RAPPORT À LA CHAMBRE
Le mardi 28 juin 1996
Le Comité permanent des comptes pubics a l'honneur de présenter son
PREMIER RAPPORT
Conformément à l'alinéa 108(3)d) du Règlement, le Comité a étudié le chapitre 12 du rapport du vérificateur général d'octobre 1995--Les systèmes en développement: Gérer les risques. Il a tenu une réunion sur le sujet avec des représentants du Secrétariat du Conseil du Trésor et du Bureau du vérificateur général le 28 novembre 1995.
INTRODUCTION
Lors du dépôt du rapport du vérificateur général en octobre dernier, le chapitre 12 a suscité de nombreux commentaires de toutes parts. D'un côté, tous reconnaissent l'importance d'investir dans les technologies de l'information en vue de réduire les coûts d'exploitation ou d'améliorer les services offerts aux contribuables. De l'autre côté, des centaines de millions de dollars sont actuellement engagés dans les systèmes en développement et le vérificateur général indique dans son rapport que ces sommes d'argent étaient à risque.
En raison des montants en jeu, le VG a décidé de publier ses constatations dès octobre plutôt que dans son rapport annuel. Ce faisant, il espérait que l'on puisse encore avoir une certaine influence sur les trois projets examinés dans son chapitre et qui sont toujours en voie de développement ainsi que sur la vingtaine d'autres qui sont également en marche à travers l'appareil gouvernemental. Le Comité des comptes pubilcs était du même avis. Il voulait savoir, entre autres, si le gouvernement avait entrepris une révision des projets en marche afin d'en évaluer le risque et d'apporter les correctifs nécessaies pour réagir aux constatations du vérificateur général. Le Comité désirait aussi se pencher sur la façon de gérer les nouveaux projets. Dans ce contexte, le Comité a décidé d'inviter le Secrétariat du Conseil du Trésor plutôt6 qu'un ministère en particulier.
MISE EN SITUATION
Plus d'un organisme se partagent les responsabilités en ce qui concerne les systèmes en développement. Le Conseil du Trésor approuve les projets et les crédits nécessaires à leur mise en oeuvre en se basant sur les recommandations faites par le Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT) suite à des analyses de l'étude de rentabilisation que doit faire le ministère concerné. En tant qu'organisme central, le SCT est responsable du cadre de gestion des projets. Il surveille, entre autres, les progrès en retard des orientations et des objectifs. Les ministères doivent gérer le développement et l'implantation du système et en assurer la maintenance et l'exploitation par la suite.
Le Secrétariat du Conseil du Trésor a recensé 25 grands projets de développement de systèmes. Les budgets réunis de ces projets atteignent plus de 2,1 milliards de dollars. Pour sa part, le vérificateur général (VG) a vérifié quatre de ces grands systèmes. Ses conclusions sont alarmantes. En effet, le VG constatait que seulement un des quatre systèmes en développement examinés, soit le Système ministériel intégré de gestion des finances et du matériel (SFIM) de Transports Canada, est actuellement géré d'une façon qui tient bien compte des risques. Des trois autres, le Système de rémunération de la fonction publique (SRFP) a été abandonné par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC), le Système financier ministériel commun (SFMC), développé actuellement par TPSGC, ne compte qu'un petit nombre d'utilisateurs fermes et le projet de Remaniement des programmes de la sécurité du revenu (RPSR) exige que la direction du Développement des ressources humaines ne cesse de prendre des mesures correctrices en vue d'en réduire les risques.
Le Comité des comptes publics s'est déjà penché sur le projet de Remaniement des programmes de la sécurité du revenu dans le cadre de l'étude du chapitre 18 du Rapport du vérificateur général de 1993 (Programmes pour les aînés). Il avait recommandé, entre autres, que lui soit fourni un rapport d'étape annuel sur les progrès accomplis dans la réalisation du projet et ce, jusqu'à ce qu'il soit terminé.
OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS
Dès le début de la réunion, le sous-secrétaire et contrôleur général adjoint, M. W.E.R. Little a reconnu que le bilan concernant la réalisation des grands projets de technologie de l'information n'était pas des plus brillants même s'il a tenu à souligner que le gouvernement a connu certains succès par le passé. Du même souffle, il a fait savoir que le problème était déjà sous examen lorsque le vérificateur général a déposé son rapport. Le Secrétariat a entrepris d'examiner les 25 projets déjà existants avec les ministères. M. Little s'est dit en mesure de donner certaines garanties que le travail en cours leur permettra de prendre des mesures dans le cadre des 25 projets ainsi que d'élaborer un cadre pour les projets futurs. Il a fait état de quelques constatations intéressantes découlant de cet examen. Premièrement, le SCT n'est pas persuadé que la haute direction donne l'appui nécessaire dans tous les cas pour surmonter certaines difficultés d'un projet. Deuxièmement, le Secrétariat du Conseil du Trésor constate que les projets ne sont pas tous gérés avec la même rigueur et il s'inqiète de la façon dont les changements sont apportés en cours de route. Troisièmement, il se préoccupe des questions d'imputabilité, des pouvoirs et de la responsabilité et il est à mettre au point un moyen de s'assurer que des comptes seront rendus.
M. Little a remis au Comité un plan d'action qui propose des améliorations au cadre de gestion déjà existant afin de solutionner les problèmes soulevés. Le plan contient une liste des tâches à accomplir qui s'étendent jusqu'en mars 1997. Deux composantes du cadre de gestion, la régie et le contrôle, sont particulièrement importantes. En ce qui concerne la régie, le Secrétariat du Conseil du Trésor veut tout d'abord prévoir un cadre d'imputabilité mieux défini. L'approbation du financement des projets se ferait par étape et non plus par bloc. On passerait à la prochaine étape de financement seulement si les résultats prévus sont atteints. Pour ce qui est de l'examen, le SCT établirait desd mécanismes efficaces pour suivre l'évolution des projets et en évaluer le rendement. Par ailleurs, il procéderait à des contrôles de validité complets, en ne se fiant pas exclusivement à la personne responsable du projet, mais aussi en effectuant des examens indépendants, des vérifications et des examens de pairs. Le SCT a aussi l'intention d'effectuer un plus grand nombre d'évaluations de projets particuliers, en insistant pour que les ministères lui fournissent les résultats des évaluations dans un format permettant d'évaluer les résultats et de constater que l'on a suivi les procédures appropriées pour mettre en oeuvre ces projets progressivement.
Le Comité constate que le Secrétariat du Conseil du Trésor a répondu positivement aux obserations du vérificateur général dans son chapitre et qu'il compte prendre des mesures concrètes dans ce sens. Toutefois, comme le VG l'a fait remarquer durant la réunion, le Secrétariat du Conseil du Trésor aura besoin de beaucoup d'appuis et de coopération afin de s'assurer que sa démarche donnera les résultats voulus. En effet, le SCT peut avoir le meilleur cadre de gestion en place mais il s'avérera inutile s'il n'est pas appliqué. Seul l'avenir dira en quoi le nouveau cadre de gestion permettra de tirer le maximum des montants investis dans les technologies de l'information.
Au cours de la réunion, les membres du Comité ont fait part de leurs préoccupations quant à la gestion des systèmes en développement ainsi que de certains points à considérer dans la nouvelle approche proposée par le SCT. Premièrement, ils ont souligné l'importance du parrainage, de l'appropriation et de la reddition des comptes dans la réussite d'un projet. Il doit y avoir une implication réelle de la part des cadres qui engagent les deniers publics dans la mise en oeuvre des projets. Comme l'a bien résumé M. David Roth, du Bureau du vérificateur général, durant la réunion du 28 novembre dernier: «(Le parrain), c'est celui ou celle qui comprend la valeur du projet pour l'organisme et pour le gouvernement tout entier, qui relie le projet aux objectifs opérationnels et qui appuie et favorise constamment le projet. Au bout du compte, cette personne doit être celle que l'on félicite du succès du projet ou que l'on blâme de son échec.».
