupart des abris fiscaux vérifiés ont été trouvés abusifs et où l'investissement moyen dans des abris fiscaux était de 158 000$, si l'on exclut les sociétés de personnes en commandite de fonds communs de placement. Nous avons recommandé que Revenu Canada clarifie ce que signifie le terme «préjudice» et examine la possibilité d'appliquer des procédures d'examen plus poussées avant d'octroyer des renonciations pour cause de préjudice aux particuliers qui investissent dans des abris fiscaux.
Une autre recommandation que nous avons faite dans le chapitre s'apparente à une recommandation de notre rapport de 1993 concernant l'importance d'une stratégie globale pour définir le programme d'observation de Revenu Canada. Vous vous souviendrez que, depuis le dépôt du rapport, le ministère a présenté sa stratégie d'observation lors de l'audience de ce comité tenue le 16 mai 1996. Les membres du comité voudront peut-être demander au ministère qu'il clarifie la relation entre les secteurs de risque pour l'assiette fiscale, en particulier l'évitement fiscal, et l'affectation des ressources.
La réponse écrite du ministère à nos recommandations est incluse dans notre chapitre. Vous voudrez peut-être demander au ministère de fournir de l'information précise sur la façon dont il se propose de répondre à nos inquiétudes et sur son calendrier d'exécution.
La lutte contre l'évitement fiscal est essentielle pour favoriser la confiance du public dans l'équité et l'intégrité du régime fiscal. L'évitement fiscal, si on ne lui fait pas obstacle, aura une incidence sur les attitudes à l'égard de l'observation volontaire.
Monsieur le président, mes collègues et moi serons heureux de répondre à vos questions.
Le vice-président (M. Telegdi): Merci beaucoup. Monsieur Gravelle.
M. Pierre Gravelle (sous-ministre du Revenu national): Merci, monsieur le président. Tout comme mes collègues, M. Barry Lacombe, sous-ministre adjoint, Validation et exécution, etM. Bob Beith, sous-ministre adjoint, Appels, je suis heureux d'être ici cet après-midi pour discuter des préoccupations du VG et répondre aux questions des membres du comité.
Mais auparavant, j'aimerais discuter en termes plus généraux de notre programme d'évitement fiscal et des efforts plus vastes que nous déployons pour promouvoir l'observation volontaire de nos lois fiscales. Je dois souligner que notre programme de l'évitement fiscal dont il est question au chapitre 11 n'est pas géré isolément. Au contraire, il constitue un élément clé de la stratégie globale de Revenue Canada en matière d'observation.
[Français]
Je pense qu'il est reconnu que le moyen le plus efficace et le plus économique d'appliquer un régime fiscal est de compter sur l'autocotisation et sur l'observation volontaire.
Cette observation volontaire de la loi s'obtient en établissant un équilibre entre des activités d'aide, d'éducation et de service, d'une part, et un programme d'exécution pondérée, d'autre part.
[Traduction]
Au cours des dernières années, nous avons travaillé ferme afin d'intensifier nos efforts en ce qui concerne l'observation. J'aimerais vous parler de huit mesures que nous avons prises à cette fin.
Premièrement, nous avons augmenter les ressources destinées à l'exécution. Globalement, l'affectation budgétaire de nos programmes d'exécution a augmenté de 13 p. 100 entre 1992-1993 et 1994-1995, et nos ressources d'exécution augmenteront encore de 14 p. 100 d'ici à 1997-1998.
Deuxièmement, nous nous sommes efforcés de sensibiliser davantage le public à nos activités d'exécution en lui faisant connaître les condamnations pour fraude fiscale et pour évasion fiscale.
Troisièmement, sur le plan des transactions internationales, le ministère a amélioré les exigences relatives à la déclaration du revenu de toutes provenances et des opérations internationales; de concert avec le ministère des Finances, Revenu Canada a établi des nouvelles exigences visant la déclaration du revenu étranger; l'observation des exigences de déclaration de la T-106 a été améliorée. Nous reviendrons sur cet aspect un peu plus tard.
Quatrièmement, nous avons pris des mesures contre l'abus des abris fiscaux et des paradis fiscaux. Sous cette rubrique, Revenu Canada est en train d'accroître de plus de 300 p. 100 ses ressources affectées aux validations et aux vérifications internationales. La base de calcul pour l'impôt minimum de remplacement a été élargie. De nouvelles règles sur la fraction à risques ont été adoptées, pour que le contribuable ne puisse pas déduire des pertes supérieures aux fonds qu'il met en jeu par son placement. La pénalité dont sont passibles les promoteurs d'abri fiscal qui présentent des renseignements faux ou trompeurs a été portée de 3 p. 100 à 25 p. 100 du coût de l'abri fiscal. Les exigences en matière de déclaration des revenus étrangers et des opérations internationales ont été renforcées, notamment par la mise en vigueur de nouvelles exigences relatives à la déclaration des revenus étrangers. Je note également que dans le cadre d'organismes tels que l'OCDE, nous collaborons avec les pays qui ont conclu une convention fiscale avec le Canada afin de promouvoir la coopération internationale dans la lutte contre le mauvais usage des paradis fiscaux.
Cinquièmement, nous prenons des mesures contre l'économie clandestine en ciblant les secteurs où le taux d'inobservation de la loi est élevé, c'est-à-dire la construction, la rénovation domiciliaire, la réparation des automobiles, l'accueil, la joaillerie et d'autres services afin d'y exercer une surveillance accrue et d'y augmenter le taux de vérification. Nous cherchons également à lutter contre l'économie clandestine en ajoutant 800 équivalents temps plein supplémentaires aux 1 200 équivalents temps plein actuels pour améliorer la vérification des entreprises non constituées en société et des particuliers qui travaillent à leur compte. Nous collaborons également avec les provinces et je suis heureux de pouvoir dire au comité que nous avons réussi à conclure avec toutes les provinces des ententes de collaboration visant à encourager l'observation volontaire, les échanges de renseignements et la tenue de covérifications.
Septièmement, nous avons apporté des améliorations à la vérification. Je suis heureux de pouvoir dire que dans le cadre de notre stratégie en matière de vérification des grandes entreprises, nous vérifions aujourd'hui une proportion accrue des grandes sociétés. Nos équipes de vérification effectuent désormais des vérifications concomitantes, qui portent sur plusieurs genres de recettes. Conformément à notre campagne pour une meilleure assurance de la qualité, le ministère met actuellement en place un système national permettant de revoir notre programme de vérification et d'en contrôler la qualité et l'efficacité en fonction de normes nationales. Nous nous employons actuellement à cette tâche, et nous espérons avoir l'occasion, peut-être dans le courant de l'année prochaine, de vous faire part des premiers succès de ce nouveau programme national.
Enfin, nous avons resserré notre gestion des risques. Le ministère a établi une direction spécialisée dans les recherches sur l'observation. L'analyse des risques et l'établissement de profiles des risques ont été améliorés grâce à un accès plus large aux renseignements, grâce aussi à des échanges de renseignements avec d'autres ministères, des gouvernements provinciaux et des pays qui ont conclu une convention fiscale avec le Canada ainsi qu'à un appui plus efficace sous la forme de systèmes informatiques améliorés. Le ministère a augmenté ses compétences en matière de gestion des risques en recrutant et en formant des vérificateurs spécialistes ayant de l'expérience dans toutes les grandes branches de l'industrie.
[Français]
Somme toute, comme vous pourrez le constater, cela représente une trousse d'outils assez complète et efficace permettant de repérer les cas d'évitement fiscal.
Les résultats sont impressionnants: 95 p. 100 de toutes les recettes sont perçues sans qu'il soit nécessaire de prendre des mesures d'exécution directe, et nos activités d'exécution ont entraîné l'établissement, en 1994-1995, de nouvelles cotisations supplémentaires qui se montaient à4,4 milliards de dollars.
Tout contribuable a le droit d'organiser ses finances d'une façon qui lui permette de tirer parti de la législation fiscale pour réduire son fardeau fiscal. Pour cela, les contribuables, bien entendu, mettent leurs revenus dans des abris fiscaux légitimes qui sont expressément prévus dans les lois fiscales du pays.
Par contre, et c'est reconnu, il y a évitement fiscal abusif lorsqu'une possibilité d'évitement permet à quelqu'un de se soustraire à son obligation d'une façon qui vient violenter l'esprit de la loi.
Notre stratégie en matière d'évitement fiscal commence par un programme à l'échelle du pays conçu pour nous permettre de déceler rapidement les stratagèmes d'évitement fiscal abusif et de prendre les mesures appropriées.
[Traduction]
À cet égard, j'aimerais signaler aux membres du comité que le 1er décembre 1994, le ministère des Finances et Revenu Canada ont annoncé des modifications législatives et administratives visant à prévenir le lancement d'abris fiscaux abusifs. Au nombre des modifications législatives se trouvent les mesures suivantes: l'adoption de nouvelles règles sur la fraction à risques dont j'ai parlé tout à l'heure, l'élargissement de la base de calcul pour l'impôt minimum de remplacement et l'augmentation de la pénalité dont sont passibles les promoteurs d'abri fiscal qui présentent des renseignements faux ou trompeurs.
En 1994, également, le ministère des Finances a annoncé des modifications législatives qui définiraient plus clairement le revenu d'exploitation active et qui préciseraient qu'il ne peut y avoir exemption des règles concernant le revenu étranger accumulé que si le pays étranger est partie à une convention fiscale avec le Canada.
Plus récemment, en mars 1996, le ministère des Finances et Revenu Canada ont publié conjointement un avant-projet de loi visant à mettre en vigueur de nouvelles exigences en matière de déclaration des revenus étrangers. D'après ces nouvelles exigences, les contribuables qui détiennent des droits dans des biens étrangers d'une valeur supérieure à 100 000$ seront tenus de produire des déclarations de renseignements concernant les biens. Les contribuables qui ont des sociétés étrangères affiliées devront fournir plus de renseignements d'ordre financier et fiscal concernant chaque société affiliée. Les bénéficiaires de certaines fiducies non résidentes seront également tenus de produire une déclaration de renseignements pour l'année où la fiducie leur distribue des biens. Enfin, les personnes qui ont transféré ou prêté des biens à une fiducie non résidente devront, en règle générale, produire une déclaration de renseignements annuelle concernant la fiducie.
De plus, le régime d'octroi d'encouragements fiscaux à l'industrie cinématographique a été restructuré de manière que ces encouragements profitent aux personnes qui font les films plutôt qu'aux investisseurs. Et dans son dernier budget, le ministère des Finances a supprimé les sociétés d'exploration en commun.
[Français]
En plus, le ministère vérifie périodiquement les prix de cession interne et prend des mesures préventives pour ce qui est de ces prix, qu'on appelle aussi des transferts de prix.
Enfin, suivant sa détermination plus ferme de faire observer la loi, Revenu Canada accroît les ressources affectées à chaque grand secteur du Programme de l'évitement fiscal:
- dans les validations et vérifications internationales, nous passerons d'un effectif de50 vérificateurs internationaux en 1993 à un effectif prévu de 159 d'ici à 1998;
- les ressources de l'Évitement fiscal passent de 139 équivalents temps plein en 1995-1996 à 164 l'année suivante;
- les ressources affectées à la lutte contre l'économie clandestine passeront, comme je l'ai mentionné plus tôt, de 1 200 à 2 000 équivalents temps plein.
[Traduction]
Ce qui est le plus important, c'est que nous obtenons des résultats. Les taxes et les impôts recouvrés sur les opérations internationales ont doublé dans la dernière année, passant de200 millions de dollars en 1993-1994 à environ 500 millions en 1994-1995.
Il est intéressant de noter que les ventes d'abris fiscaux ont diminué, passant de 2,36 milliards de dollars en 1994 à 1,9 milliards en 1995. Le taux de participation aux abris fiscaux - c'est-à-dire le chiffre des ventes divisé par la valeur des offres - est tombé de 43 p. 100 qu'il était en 1994 à31 p. 100 en 1995. Les nouvelles cotisations liées à l'évitement fiscal ont augmenté de 45 p. 100 au cours des quatre dernières années.
En ce qui concerne les paradis fiscaux, une observation de Barry Shailer, vice-président directeur de la Bank of Bermuda, est particulièrement intéressante. Selon un article du Toronto Star d'avril dernier, il a déclaré:
Les avantages fiscaux du déménagement à l'étranger sont limités [...] Revenu Canada s'en est occupé très efficacement [...] si un Canadien nous demande d'ouvrir un compte pour en tirer des avantages fiscaux, nous commençons par lui dire que ces avantages n'existent pas, puis nous lui rappelons ses obligations en matière de déclaration.
