Passer au contenu
TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 29 octobre 1996

.1600

[Français]

Le président: À l'ordre, s'il vous plaît.

Bon après-midi à tous et à toutes.

Le Comité permanent des comptes publics se réunit conformément à l'alinéa 108(3)d) du Règlement pour procéder à l'étude du chapitre 7 du Rapport du vérificateur général du Canada déposé le 7 mai 1996. Ce chapitre est intitulé: «Le maintien de la paix - Défense nationale».

.1605

Je m'excuse auprès des témoins pour le début tardif de la présente rencontre. Étant donné que nous sommes des parlementaires et que nous avons des responsabilités législatives, nous avions des votes. On va essayer de faire en sorte que tout se déroule rondement.

Certaines personnes avaient indiqué qu'elles avaient d'autres obligations. Je commence par la sous-ministre, Mme Fréchette. Je vous demanderais, ainsi qu'aux cinq personnes comparaissant devant nous comme témoins, de se présenter et d'y aller de leurs présentations.

Mme Louise Fréchette (sous-ministre, ministère de la Défense nationale): Je m'appelle Louise Fréchette et je suis sous-ministre à la Défense nationale.

[Traduction]

Le vice-amiral Larry E. Murray (chef d'état-major de la Défense par intérim, ministère de la Défense): Larry Murray, vice-chef d'état-major et actuellement chef d'état-major par intérim.

[Français]

Le lieutenant-général Armand Roy (sous-chef d'état-major de la Défense, ministère de la Défense nationale): Armand Roy, sous-chef d'état-major de la Défense.

[Traduction]

M. David Rattray (vérificateur général adjoint, Bureau du vérificateur général du Canada): David Rattray, vérificateur général adjoint.

M. Peter Kasurak (directeur principal, Défense, Bureau du vérificateur général du Canada): Peter Kasurak, directeur principal à l'équipe défense.

[Français]

Le président: Merci, madame, messieurs.

Nous y allons dans l'ordre qui avait été indiqué. Le Bureau du vérificateur général va faire sa présentation et ce sera ensuite aux représentants du ministère de la Défense nationale.

M. Rattray: Merci.

Monsieur le président, je vous remercie de nous donner l'occasion de comparaître devant ce comité pour discuter du chapitre du Rapport de mai 1996 sur la gestion des activités de maintien de la paix par le ministère de la Défense nationale. Ce chapitre est la conclusion d'un cycle de vérifications de la Défense nationale qui a commencé en 1992 et qui porte sur la plupart des principales fonctions de soutien du ministère. La vérification des activités de maintien de la paix visait à examiner la gestion de l'ensemble de ces fonctions et leurs liens avec les opérations.

Le Livre blanc sur la politique de défense publié en 1994 a fourni le cadre de base de notre vérification. Dans le Livre blanc, le gouvernement a confié au ministère la tâche de fournir des services de défense efficaces, réalistes et abordables en vue d'atteindre les objectifs nationaux et de respecter les engagements internationaux, y compris le maintien de la paix. Le Livre blanc fixe des normes élevées pour les Forces canadiennes en déclarant «qu'il faut au Canada... une force capable de se battre "aux côtés des meilleurs, contre les meilleurs». Ce défi a pris de l'ampleur en raison des compressions budgétaires et d'un contexte international fluide.

[Traduction]

L'objectif global de notre vérification consistait à évaluer la qualité des pratiques de gestion plutôt que les jugements ou les réalisations militaires. Néanmoins, pendant notre vérification, nous avons constaté que les gardiens de la paix canadiens sont très estimés de leurs collègues étrangers. Les cinq opérations visées par notre vérification - Somalie, Angola, Rwanda, l'ex-Yougoslavie et Haïti - gardent l'empreinte d'actes humanitaires et de bravoure personnelle.

Les opérations de maintien de la paix ne sont qu'une des nombreuses tâches confiées aux Forces canadiennes. Nos constatations peuvent servir de grand-angle à travers lequel on peut voir la situation d'ensemble des Forces canadiennes - particulièrement la Force terrestre. Nos constatations ne permettent pas une application directe à d'autres tâches, mais elles donnent souvent un aperçu du potentiel militaire, pour lequel le Parlement vote des crédits de 10 milliards de dollars par année.

Notre vérification a soulevé d'importantes questions quant aux seuils de préparation que peuvent atteindre les Forces et à la mesure dans laquelle elles peuvent satisfaire aux exigences du Livre blanc.

Notre commentaire d'introduction portera sur deux grands secteurs présentés dans le chapitre: les lacunes opérationnelles et la gestion du matériel. J'invite maintenant Peter Kasurak, directeur principal qui a dirigé la vérification, à commenter nos constatations.

M. Kasurak: Au cours de notre vérification, nous avons découvert plusieurs lacunes opérationnelles qui, croyons-nous, doivent être portées à l'attention du Parlement. Ces lacunes sont: l'instruction collective, les normes d'instruction des réservistes, le soutien médical et l'équipement.

La lacune opérationnelle la plus sérieuse relevée était l'instruction collective de la Force terrestre. Pour être efficace, la formation donnée aux forces armées doit être collective. Toutefois, à la fin du premier semestre de 1994, le Commandement de la Force terrestre était confronté à une «crise d'instruction collective». L'instruction interarmes au niveau du groupement tactique et aux niveaux supérieurs en était pratiquement au point mort depuis 1992, et les chefs commençaient à être réaffectés d'un commandement à l'autre sans avoir fait participer leur unité ou leur formation à des exercices.

.1610

Le principal exercice au niveau de la brigade, RENDEZ-VOUS '95, a été annulé et remplacé par un exercice qui avait moins d'ampleur appelé VENOM STRIKE. Et même les objectifs fixés pour l'exercice VENOM STRIKE n'ont pas été atteints. Selon le commandant de la Force terrestre, à la fin de l'exercice, même selon l'estimation la plus optimiste, la force de relève de l'OPÉRATION COBRA entraînée pour appuyer un retrait possible de la Yougoslavie avait encore besoin de 14 jours pour atteindre l'état de préparation prévu par les normes.

Dans le compte rendu d'exercice, il a été signalé que l'un des deux groupements tactiques s'était présenté sans avoir satisfait aux conditions de participation, en dépit du fait qu'il avait obtenu 72 jours pour le rassemblement et l'instruction préparatoire, au lieu des 29 jours prévus par le plan opérationnel. L'exercice représentait la véritable priorité de 1995 en matière d'instruction.

Nous avons pu obtenir confirmation de la tenue de 46 seulement des 130 exercices de l'échantillon que nous avons prélevé. Moins de 20 p. 100 des exercices mettant en jeu un bataillon ou une unité de la taille d'un régiment ont été menés à terme. Le système de rapport de l'état de préparation du ministère a attribué le problème aux restrictions financières et aux déploiements de missions de maintien de la paix.

Le manque d'instruction collective est peut-être la constatation la plus importante de notre vérification. Une armée qui n'atteint pas ses objectifs de formation peut devenir une force fictive qui, même si elle dispose du nombre adéquat de militaires et d'équipements, est toujours incapable de remplir sa mission.

Le ministère a répondu à cette observation en déclarant que l'augmentation de la taille de la force de campagne qui a été approuvée dans le Livre blanc permettra à la Force terrestre d'améliorer sa capacité de mettre en oeuvre des plans d'instruction collective. Cependant, au moment de notre vérification, il n'y avait pas eu d'augmentation sensible de la taille de la force de campagne.

Nous espérons que ce comité voudra bien accorder une certaine priorité à l'examen de la réponse du ministère relative à cette lacune.

Les normes d'instruction des réservistes constituent le deuxième secteur où nous avons relevé des lacunes opérationnelles. En 1992, nous avons signalé que les problèmes liés au maintien de l'effectif de même qu'à l'élaboration et à l'application de normes avaient entraîné de sérieuses lacunes au niveau de la formation. Ces lacunes ont été observées jusqu'en 1995.

Même si la milice avait un effectif réel de 18 300 personnes au moment de notre vérification et qu'elle devait contribuer jusqu'à 700 soldats à la fois aux missions de maintien de la paix, il est souvent arrivé qu'elle n'ait pu le faire. En outre, dans le cas des relèves de troupes de la Force terrestre, en 1994 et en 1995, environ 20 p. 100 des miliciens choisis pour servir en mission de maintien de la paix étaient incapables de réussir les séances d'instruction et de sélection au plus faible niveau des aptitudes individuelles requises.

Des officiers supérieurs d'état-major du Quartier général du Secteur et du Quartier général de brigade de la Force terrestre nous ont déclaré qu'il fallait faire des efforts énormes pour obtenir et entraîner le nombre requis de miliciens. Ils ont parlé des faibles capacités de leadership de la milice et de la nécessité d'une surveillance supplémentaire sur le terrain pour certains grades et certains métiers.

Bien que le ministère, dans sa réponse au rapport de la Commission spéciale de la restructuration des réserves, ait récemment réaffirmé son intention d'améliorer la situation, c'est un problème de longue date, qui exigera pour être résolu une attention et des efforts continus.

Notre vérification n'a révélé aucun cas où le soutien médical à une mission s'est avéré insuffisant pour une mission réelle. Cependant, le soutien médical total offert à l'ensemble de la force déployable était inférieur aux besoins estimés dans le Livre blanc. Les planificateurs des Forces canadiennes estiment que 340 lits d'hôpital seraient nécessaires pour soutenir la Force terrestre. Toutefois, le ministère a donné instruction aux planificateurs médicaux de limiter la planification à 200 lits pour les forces navale, terrestre et aérienne. Les représentants du ministère nous ont déclaré qu'ils étaient prêts à accepter le risque que cela comporte; mais en supposant que les besoins des forces navales et aériennes correspondent aux taux prévus et qu'une opération conjointe de maintien de la paix atteigne un niveau d'intensité moyenne, on se verrait dans l'obligation d'improviser 240 lits en campagne si des alliés étaient incapables de fournir des ressources excédentaires.

J'aimerais vous signaler, monsieur le président, que le ministère a répondu à notre observation en déclarant qu'il travaille à préciser les implications qu'aurait l'ajout des ressources nécessaires pour passer à une capacité de 340 lits.

.1615

[Français]

Nous avons également relevé une série de lacunes relatives au matériel. Les Forces canadiennes ont établi, en 1995, que les lacunes bien connues de leur équipement empêchaient de limiter à un niveau acceptable de risque les missions confiées aux troupes. La principale lacune relevée concerne les véhicules blindés et la protection contre le tir direct. Pour les gardiens de la paix canadiens, la menace peut venir du tir d'une balle de 14,5 mm de mitrailleuse lourde et même de tir de char et de mortier lourd. Au moment de notre vérification, un véhicule actuellement utilisé, le TTB M113, présente en particulier d'importantes lacunes même si on tient compte du blindage supplémentaire installé récemment. Selon les représentants du ministère, les officiers des Forces armées ont, à ce jour, réussi à gérer les risques, et notre examen des relevés des pertes n'a révélé aucune lien direct entre l'utilisation de ces véhicules et des décès ou des blessures.

[Traduction]

En réponse à notre observation, le ministère a indiqué qu'il veillera à ce que les évaluations des risques liés à l'utilisation future de ces véhicules soient communiquées au gouvernement.