Le deuxième point que le Comité considère important est la reddition des comptes. Le Comité est d'avis que le SCT devrait trouver les moyens de motiver les gens de tous les niveaux afin qu'ils adhèrent complètement au projet et comprennent l'importance de le menr à terme. En même temps, le SCT devrait leur indiquer clairement qu'ils ont des comptes à rendre. Toutefois, même avec les meilleures intentions du monde, il peut arriver que certains projets ne fonctionnent pas comme prévus. Selon une étude américaine réalisée par The Standish Group qui a porté sur des organisations publiques et privées (dont certains résultats sont rapportés dans le chapitre 12), «une proportion renversante, soit 31,1 p. 100 des projets seront annulés avant d'être menés à terme». Il est essentiel que les gestionnaires aient les outils en main pour identifier les projets en difficulté et y mettre fin lorsque ceux-ci s'avèrent irrécupérables. Le Comité est inquiet du fait que le Bureau du vérificateur général ait identifié le Système de rémunératiaon de la fonction publique comme étant réellement en danger avant que le ministère prenne la décision d'y mettre fin. Il se demande si et surtout quand cette décision aurait été prise n'eût été de la publication des constatations du VG. Le Comité croit que les mécanismes de reddition des comptes doivent fonctionner parfaitement sinon il devient plus facile de ne pas se sentir responsable de l'échec d'un projet ou de camoufler son incapacité à le mener à bon port. Il semble que de tels mécanismes de reddition des comptes seront incorporés dans le nouveau cadre de gestion. Toutefois, le Comité n'est pas convaincu que les projets en cours font l'objet d'une surveillance adéquate de la part du Secrétariat du Conseil du Trésor. Même si M. Little a déclaré qu'il avait entrepris un examen des 25 projets, de concert avec les ministères, qui permettra de prendre certaines mesures, le Comité n'est pas très rassuré à ce propos. En effet, M. Little a aussi indiqué au Comité qu'il aimerait avoir les moyens de mieux suivre l'évolution de ces projets. Il a d'ailleurs demandé à son groupe de trouver des moyens de recueillir des renseignements et de suivre l'évolution de quelques projets particuliers. Pour M. Little, la surveillance de la mise en place des projets est une question de temps et de moyens et il a fait savoir qu'il n'avait pas beaucoup de personnel. Devant ces faits, le Comité pense que des ressources supplémentaires affectées au groupe de M. Little constitueraient un bon investissement puisque cela pourrait avoir comme conséquence de limiter les dépassements de coûts et d'identifier plus rapidement les projets en danger. Par conséquent le Comité recommande:
-
Que le gouvernement envisage d'affecter plus de personnel au groupe
chargé de la surveillance des projets liés aux technologies de
l'information compte tenu des économies à réaliser en effectuant un
contrôle plus serré des coûts et des échéances de chaque projet.
Troisièmement, le Comité appuie l'intention du gouvernement de mettre en oeuvre des systèmes en «petites bouchées» qui ont l'avantage de procurer des avantages distincts plus rapidement. Toutefois, il faudra que le gouvernement soit vigilant car il importe de ne pas perdre de vue le but final visé par l'implantation successive de petits projets.
De plus, comme l'a fait remarquer le vérificateur général durant la réunion, si l'on veut entreprendre des projets plus petits, il est d'autant plus important d'avoir une idée claire de ce que l'on veut faire à long terme et d'avoir un plan rigoureux pour qued l'on sache si ces petits projets s'intègrent dans un projet ou une stratégie à long terme.
Par ailleurs, le Comité comprend qu'il incombe aux ministères de gérer le développement et l'implantation des systèmes en développement et que le Secrétariat du Conseil du Trésor doit se fier à eux afin d'obtenir l'information désirée. Cependant, en tant qu'organisme central, le Secrétariat du Conseil du Trésor doit avoir une vision globale du «portefeuille informatique» du gouvernement. Il est important que ceux qui prennent la décision d'approuver un projet aient des données complètes sur les coûts prévus et réels, les risques asociés au projet et l'état d'avancement des travaux. Le SCT doit s'assurer que les ministères rassemblent cette information et la lui transmette en temps opportun.
