[Enregistrement électronique]
Le mardi 22 avril 1997
[Français]
Le président (M. Michel Guimond (Beauport - Montmorency - Orléans, BQ)): Bon après-midi à tous et à toutes. Le Comité permanent des comptes publics se réunit conformément à l'alinéa 108(3)d) du Règlement pour procéder à l'étude du chapitre 30 du Rapport du vérificateur général déposé en novembre 1996 qui traitait du Service correctionnel du Canada et de la réinsertion sociale des délinquants.
Nous avons devant nous cinq témoins. Du Bureau du vérificateur général du Canada, nous accueillons M. Denis Desautels, vérificateur général, Mme Maria Barrados, vérificateur général adjoint, et Mme Patricia MacDonald, directrice des opérations de vérification. Du Service correctionnel du Canada, nous recevons M. Ole Ingstrup, commissaire, et Mme Karen Wiseman, commissaire adjoint aux communications et aux services à la haute direction.
Bienvenue, mesdames et messieurs, devant le Comité permanent des comptes publics. Conformément à l'usage en vigueur à ce comité, le vérificateur général débutera avec des commentaires d'introduction.
M. L. Denis Desautels (vérificateur général du Canada): Monsieur le président, je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner devant le comité pour discuter du chapitre de notre rapport de novembre 1996 sur le Service correctionnel du Canada et la réinsertion sociale des délinquants. Le chapitre porte sur la gestion des activités de réinsertion de quelque 14 500 détenus fédéraux depuis leur sentence jusqu'à leur préparation à la libération. Nous avons effectué dans le passé des vérifications qui portaient sur d'autres aspects de la réinsertion, c'est-à-dire les programmes à l'intention des délinquants et leur surveillance dans la communauté.
Le Service correctionnel a deux responsabilités principales: l'incarcération des délinquants et leur réinsertion sociale en vue de la sécurité du public dans la collectivité. L'incarcération demeure une responsabilité importante, mais ces vérifications ont porté sur la seconde partie du mandat, soit la réinsertion sociale des délinquants en vue de la sécurité du public.
Le Service correctionnel a dépensé 79 millions de dollars en 1995-1996 pour préparer les délinquants à leur libération. Le Service correctionnel se sert d'un processus de gestion des cas pour gérer les sentences des délinquants depuis leur arrivée en prison jusqu'à la fin de leur sentence. Ce processus doit être géré adéquatement, car il lui est reconnu que la protection à long terme de la société est mieux garantie si l'on permet aux délinquants de réintégrer la société en tant que citoyens respectueux des lois.
[Traduction]
Notre vérification visait à déterminer si le processus de gestion des cas est efficient et s'il contribue à la réinsertion sociale des délinquants. Nous avons constaté que le Service éprouve beaucoup de difficultés à gérer les activités de réinsertion afin de garantir la sécurité à long terme du public. De plus, la vérification a confirmé les constatations des vérifications précédentes du Service correctionnel quant aux faiblesses systémiques de la gestion de l'ensemble des activités de réinsertion. Monsieur le président, je suis heureux de signaler que le Service correctionnel travaille diligemment à régler les problèmes cernés au cours de la vérification.
La loi habilitante du Service correctionnel l'oblige à recueillir des renseignements sur l'infraction, les antécédents du délinquant, les motifs de la sentence et toute autre information pertinente. Cependant, le Service correctionnel éprouve des difficultés à obtenir des provinces et des municipalités des documents comme les rapports de police et les mémoires des cours. Le fait de ne pas disposer des renseignements pertinents peut avoir des conséquences graves. Ainsi, un examen, mené par la Commission nationale des libérations correctionnelles en 1995 au sujet de 60 incidents sensationnels (habituellement des crimes de violence commis par des délinquants assujettis à la surveillance communautaire), imputait à des rapports de police et à des documents judiciaires manquants les décisions de libération erronées dans 12 des 60 incidents.
Le Service correctionnel a négocié des ententes d'information avec certaines provinces, bien que les documents ne soient pas toujours disponibles quand le Service en a besoin.
Lorsque le Service correctionnel n'a pas assez de renseignements de source officielle, il peut accorder une importance excessive à la version donnée par le délinquant. Cette situation peut mener à une évaluation imprécise des risques et, par conséquent, à des décisions inadéquates en rapport avec les programmes et la mise en liberté.
[Français]
Faute de pouvoir obtenir tous les documents officiels, le Service n'a pas décidé quels sont les renseignements minimums essentiels. Il n'existe pas de mécanisme officiel qui permet de décider quand on dispose de renseignements suffisants sur un délinquant. Par conséquent, le processus de gestion des cas est figé jusqu'à ce que l'on ait reçu les documents nécessaires.
Au cours de notre vérification, nous avons examiné deux raisons pour lesquelles les dossiers des délinquants ne sont pas traités plus rapidement. Premièrement, on éprouve de la difficulté à obtenir de l'information de source officielle sur les délinquants, comme nous l'avons mentionné. Deuxièmement, les délinquants sont tenus de mener à terme plusieurs programmes en établissement pour corriger leur comportement criminogène. Même les délinquants à faible risque et dont les besoins en matière de programmes devaient être minimes sont soumis à une programmation chargée. Ces deux facteurs font que les délinquants ne sont pas prêts à temps à la date prévue pour leur première audience de libération conditionnelle.
En 1995-1996, pratiquement aucun détenu purgeant une peine de courte durée, soit deux ou trois ans, n'était prêt pour la date de la première admissibilité à la libération conditionnelle. Aux termes de la loi fédérale, le Service correctionnel doit soumettre les délinquants au niveau d'incarcération le moins restrictif possible. Quand le cas des délinquants n'est pas examiné en raison de la lenteur du processus de gestion des cas, le Service correctionnel n'effectue pas au moment opportun un examen du niveau approprié d'incarcération. De plus, le fait de ne pas préparer un délinquant pour qu'il puisse être mis en liberté le plus rapidement possible signifie que l'incarcération est plus coûteuse. Par conséquent, les ressources ne sont pas disponibles pour d'autres activités de réinsertion, comme des programmes de prévention des rechutes une fois que le délinquant a réintégré la collectivité. C'est un sujet sur lequel nous avons fait rapport en mai 1996.
[Traduction]
Nous avons également constaté que la formation des agents de gestion des cas et les normes concernant leur charge de travail, soit le nombre de dossiers à traiter, sont inadéquates. Les agents de correction, ou les gardiens, ne remplissent pas régulièrement leurs fonctions relatives à la gestion des cas, à savoir fournir de l'information pour les recommandations relatives à la mise en liberté. Fait encore plus important, le contrôle de la qualité des recommandations de mise en liberté n'est pas proportionnel au risque que le délinquant présente pour la société.
Monsieur le président, le présent chapitre est le troisième d'une série grâce à laquelle on a cerné les faiblesses systémiques des activités de réinsertion sociale du Service correctionnel. Au cours de ces trois vérifications, nous avons décelé des graves problèmes dans la mise en oeuvre de procédures normalisées, l'établissement de mesures du rendement et de mécanismes de contrôle de la qualité. Bien que le Service correctionnel ait détecté des problèmes dans le volet réinsertion de son mandat, il n'a pas réussi à les résoudre.
Le commissaire du Service correctionnel a donné suite à notre vérification en nommant un Groupe d'étude sur la réinsertion sociale des délinquants et l'a chargé d'examiner les questions que nous avons soulevées, de trouver des solutions et de concevoir un plan de mesures correctives. De plus, un membre de mon personnel, qui était l'un des auteurs du chapitre, travaille actuellement avec le Service correctionnel pour l'aider dans ses travaux en vue d'améliorer les activités de réinsertion.
[Français]
Le Groupe d'étude sur la réinsertion sociale des délinquants du Service correctionnel a soumis son rapport en janvier 1997. Celui-ci présente un cadre pour modifier l'approche utilisée jusqu'à maintenant pour la gestion des activités de réinsertion. Le rapport reflète les efforts concertés pour améliorer le volet réinsertion sociale des délinquants du mandat du Service. Monsieur le président, le comité voudra peut-être demander au commissaire de rendre compte de la mise en oeuvre de ce cadre. Dans le passé, le Service correctionnel a pris de nombreuses initiatives pour cerner et résoudre les difficultés liées à la fonction de gestion des cas dans les établissements. Même s'il s'avère difficile de préparer les délinquants à la libération et à leur réinsertion dans la société comme citoyens respectueux des lois, il est impératif selon nous que le Service poursuive ses efforts pour apporter les changements nécessaires. Le comité voudra peut-être surveiller les progrès réalisés par le Service pour ce faire.
Je vous remercie, monsieur le président. Nous serons heureux, mes collègues et moi, de répondre à toutes vos questions.
Le président: Merci, monsieur Desautels. Vos collègues n'ont rien à ajouter? Ça va. Sur ce, nous cédons la parole à M. Ingstrup, le commissaire.
Commissaire Ole Ingstrup (Service correctionnel du Canada): Monsieur le président, membres du comité, c'est aujourd'hui ma première comparution devant vous depuis ma nomination comme commissaire du Service correctionnel du Canada, et je vous en remercie.
Cinq grands thèmes se dégagent des trois derniers rapports du vérificateur général qui exhortent le Service correctionnel du Canada à améliorer la gestion de ses programmes de réinsertion sociale des délinquants. Ce sont: la mise en oeuvre des changements; l'adoption de normes et de pratiques uniformes; l'assurance de la qualité; la mesure du rendement; et la précision des rôles, la formation et le soutien à donner au personnel.
Le Service correctionnel du Canada accepte les constatations du vérificateur général. Je tiens d'ailleurs à remercier M. Desautels et son équipe des observations qu'ils ont formulées pour nous.
Lors de ma nomination comme commissaire, j'ai mis en place un plan d'action visant à donner suite aux recommandations du vérificateur général, à celles de la Commission Arbour, que vous connaissez sans doute, et à celles de l'enquêteur correctionnel. Nous sommes donc en train de nous pencher sur trois groupes de recommandations.
