[Enregistrement électronique]
Le jeudi 14 mars 1996
[Traduction]
Le président: Mesdames et messieurs, je crois qu'il y a quorum et la séance est donc ouverte.
Il y a deux ou trois points à l'ordre du jour de ce matin. Je crois que nous disposons de la salle jusqu'à 11 heures.
Le greffier du comité: Oui.
Le président: À 10h30 au plus tard, le comité doit examiner le premier rapport du comité directeur. Vers 10h30 donc, selon où nous en serons dans les questions et les observations des témoins de ce matin, nous entamerons cette étude afin de voir si nous pouvons régler ce point de l'ordre du jour avant la fin de la séance.
D'abord, je souhaite la bienvenue à M. Art Olson et le prie de présenter les personnes qui l'accompagnent. Ils vont nous présenter un exposé sur le projet de règlement relatif à la production d'aliments biologiques. Monsieur Olson, vous avez la parole.
M. Art Olson (sous-ministre adjoint, Direction générale de l'inspection et de la production des aliments, Agriculture et Agroalimentaire Canada): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je suis accompagné par Mme Anne Mackenzie. Mme Mackenzie est la directrice générale de la Direction de l'inspection des aliments. Elle a la responsabilité de notre politique internationale en ce qui concerne toutes les questions d'inspection d'aliments qui relèvent d'Agriculture et d'Agroalimentaire Canada. Cela inclut l'inspection des viandes, la délivrance de tous les permis concernant les fruits et légumes, l'arbitrage et toutes les questions connexes, les semences, les provendes et les engrais, soit les intrants agricoles.
Elle a de nombreuses relations à l'échelle internationale étant donné qu'elle préside le comité de l'étiquetage du Codex alimentarius et représente le Canada dans divers forums quadrilatéraux où nous travaillons avec d'autres pays sur l'harmonisation des normes applicables aux aliments et les mesures à prendre face à certains risques qui pourraient se poser dans notre environnement.
Je suis également accompagné par Ann Millar. Ann assume d'intéressantes responsabilités du fait qu'elle travaille avec des organisations très différentes dans le but de mener à bien tout l'avant-projet de règlement dont nous parlerons ce matin. Elle est la personne ressource qui s'occupe des différentes organisations de certification au Canada; il y en a 42, chacune représentant des intérêts divers, mais aucune ne représente la totalité de l'industrie des aliments biologiques au Canada.
Monsieur le président, j'ai quelques notes que j'aimerais d'abord lire, si cela peut vous être utile.
Le président: Je vous en prie.
M. Olson: Nous croyons savoir, soit dit en passant, qu'il s'agit plutôt d'une séance d'information, mais pour ce qui est de l'état d'avancement de l'avant-projet de règlement, nous nous ferons un plaisir de répondre aux questions que vous pourrez avoir au sujet de la réglementation proposée, de l'orientation que nous prévoyons et des raisons pour lesquelles nous en sommes là.
Le président: C'est bien, monsieur Olson. Si vous pouviez faire le point pour nous de la situation au ministère, nous aurons certainement des questions à poser, des observations à faire. On nous a aussi en quelque sorte laissé entendre que d'autres groupes pourraient souhaiter comparaître devant le comité à titre de témoins, et nous avons pensé qu'auparavant il faudrait qu'on nous présente une mise à jour, une séance d'information, sur la situation actuelle.
M. Olson: Merci, monsieur le président.
D'abord, nous traitons ici d'un ensemble de règles qui portent au fond sur la nomenclature. Elles portent sur la nomenclature d'une technologie de production dite biologique. Les produits qui résultent de cette technologie de production sont déjà visés par la Loi sur les aliments et drogues lorsqu'il est question de santé et d'innocuité et d'allégations fausses ou trompeuses. Ils sont déjà régis par la législation applicable à l'étiquetage et à l'emballage, et ils sont assujettis, à titre de produits végétaux, à la Loi sur les produits agricoles au Canada.
Il existe donc une structure pour ces produits. La différence, dans ce cas-ci, c'est que nous parlons d'une nomenclature spécifique, d'une technologie de production, que l'industrie veut faire reconnaître pour avoir accès aux débouchés internationaux.
C'est un processus assez complexe que de tenter d'en arriver à un consensus quand il est question d'un si grand nombre d'organisations. Nous avons fait tout ce que nous avons pu pour que ce soit l'industrie elle-même qui fasse avancer le processus. Comme je l'ai déjà dit, il existe 42 organisations de certification différentes au Canada, ce qui complique particulièrement les choses.
Je crois savoir que nous avons remis un texte assez étoffé à tous les membres afin qu'ils aient en main le plus d'informations possible, mais je vais vous expliquer ce processus. Nous avons aussi un historique assez détaillé que nous pouvons vous présenter si vous le voulez, pour expliquer un processus assez long qu'il vous serait peut-être bon de connaître aussi.
La condition de base de la production d'aliments biologiques, au Canada, et à l'étranger, est de n'utiliser presque pas de substances de synthèse. Cette règle demande que le maintien de la durabilité des sols, des ressources hydriques et de l'écosystème agricole constitue les principes distinctifs de ce sous-secteur de l'agriculture.
Au Canada, la production d'aliments biologiques a adhéré pour une cinquantaine d'années à ces principes. Je pense qu'on pourrait dire en fait que la totalité de la production au Canada était biologique avant qu'on n'ait recours à certains produits de synthèse pour le contrôle des ravageurs et aux engrais mis sur le marché tout de suite après la Seconde Guerre mondiale.
Par rapport à la production agricole nationale, l'organisation et la productivité du sous-secteur des aliments biologiques au Canada ont été modestes. Toutefois, ces dernières années, ce sous-secteur a connu une croissance directement attribuable à la sensibilisation accrue du consommateur à l'égard de l'environnement et à la nécessité de stimuler dans l'agroalimentaire des activités profitables à l'écosystème.
Alors que l'élaboration des normes suivait son cours, Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) a facilité la tâche de l'industrie. Agissant comme point de convergence pour elle, le ministère a fourni l'aide et l'apport nécessaires au Projet canadien d'unification de la production biologique, le PCUPB, projet visant à définir des normes canadiennes de certification des entreprises et produits biologiques et à établir des méthodes de travail pour un programme d'évaluation et d'agrément des organismes de certification des aliments biologiques.
Nous avons participé aux travaux des divers comités du Projet, relativement aux exigences et processus fédéraux éventuels. Si le ministère a fait preuve d'une collaboration assidue, sa participation aux délibérations du comité s'est bornée à un rôle consultatif. Les décisions finales et la paternité des propositions qui en découlaient sont restées entièrement l'apanage de l'industrie.
Au Canada, l'emploi du qualificatif «biologique» et des mots de la même famille est assujetti aux interdictions de la Loi sur les aliments et drogues et de la Loi sur l'emballage et l'étiquetage des produits de consommation, lorsqu'il est question d'étiquetage et de renseignements trompeurs sur les aliments.
En décembre 1988, le ministère de la Consommation et des Corporations d'alors publiait des lignes directrices sur cette terminologie. Maintenant que le service d'inspection au détail y est intégré, Agriculture et Agroalimentaire Canada est le seul ministère chargé du respect de ces dispositions dans la vente au détail.
Afin d'éviter l'emploi abusif de ces termes dans le contexte des deux lois que je viens de mentionner, on a demandé à l'industrie de s'autoréglementer, en l'absence de toutes dispositions législatives précises. Les utilisateurs du qualificatif «biologique» doivent être en mesure de prouver que la filière du produit est certifiée et vérifiable en tous points.
Le Conseil consultatif canadien de la production biologique a joué le rôle de principal intermédiaire dans les consultations entre l'industrie des produits biologiques et l'État. Ses directeurs ont reçu les observations compilées de ces deux parties sur le projet de normes sur les produits biologiques.
Ils ont également reçu un tableau comparatif du projet de normes canadiennes, de l'American Organic Foods Production Act, des règlements organiques de la Communauté européenne et du projet de normes mexicaines sur les produits biologiques.
Cette information a été évaluée en vue de la préparation finale des normes. Le projet de règlement fédéral se fonde sur ces normes de certification et ces modalités d'agrément, élaborées par l'industrie.
En consultation avec le ministère de la Justice, AAC a rédigé l'avant-projet de règlement, en s'inspirant des normes et des modalités élaborées par l'industrie. Le projet de règlement sur la production d'aliments biologiques a bénéficié de vastes consultations. L'industrie agricole canadienne, les provinces et le département américain de l'Agriculture ont examiné le document.
Le président: Nous avons du mal à vous suivre.
M. Olson: Je regrette. Je vous lis une version très abrégée de mes notes.
Le président: J'en suis maintenant à la page 4. Je vois que certains ne s'y retrouvent plus.
M. Olson: J'en suis navré. Je voulais simplement vous remettre un document détaillé que vous pourriez lire à votre convenance.
Le président: C'est bien.
M. Olson: J'ai pensé que vous n'auriez surtout pas envie de m'entendre lire cinq ou six pages d'un texte touffu. Je regrette de ne pas l'avoir précisé.
Le président: Poursuivez.
M. Olson: Si je pouvais tout résumer en un paragraphe, monsieur le président, j'en serais ravi, mais ce n'est pas aussi simple.
Le président: Non, ça ne l'est pas.
