[Enregistrement électronique]
Le mardi 7 mai 1996
[Traduction]
Le président: Bonsoir tout le monde. Nous allons donc débuter notre séance de soirée, puisque nous avons le quorum. Bienvenue à tout le monde.
J'adresse tout particulièrement mes voeux de bienvenue à M. Goodale, ainsi qu'à ses collègues et hauts fonctionnaires qui l'accompagnent. Nous vous laissons la parole pour quelques remarques liminaires, après quoi nous permettrons aux membres du comité de vous poser des questions et de réagir à vos propos. Je vous en prie.
L'honorable Ralph E. Goodale (ministre de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire): Merci beaucoup, monsieur le président. Pour commencer, je vais vous présenter quelques-uns des hauts fonctionnaires qui m'accompagnent ce soir. Je ne mobiliserai pas le comité pour présenter tous les membres de mon équipe ici présents; certains visages vous sont familiers, puisque ce sont ceux de gens qui ont comparu devant le comité par le passé: tout d'abord, mon adjoint parlementaire et secrétaire d'État, Agriculture et Agro-alimentaire, et Pêches et Océans, l'honorable Fernand Robichaud; M. Frank Claydon, sous-ministre adjoint principal; M. Dennis Kam, sous-ministre adjoint intérimaire, Services intégrés; M. Art Olson, sous-ministre adjoint, Production et inspection des aliments; M. Brian Morrissey, sous-ministre adjoint, Recherche; Mme Diane Vincent, qui est depuis lundi la nouvelle sous-ministre, Services à l'industrie et au marché; Mike Gifford, du même secteur, directeur général, Politique commerciale d'Agriculture et Agro-alimentaire Canada;M. David Oulton, sous-ministre adjoint, Politiques et, enfin, M. Howard Migie, directeur général et responsable de l'adaptation agricole et de la politique en matière des grains, à la Direction générale des politiques.
Comme vous le voyez, monsieur le président, je suis accompagné par plusieurs autres fonctionnaires ce soir. J'en appellerai éventuellement certains à la table, en cours de soirée, pour m'aider dans ma présentation.
Comme j'ai eu la possibilité de faire un exposé très détaillé à ce même comité il y a quelques semaines à peine, je pense, monsieur le président, que je peux me permettre d'être bref dans mes remarques liminaires.
J'ai toujours plaisir à venir commenter le budget principal des dépenses de mon ministère et ce, pour la troisième année de suite. À la fonction publique comme dans le secteur privé, nous n'arrêtons pas de courir depuis plusieurs années pour soutenir le pas accéléré du changement.
[Français]
L'an dernier, j'ai passé en revue les facteurs qui provoquaient cette vague de changement sans précédent. J'ai mis le secteur au défi de se prendre en main pour apporter les changements nécessaires et ainsi assurer son avenir. C'est un défi qu'il a accepté de relever avec enthousiasme.
[Traduction]
Monsieur le président, nous devons aller plus loin encore; nous devons exploiter nos réussites et saisir à pleines mains les possibilités qui caractérisent cette ère de changement.
Nous pouvons faire plus encore pour rééquiper le secteur afin qu'il soit en mesure de composer avec le changement. Nous pouvons faire plus pour soutenir une croissance durable en favorisant l'adaptation, les investissements, la recherche et le commerce. Nous pouvons faire plus pour supprimer les obstacles à la croissance.
Nous pouvons faire plus également pour améliorer la façon dont le secteur public fonctionne. C'est précisément ce que nous faisons, monsieur le président, en instaurant un organisme d'inspection des aliments unique à l'échelon fédéral, et en invitant les provinces et les municipalités à se joindre à nous dans cet effort.
Nous améliorons aussi le fonctionnement du secteur public en conférant un plus grand pouvoir de décisions aux hommes et aux femmes qui le dirigent au quotidien, par le truchement d'organismes comme l'Ontario Agricultural Adaptation Council et ses équivalents au Québec et dans les autres provinces.
Comme je le précisais dans notre document d'accompagnement du dernier budget, intitulé Les chemins du succès, je crois sincèrement que le secteur de l'agriculture et de l'agro-alimentaire est une véritable force sur le plan national, essentielle à l'avenir du Canada. C'est un secteur dynamique, spécialisé et novateur, créateur et pourvoyeur d'emplois, générateur de richesse et de croissance, qui apporte une contribution importante au commerce international et qui assure aux Canadiennes et aux Canadiens le meilleur approvisionnement alimentaire du monde, aux plans de la qualité et de la salubrité.