Par exemple, nous avons examiné la structure des politiques du Service correctionnel du Canada pour nous assurer qu'elle soit claire et compréhensible et qu'elle respecte la règle de droit. C'était un point clé du rapport Arbour. Nous avons aussi créé un groupe d'examen de la réinsertion sociale des délinquants, comme le disait M. Desautels; nous avons le rapport aujourd'hui et il a aussi été approuvé. Nous avons renforcé la gestion à l'administration centrale de manière à imprimer l'orientation et la direction nécessaires au programme correctionnel. Nous avons examiné l'isolement administratif des délinquants.
Je prévois également recevoir avant la fin de ce mois les résultats d'un autre examen portant sur les programmes d'employabilité et l'utilisation productive du temps par les détenus dans les établissements.
[Traduction]
Permettez-moi, monsieur le président, d'énoncer brièvement les cinq thèmes soulevés par le vérificateur général et d'expliquer ce que le SCC fait pour y donner suite, compte tenu du fait que nous acceptons pleinement les observations formulées.
Le premier thème, c'est la mise en oeuvre des changements. Le vérificateur général a souligné que l'une des forces du SCC était son sens de l'innovation en matière de services correctionnels; c'est très juste. Par exemple, incontestablement, nous avons élaboré des programmes de traitement correctionnel avant-gardistes. Nous avons également créé l'un des processus d'évaluation du risque le plus complet au monde. Nous avons mis au point un programme complet de formation juridique pour nos employés et gestionnaires.
Bien que le vérificateur général ait reconnu la valeur de ces innovations, il a indiqué que le SCC arrivait mal à en assurer l'application. Je suis d'accord avec lui. En fait, le mot d'ordre est uniformité, dans nos pratiques de gestion ainsi que dans les politiques et procédures correctionnelles. C'est pourquoi j'ai insisté auprès des gestionnaires et des employés sur l'importance de travailler comme un seul service correctionnel.
Pour améliorer les programmes de réinsertion sociale, j'ai créé des postes de gestionnaires clés, à l'administration centrale, dans les administrations régionales, dans les établissements et dans les bureaux de libération conditionnelle, dont l'unique responsabilité est la réinsertion sociale des délinquants. Ces gestionnaires doivent faire front commun sur les questions et politiques qui touchent l'ensemble du service. De plus, tous les directeurs d'établissement et directeurs de district devront me démontrer qu'ils participent personnellement au processus de réinsertion sociale et aux améliorations devant être apportées dans leurs unités opérationnelles.
Pour assurer une mise en oeuvre plus uniforme, nous avons nommé, dans chaque établissement correctionnel, un gestionnaire responsable de la réinsertion sociale relevant du directeur de l'établissement. Ces gestionnaires étaient en poste à la fin de février et s'occupent de concevoir et d'apporter des changements à la gestion des cas et aux programmes afin d'accroître la qualité et l'uniformité, comme le réclamait le vérificateur général dans son rapport.
L'un des thèmes soulevés est l'absence de normes ou de pratiques de travail uniformes. Par exemple, le vérificateur général a constaté qu'il n'y avait pas de formule uniforme à la grandeur du SCC pour déterminer la charge de travail des agents de gestion des cas. À cause de cette lacune, il n'est pas possible d'expliquer les différences marquées qui existent entre les charges de travail des agents.
Nous avons donc adopté un ratio provisoire de 25 délinquants par agent, comme charge de travail moyenne dans tous les établissements. Au cours des prochains mois, nous suivrons de près la mise en oeuvre et l'efficacité de ce ratio, afin de le raffiner, au besoin. Nous concevrons également un ratio approprié pour les services correctionnels communautaires.
Notre groupe de travail sur l'examen des politiques nous a montré que le personnel apprend comment faire son travail par les consignes verbales de ses supérieurs ou de collègues. De toute évidence, la communication orale ne peut assurer l'uniformité des normes et des pratiques. En outre, les politiques et procédures écrites sont trop longues, répétitives et parfois contradictoires.
Par conséquent, nous avons entrepris de simplifier nos politiques et nos manuels internes et d'assurer la formation des surveillants de première ligne pour qu'ils soient en mesure de fournir des directives claires et uniformes. Je crois que l'accent mis sur le rôle et la formation des surveillants de première ligne est important. Les travaux liés à la réinsertion sociale devront être terminés au plus tard en novembre 1997.
Un troisième thème parlait sur l'assurance de la qualité. Le vérificateur général a insisté sur l'importance de l'assurance de la qualité pour permettre la conformité aux normes et aux pratiques. L'assurance de la qualité doit être intégrée aux opérations quotidiennes, et non simplement servir à mesurer périodiquement la conformité aux règles. Nous sommes en train de mettre en oeuvre un processus qui permettra au personnel de première ligne de savoir quelles sont les attentes en matière de qualité et de les appliquer en tout temps. On s'attend à ce que les surveillants de première ligne examinent le travail des employés, en tenant compte des normes de qualité, et à ce qu'ils leur communiquent sans tarder des observations pratiques et constructives. Le personnel à l'extérieur des unités utilisera les mêmes normes pour mener des vérifications régulières, afin de maintenir l'intégrité du processus. À mon avis, cette approche permettra de créer un processus d'assurance de la qualité dynamique et interactif.
Nous ne voulons pas attendre que ce processus soit entièrement mis en place, plus tard dans l'année. C'est pourquoi nous menons une vérification nationale de la gestion des cas. La première série de vérifications se terminera en mai, et des mesures seront adoptées durant l'été pour apporter des améliorations là où ce sera nécessaire.
Le quatrième thème portait sur la mesure du rendement. Selon les constatations du vérificateur général, nous avons besoin de renseignements adéquats pour concentrer nos efforts sur les points forts et faibles des activités de réinsertion sociale. Ces renseignements sont nécessaires au niveau opérationnel, pour la gestion quotidienne des activités, et au niveau organisationnel, pour guider le service dans la bonne direction.
En janvier, nous avons commencé à établir des rapports réguliers sur les indicateurs de rendement nationaux. Nous travaillons très fort pour veiller à ce que les données utilisées pour mesurer le rendement soient exactes. D'ici à l'automne, nous prévoyons disposer des indicateurs de rendement nécessaires au niveau opérationnel, c'est-à-dire les établissements et les bureaux de libération conditionnelle.
Nous nous efforçons également d'améliorer la qualité de nos informations sur ce qu'il advient des délinquants une fois leur peine purgée - après l'expiration du mandat. Ces renseignements augmenteront notre capacité de mesurer l'efficacité du système correctionnel.
Le dernier thème relevé par le vérificateur général est la nécessité de fournir une meilleure formation et un meilleur soutien à tous les employés participant à la fonction de réinsertion sociale, ainsi qu'à clarifier leur rôle. Ils s'occupent de l'évaluation du risque, communiquent les informations et les recommandations qui serviront aux décisions en matière de libération conditionnelle et gèrent le risque que présentent les délinquants.
Nous savons, par exemple, que nous compromettons sérieusement notre capacité de maintenir la qualité des activités de réinsertion sociale quand des agents de gestion des cas se voient attribuer une charge de travail, alors qu'ils n'ont suivi qu'une brève formation officielle ou en cours d'emploi. Pour corriger cette situation, nous mettons en place de nouvelles normes de sélection ainsi qu'un cours d'une durée de dix jours à l'intention de tous les nouveaux agents de gestion des cas. Ceux-ci devront avoir terminé le cours avant de pouvoir assumer leurs fonctions.
Les nouveaux agents de gestion des cas recevront en outre une formation en cours d'emploi approfondie, et ce n'est qu'après avoir démontré qu'ils possèdent toutes les connaissances et les compétences requises qu'ils seront accrédités comme agents de gestion des cas.
En février 1997, nous avons tenu une conférence nationale sur la réinsertion sociale des délinquants à l'intention des employés de tous les établissements et bureaux communautaires et des membres de la Commission nationale des libérations conditionnelles. Ce groupe de plus de 300 employés de niveau opérationnel a manifesté sa ferme intention d'effectuer du travail de grande qualité en utilisant des pratiques et des procédures uniformes. Il a également exprimé le désir d'avoir un système simplifié et rationalisé.
Les agents correctionnels et le personnel des programmes jouent eux aussi un rôle clé dans la réinsertion sociale des délinquants. Nous offrirons à ces employés également plus de formation, leur fournirons des directives plus claires et leur assurerons un meilleur encadrement.
[Français]
Monsieur le président, les constatations du vérificateur général sont constructives et utiles. Bien qu'il soit critique de la manière dont le Service correctionnel du Canada gère ses programmes de réinsertion sociale, il souscrit à la stratégie correctionnelle du Service, qui veut que la sécurité à long terme du public passe par la réintégration des délinquants dans la société.
Je reconnais que nous avons encore beaucoup de travail à faire, et c'est clair, mais j'estime que les initiatives que je viens de décrire contribueront concrètement à l'amélioration de la situation.
Bien que notre rôle consiste à contribuer à la protection de la société en favorisant une réinsertion sociale sécuritaire des délinquants, nous voulons quand même éviter de laisser croire qu'il ne surviendra jamais d'incidents. Je ne connais d'ailleurs aucun service correctionnel qui pourrait prendre un tel engagement.
Au cours des dernières années, des changements imprévus dans le système de justice pénale se sont produits, notamment l'augmentation d'environ 50 p. 100 de la population des délinquants sexuels sous responsabilité fédérale depuis 1990 ou l'augmentation de 35 p. 100 du nombre de femmes incarcérées dans les établissements fédéraux depuis 1989.
Nous sommes résolument engagés, au Service correctionnel, à prendre les moyens nécessaires pour mieux réagir à de telles tendances ou de tels changements.
Je vous remercie, monsieur le président et membres du comité. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.
Le président: Merci, monsieur Ingstrup. Est-ce que Mme Wiseman désire ajouter quelque chose? Non. Nous procéderons donc immédiatement à la période de questions des députés. Monsieur de Savoye, 10 minutes.
M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Merci, monsieur le commissaire, et merci, monsieur le vérificateur général.
Monsieur le vérificateur général, dans un premier temps, j'aimerais mieux comprendre la nature des problèmes que vous avez identifiés.