M. Olson: AAC a conclu que le projet avait été bien accueilli. Toutefois, lorsqu'on a fait circuler la dernière ébauche du document parmi les divers groupes, pour l'examen final avant d'entamer le processus réglementaire officiel, on s'est aperçu que les divers secteurs de l'industrie canadienne des produits biologiques ne convenaient pas tous de la nécessité de réglementer cette activité ou n'acquiesçaient pas tous à la nature du projet.
À la demande du Conseil consultatif canadien de la production biologique, les règlements sont contraignants. Ils ne s'appliquent qu'aux produits portant le label «biologique», qui sortent de la province d'origine. À l'intérieur d'une province ou d'un territoire, le commerce relève de la province ou du territoire.
Seule la Colombie-Britannique s'est dotée d'un règlement sur l'agriculture biologique auquel on se soumet de façon volontaire. Les fonctionnaires du ministère sont au courant que le Québec présentera un projet de règlement auquel il sera obligatoire de se conformer. La nature exacte de ce texte reste inconnue pour le moment.
Le règlement fédéral rendra le système obligatoire pour les organismes de certification dont les clients exportent des produits biologiques sur les marchés internationaux. L'Union européenne a adopté deux systèmes qui exigent la certification de tous les produits faisant l'objet d'un commerce sous le label «biologique». Les États-Unis ont également proposé un système comparable en vertu de leur Organic Foods Production Act de 1990. Je dois aussi ajouter que l'Australie a mis en place un système très semblable à celui que propose le Canada, qui régit obligatoirement le mouvement inter-État et international.
Nous pouvons donc voir qu'il y a de nombreuses similitudes. Ces systèmes disposent que les produits importés doivent résulter d'un système de production reconnu comme équivalent. Nous attendons des autres pays ce qu'ils attendent eux-mêmes de nous.
Monsieur le président, je m'en tiendrai là. Veuillez m'excuser pour la confusion que j'ai pu semer. J'essayais d'être aussi bref que possible.
Le président: Je le comprends.
Pour commencer la période de questions d'aujourd'hui, je donne la parole au parti ministériel, ensuite à l'Opposition officielle et au troisième parti. J'ai l'intention de faire en sorte qu'un autre jour nous inversions l'ordre à moins qu'il y ait des objections. Monsieur Reed, vous avez la parole pour dix minutes.
M. Reed (Halton - Peel): Merci beaucoup. Je promets de ne pas prendre dix minutes, monsieur le président.
Je n'ai que deux questions. On a parlé de commerce interprovincial. En ce moment, nous essayons de démanteler les barrières commerciales et de créer ce que l'on pourrait appeler un marché commun à l'intérieur du Canada. Il existe encore de nombreuses entraves au commerce interprovincial. Je me demande si vous pourriez nous en parler et si vous ne vous trouvez pas en conflit avec la volonté de tous les gouvernements du Canada d'en arriver à un terrain d'entente.
M. Olson: Monsieur le président, je pense que cette question relève d'un cadre plus général, celui de ce que l'on appelle le «traitement national». Autrement dit, le traitement que nous réservons aux produits qui entrent au Canada... nous devons nous appliquer le même traitement. Ce qui veut dire qu'au Canada nous régissons les mouvements à la frontière internationale et entre les provinces. Un exemple en est la viande. À moins qu'elle soit inspectée par le gouvernement fédéral, la viande ne peut passer d'une province à l'autre. C'est la même chose dans ce cas précis. Cela s'applique à presque toutes les denrées, soit dit en passant.
M. Reed: Il me semble qu'on voudra mettre en place un organisme unique pour l'inspection des aliments. Qu'arrivera-t-il alors?
M. Olson: Il y a un grand débat sur cette question, mais je dirais ceci. Dans les diverses ententes commerciales dont le Canada est un pays signataire, il existe une définition variable de ce qu'on appelle le traitement national. Il y a ceux qui aiment à penser que le traitement national correspond à la norme minimale qui peut avoir cours n'importe où à l'intérieur d'un pays, n'importe où à l'intérieur d'une administration. Dans le cas du Canada, si une province a des normes peu élevées, alors d'autres pays importeront dans cette province, et peut-être au Canada, conformément à ce niveau de normes.
Depuis quatre ou cinq ans, nous travaillons avec acharnement à l'établissement d'une série de normes nationales. Par exemple, un excellent processus de coopération entre le secteur laitier et le secteur du conditionnement des produits laitiers est sur le point d'accoucher d'un code laitier national.
Je me rappelle d'avoir discuté il y a quelques années de la question du chevauchement et du double emploi avec les administrations provinciales ainsi que des barrières interprovinciales. Dale Tulloch, du Conseil laitier national, me rappelait qu'il existe en ce moment 11 contenants différents d'un litre pour le lait au Canada. Ils sont tous définis par des lois provinciales et chacun est défini de façon un peu différente des autres. Nous essayons d'en arriver à un code national pour régler ce genre de questions.
Nous nous acheminons dans la même voie pour ce qui est de l'inspection des viandes, d'un code national pour l'inspection des viandes, question qui est quand même beaucoup plus complexe en raison de la diversité des niveaux d'inspection de la viande dans le pays.
Pour ce qui est des fruits et légumes, nous y sommes presque, pour ainsi dire, puisque je crois - et reprenez-moi si je me trompe, Dr Mackenzie - que presque toutes les provinces appliquent maintenant des normes fédérales aux fruits et légumes.
Pour ce qui est des produits transformés, des fruits et des légumes en conserve, presque tout le monde aussi utilise la même norme fédérale.
M. Reed: Comment définissez-vous le mot «synthétique»?
M. Olson: En fait, la tâche que je trouve la plus complexe consiste à définir si un produit est de nature chimique ou non. Cela devient particulièrement complexe, et il y a des jours où l'on se dit qu'il faudrait presque prendre un cours d'initiation à la biologie et à la chimie.
Votre question est difficile. Pour moi, le mot «synthétique» s'applique à un produit qui est l'aboutissement de phases de conception. Il existe de nombreux produits non synthétiques - par exemple, les produits de lutte antiparasitaire et les engrais - mais on peut en fait obtenir les mêmes produits par voie de synthèse. C'est vrai des médicaments comme des produits antiparasitaires ou je ne sais quoi encore. Au fond la définition n'importe pas tant. C'est une question complexe.
M. Reed: Je pense aux engrais. Pour ce qui est du milieu biologique, comment décidez-vous que certains engrais sont acceptables et que d'autres ne le sont pas. Après tout, tous les engrais manufacturés le sont à partir de produits naturels.
M. Olson: Je vous répondrai ainsi: Je crois que l'impact des innombrables produits chimiques qui nous entourent inquiète vivement notre société. Notre système de santé est aussi en cause. Ces produits sont essentiels sous toutes sortes de formes.
Parmi ceux qui s'inquiètent il y a ceux qui s'inquiètent de l'utilisation de produits fabriqués par l'homme, fabriqués chimiquement. Cependant, lorsque ces mêmes produits existent dans la nature et en sont simplement extraits, ils les acceptent à condition qu'il n'y ait pas dans leur structure ou dans leur texture des éléments contaminants. C'est une composante importante du débat actuel au sein de l'industrie.
D'une manière générale, l'industrie n'aime pas les produits synthétiques. Certains secteurs de l'industrie, par exemple, utilisent des composés naturellement disponibles, les pyrétroïdes, pour combattre les ravageurs, mais leur fabrication est synthétique. Il y a donc toutes sortes de variations.
Il n'est peut-être pas inutile de rappeler que certains de ces problèmes de définition qui se posent à l'industrie sont la conséquence de ces inquiétudes et de ces interprétations.
[Français]
M. Chrétien (Frontenac): Il y a des contraintes et des coûts reliés à l'agriculture biologique.
Je me souviens très bien que, dans la circonscription voisine de la mienne, il y avait une grosse ferme biologique qui mettait sur le marché des légumes et des fruits et qui ajoutait à ses affaires en vendant des pâtés dans la grande région où je demeure. Cela allait tellement bien que la ferme ne pouvait suffire à la demande de produits de base.
Je me souviens que, par exemple, pour les carottes, on allait s'approvisionner à Montréal, ce qui n'avait aucun lien avec la culture biologique. On faisait l'ensachage et on mettait sur le marché des carottes biologiques qui se vendaient, dans bien des cas, à 200 p. 100 de leur valeur. Les gens étaient tout simplement dupés.
Je me souviens également qu'un de mes amis producteur laitier, qui était toujours quelques années avant son temps, à la suite d'une réunion où il avait été très marqué, avait décidé de transformer son troupeau de vaches laitières en troupeau de vaches laitières biologiques. C'en était fini du vétérinaire; je le voyais frotter les pis de ses vaches avec de l'huile Mazola pour guérir les mammites.
L'engrais chimique auquel vous faisiez allusion plus tôt, monsieur Reed, il n'en était plus question, si bien que ses coûts de production ont augmenté en flèche alors que sa production laitière a diminué de 40 à 50 p. 100. Ses vaches n'avaient plus de mammites, mais elles ne donnaient presque plus de lait.
Il a dû changer leur alimentation et, comme il ne pouvait pas mettre en marché son lait biologique - il n'allait pas créer un nouveau système de transport, une nouvelle usine de transformation - , il était pénalisé de A à Z. Au bout de quelques années, il a dû revenir sur terre et retourner à l'agriculture traditionnelle pour éviter la faillite.