En 1994, j'ai énoncé devant ce même comité la mission que je m'étais fixée en tant que ministre de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire Canada. Celle-ci prévoyait que le gouvernement du Canada joue un rôle positif, proactif et résolument tourné vers l'avenir.
Cela s'entend, par exemple, des négociations en matière de commerce international ainsi que du processus de règlement des différends dans le cadre de l'ALENA, dont il est actuellement question. J'avais aussi prévu de promouvoir le commerce, par le truchement des missions commerciales de l'équipe agro-alimentaire Canada, comme celle que je viens de piloter au Japon, en Corée du Sud et à Singapour. Soit dit en passant, monsieur le président, à propos de cette mission commerciale, nos clients nous ont indiqué à quel point ils apprécient nos produits et le travail de nos organismes de commercialisation, comme la Commission canadienne du blé.
En outre, monsieur le président, le gouvernement a un rôle à jouer en recherche et développement. À cet égard, nos programmes de coinvestissement nous permettent d'alléger les contraintes financières et d'attirer de nouveaux fonds dans l'industrie afin de subventionner des projets communs, tout en nous permettant de concentrer nos ressources internes sur la recherche à haut risque et à long terme destinée à améliorer la santé de nos cultures, de notre cheptel ainsi que de nos ressources en eaux et en sols.
Le moment est tout choisi, monsieur le président, pour rappeler un aspect dont je vous ai déjà parlé. Le travail effectué dans nos centres de recherche, aux quatre coins du pays, profite à tout le secteur, d'un océan à l'autre. On ne peut barricader le secteur de la recherche et dire que, sauf si le travail est effectué localement, il ne pourra profiter à telle ou telle région. La recherche nous permet de parvenir à une connaissance utile qui est appliquée à l'échelle du pays, peu importe la région d'où elle est issue.
Par exemple, les travaux conduits par notre Centre de recherche alimentaire et horticole de l'Atlantique, à Kentville en Nouvelle-Écosse, bénéficient aux producteurs de légumes et de baies du Québec, de l'Ontario et de la Colombie-Britannique, tout autant qu'à ceux des Maritimes. Les exemples de ce genre abondent.
Par ailleurs, monsieur le président, pour ce qui est du rôle du gouvernement, sachez que nous avons supprimé tous les règlements inutiles, et retiré les subventions qui ne sont plus justifiées et qui sont sources de distorsion dans notre système agro-alimentaire.
Cet hiver, comme les membres du comité le savent, j'ai participé à une série de tables rondes, un peu partout au pays, pour converser en personne avec les principaux intervenants du secteur en vue de cerner, avec eux, les obstacles à surmonter et possibilités d'adaptation que nous devons saisir. Plusieurs membres de ce comité ont d'ailleurs participé à nombre de ces tables rondes. Nous sommes maintenant en train de préparer un projet de plan d'entreprise pour le secteur, dans le sillage de ces tables rondes, et à cette occasion, nous travaillons en étroite consultation avec ceux qui ont participé à ce processus.
D'ailleurs, monsieur le président, la série des tables rondes s'achèvera par une conférence nationale qui se déroulera à Winnipeg, au Manitoba, du 25 au 27 juin. J'espère alors être en mesure de sceller l'engagement de l'industrie et du gouvernement de prendre les mesures qui s'imposent et d'assurer le suivi de ces tables rondes, afin de mettre le secteur agricole et agro-alimentaire sur la voie du XXIe siècle. J'invite les membres de ce comité à participer à la conférence de Winnipeg. Je pense qu'il est très important que nous sachions où le secteur désire aller et comment nous pouvons l'aider à parvenir au succès.
Je tiens à remercier le comité pour le travail qu'il a effectué au cours des 30 derniers mois, sur les différentes mesures législatives qui lui ont été soumises. Vous avez un rôle déterminant à jouer sur le plan législatif et je serai très heureux de recueillir vos réactions dans l'avenir.
[Français]
Voilà pourquoi j'ai proposé que le projet de loi C-34, Loi sur le programme de commercialisation agricole, qui a été déposé le vendredi 3 mai, soit étudié par le comité avant la deuxième lecture. Je vais sûrement procéder de la même façon avec certains autres projets de loi à venir.