Vous dites au point no 4:
- Nous avons constaté que le Service éprouve beaucoup de difficultés à gérer les activités de
réinsertion afin de garantir la sécurité à long terme du public.
M. Desautels: Monsieur le président, ce que nous avons soulevé dans le chapitre, ce sont des problèmes au niveau du fonctionnement du Service correctionnel qui font que cette partie de son mandat n'est pas exécutée, à notre avis, à la satisfaction des parlementaires ou du grand public.
Dans le chapitre, nous citons deux ou trois raisons qui expliquent les difficultés du Service. On dit entre autres qu'il y a des difficultés dans la préparation des dossiers ou de la documentation qu'on doit retrouver dans un dossier lorsque vient le moment de prendre une décision sur la libération d'un délinquant. C'est un facteur qui fait qu'on manque des dates cibles dans le processus de libération conditionnelle.
Il y a également des problèmes de programmation; c'est-à-dire qu'on doit faire suivre aux délinquants un certain nombre de programmes lorsqu'ils sont en détention pour les préparer à leur libération.
Finalement, nous avons soulevé un certain nombre de problèmes reliés au travail des gestionnaires ou des responsables de cas. On dit que certains ont en main trop de cas à étudier et qu'il y a un manque de contrôle de la qualité sur l'ensemble du ministère et sur le travail qui est effectué par les responsables de cas.
Donc, ce sont trois secteurs où il y a des problèmes de fonctionnement assez évidents. Je pourrais peut-être ajouter une explication plus globale que nous avons soulevée dans d'autres vérifications précédentes. Nous avons dit à plusieurs reprises que ce qui explique peut-être cette situation, c'est que le Service n'a peut-être pas apporté autant d'attention à cette partie de son mandat qu'à la partie incarcération. Nous croyons que le Service a deux fonctions très importantes et doit apporter autant d'attention à l'une qu'à l'autre.
M. Pierre de Savoye: Je vais prendre un des éléments auxquels vous venez de faire allusion. Vous en parlez au point no 10 de votre présentation:
- En 1995-1996, pratiquement aucun détenu purgeant une peine de courte durée, soit de deux à
trois ans, n'était prêt pour la date de la première admissibilité à la libération conditionnelle.
[Traduction]
Mme Maria Barrados (vérificateur général adjoint, Bureau du vérificateur général du Canada): Monsieur le président, nous signalons dans ce chapitre que le temps de préparation est beaucoup trop long. Il faut préparer la documentation. Cela prend trop de temps. Il faut offrir des programmes. Or, il arrive que dans certains cas, toutes ces exigences - et il y a lieu de se demander si elles sont toutes nécessaires - sont respectées mais quelqu'un n'est pas prêt à temps pour la première date. Nous présentons un tableau dans le chapitre où nous montrons à quel point il faut comprimer le temps disponible pour préparer la documentation voulue pour la présentation. Le temps est nettement insuffisant.
[Français]
M. Pierre de Savoye: Vous mentionnez au point no 9, monsieur le vérificateur, que les délinquants sont tenus de mener à terme plusieurs programmes en établissement.
À ma connaissance, et vous ou peut-être même M. le commissaire me corrigerez si je suis dans l'erreur, les détenus ne sont pas obligés de se prêter à des traitements de réhabilitation. Ils doivent y consentir librement, sinon ces traitements de réhabilitation seraient sans effet.
Alors, quand vous dites que les délinquants sont tenus de mener à terme plusieurs programmes, il ne s'agit pas de programmes de réhabilitation. Est-ce que je me trompe?
Comm. Ingstrup: Non, monsieur, vous ne vous trompez pas. Nous offrons des programmes aux détenus et leur expliquons que s'ils n'y participent pas, ils courent un risque très élevé que la Commission nationale des libérations conditionnelles ne veuille pas ou ne puisse pas leur accorder une libération conditionnelle, que ce soit une libération conditionnelle de jour ou une libération conditionnelle totale. Aussi, nous sommes obligés de recommander le rejet d'une demande de libération conditionnelle si le détenu n'a pas assez traité ses problèmes si ces derniers sont traitables.
Avec votre permission, monsieur le président, je peux dire que, selon moi, le vérificateur général a correctement identifié les trois domaines.
Nous avons fait pas mal de progrès au niveau de la préparation de documents. Nous avons maintenant une entente formelle avec plusieurs provinces. Il y a trois autres ententes qui sont encore informelles, mais elles en sont maintenant à un point où on peut parler d'ententes formelles. Et finalement, on est en train de continuer la négociation avec une province.
On a établi récemment un système de suivi ou d'identification des documents qui ne sont pas prêts au moment où ils doivent l'être. Nous allons pousser davantage le processus pour obtenir les documents de la part des provinces, des municipalités, des cours et des forces policières.
Le vérificateur a aussi dit que la programmation était problématique puisqu'il n'existait pas une bonne coordination entre ce qu'on fait dans le domaine de la gestion de cas et ce qu'on fait dans le domaine de la programmation. Par exemple, on a souvent demandé aux détenus de participer à des programmes dont ils n'ont pas besoin. Nous sommes en train de nettoyer toute cette question et visons à augmenter la collaboration entre les deux groupes.
M. Pierre de Savoye: Monsieur le vérificateur, vous me direz si je comprends bien ce que vous nous expliquez. Le fait que les détenus ne soient pas prêts à temps et ne puissent pas profiter d'une libération alors qu'ils y seraient autrement admissibles coûte cher. Effectivement, si les choses se produisaient de la bonne manière au bon moment, il y aurait non seulement une meilleure sécurité pour le public, mais aussi une économie d'argent. Est-ce bien ce que vous nous dites, monsieur le vérificateur?
M. Desautels: C'est essentiellement le message que nous avons inscrit dans notre chapitre. Le fait de ne pas préparer les dossiers et les individus à temps a des conséquences à plusieurs points de vue, à la fois sur la qualité des décisions, et donc sur la sécurité du public, et sur les coûts du Service correctionnel. Ce sont deux conséquences assez importantes. En plus, il faut se rappeler que la loi a été rédigée de façon que le Service correctionnel doit essayer d'atteindre certains objectifs ou de respecter certains principes de la loi. Lorsqu'on ne prépare pas les dossiers et les individus à temps, on n'atteint pas les objectifs énoncés dans la loi.
Le président: Merci, monsieur de Savoye.
[Traduction]
Monsieur Silye, pour un tour de dix minutes.
M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Merci, monsieur le président.
J'aimerais souhaiter la bienvenue au commissaire qui assiste pour la première fois à une réunion du Comité des comptes publics.
Quand avez-vous été nommé, monsieur?
Comm. Ingstrup: Au mois de juin, l'an dernier.
M. Jim Silye: Dans mes questions, je veux vous assurer, qu'il ne faut y voir rien de personnel, c'est simplement un coup d'oeil sur l'ensemble de la question et ce problème de réinsertion, et celui de la récidive qui me préoccupent le plus.
Ma première question cependant s'adresse au vérificateur général. Bien que votre étude ait porté essentiellement sur la réinsertion des détenus dans la communauté comme bons citoyens, le vérificateur général a-t-il des renseignements ou a-t-il examiné les programmes que les Services correctionnels du Canada offrent aux détenus pendant leur incarcération?
Si je pose la question, c'est que dans un établissement correctionnel que je connais, la population compte environ 80 p. 100 de délinquants sexuels, mais pendant leur incarcération, ces détenus ont pleinement accès à la télévision par câble, y compris aux films pornographiques, et à des revues pornographiques qui dans certains cas feraient honte à Hustler et Playboy. Il s'agit de certaines des revues en vente à la cantine de l'établissement. Si c'est le cas, et les preuves sont là, est-ce que vous n'allez pas à l'encontre des programmes que le SCC tente de mettre en place afin de transformer ces détenus en bons citoyens?
Mme Barrados: En mai de 1996, nous avons déposé un rapport sur l'aspect élaboration des programmes en établissement correctionnel du SCC. Nous avons fait alors plusieurs observations. Nous avions signalé notamment certaines des mêmes lacunes que cette fois-ci: l'optimisation des ressources, l'évaluation du rendement et l'information disponible.
Nous n'avons pas examiné certaines des autres activités auxquelles vous faites allusion. Le commissaire veut peut-être parler de cet aspect.
Comm. Ingstrup: Monsieur le président, avec votre permission, je serais heureux de le faire.
Ces dernières années, nous avons, je n'ai pas honte de le dire, augmenté de façon considérable le nombre de programmes du service correctionnel. À vrai dire, jusqu'au milieu ou à la fin des années 80, les programmes n'étaient pas un élément central de nos activités. Par exemple, nous n'avons aucun chiffre sur les programmes presque avant 1990. À l'intention des délinquants sexuels, il y avait deux programmes en 1989, je le sais, pour 50 délinquants. Aujourd'hui, nous avons 100 programmes qui accueillent près de 2 000 délinquants ou 1 700 délinquants. Manifestement, nous mettons l'accent sur les programmes beaucoup plus que jamais qu'auparavant.
Pour répondre précisément à votre question sur l'accès des détenus au genre de lecture dont vous parlez, le principe général veut que nous appliquions les mêmes lois dans les établissements correctionnels qu'à l'extérieur, bien que certains détenus, à cause du programme particulier qu'ils suivent, ne peuvent pas avoir accès à ce genre de matériel. Si j'essayais de vous en expliquer les raisons, ce serait pure spéculation de ma part, mais évidemment, les spécialistes dans le traitement des délinquants sexuels pourraient vous en dire beaucoup plus long.
L'une des difficultés auxquelles nous nous heurtons, c'est que bien que nous ayons augmenté le nombre de programmes et le nombre de détenus accueillis dans ces programmes de façon marquée, le nombre de délinquants sexuels a augmenté d'une façon phénoménale ces dernières années. Comme je l'ai dit, nous avons près de 4 500 délinquants sexuels qui purgent actuellement ou qui ont purgé leur peine, une augmentation marquée. Évidemment, nous tentons de faire ce que nous pouvons pour offrir des programmes de qualité et non pas des programmes non spécialisés.