Je pense, comme vous tous, que la réglementation est essentielle, premièrement pour ne pas que les producteurs se fassent duper et deuxièmement pour que les agriculteurs et les transformateurs puissent vivre raisonnablement.
Je voudrais en venir aux coûts. Est-il réaliste, au niveau national, de faire vivre des transformateurs et des agriculteurs sur une grande échelle?
Évidemment, un petit agriculteur qui a sept ou huit acres où il cultive des fraises ou des framboises peut toujours dire qu'il n'utilisera aucun produit chimique ou synthétique et pourra s'en sortir. Je dois cependant vous faire remarquer que la longévité de ceux que j'ai connus dans le domaine a été très courte.
Finalement, il y a certains produits dits biotechnologiques qui sont difficilement décelables. Je pense, entre autres, à la STBr, une hormone naturelle que chaque vache laitière possède dans son cerveau et qu'on peut ajouter de façon artificielle par le biais d'injections pour augmenter la production laitière. Il semble que pour la détecter dans le réservoir du refroidisseur à lait, il en coûterait entre 7 000$ et 8 000$ par analyse, et qu'il faudrait plusieurs jours pour déceler si une des vaches du troupeau a été injectée à la STBr. Il y aura sûrement des difficultés de vérification à certains endroits.
Il y a également les luttes biologiques. On peut éliminer les fongicides, les pesticides, les insecticides, etc., en orchestrant une lutte biologique. Au lieu de mettre du poison à souris dans mon étable, j'y avais mis une douzaine de chats, mais mes chats ont créé des problèmes avec mes voisins. Je réglais le problème des souris de façon totalement biologique, mais j'ai eu d'autres problèmes avec les voisins; on tuait mes chats.
En terminant, pour revenir à la réalité de la vie, vous n'êtes pas sans savoir que cela va faire augmenter considérablement les prix. Je me demande également si les produits biologiques ne seront pas réservés à une classe de gens privilégiés, parce qu'il y a déjà des gens sur la planète qui crèvent de faim et que la population, d'ici l'an 2020, va encore augmenter sensiblement.
Donc, si, au Canada, on se dirigeait de façon massive vers l'agriculture biologique, il ne devrait pas y avoir de problème majeur. Mais dans certains coins de notre planète, si on veut être philanthrope, il y en a qui vont payer un peu le luxe qu'on pourra se payer ici.
L'idéal serait qu'on soit un milliard sur la planète et qu'on cultive nos produits de façon biologique seulement. J'ai visité deux pomiculteurs, l'un qui pratique la culture selon les bonnes normes qu'on connaît aujourd'hui et l'autre qui pratique la culture biologique. Les pommes du deuxième sont deux fois moins grosses que celles du voisin, leur pelure est toute mâchée par les vers et ainsi de suite. Tout le monde voudrait être beau, riche, en santé, grand et fort, et personne ne veut être faible, malade, laid, etc.
J'aimerais connaître votre point de vue. Je vous en ai dit pas mal, monsieur Olson, mais je pense que vous êtes capable d'en prendre beaucoup.
[Traduction]
Le président: Monsieur Olson.
M. Olson: Monsieur le président, je me sens très solidaire de ces chats.
Le président: Exagérer peut parfois aboutir au contraire du résultat recherché. Si M. Chrétien n'avait eu que deux chats au lieu d'une douzaine, peut-être que ses voisins n'auraient pas réagi ainsi quand tous ces chats n'avaient plus de souris à se mettre sous la dent.
M. Olson: Je crois qu'il y a toujours place pour les forces du marché. Je suis sûr que la concurrence a favorisé ces chats, ils avaient donc toutes leurs chances.
De manière plus générale, je crois qu'il existe une demande pour les produits issus de cette technologie particulière. Cette technologie comporte des variantes mais il y a un marché et ce marché est en expansion.
En même temps, ce que nous appelons l'agriculture traditionnelle est confrontée à des pressions environnementales parce que les parasites, par exemple, développent de nouvelles résistances. L'exemple classique est celui du parasite de la pomme de terre du Colorado. C'est un parasite des pommes de terre qui se défend très rapidement contre les nouvelles armes chimiques. Il est en constante mutation. C'est un peu le même genre de chose qui arrive avec les bactéries qui affectent les êtres humains et qui sont confrontées à des antibiotiques. Elles s'adaptent très rapidement.
Il faudra trouver une solution intermédiaire à long terme pour la production alimentaire mondiale. Il faudra combiner le contrôle parfois chimique des parasites et de nouvelles techniques de production. Elles impliqueront la découverte de moyens de résistance à certaines maladies particulières aux végétaux et aux animaux, par exemple. Je crois que c'est ainsi que l'agriculture évoluera.
Je crois aussi qu'au niveau des technologies, la production agricole et la production commerciale évolueront en parallèle. Il y aura une très grande analogie. Les efforts seront mutuels et partagés.
Je pourrais prendre comme exemple celui de vos pommes. Il y a quelque 30 ans j'étais en Californie et j'ai rencontré les représentants du département de l'Agriculture là-bas pour discuter avec eux des problèmes de mise en place du premier programme de gestion intégrée des parasites qu'ils venaient de lancer. Ce programme permettait de réduire considérablement les quantités d'insecticide utilisées. Il encourageait l'utilisation de prédateurs naturels des insectes. Il prévoyait par exemple au niveau de la production un espacement plus grand entre les arbres dans les plantations pour réduire le risque de contamination en cas de maladie. Ce programme préconisait toutes sortes de technologies pour limiter la nécessité de recours aux solutions habituelles pour combattre les parasites. C'est aujourd'hui devenu la norme en matière de production alimentaire sur l'ensemble du continent nord-américain. C'est devenu un élément de production.
Le meilleur exemple au Canada est l'implantation dans le blé de gènes résistant à la rouille. L'autre solution aurait été chimique. Avec les années nous avons introduit dans nos cultures de blé des gènes résistant à toute une variété de maladies si bien que nous n'avons plus besoin des autres méthodes antiparasitaires. C'est le plan de blé lui-même qui se défend.
Toutes ces technologies convergent puisqu'elles s'alimentent mutuellement. Je crois qu'au niveau mondial elles finiront par faire partie d'une solution plus globale. Cela ne pose donc aucun problème.
Pour ce qui est de votre commentaire concernant la valeur de ce produit, c'est une technologie de production ou une série de technologies de production. Dans de nombreux cas, la fabrication de ces produits nécessite beaucoup de travail. Je suis certain que les fabricants de ces produits entendent en tirer un bénéfice à la hauteur de l'investissement de départ. Comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est un marché en pleine expansion. Il me semble que les gens sont prêts à en payer le prix. Je crois que c'est un bon signe sur le plan du développement de cette industrie.
Il y a un marché international en pleine croissance et c'est la raison de cette réglementation. Pour que le Canada puisse certifier que ces produits sont biologiques et peuvent être exportés en tant que tels, il nous faut un cadre de réglementation et c'est en partie la raison de ce règlement.
À propos de biotechnologie, je vous ai parlé de l'implantation dans le blé de gènes résistant à la rouille. Je suis biochimiste de formation. On pourrait dire en fait que je suis biotechnicien de formation bien que cela fasse des années que je n'ai pas vu une paillasse de laboratoire ou, en toute honnêteté, que j'ai participé à une recherche scientifique. Mais à de nombreux égards, je ne considère la biotechnologie comme étant si différente des techniques d'hybridation traditionnelles utilisées par nos phytogénéticiens. C'est un autre moyen de développer la résistance naturelle ou d'améliorer la productivité. La biotechnologie est un outil.
Je crois que cette industrie s'en inquiète mais c'est aussi un peu ce qu'elle recherche dans cette définition de technologie de production.
Je crois avoir répondu à tous les volets de votre question.
Le président: Merci, monsieur Olson.
J'aimerais simplement vous demander une précision avant de donner la parole àM. Hermanson. Avez-vous des chiffres sur l'importance du secteur des technologies de production d'aliments biologiques au Canada et en Amérique du Nord? Je sais que se mettre d'accord sur la définition de biologique fait partie du débat mais quelle est son importance en dollars ou en pourcentage de la production alimentaire?
M. Olson: Je crois comprendre qu'il n'y a pas de statistiques officielles sur la production biologique mais qu'il est estimé que les produits agricoles biologiques représentent de 0,5 p. 100 à peut-être 1 p. 100 de la production agricole canadienne. Le secteur est en expansion rapide. Ces produits sont vendus dans les magasins de détail traditionnels alors qu'il y a quelques années il n'y en avait pas du tout. Il y a un énorme marché international qui connaît une croissance extrêmement rapide.
Je devrais ajouter, en partie en réponse à la question précédente, qu'un des principaux avantages du Canada en matière biologique ce sont nos hivers. C'est le moyen de lutte contre les parasites le plus efficace que puisse rêver d'avoir un pays, bien que j'avoue qu'il y a des jours où je souhaiterais que nous n'en bénéficiions pas. L'hiver n'est pas toujours une de mes saisons favorites.
Le président: Je ne veux pas déclencher un débat, mais si nos hivers sont si efficaces à détruire les parasites, comment se fait-il que cela n'a aucune incidence sur les mouches noires et les moustiques?