Enfin, j'aimerais vous faire part de nos constatations concernant la gestion du matériel. Les opérations de maintien de la paix exigent le déploiement d'une grande quantité d'équipements et de matériel. De 1990 à 1995, des biens d'une valeur d'environ 800 millions de dollars ont été déployés à l'étranger. Au moment de notre vérification, des biens d'une valeur de plus de 300 millions de dollars étaient, d'après les dossiers du ministère, toujours sur le terrain.

Le contrôle de ces biens et la reddition des comptes constituent un défi. Au cours de vérifications précédentes, nous avons indiqué que le Système d'approvisionnement des forces canadiennes comportait des contraintes de taille, qui rendaient difficile le contrôle des stocks. Le ministère tente de remplacer ce système depuis au moins 1982.

Notre vérification a révélé que certains mécanismes de contrôle importants du Système d'approvisionnement des Forces canadiennes sont déficients. Les redressements à la baisse des stocks ont été de 80 millions de dollars. Lorsque nous avons demandé des preuves documentaires pour justifier les redressements, le ministère n'a pas réussi à retrouver une partie importante de ces documents, et par conséquent, les pertes et les redressements sont demeurés largement inexpliqués.

Nous avons conclu que le ministère n'avait pas appliqué les mécanismes de contrôle requis des fournitures et de l'équipement envoyés aux opérations de maintien de la paix. Cela constitue un risque important pour les avoirs du ministère.

Le comité voudra peut-être demander au ministère comment et quand il compte régler ses problèmes de contrôle des stocks.

[Français]

Monsieur le président, nous serons maintenant heureux de répondre aux questions du Comité.

Le président: Merci.

Madame Fréchette.

Mme Fréchette: J'aimerais d'abord remercier le comité de m'avoir invitée à venir commenter le récent Rapport du vérificateur général sur le maintien de la paix.

Un bon nombre des observations formulées dans le Rapport concernent spécialement les Forces canadiennes. C'est le vice-amiral Murray qui vous en parlera dans quelques minutes. Avant de lui donner la parole, je voudrais quand même faire quelques observations.

Premièrement, le ministère de la Défense nationale a rempli ses fonctions de maintien de la paix en étroite collaboration avec le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Comme le souligne le Rapport du vérificateur général, la coopération entre nos deux ministères dans ce domaine est excellente.

Deuxièmement, la période de temps sur laquelle porte le Rapport du vérificateur général, c'est-à-dire les années 1991-1995, a été une période d'une intensité sans précédent pour les opérations canadiennes de maintien de la paix. Au plus fort de cette période, plus de 4 000 militaires ont été déployés simultanément. Cette situation a donc exercé des pressions inhabituelles sur le ministère, y compris sur nos systèmes de gestion.

Aujourd'hui, les activités de maintien de la paix se déroulent à un rythme plus modéré. À l'heure actuelle, 2 070 militaires sont affectés à 14 opérations de maintien de la paix ou de nature connexe partout dans le monde. Cependant, nous n'avons que deux grandes opérations en cours, c'est-à-dire en Bosnie, où servent quelque 1 000 Canadiens, et à Haïti, où il y en a 750. Le Canada participe aussi à la mission sur le plateau du Golan, où sont déployés environ 190 Canadiens. La contribution du Canada aux autres opérations est très modeste, variant, par exemple, d'une seule personne en Macédoine à 28 avec la force multinationale d'observateurs en Égypte.

.1620

Troisièmement, en raison de la nouvelle conjoncture internationale, les opérations de maintien de paix sont devenues complexes et pluridisciplinaires. Elles combinent un large éventail de fonctions, tant civiles que militaires. Signalons, entre autres, la fourniture de secours humanitaires de concert avec la collectivité non gouvernementale, le respect des droits de la personne et la surveillance d'élections, l'administration civile, la reconstruction de l'infrastructure économique et sociale de base, la formation et l'assistance dispensées aux forces policières, certaines fonctions judiciaires, ainsi qu'une foule d'autres rôles qui étaient rarement assumés dans le passé. Tous ces changements ont eu une incidence non seulement sur la façon dont nous conduisons les opérations de paix, mais aussi sur la façon dont nous gérons les ressources consacrées au maintien de la paix.

Quatrièmement, au cours des dernières années, de nombreuses leçons ont été retenues en matière de maintien de la paix. En particulier, la nature plus complexe et souvent plus dangereuse des missions de paix contemporaines a fait ressortir l'importance de bien adapter les ressources au mandat à remplir et d'évaluer de façon réaliste les chances de succès. Cette évaluation doit tenir compte à la fois de la structure globale des forces des Nations unies et de la viabilité de la contribution particulière du Canada.

C'est à la lumière de ce genre d'évaluation que le Canada a décidé l'hiver dernier, par exemple, de retirer son contingent du Rwanda. Le Canada a aussi soutenu, en juin dernier, qu'un effectif de1 300 militaires était le minimum requis pour assurer le succès de la mission à Haïti, même si le plafond établi par les Nations unies n'était que de 600.

[Traduction]

Mon cinquième point porte sur l'observation, dans le rapport du vérificateur général, de certaines faiblesses relatives au contrôle des stocks et de l'équipement. Nous avons pris des mesures pour rectifier cet aspect. Par exemple, à l'intention du personnel déployé dans le cadre des missions de l'ONU, nous offrons, deux fois par an, un cours de logistique des Nations Unies ainsi qu'un cours sur les aspects financiers des opérations sur le terrain. La plupart des personnes qui ont suivi ces cours ont ensuite été déployées en missions de maintien de la paix, par exemple, en ex-Yougoslavie et à Haïti.

Nous poursuivons nos efforts en vue d'améliorer le remboursement des coûts par les Nations Unies. Au cours de la présente année financière, le ministère a recouvré 17,6 millions de dollars à ce jour. Un total d'environ 85 millions de dollars est toujours impayé.

Le Canada a lancé un projet visant à simplifier le remboursement des contributions nationales versées à l'ONU. Cette initiative prévoit un taux standard de remboursement pour le personnel et les gros articles d'équipement. De plus, nous avons récemment affecté à la mission canadienne à New York un fonctionnaire du ministère qui travaillera avec l'ONU afin de résoudre ce problème. Nous nous attendons ainsi à recouvrer très bientôt quelque 7,7 millions de dollars, en rapport avec la mission en Haïti seulement.

En conclusion, même si les ressources que nous consacrons au maintien de la paix sont considérables, il ne fait aucun doute qu'il s'agit là d'un bon investissement. D'abord, il ne faudrait pas oublier que le maintien de la paix a permis de secourir des millions de gens. Même les missions qui ont soulevé la critique et qui ont été jugées comme des échecs ont été fort bénéfiques, puisqu'elles ont permis de sauver des vies humaines et d'éviter que certaines situations ne se détériorent.

Ensuite, la contribution du Canada au maintien de la paix est bien reconnue partout dans le monde. Le professionnalisme et le haut degré de compétence de nos troupes nous ont acquis une réputation enviable. Le respect dont nous faisons l'objet en tant que pays, grâce à nos réalisations en maintien de la paix, nous aide à réaliser nos grands objectifs sur la scène internationale.

J'aimerais maintenant demander au vice-amiral Murray de vous parler des questions qui touchent les Forces canadiennes.

Vam Murray: Merci, monsieur le président.

Je suis heureux, moi aussi, d'être ici aujourd'hui pour discuter du rapport du vérificateur général sur le maintien de la paix. La sous-ministre a déjà traité de certaines des questions concernant les ressources et la politique relative au maintien de la paix. Par conséquent, je vais plutôt mettre l'accent sur les questions opérationnelles.

Étant donné le peu de temps dont je dispose, il serait difficile d'aborder tous les points qui sont soulevés au chapitre 7 du rapport du vérificateur général. Je vais donc me concentrer sur certaines questions fondamentales, et j'espère que pendant la période de discussion, nous aurons l'occasion d'aborder d'autres sujets.

Je vais commencer par une observation générale. Le rapport du vérificateur général contient des jugements assez positifs sur nos récentes contributions en ce qui concerne le maintien de la paix. Cela est encourageant. Je peux également vous dire que, dans les secteurs où le vérificateur général a détecté des problèmes, le ministère et les Forces canadiennes sont le plus souvent d'accord avec son évaluation, et des mesures sont prises pour corriger la situation.

Je voudrais également reprendre un point qui a été soulevé indirectement par la sous-ministre tout à l'heure. À ma connaissance, aucun chef d'état-major de la Défense n'a jamais recommandé et ne recommandera jamais au gouvernement d'envoyer nos militaires en mission sans avoir d'abord évalué les risques, et sans s'être assuré qu'ils ont reçu un entraînement et un matériel adéquats.

.1625

Examinons maintenant le rapport lui-même. L'un des principaux problèmes soulevés par le vérificateur général, c'est qu'il y a eu des failles dans la planification des déploiements concernant les opérations de maintien de la paix. Nous sommes conscients de ce problème, et nous essayons de le corriger de différentes façons.

[Français]

Premièrement, comme le souligne le vérificateur général dans son rapport, nous avons adopté de nouvelles procédures d'état-major pour la planification des missions.

Deuxièmement, nous avons institué un système qui prévoit des visites d'état-major plus fréquentes dans les unités déployées. Le but de ces visites est de surveiller ce qui se passe, de régler les problèmes et de signaler toute nouvelle difficulté au Quartier général.

Troisièmement, nous sommes d'accord pour dire que les leçons retenues des opérations de paix devraient être mises en pratique plus rapidement. La création du nouveau Centre des leçons retenues de l'Armée de terre montre que les Forces canadiennes prennent cette question très au sérieux.

Cela dit, je tiens à souligner que, d'une façon générale, nous avons déjà un excellent processus de prise de décision. En effet, les Forces canadiennes utilisent tous les moyens disponibles pour évaluer la faisabilité et le bien-fondé de notre participation aux missions de paix. Nous savons qu'il y a certaines lacunes, mais nous intervenons rapidement pour y remédier.

[Traduction]

Maintenant, je voudrais dire quelques mots sur la constitution des forces, un sujet qui a été aussi abordé par le vérificateur général. Plusieurs éléments s'y rattachent, y compris la qualité de l'équipement, l'augmentation de l'effectif de la Force terrestre et l'utilisation des réservistes.

Il est difficile de porter un jugement définitif et exhaustif sur la qualité de l'équipement, surtout dans le nouveau contexte des opérations de paix. Je sais qu'on a exprimé certaines inquiétudes au sujet de la pratique des achats d'urgence et de leur rentabilité. Je partage ces inquiétudes. Cependant, les achats d'urgence peuvent être une réaction parfaitement appropriée à un besoin soudain ou imprévu. Chaque fois que nos troupes se heurtent à un problème sur le terrain, nous avons le devoir de proposer au moins une solution provisoire adéquate, jusqu'à ce qu'on trouve une solution à long terme.

Je pourrais ajouter que la décision annoncée, l'an dernier, par le gouvernement d'acquérir 240 transports de troupes blindés montre que nous planifions à long terme. Cela m'amène à un autre sujet, soit l'importance de doter les forces canadiennes d'un programme d'immobilisations adéquat. La stabilité du financement est indispensable si nous voulons avoir un programme d'immobilisations rationnel à long terme.

[Français]

Je voudrais également vous rappeler que dans le Livre blanc sur la défense, nous avons pris l'engagement d'augmenter l'effectif de la force terrestre. En augmentant le niveau d'effectif des unités, nous réduirons la nécessité de renforcer les unités choisies pour des missions de paix en empruntant du personnel à d'autres unités de la Force régulière. Nous éviterons également de perturber l'instruction collective et nous aiderons à maintenir l'état de préparation de la Force terrestre.

