Passer au contenu
Nota : Une annexe a été rajoutée à la fin de ce témoignage

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 2 octobre 1996

.1628

[Français]

Le président: Bonjour, tout le monde. Veuillez nous excuser pour le délai. Quant à moi, je ne me suis pas présenté parce que je croyais que les cloches sonneraient à 15 h 30.

Étant donné que nous commençons un peu tard et qu'on avait prévu une seule et unique séance sur ce sujet très important, je suggérerais à mes collègues que nous poursuivions notre séance après le vote de 17 h 30 si les témoins peuvent rester.

[Traduction]

Madame Barnes.

Mme Barnes (London-Ouest): J'aimerais faire une suggestion. Si vous êtes tous d'accord, je veux bien d'un pairage avec vous-même, ou un autre député, pour qu'on travaille pendant le vote, si vos whips sont d'accord. On l'a déjà fait dans d'autres comités. J'ai de la sympathie pour ceux qui sont dans la salle. Si on peut s'arranger, si quelqu'un l'organise, nous pourrons travailler pendant le vote qui aura lieu dans environ une heure. Moi-même, je veux bien d'un pairage avec un député du Bloc...

Le président: Personnellement, je n'ai pas d'objection.

D'accord?

Monsieur Hopkins.

M. Hopkins (Renfrew - Nipissing - Pembroke): Monsieur le président, je voulais tout simplement dire qu'il y a cette solution, mais qu'on pourrait aussi s'entendre pour qu'il n'y ait pas de vote pendant qu'on vote à la Chambre. Mais je suis en faveur du pairage, si c'est ce que vous voulez.

.1630

[Français]

Le président: Conformément à l'alinéa 108(3)d) du Règlement, le Comité permanent des comptes publics poursuit son étude du chapitre 1 du Rapport du vérificateur général du Canada, déposé le 7 mai 1996, et intitulé «Autres observations de vérification - Revenu Canada - Fiducies familiales».

Nous recevons M. Denis Desautels, vérificateur général du Canada. Monsieur Desautels, bienvenue. Pouvez-vous nous présenter les personnes qui vous accompagnent?

M. Denis Desautels (vérificateur général du Canada): Je suis accompagné de MM. Minto et Elkin.

Le président: Monsieur Gravelle, sous-ministre du Revenu national, bienvenue encore une fois devant nous.

M. Pierre Gravelle (sous-ministre du Revenu national): Je suis accompagné de M. Robert Beith et j'ai d'autres collègues du ministère qui pourront prendre la parole, si le comité le désire, pour élucider certaines questions.

Le président: M. Beith est sous-ministre adjoint à la Direction des appels, n'est-ce pas?

M. Gravelle: En effet, monsieur le président.

Le président: Du ministère des Finances, nous avons M. David Dodge.

M. David A. Dodge (sous-ministre des Finances): Je suis accompagné de Don Drummond, le sous-ministre adjoint, et d'autres officiels qui pourront répondre à vos questions.

Le président: Avant que nous ne commencions, pour le bénéfice des collègues du comité, vous savez que cette semaine, je vous ai fait part d'une demande que le sous-comité du programme et de la procédure m'avait faite d'écrire au sous-ministre du Revenu national pour demander qu'il nous fournisse une copie de la note de service révisée du 23 décembre 1991, tel que souligné à la page 1.18 du Rapport du vérificateur général.

On avait précisé qu'il allait de soi que toute information qui pouvait identifier le contribuable devait être supprimée. Cette demande a été ratifiée par l'ensemble du Comité permanent des comptes publics. Je déclare, pour le bénéfice de mes collègues, que nous avons en main la version originale anglaise, une copie abondamment raturée, et une version française. Le greffier vous en a fait parvenir une copie, je crois.

Lors de votre témoignage, monsieur Gravelle, j'aurai certainement des questions à vous poser, car bien qu'il aille de soi que toute information pouvant identifier le contribuable doit être supprimée, il me semble que vous y êtes allé pas mal fort avec le liquide correcteur. Vous avez probablement dû utiliser un gallon de liquide correcteur. Je ne suis probablement pas assez intelligent pour comprendre cela, mais je dois vous dire que ce sont pas seulement les renseignements qui pourraient identifier le contribuable qui ont été supprimés. C'est le commentaire général que je voulais faire.

[Traduction]

M. Williams (St-Albert): Monsieur le président, le comité directeur a longuement discuté de cette séance et a décidé qu'on se limiterait aux procédures du 23 décembre, aux événements qui ont mené à la réunion du 23 décembre, à ce qui l'entourait, aux changements effectués par le ministre depuis, etc.

J'ai quelques questions à poser et je remarque que la déclaration de M. Gravelle compte16 pages, celle de M. Dodge, écrite en tout petit, en compte environ six, sans oublier celle du vérificateur général. Quand nous les aurons toutes entendues, il sera temps de partir. Je remarque particulièrement que la déclaration de M. Dodge semble porter principalement sur l'aspect fiscal, dont nous ne nous occuperons pas vraiment aujourd'hui.

Par conséquent, monsieur le président, je demande que les témoins, à moins que leur déclaration ne soit brève, nous résument leurs textes, qui seront annexés au procès-verbal de la réunion.

[Français]

Le président: Je n'y vois pas d'objection si cela favorise...

[Traduction]

Est-ce que tout le monde est d'accord?

.1635

Mme Barnes: Très bien.

[Français]

M. Desautels: Monsieur le président, je vais être très bref. Comme vous l'avez dit, le comité a l'intention d'examiner tout particulièrement les circonstances entourant la décision du 23 décembre 1991 et les changements qui ont été apportés aux procédures administratives depuis ce temps-là.

Même quand on se concentre sur ces éléments, il y a de nombreux aspects à prendre en considération. J'aimerais souligner l'importance d'un problème dont la solution aura certainement des répercussions qui pourraient être durables et profitables à tous. C'est un problème qui a été soulevé, je pense, par le Comité permanent des finances dans son rapport sur les audiences qu'il a tenues à la suite de notre rapport de mai 1996. Je crois que la meilleure façon d'exprimer ce problème est de procéder par voie de questions.

[Traduction]

Tout d'abord, comment Revenu Canada peut-il avoir à la fois la tâche d'interpréter la loi, surtout lorsqu'elle est ambiguë, en offrant des services de décision anticipée, et celle de veiller sur l'assiette fiscale?

Deuxièmement, dans quelle mesure Revenu Canada doit-il prendre en considération la nature et les incidences des opérations au sujet desquelles il doit rendre une décision?

Troisièmement, quelle devrait être la politique de Revenu Canada au sujet des décisions anticipées qu'il rend lorsqu'il est en droit de soupçonner une évasion fiscale, lorsqu'une perte de revenu considérable est possible, ou que l'assiette fiscale risque d'en être affectée?

Quatrièmement, dans quelle mesure le ministère des Finances a-t-il la responsabilité de fournir des conseils opportuns, à la demande de Revenu Canada, en fonction d'une analyse sérieuse des incidences possibles d'une décision anticipée, et quelle est la responsabilité de Revenu Canada d'examiner ces conseils de manière critique.

[Français]

Ces questions sont évidemment reliées à la notion d'avoir une documentation adéquate, point que nous avons soulevé abondamment, ainsi qu'une analyse pertinente appuyant ce genre de décisions.

Je vais m'arrêter ici, monsieur le président. M. Minto, M. Elkin et moi-même serons heureux de répondre à vos questions ou de fournir toute explication additionnelle.

Le président: Monsieur Gravelle.

M. Gravelle: Ma présentation, lors de la première rencontre de ce comité, visait à indiquer aux membres du comité les procédures assez rigoureuses que nous suivons dans l'examen des demandes de décisions anticipées. Cette comparution me donne l'occasion d'élucider les événements qui ont entouré les rencontres du lundi 23 décembre 1991.

Je voudrais simplement vous dire que, pour ce qui est du processus entourant l'examen de cette décision anticipée en particulier, nous avions entamé, selon les règles et procédures du ministère, l'examen de la demande dès le début de novembre 1991. Les choses ont suivi leur cours selon les pratiques établies de remise en question des représentations faites par le contribuable, comme le veut la politique du ministère. Nous avions, tout au cours de ce processus d'examen, une opinion juridique qui prévalait et ce, même si nous avons testé d'autres hypothèses de travail.

Dès le début, nous avions également demandé au ministère des Finances d'élucider l'intention de la politique fiscale derrière la question qui nous était soumise. Lorsque j'ai pris connaissance de l'état du dossier pour la première fois, vers le 20 décembre, le vendredi, je me suis rendu compte que, même si on avait une opinion juridique assez probante, il nous manquait toujours une opinion du ministère des Finances qui soit claire, précise et écrite.

C'est à ce moment-là que j'ai demandé à mes collègues de rencontrer, comme il se doit, les agents supérieurs du ministère pour que nous tirions cette question au clair. J'étais conscient de l'importance de la décision. J'étais très conscient de l'ambiguïté de la loi et j'étais aussi conscient des conséquences fiscales de la décision.

.1640

Ce qui s'ensuivit fut simplement le déroulement naturel des événements. Lorsque M. Lefebvre, le sous-ministre adjoint, dut quitter le vendredi, devant s'absenter d'Ottawa pour quelques semaines, j'ai demandé aux responsables de la Division des décisions anticipées d'assurer la continuité et d'organiser par la suite des rencontres avec le ministre des Finances.

Je ne savais pas à l'époque que cela allait nécessairement se terminer ce lundi 23 décembre, mais le fait demeure que les discussions qui ont eu lieu par la suite ont permis d'obtenir une clarification du ministère des Finances, clarification qui nous a permis de conclure que nous étions bien avisés de donner une réponse favorable au contribuable étant donné que l'opinion juridique et l'opinion de politique fiscale convergeaient. Il me fera plaisir d'élaborer sur ces événements du23 décembre.

J'aimerais vous dire également qu'il est très important de voir que le fait de rendre une telle décision vers la fin décembre n'est pas inusité. J'aurai probablement l'occasion d'en discuter davantage avec les membres du comité. La fin décembre est la fin de l'année fiscale pour bien des contribuables et beaucoup d'entre eux sont appelés à prendre des décisions en matière de fiscalité à ce moment-là. C'est tout à fait naturel.

[Traduction]

En fait, dans les trois derniers mois de l'année et jusqu'à la fin de décembre, nous recevons beaucoup de demandes. En décembre, on nous demande en moyenne deux fois plus de décisions anticipées que pour chaque autre mois. Il est important que vous compreniez que ce dossier-là n'était pas exceptionnel. Cela faisait partie du processus décisionnel du ministère, et je serais ravi de vous en parler plus longuement.

Le vérificateur général a signalé, avec raison, qu'il y avait de nombreuses failles dans les procédures ministérielles. Il a fait un excellent rapport en 1993 au sujet du processus décisionnel et des procédures et politiques en matière de décision. Il avait notamment recommandé que, pour des besoins de transparence, nous publiions toutes les décisions anticipées. Je suis fier de vous dire que c'est une procédure maintenant en place, sujette bien entendu à toutes les vérifications nécessaires pour ne pas compromettre la confidentialité des dossiers des contribuables.

Il a aussi signalé que... c'est dans le premier chapitre, au sujet des BCI. Cela représente beaucoup de documents, de rencontres, de discussions et de représentations. Le problème, c'est que ces dispositions du 21 décembre n'ont pas été documentées, ce qui est inacceptable. Il devrait toujours y avoir des documents vérifiables pour ces décisions clés. Je peux vous dire que par suite de ces observations, en fonction des recommandations et observations des membres de votre comité, des membres du Comité des finances et de mon ministre, nous avons maintenant des procédures rigoureuses afin que les délibérations et les consultations interministérielles soient documentées en tout temps, afin qu'on puisse ultérieurement faire des vérifications ou s'y reporter.

Le vérificateur général avait également fait remarquer des aberrations qui remontaient jusqu'à 1985. Je le déplore. C'est qu'en 1985 nous n'étions pas complètement informatisés; nous ne pouvions donc pas nous assurer que les très nombreuses interprétations techniques, opinions et décisions anticipées étaient versées dans une base de données accessible en direct. Je peux vous dire que depuis 1993 la situation a été corrigée. Les divergences de 1985 ne pourraient pas se reproduire.

Monsieur le président, je pourrais peut-être m'arrêter ici et laisser la parole à M. Dodge, brièvement, afin que l'on passe ensuite à la discussion, pour que nous puissions répondre aux préoccupations et aux questions des députés.

Merci.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Gravelle.

[Traduction]

Monsieur Dodge.

M. Dodge: Merci, monsieur le président.

Comme vous le savez, plus tôt cet après-midi, le ministre des Finances a déposé un Avis de motion des voies et moyens visant à modifier la Loi de l'impôt sur le revenu. Cet avis adopte toutes les recommandations formulées dans le rapport majoritaire du Comité des finances.

Le vérificateur général a soulevé deux points qui nous intéressent aujourd'hui: le processus et la politique. M. Gravelle a traité du volet du processus, et j'espère que l'avis déposé aujourd'hui par le ministre permettra de régler le volet de la politique.

.1645

Comme je traite dans mon texte de la façon dont les cinq motions fonctionneront, je dirai simplement, monsieur le président, que nous devons nous poser la question suivante: voulons-nous instaurer un régime qui impute un impôt lorsque les gens quittent le Canada ou plutôt attendre que ces personnes vendent le bien avec lequel elles sont parties? Voilà la vraie question.

Pour y répondre, nous devons établir si nous sommes prêts à abandonner après plusieurs années nos droits d'imposition sur d'anciens Canadiens ou si nous jugeons plus important que les gains accumulés - mais non réalisés - sur des biens pendant le séjour au Canada soient assujettis à l'impôt au Canada lorsque ces biens sont, au bout du compte, vendus. D'après les modifications, le Canada exercera son droit de percevoir un impôt sur les gains accumulés pendant le séjour au Canada.

Finalement, permettez-moi de conclure en disant qu'il n'est pas question ici de fiducies familiales. Les questions relatives à la politique fiscale sont les mêmes, que vous traitiez des opérations décrites dans le rapport du vérificateur général ou que vous déterminiez quelles règles doivent s'appliquer au propriétaire de petite entreprise qui quitte Windsor pour s'installer à Ann Arbor alors qu'il possède des actions dans une petite entreprise en Ontario.

Les modifications proposées aujourd'hui portent sur la question très large de la migration des contribuables, y compris des fiducies familiales. Les règles sont donc changées de manière que les impôts sur les gains en capital accumulés pendant le séjour au Canada soient exigibles du contribuable, qu'il s'agisse d'une personne ou d'une fiducie, à son départ, plutôt que lorsque le gain est réalisé, lorsque les biens sont vendus.

Mes collaborateurs et moi-même vous donnerons volontiers de plus amples explications, si vous le désirez, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Dodge.

[Français]

Monsieur de Savoye.

M. de Savoye (Portneuf): J'ai d'abord une requête à vous faire. J'ai pris connaissance de la note de service. Comme vous le disiez si bien, on a usé abondamment du liquide correcteur. Je pensais qu'en ce qui a trait à une décision anticipée, c'était le ministère qui décidait du bien-fondé d'une demande. Mais je me rends compte que le conseil est fait tellement sur mesure que même la distance entre deux virgules ne pouvait pas être révélée à ce comité parce qu'elle aurait indiqué des renseignements très précis sur l'identité du contribuable. On a donc tout biffé. Bref, monsieur le président, je demande que le document original soit déposé auprès de ce comité.

Le président: Monsieur Gravelle, comment réagissez-vous à cette demande?

M. Gravelle: Monsieur le président, le document qui est devant vous, comme je l'ai expliqué dans la lettre que je vous ai adressée, est exactement ce qu'il est. C'était un document qui, à l'époque, n'a pas fait surface. Il n'a été ni signé ni envoyé. Il avait été préparé sur la base des renseignements que les agents de décisions possédaient à l'époque, avant que nous ne terminions les consultations et les décisions interministérielles. Ce document avait été préparé au cas où nous aurions à rendre, en bout de ligne, une décision négative. Il s'agissait alors de prévenir le ministre de la nature de la demande et des raisons pour lesquelles on jugeait la demande de façon négative, au cas où il y aurait des représentations.

Ce document, comme je l'ai expliqué, je ne l'ai pas vu le 20 ou le 23 décembre. J'en ai pris connaissance seulement lorsque j'ai vu qu'on y faisait allusion dans le Rapport du vérificateur général. La raison pour laquelle il n'a pas fait surface plus tôt, c'est qu'au bout du compte, lorsque les consultations interministérielles ont été complétées, on avait décidé de rendre une décision positive, et il n'y avait donc plus nécessité d'informer le ministre.

Par ailleurs, je comprends très bien que tous les membres du comité auraient souhaité avoir plus de renseignements. Je me rends compte que M. le président m'a dit, lors de sa requête, que je devais m'assurer de ne pas révéler les renseignements confidentiels reliés aux contribuables.

.1650

[Traduction]

C'est qu'en fait les renseignements fournis dans le mémoire se rapportent largement à la situation particulière du contribuable. Je peux vous assurer, monsieur le président, que ni moi-même ni personne d'autre au ministère n'a décidé unilatéralement de barbouiller le document de correcteur liquide. Nous avons demandé l'avis du ministère de la Justice avant de mettre la dernière main à la réponse à votre demande.

[Français]

Le président: Monsieur de Savoye.

M. de Savoye: Monsieur le président, je dépose une motion conformément aux pouvoirs qui reviennent à ce comité, selon le Règlement de la Chambre des communes. Ce comité a le droit de recevoir le document dans son état original et, compte tenu de la situation, je pense qu'il est dans l'intérêt du public que ce comité voie ce document dans son état original. Cela va nous aider à poser les bonnes questions et à obtenir les bonnes précisions. J'allais dire qu'on était dans la noirceur, mais on est en réalité dans la blancheur.

Le président: La motion est jugée recevable. Donc, on demande que le document soit déposé dans son état original. Je ne veux pas être directif, mais en respect pour les dispositions de l'article 241, qui préserve la confidentialité, et malgré un avis juridique, notre comité a cessé toute démarche en vue d'obtenir le nom du contribuable. Voulez-vous que le nom du contribuable soit révélé?

M. de Savoye: Ce comité a le droit d'avoir le document dans son état original et on devrait l'avoir dans son état original. Si seul le nom était biffé, je n'y verrais pas d'objection. Mais on ne doit pas aller plus loin, car on perdrait alors la substance. Actuellement, il ne reste plus de substance.

Le président: Vous vouliez ajouter quelque chose, monsieur Gravelle?

M. Gravelle: Monsieur le président,

[Traduction]

Pour la gouverne du comité, j'aimerais ajouter que l'article 241 vise à protéger non seulement le nom du contribuable et son identité, mais également toute information qui se rapporte à ce contribuable. Voilà l'avis que nous a donné le ministère de la Justice. Je crois tout simplement que l'exemption en vertu de l'article 241 va bien au-delà de l'identité du contribuable.

[Français]

M. de Savoye: Monsieur le président, lorsque l'enquête d'un comité porte sur un sujet relevant de sa compétence, et c'est le cas, il s'avère que ses attributions sont sans limites lorsqu'il s'agit d'exiger la production de documents. C'est le paragraphe 1) du commentaire 848 de la sixième édition de Beauchesne, à la page 244. Ce comité a ce pouvoir et c'est à ce comité de décider s'il désire l'exercer, indépendamment des autres considérations dont on vient de nous faire état.

Le président: Monsieur Hopkins.