Des voix: Oh, oh!
M. Olson: J'aimerais en reparler une autre fois.
Le président: Il n'y en a pas aujourd'hui. M. Hermanson a dit l'autre soir que cela marchait, il y a donc peut-être encore de l'espoir.
M. Olson: Pour ce qui est de la valeur monétaire de l'industrie, l'estimation de la production biologique canadienne pour 1995 est d'environ 50 millions de dollars, alors qu'elle s'élevait à 20 millions de dollars en 1991. On peut donc parler d'une croissance assez importante.
Sur ce total, la production de la Saskatchewan se situe entre 7 et 10 millions de dollars, surtout des céréales; la Colombie- Britannique, entre 10 et 15 millions de dollars, avant tout des fruits et légumes; le Québec, d'après certaines sources, environ 12 millions de dollars, alors qu'elle s'élevait à 3 millions de dollars en 1988.
Vous pouvez donc comprendre l'intérêt. Il y a un marché.
Le président: Merci de ce renseignement. Je n'avais pas conscience de l'importance.
Allez-y, monsieur Hermanson.
M. Hermanson (Kindersley - Lloydminster): Monsieur le président, j'aimerais remercier M. Olson, Mme Mackenzie et Mme Millar d'être venus nous voir. Étant donné que c'est une industrie en expansion et qu'il s'agit de changements proposés à sa réglementation, je trouve très importante cette occasion de les rencontrer et de leur poser certaines questions.
J'ai moi-même quelques questions à vous poser sur les détails de cette réglementation et de son incidence sur l'industrie, mais j'aimerais commencer par parler du processus car j'ai reçu beaucoup de lettres, surtout il y a quelques mois, sur la façon dont l'industrie a été consultée. Il ne m'a pas fallu longtemps pour comprendre que cette nouvelle réglementation et la méthodologie suivie étaient très controversées dans l'industrie
La méthodologie adoptée ne satisfait pas tous les intéressés et les méthodes utilisées par Agriculture Canada sont loin de les satisfaire tous. Vous ne l'ignorez probablement pas. Il semble qu'il y ait une divergence conséquente au sein de l'industrie entre le CCCPB qui parle au nom de l'industrie d'une part et certains autres organismes comme OVONA et OCIA International et ceux qu'ils représentent dans l'industrie. J'ai entendu les deux camps se plaindre que les renseignements qu'ils avaient envoyés au ministère pour qu'ils soient distribués ne l'avaient pas vraiment été ou avaient été insuffisamment communiqués à tous les intéressés. Je vous transmets donc ce que m'ont dit à la fois les gens du CCCPB et les représentants de ces autres organismes qui estiment que votre ministère n'a pas suffisamment fait de publicité aux préoccupations et aux problèmes soulevés par les changements proposés à la réglementation.
J'aimerais que vous répondiez à certaines des questions se trouvant dans les lettres que j'ai reçues. Je vais procéder par catégorie, ce sera plus facile.
Pour commencer, j'ai eu communication d'une lettre envoyée par quelqu'un de la province de la Colombie-Britannique, le sous-ministre, Bruce Hackett, à M. Raymond Protti, le sous-ministre du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire. Il dit avoir une liste de 17 questions ou doléances importantes liées à la première mouture de la nouvelle réglementation et de sa méthode d'application, provenant d'une lettre envoyée par Mme Daphne Sidaway-Wolf, analyste en chef des politiques, normes alimentaires, direction de l'industrie alimentaire, ministère de l'Agriculture, des Pêches et de l'Alimentation. Mon Dieu, quel titre.
Quoi qu'il en soit, ils étaient extrêmement déçus que pratiquement toutes leurs questions soient restées sans réponse dans la mouture pratiquement inchangée de septembre 1995 de la nouvelle réglementation. Ils citent un certain nombre de leurs problèmes. Ils commencent par dire que la nature exécutoire de cette nouvelle réglementation contredit les orientations stratégiques de la proposition de système canadien d'inspection des aliments approuvée par les ministres.
J'ai une autre lettre qui dit que ni la province de Colombie-Britannique ni la province de Québec ne sont satisfaites de la nouvelle réglementation. Elles voient de sérieux problèmes dans ce que vous proposez.
J'aimerais pour commencer que vous me donneriez une réponse quant à ce manque de diffusion des informations et peut-être quant à ce manque de coopération de certaines de ces provinces.
M. Olson: Que je sache, il n'y a pas eu de manque de coopération de la part d'aucune province.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, il y a 42 instances de certification. J'aurais dû dire que ces dernières ont certifié environ 1 575 établissements. Combien en reste-t-il à certifier? Nous ne le savons simplement pas. C'est donc un environnement complexe.
Pour ce qui est de la Colombie-Britannique - je pourrais demander à Mme Mackenzie de vous en dire un peu plus car elle a participé de très près aux consultations directes avec cette province - un des groupes a décidé de distribuer l'avant-projet de règlement. Je crois que c'était au printemps dernier. Nous avons décidé de le distribuer à l'automne dernier. Seul une partie de cette réglementation avait été distribuée au printemps dernier et nous avons pensé opportun que tous les intéressés aient accès à l'ensemble du texte.
Donc, la réaction de la Colombie-Britannique s'explique partiellement du fait qu'elle a reçu notre projet de règlement de cette source au printemps 1995. Ensuite, elle a vu le projet de règlement que nous avons diffusé nous-mêmes en septembre, qui était le même. La Colombie-Britannique s'est dit qu'il aurait dû y avoir des changements.
Ce que nous voulions faire, c'est de nous assurer que tout le monde connaît le contenu du projet de règlement.
Madame Mackenzie peut vous en parler plus longuement parce qu'elle a rencontré à quelques reprises Daphné Sidaway-Wolf après que cette lettre a été renvoyée.
Mme Anne A. Mackenzie (directrice générale, Direction de l'inspection des aliments, Direction générale de la production et de l'inspection des aliments, ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire): La situation en Colombie-Britannique est unique dans la mesure où cette province a déjà des normes facultatives. Elle a déjà son système d'adhésion facultative. Il faut savoir qu'en Colombie-Britannique, il y a onze organismes de certification, et à l'heure actuelle, environ 244 établissements certifiés.
Vous avez parfaitement raison: la Colombie-Britannique a exprimé de sérieuses réserves. Nous avons donc consulté à titre personnel le sous-ministre adjoint provincial. Nous avons également rencontré, disons, certains dirigeants des producteurs d'aliments biologiques de la Colombie-Britannique. Il nous est apparu assez évident que l'un de leur reproche tenait au fait qu'ils ne se jugeaient pas suffisamment bien représentés au sein de l'organisme national. Je crois que leur irritation est attribuable au fait qu'ils ont accompli un certain travail, qu'ils ont soumis des mémoires, ou qu'ils ont même à un moment donné participé à l'une des rencontres nationales, mais ils ont la conviction qu'on ne les a pas bien écoutés ou qu'on a pas tenu compte de leur avis.
Je suis très heureuse de vous dire ce qu'il en est. Chose certaine, d'après les renseignements que nous avons obtenus, à la dernière rencontre nationale du CCCPB, qui est le groupe consultatif national... la Colombie-Britannique a maintenant un représentant permanent, M. Pennell, au conseil d'administration du CCCPB. D'après les tous derniers renseignements que j'ai obtenus de la province, les producteurs sont maintenant beaucoup plus heureux du fait qu'ils peuvent maintenant faire connaître leur position à l'association nationale.
D'après ce que je sais de la province, on y est beaucoup plus heureux maintenant, depuis que nous avons procédé à ces nombreuses consultations personnelles et donné des explications détaillées. Ils sont certainement beaucoup plus à l'aise maintenant qu'ils ne l'étaient avant d'envoyer la lettre que vous avez mentionnée, monsieur Hermanson, qui a été adressée par M. Hackett à notre sous-ministre, M. Protti. Je crois donc que ces consultations personnelles ont été très utiles, et que la situation est maintenant réglée.
M. Hermanson: En bref, donc, on peut dire que les gouvernements de la Colombie-Britannique et du Québec sont maintenant favorables à la réglementation que nous examinons?
Mme Mackenzie: Le ministère attend maintenant la résolution que lui présentera le CCCPB. Il s'est réunit à Vancouver il y a environ un mois, on y a âprement débattu l'état de la réglementation, et le conseil a produit une résolution. Si j'en crois la teneur de cette résolution - et il est peut-être un peu trop tôt pour dire ce que sera la résolution finale que le CCPBC présentera à Agriculture et Agroalimentaire Canada - , le conseil va exiger une réglementation exécutoire.
Le conseil consultatif est en train de consulter les divers organismes de réglementation qui existent. Il va demander l'avis des organismes de certification sur la résolution qu'il compte proposer. Nous nous attendons - et je peux demander l'avis de Mme Millar là-dessus - à ce qu'il fasse connaître sa position officielle à notre ministère d'ici un mois.
M. Hermanson: L'autre lettre que j'ai est en fait une lettre de démission de - je crois qu'il est docteur - docteur David Patriquin, qui était administrateur du CCCPB. Il est du département de biologie de l'Université Dalhousie. Dans sa lettre de démission, il dit:
- J'ai beaucoup de mal à accepter la proposition gouvernementale visant à réglementer
l'étiquetage des produits biologiques, particulièrement la proposition visant à réglementer
directement ou indirectement l'utilisation du mot «biologique».