[Traduction]
Je tiens également à signaler, monsieur le président, qu'à la demande de votre comité, nous avons modifié la présentation de la partie III du livre bleu. Mes collaborateurs et moi-même aimerions beaucoup entendre vos réactions ainsi que vos suggestions sur la façon dont nous pourrions améliorer davantage le livre bleu pour le rendre plus convivial, tant pour le comité que pour le grand public.
J'en termine ici, monsieur le président et je vous remercie de votre attention. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre. Nous allons commencer parM. Hermanson.
M. Hermanson (Kindersley - Lloydminster): Merci, monsieur le président et merci à vous, monsieur Goodale, d'avoir de nouveau accepté l'invitation du comité.
Vous semblez enclin à nous peindre un portrait très rose de ce qui se passe dans votre ministère. En vérité, je pense que c'est au prix intéressant des denrées que l'on doit l'atmosphère positive qui règne dans le secteur agricole; donc, ne vous félicitez pas trop d'être le maître d'oeuvre de l'avenir brillant qui s'ouvre à l'industrie.
Le chapitre 9 du rapport que le vérificateur général vient de publier est consacré à l'agriculture. À l'heure où nous nous penchons sur le budget des dépenses, et étant donné que vous devez rendre des comptes au nom de votre ministère, je pense qu'il est tout à fait normal que nous commencions par examiner certaines remarques du vérificateur général.
Ainsi, au chapitre 9, plus exactement aux points 9.4, 9.5 et 9.6, on peut lire:
- Toutefois, les cadres ont établi peu d'indicateurs de rendement ou d'information succincte qui
puissent permettre aux parlementaires de comprendre et d'évaluer le rendement prévu et réel
ainsi que les moyens qu'a pris le Ministère pour faire face aux flambées de maladies et aux
infestations graves.
Puis, au point 9.5, il poursuit ainsi:
- La mise en oeuvre du Programme de protection des végétaux et de santé des animaux mobilise
une équipe d'au-delà de 1 100 employés (gestionnaires, inspecteurs et employés de
laboratoire) et coûte plus de 100 millions de dollars par année. Le Ministère a appliqué des
mesures visant à réduire ou à éviter certains coûts, mais il n'en reste pas moins qu'il continue à
administrer le Programme et à planifier ses activités futures sans tenir compte de ce que lui
permet le niveau actuel de ressources.
Par exemple, il mentionne que 17 de vos employés s'occupent du dossier de la brucellose, maladie à faible risque, ce qui l'amène à suggérer que vous devriez orienter vos ressources vers un secteur où elles seraient plus utiles. J'aimerais aussi que vous répondiez à cela.
Puis, le vérificateur général commente votre formule de recouvrement des coûts. Il vous place d'ailleurs dans une situation très délicate parce qu'il suggère que vous devriez essayer de récupérer 60 p. 100 de vos coûts auprès de l'industrie, à une époque où celle-ci doit chercher à être plus concurrentielle avec les États-Unis, où la récupération des coûts se fait à un niveau moindre. Je ne vois pas comment le vérificateur général peut imaginer que l'on puisse répercuter ces coûts sur le consommateur.
Il est également très préoccupé par le fait que vous ne percevez pas suffisamment de revenus par le biais du mécanisme recouvrement des coûts au titre des exportations. Selon lui, cet état de fait profite à nos clients étrangers, au détriment du contribuable canadien. Là encore, ce qui m'inquiète, c'est que le secteur canadien se trouve à devoir composer avec des règles du jeu qui ne sont pas équitables.
Donc, j'aimerais bien savoir comment vous allez pouvoir répondre aux voeux du vérificateur général, de récupérer plus d'argent auprès des producteurs, de l'industrie, tout en maintenant la compétitivité du secteur.
M. Goodale: Merci, de vos questions, monsieur Hermanson. À la façon dont vous les avez formulées, je devine que si vous pouvez être d'accord avec certains constats du vérificateur général, vous êtes très certainement en désaccord avec quelques-unes de ses remarques.
Tout d'abord, il convient de remarquer que, dans son rapport, le vérificateur général reconnaît la valeur de notre programme d'hygiène vétérinaire et de protection des végétaux. Il mentionne en particulier le succès qu'ont remporté ce programme et les fonctionnaires du ministère qui l'administrent, au titre de la protection de ce secteur essentiel qui est celui de l'agro-alimentaire au Canada, contre des maladies dévastatrices, comme l'ESB dont nous avons déjà eu l'occasion de discuter à de nombreuses reprises. Il donne bien d'autres exemples de réussite notoire.