De nombreuses autres questions méritent notre attention, et j'aimerais en mentionner quelques-unes.

Je mentionnerai d'abord l'instruction militaire. L'examen sur la formation au maintien de la paix commandé par le sous-chef d'état-major est terminé, et nous espérons appliquer les nouvelles normes de formation d'ici la fin de décembre 1996.

[Traduction]

En 1995, nous avons complété une étude exhaustive des services médicaux des Forces canadiennes. En conséquence, nous accordons désormais plus d'importance au soutien médical qu'il convient d'apporter aux opérations des Forces canadiennes.

Au cours des dernières années, nos forces armées ont élaboré un programme de gestion du stress dans les Forces canadiennes. Un comité spécial sur le stress a aussi été constitué sous l'égide du chef des services de santé. Il a pour but de coordonner la prestation de conseils professionnels visant toute activité susceptible de causer du stress, que celui-ci soit lié au déploiement ou causé par de graves incidents, ou qu'il s'agisse de stress post-traumatique.

Enfin, nous nous penchons sur la question des réservistes déployés en opérations de maintien de la paix. En effet, sur quelque 2 050 militaires déployés à l'étranger, 10 p. 100 sont des réservistes. Nous sommes en train de restructurer les réserves dans le but d'augmenter leur efficacité opérationnelle et d'améliorer également certaines politiques relatives au personnel de réserve.

Maintenant, je suis prêt à traiter en plus grand détail de n'importe lequel de ces sujets avec les membres du comité.

Merci, monsieur le président, je crois que nous sommes maintenant tous prêts à répondre à vos questions.

.1630

[Français]

Le président: Merci, madame et messieurs. Avant de passer la parole à M. de Savoye pour le premier tour de dix minutes, j'aimerais poser une question d'à peu près 80 millions de dollars.

Le vérificateur général nous dit que la valeur de l'équipement qui vous a été confié dans les missions de paix qui ont été étudiées s'élève à 822 millions de dollars. De ces 822 millions de dollars, il y a 80 millions de redressements inexpliqués, 13 millions de pertes dues à des incendies, des vols, etc. qui sont demeurés sur le terrain.

Le vérificateur général conclut au paragraphe 7.121:

Le vérificateur dit au ministère:

Il nous donne des exemples. Trois cents conteneurs maritimes ont été envoyés en Somalie sans aucun document. Sur 31 Jeep envoyés en Haïti, il en arrive 29 sans qu'on sache pourquoi. On dit que c'est probablement une erreur d'écriture. Apparemment, vous êtes capables de nous donner une explication sur les deux Jeep perdus en mer, mais j'aimerais en avoir aussi sur les 300 conteneurs envoyés sans aucun document en justifiant le contenu.

Madame Fréchette, je suis déçu de votre présentation, parce que j'ai trouvé, avec respect, que vous avez ni plus ni moins banalisé la situation. Le vérificateur a accordé une très grande importance à toute la question de la gestion des stocks, et vous dites que vous saviez que vous aviez des faiblesses. Vous nous avez répondu que le moyen qui a été mis au point par le ministère, c'est que deux fois l'an, on donne un cours de logistique des Nations unies et un cours sur les aspects financiers. Avec ça, on va régler toute cette question des 80 millions de dollars.

Vous savez que nous, les élus des trois partis, avons à rendre compte sur la façon dont l'argent des contribuables est dépensé. Vous savez qu'on n'a pas été capable de retrouver une partie importante des documents. Où sont allés ces documents? Disons qu'il y a une présomption. En tout cas, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Fréchette: Tout d'abord, monsieur le président, je m'excuse si vous avez jugé que ma présentation traitait à la légère un montant d'argent aussi important que 80 millions de dollars. Ce n'était certainement pas mon intention.

Dans ma présentation, je vous ai donné un exemple, et ce n'en était qu'un. Le ministère a fait ou fait actuellement beaucoup d'autres choses pour resserrer ses méthodes de contrôle sur la matériel qui est envoyé dans nos missions de la paix.

D'abord, nous avons fait une revue exhaustive de nos procédures et de nos méthodes et cela a donné naissance à une cinquantaine de recommandations dont certaines ont trait à une meilleure formation.

Il y a beaucoup de problèmes qui ont été découverts dans le contexte de l'analyse du Rapport du vérificateur général, problèmes qui tiennent à la mauvaise application de procédures. Nous avons des procédures qui sont détaillées et adéquates, mais qui ne sont pas nécessairement appliquées avec toute la rigueur qui s'impose dans ces cas. La dimension formation n'est pas à négliger.

Une des raisons des contradictions est qu'il y a eu des erreurs d'entrées de fournitures; il y avait de la confusion dans le système, et souvent, les missions de la paix devaient faire affaire avec plusieurs bureaux à Ottawa.

Nous avons créé une unité qui fonctionne maintenant à Montréal et qui devient le point de contact central, le point de contact unique pour le maintien de la paix, de sorte qu'il y a un meilleur contrôle au point de départ et au point d'arrivée.

On a aussi pris des mesures pour améliorer notre système informatique. Nous ne sommes pas encore au bout de nos peines, mais il y a tout un programme qui est en marche pour moderniser notre système informatique. Il n'est pas encore satisfaisant au point de nous rendre tous les services dont nous avons besoin pour gérer et contrôler ce genre de matériel.

.1635

Sixièmement, nous avons institué un programme de contrôle plus serré des équipements. On a des équipes qui peuvent aller inspecter sur place.

Vous m'avez demandé des questions précises quant à l'histoire des camions. C'était strictement une question de mauvaise entrée dans le programme de l'ordinateur. Au point de départ, au Canada, on a entré dans l'ordinateur 31 camions sous un code identique. Or, ces camions, qui se ressemblaient beaucoup en fait, appartenaient à deux catégories différentes. À l'autre bout, en Haïti, on a noté l'arrivée de deux camions avec ces codes.

Par la suite, notre système informatisé s'est rendu compte qu'on avait enregistré sous un code 31 camions alors qu'il en existait seulement 29. Il y a eu un deuxième enregistrement des deux camions avec leur code supplémentaire. À un moment donné, il y a eu 33 camions dans le code plutôt que 31, ce qui a créé de la confusion à l'autre bout. Notre expert, M. Lagueux, m'accompagne et il est bien mieux placé que moi pour vous expliquer les détails.

C'est une question d'enregistrement, d'input dans le programme de l'ordinateur, et la question est maintenant élucidée. On a envoyé de la documentation au vérificateur général, et celui-ci est satisfait.

Il y a d'autres exemples.

Le président: Pourriez-vous vous en tenir aux 300 conteneurs sans document?

Mme Fréchette: On ne peut pas dire qu'il n'y a eu aucun contrôle. Il y a eu un manque de conformité entre ce qui est entré dans le conteneur et ce que le contingent avait de l'autre côté.

Si vous voulez, je peux demander à M. Lagueux de venir vous en dire plus long sur les 300 conteneurs.

Le président: Non. Quand le vérificateur général parle de l'absence de document d'identification approprié, qu'est-ce que cela veut dire?

Mme Fréchette: Est-ce que je peux demander à M. Lagueux de venir nous donner une explication plus technique là-dessus?

Le président: Le rapport ministériel sur la mission en Somalie signale qu'il y a eu un manque de rigueur dans le contrôle des stocks qui étaient expédiés dans ce pays.

M. Pierre Lagueux (sous-ministre adjoint (matériels), ministère de la Défense nationale): Monsieur le président, je crois qu'on fait allusion à plusieurs conteneurs qui sont revenus de la Somalie et qui, malheureusement, n'étaient pas accompagnés de la documentation requise.

Il faut se rappeler que dans le temps, il se passait beaucoup de choses en Somalie. Malheureusement, la documentation n'accompagnait pas les conteneurs, comme l'exigent nos procédures et nos politiques.

Ça ne veut pas dire qu'il manquait de l'équipement ou que celui-ci était perdu ou non approprié, mais plutôt qu'il a fallu quelque temps pour vérifier ce qu'il y avait dans les conteneurs et s'assurer que tout y était.

C'était vraiment une question de documentation qui n'a pas suivi le matériel et qui aurait dû être là.

Le président: Merci. Monsieur de Savoye.

M. de Savoye (Portneuf): Madame, messieurs, j'ai dans la partie est de mon comté la base militaire de Valcartier. J'ai beaucoup d'estime pour tous ces jeunes hommes et ces jeunes dames qui participent aux missions de paix. Je sais qu'ils le font avec beaucoup de détermination et de courage, et que leurs familles aussi font preuve de courage.

Quand je vois le vérificateur général nous parler de lacunes opérationnelles, je me demande si on s'assure bien que ces jeunes gens qu'on envoie à l'étranger ont l'entraînement, la formation, le matériel et les mesures médicales nécessaires pour assurer au mieux le service de leur mission et leur sécurité.

Ce que vous m'avez dit ne m'a pas vraiment convaincu. Je m'aperçois aussi que sur la question de la gestion du matériel, tout comme le soulignait M. le président, on donne un exemple de formation par des cours de logistique des Nations unies.

.1640

Je présume que c'est l'exemple le plus probant, celui qui est de nature à nous rassurer davantage. Eh bien, non, cela ne nous rassure pas. Enfin, moi, cela ne me rassure pas.

Vous avez donné d'autres explications, madame Fréchette, qui m'apparaissent tout à fait sensées. Je présume que vous aurez l'occasion très prochainement de faire parvenir au greffier de ce comité une liste de toutes ces actions que vous mettez en oeuvre pour corriger la situation.

Il n'en reste pas moins qu'au-delà des 80 millions de dollars en équipements se sont évaporés, pour lesquels on n'a aucune documentation, et qu'il y a 300 millions de dollars qui, en principe, seraient restés sur le terrain. Le Bureau du vérificateur général nous disait que, vraisemblablement, ils doivent y être puisque c'est ce dont fait état la documentation que le ministère lui a soumise.

Pourriez-vous me dire, madame Fréchette, si vous avez eu l'occasion, depuis que les représentants du Bureau du vérificateur sont passés chez vous, d'opérer le rapprochement entre les 300 millions d'équipements qui sont censés être sur le terrain et la documentation queM. le vérificateur a vérifiée chez vous? Quelles sont les mesures que vous avez mises en oeuvre pour opérer ce rapprochement?

Je vous écoute.

Mme Fréchette: Les commentaires du vérificateur général portant sur l'absence de documentation se rapportaient à un rajustement des comptes à la baisse, pour une somme de80 millions de dollars, rajustement qui ne s'expliquait pas à première vue. Cela ne veut pas dire qu'il y ait 80 millions de dollars d'équipement qui se soient évaporés, et encore moins 300 millions de dollars qui sont toujours là.

Parlons de l'équipement qui est sur place, à l'heure actuelle. Chaque fois qu'il s'effectue une rotation, qu'un groupe quitte le théâtre et est remplacé par un autre, des procédures sont mises en place pour vérifier l'équipement qui reste en place afin que le nouveau groupe en prenne la responsabilité.