- D'après moi, le processus qu'on est en train de mettre en oeuvre sera très lourd et coûteux, et je
dois dire que je suis sceptique quant à la capacité de l'industrie, telle qu'elle existe maintenant, à
le mettre en oeuvre. Je crois que le système va s'effondrer (c'est possible), ou sera entièrement
pris en charge par le gouvernement (c'est improbable) ou par de grandes organisations qui
auront les ressources financières voulues pour le gérer (c'est probable si le système ne
s'effondre pas). Je n'ai aucun mal à admettre la dernière possibilité, mais le système doit être
facultatif et non légiféré. Ce qui me dérange, c'est la combinaison possible des intérêts de la
grande entreprise et de la loi.
Je me demande si on a apaisé certaines de ses inquiétudes. Avez-vous correspondu avecM. Patriquin? Est-il plus favorable à la réglementation qui s'articule aujourd'hui?
M. Olson: Monsieur le président, il s'agit ici d'une affaire qui ne concerne que le CCCPB. Nous attendons l'avis du Conseil consultatif canadien de la production biologique. J'imagine qu'il y a à l'intérieur de cette organisation tout un débat concernant l'avenir de la structure réglementaire dont l'industrie veut se doter.
C'est un débat interne. Nous en attendons les résultats.
M. Hermanson: Je me demande si ce monsieur a raison de dire que le régime réglementaire que nous envisageons sera très lourd et coûteux comme il dit, et si vous proposez des changements qui apaiseraient son inquiétude à cet égard. Ou peut-être n'êtes-vous pas d'accord avec lui là-dessus. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
M. Olson: Lors des discussions initiales qui ont eu lieu en 1989, l'industrie envisageait l'autoréglementation. Elle n'envisageait pas de cadre réglementaire régi par le gouvernement. Je ne crois pas que cette position ait changé. Donc les coûts dont il parle sont sans doute les coûts de l'autoréglementation.
Il va bien sûr y avoir des frais si l'on met en place les systèmes de certification nécessaires. Comme il existe déjà 42 organismes de certification, il y aura des frais.
À mon avis, il appartient à l'industrie de décider ce qu'elle veut en faire. Nous avons accepté d'élaborer un cadre réglementaire une fois que l'industrie se serait entendue, et nous attendons de voir ce qu'elle propose, mais pour ce qui est de la réglementation, nous n'entendons pas dépasser notre rôle de surveillance.
Nous aurons bel et bien un rôle au niveau de l'étiquetage mensonger ou trompeur, rôle que nous avons déjà. Un député a parlé plus tôt des produits faussement étiquetés qui sont mis sur le marché, et nous voulons justement savoir ici si l'étiquetage était mensonger ou trompeur. Mais cela n'a rien à voir avec la question qu'a soulevée le monsieur dont vous parliez.
Il y a un problème ici, monsieur le président. L'articulation d'un règlement ou d'une position fait souvent naître une correspondance énorme. Une fois qu'on commence à articuler un règlement, normalement, nous disons aux intéressés que leurs observations seront portées à la connaissance du public.
Nous avons donc écrit à tous les intervenants l'automne dernier, et nous leur avons dit que nous transmettrions leurs observations au CCCPB. Il s'agissait-là à ce moment, en substance, de la correspondance personnelle adressée au gouvernement. L'accès à l'information permet de connaître la teneur de ces propos, mais ceux-ci ne faisaient pas partie du débat sur la réglementation.
Je pense que nous avons la responsabilité de protéger la vie privée de ces personnes, et nous tâchons d'y voir. Si les intéressés veulent qu'on fasse connaître leurs propos, nous sommes évidemment tout à fait disposés à les faire connaître à ceux qu'ils veulent.
Cela fait peut-être partie du problème auquel M. Hermanson fait allusion. C'est que la correspondance que nous avions reçue auparavant, en fait, ne nous avait pas été acheminée dans le cadre d'un processus de réglementation où tous les intervenants avaient été avisés que cela serait rendu public.
Le président: Très bien, merci. Nous allons faire un autre tour de table. Il y a un certain nombre de députés qui veulent prendre la parole. Naturellement, le deuxième tour sera plus court. Je vais commencer par M. Calder.
M. Calder (Wellington - Grey - Dufferin - Simcoe): Monsieur Mackenzie, madame Millar et monsieur Olson, ce dont j'aimerais parler, c'est la façon dont la production biologique dans le système classique coexistera avec la réglementation dont nous parlons ici.
L'an dernier, j'ai eu l'occasion d'aller à Washington pour Vision 2020 et à ce moment-là de voir ce dont M. Chrétien avait parlé. Il y a cinq ans, la production de fruits de mer a atteint un maximum de 100 millions de tonnes. Depuis, elle a chuté de 8 p. 100, et elle diminue toujours. Cela me dit que d'ici l'an 2020, lorsque la population mondiale aura vraisemblablement atteint entre 7 et 8 milliards d'habitants, toute la production alimentaire devra provenir de la masse terrestre, et nous aurons un problème de prolifération urbaine sur les terres agricoles à fort rendement.
En ce qui concerne la réglementation concernant la production d'aliments biologiques, je ne pense pas que la production d'aliments biologiques ait aujourd'hui une capacité aussi élevée que l'agriculture classique. Nous en sommes réduits aux conjectures sur la question. Pour ce qui est de la lutte contre les mauvaises herbes, par exemple, je me pose des questions au sujet d'une exploitation agricole classique qui voudrait passer à la production biologique. Le règlement prévoit-il un délai d'attente? Si des produits chimiques ont été utilisés comme herbicide ou pesticide, y a-t-il un délai d'attente? Ou si l'agriculteur fait de la culture biologique, peut-il revenir à une méthode chimique pour corriger, par exemple, un problème de mauvaises herbes? Si ce n'est pas possible, alors je craindrais qu'il y ait un problème environnemental, car on veut passer à un système de semis direct ou de culture minimum. Comment peut-on alors contrôler les infestations de mauvaises herbes?
Une autre question que j'aimerais examiner est celle du système de transformation et de manutention. Pouvons-nous utiliser les systèmes qui existent à l'heure actuelle pour les produits classiques? Ou est-ce qu'il faut établir de nouveaux systèmes de manutention et de transformation pour cette production supplémentaire d'aliments biologiques?
Ce sont toutes des questions sur lesquelles je me penche du point de vue de la réglementation. J'aimerais que vous me fassiez part de vos commentaires à ce sujet.
M. Olson: Tout d'abord, le critère de base fait qu'il faut satisfaire aux lois existantes, soit la Loi sur les aliments et drogues, la Loi sur l'emballage et l'étiquetage des produits de consommation ou la Loi sur les produits agricoles au Canada, pour assurer tout d'abord l'innocuité de l'aliment. C'est un critère de base. Si le produit est vendu selon un certain classement, il faut alors respecter les normes de classement.
Ici, nous parlons de technologie de production. En théorie, avec les producteurs en semis direct dans l'Ouest canadien, nous pourrions avoir une réglementation du semis direct pour assurer la même chose. C'est ce qui arrive si on a un type particulier de technologie de production.
En ce qui concerne le processus de certification, je crois comprendre qu'une personne a 36 mois pour passer d'un type de production plus classique à un système de certification de type biologique. Il y a en fait une pause entre les deux. Cela n'est pas déraisonnable. On a la même chose dans le domaine de la production céréalière, lorsqu'une personne devient un producteur grainier, c'est-à-dire lorsqu'elle passe d'une production céréalière classique à une production de semence. C'est la même chose également pour les pommes de terre de semence. S'il y a un problème de maladie, alors il y a un délai d'attente avant que le producteur puisse revenir à la production semencière afin de s'assurer que la cause du problème est bien sous contrôle. En d'autres termes, il y a une pause entre les deux.
Pour ce qui est de l'impact sur la chaîne alimentaire, la façon dont le produit sera manutentionné, cela dépend dans une large mesure de la façon dont il sera vendu en fin de compte. Par exemple, dans la vallée ici, il y a une très importante exploitation à Winchester qui fait le nettoyage des semences de soja et haricots secs biologiques. Ce sont de très grandes installations avec une capacité de nettoyage des semences classique, mais je crois comprendre que cette entreprise ne fait que des produits biologiques et qu'elle a donc un marché très important. Je suis moi-même allé voir ces installations.
Il y a de très importants marchés pour ces produits car l'exploitant est en mesure de démontrer qu'il n'a jamais traité dans cette usine de produits cultivés selon les méthodes classiques ou du moins en dedans du délai d'attente. En fait, je crois qu'il s'agit de nouvelles installations dans lesquelles jamais de production classique n'a été traitée.
Dans une grande mesure cela dépend du marché même, mais il semble que de façon générale, il y a un délai de trois ans entre les systèmes de manutention, la production, etc.
[Français]
M. Landry (Lotbinière): Il me fait plaisir de vous dire qu'à Sainte-Élisabeth-de-Warwick, dans ma circonscription, il y a une ferme de recherche biologique.
Ma question sera très courte. Le gouvernement fédéral, dans le but d'éviter les chevauchements et les dédoublements, et d'ainsi diminuer les dépenses, accepterait-il de se retirer d'une province qui a des normes plus sévères que les siennes tout en acceptant d'apposer sur les produits de cette province son sceau «Canada biologique»?