Il est important de remarquer que toutes ces réalisations au nom de la préservation de l'intégrité de notre système canadien, remontent à une époque où notre programme global a dû subir une réduction de 21 p. 100 des ressources que nous lui consacrions. Voilà qui en dit long non seulement sur le programme, mais surtout sur ceux et celles qui l'appliquent.
Grâce à la solidité de notre programme d'hygiène vétérinaire et de protection des végétaux, les exportations de produits agro-alimentaires canadiens jouissent d'une excellente réputation sur les marchés mondiaux et nos clients canadiens ont, en règle générale, beaucoup plus confiance dans notre système d'inspection que le consommateur étranger n'en a dans ses propres systèmes.
Le Ministère apprécie également beaucoup le fait que le vérificateur général reconnaisse le rôle de chef de file mondial du Canada dans l'élaboration et la mise en oeuvre d'un modèle scientifique d'évaluation des risques liés aux maladies animales et aux parasites des plantes.
En ce qui concerne plus particulièrement les remarques que le vérificateur général formule à propos de la répartition de nos ressources en fonction de certaines priorités, sachez que nous accueillons fort bien l'examen auquel il s'est livré ainsi que les conseils très utiles qu'il nous adresse quant à la façon d'orienter nos ressources, de les gérer, de les répartir et de les administrer de la façon la plus rentable et la plus efficace possible. En fait, dans le cadre de nos activités au Ministère, nous avons déjà commencé à appliquer une partie des recommandations que le vérificateur général a formulées au sujet de la gestion et de la répartition de nos ressources.
Dans la mesure où le vérificateur général nous a prodigué des conseils valables sur la façon d'améliorer notre système de gestion et de répartir nos ressources de manière plus rentable, il est évident que nous accueillons fort bien ses conseils; comme je le disais, nous avons déjà commencé à mettre en oeuvre certaines de ses suggestions.
Pour ce qui est du recouvrement des coûts, nous avons commencé à entreprendre, il y a déjà plusieurs mois de cela, plusieurs projets dans le cadre de notre programme d'inspection. Il s'agit en fait d'une approche concertée visant à nous assurer que nous conserverons l'excellente réputation dont je vous parlais, et que nous parviendrons même à l'améliorer dans toute la mesure du possible en ce qui touche à la santé et à la sécurité et que, à cette occasion, nous réaliserons toutes les économies et parviendrons à toute l'efficacité possible.
Notre démarche repose donc sur deux piliers: d'abord, et autant que faire se peut, l'évitement absolu des coûts, voire l'élimination de tous les coûts inutiles. Deuxièmement, la réduction des coûts. À l'évidence, tout ce qui nous permettra d'offrir un service à un coût moindre nous permettra de réaliser des économies.
Donc, nous agirons sur l'évitement des coûts d'un côté et sur la réduction des coûts de l'autre. Et puis, nous envisageons la formule du partage des coûts, dont le vérificateur général parle dans son rapport quand il suggère que nous devrions faire un pas de plus dans le partage de ce fardeau avec le secteur privé. J'y reviendrai dans un instant.
Je tiens à faire état de deux autres piliers à notre approche. D'abord la technologie. À bien des égards, la mise en oeuvre de toute technologie nouvelle nous permet de disposer d'un système d'inspection d'un meilleur calibre, moins coûteux et plus efficace. Mais j'hésite à m'aventurer sur ce terrain quand je sens la présence de M. Olson dans mon dos, parce qu'il sera très certainement davantage en mesure de vous en parler.
Prenez, par exemple, l'Analyse des risques et la maîtrise des points critiques, l'ARMPC, dont nous encourageons actuellement l'adoption au Canada, à l'instar de nombreux autres pays. Nous pensons que cette nouvelle technique permettra à tous ceux qui participent au système d'inspection, non seulement d'économiser de l'argent mais aussi d'améliorer le travail d'inspection. Nous pourrons assurer l'inspection à un moindre coût et, de plus, nous ferons un meilleur travail grâce aux nouvelles technologies et aux nouvelles approches découlant de l'ARMPC.
En outre, l'essentiel de notre système d'inspection a toujours reposé sur des examens visuels, physiques qui, à l'évidence, reviennent cher. Très souvent, nous nous en sortirions mieux si nous disposions, par exemple, d'un test technico-scientifique de détection microbienne, car nous parviendrions ainsi à des degrés d'inspection supérieurs, justement parce que nous exploiterions la technologie de façon plus avantageuse et pour un moindre coût.