[Traduction]

M. Hopkins: Je crois que depuis des années notre comité a soigneusement protégé la confidentialité des contribuables. Peu importe qu'ils soient riches ou pauvres, au-delà d'une certaine limite, vous compromettez la confidentialité des contribuables. Quand on est allé trop loin, où s'arrêter ensuite? Je crois que notre Comité des comptes publics doit agir avec prudence et se conformer à l'article 241. Nous connaissons ces procédures. On prend une bouchée de pomme, puis une autre, puis on va jusqu'au trognon. En ce moment, vous mordez allègrement dans le coeur de l'intégrité du régime fiscal. Je ne suis certainement pas en faveur de tout ce qui peut divulguer, d'une façon ou d'une autre, l'identité d'un contribuable au Canada. Si on le fait pour l'un d'eux, on risque de le faire pour tous les autres.

.1655

[Français]

La motion est rejetée

Le président: Je voudrais simplement régler une chose. Je commence à manifester de l'impatience vis-à-vis des téléphones cellulaires. Un comité, c'est le prolongement de la Chambre des communes et ces appareils sont interdits sur le parquet de la Chambre. La prochaine fois que j'entends un cellulaire... Je suis à la veille de piquer une crise. Je vous avertis à l'avance: fermez vos cellulaires ou, si vous voulez continuer à vous en servir, sortez. Ici, les cellulaires sont fermés. C'est la troisième fois...

[Traduction]

Une prise, deux prises, trois prises, retrait!

M. Silye (Calgary-Centre): Monsieur le président, éteignez le vôtre aussi.

[Français]

Le président: Monsieur de Savoye, vous avez dix minutes.

M. de Savoye: Monsieur le président, je vais partager mes dix minutes...

[Traduction]

M. Silye: Il a déjà eu dix minutes.

[Français]

M. de Savoye: Monsieur le président,...

[Traduction]

M. Silye: Son temps est épuisé.

M. Loubier (Saint-Hyacinthe - Bagot): Il a déposé une motion. Ce n'est pas l'heure de voter. Vous voulez rire?

M. Hopkins: Ayez l'obligeance de vous adresser au président.

M. Silye: Monsieur le président, pouvez-vous nous éclairer? N'avez-vous pas commencé par une ronde d'interventions de dix minutes? M. de Savoye n'a-t-il pas épuisé son temps?

Le président: Non.

M. Silye: Je sais qu'il lui en reste.

Le président: C'était un rappel au Règlement. Cela ne compte pas dans les dix minutes.

Nous commençons la deuxième ronde de dix minutes avec M. de Savoye.

[Français]

M. de Savoye: Monsieur le président, je vais partager mes dix minutes avec mes collègues. J'aimerais, dans un premier temps, demander si le document que nous avons devant nous est vraiment le mémo qui a été déposé le 23 décembre. Je ne doute pas de la probité de nos témoins, mais pour nous assurer que toute la vérité et seulement la vérité sera dite, j'aimerais qu'ils soient assermentés et qu'ils nous confirment que le mémo que nous avons devant nous est vraiment celui du 23 décembre.

Le président: On n'a pas de bible.

M. Paradis (Brome - Missisquoi): Pour résoudre le problème, n'y aurait-il pas lieu de comprendre que les témoins vont témoigner sous le même serment que la dernière fois?

Le président: M. Minto avait-il été assermenté? Donc, tous témoigneront sur la foi du serment qu'ils ont fait lors de la séance du 16 mai, je crois. Merci, monsieur l'ex-bâtonnier. Monsieurde Savoye, continuez.

M. Rocheleau (Trois-Rivières): Je vais prendre le relais, monsieur le président, si vous me le permettez. J'ai quelques questions à adresser à M. Gravelle.

Monsieur Gravelle, dans le cadre de la renonciation à laquelle se sont soumis la fiducie et son mandataire, pourriez-vous nous dire s'il est encore possible pour le gouvernement du Canada de récupérer l'argent qui a été ainsi transféré?

M. Gravelle: Monsieur le président, je voudrais simplement vous confirmer que la renonciation et l'engagement sont toujours valides et toujours en place.

M. Rocheleau: Donc, vous nous dites qu'on pourrait potentiellement récupérer cet argent si le gouvernement du Canada en décidait ainsi? C'est ce que je veux savoir.

M. Gravelle: Compte tenu de la décision anticipée, de l'application de la loi et de l'application du traité, oui.

M. Rocheleau: Êtes-vous en mesure de nous dire, à la suite du transfert des actifs de la fiducie canadienne à la fiducie américaine, si ces actifs sont toujours aux États-Unis?

M. Gravelle: Oui.

M. Rocheleau: Vous savez que les actifs et la fiducie sont toujours aux États-Unis et non ailleurs?

M. Gravelle: Oui.

M. Rocheleau: Si le gouvernement canadien décidait de récupérer ces actifs, comment pourrait-il le faire?

[Traduction]

M. Gravelle: Monsieur Beith.

.1700

M. Robert M. Beith (sous-ministre adjoint, ministère du Revenu national): Monsieur le président, le gouvernement n'a actuellement aucune raison de s'intéresser aux biens aux États-Unis. Ils font l'objet d'une décision anticipée. Il y a eu renonciation et engagement. Nous présumons que les parties respecteront leur engagement. Si des biens sont vendus pendant la période de dix ans, ils seront évalués et déclarés. Pour l'instant, le gouvernement n'a aucune raison de s'occuper de ces biens.

[Français]

M. Rocheleau: Monsieur le président, ma question a un caractère technique. Si le gouvernement canadien décidait de prendre les moyens pour récupérer ces actifs, quels outils pourrait-il utiliser compte tenu des ententes qui existent sur le plan international? Quel est le mécanisme?

M. Gravelle: La question que nous devions traiter dans la décision anticipée était de savoir si les biens qui allaient être transférés étaient des biens canadiens imposables. Nous avons répondu à cette question à la lumière des avis juridiques et des avis du ministère des Finances.

Ces biens canadiens imposables sont assujettis à la loi actuelle et aux termes de la décision anticipée, et ils sont régis également par l'application du traité entre le Canada et les États-Unis. Donc, il n'y aurait aucun moyen en loi d'aller chercher des actifs s'ils ne sont pas exigibles.

Si ces actifs sont vendus dans un délai de 10 ans, comme le veulent l'engagement et la renonciation, ils seront imposables. Des impôts seront payés sur le gain en capital aux États-Unis. Il y aura un crédit aux États-Unis et il y aura des impôts payables au Canada. À l'inverse, comme le veut le traité, si ces biens canadiens imposables sont vendus après la période de 10 ans, comme le veut la loi actuellement, et M. Dodge peut le confirmer, ces biens seront imposables exclusivement aux États-Unis, et non pas au Canada. Le traité prévient évidemment la double imposition.

Donc, il ne s'agit pas de fuite de capitaux. Il ne s'agit pas d'évasion. Il ne s'agit pas de se soustraire à la Loi de l'impôt sur le revenu. Il s'agit simplement d'appliquer la loi qui traite des biens canadiens imposables.

M. Rocheleau: Ce n'est pas clair. Au tout début, le sous-ministre nous a avoué que si le gouvernement canadien le voulait, il le pouvait. Plus il répond, moins c'est clair. Je demanderais donc au vérificateur général de nous éclairer s'il peut émettre une opinion là-dessus. Le gouvernement le peut-il et, s'il le peut, comment peut-il le faire? Si on s'entend pour dire qu'il le peut, quels sont les mécanismes à sa disposition?

M. Desautels: Je ne suis pas sûr de pouvoir répondre à la question avec beaucoup de précision. Selon ma compréhension des choses, s'il décidait de changer son avis, le ministère pourrait toujours cotiser la transaction sur laquelle il y a eu une décision anticipée. Mais c'est une décision qui a beaucoup de répercussions. Les décisions anticipées rendues dans le passé, et je suis le premier à le reconnaître, lient le gouvernement. C'est un principe bien important. Donc, si le gouvernement décidait de procéder différemment, j'imagine qu'il aurait le moyen de le faire, mais je ne puis vous dire exactement comment il pourrait le faire.

Le président: Monsieur Loubier, il vous reste deux minutes.

M. Loubier: Monsieur Gravelle, vous nous dites dans votre lettre que vous avez discuté avec M. Lefebvre, qui était responsable des décisions anticipées et des politiques de votre ministère. Vous avez discuté avec lui le vendredi 20 décembre. Cette discussion a donné lieu à l'élaboration d'un mémo qui, comme vous le dites vous-même dans votre lettre, disait que les actions qui étaient en cause n'étaient pas des biens canadiens imposables. Comment se fait-il que du 20 décembre, le jour où vous avez discuté avec M. Lefebvre, au 23 décembre au soir, la décision a été renversée totalement?

.1705

Deuxièmement, pourquoi le principal responsable, et l'un des plus grands experts, des décisions anticipées a-t-il soudainement ressenti le besoin de quitter alors qu'une décision cruciale était sur le point d'être prise trois jours plus tard? Ce ne sont pas des «peanuts», monsieur Gravelle. Ce sont deux milliards de dollars qui ont quitté le pays. Pourquoi M. Lefebvre n'a-t-il pas participé aux discussions du 23 décembre?

M. Gravelle: Je voudrais rassurer les membres du comité. Je vais répondre à votre question, mais je veux quand même faire une petite introduction. Cette demande de décision anticipée a suivi le cours normal de toute demande de décision anticipée.

M. Loubier: Monsieur Gravelle, ma question est claire: pourquoi, en trois jours, la décision a-t-elle été renversée au niveau de l'interprétation de la définition des biens canadiens imposables et pourquoi M. Lefebvre, qui est responsable de ces décisions anticipées, a-t-il quitté subitement, alors que vous avez continué le «party» toute la journée du 23 décembre et rendu une décision tout à fait contraire à la première analyse au niveau des biens canadiens imposables? Répondez à ma question. Je ne veux pas d'assurance. De toute façon, ce n'est pas ce qu'on vous pose comme question. Pourquoi M. Lefebvre n'était-il pas là? Pourquoi, en trois jours, les choses ont-elles changé en l'absence de M. Lefebvre?

M. Gravelle: Il n'y a pas eu de décision de renversée le 20, le 21, le 22 ou le 23 décembre. J'ai pris connaissance...

M. Loubier: «Nous sommes d'avis que les actions ne sont pas des biens canadiens imposables». C'est le premier mémo après les discussions avec M. Lefebvre, le vendredi20 décembre. Le 23 décembre, il y a eu des discussions toute la journée en l'absence du spécialiste de votre ministère, du principal responsable, et on a rendu une décision tout à fait contraire le soir du23 décembre. Vous trouvez que c'est normal?

Le président: Monsieur Loubier, on va laisser M. Gravelle répondre à vos deux questions et ensuite, on va passer aux 10 minutes du Parti réformiste.

M. Gravelle: Je vais répondre. Le vendredi, j'ai eu une rencontre avec M. Lefebvre. Je savais qu'il devait s'absenter d'Ottawa pour deux semaines. Comme je le fais toujours avec mes sous-ministres adjoints qui doivent s'absenter par affaires ou autrement, j'ai fait le point sur les principaux dossiers pour assurer la continuité. On a parlé d'une foule de choses et il m'a dit, entre autres, qu'il y avait une demande de décision anticipée qui exigeait d'autres discussions parce qu'on n'avait pas réglé les questions d'interprétation de la politique fiscale. Je l'ai remercié et lui ai dit simplement: Assurons-nous de compléter les discussions avec le ministère des Finances afin que nous puissions prendre une décision positive ou négative.

Il n'y a eu aucun renversement. Le lundi matin, il y a eu une première rencontre avec M. Beith, qui a assuré la continuité avec les agents des décisions anticipées et une directrice des décisions anticipées. Ils sont venus me voir le matin et m'ont dit: «Voici l'état du dossier. Nous avons une opinion juridique qui est très constante et qui nous permet de donner une décision anticipée positive. C'est la meilleure interprétation de la loi. Comme il y a de l'ambiguïté dans la loi, il serait utile d'avoir une interprétation du ministère des Finances.» Nous avons organisé des rencontres à un sommet plus élevé au ministère des Finances et nous sommes allés voir le responsable de l'intégrité de la politique fiscale au ministère des Finances. C'est ce qui s'est déroulé dans la journée.

Le mémo que vous avez devant vous a été préparé par l'agent de décisions au cas où les consultations entre le ministère des Finances, le ministère de la Justice et nous nous auraient amenés à prendre une décision négative. C'était simplement en anticipation de...

[Traduction]

Le président: Monsieur Williams.

M. Williams: Merci, monsieur le président.

Monsieur Gravelle, au début, vous avez dit que cette décision n'avait rien d'exceptionnel. Cette décision mettait en jeu pour 400 ou 500 millions de dollars, environ, d'impôts fédéraux. Je ne pense pas que vous traitiez tous les jours de décisions anticipées de cette importance, n'est-ce pas?

.1710

M. Gravelle: Lorsque j'ai dit qu'il n'y avait rien d'exceptionnel au sujet de cette décision, je voulais dire qu'elle correspondait à nos procédures d'examen interne et à notre mode de consultation des représentants du contribuable, du ministère de la Justice et du ministère des Finances.

Je conviens, monsieur Williams, qu'il s'agissait de sommes considérables. C'est pourquoi nous nous sommes bien gardés de prendre une décision hâtive. Il était impératif pour moi-même et mes collaborateurs de comprendre très clairement l'intention des politiques fiscales.

M. Williams: Si je regarde le mémoire présenté à la réunion d'aujourd'hui, préparé pour l'honorable Otto Jelinek, vous avez manifestement présenté les arguments pour et les arguments contre. A la page deux, au point quatre, vous dites clairement qu'il faut reconnaître qu'il y a des biens canadiens imposables. Vous estimez toutefois que cette position n'est pas fondée en droit, etc. La lettre est explicite.

Vous me dites qu'aucune décision n'a été prise avant que soit approuvé l'engagement. Il m'apparaît bizarre qu'un ministère comme Revenu Canada, qui doit appliquer la loi, fasse tant d'efforts, lorsqu'on lui demande une décision anticipée, pour étudier tout ce qui est possible pour un contribuable, en lui disant: «Si vous faites ceci, nous pourrions l'approuver, mais si vous faites cela, probablement pas.» Si je ne m'abuse, la procédure habituelle pour les décisions anticipées veut qu'un contribuable fasse une présentation à Revenu Canada où il dit: «Je souhaite effectuer telle opération de telle façon. Ai-je raison de croire, en vertu de mon interprétation de la Loi de l'impôt sur le revenu, que telle ou telle conséquence est à prévoir?» La Direction des décisions répond oui ou non. Ai-je bien résumé la situation?

M. Gravelle: Tout d'abord, je tiens à dire que la décision favorable n'a pas été prise en fonction d'un engagement ou d'une renonciation.

M. Williams: Je n'ai pas posé de question au sujet de l'engagement. J'ai simplement dit qu'on dit: «Voici ce que je veux faire. Voici quelles sont d'après moi les incidences fiscales. Ai-je raison, oui ou non?» Est-ce là la procédure normale?

M. Gravelle: Cela fait partie de la procédure normale. Je vais demander à M. Beith, qui connaît très bien ce processus, de vous en dire davantage.

M. Beith: Dans certains cas, c'est en effet la situation, si l'ensemble des faits sont simples et si la loi est claire. Toutefois, dans le processus des décisions anticipées, il arrive rarement que les demandes présentent des faits auxquels la loi s'applique en toute clarté. C'est à cause de leurs incertitudes ou de la complexité de leurs opérations que les gens demandent une décision anticipée.

D'après mon expérience, il arrive fréquemment que dans le cadre d'une discussion avec les représentants d'un contribuable on nous fasse une première proposition en fonction des objectifs visés. On nous dit ce qu'il en est. Présumons que c'est pour de bonnes raisons personnelles ou financières. En discutant avec les représentants, certaines questions de droit seront soulevées, qui avaient été signalées par le demandeur. Elles peuvent aussi être soulevées par les agents des décisions. On discutera des autres possibilités: qu'est-ce qui arrivera si on fait ceci ou cela? Ces autres solutions peuvent venir des représentants du contribuable. Il y a donc un processus dynamique, et l'opération peut être modifiée afin d'atteindre les objectifs, de se conformer à la loi et de satisfaire les politiques fiscales de Revenu Canada. Cela n'est pas inhabituel.

M. Williams: Par conséquent, si j'avais fait une demande en fonction de la Loi sur l'accès à l'information pour obtenir les dix premières décisions anticipées rendues en 1992, je constaterais que vous avez discuté de diverses possibilités, de leurs avantages et de leurs inconvénients, et que vous avez proposé des façons de faire, n'est-ce pas?

M. Beith: Vous pourriez en effet constater que nous avons discuté de diverses possibilités.

M. Williams: Monsieur Gravelle, je reviens à votre témoignage sous serment du 16 mai 1996. Je vous ai posé des questions au sujet d'éventuelles ingérences politiques. Je vous ai posé plusieurs questions. Je vous ai demandé si vous aviez discuté de ce dossier avec un ministre le 23 décembre, ou avant, ou après. Vous m'avez répondu: pas à ma souvenance. J'ai demandé si vous en aviez discuté avec des membres du Bureau du Conseil privé, et vous avez répondu que non, ce qui était clair et sans équivoque. Je vous ai ensuite demandé si vous en aviez discuté avec l'un ou l'autre des ministres. Comme vous m'avez répondu d'une manière un peu plus vague, j'ai poursuivi et je vous ai demandé si vous en aviez discuté avec un ministre avant le 23 décembre 1991. Vous m'avez répondu: je ne m'en souviens pas. Lorsque j'ai continué et que j'ai demandé s'il était possible que vous en ayez discuté avec un ministre le 23 décembre, vous avez répondu que vous ne vous en souveniez pas. Toutefois, lorsque j'ai demandé si vous en aviez discuté avec un ministre après 1991, mais avant l'élection de 1993, vous m'avez répondu clairement que non.

.1715

Vous savez donc clairement ce qui s'est produit le 24 décembre et après, mais vous avez des problèmes de mémoire pour le 23 décembre et avant.

Monsieur Gravelle, avez-vous reçu une communication d'un ministre ou d'un adjoint de ministre le 23 décembre ou avant, ou avez-vous vous-même communiqué par écrit, par voie électronique ou autrement avec un ministre ou un de ses collaborateurs pendant cette période?

[Français]

M. Gravelle: Non.

[Traduction]

Comme je l'ai dit dans mon allocution, il n'y a pas eu d'ingérence politique dans cette décision, ni dans aucune autre, d'ailleurs. Je vous l'affirme. Cette décision en particulier, et je l'ai dit dans mon allocution, qui a été déposée, n'a fait l'objet de discussions qu'entre les représentants du contribuable, de Revenu Canada, du ministère de la Justice et de celui des Finances.

M. Williams: Mais vous restez vague. Vous parlez de possibilité, mais vous ne vous souvenez pas s'il y a eu des communications ou des discussions. Tout est pourtant très clair pour vous à partir du 24 décembre 1991: il n'y a pas eu de communication avec des ministres. Mais pour ce qui est de la période allant jusqu'au 23 décembre, vous hésitez à vous mouiller.

M. Gravelle: Mais non, je n'ai pas d'hésitation.

M. Williams: Vous affirmez donc très clairement que vous n'en avez discuté ni avec un ministre ni avec un adjoint de ministre?

M. Gravelle: Oui.

M. Williams: Vous n'avez pas eu de communication avec un ministre?

M. Gravelle: Non. Je n'ai même pas parlé du résultat de la décision avec un ministre.

Lorsque j'ai été plus affirmatif au sujet du Bureau du Conseil privé, c'est parce que, bien entendu, nous ne discuterions jamais du dossier d'un contribuable, ni de son contenu, avec d'autres ministères qui n'ont pas accès à ces renseignements.

M. Williams: Avez-vous discuté de cette question ou avez-vous eu des communications à ce sujet avec un sénateur?

M. Gravelle: Non.

M. Williams: Et avec un député ministériel?

M. Gravelle: Non.

M. Williams: Vous affirmez donc avec certitude que vous n'avez aucunement communiqué, discuté, écrit ou reçu des lettres ou des notes de service de quelque politicien que ce soit?