Nous tentons d'en apprendre plus long sur la qualité de ces programmes. Nous cherchons des moyens de faire appel à des organismes externes pour accréditer nos programmes. La plupart des administrateurs n'en connaissent pas autant au sujet de ces programmes que ceux qui les offrent, pourtant nous voulons savoir jusqu'à quel point ils sont crédibles.
Je pense donc que nous sommes sur la bonne voie, mais nous ne pouvons évidemment pas régler tous les problèmes, du jour au lendemain.
M. Jim Silye: Monsieur le commissaire, vous dites dans votre mémoire que vous avez élaboré des programmes de traitements correctionnels avant-gardistes.
Comm. Ingstrup: Oui.
M. Jim Silye: Qui les a ainsi qualifiés? Vous? Quels sont ces programmes avant-gardistes? Si ces programmes sont si perfectionnés, et comportent un élément d'évaluation globale du risque, pourquoi le récidivisme - ce terme me déplaît - est-il si élevé et pourquoi les détenus, une fois libérés, commettent-ils à nouveau le même genre d'infractions?
Je vous pose la question, car dans diverses études, et une tout particulièrement que je peux vous montrer, le taux de récidivisme des détenus fédéraux est d'au moins de 50 p. 100 dans les trois ans:50 p. 100 des détenus libérés récidivent dans les trois ans après leur libération. Si vous regardez au-delà de trois ans, plus de 70 p. 100 des détenus nous reviennent.
Vous dites avant-gardiste? Puisque vous n'êtes là que depuis juin dernier, cela explique peut-être pourquoi on n'en ressent pas encore les effets.
Comm. Ingstrup: Je crains de devoir en assumer la responsabilité avant juin dernier, puisque j'ai été commissaire dans les années 80. Je le fais avec fierté, parce que lorsque je parle de «programmes avant-gardistes», c'est que de partout au monde, on vient examiner nos méthodes de traitement des délinquants sexuels.
Ce n'est pas parfait, mais nous tentons de faire notre mieux. À vrai dire, si vous tenez compte des délinquants sexuels qui ont reçu des traitements dans l'ensemble, on constate une diminution de 50 p. 100 du taux de récidivisme de ce groupe comparé aux délinquants sexuels qui n'ont reçu aucun traitement, ce qui signifie que le nombre de victimes diminue de moitié par rapport à ce qu'il aurait été si ces détenus n'avaient pas été traités.
Il en va de même, lorsque je parle de programmes avant-gardistes, des programmes d'apprentissage cognitif des connaissances et des programmes d'acquisition des compétences psychosociales. C'est en fait le modèle canadien que l'on vend à l'Australie, à la Nouvelle-Zélande, au Danemark, à la Norvège, à la Finlande, à l'Écosse et un peu partout. Je pense que nous pouvons en tirer une certaine fierté.
Mais je n'irais jamais jusqu'à dire que ces traitements «d'avant-gardistes» nous permettent de résoudre des problèmes de crimes, car il n'en est rien. Nous avons affaire à bien des criminels endurcis, cela tient à la nature même du système correctionnel fédéral: en effet, le système ne les accueille qu'après avoir été condamnés à deux ans de détention ou plus et un grand nombre d'entre eux ont un casier judiciaire moins que vierge.
Il est toujours difficile d'évoquer les taux de récidivisme, parce qu'ils dépendent de ce que l'on mesure. Si vous comptez les cas de nouveaux délits avant la fin de notre période de surveillance - à savoir avant que la peine ne soit purgée - nous sommes en bonne position par rapport aux autres pays, probablement parmi les taux les plus bas. Nous ne nous reposons cependant pas sur nos lauriers: nous cherchons toujours à faire encore mieux, mais comme il s'agit d'êtres humains, dans les circonstances dans lesquelles ils se trouvent et avec un passé comme le leur, tout semble indiquer que les mesures que nous prenons à leur égard ont un effet de protection.
M. Jim Silye: Vous avez encore un autre problème, à savoir la difficulté qu'il y a à former des agents de gestion des cas, à leur donner de l'expérience. Quand vous dites que la situation s'améliore je veux bien le croire, mais il me semble qu'un taux de succès de 50 p. 100 n'est pas assez satisfaisant, que les services correctionnels devraient avoir un taux de récidive inférieur à 50 p. 100.
C'est peut-être attribuable au processus de gestion des cas, de leur nombre et de l'augmentation de la criminalité. Je comprends que vous travaillez dans des conditions difficiles. Vous ne pouvez pas toujours en faire une analyse statistique, mais la façon dont vous engagez et formez les gens laisse visiblement à désirer, et préoccupe également le vérificateur général.
À Calgary j'ai vu dans les journaux des annonces d'embauche d'agents de gestion des cas. Je sais que vous voudriez qu'ils aient un diplôme en sciences humaines ou en sciences sociales, mais pourquoi les services correctionnels ne cherchent-ils pas à promouvoir les gens de l'intérieur, ceux qui ont une expérience directe des détenus? Pourquoi ne demandez-vous pas à ceux-ci de se porter candidats? Ils ont de l'expérience et pourraient en faire profiter les agents de gestion des cas, ce qui finira par se répercuter sur vos statistiques.
Comm. Ingstrup: Je crois que je dois vous donner quelques explications. Nous avons dans notre système ce que nous appelons une «gestion d'unités»: des agents de gestion des cas, des agents de programmes et des agents correctionnels - ce que nous appelions autrefois les gardiens de prison - collaborent tous. Ces agents de gestion des cas sont, à mon avis, des gens qui doivent en savoir davantage, au plan théorique, sur l'évaluation des risques, sur l'efficacité des programmes et autres. Mais le travail quotidien de motivation pour amener les détenus à participer aux programmes et à changer de mentalité, en devenant moins antisociaux et moins enclins à la criminalité, tout cela relève encore de l'agent correctionnel. C'est un travail d'équipe qu'il faut faire sur les deux plans.
Autrefois, nous avions tendance à confier la gestion des cas aux agents correctionnels, précisément eu égard à leur expérience et aux résultats qu'ils avaient obtenus, mais parfois ils n'avaient vraiment pas les qualifications nécessaires. Ce que nous voulons maintenant, c'est accroître les qualifications des deux catégories d'agents, en exigeant pour les agents de gestion des cas, dès le 1er septembre de l'an prochain, un diplôme universitaire et en leur assurant une formation supplémentaire et en ce qui concerne les agents correctionnels, en complétant leur formation afin qu'ils fassent un travail satisfaisant.
Le président: Monsieur Pagtakhan.
M. Rey D. Pagtakhan (Winnipeg-Nord, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.
Pourriez-vous me dire, tout d'abord, ce que représentent comme pourcentage du budget total de réinsertion sociale les 79 millions de dollars pour 1995-1996?
Comm. Ingstrup: Il s'agit de 71 millions de dollars, soit entre 7 et 8 p. 100. Notre budget est de 1,3 milliard de dollars, il doit donc s'agir d'environ 7 p. 100.
M. Rey D. Pagtakhan; Soit 7 p. 100 qui représentent...
Comm. Ingstrup: Sept pour cent de notre budget total.
M. Rey D. Pagtakhan: Oui. Si le total reste inchangé, est-ce suffisant comme ressources financières?
Comm. Ingstrup: Je pense vraiment que ça l'est. De toute façon il serait prématuré d'en demander davantage: autrefois c'était souvent la seule réponse que nous savions donner, mais je pense qu'il est possible de mieux utiliser nos ressources, comme l'a montré le vérificateur général, d'en dégager certaines et de veiller à ne pas en gaspiller d'autres en dépenses qui ne sont pas nécessaires, par exemple, trop de programmes, des évaluations trop longues, trop de paperasserie. Nous essayons actuellement de faire le ménage là-dedans. J'hésiterais à demander davantage de ressources et comme il y a peu de chances qu'on me les accorderait, autant me satisfaire de ce qu'il y a.
M. Rey D. Pagtakhan: Vous avez parlé de qualifications...
Comm. Ingstrup: J'hésiterais à réclamer plus d'argent, jusqu'à ce que nous ayons tiré le meilleur parti de ce que nous avons.
N'oubliez pas, monsieur, qu'en plus de cette somme nous recevons environ 100 millions de dollars pour les programmes, 120 millions de dollars pour la surveillance et les programmes communautaires, de telle sorte que le tout s'élève à près de 300 millions de dollars: avec un budget pareil il est possible de faire beaucoup de choses, à mon avis.
M. Rey D. Pagtakhan: Je ne vous poussais à en demander davantage, je voulais simplement m'assurer que ce n'était pas un problème de ressources, mais de gestion des cas.
Ceci dit, vous disiez que vous vouliez améliorer les qualifications du personnel. Quelle est, à votre avis, la principale qualification qui assure le succès?
Comm. Ingstrup: Pour les agents de gestion des cas? En ce qui concerne ceux des établissements, c'est la capacité de gérer un dossier, d'y faire figurer toutes les informations nécessaires, d'évaluer le détenu sur la base des critères établis par nous, de porter un jugement professionnel sur le caractère du détenu auquel nous avons affaire et de l'amener à participer aux programmes qui luttent contre ses tendances criminogènes.
Nous avons, entre autres, passé en revue tous les besoins des détenus et dit que là où il y avait une lacune, nous devrions faire intervenir le programme. Je ne suis pas sûr que cela soit nécessaire. Nous pouvons intervenir lorsque le besoin est de nature criminogène et tel que s'il n'est pas satisfait, on augmente le risque de criminalité. Je crois qu'il y a là une économie à réaliser, de ressources aussi bien que de temps.
M. Rey D. Pagtakhan: Est-il préférable de confier cet ensemble d'activités à une personne, ou à plusieurs?
Comm. Ingstrup: Il nous paraît préférable de le faire faire en équipe, dont une personne qualifiée comme agent de gestion des cas, comme je le disais tout à l'heure, et également des agents correctionnels, dont la valeur n'est plus à prouver. Ce sont eux qui ont affaire directement avec les détenus, qui peuvent les observer 24 heures par jour et qui sont donc en mesure de porter à l'attention de l'agent de gestion des cas une mine de renseignements utiles. Ce que nous essayons à présent de faire, c'est d'étoffer cette équipe avec des spécialistes de programme, de telle sorte que depuis l'admission du délinquant jusqu'à sa participation à un programme il soit entre les mains d'une seule équipe.