[Français]
Ceci m'amène aux questions soulevées par le vérificateur général. J'avoue que je me réjouis des aspects suivants de son rapport: il approuve notre nouvelle approche de la vérification des grandes entreprises; il mentionne que nous avons amélioré la situation en attirant l'attention du ministère des Finances sur des problèmes d'ordre législatif; il croit que le ministère concentre ses efforts sur les secteurs qui en ont le plus besoin; il reconnaît que nous avons pris des mesures pour prévenir le lancement d'abris fiscaux abusifs. Je pense que nous sommes sur la bonne voie.
Nous progressons dans l'application de notre plan d'action mentionné dans le Rapport du vérificateur général. Nous avons maintenant élaboré un cadre d'imputabilité pour nos vérificateurs et nous sommes en train d'en établir la version définitive en les consultant tous.
Nous poursuivons également des discussions avec le ministère de la Justice en vue d'un meilleur accès à des conseils juridiques et d'un meilleur soutien juridique. Nous sommes résolument engagés dans le renforcement des communications de renseignements entre la fonction Vérification, d'une part, et la fonction Appels.
[Traduction]
Il est particulièrement intéressant de constater qu'en vertu de notre stratégie en matière de vérification des grandes entreprises, 100 p. 100 des plus grandes sociétés au Canada, celles dont le revenu brut annuel dépasse 200 millions de dollars, sont désormais vérifiées chaque année. Environ le tiers des sociétés dont les recettes annuelles sont d'au moins 15 millions de dollars sont également vérifiées chaque année, leur sélection pour vérification se faisant selon des critères d'évaluation des risques. Les sociétés qui présentent des risques élevés et dont le revenu brut annuel n'atteint pas15 millions de dollars sont également examinées et vérifiées.
Aujourd'hui, des équipes de vérificateurs qui comptent dans leurs rangs des spécialistes de l'impôt au niveau international et de l'évitement fiscal, veillent à ce que les techniques de vérification de l'évitement fiscal soient appliquées uniformément dans tout le Canada. Nous profitons de chaque vérification fiscale pour vérifier toutes les possibilités d'évitement fiscal.
Je voudrais maintenant dire quelques mots sur la déclaration des opérations internationales et la question des formulaires T-106. Le vérificateur général n'a formulé aucune observation détaillée à cet égard, mais je saisis l'occasion pour écarter certaines rumeurs erronées qui circulent maintenant sur le sujet.
Des médias ont mentionné faussement que des opérations internationales d'une valeur de60 milliards de dollars étaient passées sous le silence dans les déclarations de revenus produites auprès de Revenu Canada. Les opérations internationales visées par ces rumeurs sont indiquées dans des déclarations de revenus des sociétés, les cotisations appropriées sont établies à leur égard, et elles font l'objet d'une vérification. Tous les impôts exigibles relativement à ces opérations sont versés en temps voulu. Le chiffre de 60 milliards mentionné dans des articles récents correspond à une estimation de la sous-déclaration des opérations internationales dans une déclaration de renseignements supplémentaire, laquelle ne fait pas partie de la déclaration de revenus des sociétés qui s'appelle le formulaire T-106.
Ces opérations ne représentent pas des sommes qui seraient cachées au fisc ou qui seraient perdues pour le Trésor fédéral. Ces 60 milliards de dollars ont été comptabilisés et déclarés, et les cotisations d'impôt exigible qui s'y rapportent ont été établies. Le montant découle d'une étude que Revenu Canada a effectuée pour évaluer la qualité et la quantité des données fournies au moyen de la déclaration de renseignements supplémentaire, appelée la T-106. Dans cette étude, le ministère comparait les données de la T-106 à des données de Statistique Canada et de sa déclaration de revenus des sociétés.
Cette étude, qui reposait sur des données de 1990, concluait que dans le cas des redevances, des brevets d'invention, des marques de commerce et des autres biens incorporels ainsi que des services, les opérations déclarées à Statistique Canada et celles qui étaient indiquées dans la déclaration T2 de revenus des sociétés et la déclaration de renseignements T-106 concordaient. Dans le cas des marchandises, il y avait dans la T-106 une sous-déclaration d'au plus 20 p. 100 par rapport aux opérations indiquées dans la déclaration T2 de revenus des sociétés.
Selon les données de 1994 provenant de Statistique Canada, et selon nos données, la sous-déclaration des opérations sur marchandises dans la T-106 était passée de 20 p. 100 à7,8 p. 100. Étant donné ce résultat, il y a lieu d'espérer que le niveau d'observation en matière de déclaration pour la T-106 continuera de s'améliorer.
Je vais maintenant conclure.
[Français]
Nous prenons l'évitement fiscal très au sérieux. C'est une question qui est prioritaire pour le gouvernement et pour le ministère. Il faut bien comprendre que l'évitement fiscal abusif, l'évasion fiscale et les autres problèmes de ce genre tirent tous leur origine de la hiérarchie des valeurs et des comportements sociaux.
Si la société tolère l'évitement fiscal abusif et le considère comme une pratique légitime, il y aura toujours des gens qui essaieront d'abuser du régime fiscal pour leur intérêt personnel. Par conséquent, la meilleure façon de régler ce problème est d'obtenir le concours des Canadiens pour que l'évitement fiscal abusif et l'évasion fiscale deviennent des pratiques inacceptables pour la société.
[Traduction]
Vous savez, en 1990, il était difficile de trouver quelqu'un qui veuille parler de l'économie clandestine, à l'exception du vérificateur général et de Revenu Canada. Il y a cinq ans, nous avons décidé d'attirer l'attention du public sur la question et cinq ans plus tard, je peux vous dire que nous avons des accords de collaboration avec toutes les provinces. Tous les secteurs de l'industrie, toutes les associations industrielles collaborent avec nous pour trouver des solutions spécifiques aux secteurs respectifs, et de son côté, le public a répondu à l'appel et les divulgations volontaires ont doublé.
Nous appliquons maintenant une stratégie semblable pour lutter contre l'évitement fiscal abusif et nous accueillons sans aucune réserve les observations et les suggestions formulées par le vérificateur général dans son rapport.
Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions. Merci.
Le vice-président (M. Telegdi): Merci beaucoup.
Avant de commencer les interventions, j'aimerais faire remarquer aux membres du comité qui ne sont pas libéraux, que M. Hopkins, un des plus anciens députés au Parlement, fête aujourd'hui son 66e anniversaire. Il a été jadis président de ce comité, et j'ai pensé qu'il serait bon de commencer sur cette note.
Encore une fois, nous vous félicitons, monsieur Hopkins.
M. Hopkins (Renfrew - Nipissing - Pembroke): Merci. Le 49e a été merveilleux.
Le vice-président (M. Telegdi): Nous passons maintenant aux questions avec M. Silye dont nous saluons le retour.
M. Silye (Calgary-Centre): Beaucoup d'années de bonheur.
M. Hopkins: Merci.
M. Silye: C'est un sujet particulièrement intéressant que je suis de très près depuis l'époque où je faisais des affaires à Calgary dans le secteur du gaz et du pétrole. Depuis lors, j'essaie toujours de trouver les règles qui me permettront de payer le moins d'impôt possible. À mon avis, un individu a le droit de payer le moins d'impôt possible tant que cela reste légal, et également le droit d'interpréter les règles, ce qui devient de plus en plus difficile. Pour cette raison, le vérificateur général a jugé bon de recommander des changements législatifs plus rapides lorsqu'ils deviennent nécessaires, des éclaircissements plus rapides pour que les gens puissent savoir précisément ce qu'ils peuvent faire et ce qu'ils ne peuvent pas faire.
Le vérificateur général a d'ailleurs fourni des exemples très précis de cas où la législation avait été très lente à suivre. Même dans des cas où les tribunaux s'étaient prononcés, comme cette question des fiducies familiales, le reste des Canadiens ont dû attendre longtemps encore des éclaircissements législatifs.
L'évitement fiscal ne réduit pas l'assiette fiscale. Ce qu'un gouvernement qualifie d'échappatoire fiscale était considéré comme un encouragement fiscal par un gouvernement précédent; c'est un petit jeu qui ne s'arrête jamais. Par conséquent, je félicite le vérificateur général et Revenu Canada lorsqu'ils cherchent à encourager les Canadiens à payer leurs impôts, mais d'un autre côté, leurs efforts perdent beaucoup d'efficacité lorsque les citoyens voient d'autres Canadiens qui ne paient pas leurs impôts et qui sont dans l'illégalité mais qui, pourtant, ne sont pas poursuivis.
Comme nous le savons tous, cette économie clandestine est un facteur très sérieux. Nous n'en connaissons pas l'importance, mais nous savons qu'elle existe. Nous connaissons tous des gens qui en font partie. Et pourtant, nous nous demandons pourquoi. Nous nous disons que c'est dû aux impôts qui sont trop élevés, mais en même temps nous nous disons que le gouvernement a besoin de cet argent parce qu'après tout, les impôts ne sont qu'un droit d'adhésion à cette merveilleuse société privilégiée qui est la nôtre. Il faut bien payer pour ce privilège.
Ce préambule étant posé, et sans oublier qu'à mon avis tout le monde a le droit de payer le moins d'impôt possible, j'ai deux graves objections à ce qui se passe actuellement.
En ce qui concerne l'économie clandestine, j'ai l'impression que Revenu Canada essaie de s'attaquer à l'évitement fiscal soit en modifiant la législation, soit en agissant rétroactivement. J'ai beaucoup de mal à accepter cette rétroactivité, car à mon avis c'est une atteinte au droit des particuliers de payer le moins d'impôt possible quand leurs avocats spécialistes des questions fiscales et leurs comptables leur disent qu'ils peuvent le faire. Fut un temps où c'était considéré comme un encouragement, puis le gouvernement change la Loi de l'impôt sur le revenu... Ce gouvernement s'est très bien débrouillé dans ce sens, et à de nombreuses reprises. Ils n'ont pas augmenté l'impôt des particuliers, mais ils ont élargi l'assiette. Ils ont réussi à soutirer plus d'impôt des particuliers et des sociétés, et également plus de taxes d'accise grâce à des changements législatifs. Toutes ces mesures ont été rétroactives.
Monsieur Gravelle, j'aimerais que vous me parliez d'un exemple, celui des exemptions sur les revenus en provenance de l'étranger. Beaucoup d'employés, faisant confiance à un employeur, faisant confiance aux règles en vigueur, à la législation, partent travailler à l'étranger. Soixante-quinze pour cent de leur salaire est exempté. Ce gouvernement a jugé bon de supprimer cette échappatoire, et sur ces entrefaites, qu'a-t-il fait? Il a déclaré: Maintenant vous nous devez de l'argent pour les deux autres années que vous avez passées là-bas, pour les années d'avant. Ce n'est pas normal. Pourtant, c'est ce qu'ils ont fait. J'aimerais que vous développiez cette question de la rétroactivité.
J'ai une autre préoccupation; nous savons que la contrebande est une forme très répandue de l'économie clandestine. Vous visez les secteurs où la non-observation est particulièrement élevée. Nous savons cela. Vous avez parlé du secteur de la joaillerie. Toutes les transactions ne se font pas en liquide. D'où viennent la plupart de ces bijoux? À quel endroit ces produits entrent-ils dans le pays?
Il y a également des fraudes sur le plan de la TPS. Vous connaissez les secteurs les plus touchés. J'ai lu un rapport, un rapport rédigé par un vérificateur légiste, qui a fait une étude et interrogé un grand nombre de vérificateurs de Revenu Canada. J'ai un exemplaire de ce rapport que vous connaissez peut-être. Je ne me souviens pas de son nom pour l'instant.
D'après cette personne, dans certaines réserves, à Akwesasne par exemple, nous avons mis fin à la contrebande de cigarettes en supprimant les possibilités de bénéfices, ce qui était une bonne chose, et aujourd'hui, nous réimposons progressivement des taxes, ce qui est bien également. C'est la prérogative du gouvernement. Cela dit, on n'a pas supprimé la contrebande de l'alcool, par exemple. La différence, c'est que chez nous l'alcool est taxé à 83 p. 100, aux États-Unis, à 40 p. 100. On peut faire des bénéfices considérables sur l'alcool. On peut également passer beaucoup d'alcool en contrebande, et d'après les rapports, il y a beaucoup d'alcool qui passe par les réserves. Pourtant, personne ne va dans les réserves. Il est facile de dire que c'est de compétence provinciale, on évite le problème de cette façon-là, mais nous au fédéral, nous savons qu'il y a de la contrebande.
Les gens se rendent dans les réserves pour y acheter des produits et des services, par exemple de l'essence et de l'épicerie, ce qui leur évite de payer la TPS. Des gens qui ne sont pas autochtones vont s'approvisionner dans les réserves. On leur vend tous ces produits. J'en ai reçus par le courrier, avec les reçus, etc. Je n'ai pas voulu en faire une affaire d'État, mais puisque nous parlons d'évitement fiscal...