Il y a eu, à l'époque, des manquements à ces procédures. On n'a peut-être pas toujours fait ce travail avec tout le soin nécessaire et rempli tous les papiers nécessaires pour opérer ce transfert. C'est une des choses que nous avons améliorées. Maintenant, à chaque rotation, un système beaucoup plus rigoureux permet de rendre compte de l'équipement et de tout le matériel qu'on passe à son successeur. De plus, nous avons une équipe spécialement destinée au soutien des troupes, qui peut être envoyée sur le terrain pour aider au transfert, par exemple, des livres.

Il faut se rendre compte que nos missions de maintien de la paix oeuvrent dans des conditions qui ne sont pas toujours très faciles.

Je suis allée en Bosnie au mois de juin dernier, quand les casques bleus s'y sont déployés. Presque rien ne fonctionnait dans le pays et la priorité était de s'organiser aussi bien que possible.

Il peut donc arriver qu'au cours de certaines opérations, l'application des procédures administratives dans tous leurs détails soit négligée. Cependant, nous reconnaissons, avec le vérificateur général, qu'il y avait place pour beaucoup d'améliorations et je pense que nous les avons apportées.

M. de Savoye: Pour répondre à ma question sur les 300 millions de dollars d'équipement qui sont sur le terrain et pour lesquels le Bureau du vérificateur dit avoir vu les documents au ministère, avez-vous, depuis, fait le rapprochement entre cet équipement et les documents que vous avez? À une question que je lui posais la semaine dernière, le vérificateur général m'a confirmé que ce rapprochement n'avait pas été fait. Aujourd'hui, êtes-vous en mesure de nous dire si les papiers et l'équipement correspondent l'un avec l'autre?

Mme Fréchette: Ce que je peux vous dire, c'est que lors de la dernière rotation, en Haïti, il y a eu transfert formel de la liste de l'équipement et du matériel qui étaient entre les mains d'un contingent et qui ont été transmis au contingent suivant.

Cela se fait depuis à peine quelques mois. Là où il y avait des divergences et où on ne pouvait expliquer pourquoi telle pièce ou tel élément manquait, nous sommes en train de faire des ajustements. Ce pouvait être dû à la perte ou à la destruction d'une pièce d'équipement, pour laquelle on n'avait pas rempli de formulaire d'attestation. C'est de ce genre de choses qu'il est question.

Tout ce que je peux vous dire, c'est que nous appliquons des procédures beaucoup plus strictes maintenant, afin de nous assurer qu'on ne perd pas de vue, au point de vue administratif et dans les entrées informatiques, le matériel que nous avons.

Vous m'avez posé des questions quant aux 80 millions de dollars. À la suite du Rapport du vérificateur général, on a entrepris de faire la lumière sur ce montant.

Je peux vous donner des exemples de ce qu'on a découvert. Par exemple, il y a 11 millions de dollars, dans ce montant de 77 millions de dollars, qui étaient inexpliqués et pour lesquels nous n'avions pas de document.

.1645

Nous avons découvert qu'il s'agissait d'une erreur dans les entrées de données, où on a placé dans la colonne «quantité» le numéro de série du matériel en question; on a enregistré comme quantité le chiffre 67 000, alors qu'il s'agissait du numéro de série.

M. de Savoye: Qu'est-ce que vous avez mis dans la case du numéro de série?

Mme Fréchette: Je regrette, monsieur, je n'ai pas la réponse à cela. Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'on est en train d'épurer tout cela pour avoir...

M. de Savoye: Vous êtes en train de me dire que vos systèmes informatiques ne font pas la vérification des numéros de série qui sont fournis, pour voir s'ils sont vraiment dans la base de données, et qu'on peut mettre un numéro de série à la place de la quantité, et peut-être la quantité à la place du numéro de série sans que l'ordinateur ne valide en aucune façon les données qui sont entrées.

Madame, depuis au moins 30 ans, en informatique, on travaille mieux que cela, au moins dans le domaine de la gestion.

J'ai de la difficulté à vous suivre, vraiment.

Cela dit,...

Le président: Je voulais laisser Mme Fréchette terminer.

M. de Savoye: Je vais poursuivre simplement pour obtenir une réponse plus globale, si vous me le permettez, monsieur le président.

Il y a des problèmes de gestion, vraisemblablement, au sein de l'Armée. Vous avez, je le crois, pris conscience qu'il faut les corriger. Cela ne pourra pas se faire du jour au lendemain. Vous avez donc un plan à court, moyen et long terme.

Quelle échéance vous êtes-vous fixée pour que tout soit rentré dans l'ordre?

Mme Fréchette: Vous parlez strictement des contrôles de matériel, ou si vous parlez des réformes...?

M. de Savoye: Je ne parle pas du fonctionnement opérationnel. Je parle de la gestion.

Mme Fréchette: Bon, vous parlez de la gestion. Il faut savoir, monsieur le député, que nous sommes dans une période de transformation en profondeur de tous les systèmes de gestion du ministère de la Défense, transformation causée, en partie, par les réductions budgétaires.

L'objectif qu'on s'est fixé est de réduire au maximum les sommes consacrées aux services de soutien pour en consacrer le maximum à l'appui de nos collègues en uniforme, qui ont besoin d'équipement, qui ont besoin que le maximum d'argent soit consacré à leur formation, à leur préparation et à leur équipement.

Donc, nous sommes amenés à revoir nos méthodes de gestion et à introduire là où c'est possible des systèmes informatiques beaucoup plus sophistiqués que ceux que nous avions.

On a des plans de réforme de l'administration du ministère, de sa structure, de son mode de fonctionnement, qui nous amènent à l'horizon du prochain siècle, à l'an 2000 plus ou moins.

Les ressources pour lesquelles nous passons des contrats au quartier général vont diminuer de 50 p. 100 d'ici l'an 1999. Il y a d'ailleurs un rapport du vérificateur général qui va faire le point là-dessus dans quelques mois.

Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'il va se faire une réforme beaucoup plus approfondie que celle que je vous ai décrite à propos de la gestion du matériel. Celle-ci n'est qu'un élément d'une réforme plus fondamentale de la gestion.

M. de Savoye: Merci.

[Traduction]

Le président: Monsieur Silye.

M. Silye (Calgary-Centre): Merci, monsieur le président.

J'ai quatre sujets à aborder, et je ne dispose que de dix minutes. J'aimerais commencer parMme Fréchette, la sous-ministre.

Vous avez dit que la période de 1991 à 1995 avait été une période d'activité intense, et je suis d'accord, cette période a été riche d'enseignements. J'aimerais m'arrêter un instant sur l'exemple d'Haïti et déterminer quels enseignements on a pu en tirer. Vous nous avez dit que 750 personnes avaient été déployées en Haïti. Nous pouvons aller jusqu'à 1 000. Mais les engagements que nous avions pris parviennent à expiration. Quand prennent-ils fin?

Mme Fréchette: À la fin de novembre.

M. Silye: Autrement dit, à la fin du mois prochain, ces engagements parviennent à expiration. Voyons un peu quelles leçons nous avons tirées de cette expérience. Le vice-amiral a déclaré que vous alliez peser d'une part les ressources et d'autre part les chances de succès, et chercher à vous assurer que notre contribution est positive. Par ailleurs, en attendant d'avoir suffisamment de monde, nous allons essayer de diminuer le stress et les tensions que cela provoque dans nos troupes. Dans ces conditions, qu'avez-vous fait jusqu'à présent pour vous préparer à la décision qui sera prise au sujet d'Haïti? Allons-nous reconduire nos engagements? Allons-nous quitter ce territoire comme nous l'avions annoncé? Au départ, il devait s'agir uniquement de six mois.

Mme Fréchette: C'est au gouvernement de prendre cette décision dans le contexte de négociations qui vont commencer d'ici peu aux Nations Unies. Il va falloir décider si le mandat des forces des Nations Unies en Haïti sera reconduit. En outre, cette décision sera fondée sur deux facteurs: il va falloir déterminer si le gouvernement d'Haïti souhaite le maintien de la présence des Nations Unies sur son territoire, d'une part, et si les membres du Conseil de sécurité sont prêts à autoriser une prolongation de ce mandat, d'autre part. Cette décision-là, à son tour, dépendra d'une évaluation du succès de la mission jusqu'à présent, une évaluation de sa contribution aux objectifs qui avaient été fixés, etc. De notre côté, au Canada, nous procéderons au même type d'évaluation.

.1650

M. Silye: Autrement dit, vous allez attendre jusqu'à la dernière minute au lieu de procéder à une évaluation aux trois quarts du chemin. Est-ce qu'une évaluation préliminaire n'est pas déjà en cours? Est-ce que le ministère, en collaboration avec les Forces armées, n'étudie pas un rapport pour chercher à déterminer si nous sommes parvenus à nos objectifs, si nous n'y sommes pas parvenus, si...? Est-ce que vous êtes prêts, ou bien vous contentez-vous d'attendre les directives des Nations Unies?

Mme Fréchette: Pour commencer, cette évaluation, nous la faisons quotidiennement, car nous suivons de très près l'évolution de la situation. Nous analysons régulièrement et nous évaluons les développements dans ce pays, nous évaluons les risques et la viabilité de la mission. C'est donc un processus permanent. D'ordinaire, bien avant qu'une décision ne soit prise, en collaboration avec les Affaires étrangères, nous rédigeons des évaluations plus officielles à l'intention de nos ministres. Nous devons également donner des instructions à notre mission à New York pour lui permettre de...

M. Silye: Vous pensez que nous allons rester là-bas six mois encore?

Mme Fréchette: C'est au gouvernement d'en décider.

M. Silye: D'accord.

J'aimerais maintenant m'adresser au vice-amiral Murray. Personnellement, je considère que les effectifs de nos forces armées sont insuffisants. Nous n'avons pas suffisamment de troupes, et en même temps, nous manifestons un enthousiasme excessif quand il s'agit de participer à quelque chose. Nous avons bonne réputation, nous pouvons être fiers de notre armée, mais je pense que nous prenons parfois des engagements excessifs, et que nous devrions faire preuve de plus de circonspection.

En ce qui concerne les enseignements tirés et les chances de succès, j'ai entendu dire que les critères avaient une très grande importance. Mais il faut commencer aussi par définir le rôle des forces armées et il est impossible de faire plaisir à tout le monde et, en même temps, de faire plaisir à nos propres citoyens et de protéger nos propres frontières. À propos de l'importance du budget de la Défense et du rôle des Forces armées, tenant compte du mandat que nous avons maintenant dans le cadre du Livre blanc, un mandat assorti d'une somme de 10 milliards de dollars, j'aimerais savoir si, à votre avis, 10 milliards de dollars, c'est une somme justifiée ou bien si nous devons reprendre les calculs à zéro et remettre en question le rôle même des Forces armées canadiennes?

Vam Murray: Là encore, c'est une question qu'il vaudrait mieux poser au gouvernement et non pas à moi. Personnellement, je considère que le financement actuel est compatible avec les objectifs du Livre blanc. En supposant que ce financement continue sous une forme ou une autre, en supposant que les économies mentionnées par Mme Fréchette dans le cadre de toutes les initiatives, des centaines, peut-être même des milliers d'initiatives qui sont en cours dans tout le ministère pour améliorer l'efficacité, pour faire les choses plus intelligemment et à meilleur marché, en supposant que nous réussissions à diminuer les effectifs des hautes sphères du quartier général de 50 p. 100 et que nous puissions réaliser toutes les économies que nous pensons pouvoir réaliser, eh bien, je pense que la politique actuelle est solide et faisable.