M. Rey D. Pagtakhan: Ceci m'amène à vous poser la question suivante: par rapport au processus antérieur, qu'est-ce qui a été simplifié et rationalisé?
Comm. Ingstrup: Ce qui a été simplifié - mais ce travail n'est pas encore achevé - c'est que nous ne recueillerons plus d'informations de toutes sortes et de partout. Nous avons à présent une liste de base de ce qu'il faut savoir avant de procéder à l'évaluation d'accueil. D'autres informations peuvent être recueillies par la suite, à condition que tout soit terminé lorsque la libération conditionnelle devra être examinée. C'est en cela que consistera la simplification.
Nous avons encouragé notre personnel à étudier le manuel de gestion des cas, qui a évolué au cours des ans et qui est bien touffu maintenant; nous songeons également à le simplifier.
Nous ne voulons pas de deux équipes, une pour la gestion des cas et une pour les programmes, mais d'une seule équipe qui oeuvre de concert de telle sorte que le dossier soit traité une fois pour toutes. Pour ainsi dire, par les mêmes gens et que chacun sache exactement de quoi il s'agit.
M. Rey D. Pagtakhan: Monsieur le vérificateur général, les mesures prises vous paraissent-elles une garantie de succès?
M. Desautels: Monsieur le président, nous sommes satisfaits et encouragés de voir les réactions à notre rapport et la célérité avec laquelle on a tenu compte de nos observations.
La seule réserve que j'ai émise auparavant, ainsi que dans ma déclaration d'ouverture, c'est que si bonnes que soient les intentions et les mesures prises, leur application ne donne pas toujours les résultats escomptés. C'est pourquoi, au cours des prochains mois, nous talonnerons M. Ingstrup pour nous assurer que ces projets et décisions seront dûment exécutés et porteront fruit.
M. Rey D. Pagtakhan: Vous disiez que tout ce réaménagement est en cours: quand pensez-vous qu'il sera pleinement mis à exécution?
Comm. Ingstrup: Monsieur le président, j'espère qu'à l'automne nous constaterons qu'il y a de gros progrès réalisés.
D'ores et déjà on en discerne certains. C'est ainsi, vous vous en souvenez, que dans le projet de loi C-55, dont est actuellement saisi le Sénat, il y a une disposition de semi-liberté accélérée. Nous avons examiné tous les dossiers pour lesquels on peut envisager une semi-liberté accélérée, et nous sommes prêts à accorder cette semi-liberté dans environ 400 cas. Nous sommes prêts dans les collectivités ainsi que dans les établissements.
Les propositions du vérificateur général contiennent bien davantage, mais je crois pouvoir discerner, à ce jour, quelques signes encourageants.
Nous reconnaissons également, non sans chagrin, la justesse des propos du vérificateur général quand il affirme que les bonnes idées ne nous font défaut, mais que les moyens de les mettre en oeuvre laissent à désirer. Nous avons donc renforcé notre unité de vérification et d'enquête, pour veiller à ce qu'une place plus large soit faite à la mise en oeuvre. Nous avons également établi au siège social national une direction tout entière responsable des mesures correctionnelles, dont la réinsertion, qui a à sa tête un directeur général lequel, de même que son personnel, n'a rien d'autre à faire que de s'occuper des cas de réinsertion. Les directeurs adjoints dans les régions sont chargés de responsabilités du même ordre, et nous avons maintenant dans tous nos établissements, un gestionnaire de réinsertion.
Nous pouvons donc affirmer, pour le moins, que la structure est en place, mais je vais devoir attendre l'automne pour pouvoir vous montrer dans quelle mesure nous avons passé de la théorie à l'action. Je suis certain qu'à cet égard nous pouvons compter sur l'aide du vérificateur général.
M. Rey D. Pagtakhan: Sur le nombre de récidivistes après avoir purgé leur peine, combien, d'après l'établissement de détention, étaient prêts à être libérés et combien étaient considérés n'être pas prêts? Avez-vous cette comparaison?
Comm. Ingstrup: Je dois ici me livrer à des conjectures, mais nous avons un rapport que nous sommes en train de préparer pour le Comité de la justice sur une étude de la disposition de détention introduite il y a une dizaine d'années. On y dit que nous devrons réexaminer cette disposition à l'automne, si je ne me trompe, et ce rapport contient des informations qui répondront à votre question.
Nous avons constaté une augmentation considérable du nombre de détenus qui restent incarcérés jusqu'à ce qu'ils aient purgé leur peine. Au milieu et à la fin des années 80 nous en avions environ une centaine par an; à présent il y en a près de 600 qui purgent complètement, ou presque, leur peine.
M. Rey D. Pagtakhan: Que se passe-t-il alors?
Comm. Ingstrup: Après quoi, monsieur, le Service correctionnel du Canada, de toute évidence, n'est plus compétent pour faire quoi que ce soit.
M. Rey D. Pagtakhan: Est-ce qu'on essaie au moins de suivre de loin ce que deviennent ces gens?
Comm. Ingstrup: Après expiration du mandat, la loi ne nous autorise plus à faire quoi que ce soit.
Ce que nous essayons de faire, cependant, c'est de mettre en place un réseau de services communautaires de soutien aux détenus qui ont purgé leur peine. Le vérificateur général et le Service correctionnel du Canada conviennent tous deux qu'une bonne réinsertion une réinsertion progressive dans la collectivité. Il y a des gens auxquels nous devons dire qu'il n'y a pas beaucoup que nous puissions faire, et que le mieux que nous puissions faire pour la société, c'est de les garder en prison jusqu'à ce qu'ils aient purgé leur peine, mais ce groupe est relativement restreint en nombre. Nous pourrons, par la suite, vous donner des chiffres un peu plus précis.
Le président: Je vous remercie.
[Français]
Nous passons au tour de questions de cinq minutes. Monsieur de Savoye.
M. Pierre de Savoye: Monsieur le commissaire, c'est une coïncidence, mais ce matin, j'ai eu l'occasion de rencontrer notre ministre de la Justice, M. Allan Rock, parce que j'accompagnaisMme Anne-Claude Girard de Jonquière, qui s'intéresse aux questions concernant les agressions sexuelles contre les enfants. Mme Dalphond-Guiral, députée de Laval-Centre, déposera demain, au nom de Mme Girard, une pétition de 37 000 noms demandant essentiellement au ministre de la Justice de s'assurer que les délinquants sexuels qui ont attaqué des enfants reçoivent des traitements appropriés pour qu'au moment de leur réinsertion en société, ils ne représentent plus un danger. Alors, le sujet dont on parle aujourd'hui est particulièrement opportun.
Cela dit, lorsque je siégeais au Comité permanent de la justice il y a une couple d'années et qu'on parlait du projet de loi C-45 concernant les sentences et les libérations conditionnelles, j'avais demandé quand commençaient les traitements devant permettre à un détenu d'être réinséré socialement sans danger pour la société. J'avais posé ces questions à des personnes responsables sur le plan psychologique dans le système carcéral. On m'avait répondu que, quelle que soit la sentence, les traitements commençaient au cours des six derniers mois. Cela m'avait drôlement surpris parce que cela veut dire que le reste du temps, il ne se passe rien, sinon qu'on s'endurcit dans un processus qui est loin d'être souhaitable.
Est-ce qu'on m'avait mal informé? Est-ce que j'avais mal compris? Est-ce que la situation a changé? Bref, qu'est-ce qu'on fait ou qu'est-ce que vous entendez faire pour assurer une pleine réinsertion sociale aussitôt que possible?
Comm. Ingstrup: Je ne crois pas qu'on vous ait mal informé à ce moment-là parce qu'on a toujours dit qu'il y a une marge entre les programmes dont on a besoin idéalement et le nombre de programmes qui existent. La raison en est très souvent qu'on est en train de développer une expertise suffisante. Idéalement, notre but, c'est qu'aussitôt que l'évaluation du risque que posent ces individus est terminée, on puisse commencer des programmes de réhabilitation et de réinsertion et les poursuivre au niveau institutionnel et communautaire. Il est possible que, de temps à autre, certains délinquants n'aient pas reçu assez de traitements. De fait, on est en train d'améliorer la situation afin d'avoir, si possible, assez de programmes pour tout le monde afin qu'on puisse réinsérer les délinquants dans la communauté au moment de leur libération totale et entière.
M. Pierre de Savoye: Vous devez adopter des normes ou des pratiques uniformes. Dans ce domaine, quelle sera la norme? Est-ce qu'on commence immédiatement au moment de l'incarcération? Est-ce qu'on attend que le dossier soit établi, ce qui peut prendre de un à trois mois? Quelles sont les normes? Quel calendrier entendez-vous mettre en place?
Comm. Insgtrup: Selon notre norme, on établit le dossier de l'individu, on fait son évaluation, on identifie ses besoins et le type de programme dont il a besoin et, idéalement, il entreprend immédiatement le programme qui répond à ses besoins, lesquels sont différents selon le type de délinquance sexuelle. Il y en a toutes sortes de types, dont la pédophilie. Certains programmes sont plus longs que d'autres. Nous avons aussi un programme qui comporte un mécanisme d'évaluation des délinquants sexuels pour s'assurer qu'on comprend vraiment la nature de ces individus. Toutes ces démarches sont faites en vue de mieux répondre à leurs besoins et de diminuer évidemment le risque.
Le président: Merci, monsieur de Savoye.
[Traduction]
Monsieur Silye, vous avez cinq minutes.
M. Jim Silye: Monsieur le commissaire, c'est la troisième étude de la question qui a été faite par le vérificateur général. Pourquoi le Service correctionnel du Canada n'a-t-il pas apporté plus tôt les changements qui amélioreraient le système et qui permettraient au public de se sentir mieux protégé et plus en sécurité? Voici la troisième fois que l'on étudie cette question, et ce n'est que maintenant que vous avez un groupe d'études et que vous mettez en oeuvre des techniques avant-gardistes. Pourquoi est-ce que cela a pris si longtemps?