Le vice-président (M. Telegdi): Monsieur Silye, il y a maintenant cinq minutes et demie que vous parlez.
M. Silye: Je ne suis pas Yvan Loubier qui, lui, parle souvent pendant 20 minutes.
Le vice-président (M. Telegdi): Vous devriez garder un peu de temps pour la réponse.
M. Silye: Je comprends cela, monsieur le président, mais étant donné l'absence des députés du Bloc, je voudrais aborder ces trois...
Le vice-président (M. Telegdi): Vous aurez un autre tour.
M. Silye: Ce sont des questions importantes pour les Canadiens. Je pourrais poser les questions une à la fois ou demander au témoin de répondre quand j'aurai posé les trois.
Le vice-président (M. Telegdi): Vous avez 10 minutes, après quoi la parole passe de l'autre côté et l'on vous reviendra ensuite.
M. Silye: D'accord. J'ai cinq minutes. J'avais oublié la règle des 10 minutes. Merci, monsieur le président, de me l'avoir rappelée.
Il y a donc la façon dont les règles sont appliquées par les vérificateurs, lorsqu'ils travaillent dans une entreprise ou qu'ils s'y rendent aux fins de la vérification, et la question de savoir s'ils appliquent la règle générale anti-évitement équitablement dans tout le pays.
Le déploiement des vérificateurs: si les 150 vérificateurs du Programme de l'évitement fiscal rapportent 365 millions de dollars, vous pourriez peut-être nous dire combien vous vous attendez à récupérer grâce aux 800 vérificateurs que vous allez embaucher pour vérifier les opérations de l'économie au noir.
Voilà toutes mes questions, je crois. Je vous prie de me pardonner ce long préambule.
M. Barry Lacombe (sous-ministre adjoint, Direction générale de la validation, de l'exécution et des recherches sur l'observation, ministère du Revenu): Je vais essayer de répondre à vos questions, monsieur Silye. Je vais essayer d'y répondre dans l'ordre.
D'abord, en ce qui a trait à la rétroactivité, la question de l'évitement fiscal est très complexe. Tout dépend de la nature des diverses transactions et de leur régularité au regard de l'esprit et de la lettre de la loi. Le souci d'équité est l'une des raisons de l'instauration de la règle générale anti-évitement. Si nous avions agi uniquement en fonction des dispositions législatives, les contribuables qui auraient conclu des transactions avant que la loi ne soit modifiée auraient été avantagés. Ainsi, la règle générale anti-évitement donne au ministère les moyens d'agir lorsqu'il prend connaissance d'un dossier donné.
En ce qui a trait à l'équité, si nous avons décidé d'adopter une nouvelle approche de vérification des grandes entreprises, c'est que nous pourrons faire les vérifications en temps opportun et en temps réel afin de repérer ce genre de transactions plus tôt et d'appliquer les règles de façon uniforme.
En ce qui a trait à votre exemple précis, celui du crédit d'impôt pour emploi à l'étranger, il n'y a eu, à ma connaissance, aucune modification de la loi ou des règles applicables. Il s'agit d'un crédit d'impôt dont peuvent se prévaloir les employés des sociétés résidant au Canada qui sont appelés à travailler à l'étranger. Comme vous le savez, ce crédit a pour but de permettre aux entreprises résidant au Canada d'être compétitives. Il n'y a donc eu aucune modification des règles. Le critère déterminant c'est de savoir s'il s'agit d'une entreprise résidant au Canada. Il arrive parfois que des entreprises soient à première vue résidentes au Canada alors qu'elles ne le sont pas en réalité. Ce sont des entreprises étrangères.
En ce qui a trait à l'économie clandestine et à vos commentaires sur l'alcool et la situation dans les réserves, permettez-moi de dire qu'en plus de notre initiative en ce qui a trait à l'économie clandestine, le ministère a aussi un programme de lutte contre la contrebande. Ces deux initiatives vont de pair. Comme l'a dit M. Gravelle, elles vont de pair non seulement au sein de Revenu Canada mais sont aussi mises en oeuvre avec les provinces, la GRC, etc. Nous sommes donc très vigilants dans nos efforts de lutte contre la contrebande.
En ce qui a trait à la TPS dans les réserves, notre approche est réellement très claire. Une entreprise dans une réserve est apparentée à nos yeux à n'importe quelle autre entreprise. Si le chiffre d'affaires dépasse les 30 000$, l'entreprise doit être enregistrée aux fins de la TPS. Quand nous repérons ces entreprises, nous nous assurons qu'elles sont enregistrées aux fins de la TPS. Cela fait, nous procédons bien sûr à des vérifications en fonction du risque. Nous faisons de nombreuses vérifications.
Je ne sais pas au juste de quel article vous parlez, mais si c'est celui que je crois, l'entreprise a présenté ses excuses au ministère sur la teneur de cet article - si nous parlons toutefois du même article - puisque nous agissons essentiellement en fonction du risque, c'est-à-dire là où nous croyons que les taxes risquent de ne pas être payées. Le cas échéant, nous prenons des mesures de vérification ou de validation.
Quant à l'alcool, permettez-moi de dire que c'est l'un des éléments de l'économie clandestine sur lesquels nous nous concentrons, en raison du secteur de l'accueil. Grâce à la coopération des provinces, nous pouvons établir des comparaisons entre les ventes des régies des alcools provinciales et les ventes des restaurants; si nous remarquons un écart trop grand, cela nous met la puce à l'oreille. Voilà le genre d'effort que nous faisons.
Bien entendu, nous pourrions faire encore davantage mais nous faisons déjà beaucoup. Comme l'a dit M. Gravelle, nous travaillons avec la quasi-totalité des associations professionnelles pour trouver une solution au problème mais, au bout du compte, comme vous l'avez dit vous-même, nous voulons que tous les chefs d'entreprise honnêtes soient traités de la même façon. Voilà ce qui motive nos initiatives.
Je ne sais pas si j'ai répondu à toutes vos questions.
M. Silye: Le déploiement des vérificateurs.
M. Lacombe: Je vais essayer de répondre de cette façon. Aux fins de l'impôt sur le revenu, nous avons environ 3 000 vérificateurs de dossiers d'entreprises, comme nous les appelons. Comme l'a dit M. Gravelle, nous faisons la vérification de toutes les grandes entreprises ayant des revenus bruts de plus de 200 millions de dollars par année. Nous vérifions environ 33 p. 100 de celles qui ont des revenus bruts de plus de 15 millions et entre 5 et 6 p. 100 de celles qui ont des revenus bruts de moins de 15 millions de dollars, sauf que, dans le cadre de notre initiative de lutte contre l'économie clandestine, nous avons augmenté le nombre de vérifications pour ce groupe. Voilà comment ils sont déployés.
Quant aux ressources spéciales sur lesquelles on peut compter, tous nos vérificateurs de dossiers d'entreprises peuvent faire appel à des spécialistes de l'évitement fiscal. Ils reçoivent une formation dispensée par les spécialistes de l'évitement fiscal dans les bureaux locaux. Nous leur demandons de repérer les stratagèmes d'évitement fiscal et, s'ils ont besoin d'aide, de porter ces dossiers à l'attention des spécialistes.
Dans certains cas, une fois le précédent établi, il n'est plus nécessaire de porter les dossiers à l'attention des spécialistes. C'est pourquoi nous sommes parfaitement d'accord avec la le vérificateur général lorsqu'il recommande que nous veillions à ce que l'information soit transmise rapidement à nos vérificateurs.
Je vais vous expliquer de façon très schématique l'affectation de nos ressources.
Le vice-président (M. Telegdi): Pouvez-vous conclure, s'il vous plaît?
M. Lacombe: Oui.
Nous avons environ 3 000 vérificateurs de dossiers d'entreprises qui s'intéressent principalement à l'impôt sur le revenu. Nous en avons environ 1 600 qui s'occupent surtout de la TPS. Nous en avons 477 qui vérifient les demandes de crédit d'impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental. Nous en avons 164 qui vérifient les dossiers liés à l'évitement fiscal. Il y en a 549 qui s'occupent des contribuables qui ne présentent pas de déclaration de revenu ou qui ne sont pas enregistrés. Il y en a 180 qui font des vérifications internationales.
Voilà une ventilation rapide. Lorsqu'il s'agit d'affecter nos ressources, nous prenons une décision subjective en fonction du risque identifié.
Je suis désolé de la longueur de ma réponse, monsieur le président.
M. Silye: C'est ma faute.
Le vice-président (M. Telegdi): Monsieur Assad.
[Français]
M. Assad (Gatineau - La Lièvre): Évidemment, le sujet nous intéresse énormément. C'est un sujet assez complexe, mais quand on peut dialoguer en des termes très clairs, il le devient moins. Beaucoup de gens du commun des mortels n'aiment pas s'aventurer dans une discussion qui porte sur la perception des impôts ou sur la Loi de l'impôt sur le revenu parce qu'ils croient qu'il faut presque un diplôme en économie pour savoir exactement ce que ces questions impliquent.
Aujourd'hui, nous avons eu le rapport du vérificateur général et celui du sous-ministre du Revenu, qui étaient très clairs et fort intéressants. J'aimerais porter à votre attention un point qui n'est pas un mystère, et c'est que la perception du système des impôts est extrêmement mauvaise. Je suis certain que vous le savez aussi bien que moi, comme tous mes collègues qui ont à rencontrer le public. C'est quasiment notre deuxième nature de rencontrer le public.
Les gens n'ont pas une perception claire de la question. La réalité, c'est qu'ils paient des impôts. Ils savent, sans être capables de mettre le doigt dessus, qu'il y a des abus. Ils savent que les mieux nantis de notre société, les grosses compagnies ont des moyens d'échapper à l'impôt. Je ne pense pas vous faire une grande révélation.
Si on arrête neuf personnes sur dix dans la rue et qu'on leur demande si elles croient que notre système d'impôt est juste et équitable pour tout le monde, etc., elles seront insultées. Elles vous demanderont si vous les prenez pour des fous, car il est évident que ce système est absolument inéquitable et injuste.
Dans une société démocratique comme la nôtre, il n'est pas normal que la population ait une telle perception. Ce n'est pas sain. Si le système est mauvais, il est évident que notre rôle est de le corriger et que c'est urgent. C'est évident qu'il ne se corrige pas en criant «bine». On en connaît la complexité, et il y a des gens qui sont très habiles.
Si les gens ont une mauvaise perception, c'est à nous, avec le temps, de leur démontrer que c'est équitable et juste. Malheureusement, ce n'est pas le cas. Avec l'événement que le vérificateur général a porté à notre attention il y a quelques semaines, une décision de 1991 qui aurait été reprise concernant deux milliards de dollars - je ne connais pas tous les détails - , j'espère qu'on va aller au fond des choses. Cette question a inquiété beaucoup de gens.
Je ne veux pas faire un préambule trop long parce que j'ai des questions à poser. L'incident d'il y a quelques semaines est très mauvais. Je suis certain que mes collèges en ont eu les mêmes échos que moi. Le message était très mauvais. C'était: «Si tu peux jouer le gouvernement, fais-le». C'est le message que les gens ont perçu et c'est très mauvais. Le message est que si on a les moyens d'aller chercher un homme habile, un comptable qui sait comment contourner la loi, on n'a qu'à le faire. Ce n'est pas normal.
Dans le contexte de la crise économique que nous vivons, il est essentiel de pouvoir compter sur la collaboration de tous.
J'ai fait affaire avec les fonctionnaires du ministère du Revenu, et mon expérience m'a prouvé qu'ils étaient très efficaces; c'est indéniable. Évidemment, ils savent qu'ils ont besoin de ressources parce qu'il y a beaucoup d'experts dont on ne commentera pas l'honnêteté. Il leur faut faire preuve de beaucoup de vigilance et d'habileté pour déceler les moyens auxquels ils ont recours.
Finalement, il y a une chose que j'ai sur le coeur depuis longtemps et que je voudrais exprimer.
[Traduction]
Le vice-président (M. Telegdi): Monsieur Assad, s'il vous plaît.
[Français]
M. Assad: Je vous exprime ce que les gens nous disent. On ne peut pas l'ignorer; on ne peut pas dire qu'ils ont tort. Ils attendent de nous au moins un effort en vue de corriger la situation; c'est extrêmement important.
Monsieur le président, dans les conclusions que tirait le sous-ministre du Revenu, il disait:
- Par conséquent, la meilleure façon de régler ces problèmes est d'obtenir l'aide de la plupart des
Canadiens pour que l'évitement fiscal abusif et l'évasion fiscale deviennent des pratiques
inacceptables sur le plan social.