M. Gravelle: Oui, monsieur.

M. Williams: Vous en êtes absolument certain?

M. Gravelle: Oui, monsieur.

Puis-je ajouter un commentaire? Je sais en outre que ni le contribuable ni ses représentants n'ont communiqué avec mon bureau au sujet de cette décision.

M. Williams: Ils ont certainement fait des démarches auprès de quelqu'un qui est près de votre bureau, certainement, monsieur Gravelle.

M. Gravelle: Oui, mes agents des décisions.

M. Williams: Merci.

Monsieur Dodge, vous dites que les discussions entre votre ministère et celui du Revenu étaient d'une nature informelle. Pourtant, Revenu Canada a affirmé explicitement que le 12 novembre, je crois, le ministère des Finances a reçu l'ordre de laisser l'interprétation de la loi à Revenu Canada. Pourtant, lors de discussions informelles, le 23 décembre, Revenu Canada est revenu sur cette décision.

Pourquoi le ministère des Finances a-t-il suffisamment d'influence sur Revenu Canada pour lui faire changer sa position lors de discussions informelles, un matin, avant Noël, lorsque500 millions de dollars de recettes fiscales sont en jeu alors que Revenu Canada rejette la participation de votre ministère?

.1720

M. Dodge: Il convient tout à fait que le ministère du Revenu s'adresse à nous lorsque se pose une question épineuse au sujet des politiques. On nous demande si telle était l'intention au départ, si c'est ainsi que la loi a été rédigée. Nous essayons de répondre à ces interrogations.

Parfois, la question n'est pas claire, et il faut beaucoup de travail pour y répondre, peu importent les sommes d'argent en jeu. Parfois aussi, on peut rapidement clarifier les choses. Lorsque les collaborateurs de M. Gravelle se sont adressés à nos fonctionnaires à ce sujet, il s'est trouvé que les aspects politique et juridique pouvaient être réglés relativement rapidement. C'est ce que nous avons fait, que je sache, monsieur Williams, à la rencontre du 23 décembre. Les résultats ont été confirmés par écrit par M. Short, et cette lettre vous a été présentée, je crois.

M. Williams: D'après...

Le président: Votre temps est épuisé, monsieur Williams.

M. Williams: Puis-je poser une dernière question?

Le président: À votre prochain tour.

Monsieur Hopkins, vous avez dix minutes.

M. Hopkins: Merci, monsieur le président.

Lorsque nous avons organisé la séance d'aujourd'hui, trois thèmes principaux nous intéressaient. D'abord, les règles et les procédures, soit les procédures en usage à l'époque, les changements survenus depuis et ceux qui sont prévus. Nous ne savions pas, à ce moment-là, que les changements prévus seraient présentés aujourd'hui. Voilà donc les trois sujets qui nous intéressent: les procédures à l'époque, les changements et les nouvelles procédures.

Monsieur Gravelle, je pense vous avoir entendu dire qu'aucune décision n'avait été prise et que, par conséquent, aucune décision n'a pu être changée. Ai-je raison?

M. Gravelle: Oui, monsieur.

M. Hopkins: Passons au premier sujet. Pourriez-vous nous dire en gros quelles étaient les procédures en 1991? Pourriez-vous nous expliquer ce qui était plus complexe à l'époque et compliquait la prise d'une décision? Je vous laisse répondre, je vous poserai une autre question plus tard.

M. Gravelle: La question des Canadiens propriétaires de BCI n'avait pas fait l'objet de discussions lors de conférences sur la fiscalité, dans des documents juridiques ou dans le contexte d'autres décisions anticipées depuis, par exemple, la décision de 1985.

Lorsqu'on nous a demandé une décision en 1991, on nous a présenté une série de dispositions de droit fiscal assez complexes, sinon ambiguës. Comme habituellement dans le processus de décision anticipée, nos agents devaient s'assurer que même si les représentations des contribuables en faveur d'une décision étaient bonnes, complètes, logiques et juridiquement fondées, celles-ci se conformaient aussi à l'intégrité des politiques et des lois en matière de fiscalité.

C'est pourquoi pendant tout le processus nous avons cherché à obtenir les conseils du ministère des Finances en matière de politique fiscale - que nous avons eus - tout en demandant au ministère de la Justice de nous donner un bon avis juridique.

Ce dossier, monsieur Hopkins, est plutôt volumineux. Le contribuable a fourni des représentations et une recherche juridique très approfondies. Le dossier a été annoté par les agents des décisions à toutes les rencontres avec le contribuable et lors de discussions à l'interne.

.1725

Notre erreur, monsieur Hopkins, c'est qu'après toutes nos discussions du vendredi et du lundi nous avons omis de les documenter dans le dossier. Le vérificateur général l'a signalé à juste titre. On peut en effet s'étonner qu'une question aussi complexe soit soudainement rendue claire par une lettre de deux pages du ministère des Finances. Cela ne signifie pas que des discussions approfondies entre les responsables du ministère des Finances et nous-mêmes n'ont pas eu lieu pour arriver à ces conclusions.

Monsieur Hopkins, nous faisons vraiment toutes les analyses nécessaires avant de rendre une décision négative ou positive, afin de protéger l'intégrité du régime fiscal, du droit et de l'assiette fiscale.

Vous posiez une autre question, monsieur Hopkins. Ce qui a changé, depuis, c'est que nous nous assurons désormais, dans le cadre de lignes directrices très fermes destinées à nos agents des décisions et à notre personnel, que toutes les discussions d'importance au sujet d'un dossier, aux niveaux interne, interministériel ou externe, soient documentées, articulées et consignées dans un procès-verbal.

M. Hopkins: Merci.

Monsieur le président, j'aimerais demander à M. Gravelle qu'il nous résume les changements qui ont eu lieu depuis les élections. Quels changements ce gouvernement-ci a-t-il apportés à la procédure que le gouvernement précédent avait déjà modifiée?

M. Gravelle: À partir de la fin de 1993 et en 1994, nous avons mis sur pied des bases de données informatiques pour tous les avis juridiques, les opinions du ministère de la Justice, du ministère des Finances, les interprétations internes d'ordre technique, les avis, etc., y compris les décisions anticipées. Les agents des décisions ne peuvent donc plus omettre de vérifier la base de données au complet avant de procéder à l'examen d'un dossier de décision anticipée.

La deuxième initiative d'importance qu'a prise le gouvernement et mon ministre a été d'imposer un moratoire sur les décisions anticipées en attendant des précisions au sujet de la loi, et ce, pour respecter les préoccupations exprimées par votre comité et le Comité des finances. Le ministre des Finances et le ministre du Revenu, nos ministres, souhaitaient vivement que cet aspect important de la loi soit discuté et examiné en profondeur par les parlementaires avant que nous rendions d'autres décisions dans ce domaine.

Monsieur Hopkins, ce moratoire demeure en vigueur, malgré le dépôt aujourd'hui de la motion de voies et moyens. La raison en est très simple. Le ministre des Finances a annoncé que même si la motion de voies et moyens entrait en vigueur immédiatement, il y aurait des consultations sur certains aspects de celle-ci avant que l'on mette le point final à la loi. Par conséquent, nous allons continuer de respecter le moratoire en attendant l'adoption de la mesure législative.

M. Hopkins: Merci.

Je suppose, monsieur le président, que vous rédigerez un rapport à la Chambre à ce sujet, et, aux fins du compte rendu, j'aimerais que vous nous donniez une explication sommaire des mesures de politique qui s'appliqueront à compter d'aujourd'hui à la suite de la déclaration du ministre.

J'aimerais aussi savoir si vous-même et le vérificateur général êtes convaincus que la déclaration qu'a faite le ministre aujourd'hui donnera une orientation claire pour l'avenir au sujet de ces questions.

.1730

M. Dodge: Avec votre permission, monsieur le président, je parlerai tout d'abord des changements.

Le Comité des finances avait proposé cinq recommandations qui ont toutes été adoptées dans la motion qu'a déposée M. Martin aujourd'hui. La première portait sur la classification des biens. Le Comité des finances avait remarqué une certaine incohérence dans les règles pertinentes, incohérences qui ont été corrigées depuis.

La deuxième initiative a été de préciser la portée de la définition des biens canadiens imposables. La conclusion du comité selon laquelle ces biens devraient être considérés comme des biens canadiens imposables s'ils sont entre les mains de résidents et de non-résidents découle évidemment de la notion voulant qu'une telle interprétation est dictée par la nécessité d'obtenir le résultat souhaité pour ce qui est de la politique fiscale. Nous avons donc énoncé sans équivoque aujourd'hui ce résultat, et c'est l'objet du paragraphe pertinent de la motion de voies et moyens.

La troisième recommandation du comité portait directement sur la question des décisions de Revenu Canada. Lorsqu'une fiducie attribue des biens à un bénéficiaire non résident, il peut y avoir report d'impôt pourvu que les biens en question soient des biens canadiens imposables. Certains biens, comme des biens immobiliers canadiens, sont des biens immobiliers imposables universels - c'est-à-dire indépendamment de leurs propriétaires - alors que d'autres le sont uniquement par rapport à certaines personnes. Ainsi, les actions d'une société ouverte ne sont généralement pas considérées comme des biens canadiens imposables, mais elles le seront si elles sont le fruit d'un échange en contrepartie d'autres biens qui, eux, l'étaient.

Nous avons donc concrétisé la recommandation du comité en confirmant l'intention du législateur. C'est important, car cela fait partie des incohérences mentionnées par M. Gravelle. Il existe une certaine ambiguïté, et, en l'occurrence, nous avons essayé de la supprimer.

En matière de politique générale, la question la plus importante était de déterminer si le Canada devait imposer les gains accumulés sur des biens en immobilisation au moment de l'émigration du contribuable - qu'il s'agisse d'un particulier ou d'une fiducie - ou au moment où les biens sont attribués par la fiducie. Les changements précédents apportaient des précisions à la loi alors que celui-ci la modifie, le vérificateur général ayant signalé qu'il était inconvenant que les gains accumulés par le contribuable pendant qu'il était résident du Canada risquaient de ne pas être assujettis à l'impôt canadien - ils seraient assujettis à l'impôt, mais pas nécessairement à l'impôt canadien - si le contribuable en question ne réalisait pas ces biens au moins 10 ans après avoir quitté le Canada.

Il s'agit là d'un changement d'importance qui précise que l'impôt sur les biens accumulés sera versé au Trésor canadien. Cet impôt peut être versé au moment de l'émigration, ou encore le contribuable peut les assortir d'une sûreté et payer au moment de l'aliénation des biens. Si vous vous souvenez, lors des discussions de votre comité et du Comité des finances, nous avions convenu que le vérificateur général avait soulevé là une question de politique sérieuse. Le Comité des finances a recommandé un changement à la politique. Aujourd'hui, dans sa motion, le ministre des Finances a accepté la recommandation du Comité des finances.

Enfin, la cinquième chose que l'on a faite aujourd'hui a été d'imposer des exigences de rapports supplémentaires lorsque le contribuable, qu'il s'agisse d'un particulier ou d'une fiducie, émigre du pays.

Voilà donc les cinq éléments que vise la motion de voies et moyens déposée à la Chambre aujourd'hui.

Le président: Merci.

Monsieur Hopkins.

.1735

[Français]

Nous allons auparavant écouter les commentaires du vérificateur général.

[Traduction]

M. Desautels: Si vous me permettez de préciser une chose, nous avons pris connaissance de l'annonce du ministre des Finances pour la première fois cet après-midi, juste avant le début de la séance. Mes observations seront donc de nature préliminaire, étant donné que j'ai besoin d'un peu plus de temps pour passer en revue les détails techniques.

Cette mise en garde étant faite, je peux dire, d'entrée de jeu, que ces initiatives semblent répondre de façon assez exhaustive aux inquiétudes que nous avions soulevées. Je suis heureux de constater qu'on a pris nos préoccupations au sérieux.

Il semble bien que les changements proposés vont préciser la mesure législative et qu'en outre ils vont dans le sens que souhaitaient fondamentalement la Loi de l'impôt sur le revenu et le Parlement. En fait, j'ai remarqué très rapidement que certains changements techniques s'apparentent aux observations que nous avons faites à l'occasion de notre comparution devant le Comité des finances. D'après ce que j'ai vu jusqu'à maintenant, les changements semblent répondre aux préoccupations que nous avons exprimées.

[Français]

Le président: Avant que nous débutions le tour de questions de cinq minutes, j'aurais deux petites questions rapides pour vous, monsieur Gravelle. Je sais que M. Dodge a fait grand état de la déclaration ministérielle de 15 h 10 mais, personnellement, j'aimerais mieux comprendre ce qui s'est passé le 23 décembre. Je préférerais profiter de votre témoignage pour savoir ce qui s'est réellement passé le 23 décembre.

Monsieur Gravelle, je reviens sur votre note plutôt que sur la lettre d'accompagnement du mémo que vous m'avez fait parvenir. En haut de la page 2, au premier paragraphe, vous dites:

Sur la foi du serment que vous avez fait le 16 mai, monsieur Gravelle, à une question posée par M. Williams, vous affirmez qu'il n'y a pas eu... C'était un dimanche, le 22 décembre. Je comprends qu'en fin d'année, tout le monde veut arriver à Noël en même temps que les autres. Je comprends cela. Mais un dimanche, le 22 décembre, une équipe de votre ministère travaille à rédiger une note de service. Vous nous assurez, monsieur Gravelle, qu'il n'y a pas eu d'ingérence directe ou indirecte de la part de qui que ce soit.

M. Gravelle: Je vous l'affirme, monsieur le président.

Le président: Deuxièmement, vous dites, plus loin dans ce même paragraphe:

Dites-vous qu'une feuille de papier physique ou que le contenu de la note n'a pas été porté à votre attention? Autrement dit, vous n'êtes au courant de rien en ce qui a trait à cette note-là?

M. Gravelle: L'existence de cette note n'a été portée à ma connaissance ni le 20 décembre, ni le week-end, ni le lundi, ni jamais à cause de la culmination des discussions qu'on a eues avec le ministère des Finances et le ministère de la Justice le 23 décembre.

Cette note a été préparée simplement à l'initiative des agents de décisions anticipées. Il n'est pas anormal pour des employés de mon ministère, y compris moi-même et mes sous-ministres adjoints, de travailler les week-ends, que ce soit au mois de décembre, janvier, février ou mars. C'est la façon de gérer l'achalandage au sein du ministère.

Il a probablement pris cette initiative, compte tenu des délais qui se présentaient - je fais ici de la spéculation - en se disant que si le lundi on décidait que c'était négatif, il valait mieux qu'il soit préparé à présenter une note d'information.

La note d'information, je peux vous l'affirmer, ne reflète même pas l'évolution des discussions internes au sein de la Direction des décisions anticipées. Elle portait uniquement sur la perception que les agents avaient au tout début sans avoir eu le bénéfice de discussions poussées avec le ministère de la Justice et le ministère des Finances, à savoir qu'a priori, on ne devait pas rendre une décision positive puisqu'il n'était pas suffisamment clair que des Canadiens pouvaient être détenteurs de biens canadiens imposables.

.1740

Le président: Ils ont pris personnellement l'initiative de se réunir le 22 décembre pour rédiger cela? Personne ne le leur a dit?

M. Gravelle: En effet.

Le président: D'accord. Pas de problème. Je vous crois sur parole.

Monsieur Loubier, vous avez cinq minutes.

M. Loubier: J'ai une première question pour le vérificateur général.

Vous avez soulevé une ambiguïté dans l'interprétation de la loi. Vous avez affirmé que l'interprétation de la loi a fait en sorte qu'on a appliqué la notion de biens canadiens imposables à des résidents. On n'aurait pas dû le faire.

Pour bien comprendre le sens de votre réponse de plus tôt, le gouvernement dit maintenant qu'il n'y aura plus de problèmes car la notion de BCI va s'appliquer à tout le monde, les résidents et les non-résidents. Pour vous, en tant que vérificateur général, les choses sont plus claires, mais du point de vue moral, du point de vue de l'utilisation d'une notion, qui existait normalement pour des non-résidents, le problème demeure entier, bien que votre rôle ne soit pas de...

M. Desautels: Je me réserve le droit d'examiner plus en détail les changements techniques qui sont proposés. Comme je l'ai dit, j'ai vu la note ou le communiqué du ministère des Finances il y a environ une heure, et mon interprétation est que la loi prévoyait que la notion de biens canadiens imposables serait restreinte à certaines interprétations. C'est une façon de taxer des gains en capital à un moment donné, lors de l'immigration ou lorsque des biens sont vendus.

M. Loubier: Le gouvernement dit que dorénavant, il n'y aura plus d'ambiguïté, car on va appliquer cela à tout le monde et qu'on va ainsi régler le problème au lieu d'adopter la recommandation peut-être plus logique voulant qu'on clarifie le fait que la notion de BCI ne doive s'appliquer qu'à des non-résidents. Je sais que votre rôle n'est pas de définir la politique fiscale, mais vous devez soulever des ambiguïtés et des interprétations tordues des lois fiscales. Je suis d'accord avec vous là-dessus.

Je voulais juste apporter une précision là-dessus parce que la réponse que vous avez apportée plus tôt pouvait sembler...

M. Desautels: Monsieur Loubier, notre intervention visait à dire que l'interprétation qui avait été donnée semblait aller dans le sens contraire de la loi et de toute une série d'interprétations techniques. La loi dit que tous les gains en capital doivent être imposables à un moment ou l'autre.

M. Loubier: Parfait.

M. Desautels: Si je comprends bien la direction des changements qui sont proposés, on se propose d'imposer les gains en capital de façon plus rigoureuse que dans le passé.

Maintenant, comme je vous l'ai dit, je me réserve le droit d'étudier le détail des recommandations qu'on a vues aujourd'hui.

M. Loubier: Absolument. On vous invitera à nouveau.

Monsieur Gravelle, plus tôt, mon collègue vous a demandé comment on pouvait être certain que la fiducie de deux milliards de dollars qui a été transférée aux États-Unis est toujours aux États-Unis. Vous avez répondu de façon très vague. Je vous repose la question. Comment pouvez-vous retracer la fiducie de deux milliards de dollars? Comment savoir que cette fiducie-là est toujours aux États-Unis? Comment savoir qu'elle respecte les conditions liées à l'avis de renonciation qui, à mon avis, ne vaut absolument rien du point de vue du droit international et des conventions fiscales?

M. Gravelle: Nous avons des échanges d'information continus avec nos partenaires de traités fiscaux. C'est une façon pour notre personnel de vérification d'aller chercher des renseignements. Notre personnel de vérification peut également entrer en communication avec la fiducie canadienne, qui est toujours en existence, et avec le représentant du contribuable qui est toujours présent.

Monsieur Loubier, cette décision était très importante. Des engagements très précis ont été pris par le contribuable et nous devons nous assurer que le contribuable...

M. Loubier: Je connais votre rôle, monsieur Gravelle. Je connais votre rôle, mais je veux avoir des précisions. Comment pouvez-vous être certain que vous suivez à la trace cette fiducie de deux milliards de dollars? Comment pouvez-vous être certain qu'elle ne brise pas une des conditions? Par exemple, si la fiducie décidait de liquider ses actifs avant la fin de la période de 10 ans en fonction d'une convention fiscale qui serait signée entre les États-Unis et les Barbades, par exemple, ce qui pourrait arriver, que vaudrait l'avis de renonciation? Comment pourriez-vous suivre à la trace ces actifs et quel recours auriez-vous s'il y avait une rupture des conditions, comme une réalisation des actifs avant la dixième année?

.1745

M. Gravelle: Nous aurions un recours contre la fiducie canadienne, compte tenu de la nature de l'engagement.

M. Loubier: Et si la fiducie canadienne obtient deux avis, l'un par le ministère des Finances et l'autre par le ministère de la Justice, qui lui disent que les actifs globaux du fiduciaire sont des BCI, quel recours juridique aurez-vous face à cette fiducie qui ne respecte pas ses engagements?