[Traduction]
M. Olson: Si ce produit est uniquement destiné à être utilisé dans la province, la province a le droit de le réglementer. Comme nous en avons discuté précédemment lorsque nous avons abordé la question du traitement national, si le producteur veut vendre son produit dans une autre province, il doit alors respecter la réglementation fédérale. Si les normes provinciales dépassent celles de la réglementation fédérale, c'est très bien; cela devient une excellente occasion de commercialisation.
Nous avons des exemples... En fait, il y a un produit au Québec dont la certification est faite par la province à l'aide de normes fédérales. Il y a un certain nombre de combinaisons qui entrent en jeu. Cependant, lorsqu'il y a mouvement interprovincial, le produit provincial doit satisfaire au moins aux normes fédérales. Il peut y avoir ce genre de combinaison.
[Français]
M. Landry: J'aimerais savoir clairement si, à ce moment-là, des produits du Québec portant le sceau «Canada biologique» pourraient être mis en marché dans les autres provinces canadienne.
[Traduction]
Mme Mackenzie: Je crois comprendre que, selon la réglementation qui est proposée à l'heure actuelle, il y aurait une marque biologique canadienne. C'est une marque de commerce. En fait, nous avons un règlement qui permettrait l'utilisation de la marque biologique canadienne, et si un producteur veut utiliser la marque d'un autre organisme de certification, comme l'Organic Crop Improvement Association, qui a sa propre marque de commerce, alors c'est tout à fait possible.
Je pense que certains producteurs décideront de faire cela. Si on se retrouve dans une situation où une marque est reconnue dans tout le Canada et pour une raison ou une autre, peut-être à cause d'une exigence plus stricte, un producteur souhaite avoir deux marques sur son produit, alors il aurait le choix.
Donc, le concept d'avoir un système provincial avec des exigences plus strictes, ou une norme plus élevée, est certainement défendable... tout en reconnaissant qu'il y aurait une norme commune au Canada. Mais tout le reste viendrait certainement s'ajouter à la discrétion de l'industrie ou du producteur individuel.
M. Olson: Mme Millar vient tout juste de porter à mon attention le fait que selon le libellé actuel du règlement, un organisme de certification national serait créé. Cet organisme de certification pourrait accepter qu'un organisme de certification provincial fasse le travail à sa place. Il pourrait être accrédité suivant une série fixe de démarches. Je pense qu'il existe des précédents à cet effet.
Mais tout cela fait partie du débat. Je suis certain, comme vous pouvez le comprendre, qu'il s'agit de négociations très complexes.
Le président: Monsieur McKinnon.
M. McKinnon (Brandon - Souris): Bonjour.
Je viens du Manitoba, alors nous avons eu des entretiens avec le groupe OPAM dans cette province. L'une des toutes premières choses dont le président de ce groupe a été saisi - et cela a sans doute précédé la conférence qui s'est tenue l'automne dernier à Vancouver - est le fait qu'on semble s'inquiéter énormément de la participation du ministère dans l'établissement du règlement et des renvois au ministère. Ma question est la suivante. Y a-t-il une plus grande participation ministérielle dans ce règlement que dans d'autres aspects de la réglementation des aliments et des drogues?
M. Olson: On nous a demandé de faciliter la création d'un cadre d'auto-réglementation. Pour ce qui est de la participation réelle, elle est beaucoup moindre dans un ensemble de réglementations classique. Mais il s'agit d'un processus extrêmement complexe à cause du nombre d'intervenants.
M. McKinnon: Cela dépend en outre de l'intervenant.
M. Olson: C'est exact. Il y a ceux qui ne veulent pas que le gouvernement s'en mêle. Il y en a d'autres qui veulent une grande participation de la part du gouvernement. Il faut essayer d'équilibrer ces points de vue, et c'est là où nous intervenons comme conseillers afin d'essayer d'en arriver à un consensus.
M. McKinnon: Je crois que vous avez répondu à ma question.
Le président: Il vous reste encore quelques minutes.
M. McKinnon: Je crois comprendre qu'il y a différents niveaux de réglementation - provinciale par rapport à fédérale. Je me demande en outre de quelle façon cela joue sur le marché de l'exportation, et si dans le secteur des exportations, les normes sont inférieures ou supérieures à celles du marché intérieur. Si l'on se réfère au plus petit dénominateur commun de tous les pays, où se situent nos lignes directrices par rapport à cet étalon?
M. Olson: Permettez-moi d'essayer de répondre à une partie de votre question, puis je donnerai la parole à Mme Mackenzie.
Récemment, nous avons envisagé les moyens qui nous permettraient d'améliorer les perspectives d'exportation du Canada. Mon organisme est responsable de 1 200 à 1 400 accords bilatéraux avec d'autres pays. Nous vendons selon les stipulations d'autres pays. Nous veillons de notre mieux à ce que l'on fournisse aux Canadiens des aliments salubres. Nous nous assurons que les systèmes de surveillance et que le cadre de réglementation sont en place. Nous ne pouvons, en un sens, garantir qu'ils sont sécuritaires, mais nous faisons tous les efforts possibles en vue de nous assurer que les outils sont là.
Les normes que nous appliquons au Canada sur les produits assurent en grande partie notre crédibilité commerciale, et nous permettent d'accéder à d'autres marchés. Nous sommes bons et nous pensons que le monde sait que nous sommes bons. Par conséquent, nous parvenons à nous implanter sur des marchés qui sont peut-être fermés à d'autres pays. Il y a une certaine réciprocité en ce sens que s'ils veulent pénétrer sur nos marchés, ils doivent satisfaire à nos normes. Il s'agit d'un processus d'harmonisation qui ne cesse jamais pendant les négociations.
Il arrive donc que dans certaines circonstances au Canada nous avons une exigence intérieure ou une exigence d'importation du fait qu'un produit qui entre au Canada ou qui est utilisé par des Canadiens surpasse peut-être les exigences auxquelles un pays est disposé à leur vendre. Je me rappelle il y a quelques années un débat concernant le petit blé à Vancouver. Si j'ai bonne mémoire, nous ne pouvions vendre le petit blé parce qu'il s'agit essentiellement de déchets de notre système céréalier. Nous voulions vendre les grains, et le petit blé était difficile à vendre parce qu'il ne satisfaisait pas aux normes. Nous avons examiné la situation, et s'il y a un marché pour le petit blé, nous allons essayer de nous assurer qu'on l'alimente.
Le président: Monsieur Pickard.
M. Pickard (Essex - Kent): Monsieur Olson, monsieur Mackenzie et madame Millar, je vous remercie d'être venus élucider bon nombre des problèmes qui se posent à nous aujourd'hui.
Ma question porte sur l'aspect importation plutôt que l'aspect exportation en ce qui concerne l'étiquetage. J'aimerais soulever une question, car nous parlons ici d'un produit à valeur ajoutée. Le prix donne certainement une valeur ajoutée à ce qui arrive au sein de l'industrie même. Donc si un produit est étiqueté comme étant biologique, cela apporte certainement quelque chose de plus, non seulement sur le plan de la qualité, mais également du prix.
J'ai un article ici. Je ne crois pas toujours tous les articles que je lis, mais j'aimerais vérifier si cet article reflète ou non la réalité. On dit qu'il y a environ 250 producteurs biologiques en Colombie-Britannique. Cela ne correspond qu'à environ 10 p. 100 du marché dans cette région. Par conséquent, il faut supposer alors que 90 p. 100 des produits sont importés en Colombie-Britannique à ce moment-ci, ce qui offre énormément de possibilités au marché intérieur en Colombie-Britannique.
Cela montre donc que ce secteur peut encore beaucoup se développer. Par ailleurs, il y a deux questions qui me préoccupent. La première, c'est comment pouvons-nous garantir aux consommateurs que le produit importé qu'il achète respecte les mêmes normes que celles que l'on impose à nos propres producteurs au Canada? Deuxièmement, comment étiquetons-nous ces produits de façon à ce que le consommateur canadien comprenne bien qu'il s'agit d'un produit importé? Est-ce que l'on mentionne l'origine sur l'étiquette, ou bien celle-ci a-t-elle surtout de l'importance pour ce qui est de la qualité du produit?
M. Olson: Nous tentons effectivement de mentionner l'origine, mais s'il s'agit d'un produit transformé au Canada, il peut devenir canadien, selon le degré de transformation. Les produits en vrac qui entrent au Canada peuvent être emballés et au cours de l'emballage ils peuvent être transformés. Les fruits qui entrent au Canada et qui sont transformés en confiture peuvent devenir un produit canadien si le degré de transformation en ce qui concerne le produit comme tel, est suffisant.
L'un des problèmes auxquels nous nous heurtons ici, c'est que si nous n'avons pas de cadre de réglementation en ce qui concerne nos propres produits aux frontières internationales ou interprovinciales, alors il est difficile de dire à un autre pays qui envoie son produit au Canada que ses normes ne sont pas assez élevées. Il y a donc une certaine réciprocité en ce sens que si on veut réglementer un produit qui entre au pays, il faut pouvoir le réglementer dans son propre pays.
Le problème ici, en réalité est un problème d'étiquetage, l'utilisation de la nomenclature qui dit qu'un produit est biologique. Nous tentons d'établir des normes pour un produit canadien qui est de nature biologique, et alors nous pouvons utiliser ces mêmes normes et les appliquer à un produit importé qui est considéré comme équivalent, pour nous assurer que les normes sont respectées.