Si nous pouvons prouver qu'aux termes de la loi, des abus ont été délibérément commis, est-ce que nous ne devrions pas prévoir une peine de prison? Ne devrions-nous pas en quelque sorte dire: «Écoutez, la loi est très claire. Vous avez délibérément évité l'impôt. Une peine de prison s'impose. Il n'y aura pas de procès ni d'amende. C'est la prison qui vous attend». C'est d'ailleurs ce que font d'autres pays.
M. Gravelle: Je suis très sensible aux préoccupations de M. Assad et de M. Silye puisque les propos que vous entendez tous lorsque vous rencontrez vos commettants sont les mêmes que ceux que j'entends lorsque je rencontre des Canadiens partout au pays.
Nous sommes obligés en quelque sorte de marcher sur une ligne très fine, en vue de maintenir un équilibre, comme le disait plus tôt M. Silye: nous devons donner aux Canadiens le droit d'organiser leurs affaires de manière à payer le moins de taxes possible, en autant que ce soit légal, et en même temps prendre les moyens d'exécution les plus efficaces pour contrer l'évitement abusif et l'évasion fiscale.
En bout de ligne, c'est une question d'attitude dans la société. Pourquoi des gens refusent-ils de payer de l'impôt ou font-ils de l'évasion fiscale? Pour certains, c'est parce qu'ils n'aiment pas payer de l'impôt, point. Pour d'autres, c'est parce qu'ils ne sont pas d'accord sur le plan de société. Pour certains, c'est une forme de protestation sociale. Ou encore c'est simplement parce qu'il n'y a pas de moralité sociale. On ne veut pas dire qu'on est un bon citoyen et qu'on payera de l'impôt.
Même si le vérificateur général et notre ministère avions répété pendant cinq ans qu'il y avait de l'évitement fiscal et de l'évasion fiscale, nous ne serions pas allés bien loin si les gens n'avaient pas été réceptifs à cette préoccupation.
Mais le vent a tourné. Des Canadiens et des Canadiennes viennent maintenant dans nos bureaux de district ou nous envoient une lettre anonyme nous demandant si nous aurions l'obligeance de faire enquête sur telle ou telle situation. Il s'agit là d'un éveil social.
Les gens veulent une équité. Ils veulent que tous soient traités équitablement. Personne ne veut assumer un fardeau fiscal plus élevé que les autres.
Deuxièmement, à la demande de leurs membres, des associations et des sociétés représentant des plombiers, des entrepreneurs généraux ou des gens d'autres métiers viennent maintenant nous voir pour nous dire qu'ils veulent être de bons citoyens corporatifs et payer leurs taxes, mais que certains de leurs concurrents refusent de payer leurs taxes, créant ainsi un fardeau additionnel et une concurrence déloyale. Nous voulons travailler avec vous pour que vous puissiez rétablir des règles d'équité, nous disent-ils.
Troisièmement, au cours des dernières années, nous avons essayé d'éduquer, d'informer et de sensibiliser la population. C'est pourquoi nous avons rendu les condamnations pour évasion fiscale publiques et plus accessibles. Ces condamnations, monsieur Assad, ne consistent pas uniquement en des pénalités monétaires, mais, dans de sérieux cas d'évasion fiscale, en des peines d'emprisonnement.
[Traduction]
M. Silye: Vous m'avez dit que la loi n'a pas été changée en ce qui a trait à la rétroactivité dans le cas du crédit pour emploi à l'étranger. Je suis d'accord. Je crois que tout le monde comprend la loi. La plainte provenait d'un contribuable. Le problème tient au fait - et c'est pour cela qu'il déteste Revenu Canada - que vous punissez le contribuable bien qu'il ait indiqué sur la déclaration de revenu transmise par l'entreprise en son nom qu'il s'agissait d'une société sous contrôle canadien. Pourquoi n'a-t-on pas envoyé d'avis de cotisation à la société ou n'exige-t-on pas que la société acquitte rétroactivement certains des impôts exigibles? De cette façon, ce serait plus équilibré et plus juste que de vous en prendre aux seuls contribuables qui n'avaient pas le choix.
M. Assad a parlé de l'impôt général sur le revenu et du fait que l'on déteste les vérificateurs de Revenu Canada ou Revenu Canada parce que la législation fiscale est inéquitable, mais c'est une question politique. Il y a aussi iniquité du fait que le gouvernement libéral, dans le dernier budget ou celui avant cela, a élargi l'assiette de la taxe en modifiant les règles sur le crédit d'impôt pour handicapés de façon à refuser des demandes de crédit pourtant autorisées dans le passé sous prétexte que selon la vérification - ils ne l'ont peut-être pas changé - le contribuable n'était pas admissible ou n'était pas aussi handicapé qu'il le prétendait. On pourrait dire qu'il est allé un peu trop loin en disant «nous ferons une vérification de votre dossier cette année. Vous nous devez 2 000$ mais nous ferons une vérification pour les deux ou trois années antérieures et nous rejetterons votre demande de crédit et nous exigerons le remboursement par surcroît». Ce sont des gens à faible revenu; ils n'ont plus cet argent, ils l'ont dépensé. Vous serrer trop la vis. Ce genre de chose s'ébruite et cela nuit à votre réputation.
M. Gravelle: C'est bien vrai. Nous n'établissons pas de nouvelles cotisations pour les deux ou trois années antérieures. Le ministre a annoncé - et je crois qu'il a écrit récemment à tous les députés - qu'en pareil cas, nous n'établirions de nouvelles cotisations que pour la dernière année.
Ce n'est pas la seule solution au problème. Ce crédit d'impôt pour handicapé, comme nous l'appelons, est assujetti à toutes sortes de règles énoncées de façon imprécise dans la loi. Il y a une évaluation de la part des praticiens et des médecins. Nous travaillons en étroite collaboration avec les médecins pour faire en sorte qu'ils comprennent bien les critères. Ils nous ont aidés à améliorer le formulaire. Nous fournissons aussi aux contribuables des renseignements plus complets pour qu'ils puissent déterminer s'ils sont admissibles au crédit d'impôt pour handicapé. Nous avons cessé d'établir de nouvelles cotisations au-delà d'un an, la mesure ayant été jugée trop rigoureuse.
M. Silye: Qu'en est-il de la responsabilité de l'employeur en ce qui a trait au crédit d'impôt pour emploi à l'étranger?
M. Lacombe: Malheureusement, monsieur Silye, la responsabilité incombe à l'employé puisqu'il s'agit d'un revenu gagné. Au bout du compte, c'est l'employé qui est redevable de l'impôt sur le revenu.
M. Gravelle: Ici encore, ce n'est pas suffisant de dire que la responsabilité incombe à l'employé. M. Lacombe et ses collaborateurs ont ouvert une vaste consultation avec les employeurs afin de les sensibiliser au problème et de veiller à ce qu'ils fournissent des renseignements adéquats à leurs employés.
M. Silye: Merci, monsieur le président.
Le vice-président (M. Telegdi): Monsieur Iftody.
M. Iftody (Provencher): Monsieur le président, je vais vous montrer comment on peut faire un préambule très court.
J'ai deux questions. J'aimerais poser la première qui concerne les grandes entreprises aux témoins du bureau du vérificateur général.
Vous aviez exprimé un souci quant aux pratiques d'évitement fiscal des grandes entreprises. Auriez-vous, par exemple, des soucis avec certaines des six grandes banques canadiennes? Voilà ma première question.
Ma seconde question s'adresse au sous-ministre du Revenu et concerne l'économie clandestine. J'aimerais que vous donniez au comité ne serait-ce qu'une petite idée des recettes non perçues que représente l'économie au noir et du pourcentage de ces recettes non perçues imputables au non-versement de la TPS.
Comme corollaire à cette dernière question, croyez-vous que la proposition du gouvernement d'harmoniser les taxes provinciales et la TPS pourrait contribuer à réduire les possibilités d'éviter de payer la taxe? J'aimerais votre avis professionnel et délibéré.
Prenons d'abord ma première question aux témoins du Bureau du vérificateur général. Merci.
M. Minto: Je vais tenter de répondre à cette question.
Dans le cadre de cette vérification, nous ne sommes pas entrés dans les détails des divers secteurs de l'économie. Nous avons tiré nos conclusions en fonction des documents et des évaluations de risques du ministère. Le ministère lui-même avait déterminé quels sont les secteurs où le risque est le plus grand; je vous demanderais de vous reporter au paragraphe 11.24.
Je vous demanderais aussi de vous reporter à la pièce 11.4 qui montre le genre de défis que posent pour le ministère du Revenu national les mécanismes étrangers. Vous remarquerez qu'il y a là un exemple relatif aux sociétés de banque.
M. Iftody: Merci.
M. Lacombe: Je vais tenter de répondre à votre question concernant l'importance de l'économie clandestine et des pertes de recettes liées à la TPS, et M. Gravelle répondra à votre question sur l'harmonisation.
S'agissant de la taille de l'économie au noir, comme vous le savez, de nombreusesestimations ont été faites quant à l'ampleur du problème. Elles sont comprises dans une fourchette allant de 3 à 5 p. 100 du produit intérieur brut à 20 p. 100 du produit intérieur brut. Si c'était 3 p. 100 du PIB, cela représenterait environ 21 milliards de dollars au total. Si c'était 5 p. 100, cela représenterait environ 30 milliards de dollars. Le PIB est d'environ 700 milliards de dollars.
Ce sont des chiffres intéressants à nos yeux. Nous n'essayons pas réellement de déterminer son ampleur. Nous nous intéressons davantage à des secteurs précis où, nous le savons, l'activité au noir est très répandue et nous voulons engager la lutte contre cette activité. Voilà pourquoi, comme l'a dit M. Gravelle dans son exposé liminaire, nous avons ciblé sept secteurs: la construction, la rénovation domiciliaire, la vente et la réparation automobile, l'accueil, etc.
Il n'est pas facile de répondre à votre question sur les sommes que représente la TPS non versée. On pourrait probablement faire une estimation, si on le voulait, à partir de ce qu'on croit être son importance en proportion du produit intérieur brut. J'aimerais faire valoir deux arguments.
D'abord, si l'on compare les recettes provenant de la TPS à la croissance des dépenses personnelles dans l'économie ou encore à la croissance des ventes au détail, cela ne déclenche aucun signal d'alarme. Autrement dit, les recettes provenant de la TPS n'ont pas chuté tandis que les mesures approximatives de l'assiette de la taxe ont continué d'augmenter. Les deux indicateurs continuent d'évoluer en tandem.
M. Gravelle: La question de l'harmonisation est critique. Quand nous avions - et nous continuons d'avoir - des contacts étroits avec la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante et le Conseil canadien du commerce de détail, et d'autres encore, ils revenaient sans cesse à la question de l'harmonisation.
Pourquoi l'harmonisation? Parce que cela réduit la complexité et les coûts d'observation. Cela signifie qu'il n'y aurait qu'une taxe. Cela signifie qu'il n'y aurait qu'une seule administration. Plus la taxe est compliquée, moins les gens acceptent de la payer de bon gré, pour ainsi dire. Voilà pourquoi c'est si important.
À maints égards, le gros des efforts que nous avons déployés ces dernières années - et le vérificateur général l'a reconnu - ont eu pour but premier de simplifier l'administration de nos lois fiscales dans la mesure du possible - bien qu'elles restent très complexes - et de faciliter l'accès des contribuables à Revenu Canada et vice versa.
Il ne fait aucun doute que l'harmonisation aurait des effets bénéfiques. D'ailleurs, une étude récente de l'ICCA sur l'harmonisation des taxes de vente a été réalisée après une très vaste consultation dans tout le pays. Les auteurs ont conclu que si les taxes de vente étaient harmonisées et si nous avions une taxe de vente nationale harmonisée perçue dans tout le Canada, cela représenterait pour le milieu des affaires des économies de plus de 700 millions de dollars.
Le vice-président (M. Telegdi): Monsieur Minto.
M. Minto: On vient de me signaler qu'il y a à la pièce 11.5 un exemple d'un échange de créances entre institutions financières. C'est manifestement une transaction très complexe mais voilà le genre de chose que vous évoquiez dans votre question.
M. Iftody: Je vous remercie de vos commentaires sur la réduction des coûts d'administration, notamment. Étant donné les questions que posent mes électeurs et les Canadiens, j'aimerais plus de détails sur la décision du gouvernement d'harmoniser les taxes.
Est-ce le fait pour nous tous de pouvoir dire aux Canadiens que la simplification qui en résulterait serait une façon de réduire le montant de taxes non payées dans l'économie souterraine ne constitue pas l'un des éléments les plus attrayants de cette proposition? Vous ne m'avez pas cité de chiffres ou de pourcentages précis. Pouvez-vous essayer d'obtenir un peu plus d'informations?
Vous nous avez dit que si la taxe était moins compliquée, les gens seraient plus disposés à la payer de bon gré. Je veux bien. Pouvez-vous nous donner un peu plus de détails sur la façon dont cela fonctionnerait? Si nous nous retrouvons dans trois ou quatre ans pour parler des résultats, positifs ou négatifs, de l'harmonisation de la taxe, est-ce une des conséquences que nous pouvons raisonnablement prévoir?