M. Gravelle: Je vais demander à M. Beith de parler de la qualité et de la nature de l'engagement, mais je peux vous assurer de la crédibilité du contribuable et du fiscaliste très réputé qui est constamment en rapport avec nous. J'ai de bonnes raisons de croire que le contribuable ne fera rien unilatéralement sans nous prévenir.

M. Loubier: Monsieur Gravelle, vous semblez compter sur la pression morale. Vous êtes certain que s'il y a 100 ou 150 millions de dollars à gagner quelque part, la pression morale sera suffisante pour que le propriétaire de la fiducie originale satisfasse aux conditions, même s'il n'est pas lié par des lois, même si en matière de droit international ça ne vaut rien, et même s'il fait intervenir une autre convention fiscale signée maintenant entre les États-Unis et les Barbades ou le Royaume-Uni ou la Corée du Sud?

Vous dites bien qu'il n'y aura pas de problème du fait de la pression morale? Vous dites bien que, grâce à l'existence de deux avis, l'un émanant du ministère des Finances et l'autre du ministère de la Justice, qui disent que tous les actifs de cette fiducie sont des biens canadiens imposables, et grâce à la pression morale, vos allez réussir à aller chercher de l'argent? Vous allez donc dire à ce fiduciaire qu'une partie de sa fiducie est encore canadienne et qu'on va saisir une partie de ses actifs, alors qu'il a deux avis qui lui disent que ce sont des BCI? Ai-je bien compris ce que vous dites?

M. Gravelle: Tout le régime fiscal du Canada repose sur le principe fondamental de l'autocotisation. Nous avons, à cet égard, des moyens de vérification et d'enquête pour nous assurer de l'orthodoxie du comportement du contribuable.

[Traduction]

M. Silye: Monsieur le président, je tiens à souligner que le vérificateur général a eu raison de soulever cette question et je pense que le Comité des finances, dans son rapport majoritaire, n'avait absolument pas lieu de critiquer le vérificateur général pour son intervention. Je suis heureux d'entendre le ministre des Finances et les représentants des autres ministères féliciter le vérificateur général de son action, quoique tardivement. Dès le départ, le Parti réformiste s'est indigné de cette critique.

Je ne pense pas que le vérificateur général soit d'accord - et comme il est ici, il peut le confirmer - avec le renversement de la décision originale, ou le renversement de la recommandation originale présentée. Dans sa vérification, il mentionne le fait que des notes de service, en date du 18 et du 20 décembre respectivement, avaient été rédigées, et que dans ces deux documents des hauts fonctionnaires concluaient qu'il serait malvenu pour le ministère de rendre une décision favorable. Par la suite, une décision ultérieure favorable est venue contredire cette prise de position. Nous sommes privés de toute analyse et de documents afférents à cette décision cruciale et à ses retombées éventuelles.

Tout d'abord, cela n'est pas normal dans le cas d'une décision anticipée. Une transaction a eu lieu. Cette personne a conclu une transaction. C'était un fait accompli. Elle s'est présentée au ministère dans le but d'obtenir une décision favorable pour aliéner ces éléments d'actif d'une certaine façon. On a déterminé, au ministère du Revenu ou des Finances, que ces éléments d'actif ne constituaient pas des biens canadiens imposables, étant donné qu'il s'agissait d'actions privées converties en actions publiques et que les actions publiques n'entraient pas dans cette catégorie, ou quelque chose de ce genre. La transaction a donc eu lieu, et ce, en violation de la politique du ministère concernant les décisions anticipées en matière d'impôt. La politique ministérielle ne vous enjoint pas de prendre en compte le secteur où a eu lieu la transaction. Il vous suffit de rendre votre décision, sans plus. Quant aux clients, à eux d'encaisser.

À la suite d'une entente parallèle visant à englober cette transaction, à faire en sorte qu'elle relève de la catégorie des biens canadiens imposables, quelqu'un dans votre ministère - et je veux savoir qui - a recommandé qu'un tel engagement soit pris, que le contribuable signe une renonciation, même si cet engagement, d'après une décision rendue dans l'affaire Colin McPhail c. Sa Majesté la Reine, n'aurait pas été applicable au Canada si le contribuable avait ultérieurement changé d'idée ou exigé la protection afférente aux conventions fiscales. Vos propres collaborateurs viennent de le dire. Rien ne justifie ce revirement, qui s'est traduit par une décision favorable par opposition à une décision défavorable.

.1750

Monsieur Gravelle, le problème est très sérieux, et le vérificateur général a mis le doigt dessus. Ce qui me déplaît, c'est qu'on dise qu'on a comblé l'échappatoire, qu'on a précisé la définition de BCI et que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Nous essayons de savoir ce qui s'est passé. Vous a-t-on influencé ou a-t-on exercé des pressions sur vous pour que vous changiez d'avis? Pourquoi le ministère des Finances et le ministère du Revenu se sont-ils mis en quatre pour rendre une décision favorable à l'égard d'une somme aussi considérable? Il m'est arrivé de devoir contester Revenu Canada au sujet de certaines vérifications et d'avoir livré bataille concernant une zone grise, et je peux vous dire que les fonctionnaires sont réticents à lâcher une «maudite cenne»...

Des voix: Oh, oh!

M. Silye: ... et pourtant, ils étaient tout à fait d'accord pour laisser aller 500 millions de dollars.

Je ne mets pas la décision en cause, parce qu'il faut que quelqu'un prenne les décisions, et quoi qu'ils décident... Je ne mets pas en doute la compétence des fonctionnaires dans cette affaire, mais dans la foulée des observations du vérificateur général, pourquoi ce renversement, pourquoi cette décision favorable? Pourquoi laisser quelqu'un quitter le pays sans payer d'impôts à l'égard d'actifs qui ont été constitués et accumulés au pays?

M. Beith: Monsieur le président, le député a posé une pléiade de questions. Si j'en oubliais une, peut-être pourrait-il...

M. Silye: Je reviendrai...

M. Beith: ...me le signaler.

Vous avez mentionné le fait que nous rendions une décision sur des transactions déjà complétées. Je suppose que vous faites allusion aux transactions qui ont eu lieu les années précédentes et qui mettaient en cause un échange d'actions d'une société fermée pour des actions d'une société ouverte. Il est exact que ces transactions avaient déjà eu lieu et que la définition des actions de la société ouverte entre les mains de la fiducie a été un élément important de la décision.

Mais nous examinions des transactions proposées. Nous envisagions le cas d'un bénéficiaire qui allait devenir non résident. Nous examinions le cas d'une fiducie qui allait devenir non résidente. Ces actions d'une société ouverte allaient passer entre les mains d'une fiducie non résidente... Il nous fallait déterminer la nature de ces actions d'une société ouverte qui étaient à l'époque entre les mains de la fiducie familiale. Cela exigeait que nous nous penchions sur la façon dont elles avaient été acquises. Il n'est pas rare d'exiger des renseignements circonstanciels dans le cadre de décisions pour déterminer les conséquences fiscales des transactions proposées.

Vous avez dit qu'il y avait eu renversement de décision et mentionné une note de service rédigée pendant la semaine se terminant le 20 décembre. Au cours de cette semaine, aucune décision qui aurait été renversée le 23 décembre n'a été prise. Je le répète: aucune décision n'a été prise. Mais pendant la semaine du 20 décembre, il y a eu des discussions constantes avec les représentants du contribuable. Comme le prouve en partie le document déposé aujourd'hui, différentes solutions ont été explorées et discutées. Il y a eu des échanges constants avec le ministère des Finances et le ministère de la Justice au sujet de la position qu'il convenait de prendre sur les plans juridique et fiscal.

Parallèlement, le contribuable souhaitait que nous rendions une décision pour ses propres raisons. A la fin de l'année, nous étions convaincus du bien-fondé de ces raisons. Les agents des décisions n'étaient pas certains qu'ils pourraient régler ces questions à temps ou suffisamment rapidement. Ils pensaient plutôt que la décision pourrait être défavorable. Par conséquent, ils ont commencé à rédiger des notes d'information à l'intention du sous-ministre ou du ministre pour répondre à d'éventuelles instances. En fait, ces notes de service n'ont jamais été signées ou envoyées.

Vous avez mentionné qu'une analyse accompagnée de documents pertinents faisait défaut, et plus particulièrement les documents de la réunion du 23 décembre. C'est exact. Il n'y a pas eu de prise de notes pour plusieurs réunions qui ont eu lieu ce jour-là. Manifestement, les documents pertinents avaient été versés au dossier et une analyse en profondeur du dossier des décisions avait été effectuée, dossier qui était certainement disponible pour les personnes ayant participé aux réunions le 23 décembre.

Vous avez aussi parlé d'ententes parallèles et en particulier de l'engagement qui avait été pris. Il est exact qu'il n'avait aucun caractère exécutoire. Nous le savions. Cet engagement a été offert en guise de signe de bonne foi dans la volonté des parties de ne pas exiger la protection des conventions fiscales au cours des dix prochaines années en cas d'aliénation des biens. Nous avons pris cette déclaration au pied de la lettre. C'était une décision de la condition. Toute violation de cette condition rendait la décision sans effet.

Quoi d'autre?

M. Silye: Pourquoi le ministère s'est-il mis en quatre?

Le président: Votre temps de parole est écoulé.

M. Silye: Vous allez me revenir, n'est-ce pas?

Le président: Oui.

.1755

[Français]

Monsieur Desautels, vous vouliez ajouter quelque chose?

M. Desautels: Si vous me le permettez, monsieur le président, j'aimerais que M. Minto nous explique un petit peu l'intention du ministère, à savoir s'il va donner une décision favorable ou non. On a l'impression que le ministère avait décidé de donner une décision favorable depuis un bon bout de temps, mais que la lettre du 23 décembre avait été préparée, si j'ai bien compris M. Gravelle, pour le cas où l'on refuserait cette décision favorable.

[Traduction]

M. Shahid Minto (vérificateur général adjoint, Bureau du vérificateur général du Canada): Merci, monsieur le président.

Je renvoie les députés à la pièce 1.4, page 1-18 de la version française de notre rapport. Vous constaterez qu'au 3 décembre, Revenu Canada a mentionné au ministère des Finances son intention de refuser la décision favorable demandée. À ce moment-là, les fonctionnaires avaient suffisamment réfléchi à la question pour affirmer que, s'il le fallait, ils attireraient l'attention du comité de la règle générale anti-évitement pour qu'il recommande certaines mesures.

Le 12 décembre, le comité d'examen des décisions de Revenu Canada - pas un particulier, l'ensemble du comité - décide qu'il ne faut pas rendre une décision favorable.

Encore le 12 décembre, Revenu Canada avertit le ministère des Finances qu'il ne rendra pas de décision favorable et lui demande de le laisser interpréter lui-même la loi.

Passons maintenant au 18 décembre: établissement d'une note de service dans laquelle le sous-ministre adjoint de Revenu Canada informe le sous-ministre que le ministère ne veut pas rendre une décision favorable dans ce dossier.

Le 20 décembre, des hauts fonctionnaires rédigent une note de service allant dans le même sens.

On arrive maintenant à la note de service du 23 décembre, qui a été déposée dans un autre contexte.

Par conséquent, je pense qu'il ne convient pas de dire que tout au long du processus nous penchions dans un sens et que cette note de service était une note imprévue... Je suis désolé, monsieur, les documents n'appuient pas cette interprétation, surtout si l'on prend connaissance des textes que renfermaient les dossiers.

Aux fins du compte rendu, monsieur, je tiens à dire que c'est la première fois aujourd'hui que j'entends l'explication selon laquelle il s'agissait là d'une note de service inattendue. Dans toutes nos discussions préalables, nous n'avons jamais été informés de cela.

Si l'on considère l'effet cumulatif de ces cinq occasions différentes et ensuite de la sixième, avec cette note de service, l'impression qui s'en dégage, c'est que la décision allait en sens contraire; que toutes les parties allaient dire non. À ce moment-là, il va de soi que nous devions trouver un moyen de concilier tout cela. Tous les documents et toute la preuve allaient dans le même sens. Quelque chose a changé. Il fallait que ce renversement soit étayé par une analyse et des documents. Voilà ce que nous n'avons pas pu trouver.

Au sujet de la deuxième question, monsieur, j'aimerais apporter une brève précision au sujet de la renonciation et de la façon dont elle aurait pu s'exercer. Au paragraphe 1.58, si je ne m'abuse, il est stipulé que seul Revenu Canada pouvait déclencher la renonciation en faisant valoir que ces éléments d'actif n'étaient pas des biens canadiens imposables; autrement dit que les actions de la société ouverte n'étaient pas des BCI. Mais en faisant valoir cet argument, les fonctionnaires contredisaient l'essence même de la décision déjà rendue. Il y a là, monsieur, une contradiction inhérente qui n'est expliquée nulle part.

Je tenais à le souligner parce qu'on nous a dit plus tôt que cette renonciation pourrait s'appliquer. Mais pour ce faire, il fallait aller à l'encontre de la décision déjà prise.

[Français]

Le président: Est-ce que vous confirmez, monsieur Gravelle, que ce mémo a été fait au cas où? Est-ce que vous le confirmez ou le démentez?

M. Gravelle: Ce que je veux dire, c'est que les discussions internes au sein de la Division des décisions anticipées avaient avancé jusqu'au point où nous avions obtenu une opinion juridique prépondérante qui appuyait la possibilité de donner une décision anticipée favorable. Mais les discussions interministérielles n'étaient pas terminées et c'est la raison pour laquelle il n'y avait pas eu de prise de décision.

Nous avions, au début décembre, demandé une opinion du ministère des Finances. Lorsque j'ai été saisi de cela le 20 décembre, nous n'avions toujours pas eu de réponse écrite du ministère des Finances. Il fallait simplement conclure que les discussions internes et interministérielles n'étaient pas complètes. Si ce mémo a été préparé le 22 et dactylographié le 23 au matin, c'était strictement dans l'éventualité où, une fois les discussions terminées avec le ministère des Finances, la décision aurait pu être négative.

.1800

Croyez-moi, je suis franc avec vous. Je vous dis la vérité.

Le président: Est-ce M. Lefebvre, le sous-ministre adjoint, qui a commandé cette note?

[Traduction]

M. Beith: Monsieur le président, je signale que dès le 19 novembre 1991, si je ne m'abuse, un avocat du ministère de la Justice avait exprimé l'avis que, selon la loi, ces actions constituaient des biens canadiens imposables pour le résident canadien. Les agents des décisions étaient au fait de cet avis le 19 novembre. Dans les discussions qui ont eu lieu à partir de ce moment-là jusqu'à la fin, il y a eu des échanges avec l'avocat au sujet de cette position, et l'avocat a constamment maintenu son opinion.

Cependant, je me dois d'ajouter qu'à juste titre les agents se sont préoccupés des retombées fiscales de la décision. Si dans ce cas particulier il s'agissait de biens canadiens imposables, il était possible que l'impôt ne soit pas versé au Canada une fois les actions sorties du pays, à cause de l'application des conventions fiscales. Un impôt serait versé, mais peut-être pas au Canada. Et cela n'était pas sans leur causer du souci.

Parallèlement, les discussions se sont poursuivies avec le ministère des Finances. Une lettre officielle a été envoyée au ministère des Finances le 3 décembre, lettre à laquelle on n'a pas répondu avant le 23 décembre. Au cours des trois ou quatre semaines en question il y a eu des rencontres informelles et des coups de téléphone avec les fonctionnaires des Finances, sans que le ministère énonce de position claire à ce moment-là. Et comme M. Gravelle l'a dit, comme le temps commençait à manquer et qu'aucune décision n'avait été prise, les fonctionnaires, qui s'attendaient à des instances, ont décidé de rédiger l'ébauche de note de service qui a été déposée aujourd'hui, de même que l'autre ébauche de note de service préparée à l'intention du sous-ministre.

[Français]

Le président: M. Beith n'a pas répondu à ma question. Je demandais si c'était M. Lefebvre qui avait commandé cette note. On pourrait le lui demander. M. Lefebvre est assermenté depuis le16 mai, lui aussi. Est-ce lui qui a demandé à ses agents de la Direction des décisions de rédiger cette note?

M. Denis Lefebvre (sous-ministre adjoint, Direction générale de la politique et de la législation, Revenu Canada): Monsieur le président, le vérificateur général a vu tous les documents au dossier. Je pense qu'il peut le corroborer. La note de service était semblable à une note de service antérieure préparée quelques jours auparavant.

Il y avait aussi des notes de service préparées à mon intention pour le sous-ministre, probablement aux environs du 18 ou 19 décembre.

Le contenu, en gros, était le même. C'était tout simplement une suite logique. M. Beith l'a mentionné. Nous avions un avis juridique - ce que le vérificateur général peut aussi confirmer - qui nous disait que la meilleure interprétation de la loi était de rendre une décision favorable. J'ai eu des discussions avec mes gens de la Direction des décisions anticipées, parce que, et c'est important de le dire, les résultats fiscaux démontraient bien que si ces actifs étaient considérés comme des biens canadiens imposables, l'impôt était alors différé et même, en raison du traité, ces biens pouvaient ne pas être imposables. Donc, non seulement l'impôt était différé, mais les biens n'étaient pas imposables.

Nous étions mal à l'aise vis-à-vis de cette opinion et nous avons alors étudié tous les arguments possibles. C'est d'ailleurs ce que vous pourrez voir à la lecture de ces documents. Les conclusions sont là et nous ne les nions pas. On a donc aligné tous les arguments qui nous semblaient justifiés pour dire non, même si nous pensions que le contribuable avait droit aux bénéfices de la loi, ce qui est dans notre charte du contribuable.

Nous avons documenté cette position. Nous avons eu également des discussions préliminaires avec le ministère des Finances. Mais nous n'arrivions pas à savoir si cette position pouvait permettre l'application des dispositions de la loi qui s'appliquent aux biens canadiens imposables, parce qu'il n'y a pas de montant, monsieur le président. Si quelque chose est considéré comme un bien canadien imposable, que le montant soit grand ou petit, ce bien peut quitter le pays et être imposable seulement plus tard, au moment où l'on dispose de ce bien.

.1805

Nous avons alors essayé de définir une catégorie de biens imposables. Il s'agit maintenant de savoir si ce bien particulier peut être mis dans cette catégorie.

Je dois dire que le 19, j'aurais envoyé le mémoire que j'avais préparé pour le sous-ministre avec tous ces arguments si les discussions avaient été terminées et la décision prise. Je ne l'ai pas envoyé parce que les discussions avec nos avocats et avec le contribuable se poursuivaient. Le vérificateur général a d'ailleurs noté qu'il y a eu plusieurs réunions et appels téléphoniques avec le contribuable. Il nous proposait quelque chose, et on lui répondait avec regret que l'on était mal à l'aise et qu'on ne pouvait prendre de décision.

La décision n'a donc pas été prise, car si elle l'avait été, ces notes de service auraient été envoyées.

Alors, je suis tout à fait solidaire de la relation des faits qui a été faite par le sous-ministre et par M. Beith.

[Traduction]

Le président: Monsieur St. Denis, vous avez cinq minutes.

M. St. Denis (Algoma): Merci, monsieur le président.

Il m'apparaît évident que nos amis d'en face vont à la pêche, ni plus ni moins. Or, leur pêche demeure infructueuse parce qu'en l'occurrence il n'y a eu aucune irrégularité.

Je connais M. Gravelle professionnellement depuis de nombreuses années. À mon avis, le principal message qui ressort de toute cette affaire, c'est que notre fonction publique est parmi les plus crédibles du monde. Voilà pourquoi le ton de certaines questions posées à ces personnes très honorables me déplaît.

L'annonce du ministre aujourd'hui est un exemple d'un bon gouvernement, d'un bon gouvernement qui oeuvre de concert avec une fonction publique de qualité pour offrir aux Canadiens les meilleures lois et règlements possible. Il me semble, monsieur le président, que s'il y avait matière à avoir des doutes, il n'y en avait pas à jeter le blâme.