Comm. Ingstrup: Que puis-je vous répondre? Si vous examinez les trois rapports précédents, des mesures ont été prises en réponse à certaines des conclusions, peut-être pas de toutes, peut-être des mesures lacunaires, mais elles n'ont certainement pas été négligées.
Nous espérons que les principaux thèmes du rapport du vérificateur général - à savoir une mise en oeuvre plus soignée, des normes nationales, des recommandations qui ne restent pas lettre morte - trouvent maintenant leur accomplissement grâce aux groupes d'études que nous avons mis en place. Il ne s'agit pas simplement du chapitre 30, mais des trois derniers rapports du vérificateur général de même que le rapport de la Commission Arbour qui ont été le pivot de tous nos travaux.
M. Jim Silye: Monsieur le commissaire, le vérificateur général parle d'incarcération au cachot comme étant «la forme la plus coûteuse de détention». Il en parle à part, sans vraiment examiner le coût d'ensemble. Il ne s'agit pas simplement du coût pour le ministère de la Justice et de votre budget de 1,3 milliard. Les activités criminelles dans notre pays nous coûtent très cher, 10 à 20 milliards de dollars, selon la valeur des articles volés et autres facteurs de ce genre. Une récidive comporte des coûts supplémentaires que le vérificateur général n'a pas mentionnés, si je ne me trompe, dans son évaluation. Ce n'est pas simplement ce qu'il en coûte de garder un détenu en prison pour toute la durée de la peine: qu'on le libère avant qu'il n'ait purgé celle-ci, il récidive et on se retrouve avec les coûts supplémentaires en forces de police, système judiciaire, frais de justice et réincarcération.
Qu'est-ce qui est plus coûteux, à votre avis: leur faire purger leur peine, ou leur accorder une libération anticipée avec une chance de 50 p. 100 de récidiver? Y a-t-il une réponse à cette question?
Comm. Ingstrup: Nous parlons là d'une politique limite. La première remarque que je voudrais faire, c'est que 50 p. 100 est d'après moi un chiffre arbitraire: à mon avis, le pourcentage de récidivistes est beaucoup plus bas, inférieur, en fait, à 20 p. 100. Ce n'est certes pas entièrement satisfaisant, mais ce n'est pas si mauvais quand vous considérez le nombre de détenus que nous avons.
Si vous gardez les détenus jusqu'à ce qu'ils aient purgé leur peine ils vont, de toute évidence, réintégrer la société: la question que je me pose alors n'est pas de savoir s'il vaut mieux les garder jusqu'à la fin ou les libérer plus tôt, mais dans quel état ils seront à leur libération. Ainsi, si nous examinons les études sur le traitement des délinquants sexuels, si nous ne les soignons pas du tout mais si nous les gardions jusqu'à ce qu'ils aient purgé leur peine et les remettions en liberté en leur souhaitant bonne chance, les récidives seraient deux fois plus nombreuses qu'actuellement, où nous conjuguons un programme de réinsertion sociale avec un programme de prévention de récidives.
Cela me porte à croire qu'un plus grand nombre de personnes seraient incarcérées dans nos institutions que ce n'est le cas aujourd'hui d'une certaine façon. Je dis «d'une certaine façon» car, en vertu de notre système de libérations conditionnelles actuel, on réincarcère des gens qui n'ont pas commis de nouveaux délits, mais dont le comportement prouve qu'ils risquent de récidiver. Si, par exemple, nous voyons des personnes qui ont l'habitude de commettre des infractions sexuelles lorsqu'elles sont en état d'ébriété, nous les relâchons à la condition qu'elles ne boivent pas d'alcool du tout. Or, si ces personnes ne respectent pas cette condition, il arrive souvent que nous les réincarcérions. Nous faisons cela dans le but de prévenir ou de réduire le risque de récidive de leur part. Je reconnais que cela représente un coût pour nous mais je pense que, à longue échéance, cela vaut mieux pour les Canadiens.
Nous examinons maintenant ce qui se passe une fois la peine purgée de façon à disposer des meilleurs éléments de comparaison. D'après toute mon expérience professionnelle dans ce domaine, je peux dire qu'un système de libérations conditionnelles qui fonctionne bien, grâce auquel nous surveillons les personnes lorsqu'elles réintègrent la collectivité, du moins au début, est une bien plus grande garantie de sécurité que le fait de garder ces gens-là en prison pendant un ou deux mois, voire un an de plus, avant de les relâcher. Je serais inquiet si nous en arrivions là.
M. Jim Silye: Si vous étiez le directeur...
[Français]
Le président suppléant (M. Pierre de Savoye): Monsieur Silye, vous avez déjà dépassé le temps qui vous était accordé. Si vous le permettez, nous allons donner la parole à M. Shepherd.
[Traduction]
M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Pour poursuivre dans la même veine, d'après mon observation du système actuel, je trouve que c'est un processus de vieillissement, qui nous permet d'attendre que les personnes prennent de l'âge. Malgré ce que vous venez de dire au sujet de la récidive, a-t-on réalisé une étude au sujet de la durée de l'incarcération en fonction de l'âge du délinquant? Autrement dit, plus la durée de l'incarcération est longue, moins le contrevenant a de chances de récidiver tout simplement parce qu'il a vieilli.
Comm. Ingstrup: À mon avis, monsieur le président et monsieur Shepherd, il est un fait établi que, à mesure que les gens vieillissent, ils sont de moins en moins portés à commettre des délits. C'est parmi les groupes d'âge plus jeunes que l'on trouve le plus grand nombre d'infractions commises. Toutefois, c'est un processus très lent et je ne pense pas que le fait de détenir les gens assez longtemps pour qu'ils prennent de l'âge soit une solution à recommander. Cela aurait pour effet d'accroître considérablement la population carcérale.
Il ne faut pas oublier toutefois que pendant que les gens vieillissent, nous pouvons réduire leur risque de récidive en les faisant participer à ces programmes. Nous savons que les programmes sont efficaces parce que les groupes témoins qui nous servent de comparaison vieillissent également, et ils évoluent donc parallèlement.
M. Alex Shepherd: Vous parlez de cette étude à laquelle vous travaillez et qui porte sur l'utilisation à des fins productives de la période d'incarcération. Moi aussi j'ai examiné ce qui se passe dans l'une de vos institutions à sécurité maximum. Les détenus passent près de 75 p. 100 de leur temps dans leur cellule. D'après mes renseignements, cette situation n'a guère changé au fil des ans. Pourquoi faut-il faire une étude pour en arriver à cette conclusion et que faites-vous pour y remédier?
Comm. Ingstrup: J'aimerais vous signaler deux choses. D'une part, une enquête a été faite auprès des détenus auxquels on a demandé à quoi ils passaient leur temps. J'ai été choqué d'entendre de nombreux détenus dire qu'ils passaient leur temps à jouer aux cartes ou à faire des exercices dans la cour. À mon avis, ce n'est pas un mode de vie typique des Canadiens. Soit dit en passant, ce n'est pas le sort qui attend ces détenus lorsqu'ils seront libérés.
C'est pourquoi nous souhaitons que les programmes de travail mis en oeuvre dans les institutions soient augmentés. Pour présenter les choses de façon extrêmement simple, il serait souhaitable que les détenus et les personnes dans les institutions rendent compte de huit heures d'activités par jour, qu'il s'agisse de travail, de cours, de programmes ou d'une combinaison de tout cela.
Nous avons un programme industriel appelé CORCAN, lequel a nettement amélioré ses résultats cette année, soit dit en passant, nous espérons atteindre le seuil de rentabilité. Il n'en demeure pas moins que le programme CORCAN n'occupe que 1 900 détenus environ sur une population carcérale de 14 000 personnes. À mon avis, les autres détenus ne sont pas utilement employés. S'ils le sont, c'est à notre insu. En conséquence, nous souhaitons réaliser une étude valable sur la façon de garantir ces huit heures d'activités productives par jour.
M. Alex Shepherd: Les faites-vous participer au programme contre leur gré? En second lieu, je crois savoir que le budget du programme CORCAN a été réduit en raison des compressions budgétaires.
Comm. Ingstrup: CORCAN est un organisme de service spécial, qui a une capacité de production et de vente. Il peut également enregistrer des bénéfices si tout se passe bien. CORCAN fonctionne grâce à un fonds de roulement. Si les choses se passent bien, il atteindra deux objectifs: d'une part, l'objectif industriel normal, à savoir atteindre le seuil de rentabilité ou réaliser un petit bénéfice et, en second lieu, accroître l'aptitude au travail des détenus une fois qu'ils sont libérés. C'est en fait à bien des égards l'élément de programme correctionnel de CORCAN, pour qu'ils aient en main quelque chose à offrir à la société. Je ne pense pas que les détenus aient beaucoup à offrir ni de bonnes chances de trouver un emploi s'ils disent qu'ils ont fait de l'exercice et jouer aux cartes pendant toute leur période d'incarcération.
En fait, cette année, le programme CORCAN a prouvé qu'il était en mesure d'accroître sensiblement ses ventes. Celles-ci ont augmenté d'environ 25 p. 100, pour atteindre 48 millions de dollars. Même si le système de facturation ne sera pas au point avant le mois de mai, ou au moment où toutes les factures et autres arrivent, nous espérons que pour la première fois depuis sa création, ce programme sera en fait rentable. Je pense donc qu'il s'agit d'un bon programme.
Notre service a également recueilli des preuves selon lesquelles les détenus qui ont participé au programme d'emploi de CORCAN récidivent moins souvent après leur libération. Je n'ai pas étudié cet aspect en détail personnellement, et je ne sais pas si les choses ont changé à cet égard, mais les premiers signes sont prometteurs. En outre, je crois franchement que les Canadiens, et en tout cas le ministre dont je relève, s'attendent à ce que tant les détenus que nous-mêmes prenions l'incarcération au sérieux. Je dis souvent que les détenus doivent faire leur temps et non le perdre.