Nous le faisons par exemple avec d'autres pays grâce à des accords bilatéraux. Je pense que les États-Unis, dans sa propre législation sur les produits biologiques, tentent de faire essentiellement la même chose, de sorte que les deux pays travaillent en harmonie. L'Union européenne et l'Australie ont une certaine avance sur nous à cet égard, et nous aimerions faire partie du marché mondial qui a été créée, de sorte que tous ces éléments entre en jeu dans la gestion du produit.
Pour ce qui est de la façon dont un produit pourrait être manutentionné lorsqu'il entre au pays, les douanes ont accès aux types de marques de commerce dont il est question ici et elles s'occupent de vérifier si un produit a une marque de commerce qui est en fait acceptable en tant qu'équivalent au Canada.
M. Pickard: Nous avons donc de l'information à ce sujet.
Je suppose que ce que vous me dites c'est qu'essentiellement il est très important d'avoir une norme nationale afin que nous puissions traiter avec d'autres pays en ce qui a trait à l'étiquetage et à la vente du produit au pays. Deuxièmement, vous me dites que s'il y a un processus en place au Canada, notamment un réemballage et un autre processus de valeur ajoutée, le produit pourrait être étiqueté en vertu des mêmes conditions de certification que le Canada impose pour n'importe quel produit cultivé ici.
M. Olson: Oui.
M. Pickard: Merci beaucoup.
M. Olson: Je peux utiliser un produit de viande comme exemple. La viande importée au Canada et qui est transformée en viande hachée devient un produit canadien, si j'ai bonne mémoire, car le produit a été suffisamment transformé.
M. Pickard: Par contre, il semble qu'il y ait une légère différence si la viande qui entre au pays est tout simplement réemballée.
M. Olson: C'est différent; il s'agit alors uniquement de réemballage.
M. Pickard: Je vois une différence entre cela et ce que l'on a dit pour un produit biologique importé au pays.
M. Olson: Essentiellement, la même règle s'applique. Cela dépend du degré de transformation. Il y a une série d'accords internationaux concernant le degré de transformation requis avant que l'on puisse prétendre qu'un produit importé est devenu canadien.
M. Pickard: l y a donc des normes internationales?
M. Olson: Il y a au moins des ententes. Nous essayons de faire en sorte que ces normes soient respectées.
M. Pickard: Merci.
Le président: Il y a eu une sonnerie de 30 minutes et cinq minutes sont déjà écoulées, de sorte qu'il nous reste environ 20 minutes tout au plus. Je vais donner la parole à M. Hermanson, Mme Ur et M. Chrétien pour de brèves questions et j'aurai ensuite moi-même quelques brèves questions à poser. Je ne veux distraire votre attention, mais peut-être que les membres du comité pourraient, s'ils ne l'ont déjà fait, lire en diagonale le rapport du comité directeur pour qu'on puisse procéder rapidement quand nous arriverons à cette question.
Monsieur Hermanson.
M. Hermanson: Merci monsieur le président. Je vais essayer d'être bref et j'espère que les réponses le seront.
Dans l'ébauche publiée pour discussion en septembre 1995, à la page 5, au paragraphe 4(3), je lis ceci:
- Nul ne doit utiliser ou appliquer le label agricole «Canada biologique» pour toute fin autre que
de marquer les contenants d'un produit qui a été certifié par une agence d'accréditation comme
étant produit au Canada en utilisant les méthodes de production organiques répondant aux
normes de production énoncées dans le présent règlement.
- Il est par la présente créée une agence d'accréditation qui est une société constituée et approuvée
par le ministre. L'agence d'accréditation portera le nome de Conseil consultatif des produits
biologiques canadiens et sera un organe représentatif du secteur canadien et de l'agriculture
biologique.
En fait, j'ai ici copie d'une lettre adressée à M. Goodale par OVONA, sigle qui désigne la Organic Verification Organization of North America. Je cite:
- Nous croyons que ce règlement n'est pas prêt à passer à l'étape de la rédaction et de la
publication officielle. Le secteur n'a pas eu l'occasion de commenter collectivement le
règlement et les dispositions proposées sont loin de représenter un consensus.
M. Olson: En réponse à cela, je dirais que le Conseil consultatif des produits biologiques est aux prises avec une grande partie des problèmes que vous évoquez relativement au reste du secteur. Quant à savoir si ça doit être l'instrument définitif, il faudra dégager un consensus là-dessus dans le secteur. Le règlement ne sera pas mis en vigueur tant qu'il n'y aura pas un consensus.
Quant à la définition, si l'on demande au gouvernement du Canada d'attester qu'un produit est «Canada biologique», par exemple, pour le commerce international, ou de s'occuper des produits jugés équivalents qui sont importés au Canada, à un moment donné, il faudra bien que cette définition soit codifiée dans un règlement.
M. Hermanson: Cela m'amène à ma deuxième question. Sommes-nous embarqués dans un processus qui verra le parachèvement de tout cela très bientôt, ou bien aurons-nous le temps d'aplanir les difficultés qui trouve le secteur à décider qui parle en son nom et comment ce règlement pourrait le mieux servir cette industrie? Quand pouvons-nous attendre un résultat? Y a-t-il une date cible? Pouvons-nous faire preuve de souplesse et pouvons-nous laisser le dossier en suspens pendant quelque temps, jusqu'à ce que ces gens-là précisent leur position?
M. Olson: C'est un débat qui se poursuit depuis 1989. La seule date cible, c'est qu'à un moment donné, il faudra bien mettre un point final à tout cela, mais personne n'a encore précisé la date.
La prochaine étape du processus est la réponse du Conseil consultatif. Nous verrons bien. S'il y a consensus, tant mieux. Nous essayerons d'intégrer les recommandations dans le texte du règlement et d'aller de l'avant. S'il n'y a pas consensus, l'affaire est renvoyée au secteur.
M. Hermanson: Donc, nous ne publierons pas cela dans La Gazette très bientôt. C'est bien ce que vous dites?
M. Olson: Cela dépend entièrement de ce que le Conseil consultatif aura à dire.
M. Hermanson: Et si d'autres organisations se disent mécontentes de la position du Conseil consultatif?
M. Olson: Je pense que tous les groupes ont l'occasion d'être représenté. En fait, c'est le secteur lui-même qui a donné le premier rôle à ce groupe. Si les gens sont mécontents de leur représentation actuelle, ils devraient s'en ouvrir au conseil.
Il ne sert à rien d'adopter un règlement dans ce domaine tant qu'il n'y aura pas un certain consensus, mais tant que notre règlement ne sera pas adopté, nous ne serons pas en mesure de filtrer les importations ou d'accréditer les exportations comme étant conformes aux normes d'autres pays. Nous voudrions en finir, mais nous devons nous en remettre au secteur. S'il n'y arrive pas, nous non plus.
Le président: Je voudrais une précision. Vous dites en somme qu'à cause des divergences parmi les 42 groupes de ce secteur, d'une part, les gens veulent des règles et des règlements afin qu'eux et le consommateur sachent exactement à quel produit ils ont affaire, mais d'autre part, ils veulent également des règles et des règlements pour exercer un certain contrôle ou avoir une certaine protection grâce à l'étiquetage de certains produits qui pourraient être importés au Canada et qui pourraient les concurrencer.
M. Olson: Je pense que tout cela est lié. C'est une technologie de production qu'ils veulent voir reconnaître. Si nous voulons filtrer les importations ou profiter des débouchés à l'étranger, il faut bien mettre en place une structure suffisante pour être en mesure de répondre aux exigences des autres pays et de contester leurs normes pour ce qui est des produits importés au Canada.
Le président: Est-ce que les 42 agences au Canada ont la possibilité d'être représentées au Conseil consultatif des produits biologiques canadiens?
M. Olson: À ma connaissance, oui. De plus, je crois que toutes les provinces participent à cette discussion.
Le président: Donc, toutes les organisations et toutes les provinces ont leur mot à dire dans la discussion.
Mme Ann Millar (Bureau du directeur général, Direction de l'inspection des aliments, Direction générale de la production et inspection des aliments, ministère de l'Agriculture et de l'agroalimentaire): De même que les secteurs - je veux parler des transformateurs, des distributeurs et des grossistes - , les producteurs primaires sont très bien représentés au conseil.
Mme Ur (Lambton - Middlesex): C'est ma première réunion de comité. Je trouve que c'est une question intéressante, car j'ai déjà été agricultrice et nous cultivions des légumes: choux-fleurs, asperges et brocolis. J'ai donc toujours été en étroite relation avec les producteurs biologiques. Je les ai vu venir, et très souvent, je les ai vu repartir aussi vite, parce que nous avions un consommateur qui voulait que mes magnifiques choux-fleurs blancs soient dénués de toute protéine verte, ce qui n'est pas réalisable jusqu'à maintenant avec nos méthodes biologiques. Cela viendra peut-être. Je trouve tout cela très intéressant et je ne ferai donc pas de sarcasmes dans mes interventions ce matin.
Quelles raisons a-t-on avancées pour expliquer pourquoi certains producteurs biologiques sont contre le règlement rigoureux que l'on annonce?
Je vais lancer quelques questions et vous pourrez y répondre à la fin.