M. Silye: Merci.

J'ai une question pour Mme Fréchette au sujet du matériel. Il y a quelque chose que je ne comprends pas dans le Livre blanc. J'aimerais savoir où nous en sommes en ce qui concerne les sous-marins, les hélicoptères et tout ce vieux matériel? Qu'allons-nous faire? Allons-nous acheter du matériel nouveau? Allons-nous continuer à réparer le matériel que nous avons? Quelles sont les intentions?

Mme Fréchette: Dans le Livre blanc, il est question de quatre grands projets que l'État étudie actuellement. En ce qui concerne les transports blindés dont l'amiral Murray a parlé dans sa déclaration d'ouverture, on a décidé de commander un premier lot de 240 transports. C'est déjà en cours. Deuxièmement, on a annoncé la décision d'acheter de nouveaux hélicoptères de recherche et de sauvetage.

M. Silye: Combien cela va-t-il coûter?

Mme Fréchette: Environ 600 millions de dollars...

M. Silye: C'est tout? Combien en achetons-nous?

Mme Fréchette: ...pour les hélicoptères de recherche et de sauvetage. On parle de 15 hélicoptères, mais l'importance est le niveau de service, et en fin de compte il pourrait y en avoir 15, 14 ou 13. Cela dépend de ce...

M. Silye: Autrement dit, 15 hélicoptères pour 600 millions de dollars? C'est un bon prix.

Mme Fréchette: Oui. Le travail préliminaire a déjà été accompli. Une demande de propositions officielle sera lancée d'ici peu et les choses suivront leur cours.

.1655

Quant aux deux autres projets, le gouvernement n'est pas encore parvenu à une conclusion au sujet des hélicoptères maritimes. Je crois que M. Collenette a annoncé il y a plusieurs mois que cela ne se ferait pas au cours de cette année financière, mais il reste une décision à prendre. Vous vous souviendrez que le Livre blanc faisait mention des sous-marins, mais plusieurs options sont possibles et le gouvernement va également devoir prendre une décision.

M. Silye: Je passe à mon dernier sujet et ma question s'adresse au Bureau du vérificateur général. Monsieur Rattray, pensez-vous que les réactions du ministère de la Défense à vos observations constituent des solutions qui résoudront les problèmes que vous avez signalés dans votre vérification?

M. Rattray: Monsieur le président, nous sommes heureux d'entendre parler des progrès accomplis, et également des plans d'action futurs. Nous avons pour politique d'assurer un suivi beaucoup plus détaillé, et c'est ce que nous allons faire, après quoi nous présenterons un rapport au Parlement en 1998. D'ici là, nous aurons eu la possibilité de vérifier de façon beaucoup plus approfondie les résultats des activités et des plans dont on vous a parlé aujourd'hui.

M. Silye: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, Jimmy.

Monsieur Hubbard.

M. Hubbard (Miramichi): Merci, monsieur le président.

Pour commencer, je reviens aux normes - et c'est une question que j'ai déjà posée la semaine dernière - pour mesurer la demande médicale et nos objectifs, nous utilisons diverses normes. Nous avons les normes de l'OTAN, nous avons les normes d'autres armées, nous avons également le Livre blanc. Dans l'ensemble, si nous utilisons les normes du Livre blanc, nous constatons des lacunes dans plusieurs domaines. À l'époque, en 1994, le Livre blanc était probablement fondé sur certaines attentes. Aujourd'hui, en 1996, dans quelle mesure avons-nous atteint les normes fixées par le Livre blanc?

Vam Murray: Je vais commencer. Vous voulez que je parle surtout de l'aspect médical, ou bien préférez-vous une réponse plus générale?

M. Hubbard: Une réponse plus générale. Nous avons eu des détails sur le plan médical, le nombre de lits disponibles, etc. Mais dans l'ensemble, par exemple tout ce qui concerne certains effectifs pour les forces terrestres, la marine et les forces aériennes et des délais de déploiement très courts, est-ce que nous sommes prêts à atteindre cet objectif, je parle des trois groupes, plus une aile, plus...

Vam Murray: À mon avis, nous faisons des progrès satisfaisants, mais nous ne sommes pas encore parvenus au but. Il reste du chemin à parcourir. Comme Mme Fréchette et moi-même vous l'avons dit, nous avons tiré des enseignements précieux d'une période très intense de maintien de la paix et d'autres opérations auxquelles nous avons pris part depuis la Guerre du Golfe en 1990.

En ce qui concerne la formation en matière de maintien de la paix, nous avons mis en place... Sous la direction du chef adjoint et des commandants des forces terrestres, nous avons effectué plusieurs études qui sont à la base de ce rapport. Nous avons adopté des normes opérationnelles en ce qui concerne le déploiement rapide. Nous avons également adopté des normes en ce qui concerne le combat.

Quant à la formation collective dont le vérificateur général a parlé, nous nous attaquons actuellement à cette question. Toutefois, dans ce contexte, je ne voudrais pas vous donner une fausse impression; en effet, les normes d'entraînement au maintien de la paix qui ont été observées dans toutes les unités déployées depuis 1991 ont, en fait, été très élevées. Toutes les unités déployées avaient subi une excellente formation et possédaient le matériel nécessaire à la mission qui était prévue au moment de leur déploiement.

Quant aux enseignements tirés de ces expériences, dans les trois armes, nous avons mis sur pied un centre des enseignements tirés de l'expérience parce que l'expérience des gens de ma génération pendant les 30 premières années de leur carrière - c'est-à-dire la guerre froide - est très différente de l'expérience de... Chaque opération est unique. Le Rwanda est différent de la Yougoslavie qui est différente d'Haïti et différente de l'Angola. Nous devenons de plus en plus flexibles. D'autre part, nous avons dû apprendre à devenir plus mobiles.

M. Hubbard: Par exemple, quand pensez-vous être prêts à observer la norme voulant qu'on dispose d'une force navale, d'un groupe de brigades ou trois groupes de combats distincts, d'une aile et d'un escadron tactique aéroporté? Si vous considérez ces quatre objectifs, dans quelle mesure êtes-vous à la hauteur des normes et quels sont les points faibles?

Vam Murray: Je vais passer en revue très vite les différentes armes. Je mentionnerai probablement en premier lieu les forces navales à cause de l'arrivée des frégates de patrouille dont on peut dire que ce sont les meilleurs navires du monde, des navires développés dans une grande mesure par l'industrie et par la technologie canadiennes, et également à cause de la présence des destroyers modernisés qui sont, littéralement, parmi les meilleurs du monde dans cette catégorie. Bref, nous sommes tout à fait capables de respecter nos engagements en ce qui concerne les forces terrestres que nous nous sommes engagés à fournir sur chacune des côtes, sans parler de nos engagements dans le cadre de STANAVFORLANT.

.1700

En ce qui concerne l'aviation maritime, il est évident que l'hélicoptère nous pose un problème et que, effectivement, nous avons besoin d'un nouvel hélicoptère. L'aéronef Aurora doit être modernisé mais, pour l'instant, sa capacité est raisonnable. Nous avons également des lacunes par rapport à nos sous-marins, mais il faut dire qu'on a perfectionné les systèmes de conduite de tir et d'autres équipements des trois sous-marins au cours des dernières années.

Pour ce qui est de l'aviation, il faut moderniser les hélicoptères, mais nous sommes en train d'acheter de nouveaux hélicoptères tactiques afin d'appuyer nos forces terrestres. Nous sommes en train d'acquérir de nouveaux hélicoptères de recherche et sauvetage. Notre flotte de transport tactique a fait un travail magnifique pendant toutes ces opérations et a souvent joué le rôle de héros méconnu, en protégeant l'accès à Sarajevo et à Kigali. Ces appareils sont dotés d'un équipage bien entraîné et de systèmes modernes de guerre électronique qui leur ont permis de poursuivre leurs opérations. Nous n'avons pas suffisamment d'appareils ainsi équipés, et nous avons donc mis sur pied un projet dans le but d'équiper toute la flotte de transport.

C'est l'Airbus qui nous permet d'assurer les ponts aériens stratégiques. À l'heure actuelle, il est en train d'être converti en transport de fret. Donc nous progressons. Il faut également moderniser notre flotte d'avions de chasse et, à cet effet, un programme pour le F-18 est en cours de planification dans les limites du budget dont nous croyons disposer.

Il y a donc quelques difficultés en ce qui concerne l'aviation, mais nous pouvons y faire face. De plus, nous avons fait en ce qui concerne les forces terrestres beaucoup de progrès qui n'ont pas en fait autant retenu l'attention. À l'heure actuelle, un important projet vise à moderniser tout le système de commandement et de contrôle. Nous aurons bientôt de nouveaux véhicules RECO qui sont parmi les meilleurs au monde. Les TTB, seront, comme je l'ai déjà dit, remplacés. Pour ce qui est de notre capacité d'appui-feu direct, nous planifions une révision modeste du char d'assaut Leopard, et plus tard, une amélioration de sa capacité d'appui-feu direct.

Le ministre Young examine attentivement certains projets et j'imagine qu'il devrait annoncer quelque chose à leur sujet bientôt.

Comme je l'ai dit, nous venons de remplacer les hélicoptères de l'armée. Il existe quelques défis à relever toujours, mais, en toute honnêteté, je peux vous affirmer que, de façon générale, tout va assez bien.

M. Hubbard: J'aimerais également vous parler de l'entraînement. Les préoccupations semblent être importantes à cet égard, et j'imagine que c'est dû en partie au fait que bien des unités ne pouvaient faire d'exercices car bon nombre de leurs groupes étaient déployés à des missions de maintien de la paix et de pacification. Il semble donc exister un problème important pour ce qui est du nombre d'exercices considérés par le vérificateur général comme étant nécessaires au maintien d'une armée en état de préparation.

Il y a probablement deux corollaires dont il faut tenir compte. Premièrement, le maintien de la paix exige-t-il un entraînement spécial que nous n'offrons pas au niveau général? Deuxièmement, comment pouvons-nous remédier à certains de ces problèmes avec l'entraînement? Parce qu'il semble également qu'il y ait des officiers qui sont promus sans avoir eu d'expérience pratique des postes de commandement qu'ils détiennent. Je crois qu'il pourrait être très difficile d'imaginer qu'un major ou un commandant puisse gravir les échelons sans avoir eu l'occasion, lors d'un exercice, de commander une compagnie, ou sans avoir la formation voulue. Est-ce que cela constitue un problème? Dans l'affirmative, comment vous proposez-vous de le régler?

Vam Murray: Monsieur le président, la question soulevée par M. Hubbard ainsi que l'intensité des opérations pendant cette période expliquent en partie pourquoi l'instruction collective au plus haut niveau a été négligée pendant cette période. J'aimerais séparer l'entraînement au maintien de la paix de l'instruction collective, mais je tiens à dire que, de notre point de vue, le meilleur gardien de la paix est, en fait, un soldat bien entraîné, mais en raison du nombre d'unités déployées dans le cadre d'opérations de maintien de la paix, l'instruction collective de haut niveau offerte à la brigade a été négligée pendant ce temps. Cela ne fait aucun doute.

J'aimerais d'abord discuter de l'entraînement au maintien de la paix et ensuite de l'instruction collective. Comme je l'ai dit, nous croyons que nous avons su tirer des leçons, mais je dois dire que pendant cette période nous avons offert à nos troupes une bonne formation intensive avant chaque déploiement. La publicité récente en ce qui concerne les efforts du PPCLI dans la région de Medac - ils ont reçu une très bonne formation à Fort Ord en Californie, avant d'y aller, témoigne de nos efforts. Nous étions inquiets du nombre requis et cela fait partie du défi que représente l'instruction collective et explique en partie pourquoi le Livre blanc et le comité mixte spécial ont recommandé une augmentation d'environ 3 000.