M. Gravelle: Quand les gouvernements antérieurs envisageaient d'instaurer une taxe sur les produits et services et une fois qu'elle a été mise en place, nous avons reçu de nombreux conseils d'autres pays et notamment la Nouvelle-Zélande qui avait acquis une certaine expérience avec les taxes sur la valeur ajoutée et les taxes sur des produits et services. La Nouvelle-Zélande n'a jamais réussi à comprendre pourquoi le Canada avait opté pour une taxe assortie d'exceptions et d'exemptions plutôt que pour une taxe sur les produits et services qui s'appliqueraient à tous les produits et services, à tous les achats.
Le ministre des Finances de la Nouvelle-Zélande quand il est venu au Canada nous disait que si la taxe s'appliquait sans exception à tous les produits et services, il serait possible de réduire considérablement le taux de la taxe. Et ce faisant, les gens auraient été moins réticents à la payer.
Cela implique des choix politiques très épineux. Et je crois devoir admettre aujourd'hui que tout ce débat sur une harmonisation plus poussée de la TPS et des taxes de vente provinciales impose aux gouvernements provinciaux des choix politiques très difficiles sur l'opportunité d'élargir leur assiette fiscale.
M. Iftody: Merci.
Le vice-président (M. Telegdi): Le président a un peu de difficulté à faire observer la règle sur le temps de parole.
M. Iftody: Veuillez m'excuser.
Le vice-président (M. Telegdi): Monsieur Hubbard.
M. Hubbard (Miramichi): Merci, monsieur le président, et je tenterai de faire vite.
D'abord, M. Assad a raison de dire que cette perception existe et je crois que nous en avons dit autant déjà. Beaucoup de gens évitent de payer la taxe et je sais... Je tiens à vous féliciter aussi parce que j'ai constaté quelques améliorations ces dernières années. Vous tentez de régler certains des problèmes.
La Loi de l'impôt sur le revenu est une brique qui n'a pas été révisée en profondeur depuis20 ans. Comme le ministère des Finances rédige la loi, vous ne fixez pas les règles, vous devez vous contenter de les suivre. Croyez-vous que la Loi de l'impôt sur le revenu devrait être révisée en profondeur pour que le Canadien moyen puisse la comprendre plus facilement et puisse en venir à croire que nous avons un régime fiscal juste et équitable?
M. Gravelle: Monsieur le président, au fil des ans, les gouvernements ont invoqué la nécessité d'un régime fiscal juste et équitable pour mieux pouvoir l'utiliser pour atteindre toute une série d'objectifs socio-économiques. Cela a rendu la législation fiscale beaucoup plus complexe.
Avant 1971, la législation fiscale canadienne comptait probablement moins de 20 pages et aujourd'hui elle fait au moins épaisseur, règlement compris. Chaque fois que l'on ajoute un incitatif fiscal pour atteindre un objectif social ou économique, ce qui est louable en soi, il faut mettre en place des mécanismes de contrôle pour que cette mesure d'incitation fiscale donne les résultats voulus. Cela rend la loi plus complexe.
En ce qui concerne la simplification du régime fiscal - et M. Hopkins le sait déjà ayant participé à de nombreuses discussions et à de nombreux comités parlementaires au fil des ans - , de multiples tentatives ont été faites pour le simplifier. Certains sous-comités du Comité des finances de la Chambre des communes ont tenté d'en arriver à un consensus sur la simplification du régime fiscal. Ils ont remporté un succès mitigé parce qu'il est difficile d'en arriver à un consensus sur l'élimination de certains incitatifs, surtout s'ils existent depuis nombre d'années.
M. Hubbard: Dans la Loi de l'impôt sur le revenu, il y a des mesures pour la recherche-développement, la recherche scientifique et toute une foule d'autres dispositions spéciales. Dans le cas des grandes sociétés, il y a des dispositions concernant les fusions et les concentrations d'entreprises. Une entreprise très rentable peut faire l'acquisition d'une société qui a des sommes considérables de crédits inutilisés à son actif. Ce qu'a fait Verity International il y a quelques années en est un bon exemple. Elle possédait une telle richesse en crédits d'impôt qu'elle a réussi...
Les banques elles aussi ont trouvé moyen de réduire leurs bénéfices imposables en installant des machines en réalité très simples qui leur donnaient droit à des crédits d'impôt en vertu de la loi, ce qui leur a permis d'économiser des millions de dollars alors que cela coûtait des millions de dollars au gouvernement. Je sais que cette échappatoire n'existe plus.
Le gouvernement devrait-il essayer d'éliminer certaines de ces échappatoires et devrait-il prendre d'autres mesures pour corriger la perception que certains groupes profitent du régime fiscal? Vous pourriez peut-être répondre à la question en nous parlant de l'effet sur la perception des recettes qu'ont les fusions et l'acquisition de crédits d'impôt.
M. Lacombe: Il est extrêmement difficile d'aborder cette question sans citer de faits précis. Comme vous le savez, les règles fiscales ont permis davantage de regroupements de sociétés, etc. Quand des groupes de sociétés se forment, nous examinons de près la nature des opérations pour nous assurer que les impôts exigibles sont payés. C'est très complexe. Cela dépend de la nature de l'opération ou de la série d'opérations. Nous voulons nous assurer que les pertes sont déclarées selon les règles.
Comme vous le savez, en ce qui a trait à de telles opérations au niveau international, l'importation de pertes grâce à l'acquisition de filiales étrangères n'est plus autorisée. Nous avions déjà éliminé ce genre d'échappatoire, pour ainsi dire. C'est très difficile parce que cela dépend de la nature de transactions précises.
M. Hubbard: Croyez-vous qu'il y a encore beaucoup de crédits non utilisés? Y a-t-il un moratoire?
M. Lacombe: Vous voulez dire des crédits pour la RS-DE?
M. Hubbard: Oui.
M. Lacombe: Les sociétés peuvent réclamer ces crédits d'impôt pour la RS-DE pendant un certain délai. Nous avons entrepris avec le ministère des Finances une évaluation de ce programme. J'ai l'impression que ce programme, étant donné la façon dont il a été administré et la façon dont il a été ciblé, a été pour l'essentiel un programme très utile pour faciliter la recherche scientifique et le développement expérimental au Canada. Il a contribué à améliorer la compétitivité des entreprises canadiennes qui se sont prévalues de ce programme. Il s'est avéré un outil très efficace pour faciliter la recherche scientifique et le développement expérimental dans les plus petites entreprises.
En ce qui a trait au coût d'administration de ce genre de programme, cela coûte moins de0,7 p. 100 de la valeur des crédits d'impôt. Cela inclut tous les coûts de vérification, les coûts du papier et des documents que les entreprises doivent conserver. Ainsi, dans le cas du programme de RS-DE, lorsqu'il y a des abus ou des demandes de crédit injustifiées qui ne satisfont pas aux critères fondamentaux du programme, nous examinons les dossiers et nous veillons à ce que les demandes de crédit soient rejetées si les critères ne sont pas respectés. Je ne crois pas qu'il y ait énormément d'abus.
M. Hubbard: Quand je me suis rendu chez moi la semaine dernière, j'ai lu dans le journal qu'en investissant 9 000$, un contribuable pouvait obtenir des crédits d'impôt d'une valeur approchant les 15 000$. Nous parlons ici d'évitement fiscal. C'est un exemple dont on parlait dans un journal provincial. Est-ce que ce genre de chose existe?
M. Lacombe: Il me faudrait connaître les détails.
Permettez-moi de vous expliquer la règle générale dont a brièvement parlé M. Gravelle dans son exposé liminaire.
Le 1er décembre 1994, le ministre du Revenu national et le ministre des Finances ont annoncé des changements aux règles sur la fraction à risque. Déjà, il était possible d'investir 100 000$ dans un abri fiscal en versant un acompte de 1 000$, le reste prenant la forme d'un billet à ordre. Ce genre de chose n'est plus permise. La seule disposition qui est maintenue concerne les 1 000$.
Par définition, un abri fiscal doit avoir un but précis et il est structuré de façon que le coût d'acquisition de l'abri fiscal soit inférieur aux déductions que l'on pourrait réclamer. Voilà essentiellement la définition d'un abri fiscal.
M. Gravelle a mentionné brièvement les mesures que nous avons prises à l'égard des abris fiscaux. Au cours de la dernière année, les ventes d'abris fiscaux se sont chiffrées à 1,9 milliard de dollars, ayant atteint déjà 2,4 milliards de dollars. Je me hasarderais à dire - sans trop craindre de me tromper - que sur le total de 1,9 milliard de dollars, environ 1,5 milliard de dollars était imputable à des abris fiscaux dans le domaine cinématographique ou à des sociétés d'exploration en commun. Avec nos collègues du ministère des Finances, nous avons réglé ces cas-là.
Les sociétés d'exploration en commun ont été mentionnées dans le dernier budget fédéral et ne peuvent plus être utilisées à des fins d'évitement fiscal. Comme vous le savez, les abris fiscaux dans le domaine cinématographique ont eu droit à une année de grâce, jusqu'à la fin de 1995, mais n'existent plus maintenant; ils ont été remplacés par un crédit d'impôt pour production cinématographique afin que l'aide puisse être ciblée directement aux producteurs de films canadiens, raison d'être initiale du programme.
Il me faudrait examiner les détails du dossier, mais je ne le crois pas. Comme le veut l'adage, si c'est trop beau pour être vrai...
Le vice-président (M. Telegdi): Les électeurs de ma circonscription de Waterloo communiquent souvent avec moi pour se plaindre du fait que vous n'avez pas suffisamment d'effectifs pour administrer efficacement le programme de crédits d'impôt à la recherche. C'est la prise de décisions en temps opportun qui me préoccupe puisque de nombreuses sociétés implantées au Canada mènent leurs opérations des deux côtés de la frontière.
Il faut encourager la recherche ici même au Canada, et, surtout, ne pas inciter les entreprises à aller ailleurs étant donné qu'il n'y a déjà pas beaucoup de recherche qui se fait au Canada.
N'y a-t-il pas moyen d'être un plus efficaces?
M. Lacombe: Monsieur le président, laissez-moi répondre à cette excellente question, puisque c'en est une que nous nous sommes posée nous-mêmes.
Laissez-moi d'abord vous expliquer: Le 13 septembre 1994 était le jour J pour nous puisque toutes les demandes des années antérieures devaient parvenir ce jour-là au ministère du Revenu. Or, comme ces demandes pouvaient remonter à 1986, 1987 ou 1988, nous avons reçu ce jour-là quelque 15 000 demandes qui sont venues s'ajouter aux quatre à cinq mille autres que nous recevons tous les ans.
Nous avions prévu du personnel supplémentaire pour traiter cette charge de travail, et cette année encore, nous avons prévu du personnel supplémentaire. Mais nous changeons: nous instaurons des méthodes accélérées qui nous permettent de mieux gérer les risques dans ce secteur, car nous voulons honorer l'engagement que nous avons pris de traiter les demandes en vue des remboursements du crédit d'impôt à l'investissement dans les 120 jours.
Vous voyez que la courbe que nous dessinons presque quotidiennement est en train de fléchir. Vous devriez d'ailleurs commencer à noter une amélioration dans le traitement des demandes, non seulement à cause du personnel supplémentaire que nous avons prévu, mais aussi parce que nous avons réussi à traiter une bonne partie des 15 000 demandes qui nous sont parvenues le 13 septembre 1994.
Nous faisons de notre mieux pour que le tout tombe en place. Nous sommes d'accord avec vous sur l'importance du programme, particulièrement en ce qui concerne les petites entreprises qui ont peut-être des problèmes d'encaisse. Nous sommes très soucieux de leur sort.
Le vice-président (M. Telegdi): Auriez une circulaire là-dessus?
M. Lacombe: Nous pouvons évidemment vous envoyer de l'information là-dessus.
M. Gravelle: Le programme de crédit d'impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental a reçu un appui plus qu'enthousiasme de la part des petites entreprises qui font de la recherche. Il y a un ou deux ans, après qu'a surgi le problème de l'ancien crédit d'impôt pour la recherche scientifique, nous avons modifié les règles et instauré le nouveau programme de crédit d'impôt pour la recherche scientifique de développement expérimental. À cette époque, le ministère du Revenu était devenu extrêmement sensible à toute échappatoire fiscale. Nous avons donc entrepris une étude systématique de toutes les demandes de crédit d'impôt pour la recherche scientifique, ce qui a provoqué un arriéré phénoménal et incité les entreprises à exiger de nous que nous changions notre façon de faire. Notre collaboration avec les associations industrielles a été couronnée de succès.