Le dernier élément de notre démarche est la suppression de tout recoupement et de tout dédoublement d'un ministère et d'un ordre de gouvernement à l'autre. Voilà ce à quoi correspondra désormais tout le système canadien d'inspection des aliments. Nous l'avons profilé dans le budget de 1995 et annoncé dans celui de 1996.
Nous visons plusieurs objectifs: maintenir voire améliorer nos normes élevées, économiser et nous assurer que nos clients, au Canada et dans le monde entier, continuent d'avoir une confiance absolue dans la qualité de notre programme d'inspection.
Si les membres du comité veulent plus de précisions, je serais heureux de leur donner les détails de notre plan d'agencement des activités et des projets que nous avons lancés jusqu'ici en matière de recouvrement des coûts.
Mais je vous répondrai ainsi de façon très générale: je partage vos préoccupations au sujet de l'incidence que le recouvrement des coûts risque d'avoir, au-delà d'un certain niveau, sur la compétitivité nationale et internationale des différentes composantes du secteur.
Je crois, cependant, que nous avons adopté un cap rationnel, raisonnable, équilibré et juste. Je prends acte de la recommandation du vérificateur général qui voudrait que nous allions plus loin et plus vite, mais je suis intimement convaincu que le cap que nous avons adopté est le bon, compte tenu des circonstances actuelles. J'entends d'ici les groupes clients d'Agriculture et Agro-alimentaire Canada nous dire qu'ils sont en parfait désaccord avec les recommandations du vérificateur général et que, de leur point de vue, le plan d'agencement des activités tel qu'il se présente actuellement est amplement suffisant.
Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre.
Monsieur Easter.
M. Easter (Malpèque): Merci, monsieur le président.
Ma première question concerne également les frais d'usager. En 1994-1995, Agriculture Canada a recueilli 13,3 millions de dollars en frais d'usager, au titre de 49 services et, en 1995-1996, il a recueilli 37 millions de dollars.
Le vérificateur général dit que le Ministère a fait des progrès sur le plan de la récupération des coûts à court terme, mais je crois que les producteurs s'inquiètent - du moins, moi, je suis inquiet - de l'impact que le programme de recouvrement des coûts pourrait avoir sur la capacité des producteurs de demeurer concurrentiels.
Dans son témoignage devant ce même comité, un représentant du Conseil du Trésor a indiqué qu'il n'existait aucune procédure d'évaluation à l'échelle de la fonction publique visant à déterminer l'effet cumulatif des programmes de recouvrement des coûts sur le secteur agricole. Votre ministère n'est pas le seul au niveau fédéral à administrer de tels programmes.
Ainsi, les producteurs de tourbe de ma région sont facturés par Pêches et Océans, par Agriculture Canada de même que par le service des douanes. Un de mes voisins, qui exporte des géniteurs au Mexique, par exemple, envisage à présent de cesser cette activité parce que, quand il en a terminé avec les tests sanguins, qu'il a posé les scellés sur les camions et ainsi de suite, et qu'il s'est acquitté de tous les frais au titre de la récupération des coûts, il n'est quasiment plus compétitif.
J'ai deux questions à vous poser. Je constate qu'à l'échelle de la fonction publique... il est évident que votre ministère peut agir sur les droits exigibles relevant de sa compétence, mais que je sache il n'existe, à l'échelle de la fonction publique, aucun mécanisme - à moins que vous n'en connaissiez un - d'évaluation de l'effet cumulatif du programme de recouvrement des coûts sur un producteur payant toutes les factures qui lui sont présentées à ce titre.
Est-ce que votre ministère effectue des analyses d'impact ou contrôle la situation relativement à ces coûts? Fait-on quelque chose à l'échelle du gouvernement? Si l'on se rend compte que l'on réduit ainsi la compétitivité des producteurs, que fait-on pour corriger la situation?
Voici ce qui m'amène à vous poser cette question: nous allons, je pense, bien au-delà de ce que nous devons faire pour nous plier à nos engagements en vertu du GATT et de l'OMC. Les Américains et les Européens, qui sont nos concurrents, ne le font pas. Nous ne voulons certainement pas, au nom de la réduction du déficit, mettre nos producteurs dans une position non concurrentielle.
M. Goodale: Monsieur Easter, j'apprécie les sentiments qui, à l'évidence, vous animent quand vous posez cette question. Je peux y répondre en partie, du moins pour ce qui concerne Agriculture et Agro-alimentaire Canada. Mais il y a des aspects de votre question qui débordent des cadres de mon ministère et je devrais donc forcément être un peu plus général dans ma réponse.