.1705

Le vérificateur général a soulevé quelques préoccupations en ce qui concerne nos progrès. Je peux vous dire que nous avons, à l'heure actuelle, 2 173 soldats en place - je peux vous énumérer leurs fonctions si vous le désirez - et nous avons 800 soldats qui participent à notre programme de formation et qui seront donc entièrement formés, au niveau subalterne, d'ici l'été prochain. Si on additionne ces deux chiffres, cela donne 3 000. Nous allons pouvoir respecter cet engagement d'ici l'été prochain, ce qui nous permettra, comme je l'ai dit dans ma déclaration, d'avoir des unités complètes. De cette façon, nous ne serions plus obligés de faire ce que nous avons déjà fait par le passé, lorsque l'activité était vraiment intense, c'est-à-dire prendre une compagnie d'une unité afin de constituer un bataillon complet. L'instruction collective subit un dur coup lorsqu'il faut mélanger les unités de cette façon. Cela dit, nous avons reconstitué l'unité avant que cette dernière reçoive la formation nécessaire à l'opération, ce qui signifie que tous avaient reçu une formation complète avant le déploiement.

En ce qui concerne l'instruction collective, en augmentant le nombre de participants et en faisant certaines choses, comme l'a signalé le vérificateur général dans son rapport, nous avons pu respecter les normes de capacité opérationnelles dans les forces navales et aériennes, et nous sommes, à l'heure actuelle, en train de faire la même chose pour nos forces terrestres. Nous allons alors établir des normes de combat et il y aura une reddition des comptes en ce qui concerne l'instruction collective à tous les niveaux. Ce sera toujours pour nous un défi que de s'assurer que toutes les brigades reçoivent la formation collective voulue, mais nous faisons des progrès, nous allons continuer d'en faire, et vous avez tout à fait raison lorsque vous dites que les commandants doivent avoir ce genre d'expérience.

M. Hubbard: Si on nous demande d'envoyer 600 ou 800 soldats en Afrique centrale, seront-ils prêts? Combien de temps nous faudrait-il pour les déployer?

Vam Murray: Je vais commencer et ensuite je demanderai au général Roy de répondre.

Pour les questions de cette nature, il va falloir examiner de très près la situation qui existe sur le terrain. La mission envisagée, avec des troupes canadiennes dans le cadre d'une coalition, est-elle réaliste? Il faut donc examiner cette question de très près. Nous avons en attente un bataillon qui est censé être prêt à passer à l'action, mais il faudrait quand même un certain temps pour s'assurer qu'il est prêt pour cette opération en particulier.

Le général Roy voudrait peut-être apporter quelques précisions.

Lgén Roy: Au cours des dernières années, nous avons dû abandonner l'instruction collective au niveau divisionnaire. Le dernier exercice divisionnaire de l'armée remonte à 1992. Normalement, ce genre d'exercice a lieu à tous les deux ans pour s'assurer que l'entraînement de tous les niveaux de commandement correspond à leurs besoins.

En 1995, nous n'avons offert cette instruction collective qu'au niveau de la brigade, le niveau inférieur, et pendant cette période, la formation a été donnée au niveau de l'unité et des sous-unités, c'est-à-dire au niveau de la compagnie et du bataillon auquel vous avez fait allusion. Cette formation les prépare très bien aux fonctions de maintien de la paix.

Si le gouvernement nous demandait demain de participer à une nouvelle mission, une période de formation serait nécessaire, et à l'heure actuelle il faut compter 90 jours pour préparer une unité qu'on veut déployer à une mission de maintien de la paix. En sus de l'instruction collective donnée au niveau de l'unité, nous offririons une formation qui viserait les fonctions de maintien de la paix en particulier, en passant en revue toutes les leçons tirées des missions récentes dans le but de nous assurer que nos soldats seraient bien préparés en vue du déploiement. À l'heure actuelle, il faut 90 jours pour le faire.

Vam Murray: Monsieur le président, compte tenu des leçons que nous avons tirées ces dernières années, nous avons entraîné... En fait, nous avons invité des organisations non gouvernementales à participer à un important séminaire à Kingston. Ce projet, appelé Opération Griffon, concerne l'envoi de secours humanitaires avec peu de préavis impliquant des appareils de transport, des installations médicales, l'appui du génie et la sécurité sous forme d'une compagnie d'infanterie. Nous pouvons réagir très rapidement et mobiliser cette force relativement vite, mais il s'agit dans ce cas-là de secours humanitaires.

M. Hubbard: Merci.

[Français]

Le président: Juste avant de passer à la période des questions de cinq minutes, j'aimerais demander à Mme Fréchette si le retrait des troupes a déjà commencé en Haïti. Vous disiez plus tôt à M. Silye que le retrait devrait normalement se faire d'ici la fin novembre, à moins que le gouvernement en décide autrement.

.1710

Mme Fréchette: Non, selon la pratique des Nations unies, le retrait commence à la fin du mandat, à moins qu'il y ait une décision intérimaire du Conseil de sécurité pour un retrait graduel. Le retrait ne commencerait donc pas avant la fin novembre de toute façon s'il n'y avait pas renouvellement.

Le président: Je crois déceler une contradiction dans vos chiffres. Peut-être s'agit-il d'une erreur typographique. Au deuxième point de la page 2, vous affirmez que le Canada:

Mme Fréchette: Mille trois cents militaires composent la force totale des Nations unies. Il n'y a pas seulement des militaires canadiens en Haïti; les autres militaires font partie d'autres bataillons, dont celui du Pakistan.

Il est important de retenir sur ce point qu'au terme des négociations au sein des Nations unies était établi un plafond qui nous semblait irréaliste par rapport à la tâche à accomplir. Le Canada avait alors dit que même si les Nations unies n'avaient voté que pour la présence de 600 militaires, nous croyions que la présence de 1 300 d'eux était nécessaire et nous étions disposés à combler la différence au plan financier s'il le fallait.

Lors de la première des deux étapes du mandat, nous avons assumé tous nos frais. Lors de la deuxième étape, soit la seconde tranche de cinq ou six mois, à la suite d'un accord, les États-Unis ont fait une contribution volontaire pour que le Canada ne soit pas seul à absorber le coût supplémentaire du contingent qui n'était pas couvert par le plafond des Nations unies.

Le président: Merci.

Cinq minutes, monsieur Rocheleau.

M. Rocheleau (Trois-Rivières): Ma question comporte deux volets; l'un porte sur le soutien médical dont fait état le point 15 du document du vérificateur général, et l'autre sur ce que j'appellerais la sécurité des militaires dont on traite au point 17.

Au point 15, on dit:

Je trouve cette situation inquiétante compte tenu de la gravité de la situation potentielle, d'autant plus que dans la réponse, on se contente de dire de façon très laconique qu'on accorde désormais plus d'importance au soutien médical. J'aimerais que vous précisiez davantage cette situation pour tenter de nous sécuriser un peu plus.

Ma deuxième question porte sur la sécurité. Le document du vérificateur général dit que les véhicules militaires actuellement utilisés, le TTB M113 et le véhicule blindé polyvalent Cougar, ont beau être blindés de façon supplémentaire, ils sont quand même tout à fait fragiles face aux tirs d'une balle de 14,5 mm d'une mitrailleuse lourde et même au tir de chars ou de mortiers lourds. On expose à des situations d'insécurité nos jeunes militaires. Personne ne fait état de cette question dans la réponse du ministère de la Défense. J'aimerais que vous nous fournissiez davantage de renseignements à cet égard.

[Traduction]

Vam Murray: Monsieur le président, je vais répondre aux questions et le général Roy aura peut-être quelque chose à rajouter.

Du côté de l'appui médical, je voudrais insister sur le fait que l'appui que nous fournissons à nos troupes, et je crois que le vérificateur général est d'accord là-dessus, a toujours été d'une très grande qualité. Ce débat concernant 200 lits ou 340 lits n'a rien à voir avec nos opérations de maintien de la paix, à mon avis, mais plutôt avec un conflit de haute intensité dans lequel, selon les calculs sur les blessés et pertes de l'OTAN, les Forces canadiennes devraient être pourvues d'un hôpital de 340 lits plutôt que de 200 lits.

En se fondant sur un délai d'avertissement de 18 mois à deux ans et les priorités relatives, on a décidé de mettre l'emphase au départ sur un hôpital de 200 lits. À l'heure actuelle, nous avons complètement repensé nos services médicaux. Nous faisons beaucoup plus dans le secteur privé et notre propre support médical se concentre sur les opérations afin que nous puissions épauler les opérations de maintien de la paix.

.1715

Une des retombées du Livre blanc sur la défense et de l'examen récent des réserves a été la décision d'examiner très attentivement notre planification de mobilisation. Nous nous penchons maintenant sur les retombées d'une restructuration des miliciens, qui sera probablement la formation d'hôpitaux de milice de 350 lits qui nous permettront de prévoir une capacité de 350 lits dans le cas d'une urgence globale tout en pouvant appuyer nos opérations de maintien de la paix normales de façon adéquate partout dans le monde. En fait, dans la plupart de nos opérations, nous sommes pourvus d'hôpitaux d'environ 40 lits, soit en Bosnie et ailleurs.

Le vrai problème, c'est de recruter le personnel chirurgical nécessaire, les anesthésiologistes, etc. Encore une fois, à cause de l'étude sur les réserves, nous en sommes à regarder des façons d'encourager les spécialistes médicaux à se joindre à une réserve hautement qualifiée. Évidemment, cela comporte des incidences financières et autres. Mais si nous pouvions réunir ces deux choses-là, nous croyons que nous pourrions répondre adéquatement à cette exigence pour ce qui est des opérations de maintien de la paix.

Pour ce qui est de l'équipement, je crois qu'il est injuste et irréaliste d'examiner un véhicule contre un système d'armes hors contexte. Prendre un véhicule et dire qu'il ne peut pas résister à une arme en particulier est à mon avis irréaliste.

Lorsque nous allons dans un endroit comme la Yougoslavie, par exemple, il faut évaluer le risque. Il faut regarder le contexte global. Nous devons examiner toutes les forces qui travaillent ensemble. Il faut regarder la situation. Très franchement, dans l'ancienne Yougoslavie, comme tout le monde, nous fonctionnons avec des camions non blindés, des ambulances non blindées. Les ONG se promènent en jeeps et en land rovers sans protection parce que c'est essentiellement une opération de secours humanitaire.

Cela ne veut pas dire que les transports de troupes blindés n'avaient pas besoin de protection additionnelle. Tout ce que je veux dire, c'est que dans notre planification, nous devons regarder la structure globale des forces et nous ne pouvons pas faire en sorte que chaque véhicule puisse résister à un char d'assaut ou à un autre équipement de la sorte.

Cela dit, dans le contexte des véhicules qu'on a critiqués, des véhicules à chaînes, du M-113, un projet important est en cours pour améliorer leur protection. Nous avons ajouté du blindage additionnel et des abris de canon et ils ont également une protection contre les mitrailleuses lourdes de 14,5 millimètres. Cependant, pour être juste envers le vérificateur général, je dirais que nous n'avons pas bouclé la boucle sur papier avec son bureau dans ce contexte. La faute nous incombe donc.