Dans son allocution, le ministre a dit entre autres que cette initiative ne concernait pas essentiellement les fiducies familiales, mais la question de l'émigration du capital. Aux fins du compte rendu, je pense qu'il serait utile de préciser cela pour que la confusion puisse à tout le moins être minimisée à cet égard. En fait, la mesure ne vise pas uniquement les capitaux qui émigrent au sein des fiducies familiales, mais les capitaux qui émigrent dans tous les domaines dont il est question ici.

Monsieur Dodge, pourriez-vous nous en parler un peu plus longuement, je vous prie?

M. Dodge: Nous avons abordé le véritable enjeu devant votre comité et devant celui des finances. Le vérificateur général a signalé que la loi n'était peut-être pas aussi claire qu'elle pourrait l'être, et on y a apporté des précisions. La véritable question s'articulait autour des gains en capitaux réalisés sur ce type particulier de biens - essentiellement les actions de petites entreprises - gains accumulés pendant qu'un contribuable est résident canadien. Le gain en question devrait-il être imposé au profit du Canada au moment où le contribuable émigre, ou devrait-il être imposé, comme la loi le précisait auparavant, et à l'instar de tous les autres gains imposés lorsque les bénéficiaires restent au Canada, au moment de sa réalisation?

.1810

Depuis 1972, la loi stipulait qu'il ne convenait pas d'imposer ces gains au moment où ils étaient réalisés. Si l'on remonte à cette époque, on jugeait compliqué d'évaluer ce type d'actions qui normalement ne se transigent pas sur le marché, et, chose plus importante encore, on avait estimé qu'il serait difficile pour un grand nombre d'émigrants dans cette situation d'amasser l'argent nécessaire pour payer l'impôt accumulé sur ces actions. Autrement dit, étant donné que ces actions n'étaient pas négociables, les émigrants auraient été tenus d'emprunter l'argent pour payer l'impôt. Voilà pourquoi à l'époque la loi stipulait à l'égard de cette catégorie particulière de biens que l'impôt ne serait payable qu'au moment où les éléments d'actif seraient aliénés, sous réserve des conventions fiscales.

Le vérificateur général a soulevé une bonne question, une question très valable. Il a proposé de considérer ces actions comme des actions d'IBM ou de Moore Corporation ou de toute autre société. Autrement dit, nous devrions imposer les gains accumulés au moment de l'émigration et aviser le contribuable qu'il sera tenu de réunir les fonds nécessaires pour payer l'impôt.

En fait, le gouvernement a opté pour un moyen terme. En réponse au problème soulevé par le vérificateur général et par M. Loubier à maintes reprises, il a décidé que les rentrées fiscales reviendraient à un pays étranger si plus de 10 ans s'écoulaient avant l'aliénation des actifs et que l'impôt serait exigible au moment de la migration, mais qu'en fait le contribuable pourrait déposer une caution ou toute autre forme de sécurité acceptable aux yeux de Revenu Canada. Ainsi, il ne serait pas forcé de liquider une petite entreprise qui, autrement, ne devrait pas être liquidée.

Voilà l'idée maîtresse du changement que le ministre des Finances a proposé aujourd'hui à la Chambre. Ce changement modifie la structure de la loi qui nous régit depuis 1972, mais d'une façon qui, nous l'espérons, n'imposera pas un fardeau indu, ce qui serait le cas si des gens devaient liquider ce genre d'actifs pour payer leurs impôts. Cela dit, il va de soi que nous devrons tenir des consultations sur les questions de détail pour nous assurer que cette initiative n'a pas de retombées imprévues.

Le président: Une question rapide, monsieur St. Denis.

M. St. Denis: Elle est rapide, monsieur le président.

Je suppose qu'une fois qu'on aura précisé les derniers détails ces mesures seront conformes à celles qui sont en vigueur dans les pays de l'OCDE et qu'elles s'intégreront sans problème aux conventions fiscales canado-américaines.

M. Dodge: Monsieur le président, comme l'honorable député l'a dit, elles s'y intègrent, mais notre approche est très rigoureuse. Nous avons déjà l'un des codes les plus stricts en ce qui a trait à l'imposition des émigrants. Or, cette mesure le resserrera encore davantage pour en faire l'un des deux ou trois plus sévères du monde, beaucoup plus que ceux des États-Unis, de la plupart des pays d'Europe et du Japon. Il s'agit donc d'un code très strict, mais il s'inscrit dans les normes internationales.

M. St. Denis: Merci, monsieur Dodge.

Le président: Monsieur Williams.

M. Williams: J'avoue ressentir une certaine frustration, monsieur le président. Je pense queM. Gravelle dirige son ministère de façon assez cavalière. Je crois qu'on nous a donné cet après-midi des réponses évasives, et nous n'avons pas réussi à aller au fond des choses.

Je m'inquiète, monsieur le président, lorsque je lis ce qui suit à la page 1-25 du rapport du vérificateur général, sous la rubrique Commentaires de Revenu Canada:

.1815

Les fonctionnaires ont écrit cela après avoir pris connaissance du rapport, mais avant qu'il soit rendu public. Le ministère est resté les bras croisés sans rien faire. On a laissé l'échappatoire grande ouverte, mais M. Dodge et son ministère ont dit à M. Gravelle lors d'une rencontre informelle tenue le 23 décembre qu'il s'agissait de biens canadiens imposables et qu'il fallait par conséquent accepter cette transaction.

Lorsque M. Dodge a présenté son premier exposé devant notre comité, il nous a montré un tableau illustrant l'analyse du processus décisionnel. On a pu voir le traitement accordé aux biens de non-résidents, biens qui ne constituent pas des biens canadiens imposables. À une date ultérieure, devant le Comité des finances, il a affirmé que tous les Canadiens avaient des biens canadiens imposables, et que cela ne présentait pour ainsi dire pas de problème. Cependant, si nous nous reportons au rapport, on peut lire que, de l'avis des fonctionnaires, il s'agit d'une «question complexe qui repose sur des dispositions de la loi qui sont ambiguës». Nous sommes victimes de toutes sortes de tactiques dilatoires. À un moment donné, on nous parle d'une note de service imprévue, alors que le vérificateur général prétend qu'il ne s'agit pas d'une note de service imprévue, mais que c'était bel et bien une note de service authentique qui devait être envoyée et qui reflétait la décision prise jusqu'à ce qu'elle soit renversée. Je pense que c'est ce genre de choses qui font que les Canadiens perdent confiance dans le régime fiscal.

Je me reporte à votre témoignage du 16 mai dernier, monsieur Gravelle. Vous avez dit être au fait que tout au long du mois de décembre, un débat avait cours au sein de la direction des décisions anticipées en matière d'impôt pour savoir quelle était la meilleure façon d'interpréter et de mettre en oeuvre la loi. Aujourd'hui, vous nous dites que ce n'est que le 20 décembre que vous avez été mis au courant de cela. Nous apprenons l'existence d'engagements qui n'ont aucune valeur exécutoire, mais qui sont considérés comme des signes de bonne foi à l'égard d'une somme de l'ordre de500 millions de dollars appartenant aux contribuables. La pagaille règne au ministère, et cela ne saurait continuer. Les Canadiens, à juste titre, s'attendent à beaucoup mieux, surtout lorsque des sommes de cette envergure sont en jeu.

Je pense qu'on est en train de nous mener en bateau. Cette affaire du 23 décembre est beaucoup plus compliquée qu'on ne le pense. On nous cache des choses. Il faut bien le dire, monsieur le président.

Permettez-moi de vous poser une question, monsieur Gravelle. Le 16 mai, vous avez déclaré que vous étiez au courant de ce débat pendant tout le mois de décembre - et je vais vous citer:

M. Gravelle: Monsieur le président, j'ai pris connaissance de ce dossier le 20 décembre. Ma réponse le 16 mai n'était probablement pas assez précise, mais j'avais appris le 20 décembre que des discussions avaient eu lieu pendant tout le mois de décembre, et même dès le début du mois de novembre. Je tenais à le préciser, monsieur le président.

M. Williams: Votre travail consiste à appliquer la loi; pourtant, vous prenez une décision de bonne foi en sachant qu'elle n'est pas applicable. Est-ce ainsi que vous gérez votre ministère et la Loi de l'impôt sur le revenu? En tant que contribuable, puis-je bénéficier d'une telle décision?

M. Gravelle: L'intégrité du régime fiscal est en jeu. Nous ne prenons aucune mesure tant que la loi n'est pas claire d'après les avis juridiques et politiques, surtout en ce qui concerne les décisions.

Je voudrais assurer aux membres du comité que, le 20 décembre, lorsqu'on m'a informé de l'état du dossier, j'ai insisté pour que, avant de le fermer, nous demandions d'autres avis écrits de la part du ministère des Finances, car il fallait tenir compte de l'intégrité du régime fiscal et des droits du contribuable. Je crois que c'était la meilleure façon de procéder. À mon avis, monsieur le président, tous les agents des décisions et les cadres supérieurs de la Direction des décisions et du bureau de M. Lefebvre ont fait exactement ce qu'ils devaient faire dans les circonstances.

M. Williams: Monsieur le président, au paragraphe 1.38 du rapport du vérificateur général, nous apprenons que la règle du report de 10 ans ne s'applique que si une fiducie a été établie au Canada 10 ans avant son transfert à l'étranger. Pourtant, bon nombre de témoins nous disent tout le temps que la règle de 10 ans existe et que nous pouvons percevoir les impôts pour une période atteignant 10 ans si le propriétaire cède ses biens. Mais ils disent plus précisément qu'à moins que la fiducie n'ait été basée au Canada pendant 10 ans avant son transfert cette règle ne s'applique pas.

.1820

Dans la lettre du 23 décembre, d'après ce que nous pouvons lire, on ne fait pas mention du fait que le ministère en a discuté. Pourtant, il me semble que l'on n'a pas abordé cette interprétation technique. Par conséquent, l'argument selon lequel on peut réclamer cet argent jusqu'à 10 ans ou plus après le transfert à l'étranger est absolument et complètement faux si cette déclaration est exacte.

Est-il vrai, comme on le dit au paragraphe 1.38, qu'une fiducie doit être basée au Canada depuis 10 ans pour que la règle du report soit valable?

M. Beith: Je puis confirmer que, en vertu de la convention, pour que le Canada ait le droit d'imposer un bien canadien imposable, il faudrait que ce bien appartienne à un ancien résident canadien qui a vécu au Canada pendant 10 années sur 20.

M. Williams: Eh bien, cette fiducie est-elle restée 10 ans au Canada?

M. Beith: Non, monsieur le député. Cependant, un engagement...

M. Williams: J'en ai terminé.

M. Beith: ... a été offert par les contribuables, car, comme je l'ai dit auparavant, les répercussions fiscales des décisions ont suscité quelques inquiétudes.

Le président: Avez-vous fini?

M. Beith: Non, monsieur le président. Je voudrais avoir la possibilité de m'expliquer.

Le fait de prendre un engagement n'était pas illégal. L'engagement même n'était pas applicable; nous le savions. Le contribuable peut choisir d'établir sa cotisation lui-même en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu; cette loi prévoit qu'il peut demander une protection en vertu de la convention fiscale. S'il choisit de ne pas demander cette protection et de faire une auto-cotisation, c'est tout à fait acceptable et légal. Telle est la position que l'on nous a présentée. Nous savions qu'elle n'était pas applicable. Cependant, c'est une condition de la décision, et, à ce titre, la décision serait compromise si cette condition n'était pas remplie.

M. Williams: Nous avons dérogé à la loi.

M. Beith: Non, monsieur le député. Nous avons appliqué la loi au fait qu'il s'agissait d'un bien canadien imposable dans les circonstances.

J'ai dit à un autre comité et dans une autre situation que je pourrais ne pas croire personnellement qu'un engagement soit nécessaire, mais un contribuable a le droit de bénéficier des dispositions de la loi. S'il n'est pas imposable en vertu de la convention, il devrait peut-être en profiter. Néanmoins, l'engagement a été offert et accepté, et nous nous attendons à ce qu'il soit respecté.

[Français]

Le président: Monsieur Rocheleau, vous avez cinq minutes.

M. Rocheleau: Il faut se rappeler que nous sommes ici pour essayer de mieux comprendre ce qui s'est passé dans les jours et les semaines qui ont précédé la décision de Revenu Canada. Je me reporte au point 1.54 du Rapport du vérificateur général, où on précise qu'il s'agit ici d'une opération déjà effectuée et que l'échange des actions a déjà été fait.

Je vais lire le point 1.55 où il est dit que:

Les fonctionnaires chargés des vérifications n'ont pas examiné l'échange d'actions pour déterminer si les actions de la société publique étaient des biens canadiens imposables, mais les fonctionnaires chargés des décisions ont conclu qu'elles l'étaient.

Ce sont donc des fonctionnaires chargés des décisions qui ont, comme vous l'avez écrit, monsieur Gravelle, rédigé la note de service du dimanche 22 décembre 1991. Monsieur le sous-ministre, vu que l'échange d'actions avait été déjà réalisé, pourquoi ne pas avoir confié le dossier aux gens de la vérification plutôt qu'aux gens de la décision?

[Traduction]

M. Beith: Je peux simplement répéter que le contribuable nous a présenté les transactions proposées. Il était question de transférer une fiducie à un bénéficiaire à l'extérieur du pays. Il devait y avoir des transferts d'actions à l'étranger. Il était important de savoir si ces actions étaient des biens canadiens imposables au moment de leur transfert. Afin de prendre une décision, nous nous sommes informés sur les antécédents de ces actions et sur la façon dont la fiducie canadienne les a acquises.

.1825

[Français]

M. Rocheleau: Monsieur le président, il faudrait s'entendre. Le vérificateur dit que l'opération avait déjà été effectuée, et vous, vous dites qu'il faudrait déterminer si cela allait se faire. Il faudrait donc s'entendre sur les prémisses. Personnellement, je prends la prémisse du vérificateur, à moins que le vérificateur n'ait changé d'idée à la lumière des informations subséquentes. Peut-être faudrait-il demander au vérificateur s'il maintient sa position.

[Traduction]

M. Minto: Au paragraphe 1.54, nous avons essayé d'expliquer qu'en examinant les procès-verbaux des réunions et des discussions, ainsi que la note de service préparée à l'intention du sous-ministre et du ministre, nous voyons bien que l'objet principal de la transaction et de la décision est de déterminer si les actions sont des biens canadiens imposables.

J'attire de nouveau votre attention sur le paragraphe 1.4, où nous disons que le 12 décembre, le comité d'examen des décisions a estimé qu'il ne faudrait pas rendre une décision favorable. En effet, d'après le comité, la transaction avait déjà été conclue. Quand nous avons examiné toutes les pièces, monsieur le député, nous en sommes arrivés à la conclusion que la transaction était terminée et que l'on n'aurait peut-être pas dû prendre une décision.

Soit dit en passant, nous n'avons pas encore changé de position.

M. Beith: Monsieur le président, les transactions étaient censées avoir lieu en décembre 1991. Telle était la date proposée. À l'époque où l'on discutait de la décision avec les services compétents, en décembre, ces transactions n'avaient pas eu lieu. On avait prévu qu'elles auraient lieu avant la fin de 1991. Il est clair, et je ne pense pas que le vérificateur général en disconviendra, que les transactions proposées faisaient l'objet de la demande de décision. Cependant, afin de déterminer les répercussions fiscales de ces transactions, nous devions examiner la nature des actions, le type d'actions détenues par la fiducie au début, ce qui signifie que nous devions nous renseigner pour obtenir des conseils sur la manière dont la fiducie avait acquis ces actions. Voilà pour les transactions dont on dit qu'elles ont été conclues. Cependant, la décision portait sur les transactions qui ont eu lieu à la fin de décembre 1991, c'est-à-dire les transactions proposées.

[Français]

M. Rocheleau: Merci. Je ne sais pas si cette réponse me satisfait, parce que cela contrevient...

[Traduction]

M. Minto: Monsieur le président, il a parfaitement raison: certains éléments de la transaction devaient avoir lieu. Mais la question est de savoir si l'on s'en tient à la forme ou à la substance de l'affaire. Ce n'était pas seulement le vérificateur qui a décidé ou qui a estimé que les transactions étaient conclues; c'était le comité du ministère même qui en est arrivé à cette conclusion. Dans la réponse que le ministère nous a donnée, à la page 14, il dit que les décisions portaient essentiellement sur la nature des actions de la société ouverte appartenant à la fiducie, et sur la question de savoir si ces actions sont des biens canadiens imposables... et ainsi de suite.

Ainsi donc, cette question était au coeur même de la transaction. Le ministère a parfaitement raison de dire qu'il y avait d'autres questions devant être réglées. Mais la principale transaction avait déjà eu lieu. Par conséquent, nous avons simplement examiné les documents et nous avons consenti à la décision.

Monsieur le président, le ministère n'a pas partagé notre avis tout au long de la démarche. Nous prenons note de sa position.

Le président: Monsieur Silye.

M. Silye: Je voudrais revenir sur l'utilisation de l'accord parallèle, car, comme l'a souligné le vérificateur général, c'est une question très importante. Elle est importante parce que, d'après le vérificateur général - et je parle de...

Le président: Je veux être sûr qu'ils comprennent bien vos bonnes questions. Allez-y.

M. Silye: Évidemment.

Nonobstant les compliments chaleureux de M. St. Denis, le problème est grave. Il peut être aussi partial qu'il le veut...

M. St. Denis: Je suis juste.

.1830

M. Silye: Moi aussi. J'essaie de savoir ce qui s'est passé. Le vérificateur général a soulevé une question. Il souligne que la renonciation et l'engagement ont été utilisés pour justifier la transaction. Autrement dit, Revenu Canada aurait pris une décision défavorable si cet accord parallèle n'avait pas été signé. Je veux savoir qui a proposé cet accord parallèle.

Deuxièmement, Revenu Canada a pris la décision à condition que le contribuable présente une renonciation et un engagement. Même si l'engagement et la renonciation ont été utilisés pour traiter la transaction comme si elle était conforme à la loi, ils n'ont pas changé la nature de la transaction. D'après le Bureau du vérificateur général, la renonciation, l'engagement et la déclaration de Revenu Canada montrent clairement que ce ministère a jugé la transaction choquante et, à tout le moins et fort probablement, contraire à l'intention de la loi.

L'intégrité du régime fiscal est en jeu ici, car les transactions ne sont pas conformes à l'esprit de la loi; de plus, le vérificateur général continue et signale que les transactions en question n'étaient pas celles d'un contribuable qui avait quitté le Canada avec des biens canadiens imposables. Elles étaient celles d'une fiducie basée au Canada qui attribuait des actions d'une société ouverte à une fiducie basée aux États-Unis. Pour cette raison, le Bureau du vérificateur général s'est demandé si cette comparaison offre un cadre de référence approprié.

C'est dans cet esprit que je demande au ministère des Finances et au ministère du Revenu de nous dire qui était à l'origine de cet accord parallèle.

Enfin, qui est ultimement responsable de la décision favorable quand on sait que, pendant deux ou trois mois, tout indiquait que la décision serait défavorable jusqu'à ce que cet accord parallèle soit conclu? De l'avis du Bureau du vérificateur général, le recours aux renonciations et aux engagements pourrait être contraire au principe fondamental selon lequel le droit d'imposer incombe au Parlement.

La décision était contraire à la politique du ministère relative aux décisions anticipées en matière d'impôt sur le revenu, et cela me préoccupe. Qu'est-ce qui s'est passé? Qui a proposé l'accord parallèle? S'il est si facile de définir un bien canadien imposable, pourquoi a-t-il fallu attendre si longtemps pour que le ministère des Finances donne une définition à Revenu Canada? Voilà ce que j'essaie de comprendre. Qu'est-ce qui s'est passé auparavant? Qu'est-ce qui s'est passé dans ce cas-ci?