Nous avons travaillé assidûment avec les entreprises qui faisaient de la recherche scientifique et du développement expérimental. Elles nous ont aidés à leur tour à mettre au point des séminaires d'information destinés à leurs consoeurs qui avaient besoin d'en savoir plus long sur le programme de crédit d'impôt, sur la façon dont il fonctionne et sur les critères qui s'appliquent. Elles nous ont également aidés à produire des dépliants, des brochures et des formulaires qui sont utiles non seulement aux gestionnaires des petites entreprises mais aussi à ceux qui effectuent la recherche-développement, ce qui nous a permis de faire le pont entre les deux. Nos clients nous ont également aidés à identifier les critères qui pourraient s'appliquer à celles des entreprises qui ont un bon dossier et que nous pourrions privilégier en en traitant la demande en moins de 120 jours.
Voilà où nous en sommes pour l'instant, et les résultats sont très bons. La réaction du milieu est excellente. Nos propres gens organisent des séminaires d'affaires un peu partout au Canada pendant toute l'année, séminaires auxquels nous ajoutons d'autres conférences sur l'administration de la TPS, sur la mise sur pied d'une entité constituée, etc. Tout cela rapporte beaucoup.
Le vice-président (M. Telegdi): Nous serions tous ravis d'avoir de l'information là-dessus dans nos bureaux de circonscription.
Monsieur Crawford.
M. Crawford (Kent): Merci, monsieur le président.
Il y a tant de questions à poser, que je ne sais par laquelle commencer. Je voudrais revenir à la question des demandes de crédit d'impôt pour handicapés qu'avait soulevée M. Silye, car il y en a eu un grand nombre dans ma circonscription que vous auriez, semble-t-il, déclarées inadmissibles après 7 ans. Il y a notamment le cas d'une personne qui aurait été déclarée handicapée par les médecins il y a maintenant 7 ans, et qui en est presque réduite à un état végétatif, mais dont vous auriez refusé aujourd'hui la demande et à qui vous réclamez le remboursement. Voilà pour ma première question.
Je crois que l'économie clandestine constitue un phénomène d'envergure. Toutefois, je ne vais l'aborder que sous un angle assez restreint. Dans ma région, si vous entrez dans une maison dans laquelle vous ne trouvez pas de bouteille grand format, c'est qu'il ne s'y trouve pas d'alcool. Quand êtes-vous allés pour la dernière fois dans une réserve pour y effectuer une vérification?
Troisièmement, la protection salariale qui relève des provinces. Il existe plusieurs industries dans ma région, qui, en 1990-1991m n'ont pu survivre qu'à raison de 1, 2 ou 3 jours d'activité par semaine. En 1991, une de ces entreprises a fait faillite, et le gouvernement provincial n'est intervenu qu'en 1993 pour offrir aux employés jusqu'à 5000$ de salaire garanti. Puis, à la fin 1996-1996, le ministère du Revenu est à son tour intervenu pour réclamer le remboursement de ce qu'il avait versé. Or, les employés de cette compagnie n'ont pas travaillé un jour de plus, et la plupart d'entre eux ne gagnaient à l'époque que 7000$ ou 8000$ par année, ce qui permet à peine de se nourrir. Le gouvernement fédéral réclame maintenant le remboursement de sommes qui ont été versées par la province à ces gens qui ne travaillent plus et qui vivent aujourd'hui de bien-être social. Que doivent-ils espérer?
Je vous ai posé suffisamment de questions pour l'instant, mais j'espère que vous comparaîtrez à nouveau pour que nous puissions continuer à vous poser des questions. Je m'attends à entendre des histoires d'horreur.
M. Lacombe: En ce qui concerne le crédit d'impôt pour handicapé, comme nous l'avons dit déjà, je m'étonne que l'on ait remonté à sept ans, puisque nous ne remontons d'habitude qu'à l'année précédente, comme l'a affirmé M. Gravelle. Lors d'une vérification, l'évaluation normale se fait sur deux années, l'année courante et l'année antérieure. Si vous avez des cas précis à nous fournir, monsieur Crawford, vous voudrez peut-être le faire pour que nous puissions y jeter un coup d'oeil.
Quant à l'économie clandestine et à la contrebande, vous avez raison de dire que ces phénomènes existent toujours. Vous avez mentionné spécifiquement l'alcool. Nous avons justement voulu lutter contre ces phénomènes en lançant l'initiative de lutte à l'économie souterraine et l'initiative anticontrebande. Vous voulez savoir quand nous sommes allés pour la dernière fois dans une réserve pour faire une vérification? En fait, nous effectuons actuellement un certain nombre de vérifications dans plusieurs réserves. Je répète que nous intervenons et faisons une vérification, dès que nous avons vent d'un problème ou d'un risque.
Je n'ai pas tout à fait compris votre dernière question au sujet de gens de chez vous qui auraient reçu de l'aide financière de la province mais qui seraient obligés de rembourser Revenu Canada ou de payer de l'impôt sur des salaires qui n'étaient que de 7000$ ou de 8000$ par année, comme vous l'avez dit. J'imagine qu'il faudrait examiner les dossiers mêmes. Mais cela me surprendrait, étant donné les chiffres que vous avez mentionnés et les circonstances que vous avez décrites, car cela ne représente pas de revenu imposable.
Laissez-moi revenir à autre chose. Comme l'ont dit MM. Gravelle et Assad, il est important de maintenir la confiance de la population et que celle-ci continue à croire en l'équité du système; d'ailleurs, il semble que la donne soit en train de changer. D'après certains sondages, comme celui de KPMG, les Canadiens sont de plus en plus mal à l'aise devant les phénomènes d'évasion fiscale et de moins en moins d'entre eux affirment qu'ils essayeraient d'éviter de payer des taxes, notamment.
Le nombre de Canadiens qui envoient des déclarations d'impôt atteint approximativement le nombre total des Canadiens de plus de 15 ans. D'ailleurs, le revenu que l'on nous signale correspond à peu près au revenu d'emploi et d'autres sources que l'on signale à Statistique Canada. Pour ce qui est du revenu du travail indépendant, la relation depuis 1991 entre le revenu signalé à Statistique Canada, d'une part, et le revenu signalé à Revenu Canada, d'autre part, suit cette courbe-ci, ce qui signifie que de plus en plus de Canadiens rendent compte de leur travail indépendant. Nous nous sommes donc attaqués à la question du revenu du travail indépendant, en prenant plusieurs mesures. En fait, il faut combiner plusieurs mesures et bien les expliquer. Les Canadiens ne comprennent pas tout ce dont nous venons de parler au sujet des abris fiscaux et ne comprennent pas nécessairement qu'il y en a de moins en moins et qu'ils ne sont pas aussi rentables que naguère.
Nous faisons tout pour que le système soit équitable, et c'est justement pourquoi nous avons alloué à ce programme toutes les ressources voulues. Il ne s'agit pas uniquement de récupérer les recettes, mais il s'agit surtout que le système fiscal soit équitable et perçu comme tel; nous faisons de notre mieux pour améliorer son image.
Le vice-président (M. Telegdi): Monsieur Hopkins.
M. Hopkins: Monsieur Gravelle, au fil des ans j'ai appris qu'un député passe tellement de temps à s'occuper des affaires des autres qu'il oublie de s'occuper des siennes. En effet, j'ai été cette année plus généreux avec vous que je ne l'avais jamais été, et cela m'a fendu le coeur.
M. Gravelle: Merci, monsieur Hopkins, au nom de tous les Canadiens.
M. Hopkins: De plus, vous vous rappellerez, monsieur le président, que j'ai donné au ministre des Finances une journée de salaire, en contrepartie d'une journée de salaire que m'avait envoyé un de mes électeurs. J'ai eu beau faire ces dons au ministre des Finances, il a refusé de les considérer pour fin de déduction fiscale. Autrement dit, la Loi de l'impôt sur le revenu ne prévoit aucune déduction en contrepartie d'un don de salaire. J'aimerais que vous en preniez note, car si les Canadiens se décidaient à être aussi généreux que cela, il faudrait bien le reconnaître.
Vous avez parlé un peu plus tôt de la difficulté d'administrer la TPS, puisqu'on imposait7 p. 100 sur certains articles mais pas sur tous, et que l'on était obligé de rembourser la taxe, dans certains cas. Combien coûte réellement l'administration de la TPS?
M. Gravelle: Je n'ai pas les chiffres exacts avec moi, mais je vous les ferai parvenir.
M. Hopkins: Bien. J'aimerais que vous me donniez d'autres détails, également: vous avez dit que si la taxe s'appliquait sur tous les articles, quels qu'ils soient, elle coûterait moins cher à administrer. Je me rappelle que nous avons débattu de cela. Pouvez-vous nous dire ce que représenterait comme augmentation du coût de la vie pour une famille de quatre personnes ayant un revenu de 30 000$, l'imposition d'une taxe unique de 3 p. 100 sur tout, sans exception?
M. Gravelle: Nous pourrons vous faire parvenir ces chiffres.
M. Hopkins: Bien.
Les commissions scolaires se prévalent du remboursement de la taxe. Prenez par exemple la Commission des écoles séparées du comté de Renfrew. Si vous supprimiez les remboursements de taxe, cela représenterait sans doute quelque 360 000$ de moins pour cette petite commission scolaire. Autrement dit, ce serait aux contribuables de payer la note et de rembourser la différence, ce qui n'est pas rien. Mais il faut tout de même que votre ministère administre le remboursement de cette taxe aux commissions scolaires, ce qui vous coûte quelque chose.
J'aimerais que vous nous donniez quelques chiffres, si vous les avez. Ce faisant, au lieu de calculer une taxe de 3 p. 100, pourquoi ne pas utiliser le chiffre de 4 p. 100, imposé sur tous les articles, pour voir ce que cela donne?
M. Gravelle: D'accord.
M. Hopkins: Une chose a attiré mon attention: Vous avez dit tout à l'heure: «En 1991, il était difficile de trouver quelqu'un qui veuille parler de lutte contre l'économie clandestine, à l'exception de Revenu Canada». J'ai du mal à croire cela. Je me rappelle que l'on a déjà discuté longuement de l'économie clandestine et des sommes qui vous échappaient. Quel était le problème?
M. Gravelle: Ce que je voulais dire par là, c'est que les Canadiens ne reconnaissaient pas tous qu'il était urgent de combattre ce phénomène. Bien sûr, certains parlaient déjà d'économie clandestine, mais jamais avec autant d'unanimité qu'aujourd'hui. La société semble avoir changé complètement d'attitude vis-à-vis de l'économie clandestine, ce qui me rassure grandement et ce qui nous facilite la vie, croyez-moi.
M. Hopkins: Vous avez dit qu'à bien des égards, la société canadienne a aujourd'hui envers l'évitement fiscal la même attitude qu'elle avait il y a cinq ans envers l'économie clandestine. Pouvez-vous donner des précisions?
M. Gravelle: L'évolution que nous avons constatée au fil des cinq dernières années, à travailler avec tous ceux qui voulaient lutter contre l'économie clandestine, se fait ressentir aujourd'hui lorsque l'on discute d'évitement fiscal abusif et d'évasion fiscale. Les Canadiens nous demandent aujourd'hui de lutter contre ce nouveau fléau.
M. Hopkins: Quelle proportion de l'évitement fiscal d'il y a cinq ans, par exemple, était due à la contrebande plutôt qu'à d'autres facteurs quotidiens dans les affaires?
M. Gravelle: Je crois que c'était une proportion très importante de la contrebande, il y a cinq ans. D'un point de vue économique, tout incitait à faire la contrebande des produits du tabac et de l'alcool. Or, nous avons réussi à porter un coup à la contrebande des produits du tabac, grâce au gouvernement qui a choisi de réduire les taxes et de faire disparaître ainsi l'incitatif économique. Nous avons d'ailleurs constaté que le problème de la contrebande des produits du tabac a chuté considérablement dans les provinces qui offraient en contrepartie à l'initiative du gouvernement fédérale une réduction fiscale.
Par contre, l'incitatif économique poussant à la contrebande de l'alcool est toujours là. Les gouvernements devraient se demander s'il ne faudrait pas, à un moment donné, qu'ils implantent une stratégie similaire à celle du tabac. Je sais que l'Association des brasseurs du Canada et plus particulièrement l'Association des distillateurs canadiens préconisent fortement une diminution des taxes sur les produits de l'alcool, afin que l'incitatif soit moindre. Vous devriez peut-être y songer.
M. Hopkins: Pouvez-vous nous dire combien de taxes cela représente aujourd'hui sur les produits du tabac par rapport à ce que vous apportaient les taxes au moment où la contrebande était à son plus fort?