C'est la même chose pour nos Grizzlies et nos Cougars. Nous ajoutons du blindage additionnel à ces véhicules afin qu'ils soient capables de résister à ce genre d'attaque. Pour ce qui est des nouveaux véhicules, ils ont également cette capacité de pouvoir résister à un impact de 30 mm à l'avant et à l'arrière et aux mitrailleuses lourdes sur le côté. Mais encore une fois, je pense qu'ils ne pourront pas résister à une roquette antichar parce qu'ils n'ont pas été conçus pour cela. Il faut donc faire un peu attention avec ce genre de véhicules.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci.

Monsieur Grose, vous avez cinq minutes.

M. Grose (Oshawa): Merci, monsieur le président. Comme d'habitude, j'utiliserai les cinq minutes.

Ayant été très fier d'avoir porté l'uniforme, même dans un rôle mineur, et d'arborer le mot Canada sur mon épaule, je vais dire ce que j'ai à dire avec beaucoup de tristesse. Cela fait trois ans que je siège à ce comité, et selon mon expérience, jamais une aussi mauvaise réplique à un rapport du vérificateur général ne nous a été présentée. On n'a pas répondu aux questions soulevées. À mon avis, beaucoup de ces réponses n'étaient pas crédibles. Par exemple, la semaine dernière, nous avons perdu deux jeeps dans le terrain de stationnement et cette semaine nous les avons perdus dans l'ordinateur.

Je ne fais absolument pas confiance aux gens qui présentent la réponse au rapport du vérificateur général. Je ne leur poserai aucune question parce que je ne fais pas confiance à leurs réponses. Encore une fois, je répète que je suis très triste d'avoir à le dire.

Merci, monsieur le président.

[Français]

Le président: Est-ce que des collègues du Parti libéral veulent...

[Traduction]

Vous utiliserez les trois minutes qui restent.

M. Richardson (Perth - Wellington - Waterloo): Je vais les utiliser, monsieur le président. Merci.

J'aimerais revenir au document d'accompagnement, qui mentionne la Défense nationale dans un certain sens. Le vérificateur général suggère que le ministère responsable dans la plupart des aventures en territoire étranger soit le ministère des Affaires étrangères, et qu'il devrait y avoir un compte rendu des activités à la fin de chaque mission.

.1720

J'aimerais demander au vérificateur général ce qui... Il y aurait des étapes préliminaires, mais la reddition de comptes se ferait par le biais du ministère responsable qui serait les Affaires étrangères dans tous ces débats. Cependant, l'exécutant principal serait la Défense nationale. Dans ce cas-là, les Affaires étrangères devraient déposer leur rapport tel que vous l'avez indiqué à la section VI, page 15. L'exécutant principal sera toujours les Affaires étrangères. Dans ce cas-là, lorsque nous avons pris un engagement à l'étranger, ce ministère sera responsable lors du débat et du vote. Alors il prendra ses ordres du gouvernement.

Je vois votre besoin. Vous essayez de dire que le gouvernement devrait faire rapport au Parlement sur cette mission dans plusieurs catégories, mais j'aimerais savoir ce qui vous a amené à faire cette suggestion. Je crois qu'il s'agit de 6.40 ou 6.41.

M. Kasurak: Oui. Monsieur le président, bien qu'il s'agisse du chapitre sur les Affaires étrangères, nous abordons une question semblable dans ce chapitre dans l'encadré ombré. Nous parlons d'informations pour les parlementaires.

Ce qui nous a menés dans cette direction, ce sont les commentaires de vos collègues des deux comités permanents, qui ont dit qu'ils aimeraient avoir plus de rétroaction pendant et après les missions afin de savoir ce qui s'est passé. Le ministère tient une séance d'information au début des missions, mais, à leur avis, il était possible d'améliorer certaines choses au titre du suivi et de faire un nouveau rapport pour boucler la boucle.

Alors je pense que cela fait partie de la réponse à cette question. L'idée vient vraiment de vos collègues aux comités permanents.

M. Richardson: Merci pour cette réponse. Je pense que les deux partis de l'opposition veulent également une certaine reddition de comptes pour nos gestes. Je pense que les partis de l'opposition vont continuer à en parler. Je suis heureux de voir qu'on en parle ici, mais je ne sais pas comment cela sera accompli du côté de l'action, que ce soit les Affaires étrangères qui fassent tout ou que le gros du travail soit fait par la Défense nationale et le rapport par les Affaires étrangères.

Le président: Monsieur Rattray.

M. Rattray: Monsieur le président, nous n'avons pas pris position là-dessus. Je pense qu'il incombe plutôt au gouvernement de décider quel sera le ministère directeur pour faire des rapports complets. Nous avons donc fait savoir qu'il ne nous appartient pas de dire si ce sera le ministère des Affaires étrangères ou de celui de la Défense. Les deux ministères doivent certainement collaborer pour mener à bien ce projet, mais il incombe au gouvernement de décider lequel des deux sera le ministère directeur.

Le président: D'accord.

[Français]

Monsieur de Savoye, cinq minutes.

M. de Savoye: J'écoute les questions que mes collègues ont posées et les réponses que nos témoins nous ont fournies. Sur le plan des lacunes opérationnelles, à tort ou à raison, j'ai l'impression qu'on a pris des dispositions pour mener les choses dans une direction appropriée.

Mais, du côté des lacunes de gestion, je dois dire que je n'ai pas été satisfait des réponses que j'ai obtenues. J'ai même l'impression que les choses ne vont pas très bien. J'aurais présumé qu'avec un budget de 10 milliards de dollars, nous aurions eu des systèmes de gestion, entre autres informatisés et, comme on le dit si bien en anglais, state of the art, vraiment bons.

Mais peut-être suis-je trop dur dans mon jugement. Alors, je vais m'en référer au Bureau du vérificateur, à M. Rattray, et lui demander si, à son avis, les réponses que nous avons eues, tant du côté des opérations que du côté de la gestion, correspondent à ce qu'il croit être la réalité. Est-ce que j'ai raison de m'inquiéter sur le plan de la gestion ou si, au contraire, les choses vont dans la bonne direction?

Je vous demanderais de m'éclairer, s'il vous plaît.

.1725

[Traduction]

M. Rattray: Merci. Il y a plusieurs points que je tiens à soulever en réponse à votre question.

Tout d'abord, nous sommes en communication avec le ministère depuis le dépôt du rapport sur le maintien de la paix il y a quelques mois. Nous continuons de recevoir des renseignements dans plusieurs domaines; par conséquent nous maintenons un dialogue avec le ministère.

Cependant, comme je l'ai dit dans mes remarques, nous attendons toujours des renseignements au sujet de certaines mesures et de certains projets. Cela représente une grande partie du travail que nous allons sans doute faire d'ici quelques mois afin de pouvoir donner suite à nos commentaires concernant le maintien de la paix dans nos prochains rapports du vérificateur général.

Quant aux questions de gestion que vous avez soulevées avant, il y aura deux chapitres sur cela dans notre prochain rapport, qui sera déposé au Parlement en novembre. Ils traitent du sujet plus vaste du système de gestion, des pratiques et des notions qui existent au sein du ministère et au sein des Forces armées canadiennes. Nous sommes en train de mettre la dernière main à ces chapitres en vue du dépôt du rapport le mois prochain. Il y sera question des sujets qui vous intéressent, comme les pratiques de gestion en général qui sont nécessaires pour faire les changements qui s'imposent selon nous. Le ministère a d'ailleurs reconnu que certains changements sont nécessaires.

La réponse brève, c'est que le rapport de novembre devrait contenir beaucoup des renseignements que vous cherchez.

M. de Savoye: Je crois comprendre que j'ai raison de m'inquiéter. Merci.

M. Rattray: Ce n'est pas ce que j'ai dit, monsieur le président, mais vous pourrez lire le rapport en novembre et tirer vos propres conclusions.

[Français]

M. de Savoye: Ça va, merci.

Le président: Comme vous le savez, je suis un député de la région de Québec, et la base de Valcartier rayonne sur toute la grande région de Québec. Bien que j'aie déjà demandé des vérifications à cet égard et que je doive recevoir ces renseignements sous peu, avant de céder la parole à M. Paradis, j'aurais une question dont je connais la réponse en partie.

Je voudrais revenir sur toute la question de la gestion du stress. Avant tout, un ou une militaire qui va en mission de paix est un être humain qui a une famille. On sait dans quel état certaines personnes reviennent des missions de paix. On en rencontre à nos bureaux le vendredi. Tous les militaires ne sont peut-être pas affectés. Moi, je n'ai pas vu l'horreur des missions en Somalie, en Haïti ou en ex-Yougoslavie, mais je sais dans quel état les gens en reviennent.

Vous dites que vous prenez des mesures visant à faciliter la gestion du stress; elles figurent à la page 7-25 du Rapport du vérificateur général dans l'encadré sur fond gris. Vous allez notamment:

Ces mesures sont-elles actuellement en vigueur, aujourd'hui le 29 octobre 1996? Est-ce que ce sont des voeux pieux ou si ce sont des mesures qui sont effectivement en vigueur?

Vam Murray: Oui, ces mesures sont présentement en vigueur et des améliorations ont été apportées depuis ce rapport. Nous sommes parmi les leaders au monde dans ce domaine. Des améliorations sont apportées après chaque opération. C'est un domaine assez nouveau pour nous. Nous avions envoyé des experts au Rwanda pour aider les Nations unies il y a un an. Nous avons beaucoup appris dans ce domaine depuis le début des opérations. en 1982.

Le président: Depuis quand ces mesures sont-elles en vigueur, monsieur Murray?

Vam Murray: Je crois qu'on a commencé il y a deux ans et nous continuons d'apporter des améliorations étape par étape, de faire des additions, etc.

.1730

Par exemple, nous avons découvert que nous n'avions pas donné assez d'attention à nos réservistes après leur retour à la maison, au Canada. Nous essayons maintenant de le faire. Le lieutenant-général Roy a peut-être plus d'information.

Le président: Lieutenant-général Roy, est-ce qu'on donne une formation anti-stress avant le déploiement?

Lgén Roy: Nous avons commencé ce programme sur le terrain avec l'arrivée des réservistes. Il était relativement plus facile de faire une surveillance et un suivi avec les unités régulières qui avaient l'habitude de se préparer et de partir à l'étranger pour de longues périodes et qui étaient appuyées par une base de soutien qui regroupait toutes les familles de ces militaires.

Lorsqu'on a commencé à recruter des miliciens partout sur le territoire et dans toutes les petites communautés, il a fallu prendre des mesures plus particulières pour faire de la prévention. Comme mesure de prévention, on a un système de séances d'information qui vise d'abord à éduquer les chefs. On a recours au même système pour informer les troupes, les familles et les amis avant le départ.

Durant la mission, il y a une surveillance en connaissance de cause, avec toutes les personnes-ressources dans les domaines psychologique et médical pour nous permettre de déceler et de traiter un problème qui peut être prévenu. Bien sûr, c'est lorsqu'on rentre au pays que le plus gros souci est manifeste, parce que c'est beaucoup plus difficile de faire un suivi. Mais, encore une fois, le programme de suivi est en place. Si vous parlez aux gens de Valcartier, aux gens de la Force régulière qui ont fait moult missions pendant leur carrière et dont les familles sont regroupées à la base de Valcartier, ils ne mettront peut-être pas autant l'accent sur les aspects ce que je viens de décrire. Mais pour les réservistes qui viennent de toutes les régions du Québec, à l'échelle de toute la province, un programme très détaillé et suivi est nécessaire pour nous permettre de faire la prévention souhaitée.