Lors de la réunion, le Comité a demandé au SCT de lui fournir un compte-rendu dans lequel on pourrait savoir si les dates cibles pour la réalisation de chacun des 25 projets seront vraisemblablement respectées. Le Comité voulait aussi obtenir une liste des responsables de chacun des 25 projets. En outre, il aimerait être tenu au courant des succès et des échecs des projets à mesure que ceux-ci sont terminés. M. Little s'est engagé à lui fournir ces renseignements. Compte tenu de l'ampleur des investissements dans les technologies de l'information, le Comité considère que ce genre d'information pourrait s'avérer utile pour les parlementaires et devrait être fournie sur une base régulière.
Il ne croit pas que cela constituera un fardeau indu puisque le SCT a déjà demandé aux ministères de se doter d'un mécanisme d'évaluation des risques en ce qui concerne les 25 projets. Pour ce qui est des nouveaux projets, le SCT devra avoir en main ces renseignements pour débloquer les fonds nécessaires à un ministère pour passer à l'étape suivante. Par conséquent, le Comité recommande:
Que le Secrétariat du Conseil du Trésor produise un rapport annuel sur l'état de la situation concernant les investissements des ministères dans les systèmes en développement. Ce rapport devra contenir:
1) une fiche descriptive de chaqued projet (but, coût initial, budgets et objectifs prévus pour chaque étape, personne responsable);
2) des données historiques (investissements au titre des projets, taux de réussite);
3) des informations sur la gestion du projet (le projet est-il en difficulté, y a-t-il dépassement dans les coûts, les échéanciers seront-ils respectés); et
4) les actions prises par le Secrétariat du Conseil du Trésor (refus de financement, avertissement, vérification).
Que, avant le financement de tout projet, le Secrétariat du Conseil du Trésor s'assure qu'il y awita parrainage, appropriation, acceptation des idées, reddition de coptes complets et, lorsque cela est possible, que le SCT divise les projets en «petites bouchées».
CONCLUSION
Le Comité est bien conscient qu'il n'existe pas de solution miracle au défi que pose la gestion des projets de technologie de l'information. Avec l'examen de «conscience» qu'il s'est imposé, le Comité estime que le SCT est sur la bonne voie avec la mise en place d'un nouveau cadre de gestion. Le Comité reconnaît que le SCT ne peut à lui seule changer les façons actuelles de mettre au point et de gérer les projets de développement de systèmes. En effet, les ministères ont un rôle essentiel à jouer à cet égard. Dans le contexte de restriction budgétaire qui prévaut, le gouvernement ne peut tout simplement pas se permettre de dépenser des millions de dollars qui ne produisent que des investissements à rendement faible. En ce sens, il est important que le SCT démontre plus de leadership afin que tous les ministères soient en mesure de relever les défis que posent l'application des technologies de l'information dans l'administration fédérale.
Conformément à l'arqticle 109 du Règlement de la Chambre des communes, le Comité demande au gouvernement de déposer une réponse globale au présent rapport.
Un exemeplaire des Procès-verbaux pertinents (fascicule no 36, 1ère session de la 35e Législature, et fascicule no 1 de la présente session qui comprend le présent Rapport) est déposé.
Respectueusement soumis,
Le jeudi 20 juin 1996
DEUXIÈME RAPPORT
Conformément à son ordre de renvoi du jeudi 7 mars 1996, le Comité a examiné le crédit 30 sous la rubrique FINANCES du Budget des dépenses principal pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 1997 et en fait rapport.
Un exemplaire des Procès-verbaux pertinents (fascicule no 1 qui comprend le présent rapport) est déposé.
Respectueusement soumis,
Le président,
MICHEL GUIMOND