Qui est à l'origine de l'accord parallèle? Qui en a eu l'idée? Il me semble que quelqu'un s'est plié en quatre dans les ministères pour offrir un très beau cadeau de Noël à quelqu'un.

M. Beith: Monsieur le président, tout d'abord, il n'y avait aucune intention... et en fait, le ministère du Revenu n'essayait pas de conclure des accords parallèles afin de contourner la loi, si c'est effectivement ce que le vérificateur général disait.

M. Silye: Si la renonciation et l'engagement n'avaient pas été donnés ou reçus, Revenu Canada aurait-il pris une décision favorable ou défavorable?

M. Beith: Nous aurions pu.

M. Silye: Vous auriez pu prendre une décision favorable?

M. Beith: Oui. Le contribuable a offert une renonciation parce qu'il ne savait pas s'il s'agissait ou non d'un bien canadien imposable au moment critique.

M. Williams: Il dit que ce n'est pas un problème. Tout bien est un bien canadien imposable.

M. Beith: Je ne peux exprimer que la position du ministère du Revenu. Nous avions un avis juridique qui présentait «la meilleure perspective». Nous avons aussi reçu un avis selon lequel il y avait des arguments contraires. Nous l'avons admis, et c'est clair. La position de la politique fiscale n'était pas connue jusqu'au 23 décembre, du moins pas clairement, mais des discussions étaient en cours au ministère des Finances, où cette position était toujours inconnue.

M. Silye: La critique de la transaction en question par le vérificateur général - qui se demande s'il s'agit d'un bien canadien imposable ou non - est-elle valable? Voici la description du vérificateur général:

M. Beith: La position du vérificateur général est la suivante: même si ces biens étaient des biens canadiens imposables lorsqu'ils étaient détenus par une fiducie canadienne, une fois transférés à une fiducie non résidente, ils perdent sans doute ce caractère.

M. Silye: Qu'en pensez-vous?

M. Beith: À notre avis, ils ne perdaient pas ce caractère. Ils étaient jugés comme étant des biens canadiens imposables en vertu - je serai un peu technique - de l'alinéa 85 (1)i) et du sous-alinéa 115 (1)b)ix), et le paragraphe 107 (5) n'aurait aucun sens si l'on ne pouvait pas transférer ces biens au bénéficiaire à titre de biens canadiens imposables. S'il y avait un doute à ce sujet, je crois que l'on s'y est penché.

.1835

Néanmoins, à l'époque, Revenu Canada estimait que ces biens pouvaient être transférés comme biens canadiens imposables à la fiducie non résidente.

[Français]

Le président: Dans un souci de clarification, je voudrais rappeler que, conformément aux règles que nous nous sommes données au mois de mars, il y a d'abord un premier tour de dix minutes, puis un deuxième tour de cinq minutes et dans le troisième tour de cinq minutes, je donne la parole aux collègues qui vous posent les questions dans l'ordre dans laquelle ils la demandent. Le greffier note l'ordre.

M. Paradis: J'ai l'impression que c'est nouveau.

Le président: Pas du tout. Le greffier m'a fait remarquer que l'on fait cela depuis le mois de mars. Vous avez manqué les bonnes séances du comité, monsieur Paradis.

[Traduction]

M. Hopkins: Un rappel au Règlement. Je dirais que c'est une raison de plus pour que le comité consacre une réunion à l'élaboration de nos règles. D'autres comités de la Chambre des communes ont des règles de fonctionnement, et nous devrons suivre leur exemple. Nous pouvons donc en discuter lors de notre réunion du comité directeur.

Le président: Nous pouvons peut-être en discuter demain matin à la réunion du comité directeur. Mais j'ai suivi l'exemple de Stan Keyes, qui était président du Comité des transports lorsque j'ai été élu en 1993. J'ai lancé cette procédure, et quand je suis arrivé en mars, j'ai continué. Les députés n'ont qu'à inscrire leur nom sur la liste.

[Français]

Monsieur de Savoye.

M. de Savoye: Monsieur Gravelle, je ne suis pas un fiscaliste, mais je remarque que le vérificateur général s'inquiète des conséquences de cette décision. J'essaie de traduire ça dans un langage qui m'est familier, c'est-à-dire en termes d'impôt payable. Je comprends que votre décision permet à un contribuable de faire reporter dans le temps son impôt autrement payable. Je comprends aussi qu'après une période de 10 ans, la situation va changer et qu'il va y avoir des conséquences. À quel moment l'impôt de ce contribuable-là va-t-il devenir payable ici, au Canada? Est-ce qu'il y a des circonstances qui feront en sorte que cet impôt ne sera pas payable au Canada?

[Traduction]

M. Beith: J'ai peut-être manqué la dernière partie de la question, mais pour répondre à la première partie, je dirais que les impôts ne seraient payables que si l'on cédait les actions pendant cette période de dix ans.

M. de Savoye: Après quoi?

M. Beith: Après dix ans, il n'y aurait plus d'impôts à payer au Canada. Je présume qu'il en irait autrement dans l'autre pays.

[Français]

M. de Savoye: Alors, si je comprends bien, les conséquences de votre décision, qui, selon ce que vous prétendez, répondent parfaitement aux exigences de la loi, feront que, si le contribuable attend 10 ans avant de disposer de ses actifs, il n'aura aucun impôt à payer ici, au Canada. Ça me semble une décision importante. Je suis certain que moi, dans toute ma vie, je ne paierai jamais autant d'impôt - et je paie mon impôt - que ce que ce contribuable évitera de payer. C'est une décision qui a des conséquences!

Est-ce que la loi est faite correctement? Est-ce que la loi devrait être révisée? Pourquoi n'avez-vous pas cru bon d'informer le ministre des conséquences extrêmement importantes de cette décision? Je vous écoute.

[Traduction]

M. Dodge: L'impôt sur les gains en capital n'est payable qu'à la cession du bien. Il n'est pas payé sur le revenu accumulé.

Le contribuable pourrait ne pas céder le bien pendant vingt ans. Aucun impôt n'est payable sur cette période, qu'il réside au Canada ou à l'étranger.

.1840

Ainsi donc, il n'y a absolument aucun fondement aux déclarations selon lesquelles nous avons perdu subitement d'importantes recettes fiscales.

M. de Savoye: Un instant. Je n'ai peut-être pas bien compris, mais vous semblez dire que si ces biens sont cédés avant la limite de dix ans, alors l'impôt est payable au Canada. S'ils sont cédés après la limite de dix ans, alors aucun impôt ne sera jamais payé au Canada - au moment de la cession, peu importe le moment où elle a lieu. Est-ce exact?

M. Dodge: C'est exact.

M. de Savoye: En fait, le Canada perdra probablement des recettes fiscales dans combien d'années?

M. Dodge: Il est très important de reconnaître ce qui se passe en matière de migration. Tout est parti d'une question de migration. Sauf le respect que je dois au vérificateur général, c'était une transaction de transfert, et c'était la migration de la fiducie.

[Français]

M. de Savoye: Monsieur le président,

[Traduction]

tel n'est pas l'objet de ma question. Pourquoi n'avez-vous pas informé le ministre des conséquences énormes de l'application de la loi, si telle était l'application de la loi?

Soit dit en passant, quel est le lieu de résidence du fiduciaire? Réside-t-il aux États-Unis? Les biens sont aux États-Unis. Où réside le fiduciaire?

M. Beith: Je crois que la fiducie américaine a des fiduciaires aux États-Unis.

M. de Savoye: Je voulais simplement savoir qui obtiendra les revenus fiscaux.

Le président: Voulez-vous terminer, monsieur Dodge?

M. Dodge: S'il vous plaît, car c'est le coeur du sujet et la raison pour laquelle je crois que le vérificateur général a soulevé une bonne question de politique.

La question est de savoir si, lorsqu'un contribuable quitte le Canada, les autorités canadiennes peuvent réclamer le droit, à une date ultérieure lors de la cession, ou au moment de la migration, d'imposer les bénéfices accumulés à la date de départ du contribuable. Comme je l'ai dit, si vous immigrez avec des actions d'IBM ou d'une autre société, c'est exactement ce que nous faisons.

Par contre, devrions-nous continuer, comme par le passé, pour les bonnes raisons dont j'ai parlé tout à l'heure, d'imposer ce genre de bien uniquement au moment de la cession, et même plus, parce que nous pourrions aussi imposer les bénéfices accumulés à l'étranger? Ou alors, devrions-nous réclamer notre impôt uniquement lorsqu'il quitte le pays, et ensuite, comme nous l'avons dit, l'exiger au moment de la cession des biens?

Telle est la question de politique qui a été soulevée par le vérificateur général. Il incombe au Parlement d'en décider.

M. de Savoye: Pourquoi n'en avez-vous pas informé le Parlement?

M. Dodge: Il incombait au Parlement de répondre à cette question. En fait, quand le vérificateur général a soulevé cette question dans son rapport et quand on en a discuté, M. Martin l'a posée directement au Comité des finances en demandant si cela devrait se faire. Le Comité des finances a répondu par l'affirmative et recommandé une modification de la loi et de la politique. Aujourd'hui, M. Martin a effectivement modifié la politique. Tel était l'objet de la mesure.

Le président: Merci, monsieur Dodge.

Monsieur Hubbard.

M. Hubbard (Miramichi): Merci, monsieur le président. J'ai quelques questions brèves.

Je ne comprends pas très bien si c'est la fiducie ou le fiduciaire qui a quitté le pays. Vous parlez des fiduciaires. Qui était le contribuable dans ce cas-ci?

.1845

M. Beith: Il y en avait plus d'un, je crois. La fiducie qui est partie - et j'utilise les termes du vérificateur général ici - la fiducie protectrice, est allée aux États-Unis et a changé de fiduciaires; elle est donc devenue...

M. Hubbard: Le bénéficiaire de la fiducie a-t-il quitté le pays?

M. Beith: C'est ce que j'ai appris.

M. Hubbard: C'est ce que nous supposons ici. Je ne comprenais pas très bien.

Nous avions ici une fiducie à court terme. Quand vous investissez dans une fiducie, si nous parlons d'actions d'une société publique ou non publique, qui s'élèvent à près de 2 milliards de dollars, je ne sais pas très bien si ce montant correspond à des gains en capital, ce que semblent dire certaines personnes dans la salle - les 2 milliards de dollars n'ont pas été imposés - on aurait pu l'imposer ou non, car les gains en capital sur le bénéfice accumulé à partir de l'estimation jusqu'à la réalisation en 1991 auraient été nuls. Vous pourriez donc informer notre comité s'il y a effectivement eu d'importants gains en capital qui ont été perdus, ou s'il s'agit simplement d'une somme d'argent qui a été transférée, ou d'un certain nombre d'actions qui, de toute façon, n'auraient probablement pas pu être imposées?

M. Beith: Une fois de plus, je me réfère au rapport du vérificateur général. Dans la fiducie, il y avait des actions d'une société publique, dont la valeur était estimée à 1 milliard de dollars.

M. Hubbard: Je voudrais savoir si elles avaient été réalisées...

M. Beith: S'il y avait eu un gain en capital, le montant aurait été un peu moindre.

M. Hubbard: Pouvez-vous nous donner...? Nos amis ici disent que nous avons probablement perdu 1 milliard de dollars d'impôt. En fait, en étudiant ce dossier, vous avez peut-être constaté que la perte réelle de revenus fiscaux était de loin inférieure, s'il y a eu perte.

M. Beith: Le montant est considérablement moins élevé. Franchement, en vertu de l'article 241, je ne peux pas divulguer des informations qui ne sont pas encore publiques.

M. Hubbard: Je crois toutefois qu'en tant que fonctionnaire de ce ministère, vous pourriez dire au comité s'il y a eu un gain en capital de 10 p. 100 ou... Le montant est connu: 2 milliards de dollars; mais en réalité, nous parlons beaucoup pour ne rien dire. Le transfert a sans doute été une perte pour le contribuable.

M. Beith: Vous présumez que si l'on avait imposé ce montant comme gain en capital au moment du transfert, le revenu fiscal aurait été important.

M. Hubbard: À votre avis, un gain de 500 millions de dollars est-il important?

M. Beith: Le montant serait inférieur à cela.

M. Hubbard: Ce serait moins de 500 millions de dollars. Un gain de 200 millions de dollars serait-il important?

M. Beith: Je devrais peut-être m'abstenir de deviner cet avantage, car, franchement, je ne connais pas le chiffre exact. Je dirais cependant que le montant est inférieur à 500 millions de dollars.

M. Dodge: Mais ce qui est clair, monsieur Hubbard, c'est le fait que si la transaction n'avait pas eu lieu, aucun impôt n'aurait été payable.

M. Hubbard: Je voudrais aussi savoir pourquoi il y a eu un tel empressement à effectuer cette transaction en 1991. En général, les fiducies comportent des fonds, des actions ou des biens accumulés pendant un certain temps. Pourquoi attendre la dernière semaine de 1991...? Apparemment, cette transaction a eu lieu après Noël en 1991. Elle ne pouvait pas se produire le26 décembre parce que c'était une journée fériée. Elle a eu lieu pendant les cinq derniers jours de 1991. Pourquoi le contribuable a-t-il ressenti l'urgence d'obtenir cette décision en 1991?

M. Beith: Le 31 décembre, en 1991 ou en n'importe quelle année, est une date importante pour des raisons relatives à l'impôt commercial et personnel. Ce n'est pas inhabituel, et je pense queM. Gravelle l'a dit dans sa déclaration liminaire; en effet, vers la fin de l'année, nous recevons beaucoup de décisions de la part de personnes qui veulent conclure leurs transactions avant la fin de l'année pour des raisons valables de planification fiscale. Je crois que tel était le cas dans ce dossier.

[Français]

Le président: Je donne maintenant la parole à un autre député libéral, un deuxième de suite,M. Paradis.

M. Paradis: Je vais d'abord réitérer les félicitations que j'adressais l'autre jour au vérificateur général. Je vais aussi mentionner que, lors de la première journée d'audiences, nous avons parlé - et j'en ai parlé à l'audience du 16 mai - du fait que Revenu Canada publie un court volume qui s'adresse aux contribuables et qui s'appelle Direction des décisions - services offerts. C'est le titre du petit volume.

.1850

On y parle des services offerts à la population en général et on dit, à la page 15 de ce petit volume de Revenu Canada, que le Bureau du vérificateur général du Canada examine régulièrement le travail de la Direction, y compris les décisions anticipées et les interprétations techniques qu'elle publie.

Je vous ferai remarquer que c'est Revenu Canada qui publie ce petit volume à l'intention de l'ensemble des contribuables au Canada. Donc, si on met le travail du vérificateur général dans le cadre même de ce que Revenu Canada annonce aux contribuables de ce pays, je pense que ça va bien.

Mais je pense qu'avec l'annonce qui a été faite aujourd'hui, le ministre des Finances a donné suite aux recommandations du Comité des finances et a fait en sorte que les trous appréhendés, si trous il y avait, ont été bouchés. Je pense que chacun va prendre connaissance des détails technique de cette décision, de cette annonce de voies et moyens qui a été rendue par le ministre des Finances.

De ce côté-là, il est rassurant de voir qu'après les remarques du vérificateur général, le gouvernement a agi rapidement en donnant mandat au Comité des finances d'examiner cela et en rendant cette décision aujourd'hui. Bien sûr, le problème de décembre 1991 - et je l'ai dit à plusieurs reprises - s'est passé sous le précédent gouvernement, un gouvernement conservateur. D'ailleurs, c'est le rôle même du Comité des comptes publics que de regarder les faits après qu'ils ont eu lieu.

Je n'entrerai pas dans les détails techniques. Certains de mes collègues ont beaucoup parlé de détails techniques, mais ce n'est pas mon intention. Mon intention est plutôt d'essayer de me mettre à la place du contribuable moyen et de dire que ce dossier me semble préoccupant. Les apparences me semblent préoccupantes par rapport au manque de documentation - le peu de documentation dont on dispose n'allant pas nécessairement dans la direction de la décision finale - concernant les montants d'argent en jeu qui sont importants, la fiducie elle-même qui n'est pas un instrument que n'importe qui utilise tous les jours, les dates, la proximité des Fêtes, la rapidité avec laquelle la décision a été rendue, etc. Tout cela fait en sorte que ces apparences sont préoccupantes pour certaines personnes.

Je pense qu'il y a un problème de transparence à l'intérieur même du ministère, et M. Gravelle nous a affirmé que cela allait être corrigé. Peut-être est-ce déjà fait, puisqu'on parle de mettre plus de documentation dans les dossiers à l'avenir, de publier les décisions anticipées, etc., bref, de prendre toutes une série de mesures qui feront en sorte que le problème de transparence que l'on vit dans ce dossier qui date de 1991 et d'un gouvernement conservateur puisse être corrigé. Je constate donc que le gouvernement prend des dispositions pour assurer une meilleure transparence dans l'avenir.

Ma question s'adresse plus particulièrement au vérificateur général. Le vérificateur général nous disait, le 16 mai dernier, qu'il n'y avait pas de raison de remettre en question l'intégrité des cadres supérieurs du ministère. Mais le vérificateur peut-il nous citer des faits, nous dire ce qu'il a entendu pendant nos journées d'audience et nous apporter des nouvelles qui pourraient ajouter quelque chose à ce qu'il nous a déjà dit?

Finalement, notre prochaine étape, après la réunion de ce soir, sera de nous asseoir ensemble en tant que comité et de rédiger un rapport. Pour cette prochaine étape, monsieur Desautels, avez-vous appris des choses qui vous ont apporté plus de lumière et que vous voudriez nous communiquer afin de nous permettre de rédiger un rapport plus complet que celui que vous avez déjà soumis?

M. Desautels: Monsieur le président, pour répondre à la première question, je continue à dire exactement la chose que je vous ai dite au mois de mai dernier quant à l'intégrité des représentants du ministère.

.1855

Je vous avais dit à ce moment-là que nous ne comprenions pas la décision sur le plan technique et que nous avions jugé la documentation inadéquate.

Nous n'avons pas eu d'indication qu'il y ait eu ingérence ou manque d'intégrité de la part de qui que ce soit, mais nous n'avons pas fait d'enquête précise à ce sujet. Notre enquête était axée sur l'interprétation technique qui avait été donnée. C'est ce que nous vous avons dit au mois de mai, et c'est ce que je répète aujourd'hui.

Quant à des leçons pour l'avenir, je ne veux pas me prononcer à l'heure actuelle sur les changements qui ont été proposés à la loi. Je pense que la décision du ministère de publier les décisions anticipées dans un délai plus court à l'avenir est un pas dans la bonne direction. Cela fait d'ailleurs plusieurs années que nous recommandons cela.

De la même façon, en ce qui concerne la documentation, nous avons surtout été frustrés par le manque de documentation dans tout ce dossier, où l'on percevait des changements dans la position du ministère. On m'assure qu'à l'avenir, ce genre de situation ne devrait pas se reproduire et nous allons continuer à vérifier périodiquement les activités de décisions anticipées du ministère. Nous allons aussi pouvoir vous assurer de la qualité de la documentation pour les décisions futures.

M. Paradis: Une question supplémentaire, si vous le permettez, monsieur le président.

Je voudrais juste mentionner, monsieur le vérificateur général, que nous allons être appelés rapidement à rédiger un rapport là-dessus. Si vous aviez des observations ou des commentaires à ajouter à ceux que vous avez déjà soumis, autant dans votre rapport que verbalement, ici, nous apprécierions de les avoir le plus tôt possible.

M. Desautels: Si j'ai autre chose à ajouter, je le ferai, monsieur le président. Mais au point où nous en sommes, je peux vous assurer que nous avons dit tout ce que nous savions et que nous avons répondu à vos questions en toute franchise.

M. Paradis: Merci.

[Traduction]

Le président: Monsieur Williams, vous avez cinq minutes.