Malgré tous ces efforts, nous ne sommes pas assurés de déceler tous les cas. Il y aura sans doute dans le système des exceptions qui vont nous glisser entre les mains.

Le président: J'ai juste un dernier commentaire. Monsieur Murray, vous disiez plus tôt que vous aviez pris encore plus de mesures que celles que vous vous étiez engagés à prendre devant le vérificateur. Est-ce que vous pourriez fournir par écrit au greffier les mesures que vous avez ainsi prises?

Vam Murray: Oui, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Murray.

Monsieur Paradis, cinq minutes.

M. Paradis (Brome - Missisquoi): Dans un premier temps, mes collègues qui étaient au comité l'an passé, lorsque nous avons entendu des témoins de la Défense nationale, se rappelleront peut-être la préoccupation que je formulais et que j'entretiens toujours au niveau des lacunes de gestion et que partagent certains de mes collègues. On se demande quand on pourra voir le jour où elles seront réglées.

Pour faire un bref rappel, l'année dernière, je demandais à voir l'organigramme de la gestion financière du ministère, dont le budget s'élève à quelque 10 ou 11 milliards de dollars. Vous avez entre les mains le ministère le plus important à Ottawa, celui à qui sont affectées les plus grandes sommes d'argent des contribuables. Nous avons attendu longtemps la dernière fois avant de recevoir un organigramme de la gestion financière qui nous indiquerait qui décide quoi au ministère de la Défense en matière de finances.

Je me rappelle que l'organigramme qu'on nous avait fourni l'an dernier indiquait comment se faisait la prise de décisions militaires, la démarche suivie lorsque le ministère décidait d'intervenir ou non lorsque surgissait un conflit quelque part au monde. C'est ce genre d'organigramme qu'on nous avait fourni; il ressemblait à un plat de spaghetti qu'on virait à l'envers. On ne savait pas où ça commençait et où ça finissait.

Je suis aussi préoccupé aujourd'hui quant à la ligne de direction qui prévaut au sein du ministère pour les décisions financières. Je répète que ce ministère dispose du plus gros budget. On dirait que c'est si difficile à obtenir. Le budget est peut-être tellement gros qu'on ne sait plus par quel bout commencer. Il doit toutefois y avoir quelqu'un en haut de l'échelon ou d'une pyramide quelque part qui pourrait nous expliquer qui décide quoi au plan financier au sein du ministère.

À titre d'exemple, bien que je risque que vous me répondiez rapidement que cette question n'est pas directement liée à votre ministère, je vous parlerai brièvement de la construction faite pour le compte du ministère de la Défense. qui n'est plus administrée par le ministère des Travaux publics, mais qui, selon ce qu'on me dit, suit rapidement vos bons de commande. Dans ma circonscription, quelques jours avant le 21 octobre, on faisait un appel d'offres pour la construction d'une route dans le camp militaire de Farnham.

.1735

Tout se déroule très rapidement: on fait la visite des lieux le 21 octobre, l'offre doit être présentée le 29 octobre, donc aujourd'hui, et la route doit être finie le 31 décembre.

Aucune personne de ma circonscription n'a été informée de cet appel d'offres. Tout se bouscule dans le temps. Nous sommes déjà à la fin d'octobre et il faut que tout soit fini le 31 décembre. J'ai de la difficulté à comprendre la gestion qui prévaut au sein du ministère de la Défense.

C'était là mon entrée en matière et j'aimerais que l'on nous éclaire davantage sur ce sujet.

Ma question est dans un autre ordre d'idées et touche à la réserve. Je reviens aux présentations livrées cet après-midi qui traitent des difficultés que nous rencontrons avec les réservistes dans les missions de paix. On dit qu'ils représentent environ 10 p. 100 des effectifs des missions de paix et, je crois, 25 p. 100 de l'ensemble de notre force ici, au Canada. On me dit que la situation contraire prévaut aux États-Unis, où les réservistes représentent 75 p. 100 de la force, tandis que les 25 p. 100 restants sont constitués de la force à plein temps.

Ma question comporte deux volets et s'adresse soit à madame la sous-ministre, soit au lieutenant-général Roy. Pourquoi a-t-on tant de difficultés avec nos réservistes en matière de préparation et d'affectation? Comment se fait-il que nous fonctionnions avec un voisin aussi important que les États-Unis avec des proportions inversées? Si ces chiffres sont exacts, chez nous, les réservistes représentent le quart de nos forces, tandis qu'aux États-Unis ils en représentent les trois quarts.

Mme Fréchette: Quant à la structure de gestion ou de prise de décision financière du ministère de la Défense, ce ministère est effectivement très gros et très compliqué. Il regroupe plus de 100 000 personnes, compte un très grand nombre d'unités partout au Canada et est composé d'un personnel civil et d'un personnel militaire. Cela peut paraître très compliqué, mais en réalité, le cadre de principes et de politiques est le même que partout ailleurs. Je pense que les lignes d'autorité sont claires. Il y existe des délégations d'autorité à plusieurs niveaux, comme on en trouve dans d'autres ministères.

Je puis vous dire qu'au cours de la dernière année, le quartier général a procédé à une simplification de la structure du ministère de la Défense. Il était effectivement très touffu et comportait beaucoup de niveaux de prise de décision, ce qui pouvait rendre l'organigramme difficile à comprendre et qui n'était peut-être pas non plus ce qu'il y avait de mieux au point de vue de la gestion. Il y a donc eu une simplification de l'organigramme du ministère. On a éliminé quelques niveaux de décision, ce qui va aider.

M. Paradis: Madame Fréchette, est-ce que vous pourriez déposer auprès du comité le nouvel organigramme de gestion financière?

Mme Fréchette: Absolument.

M. Paradis: Merci.

Mme Fréchette: Je céderai la parole au vice-amiral Murray qui pourra répondre à votre question relativement à la réserve.

Vam Murray: Les chiffres qui portent sur les réservistes sont quelque peu différents. Notre force compte actuellement 60 000 militaires réguliers et 30 000 réservistes, donc la moitié.

Cette augmentation de l'ordre de quelque 20 000 ou 30 000 réservistes est le résultat d'une étude faite par un comité spécial il y a un an et demi. Notre ministère étudie actuellement les résultats de cette étude et j'ai bon espoir que les évaluations de la réserve y seront assez favorables.

Dans nos efforts de restructuration, on a besoin de la milice, et la réserve navale a maintenant de nouveaux bateaux côtiers. L'équipement est assez bon et les résultats sont très impressionnants. La même situation se produit dans les domaines de l'aviation et de la communication. Je crois que la plupart de nos efforts s'orienteront vers la milice, où on évaluera l'entraînement, l'équipement, etc. Le lieutenant-général Roy pourrait peut-être vous en parler.

M. Paradis: Quand on parle de la milice, est-ce qu'on parle des réservistes?

Vam Murray: Exactement, oui. On parle des réservistes de l'armée de terre.

Lgén Roy: Les miliciens sont les réservistes de l'armée de terre. Je me permets de préciser les chiffres que citait l'amiral; l'armée de terre compte actuellement 19 000 soldats réguliers et un peu plus de 18 000 miliciens. La proportion de réservistes ou de miliciens dans l'armée de terre est beaucoup plus importante que dans les deux autres éléments.

.1740

En ce qui a trait à votre question au sujet de la différence avec les États-Unis, indépendamment des chiffres, les États-Unis peuvent appeler leurs réservistes et leurs gardes nationaux et les obliger à servir, tandis que chez nous, chaque fois qu'on fait appel à nos miliciens, c'est toujours sur une base volontaire qu'ils viennent s'offrir pour participer à une mission.

M. Paradis: Si nous avions cette notion d'obligation de service lorsqu'on fait appel aux miliciens, nous pourrions ...

Lgén Roy: Je ne vous recommande pas cette approche. Que ce soit pour la force régulière, la milice ou les réserves, nous avons quand même une société de volontaires.

M. Paradis: Merci.

Vam Murray: Sauf pour les situations d'urgence au pays. En vertu de la Loi sur les mesures d'urgence, il est possible d'utiliser des réserves.

[Traduction]

Le président: Monsieur Richardson.

[Français]

M. Richardson: Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Il y a deux ou trois points que l'on trouve sur ces tableaux qui reviennent constamment.

Je sais qu'il y a des tableaux des effectifs de guerre et de paix qu'il faut respecter, général Roy, est-ce qu'on a pu faire des changements d'effectifs ad hoc afin de répondre à la demande énorme d'ingénieurs? Seuls les hommes fantassins voyagent davantage. Si nous n'utilisons que le nombre très limité d'ingénieurs prévu dans le tableau des effectifs de guerre, comme nous l'avons fait pour les trois brigades ou la division, ces gens vont très vite être surmenés par le travail. N'est-il pas possible d'avoir un tableau des effectifs ad hoc pour s'assurer...?

La guerre froide est finie. Les missions de ce genre se multiplient et elles exigent toujours ce genre de services. Il faut pouvoir modifier les tableaux des effectifs pour tenir compte de cette demande très exigeante, surtout parce que nous jouons un rôle de chef de file dans les opérations de déminage.

Vam Murray: Je vais commencer puis je donnerai la parole au général Roy.

C'est une question qui nous préoccupe beaucoup. Notre approche consiste à nous attaquer au problème de nos engagements. Autrement dit, nous n'avons plus les 300 ingénieurs qui sont allés au Koweït et en Yougoslavie. Vous connaissez la structure de l'armée, monsieur Richardson, et nous constatons que nous devons répondre à nos propres besoins.

Nous avons découvert que la nature de ces opérations est différente de celle sur laquelle est fondée la doctrine de l'armée. Nous avons constaté, par exemple, qu'en Grande-Bretagne, le nombre d'ingénieurs par rapport à d'autres métiers est un peu différent. Donc nous examinons ce problème dans le cadre des études sur les réserves qui sont en cours, etc. Mais pour le moment je vous dis franchement que nous avons atténué le problème en limitant nos engagements.

Nous nous efforçons de nous assurer dans la mesure du possible que nos ingénieurs n'ont pas un roulement plus important que celui des autres métiers des forces.

Lgén Roy: Dans le cadre du programme d'amélioration des forces terrestres, sur les 3 000 postes, dont 2 173 ont vraiment été ajoutés, nous avons réparti les postes parmi les métiers dont on a le plus besoin. Il y aura 400 postes d'ingénieur de plus, et 700 postes de plus dans l'infanterie. C'est une décision qui a été prise pour corriger le problème que nous connaissions il y a quelques années.

M. Richardson: Merci beaucoup.

[Français]

Le président: Mes collègues ont-ils d'autres questions pour nos témoins? Non. Mesdames, messieurs, merci beaucoup de votre présence devant le Comité permanent des comptes publics. Je vous dis à la prochaine. Nous aurons sans doute l'occasion de nous revoir.

Le comité ajourne ses travaux jusqu'à demain, mercredi, à 15 h 30 pour une séance à huis clos sur le chapitre 14 du Rapport du vérificateur général de septembre sur la qualité des services.

.1745

La séance est levée.

Retourner à la page principale du Comité

;