M. Gravelle: Je trouverai les chiffres et les ferai parvenir au comité.
Les ventes légitimes des produits du tabac ont augmenté considérablement. J'entends par là que les fabricants eux-mêmes nous signalent une augmentation des ventes légitimes et une diminution de la contrebande. D'ailleurs, l'exportation des produits du tabac qui reviennent au Canada pour des fins de contrebande a diminué considérablement à la suite de l'augmentation des ventes légitimes. Les deux vont de pair.
M. Hopkins: Vous savez quel montant cela représente.
M. Gravelle: Je n'ai pas ce chiffre mais je le ferai parvenir au comité.
M. Hopkins: Bien.
Le vice-président (M. Telegdi): Monsieur Grose.
M. Grose (Oshawa): Comme j'ai dirigé pendant 35 ans une moyenne entreprise, je puis vous assurer que vous avez tort de croire que les choses se sont améliorées depuis 1991. Pendant 25 ans, j'ai vu des gens devenir de plus en plus malins dans leur façon de contourner les taxes. Lorsque j'ai fermé boutique en décembre 1995, je puis dire que la proportion de mes clients qui m'appelaient pour me demander de leur fournir un service sans que je réclame des taxes - ils payaient comptant - avait grimpé à 50 p. 100, ce qui est beaucoup plus élevé qu'il y a 20 ans.
La population devient de plus en plus maligne et aussi plus cynique. Ceux qui abusent sont dans toutes les couches de la société, je vous l'assure, et vont du policier au fonctionnaire en passant par le clergé. C'est une façon de faire qui est admise. On en entend moins parler car les gens et les petites entreprises sont plus subtiles qu'avant. Lorsque je faisais affaire avec d'autres compagnies sous-traitantes, je constatais la même chose, mais le phénomène était plus discret. Aujourd'hui, l'habitude est créée.
Je ne critique pas votre attitude, mais vous vous faites des illusions. Dans la vraie vie, le phénomène n'a pas fléchi. C'est que les gens sont plus rusés qu'avant.
Lorsque vous voyez les taxes qui augmentent, vous devriez... Je ne sais pas où vous allez chercher vos faits pour dire que l'économie prend du mieux. Je crois que vous vous laissez illusionner par les chiffres et par les attitudes que vous constatez ici mais qui ne sont pas celles du vrai monde.
Je m'excuse d'avoir à vous le signaler.
M. Lacombe: Je ne réfute pas vos observations. En fait, elles sont même très judicieuses. La seule chose que je voudrais signaler, c'est que lorsque vous regardez ce qui s'est produit...
Permettez-moi de vous citer des chiffres, car on voit un équilibre ici. Je suis d'accord avec vous pour dire que les gens commencent à utiliser des méthodes plus subtiles. Je suis d'accord aussi que le phénomène est peut-être moins visible qu'auparavant. Mais pour ce qui est des déclarants, c'est-à-dire les gens qui déposent des déclarations d'impôt auprès de Revenu Canada, le chiffre est passé d'environ 76 p. 100 à 94 p. 100 ou 95 p. 100. Au moins nous sommes maintenant en mesure d'identifier ces gens.
En ce qui concerne notre capacité de repérer les gens qui ne déposent pas de déclaration de revenu ou qui ne déclarent pas tous les revenus qu'ils ont gagnés, nous avons renforcé notre capacité de détecter ce genre d'abus. Nous l'avons fait en confrontant les renseignements provenant de diverses sources. Nos méthodes sont donc plus perfectionnées aussi.
Je ne veux pas vous donner l'impression que tout est parfait, mais j'essaie de présenter un point de vue équilibré de la situation. Il ressort clairement des statistiques pour les années 1989 à 1992 qu'au cours de cette période, l'économie clandestine a connu une expansion considérable et que les gens avaient tendance à sous-déclarer leurs revenus. Je ne voudrais pas vous donner l'impression que tout est parfait, car nous avons toujours des problèmes importants à régler, et c'est pourquoi nous avons pris les mesures que je vous ai décrites. Mais je pense que le rythme de ce phénomène est plus lent qu'au cours de la période 1989-1992. Il y a beaucoup d'indicateurs qui confirment cette impression.
Mais je crois que vos conseils sont judicieux. Il ne faut pas mal interpréter mes commentaires, car nous savons qu'il reste toujours beaucoup de travail à faire dans ce domaine.
M. Grose: C'est peut-être ce que j'essayais de vous faire dire, soit que le problème existe et qu'il faut rester vigilant.
M. Lacombe: Je suis tout à fait d'accord.
M. Grose: À mon avis, le problème s'aggrave. Il se peut que je me trompe. Mais croyez-moi, il n'est pas en voie de disparaître.
Une chose qu'il faut se rappeler - et vous en êtes sans doute au courant - c'est que dans une opération commerciale qu'on m'a offerte, j'aurais pu ne pas payer d'impôt et l'autre n'aurait pas déclaré le revenu reçu. Cela fait donc deux personnes coupables de fraude fiscale. Et la tendance s'amplifie, surtout pour les opérations de sous-traitance.
Mais si vous restez vigilants et comprenez que le problème n'est pas en train de disparaître, je peux accepter ce que vous dites.
M. Gravelle: Monsieur Telegdi, je serais le dernier à prétendre que nous avons vaincu l'économie souterraine.
Je m'inquiète aussi de la question des attitudes, non seulement celles que M. Assad a décrites, mais aussi les attitudes de la population en général. Ce que nous pouvons faire en tant que ministère du Revenu est limité. Il va sans dire que nous avons à notre disposition des outils très puissants. Nous avons de nouveaux outils législatifs qui nous permettent de confronter les informations reçues, d'avoir accès direct aux déclarations des institutions financières, et ainsi de suite. Dans certains cas les pouvoirs qui nous sont confiés sont considérables, permettant la saisie des biens et d'autres mesures de ce genre. Mais même si on avait d'autres pouvoirs, cela ne résoudrait pas nécessairement le problème fondamental des attitudes et des mentalités des gens. Nous parlons ici d'attitudes sociales, et il faut trouver de nouvelles stratégies pour en tenir compte. Il y a certaines choses, bien sûr, qui dépassent nos compétences.
Le vice-président (M. Telegdi): Certaines gens qui ne produisent pas de déclaration essaient peut-être de simplement joindre les deux bouts. Certaines entreprises disparaîtraient tout simplement si les propriétaires devaient de remplir tous les formulaires exigés en vertu de la loi et tout déclarer. Il y a aussi l'autre extrême, celui des sociétés qui évitent de payer des millions de dollars en impôts.
Le rapport du vérificateur général à ce sujet était assez bon. Il y a un chapitre sur les pénitenciers, et on suggère que notre comité devrait se pencher aussi sur cette question. Il y a beaucoup de gens marginaux dans les pénitenciers, car c'est ainsi qu'il faut en décrire la plupart, dont l'incarcération coûte très cher à l'État.
En regardant le nombre de gens trouvés coupables de fraude fiscale et condamnés à une peine de prison, je vois qu'en 1994-1995 c'était 8, en 1993-1994, c'était 14, en 1992-1993, c'était 8, et en 1991-1992, c'était 11. Je ne suis pas au courant des détails de chaque cas, mais j'espère qu'ils ressemblent à ceux de Harold Ballard. Ballard était une cause célèbre, un fraudeur fiscal qui faisait un pied de nez à la population. Le comité se penche sur la Loi sur les jeunes contrevenants, et dans les municipalités assez grandes, le nombre annuel de jeunes contrevenants condamnés à une peine de prison pour avoir volé de la nourriture dépasse celui des chiffres que vous nous avez présentés. S'il y a un groupe social pour lequel l'incarcération doit être un moyen de dissuasion, c'est la classe moyenne, les gens qui partagent les mêmes valeurs que nous, car s'il y a une chose que nous ne voulons pas c'est d'être envoyé en prison, alors que dans le cas des jeunes contrevenants la menace de l'emprisonnement a beaucoup moins d'effet. Ils en ont moins peur que nous. Je me demande donc si on devrait envoyer un plus grand nombre de fraudeurs fiscaux en prison, car nous savons que cela aurait un effet dissuasif pour eux. Je parle ici des gens reconnus coupables d'avoir fraudé le fisc de centaines de milliers de dollars. Je pense qu'il est temps de leur envoyer un message.
Si une personne évite de payer ses impôts, le fardeau d'un autre contribuable augmente en conséquence. Si l'on regarde l'économie souterraine dans son ensemble, cela représente... combien? On donne des chiffres entre 20 milliards de dollars et 140 milliards de dollars. Si c'est 140 milliards de dollars, cela signifie qu'on pourrait éliminer le déficit et rembourser une grande partie de la dette nationale. Nous pourrions financer toutes sortes de programmes que nous avons coupés. Il est donc essentiel d'étudier cette question.
Ce chapitre du rapport est fascinant, et je crois que le comité devrait y consacrer plus de temps, non seulement parce qu'il a une valeur instructive pour nous mais aussi parce que nous devons commencer à nous demander pourquoi il n'y a que huit personnes condamnées à une peine de prison. Qui sont ces huit personnes envoyées en prison en 1994-1995? J'espère qu'il s'agit de fraudeurs importants et non de gens reconnus coupables de fraude mineure. Je pourrais peut-être me renseigner là-dessus.
Monsieur Assad.
M. Assad: M. Grose a parlé des réactions dont on m'a fait part. Je pense que c'est assez généralisé.
Sur un point moins sérieux, Len disait avoir fait une contribution importante.
Cela me rappelle l'histoire de John Diefenbaker qui a raconté que lorsqu'il était premier ministre, il avait reçu une lettre contenant un chèque de plus de 200$. L'auteur de la lettre expliquait que l'année précédente il n'avait pas payé tout l'impôt dû, et qu'il en était conscient. Cela l'empêchait de dormir, et il pensait que l'envoi du chèque résoudrait le problème. Il a ajouté que si après six mois il ne dormait pas mieux, il enverrait le reste.
M. Hopkins: La seule nuit où je n'ai pas bien dormi était après avoir libellé le chèque.
M. Assad: Est-ce que le Bureau du vérificateur général va continuer les activités de surveillance entreprises au cours des six derniers mois? Cette explication nous a été très utile, et j'aimerais que des représentants du Bureau du vérificateur général comparaissent périodiquement devant le comité, peut-être deux ou trois fois par an, pour nous mettre au courant de
[Français]
les lacunes dans notre système de taxation. Quelques semaines plus tôt, le vérificateur général jetait de la lumière sur l'événement du 23 décembre 1991. Pouvons-nous nous attendre à avoir à l'automne des réponses très claires à ce sujet?
Deuxièmement, je suis d'accord avec vous, monsieur Gravelle, qu'il s'agit surtout d'attitude et de perception. Même si nous postions des policiers à chaque coin de rue, nous ne pourrions pas empêcher certaines gens d'avoir de mauvaises intentions. Une réforme profonde du système de taxation s'impose. Rien n'est parfait en ce monde, mais si nous pouvions apporter des réformes pour que le système soit perçu comme juste et équitable, je suis convaincu qu'il y aurait un changement d'attitude et de perception.
[Traduction]
Je suis convaincu aussi que si l'on réformait le système et que les Canadiens comprenaient que le régime est aussi juste et équitable que possible, alors les conséquences de l'évasion fiscale pour la réputation du coupable seraient telles que cela pourrait avoir un effet dissuasif très important. Il n'y a pas de doute là-dessus.
En conclusion, j'aimerais savoir si le Bureau du vérificateur général va nous faire parvenir d'autres renseignements sur les événements des dernières semaines, un suivi de l'affaire des deux milliards de dollars qui ont été transférés aux États-Unis.
M. Minto: Tout d'abord, permettez-moi de répondre brièvement à la dernière question. Je crois que le Comité des finances se réunit à l'heure actuelle pour se pencher sur certaines de ces questions. Je crois comprendre aussi que le Comité des comptes publics envisage de réétudier cette question en septembre. Je ne me suis pas préparé aujourd'hui pour parler de cette question particulière. Si vous voulez, nous pourrons l'examiner en profondeur lors de la prochaine réunion en septembre. Cela ne pose aucun problème.
Pour en revenir à votre première question, depuis qu'il est entré en fonctions, M. Desautels accorde une importance particulière au régime fiscal. Je suis moi-même responsable de toutes les vérifications que Revenu Canada a effectuées au cours des sept dernières années. Et nous en avons réalisé beaucoup. Nos rapports avec le ministère ont été excellents, professionnels et efficaces. Nous n'avons pas toujours été d'accord, mais nous l'avons souvent été, et nous avons réglé la plupart de nos différends.