M. Williams: Merci, monsieur le président.

Monsieur Gravelle, j'ai fait des observations tout à l'heure sur votre ministère et la façon dont il est géré. J'ai entendu M. Beith dire que le ministère a pris cette renonciation, dont il savait qu'elle n'était pas applicable, comme un acte de bonne foi, car, si je comprends bien la convention, la fiducie n'avait pas résidé au Canada pendant 10 ans; elle aurait donc été imposable au moment du transfert. Par conséquent, le contribuable a dit qu'il allait établir sa propre cotisation et vous donner la renonciation de bonne foi.

Avez-vous le droit de déterminer la politique gouvernementale à ce point, en tant que sous-ministre - de déroger à la convention fiscale et accepter une renonciation de bonne foi?

M. Gravelle: Dans ce cas, il s'agissait de décider si, en vertu de la politique fiscale et de la loi, la transaction envisagée était justifiable, acceptable et conforme à la loi. Nous avons toujours dit, monsieur Williams, que c'était une question complexe. À la fin des discussions approfondies entre les trois ministères, nos fiscalistes et nos avocats en sont venus à la conclusion que nous pouvions non seulement décider, mais aussi accepter la renonciation. Telle était la position collective des ministères.

M. Williams: Monsieur Gravelle, le 23 décembre, dans la lettre de M. Short, du ministère des Finances à M. R. J. Read de votre ministère, je lis au troisième paragraphe:

Le même jour, vous dérogez à la convention fiscale et acceptez une renonciation impossible à appliquer. Qui paie les pots cassés?

.1900

M. Beith: Monsieur le président, je ne pense pas que quelqu'un doive payer les pots cassés. Nous n'avons renoncé à rien et nous n'avons rien entrepris. Le contribuable a volontairement décidé d'établir sa propre cotisation aux termes des dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu et de ne pas invoquer la protection de la convention. Il n'était pas forcé de le faire. Rien ne l'y obligeait. Notre première tâche consistait à déterminer comment appliquer la loi d'une façon qui soit conforme à la politique fiscale. Après quoi, une renonciation et un engagement, qui sont deux choses différentes, ont été proposés. Nous devions voir s'il fallait ou non accepter cette renonciation.

Cela nous permet d'évaluer la fiducie familiale qui est encore au Canada.

M. Williams: Permettez-moi de demander à M. Elkin s'il est d'accord avec vous.

M. Barry Elkin (directeur principal, Opérations de vérification, Bureau du vérificateur général du Canada): Non, ce n'est pas nécessairement vrai, Bob.

Comme la fiducie n'était pas au Canada depuis 10 ans, dès que les biens ont été vendus, elle pouvait demander une exonération en vertu de la convention.

Prenez un exemple simple. Si à 19 heures ce soir, la fiducie canadienne avait ces actions et les vendait, nous en tirerions un impôt sur les gains en capital. Un ou 100 millions de dollars, je n'en sais rien. Si, au contraire, à 19 heures ce soir la fiducie distribuait ces actions à une fiducie située aux États-Unis, elle pourrait les vendre à 20 heures et le Canada n'en tirerait aucune recette fiscale parce que l'on pourrait demander une exonération en vertu de la convention.

Il m'a semblé que c'était une préoccupation de Revenu Canada. D'après ce que j'ai compris, le ministère a déclaré qu'il voulait essayer de contrer l'effet de la convention sur l'assiette fiscale canadienne et de prétendre que cette fiducie se trouvait au Canada depuis 10 ans en procédant à une renonciation. D'après ce que l'on sait, il était évident que la décision a été rendue à la condition que soient fournis une renonciation et un engagement. C'est certain.

Autre chose qu'il est important de savoir, c'est qu'il est précisé dans l'engagement que celui-ci est conditionnel à une interprétation déclarant ces actions imposables au Canada. C'était là une des conditions de la renonciation.

M. Williams: Ils ont donc donné la renonciation à condition que Revenu Canada leur déclare le 23 décembre qu'il y aurait dérogation totale à la convention applicable. Les sous-ministres qui déclarent n'avoir aucun contact avec le monde politique disent qu'ils peuvent prendre ces décisions à huis clos, les tenir secrètes pendant des années et que c'est ainsi que fonctionne le ministère du Revenu. C'est bien cela, monsieur Gravelle?

M. Beith: Monsieur le président, je ne suis pas d'accord avec M. Elkin ni avec le député. Nous n'avons accordé aucune dérogation. Nous avons appliqué la loi aux faits après avoir consulté les ministères de la Justice et des Finances et avoir réfléchi à la question.

J'ai déjà dit qu'il nous semblait anormal que du fait de la convention ces transactions durant cette période de 10 ans risquaient de ne pas être imposables. La question a évidemment été soulevée au cours des discussions avec les représentants. Les représentants du contribuable ont répondu qu'ils ne voyaient pas d'inconvénient à s'engager à ne pas invoquer la protection de la convention. Nous ne faisions rien.

M. Williams: Mais ils étaient entièrement protégés par la convention parce que dès qu'ils se sont trouvés à l'étranger, ils n'étaient plus imposables au Canada. Ils voulaient sortir du pays sans payer d'impôt et étaient prêts à renoncer à quoi que ce soit pour ce faire. Une fois sortis du pays, ils n'avaient pas d'impôt à payer sur ce qui restait. C'est cela, n'est-ce pas, monsieur Elkin?

M. Beith: Il n'est pas forcé qu'ils ne payent pas d'impôt une fois qu'ils sont sortis du pays. Ils peuvent être imposables dans le pays où ils se trouvent maintenant s'ils ont...

M. Williams: S'ils vendent ces actifs dans 25 ou 50 ans.

Le président: Merci, monsieur Williams.

[Français]

Monsieur Rocheleau, je vous accorde une minute. Monsieur Silye, vous avez une minute également. Je pense que dans trois à cinq minutes, nous pourrons ajourner la séance.

.1905

M. Rocheleau: J'ai deux petites questions, monsieur le président.

La première s'adresse aux deux sous-ministres qui répondront comme ils le voudront. Est-ce que quelqu'un, dans toutes les représentations qui ont été faites dans les réunions, s'est préoccupé du sort qui était réservé au fisc à la suite d'une décision favorable? Est-ce que quelqu'un s'est soucié de l'impact de cette décision sur le fisc canadien à long terme? M. Gravelle nous a dit, à la dernière réunion, qu'il existait quelques centaines de milliers de fiducies familiales au Canada. Est-ce que quelqu'un s'est soucié du précédent que cela pouvait créer?

Je vais poser ma deuxième question au vérificateur. Comment aurait évolué le dossier si on l'avait confié aux agents de vérification plutôt qu'aux agents responsables des décisions anticipées? Pourquoi avoir mentionné cet aspect technique dans votre rapport?

M. Gravelle: Monsieur le président, je vous répondrai très rapidement et mon collègueM. Beith pourra en parler plus amplement parce qu'il a été personnellement impliqué dans le dossier. Toutes les incidences et tous les aspects de ce dossier-là ont été pleinement examinés par les agents du ministère, qui en ont discuté également avec les agents du ministère des Finances et avec le ministère de la Justice, y compris les incidences fiscales.

Mais peut-être que M. Beith veut renchérir là-dessus.

M. Rocheleau: Donc, on a donné une décision favorable alors que l'on connaissait l'ampleur de la catastrophe financière pour le fisc.

M. Gravelle: Je peux vous dire que la décision favorable a été rendue après un examen complet du dossier. Elle était appuyée par une opinion juridique et par l'avis du ministère des Finances.

Je peux vous dire aussi que, si l'une ou l'autre avait manqué au dossier, il n'y aurait pas eu de décision anticipée, parce que le souci le plus important du ministère est d'assurer l'intégrité du régime fiscal. S'il y a des perceptions contraires, on ne peut pas simplement s'acquitter de notre mandat. C'est la raison pour laquelle il y a des recours informels, des recours formels, des cours et des tribunaux, ainsi que le vérificateur général qui est constamment chez nous et avec qui nous travaillons étroitement.

Le vérificateur général nous a dit très souvent que nous avions fait un excellent travail, comme il l'a fait récemment, ou bien il est arrivé qu'il nous dise de faire plus attention à tel ou tel aspect. Cela a toujours été une source d'amélioration et de bonification. C'est donc un système qui est très, très ouvert et très transparent.

M. Rocheleau: Monsieur le sous-ministre adjoint, pouvez-vous nous dire quel est l'impact de cette décision pour le fisc canadien?

[Traduction]

M. Beith: Monsieur le président, il nous est impossible de mesurer l'incidence de cette interprétation si d'autres contribuables ont effectué ou effectuent des transactions similaires.

[Français]

Le président: Bon, vous avez eu votre réponse.

[Traduction]

Monsieur Silye, excusez-moi.

[Français]

M. Desautels: M. Rocheleau avait posé une deuxième question, je crois. Il nous demandait ce qui serait arrivé si le ministère du Revenu n'avait pas rendu une décision anticipée et laissé plutôt aux vérificateurs du ministère le soin de statuer éventuellement sur la transaction.

Il nous est impossible de répondre à cela. Si le ministère avait refusé de donner une décision favorable, on ne sait pas vraiment si le contribuable serait quand même allé de l'avant avec sa transaction. Ça aurait pu arriver.

M. Rocheleau: Je me base sur votre point 1.55. Si on avait confié le dossier aux vérificateurs du ministère plutôt qu'aux agents des décisions anticipées, est-ce que ça aurait pu changer quelque chose?

M. Gravelle: Monsieur le président, je voudrais dire, et je pense que mon collègueM. Desautels sera d'accord avec moi, que le rôle des vérificateurs, au ministère, est d'examiner des choses complétées. C'est le rôle traditionnel du vérificateur.

Le personnel des décisions anticipées est formé pour donner des interprétations de la loi, évaluer des transactions prospectives et s'assurer qu'on obtient tous les avis nécessaires, pour ensuite porter un jugement de valeur adéquat.

.1910

Donc, on parle de deux fonctions et de deux centres de responsabilité et d'expertise différents.

[Traduction]

M. Silye: Monsieur Gravelle, étant donné que les interprétations fiscales sont complexes et que par nature, une interprétation préalable correspond à une situation particulière et unique - sauf si d'autres se retrouvent dans la même catégorie - le ministère ne publie-t-il pas des bulletins d'information sur les interprétations importantes? Si cela représentait un changement d'orientation important ou si c'était une transaction suffisamment compliquée, ou pas compliquée, cela dépend, pourquoi un bulletin d'information n'a-t-il pas été envoyé après 1991 aux cabinets de comptables agréés, etc., à ce sujet indiquant que dans tel cas, si des actions privées passent sur le marché public et doivent être transférées d'une fiducie à une autre, le ministère traiterait la transaction de telle et telle façon? Pourquoi n'a-t-on pas publié cette interprétation?

M. Gravelle: Des centaines et des centaines de circulaires d'information, d'interprétations techniques sont mises à la disposition du grand public canadien et des fiscalistes par voie électronique et sous d'autres formes. Traditionnellement, lorsqu'il s'agit d'interprétations par anticipation, nous publions celles qui font régulièrement l'objet de préoccupations pour les contribuables. Dans ce cas, ce n'était pas suffisamment évident.

J'ai le plaisir de vous préciser toutefois qu'à partir du 1er janvier 1996, tout le monde a été avisé - et depuis 1995, les fiscalistes - que les interprétations seraient publiées dans les 90 jours après avoir été données et après que le contribuable ou son représentant ait pu examiner ce que nous avons l'intention de publier afin de s'assurer que cela ne compromet en rien la protection des renseignements personnels du contribuable. C'est ce qui se fait maintenant. Je peux vous dire que nous avons maintenant... Permettez-moi de consulter mes notes afin de vous donner les chiffres exacts pour cette année.

De janvier à la mi-juin 1996, nous avons émis 220 interprétations. Quelque 75 p. 100 d'entre elles ont été publiées. Les 25 p. 100 qui ne l'ont pas été ont été mises de côté et font l'objet de consultations avec le représentant du contribuable mais seront publiées dans le délai de 90 jours prévu. De juin 1996 à aujourd'hui, nous en avons émis 104. Mes collègues de la division de l'interprétation m'assurent que celles-ci seront publiées dans les délais voulus.

[Français]

Le président: Chers collègues, je crois que c'est là la fin de notre rencontre. J'aimerais remercier les témoins de leur participation. J'aimerais vous remercier aussi de votre indulgence et de votre discipline. Merci.

La séance est levée jusqu'à nouvelle convocation du président.


Le chapitre 1 - du rapport du Vérificateur général du Canada
du 7 mai 1996


Exposé de


M. Pierre Gravelle
Sous-ministre de
Revenu Canada


au


Comité permanent des comptes publics
de la Chambre des communes


Le 2 octobre 1996


Seul le texte prononcé fait foi


INTRODUCTION

Bonjour, Mesdames et Messieurs. Je vous remercie de me donner l'occasion de revenir devant vous aujourd'hui, avec mon collègue, M. Dodge, pour continuer à discuter des questions soulevées dans le chapitre 1 du rapport du Vérificateur général de mai 1996.

Comme vous le savez, depuis notre dernière rencontre, les questions soulevées dans ce rapport ont fait l'objet de beaucoup d'études et de débats.

J'ai été heureux des rapports récents du Comité des finances, qui contenaient plusieurs recommandations claires pour la réforme de la législation dans ce domaine complexe. On y trouvait aussi des recommandations que je considère excellentes sur l'amélioration des processus au sein de Revenu Canada. J'y reviendrai plus tard dans cet exposé.

D'après nos discussions antérieures, je crois que ce Comité s'intéresse avant tout aux processus et aux circonstances qui ont amené le Ministère à rendre sa décision de décembre 1991.

Dans mon discours d'ouverture du 16 mai, j'ai tenté de clarifier ces questions, et je crois qu'avant de reprendre aujourd'hui son étude de ce dossier, le Comité pourrait bénéficier d'un bref rappel de quelques facteurs de première importance.

LA DÉCISION DE 1991

Une question soulevée au sujet de cette décision est qu'elle pourrait n'être pas conforme à l'esprit de la loi.

On a aussi laissé entendre que nous avions précipité cette décision pour faire en sorte qu'elle soit rendue avant la fin de l'année d'imposition, et que des hauts fonctionnaires avaient rejeté sans motif les recommandations d'agents des décisions.

Aucune de ces allégations n'est vraie.

Permettez-moi de passer en revue les faits saillants.

La demande qui a mené à la décision en cause a été reçue au mois de novembre 1991. La décision a été rendue quelque 45 jours plus tard.

Le fait que cette décision a été rendue dans un délai aussi bref n'a rien d'extraordinaire. En fait, en 1995, mon Ministère a rendu 41 % de toutes ses décisions anticipées moins de 60 jours après en avoir reçu la demande.

De plus, il est de règle que nous rendions un grand nombre de décisions en décembre. Pour beaucoup de contribuables, c'est la fin de l'année d'imposition; c'est pourquoi on nous demande plus de décisions dans les trois derniers mois de l'année. En fait, nos statistiques montrent que le nombre de décisions rendues en décembre est le double du nombre moyen de décisions rendues dans les autres mois.

De plus, il n'est pas rare que le Ministère rende un nombre important de décisions dans la dernière semaine de décembre (c'est-à-dire dans les cinq derniers jours ouvrables du mois). Ainsi, en 1991, nous avons rendu 19 décisions dans cette période. En 1992, nous en avons rendu 33. En 1993, ce chiffre est passé à 42. Enfin, en 1994 et en 1995, nous avons rendu 28 décisions à la toute fin de l'année.

Dès que le Ministère a reçu la demande en cause, un agent des décisions a été affecté au dossier et a entrepris des recherches et des analyses sur les questions pertinentes. L'agent a aussi entamé des discussions préliminaires avec les avocats du ministère de la Justice.

Durant cette période, nous nous sommes penchés sur la question fondamentale de savoir si les actions de certaines sociétés fermées représentaient des biens canadiens imposables lorsqu'elles appartenaient à une fiducie canadienne.

Dès cette étape, les discussions avec le ministère de la Justice ont révélé la position sans équivoque de ce Ministère. D'après lui, la meilleure interprétation de la loi était qu'un Canadien pouvait détenir des biens canadiens imposables; par conséquent, Revenu Canada était en mesure de rendre une décision favorable dans ce dossier.

La position du ministère de la Justice est restée la même et s'est vue confirmée à la fin de toutes les consultations et délibérations interministérielles.

L'agent des décisions, dans le cadre de la démarche habituelle de remise en question prévue dans le processus d'élaboration des décisions, a continué à étudier d'autres possibilités, étant donné l'ambiguïté de la loi et l'absence d'orientation claire en matière de politique.

Cette façon de procéder était tout à fait conforme à l'approche rigoureuse qu'adoptent nos agents pour examiner toute demande de décision. En outre, elle respectait intégralement le processus de décision que je vous ai décrit le 16 mai dernier.

Compte tenu de cela, la Direction des décisions a demandé aux avocats du ministère de la Justice si, en dépit de cette meilleure interprétation de la loi, ils étaient d'avis que la position adverse était défendable.

Les avocats ont confirmé encore une fois que, selon la meilleure interprétation de la loi, le Ministère pouvait rendre une décision favorable. Toutefois, ils ont aussi indiqué que la position défavorable proposée pouvait se défendre, mais qu'elle n'était pas la meilleure interprétation de la loi. Le ministère de la Justice a officiellement fait connaître ce point de vue le 19 décembre 1991.

Le vendredi 20 décembre, j'ai rencontré M. Denis Lefebvre, le sous-ministe adjoint qui est responsable, entre autres, du secteur des décisions du Ministère. Nous avons alors discuté de diverses questions que M. Lefebvre voulait porter à mon attention avant de partir d'Ottawa, le soir même.

La demande de décision en cause est l'une des questions que nous avons abordées. M. Lefebvre m'a informé de la position du ministère de la Justice. Il m'a aussi indiqué que, malgré les consultations qui avaient eu lieu avec le ministère des Finances, nous n'avions pas encore reçu un énoncé officiel de la position de ce Ministère concernant la politique fiscale.

Après avoir discuté des principaux éléments du dossier avec M. Lefebvre, j'ai demandé que nous obtenions immédiatement, de hauts fonctionnaires du ministère des Finances, un énoncé écrit de la politique sous-jacente aux dispositions législatives concernant les biens canadiens imposables.

Nous avons aussi convenu qu'en l'absence de M. Lefebvre, le conseiller principal en matière de politique du Ministère, M. Bob Beith, ferait fonction de sous-ministre adjoint par intérim relativement à cette question et qu'il surveillerait la conclusion de cette demande de décision.

Le lundi matin, M. Beith et d'autres hauts fonctionnaires m'ont rencontré pour faire le point sur le dossier et pour discuter de la réunion prévue avec le ministère des Finances. Immédiatement après notre rencontre, ces fonctionnaires, accompagnés des avocats du ministère de la Justice, ont rencontré M. Al Short, directeur exécutif de la Direction générale de la législation et de la politique fiscale du ministère des Finances.

Au cours de cette réunion, on a examiné les questions de fait et de droit et on a conclu que la Loi de l'impôt sur le revenu permettait à tous les contribuables, tant résidents que non résidents, de détenir des biens canadiens imposables.

Cette position a été confirmée par écrit le même jour. J'ai déjà soumis une copie de la lettre en question à ce Comité.

Cette lettre, de même que les avis fournis par le ministère de la Justice, indiquaient sans équivoque que la loi et la politique sous-jacente étaient cohérentes. C'est pourquoi une décision favorable a été rendue le 24 décembre 1991.

AMÉLIORATIONS AU PROCESSUS

J'aimerais maintenant parler du processus d'élaboration des décisions.

Je suis reconnaissant au Vérificateur général et au Comité des finances d'avoir porté à notre attention certaines lacunes dans notre processus, et je suis heureux d'informer le Comité qu'un certain nombre d'améliorations ont déjà été mises en oeuvre, comme l'avait promis la ministre Stewart.