[Français]
Le président suppléant (M. Pierre de Savoye): Merci, monsieur Shepherd. Si vous le permettez, nous allons passer à M. Nault, qui a certainement d'autres questions très intéressantes.
Monsieur Nault.
[Traduction]
M. Robert Nault (Kenora - Rainy River, Lib.): J'aimerais poser une question au vérificateur général. À la deuxième page de votre exposé, vous parlez en détail des difficultés rencontrées pour obtenir des documents, ce qui a eu, à votre avis, des conséquences graves lors de la libération de certains détenus. Vous pourriez peut-être expliquer au profane que je suis pourquoi il est si difficile d'obtenir des documents des tribunaux, des provinces et des municipalités lorsqu'il s'agit de prendre une décision aussi grave que la libération d'un détenu.
En toute franchise, je suis choqué d'apprendre que ce problème existe et que c'est pour cette raison qu'il est impossible au Service correctionnel de décider du minimum d'information jugé essentiel. Il est effrayant que vous ayez dû signaler dans votre rapport que ce facteur contribue à la mise en liberté de personnes qui n'auraient pas dû être libérées. À mon avis, le moindre bon sens exige qu'il soit impensable de libérer qui que ce soit si on ne dispose pas des renseignements voulus. On aurait pu ainsi éviter les conclusions d'une étude selon lesquelles 12 des 60 incidents étaient dus à un manque d'information. Pourriez-vous nous expliquer ce qui justifie ce genre de chose et comment y remédier, selon vous?
J'avais l'impression que cette question était du ressort fédéral et que le ministère de la Justice était donc habilité à stipuler en termes précis dans la loi, au besoin, qu'il faut obtenir les renseignements nécessaires. En fait, vous nous dites que malgré les accords en matière d'information que nous avons négociés, nous n'obtenons toujours pas ce dont nous avons besoin. J'ai du mal à croire que cela puisse poser un gros problème alors qu'il suffit d'une photocopieuse pour copier le dossier d'une personne et le transmettre au Service correctionnel, de façon à ce que celui-ci fasse son travail, ce qui représente le revers de la médaille après la condamnation des délinquants.
Mme Barrados: Je vais essayer de répondre à cette question.
Le problème se pose en raison d'un conflit de compétences, du décalage dans les échéanciers et la destination des documents. On obtient les rapports de police, les mémoires de la Couronne, et autres renseignements du même genre, qui sont utilisés et ensuite classés. La personne qui est condamnée va franchir toutes les étapes du système. Les documents se déplacent dans un sens et la personne dans l'autre. Le Service correctionnel est en mesure d'essayer de les obtenir après coup. Nous constatons qu'il faut à cette fin qu'il existe un bon esprit de collaboration, car chaque instance a tendance à utiliser les documents à ses propres fins. C'est tout à fait naturel. Mais lorsque vient le moment pour le Service correctionnel de faire son travail, nous constatons que nous n'avons pas en main la documentation requise.
Nous avons formulé deux sortes de recommandations. La première, faire le nécessaire pour améliorer cette coordination et collaboration entre les différents paliers de gouvernement et les différentes instances qui font partie intégrante du système judiciaire. Deuxièmement, et cette question relève directement du Service correctionnel, examiner de près les documents dont on a besoin. La liste est longue. Les responsables doivent donc s'assurer qu'ils ont vraiment besoin de l'information demandée avant de pouvoir faire franchir une autre étape du processus aux personnes en cause.
M. Robert Nault: Cela ne répond pas à la question de savoir si, oui ou non, dans un pays où la libération conditionnelle est si importante pour le moral de la nation, nous vivons dans une société sûre. Vous nous dites que le problème est dû en grande partie à la communication de renseignements entre les instances. Certaines personnes prennent des décisions très graves pour décider si un détenu doit être mis en libération conditionnelle en se fondant sur l'impression qu'ont d'autres personnes du comportement de ce détenu pendant son incarcération et sans connaître tous ses antécédents.
J'essaie de comprendre s'il est possible de remédier à ce problème par la voie législative sans être tributaire de cette collaboration. Il ne devrait même pas en être question. Il devrait être garanti que lorsqu'une personne est incarcérée dans une institution fédérale pendant plus de deux ans, son dossier la suit automatiquement, de telle sorte que tous les renseignements requis soient disponibles dans le système. Pourquoi n'est-ce pas le cas?
Mme Barrados: J'ai deux observations à faire en réponse à cela.
Les préoccupations au sujet de l'information se posent au début du processus car il nous faut disposer de tous les renseignements nécessaires pour effectuer l'évaluation requise et faire avancer les gens dans le système. Deuxièmement, et c'est la question que vous avez soulevée, il nous faut prendre des décisions en matière de libération conditionnelle. Le service se heurte également à une autre difficulté du fait que l'on ne sait pas toujours où se trouve tous les documents nécessaires, de telle sorte que s'il existe des dossiers sur la santé mentale des détenus, par exemple, on peut ne même pas le savoir. Puis, après coup, si un incident grave se produit, ou une enquête, on constate que c'est un élément d'information dont le service aurait dû disposer.
[Français]
Le président suppléant (M. Pierre de Savoye): Merci, monsieur Nault. Monsieur Silye.
[Traduction]
M. Jim Silye: Merci, monsieur le président.
En me préparant en vue de cette réunion, je suis tombé sur un article rédigé en 1996 parPaul Brantingham et Stephen Easton et paru dans le Fraser Forum, la publication de l'Institut Fraser. On y fait une analyse statistique de la criminalité, et notamment du coût de celle-ci, qui en assume les frais, et la récidive. Il y a une chose précise dans cet article avec laquelle je suis d'accord. Nous savons tous que la criminalité est un sujet qui tient à coeur à tous les Canadiens. C'est une question que nous examinons continuellement. J'aimerais citer l'un des derniers paragraphes de l'article:
- Le système de justice canadien ne favorise pas l'examen minutieux. Il est difficile d'obtenir
systématiquement les données sur nos résultats en matière d'appréhension de criminels, de
condamnation et de prévention de la récidive. Pourtant, toute analyse réfléchie de la justice
sociale exige que nous sachions dans quelle mesure nos activités sont efficaces et portent fruits.
Il nous faut connaître les caractéristiques des délinquants et savoir comment ils trouvent leurs
victimes. Il nous faut disposer d'un maximum d'informations sur ceux qui se font prendre et le
taux de récidive, et sur la façon dont ils sont traités une fois appréhendés, et combien cela nous
coûte à tous.
C'est une question hypothétique et ici, je peux la poser sans me faire rappeler à l'ordre par le président comme ce serait le cas à la Chambre des communes. Disons que vous soyez le directeur d'une institution dont 80 p. 100 des détenus sont des délinquants sexuels; vous essayez de mettre en oeuvre un programme de réinsertion sociale et de décider s'ils doivent ou non purger leur peine jusqu'au bout; vous essayez de faire quelque chose pour eux pour éviter qu'ils ne récidivent une fois sortis de prison. Vous dites que les détenus ont les mêmes droits que les autres, mais c'est une autre question. Autoriseriez-vous l'accès à la câblodistribution où l'on peut voir les films pornographiques dont j'ai parlé dans ma première question? Autoriseriez-vous l'achat des revues pornographiques les plus dégoûtantes pour ces détenus? L'autoriseriez-vous ou leur interdiriez-vous l'accès à ce genre de choses?
Comm. Ingstrup: Monsieur le président, il importe de faire une distinction claire entre les deux choses. La câblodistribution et les revues pornographiques les plus dégoûtantes.
M. Jim Silye: Tout cela est disponible.
Comm. Ingstrup: Pour ce qui de la câblodistribution, il est très important, monsieur, de préparer du mieux possible les détenus en vue de leur réinsertion sociale - et pratiquement tous réintègrent la société. Une des façons de le faire, c'est de s'assurer qu'ils comprennent comment vit notre société et ce qui se passe à l'extérieur. La télévision est une façon de les informer. C'est ce qu'ils feront dès qu'ils seront libérés, et c'est ce qu'ils faisaient avant leur incarcération.
Pour ce qui est des revues pornographiques, si on les définit comme des documents dégradants pour l'un des sexes ou qui renferment des images d'activités sexuelles violentes et autres choses du même genre, cela est interdit dans nos institutions. Je ne peux pas garantir qu'ils n'en rentrent jamais, car les détenus ont de nombreux contacts, mais ce genre de revues pornographiques ne sont pas censées entrer dans nos institutions et je ne pense pas qu'ils s'en vendent où que ce soit.
Toutefois, si vous parlez de documents qui présentent des activités sexuelles explicites mais sans les caractéristiques dont je viens de parler, des revues comme on peut en acheter au dépanneur, il y en a dans nos institutions aux côtés de nombreuses autres sources d'information. C'est une question de jugement quant à savoir où fixer la limite à cet égard. Comme vous l'avez dit, monsieur, ce n'est pas évident. Toutefois, de là à créer un milieu tout à fait artificiel au sein des institutions carcérales, où il nous est impossible de surveiller la réaction des détenus à des impulsions bien réelles, ce serait nous priver d'un instrument d'évaluation pour déterminer les risques de récidive de ce détenu une fois sorti de prison.
Quant aux photos sexuellement explicites, il n'est pas autorisé de les afficher aux murs de nos institutions, par exemple. C'est une chose à laquelle les employés quel que soit leur sexe ne devraient pas être exposés, pas plus que les détenus, d'ailleurs.
Je crois qu'il existe des opinions assez erronées de ce qui se passe vraiment dans nos institutions. Je sais que certains détenus ont fait des choses à cet égard qu'ils n'étaient pas censés faire, et malheureusement, ce faisant, ils ont attiré l'attention d'une façon qui nous permet peut-être d'exagérer un peu les choses.
[Français]
Le président suppléant (M. Pierre de Savoye): Merci, monsieur Silye. Monsieur Pagtakhan.