Nous avons l'intention de poursuivre ces vérifications. Je peux vous informer, par exemple, que cet automne nous présenterons les résultats de notre vérification des grandes entreprises, que notre équipe réalise actuellement. Nous sommes en voie d'effectuer une vérification sur les taxes d'accise, et j'ai trouvé fascinant la discussion aujourd'hui sur la contrebande du tabac et de l'alcool. Nous effectuons actuellement une vérification sur le crédit d'impôt pour enfants et le crédit de la TPS, et nous vous en présenterons les résultats cet automne. Nous prévoyons poursuivre nos vérifications du système fiscal au cours des quatre ou cinq années à venir.
Si vous le permettez, j'aimerais ajouter un dernier mot. Nous avons beaucoup parlé de questions sociales et de valeurs, et je partage entièrement l'avis de mes collègues de Revenu Canada. Il ne faut jamais oublier que l'évasion fiscale n'est pas un crime sans victime. Quelqu'un doit payer l'impôt que quelqu'un d'autre ne paie pas, car le gouvernement a besoin de ses recettes.
Je vous remercie d'avoir insisté sur le genre de pénalité qu'il faut imposer. Peut-être pourrons-nous préparer un chapitre à ce sujet ou avoir un échange d'idées sur le genre de pénalités imposées par le régime fiscal par rapport à d'autres pénalités qu'impose la société. Il s'agit ici d'un contrat social entre l'État et les citoyens: ces derniers paient leurs impôts et l'État fournit des services. Si une des deux parties refuse d'honorer sa partie du contrat, le système ne fonctionne plus.
M. Assad: J'aimerais poser une question très courte. Pensez-vous que le ministère du Revenu dispose d'un personnel suffisant pour combattre l'évasion fiscale sous sa forme criminelle?
M. Minto: Monsieur le président, je pense qu'il serait plus approprié de poser cette question au sous-ministre. L'affectation des ressources relève carrément de leur...
M. Assad: Avez-vous besoin de ressources supplémentaires?
M. Gravelle: Monsieur Assad, je crois que nous avons les ressources que le gouvernement du Canada peut se permettre de nous donner à l'heure actuelle.
Je pense que nous avons eu le privilège de pouvoir faire deux choses. Nous avons contribué à la réduction du déficit - car nous aussi devons faire notre part - sans nuire à la production de recettes ni aux services aux contribuables. Nous avons réussi à le faire grâce à l'apport considérable de la technologie, aux gains de productivité, et à la rationalisation des activités du ministère et de nos rapports avec les contribuables.
La seconde chose qu'il faut signaler est que le gouvernement du Canada nous a fourni des ressources supplémentaires, même dans le dernier budget, pour nous aider davantage à faire respecter la loi. Cela est très important. Nous avons reçu 800 ETP supplémentaires pour nous aider dans ce domaine. En outre, le gouvernement actuel a affecté 45 millions de dollars pour appuyer nos efforts pour combattre la contrebande, et nous avons eu des succès importants à cet égard.
Quand peut-on dire que les ressources sont suffisantes? En dernière analyse, il faut voir ce que le gouvernement peut se permettre à cet égard.
Dans les paragraphes 11.4 et 11.5 du rapport du vérificateur général, nous montrons divers modèles complexes d'évasion fiscale et d'autres infractions du genre que nous avons pu déceler grâce à nos efforts pour faire respecter la loi, et je crois que ces exemples témoignent clairement de la vigilance avec laquelle les autorités fiscales s'acquittent de leurs responsabilités.
D'ailleurs, notre travail devient de plus en plus exigeant. M. Grose a déjà parlé de l'ingéniosité dont certains font preuve. Je suis d'accord avec vous. C'est pour cette raison que nous avons adopté de nouvelles méthodes de travail, des méthodes mieux adaptées aux circonstances, et dans le secteur de M. Lacombe, nous avons établi certaines pratiques qui n'étaient pas généralement admises dans les administrations fiscales il y a plusieurs années. Nous avons créé un groupe de recherche sur le respect de la loi pour faire l'analyse des risques et détecter les tendances, les nouveaux phénomènes de l'économie, les activités principales de l'économie clandestine, les différentes attitudes sociales et les différentes façons d'y adapter nos stratégies. Grâce à tout cela nous espérons devenir encore plus vigilants.
Le vice-président (M. Telegdi): Vous parlez de l'allocation des ressources et du nombre de postes que le gouvernement peut se permettre d'avoir à sa solde. Cent cinquante personnes sont affectées à des programmes pour combattre l'évitement fiscal. D'après vos chiffres, chacune de ces personnes rapporte 2,6 millions de dollars en revenus. J'ai l'impression que le programme est tout à fait rentable.
Quel serait le degré d'expansion nécessaire? Pouvez-vous prévoir la quantité de revenu qu'il produirait? Où est-ce qu'il faudrait-il envoyer des vérificateurs? J'ai l'impression que vous avez de l'argent et que vous produisez du revenu. Comment cela se rattache-t-il à votre manque de ressources?
C'est rentable pour nous d'avoir les bonnes ressources si elles nous permettent de produire davantage de revenus.
M. Lacombe: Je vais vous donner quelques éléments de réponse, monsieur le président. D'abord, il est très difficile d'évaluer la baisse de revenu marginal après l'affectation de ressources supplémentaires. Nous essayons simplement de suivre l'évolution de la situation pour nous faire une idée de ce qui se passe.
Quand il s'agit de ressources comme les vérificateurs spécialisés en évitement fiscal, les cas qui leur sont signalés sont souvent des renvois et des affaires très complexes qu'on examine pour la première fois. Nos vérificateurs habituels établissent souvent de nouvelles cotisations après avoir constaté l'évitement fiscal. Alors dans la mesure où nos vérificateurs spécialisés en évitement fiscal et nos vérificateurs internationaux ont le temps de donner des conseils, des tuyaux et des directives à nos vérificateurs habituels, nous sommes en mesure de découvrir un certain nombre de cas en plus de ceux qui sont identifiés par notre vérification régulière des entreprises. Nous cherchons à déterminer quelle est la demande pour ce genre de service spécialisé. Nos vérificateurs réguliers identifient les différents stratagèmes et ensuite nous faisons une estimation du nombre de vérificateurs spécialisés en évitement fiscal qu'il nous faut.
M. Gravelle: Vous demandez, monsieur Telegdi, que si le rendement des spécialistes en évitement fiscal est si élevé, pourquoi n'en avons-nous pas 200 ou 250? La question est fort valable.
Je retiens deux choses de notre entretien cet après-midi, entretien qui nous a été très utile. D'abord je constate que le comité s'inquiète du niveau des amendes prévues pour l'évitement fiscal et nous allons examiner cette question.
Deuxièmement, vous nous demandez de rester vigilants. Nous avons essayé de l'être. Dans le cadre des compressions budgétaires, la majeure partie des 300 millions de dollars enlevée à l'administration du revenu pendant quatre ans provient essentiellement des frais administratifs généraux. Nous avons fait un effort de rationalisation en nous gardant de porter préjudice à notre capacité de faire appliquer la loi et de produire des revenus, tout en maintenant nos services aux contribuables.
Grâce à notre échange de cet après-midi, nous avons compris que nous devons continuer à mettre l'accent sur de bonnes pratiques destinées à assurer l'application de la loi. Je peux vous assurer que nous allons certainement en tenir compte en établissant un bon équilibre dans le programme d'application, comme vous le suggérez. Je n'ai pas de formule magique qui me permette de vous dire qu'il nous faudrait 200 ou 225 vérificateurs spécialisés. En fin de compte, c'est une question de jugement mais nous allons certainement tenir compte de vos commentaires.
M. Assad: Monsieur le président, M. Gravelle a parlé des messages qu'il a retenus de notre réunion aujourd'hui. Je pense qu'il y en a un autre. Les cas signalés par le vérificateur général ont fait beaucoup de tort au ministère du Revenu et des Finances à cause de la très mauvaise perception du public et il faudrait y être sensible. Il faut mettre de l'ordre dans tout cela, c'est évident. Je pense que vous avez fait un gros effort, mais si on ne tire pas tout cela au clair... vous pouvez me croire, les dégâts ont été énormes. Merci.
Le vice-président (M. Telegdi): Je pense qu'il est important que le système soit perçu comme juste, outre le fait qu'il le soit. Il ne fait pas de doute que nous allons aborder cette question encore une fois.
Je voudrais vous remercier d'être venus et je suis sûr que nous allons nous revoir bientôt.
Mesdames et messieurs, nous avons un certain nombre de questions d'administration interne à régler. On m'a appris que ce matin, des avis de réunion ont été envoyés à notre bureau pour une réunion demain à 11 heures. C'est malheureux parce qu'aujourd'hui pour la première fois depuis longtemps, nous avons eu une discussion fort utile en comité sur une question qui intéresse les Canadiens mais je ne pourrai assister à la réunion demain. Je vérifie le règlement. Il faut un avis de48 heures pour tenir une réunion. Je trouve cette situation regrettable. Je tiens à vous prévenir maintenant que notre réunion de mardi aura lieu tout comme la réunion de mercredi.
Personnellement, j'estime que nous devrions étudier davantage le chapitre sur lequel nous travaillons et voir comment nous pouvons mettre fin au travail que nous avons accompli pendant cette session.
M. Grose: Si je vous comprends bien, vous nous informez à titre de président qu'il n'y aura pas de réunion demain.
Le vice-président (M. Telegdi): Je vous informe en tant que président que l'avis de 48 heures n'a pas été reçu. Je vais aussi en informer le whip. Il me semble probable que nous ne soyons pas là.
Je le regrette un peu car j'estime que la question que nous avons étudiée aujourd'hui est importante et qu'il faudrait y revenir.
L'autre sujet controversé fait maintenant l'objet d'une étude en comité qui nous présentera son rapport cet automne.
De notre côté, tous les membres étaient présents et ayant appris que personne ne viendrait de l'opposition, j'étais content de voir M. Silye ici pendant une brève période. Je crois savoir qu'il avait un engagement ailleurs. À mon avis, il est tout à fait injuste de demander aux membres du comité, surtout du côté ministériel, avec 7 membres qui ont assisté à toute la réunion, de revenir avec moins de 24 heures d'avis pour examiner un sujet sur lequel nous nous sommes déjà penchés et qui fera l'objet d'audiences dès notre retour en automne. Je pense qu'il est important de le dire publiquement maintenant car je suppose qu'il n'y aurait pas de réunion demain à cause de l'absence de quorum.
M. Hopkins: Monsieur le président, nous avons déjà adopté une motion concernant notre première réunion cet automne, n'est-ce pas?
Le vice-président (M. Telegdi): Exactement. Lors de la première réunion de l'automne, nous allons nous pencher sur la question des abris fiscaux.
Quand nous avons commencé notre examen de la question des abris fiscaux, on nous avait dit qu'il était important de prévoir la possibilité d'apporter des changements à la loi, si cela se révélait nécessaire.
Le Bloc, l'Opposition officielle, cherchait à faire saisir le Comité des finances de cette question. Le Comité des finances a commencé son examen de la question et y consacre de nombreuses réunions. Ce comité-là est donc en mesure de faire quelque chose. Nous allons examiner la situation en rétrospective et faire des recommandations pour l'avenir, mais c'est le Comité des finances qui examine la loi actuellement. La question nous sera soumise plus tard mais en attendant, nous devons nous consacrer à certains chapitres parce que nous avons le rapport du mois de mai.
À l'exception des fiducies familiales, c'est le premier chapitre que nous avons examiné en comité. Ce n'est pas très impressionnant comme travail de la part de notre comité de traiter de deux chapitres seulement dans son rapport.
Je serai donc heureux de revenir mardi et mercredi prochains pour mener à terme certaines des questions dont nous sommes toujours saisis.
Monsieur le greffier, faudrait-il fixer un ordre du jour pour les réunions de mardi et de mercredi, si nous voulons accomplir quelque chose?
Le greffier du comité: On ne peut rien fixer maintenant en l'absence de quorum, monsieur le président.
Je propose d'informer le président demain matin qu'il devrait convoquer une réunion du sous-comité demain ou au début de la semaine prochaine.
M. Hubbard: Le vérificateur général parle du MDN dans son rapport, notamment des véhicules blindés utilisés pour le transport de troupes outre-mer et qui laissent à désirer. En fait, c'est une situation qui met leur vie en danger. Je voudrais qu'on en parle bientôt, au moins une fois.
M. Grose: Pourquoi? Nous avons commandé de nouveaux véhicules?
M. Hubbard: Nous avons beaucoup de mal à faire réparer les véhicules qui sont là et à obtenir...
M. Grose: Mais quand ils seront réparés, ils iront aux réserves. Les nouveaux véhicules serviront aux troupes régulières dès leur réception.
M. Hubbard: Ce n'est pas là l'intention.
Len pourrait peut-être vous mettre au courant. Il a un camp militaire dans sa circonscription. Il faut trouver des réponses.
Le vice-président (M. Telegdi): Je vais en prendre note. Nous avons également pris note de la situation des pénitenciers.
La séance est levée.