Cohérence des décisions et des opinions

Revenu Canada a établi en 1993 une base de données électronique contenant l'ensemble des opinions et des décisions rendues, en vue d'améliorer la cohérence des décisions et des opinions portant sur les mêmes aspects de la loi.

Il est maintenant de pratique courante, au sein de la Direction des décisions, de consulter cette base de données avant de mettre la dernière main à toutes les décisions et opinions.

Publication des décisions

En 1993, le Vérificateur général a produit un rapport sur le processus des décisions anticipées en matière d'impôt sur le revenu et de taxe sur les produits et services. Dans ce rapport, il appuyait fortement ces processus et ne formulait qu'une seule recommandation importante, qui portait sur la nécessité de publier les décisions, par souci de cohérence et de transparence.

Nous avons mis en oeuvre cette recommandation. À la suite d'une vaste consultation publique, notamment auprès des fiscalistes, Revenu Canada a annoncé, à la conférence annuelle de la Fondation canadienne d'études fiscales tenue en novembre 1995, qu'il avait l'intention de publier une version élaguée de toutes les décisions anticipées en matière d'impôt, à compter de 1996.

Ainsi, depuis janvier 1996, toutes ces décisions sont publiées sous forme électronique, après les suppressions nécessaires pour protéger les renseignements confidentiels des contribuables. Elles sont distribuées dans différentes maisons d'édition en matière fiscale du Canada, et mises à la disposition du public dans les bureaux des services fiscaux de Revenu Canada, dans les 90 jours suivant la date où elles sont rendues.

De janvier à la mi-juin 1996, 220 décisions ont été rendues. Soixante-quinze pour cent (soit 166) d'entre elles ont été publiées. Les 25 % de décisions restantes (soit 54 décisions) ont été élaguées et envoyées aux contribuables pour qu'ils en approuvent la publication.

De la mi-juin 1996 jusqu'à maintenant, 104 décisions ont été rendues. Elles devraient toutes être publiées dans un délai de 90 jours.

Documentation

Nous avons admis que certaines des réunions tenues concernant la décision de décembre 1991 n'ont pas fait l'objet d'un compte rendu adéquat.

Sur l'avis du Vérificateur général, nous avons déjà pris des mesures pour assurer un meilleur compte rendu de toutes les délibérations importantes ainsi que des interprétations de la politique fiscale qui en découlent.

Nous avons révisé nos procédures de façon à établir un compte rendu adéquat des facteurs qui jouent un rôle important dans le processus décisionnel lorsque nous préparons une opinion ou une décision anticipée en matière d'impôt.

Moratoire

Bien qu'il ne s'agisse pas là d'une question touchant le processus, la Ministre a apporté une autre modification importante lorsque le Vérificateur général a soulevé la question : il s'agit du moratoire sur les décisions anticipées en matière d'impôt. Comme vous le savez, la ministre Stewart a prolongé ce moratoire le 19 septembre, et il sera maintenu jusqu'à la modification des dispositions législatives en ce domaine.

CONCLUSION

Pour conclure, j'aimerais faire plusieurs remarques. Premièrement, on a laissé entendre qu'il aurait pu y avoir de l'ingérence politique dans l'élaboration de la décision en cause. Je tiens à être clair sur ce point : il n'y a eu aucune ingérence politique. Les seules personnes qui ont participé aux discussions sont les représentants du contribuable ainsi que les fonctionnaires de Revenu Canada et des ministères de la Justice et des Finances.

Deuxièmement, vous avez reçu une copie élaguée d'un projet de note au Ministre de l'époque, qui avait été préparé pour ma signature. Le Vérificateur général a noté que ce projet de note énonçait les raisons pour lesquelles la proposition du contribuable n'était pas acceptable.

Je dois souligner cinq points importants :

J'espère que, dans ce bref exposé, j'aurai fait ressortir clairement que cette décision a été rendue avec le haut degré de professionnalisme que j'attends de tous nos fonctionnaires.

Je remercie le Vérificateur général des conseils qu'il a fournis relativement à ce dossier. Je suis aussi reconnaissant à la ministre Stewart pour les directives claires qu'elle m'a données afin de régler ces questions.

Je suis également heureux que, pendant les délibérations de comités, le Vérificateur général ait clairement indiqué qu'il n'a jamais eu aucune raison de douter de l'intégrité des hauts fonctionnaires de Revenu Canada, dans tous les travaux qu'il a accomplis jusqu'à présent avec ce Ministère. De la part du vérificteur en chef du gouvernement, c'est là un appui important.

J'espère avoir montré que mon Ministère a agi rapidement, en se fondant sur les conseils judicieux du Vérificateur général et du Comité des finances, pour améliorer ses processus.

Maintenant, Mesdames et Messieurs, mon collègue, M. Dodge, va vous parler d'un certain nombre d'autres questions se rapportant à notre discussion d'aujourd'hui.

Je vous remercie.


À ne pas publier avant le 2 octobre 1996


COMMENTAIRE D'INTRODUCTION DE L. DENIS DESAUTELS, FCA
VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL DU CANADA
DEVANT LE COMITÉ PERMANENT DES COMPTES PUBLICS SUR LE CHAPITRE 1 DU RAPPORT DE MAI 1996
REVENU CANADA
LE 2 OCTOBRE 1996

1. Je crois comprendre qu'aujourd'hui, le Comité a l'intention d'examiner plus particulièrement les circonstances entourant la décision du 23 décembre 1991 et les changements apportés aux procédures administratives depuis.

2. Même quand on se concentre sur les événements d'une seule journée, il y a de nombreux aspects à prendre en considération. J'aimerais souligner l'importance d'un problème dont la solution aura certainement des répercussions durables. C'est un problème qui a été soulevé par le Comité des finances dans son rapport sur les audiences tenues à la suite de mon rapport de mai 1996. Je crois que la meilleure façon de l'exprimer est de procéder par voie de questions :

3. Ces questions sont évidemment reliées à la notion d'avoir une documentation adéquate et une analyse pertinente appuyant ces décisions.

4. Merci Monsieur le Président, mes collègues, M. Shahid Minto et M. Barry Elkin, et moi serons heureux de fournir toute explication ou aide dont vous pourrez avoir besoin.


Comité des comptes publics
le 2 octobre 1996


Allocution d'ouverture


David A. Dodge
Sous-ministre
ministre des Finances


Monsieur le président, nous sommes reconnaissants d'avoir la chance de comparaître devant le Comité aujourd'hui pour donner suite aux discussions sur le rapport du vérificateur général qui ont trait à certaines décisions d'impôt sur le revenu prises par le ministère du Revenu national.

Comme les honorables membres le savent, nous comparaissons devant le Comité sur cette question peu de temps après le dépôt du rapport du vérificateur général. Depuis, le Comité permanent des finances a lui aussi tenu des audiences sur le rapport et vient tout juste de déposer ses constatations.

Plus tôt cet après-midi, le ministre des Finances a déposé un Avis de motion des voies et moyens visant à modifier la Loi de l'impôt sur le revenu. Cet avis adopte toutes les recommandations formulées dans le rapport majoritaire du Comité des finances. Les modifications à l'impôt sur le revenu nécessaires à la mise en oeuvre de l'Avis de motion s'appliqueront dès aujourd'hui, si elles sont promulguées.

Des copies du communiqué annonçant cette mesure, qui comprend l'Avis de motion et des renseignements de base, ont été remises à tous les membres du Comité. J'aimerais profiter de l'occasion pour vous expliquer brièvement les modifications qui ont été proposées, puis pour répondre aux questions qu'ont les membres du Comité.

Le vérificateur général a soulevé deux points : le processus et la politique. Mon collègue a traité du volet du processus et j'espère que mes propos permettront de régler le volet de la politique.

Toutefois, avant de le faire, je crois qu'il importe de nous arrêter sur le premier point soulevé par le vérificateur général et sur lequel le Comité des finances s'est déjà penché. Nous devons préciser de quoi il s'agit et aussi ce dont il n'est pas question.

La véritable question est de savoir si nous devrions instaurer un régime qui impute un impôt lorsque les gens quittent le Canada ou si nous devrions plutôt attendre que ces personnes vendent le bien avec lequel ils sont partis. Pour ce faire, nous devons établir si nous sommes prêts à abandonner après plusieurs années nos droits d'imposition sur d'anciens Canadiens ou si nous jugeons plus important que les gains accumulés - mais non réalisés - sur des biens pendant le séjour au Canada soient assujettis à l'impôt au Canada lorsque ces biens sont, au bout du compte, vendus.

Il n'est pas question de fiducies familiales : les questions relatives à la politique fiscale sont les mêmes que vous traitiez des opérations décrites dans le rapport du vérificateur général ou que vous déterminiez quelles règles doivent s'appliquer au propriétaire de petite entreprise qui quitte Windsor pour s'installer à Ann Arbor alors qu'il possède des actions d'une petite entreprise en Ontario.

Il n'est pas non plus question des quelque 2 milliards de dollars qui ont échappé à l'imposition au Canada. Si un contribuable transfère de l'argent à l'extérieur du Canada, rien ne prouve qu'il s'agit d'une situation abusive ni d'un échappatoire. Ce transfert n'est que le reflet du fonctionnement normal d'une économie développée du XXe siècle. Il ne faut pas non plus croire que le régime est déficient s'il laisse des biens d'une valeur approximative de 2 milliards de dollars quitter le pays en faveur d'un autre pays, sans être immédiatement assujettis à l'impôt. Cela nous ramène tout simplement à la question initiale : quand et dans quelles circonstances l'impôt devrait-il s'appliquer aux contribuables qui émigrent.

C'est en réponse à ces questions que les modifications d'aujourd'hui sont proposées. Puisque les modifications à l'impôt sur le revenu proposées donnent directement suite aux recommandations formulées dans le rapport du Comité des finances, il pourrait être plus facile et plus efficace de décrire ces modifications en nous inspirant des travaux du Comité des finances.

Recommandation 1 : Classification des biens

Premièrement, le Comité des finances a souligné un certain nombre de divergences dans les règles entre les participations importantes d'actions cotées en bourse et d'autres actions, les participations dans des sociétés et les participations dans des fiducies. Bien que les actions de sociétés cotées en bourse soient considérées comme des biens canadiens imposables (BCI) d'un contribuable qui détient 25 p. 100 de ces actions à un moment donné au cours des 5 années précédentes, les participations dans certaines entreprises, sociétés et fiducies ne sont considérées comme de BCI que si, au cours des 12 derniers mois, plus de la moitié de leur valeur sous-jacente était attribuable à des BCI. Le Comité n'a pu expliquer les différents délais choisis pour les deux groupes de biens et a recommandé qu'une règle de 5 ans s'applique dans tous les cas.

La deuxième préoccupation soulevée par le Comité des finances à cet égard a trait aux biens dont se sert un non-résident dans le cadre de l'exploitation de son entreprise au Canada. Lorsque le bien est simplement transféré hors du Canada, tous les gains qui se sont accumulés à son égard alors qu'il était détenu en rapport avec l'enterprise canadienne sont, à juste titre, assujettis à l'impôt au Canada. Afin d'assurer ce résultat, le Comité recommande que tous ces biens soient traités comme s'ils avaient été vendus à leur juste valeur marchande lorsqu'ils cessent d'être utilisés dans l'entreprise canadienne.

Vous trouverez notre réponse à cette recommandation à l'alinéa (2) de l'Avis de motion.

Recommandation 2 : Clarifier l'étendue de la définition des BCI

Deuxièmement, le Comité propose que la question de savoir si un résident canadien peut détenir un BCI soit réglée. Autrement dit, le texte de loi devrait être clarifié de sorte que tant les résidents que les non-résidents du Canada puissent détenir des BCI. Sans égard au caractère opportun de la recommandation précise, personne ne devrait s'opposer à une suggestion visant à clarifier une règle potentiellement ambiguë, car personne n'est bien servi par une loi imprécise. La conclusion du Comité selon laquelle le bien devrait être considéré comme un BCI tant pour les résidents que pour les non-résidents découle évidemment du fait que le Comité a conclu qu'un tel traitement doit aboutir au bon résultat en matière de politique fiscale.

Tout au long du débat, nous avons soutenu que les règles ne donnent des résultats intelligents que si le principe des BCI s'applique à l'ensemble des contribuables. Par conséquent, nous donnons entièrement notre aval à la recommandation du Comité des finances de concrétiser ce résultat. C'est pourquoi le premier alinéa de l'Avis de motion des voies et moyens vise à couvrir cette recommandation.

Recommandation 3 : Répartition des biens d'une fiducie

La troisième recommandation du Comité traite le plus directement du sujet abordé dans les décisions de Revenu Canada. Lorsqu'une fiducie répartit des biens en faveur d'un bénéficiaire non résidant, l'impôt imputé lors de la répartition peut être reporté tant que le bien visé est un BCI. Certains biens, comme des biens immobiliers canadiens, sont, de nature générale, des BCI, c'est-à-dire qu'il n'est pas tenu compte du propriétaire. D'autres biens sont des BCI seulement lorsqu'ils appartiennent à certaines personnes. Par exemple, les actions de sociétés cotées en bourse ne sont habituellement pas des BCI, mais elles le deviennent si elles ont été acquises dans le cadre d'une opération de transfert en échange d'autres biens qui étaient des BCI.

La règle qui permet de répartir des biens d'une fiducie en faveur d'un bénéficiaire sans qu'ils ne soient immédiatement assujettis à l'impôt s'applique si les biens en question sont des BCI de la fiducie. Évidemment, un tel traitement ne convient que si les biens constituent également des BCI du bénéficiaire. Telle est exactement la manière dont Revenu Canada applique la règle.

Cependant, le Comité des finances ayant constaté que cette règle pouvait elle aussi être clarifiée, il a recommandé qu'une telle modification soit apportée. Dans la mesure où la recommandation du Comité ne fait que confirmer le fonctionnement prévu de la loi, il s'agit manifestement d'une suggestion que nous appuyons. Le paragraphe 6b) de l'Avis de motion tient compte de cette modification.

Recommandation 4 : Gains accumulés des émigrants

La quatrième recommandation du Comité des finances est le changement le plus important du rapport. Il y propose que les émigrants soient tenus, lorsqu'ils quittent le pays, de calculer l'impôt au Canada sur les gains accumulés sur tous les biens autres que ceux exonérés par des conventions fiscales comme les biens immobiliers canadiens et les biens d'entreprises canadiens et de fournir une garantie relative à cet impôt.

Aux termes des règles actuelles, les particuliers - y compris les fiducies - ne sont pas assujettis à l'impôt sur les BCI lorsqu'ils émigrent du Canada. Les particuliers autres que les fiducies peuvent également reporter leur impôt sur des biens autres que les BCI s'ils offrent une garantie satisfaisante relative à l'impôt par ailleurs payable.

La Loi de l'impôt sur le revenu stipule que tous les biens - qu'il s'agisse ou non de BCI - qui ne sont pas assujettis à l'impôt au départ sont imposables lorsqu'ils sont vendus. Toutefois, les conventions fiscales du Canada peuvent s'appliquer si les biens ne sont vendus que plusieurs années après que le contribuable ait quitté le Canada, ce qui atténue l'effet de nos règles nationales. Autrement dit, les gains sur certains biens qui ne sont pas imposés lorsque le particulier quitte le pays pourraient n'être imposés que par le nouveau pays de résidence.

Ce résultat n'est nullement inhabituel. La grande majorité des pays n'imputent aucun impôt sur le revenu aux émigrants. Ce résultat n'est pas non plus irrationnel. Les droits d'imposition auxquels le Canada renonce sur ses anciens résidents sont identiques à ceux qu'il acquiert à l'égard d'immigrants de pays avec lesquels il a conclu des conventions.

Cependant, le Comité des finances a suggéré qu'il importait non seulement que les contribuables émigrants soient assujettis à l'impôt lorsqu'ils vendaient les biens qu'ils avaient acquis avant de quitter le Canada, mais que le Canada devait être le pays qui perçoit l'impôt sur les gains réalisés sur ces biens avant le départ.

Le rapport du Comité, si notre compréhension est bonne, n'indique pas que les émigrants devraient payer l'impôt canadien sur leurs gains lorsqu'ils quittent le pays. Il laisse plutôt entendre qu'il faudrait calculer l'impôt qui serait exigible sur ces gains et que les contribuables devraient fournir des garanties pour ce montant d'impôt jusqu'à ce que les biens soient effectivement vendus et que les contribuables aient reçu le produit de la vente et puisse régler la facture d'impôt sur le revenu au Canada.

La recommandation du Comité des finances à cet égard est visée par l'article 5 de l'Avis de motion. L'alinéa 6a) s'applique également. Il donne lieu à un impôt canadien lorsqu'une fiducie répartit des biens à des bénéficiaires non résidents.

Recommandation 5 : Déclaration des renseignements

La dernière des cinq recommandations contenues dans le rapport majoritaire du Comité des finances a trait à la déclaration des renseignements. De façon précise, le Comité a constaté qu'il était raisonnable d'exiger que les contribuables émigrants remplissent une déclaration de renseignements dans laquelle ils dresseraient la liste des biens qu'ils possèdent à la date de leur départ.

Les renseignements fournis dans une telle déclaration seraient, comme le suggérait le Comité, d'une grande utilité pour Revenu Canada qui pourrait ainsi assurer le suivi des ventes de biens. Ils serviraient également de mesure de contrôle de l'impôt à payer sur les biens autres que des BCI à la date de départ. Enfin, ils permettraient de renforcer, dans l'esprit des contribuables, l'obligation de payer l'impôt au Canada sur certains biens après avoir quitté le Canada.

Puisque les contribuables émigrants sont en général déjà tenus de produire une déclaration canadienne de revenus visant l'année de leur départ, l'obligation supplémentaire de remplir un état de renseignements et de le joindre à la déclaration de revenus ne devrait pas constituer un fardeau déraisonnable au chapitre de la conformité.

Cela étant dit, il est inutile de produire des documents juste pour produire des documents. C'est pourquoi l'article 4 de l'Avis de motion, qui met en application la recommandation du Comité des finances sur ce point, propose une exception à cette exigence en matière de déclaration à l'égard des contribuables dont la valeur des biens détenus est inférieure à 25 000 $ à la date de départ du Canada.

Consultations

Bien que cela mette fin à mon allocution d'ouverture sur les modifications à l'impôt sur le revenu annoncées plus tôt aujourd'hui, j'aimerais préciser que nous souhaitons entendre l'avis des parties intéressées sur les modifications proposées. Il est important de reconnaître que ces modifications ont, de fait, susciter beaucoup de commentaires - du vérificateur général, du Comité des finances et de représentants de la collectivité de l'impôt qui ont comparu devant le Comité lorsqu'il s'est penché sur le sujet. Toutefois, nous sommes conscients que certains points doivent être examinés plus en profondeur, notamment : l'interaction des nouvelles règles avec les régimes fiscaux de l'autre pays; le caractère raisonnable des renseignements que nous demandons; les éventuels problèmes liés au système de prestation d'une garantie pour l'impôt exigible; le traitement des répartitions des fiducies en faveur de bénéficiaires résidents et non résidents.

À notre avis, bien que les modifications proposées soient raisonnables et répondent aux préoccupations soulevées par le vérificateur général et le Comité des finances, il existe vraisemblablement des aspects des propositions qui peuvent être améliorés. Nous sommes vraiment intéressés à recevoir vos commentaires à ce sujet.

Cela met fin à mon allocution d'ouverture plutôt longue, mais, je l'espère, complète. J'aimerais terminer en remerciant le Comité des finances de tous les travaux qu'il a exécutés sur le sujet. Je recommande à tous les membres du Comité qui n'ont pas encore examiné le rapport du Comité et celui du vérificateur général, à l'origine des travaux du Comité, de le faire.

Nous répondrons avec plaisir à vos questions.

Retourner à la page principale du Comité

;