Y a-t-il vraiment une demande énorme sur le marché international? Les prix compenseront-ils le coût plus élevé des méthodes biologiques, en comparaison des pratiques agricoles traditionnelles? Est-ce que ce sera rentable?
Avec les 42 agences d'accréditation, on envisage de simplifier les inspections, etc. Y a-t-il des exigences forçant ces agences à s'occuper des règles et règlements relatifs aux produits biologiques?
Y a-t-il véritablement des pressions? Y a-t-il vraiment une demande d'agriculture biologique?
Quand j'étais agricultrice, il y avait des gens que l'on qualifiait de «yuppie» qui s'imaginaient que c'était la plus belle invention depuis le fil à couper le beurre, mais ils voulaient aussi de magnifiques choux-fleurs blancs ou des pommes bien rouges sans la moindre meurtrissure. Il fallait leur faire comprendre qu'à l'époque, ce n'était pas faisable en appliquant les méthodes biologiques. Mais ces mêmes gens qui achetaient des produits biologiques n'hésitaient pas à aller acheter à la pépinière des sacs d'engrais ou de pesticides pour avoir de belles pelouses vertes et unies comme des tapis. J'ai lu quelque part que les citadins utilisent probablement plus d'engrais que les agriculteurs qui pratiquent des méthodes traditionnelles.
Je ne veux pas être méchante, je me demande seulement s'il y a quelqu'un qui a décidé de se faire le champion de cette cause. Enfin, est-ce que ce sera vraiment avantageux pour nous? Compte tenu de l'augmentation de la population, cela va-t-il compenser?
M. Olson: J'ai abordé la question de la population. Nous sommes en présence de technologies convergentes.
Quant à savoir qui est en faveur et qui est contre, je crois que bon nombre d'intervenants du secteur sont en faveur d'une industrie plus structurée, à cause des débouchés potentiels.
Je voudrais revenir à ce que disait M. Pickard, si 10 p. 100 de la production de Colombie-Britannique vient de Colombie-Britannique et si le reste est importé - et soit dit en passant, la plus grande partie de ces produits sont transformés - alors c'est qu'il y a un marché là-bas, autrement ces produits ne seraient pas importés dans la province. Je trouve que c'est bon signe.
On entendra tous les points de vue, comme c'est le cas dans tout débat de société, au sujet du besoin de réglementer, surtout quand il s'agit d'un nouveau domaine de réglementation. Nous aimerions bien faire en sorte que le débat soit approfondi mais en même temps, il faut bien décider s'il vaut la peine d'investir et de poursuivre le débat, ou s'il y a lieu d'y mettre fin. Je ne pense pas que nous en soyons là pour l'instant, mais à un moment donné, il faudra se décider.
Pour ce qui est des 42 agences d'accréditation, c'est à eux d'en décider. C'est une décision que devra prendre le Conseil consultatif relativement aux échanges interprovinciaux et internationaux. Quant à la nécessité d'avoir 42 organisations, dont beaucoup sont regroupées au sein de l'Organic Crop Improvement Association, c'est à elles d'en décider. Pour l'instant, nous cherchons à nous orienter en vue de répondre à la demande qui nous a été faite, puisque le secteur nous a demandé de créer ce label et de les aider à accroître leurs débouchés.
Mme Ur: Y a-t-il des chevauchements avec ces 42 agences d'accréditation?
M. Olson: Je suis certain qu'il y en a, mais ce sont toutes des organisations du secteur privé. Pour l'instant, nous ne réglementons pas les produits biologiques, sauf en ce qui a trait à la publicité fausse et trompeuse. Si quelqu'un vend sciemment un produit qu'il présente comme biologique et qui a manifestement été traité avec des produits inappropriés ou cultivés par une méthode entièrement différente, nous intervenons.
Le président: Merci beaucoup.
M. Chrétien a la parole pour une brève question.
[Français]
M. Chrétien: J'ai deux brèves questions. Premièrement, quant à la procédure de certification, l'organisme doit en accepter au moins sept par année. Quand je vois un chiffre arbitraire comme celui-là, je me pose toujours des questions. Pourquoi sept? Pourquoi pas huit ou six?
Deuxièmement, un agriculteur qui a, par exemple, cent acres, pourrait-il consacrer 50 acres à la culture biologique du maïs et les 50 autres acres à cultiver, comme le disait Mme Ur, du beau maïs?
Je demeure dans la région où on récolte à peu près la totalité du sirop d'érable au Québec et au Canada. À mon bureau de circonscription, je reçois beaucoup d'appels ou de visites d'acériculteurs qui se plaignent d'une certaine concurrence déloyale.
Au Canada, on interdit l'usage d'une certaine pilule, dite de formaldéhyde, qui est permise ou tolérée aux États-Unis, où on s'en sert abondamment. Vous savez que, lorsque l'acériculteur commence à entailler ses érables au mois de décembre ou au début de janvier, s'il n'a pas utilisé la pilule, il n'y aura pas beaucoup de sirop qui sortira de ces trous-là.
Donc, des acériculteurs se plaignent de ce que certains d'entre eux utilisent la pilule alors que d'autres ne l'utilisent pas, et qu'il s'ensuit, semble-t-il, une concurrence déloyale. Monsieur Olson, si vous aviez à vous lancer en agriculture, accepteriez-vous d'investir de l'argent et du temps dans la culture biologique?
[Traduction]
Le président: Nous devrons nous presser, monsieur Olson, parce que nous devons partir dans deux ou trois minutes pour aller voter.
M. Olson: Première question, Ann Millar.
Mme Millar: Nous avons dégagé un consensus sur le chiffre sept. À l'origine, nous estimions qu'il faudrait au moins dix personnes pour s'assurer que l'organisme d'accréditation demeure viable. C'est essentiellement pour assurer la viabilité.
Pour ce qui est de la deuxième question, portant sur les procédés traditionnels et biologiques utilisés sur la même exploitation, il y a des exigences relativement à la séparation des produits qui sont traitées différemment. Cela comprend par exemple le fait de nettoyer les machines agricoles en passant d'un type de produit à l'autre, le fait de ne pas cultiver les mêmes produits sur la même exploitation. Donc, l'organisme d'accréditation se penchera là-dessus au cours de ses inspections sur place et veillera à ce qu'on respecte le plan de gestion agricole, qui doit établir la façon dont tout doit être séparé et conserver bien propre et quels produits on doit utiliser en pareil cas.
M. Olson: J'ai une opinion personnelle. Monsieur le président, j'ai l'avantage d'avoir été sous-ministre adjoint chargé de la Direction de la recherche, ce qui fait que j'ai une assez bonne idée de la technologie que l'on verra s'implanter dans le secteur agricole au cours des deux ou trois prochaines décennies.
Je foncerais dans la mêlée, car je crois qu'il y a un excellent marché. Je pense que la conjugaison des techniques traditionnelles et de ce que le secteur a élaboré et mis au point et expérimenté créera d'excellentes occasions d'affaire. Je constate la tendance et je pense que d'autres la voient aussi. Je voudrais encourager le mouvement. Il y a un marché international et je voudrais m'assurer que nous en profiterons.
Le président: Merci beaucoup monsieur Olson, madame Mackenzie, et madame Millar d'être venus nous rencontrer ce matin. Je suppose que nous entendrons peut-être d'autres témoins sur cette question à mesure que nous progresserons dans nos travaux et je sais qu'au besoin, et si le comité le souhaite à l'avenir, vous serez disponibles pour revenir répondre à nos questions.
M. Olson: Nous nous ferons un plaisir de le faire et nous comptons sur ce dialogue car cela fait partie du consensus qui est nécessaire en la matière. Merci beaucoup.
Le président: Merci.
Passons rapidement au rapport du comité directeur. Nous n'aurons pas le temps d'en discuter, mais je voudrais que vous y jetiez un coup d'oeil.
Nous avons tous reçu ou nous aurions dû recevoir la partie III du budget des dépenses. Il y a une certaine confusion quant à la teneur et au format. Le comité directeur a dit estimer l'autre jour qu'il vaudrait la peine de faire venir quelqu'un au comité, non pas pour discuter des chiffres et de la raison pour laquelle on dépense tel ou tel montant pour telle ou telle chose, mais plutôt pour nous donner un aperçu et nous dire comment utiliser ce document, comment le comprendre, etc. Donc, mardi matin, quelqu'un viendra nous aider à cet égard. J'espère que nous pourrons alors discuter des autres sujets à l'ordre du jour.
Y a-t-il d'autres brèves observations? Soyez bref, monsieur Chrétien, sinon nous allons rater le vote.
[Français]
M. Chrétien: Adopte-t-on le rapport aujourd'hui ou mardi?
[Traduction]
Le président: Non, ce n'est pas adopté aujourd'hui parce que je ne pense pas que nous ayons eu le temps d'en discuter. J'ai dit que mardi nous nous pencherons sur l'un des sujets qui figurent à l'ordre du jour, à savoir le quatrième au numéro 2, une leçon sur la façon d'utiliser et de lire la partie III du budget des dépenses.
M. Calder: Monsieur le président, sera-t-il aussi possible d'avancer la discussion sur l'Agence de réglementation de la lutte anti-parasitaire?
Le président: Nous en parlerons mardi.
M. Calder: Merci.
Le président: La séance est levée.