[Traduction]
M. Rey D. Pagtakhan: Le point soulevé par M. Nault, c'est que l'absence de renseignements provenant de la police ou du tribunal explique 20 p. 100 des mauvaises décisions en ce qui concerne la libération des détenus. Il reste évidemment 80 p. 100 de mauvaises décisions qui s'expliquent par d'autres facteurs. Vous dites au paragraphe 11 que les agents de correction ou les gardiens ne remplissent pas régulièrement leurs fonctions relatives à la gestion des cas, à savoir fournir de l'information pour les recommandations relatives à la mise en liberté. Voici ma question: dans quelle proportion des cas ces lacunes particulières expliquent-elles les mauvaises décisions?
Mme Barrados: Monsieur le président, je crois que j'aurai besoin d'un peu d'aide pour élucider la question.
M. Rey D. Pagtakhan: Au paragraphe 5, on dit que dans 12 cas sur 60, les renseignements émanant de la police ou du tribunal étaient lacunaires. Cela représente environ 20 p. 100 des mauvaises décisions qui s'expliquent par cette lacune. Il reste donc évidemment 80 p. 100 des cas où des décisions erronées ont été prises. J'essaie de savoir quels facteurs expliquent ces décisions erronées. Au paragraphe 11, on y fait allusion. Dans quelle mesure cette lacune explique-t-elle les décisions erronées et justifierait donc qu'on s'y attarde?
Mme Barrados: Dans le rapport de vérification, on dit explicitement que dans 12 cas sur 60, il y a un problème. C'est donc seulement dans cette proportion des cas qu'il y a un problème.
Cette constatation ressort d'une étude qui a été faite pour la Commission nationale des libérations conditionnelles. On a examiné les décisions qui ont été prises et l'on s'est demandé si la commission possédait tous les renseignements voulus et si elle aurait pris une décision différente si elle avait bénéficié de renseignements plus complets. Telle est la conclusion de cette étude. Nous donnons cet exemple pour démontrer l'importance d'avoir de bons renseignements.
Maintenant, les renseignements qui sont transmis à la Commission nationale des libérations conditionnelles sont compilés par le Service correctionnel, qui s'efforce de fournir un dossier permettant à la commission de rendre une décision à l'égard d'une personne qui chemine dans le système de gestion des cas. Par conséquent, les observations que nous faisons sur la gestion des cas et sur le besoin d'améliorer ce système en ayant davantage d'informations émanant du terrain et par une meilleure gestion du système - tout cela est pertinent.
M. Rey D. Pagtakhan: Je m'excuse de vous interrompre, mais quelle proportion des mauvaises décisions s'explique par le phénomène signalé au paragraphe 11?
Mme Barrados: Je ne pense pas pouvoir donner un chiffre même approximatif.
M. Rey D. Pagtakhan: Est-ce une proportion importante ou minime? Je veux seulement avoir une idée de la gravité du problème.
Mme Barrados: Nous pensons que c'est très grave. Il vaut mieux que je ne donne pas de chiffres précis, parce qu'il y a de grands écarts d'un établissement à l'autre. Quand nous avons fait le travail de vérification, nous avons constaté que dans certaines régions et dans certains établissements, la pratique est excellente à cet égard, tandis qu'ailleurs, les choses ne vont vraiment pas aussi bien. À cause de ces écarts, c'est assez difficile de donner un chiffre global. Nous n'avons pas tenté de le faire.
M. Rey D. Pagtakhan: Dans ce cas, j'ai deux questions à poser au commissaire. La première porte sur le paragraphe 8: il n'existe aucun mécanisme officiel permettant de décider que le service possède suffisamment d'informations sur un délinquant. Dans vos propositions, dans le plan que vous échafaudez pour simplifier le système, prend-t-on des mesures pour remédier à cette lacune précise? Y aura-t-il un mécanisme officiel, oui ou non?
Comm. Ingstrup: Oui, monsieur, il y en aura un et certains éléments ont d'ailleurs déjà été mis en place. Par exemple...
M. Rey D. Pagtakhan: Un mécanisme officiel.
Comm. Ingstrup: Voici les deux éléments les plus importants. Premièrement, nous avons maintenant une liste de renseignements essentiels qu'il faut obtenir au moment de l'évaluation initiale, à savoir les accusations antérieures, les condamnations antérieures, l'enquête communautaire postsentencielle, les rapports et interviews de police et les analyses effectuées par le personnel des unités d'accueil. Voilà ce dont nous avons besoin à l'étape initiale.
À l'étape de la prise de décisions ou de la recommandation à la Commission nationale des libérations conditionnelles, nous ajoutons un certain nombre d'autres éléments, nommément des rapports indiquant quelle a été la participation d'un détenu à des programmes et dans quelle mesure on s'attend à ce qu'il puisse se débrouiller une fois remis en liberté. À cette étape, il nous faut aussi les décisions des tribunaux, parce que le tribunal peut avoir dit quelque chose d'intéressant qui vient s'ajouter à ce qui est déjà contenu dans les rapports de police. C'est donc le premier point: la clarté quant aux renseignements dont nous avons besoin.
La deuxième étape c'est un système de suivi que l'on met en place pour que l'on sache si ces renseignements ont été transmis ou non, afin qu'on ne se retrouve pas juste avant le moment de prendre la décision pour se rendre compte que nous ne disposons pas des renseignements dont nous avons besoin. Si je me rappelle bien, nous installons ce système de suivi dans notre système principal de gestion des cas, c'est-à-dire le système informatique de notre ordinateur principal, de telle sorte que nous allons nous apercevoir de toute lacune.
Nous avons par ailleurs pris une troisième mesure, parce que nous sommes d'accord avec le point de vue du vérificateur général, et nous avons donc exercé de fortes pressions auprès de nos homologues des provinces, municipalités et territoires afin de nous assurer d'obtenir les renseignements voulus à temps pour prendre les décisions.
Le quatrième élément que je trouve important, c'est que nous avons maintenant des gestionnaires chargés de la réinsertion qui font du contrôle de la qualité, et ce travail consiste notamment à vérifier si les renseignements se trouvent au dossier et à s'assurer qu'il n'en manque aucun.
M. Rey D. Pagtakhan: Si je peux me permettre, dans une salle d'hôpital...
Le président suppléant (M. Pierre de Savoye): Ce sera votre dernière question. Vous avez déjà dépassé votre temps de deux minutes.
M. Rey D. Pagtakhan: Oui.
Quand nous faisions la tournée de nos patients, nous avions tous les outils. C'est seulement après avoir vu le patient que l'on décide s'il est prêt à quitter l'hôpital, afin d'éviter les rechutes, etc. Je ne voudrais pas pousser la comparaison trop loin, mais dans mon esprit, il y a clairement une analogie entre les deux processus. À chaque étape, on aime bien savoir de façon certaine qui est responsable le premier jour, le deuxième, le troisième et peut-être que pour une sentence de deux ans, ce serait plutôt la première semaine, le premier mois ou le troisième mois, c'est-à-dire qu'il y a un résident chef ou un agent correctionnel en chef, selon le cas, qui peut dire que tous les renseignements voulus figurent au dossier. Est-ce que cela fait maintenant partie de votre processus simplifié?
Comm. Ingstrup: Absolument, il faut que les rôles soient clairs. Deux choses: premièrement, nous sommes en train de mettre au point un énoncé des rôles qui sera présenté au comité directeur à notre réunion de juin et qui précisera exactement qui fait quoi et quand. Deuxièmement, nous avons mis au point un outil de vérification dont les gestionnaires locaux et régionaux peuvent faire usage. Nous ne pouvons pas garantir que nos patients ne nous reviendront pas. Ils reviendront. Il n'y a rien que nous puissions faire pour l'empêcher totalement. Mais je crois que nous pouvons réduire le nombre d'anicroches administratives.
[Français]
Le président suppléant (M. Pierre de Savoye): Merci, monsieur le commissaire; merci, monsieur Pagtakhan.
Monsieur le vérificateur, pour conclure ces témoignages, aimeriez-vous ajouter quelques commentaires?
[Traduction]
M. Desautels: Monsieur le président, je dois féliciter le Service correctionnel pour les efforts qu'il a déployés jusqu'à maintenant pour améliorer les activités de réinsertion et pour remédier aux problèmes que nous avons signalés. Comme je l'ai dit tout à l'heure, je crois que les gens du service ont réagi très rapidement à nos observations et amorcé toute une série d'initiatives qui semblent aller dans la bonne direction. Mais je le répète, c'est à l'usage qu'on aura la preuve que tout fonctionne bien et nous allons donc suivre de très près la mise en oeuvre de ces plans et recommandations.
Je sais que c'est une lourde tâche que d'incarcérer un détenu tout en gérant des activités qui visent à réinsérer ce détenu dans la collectivité et à en faire un citoyen respectueux des lois, mais je crois que c'est une tâche terriblement importante. J'ai visité moi-même bon nombre d'établissements au cours de la vérification et je me suis entretenu avec des gardiens et des agents ainsi qu'avec des prisonniers dans un certain nombre d'établissements. Je pense que c'est une fonction extrêmement importante qu'il faut assumer avec le plus grand sérieux, non seulement pour assurer la sécurité publique, mais aussi pour dépenser judicieusement l'argent des contribuables dans le cadre de cette activité.
Nous avons l'intention, monsieur le président, d'assurer le suivi de cette série de rapports d'ici deux ans. Nous allons, par ailleurs, faire du travail supplémentaire cette année sur les aspects du Service correctionnel qui ont trait à la garde, puisque nous avons fait un rapport là-dessus il y a deux ans et qu'il y a donc lieu de procéder à un suivi. Nous reviendrons donc devant votre comité plus tard au cours de l'année avec un peu plus d'information sur le volet garde du Service correctionnel, et nous reviendrons d'ici deux ans pour faire le point sur les fonctions de réinsertion sociale.
[Français]
Le président suppléant (M. Pierre de Savoye): Merci, monsieur le vérificateur général, monsieur le commissaire du Service correctionnel et Mmes Barrados, MacDonald et Wiseman. Vos propos sont utiles aux membres du comité dans le cadre de leur travail et je vous en remercie. Bonne fin de journée.
La séance est levée.