À propos de l'analyse des répercussions dont vous parliez, nous avons fait de notre mieux - et quand je dis «nous» je pense principalement à M. Olson et à ses collaborateurs de PIA - pour évaluer de façon régulière ce que les changements en matière de droits imposés pourraient signifier pour le producteur moyen au Canada.
Dans tout ce processus, nous avons appliqué certains principes fondamentaux. D'abord, le recouvrement des coûts ne doit compromettre ni la santé, ni la sécurité. Deuxièmement, nous respecterons les engagements pris en vertu des accords de commerce international. Troisièmement, toutes les consultations effectuées à ce chapitre seront aussi ouvertes et aussi transparentes que possible. M. Olson et son personnel ont tenu des centaines de réunions avec différents intervenants pour recueillir leurs avis à propos de ce processus.
Quatrièmement, comme je le disais plus tôt, nous poursuivons aussi une démarche concertée consistant, non seulement, à recouvrir les coûts, mais également à éviter et à réduire les coûts dans toute la mesure du possible. Cinquièmement, le recouvrement des coûts doit être appliqué équitablement dans le cas d'activités semblables conduites dans des secteurs différents, afin de garantir une certaine équité au sein du secteur agricole et agro-alimentaire. Enfin - et j'en viens ici au coeur même de votre question - , le ministère s'efforcera de réduire au minimum les effets négatifs que le recouvrement des coûts pourrait avoir sur la compétitivité du secteur agricole.
Plus tôt, je parlais du suivi que nous effectuons pour déterminer les effets que les droits imposés par Agriculture et Agro-alimentaire Canada peuvent avoir sur le producteur moyen. Je ne rentrerai pas dans le détail ce soir, mais je serai très heureux de fournir ces illustrations au comité.
Par exemple, nous avons cherché à déterminer quelle pourrait être l'incidence d'un changement de tarif sur le pomiculteur moyen de la Colombie-Britannique, sur le producteur de boeuf moyen des Prairies, sur le céréalier moyen de la Saskatchewan, sur le producteur moyen de porc de l'Ontario, sur le producteur moyen d'oeufs du Québec, sur le producteur moyen de pommes de terre de l'Île-du-Prince-Édouard et ainsi de suite, à l'échelle du pays. D'après ces illustrations, où les données correspondent à la situation de chaque agriculteur, pris individuellement, vous pouvez constater que les sommes que nous récupérons sont relativement faibles en regard de la valeur globale des chiffres d'affaires potentiels.
Maintenant, si je me fie aux renseignements dont je dispose, j'ai l'impression que le plan d'agencement des activités du secteur agricole et agro-alimentaire donne lieu à des résultats équitables et raisonnables dans toutes les situations.
Je comprends cependant, comme vous le disiez, que les changements ou les augmentations tarifaires des différents ministères pourraient avoir, dans certains cas bien précis, une importante répercussion, même si elle est involontaire. Je puis vous assurer que c'est là une question que je compte suivre de très près, puisque le principe du recouvrement des coûts est appliqué à l'échelle du gouvernement, et je suis certain que mes collègues du cabinet voudront faire de même, surtout ceux du Conseil du Trésor qui sont investis de la responsabilité globale d'appliquer ce principe de politique à l'échelle du gouvernement.
Je comprends ce que vous voulez dire et je suis moi-même très sensible à cette question, parce qu'en cette période où l'on conclut de nouveaux accords commerciaux, il est vital que notre industrie agro-alimentaire soit concurrentielle. Nous devons donc veiller à ce que nos prix ne nous mettent pas en marge du marché.
M. Easter: Il y a un autre sujet de préoccupations à propos duquel nous devons essayer de rassurer les producteurs - et je pense d'ailleurs vous avoir envoyé une question à ce sujet - , je veux parler du fait que les producteurs, qui paient effectivement au titre du recouvrement des coûts, se demandent ce qui se passe au niveau de la gestion du ministère et s'ils ne paient pas trop. Ne perdez pas cela de vue.
Comme vous le savez sans doute, le Comité des finances du Sénat vient de déposer un rapport dans lequel on critique vertement la Société du crédit agricole que l'on recommande d'ailleurs de fusionner avec la Banque de développement. Je suis en complet désaccord avec ce rapport. Les sénateurs ont dû faire se laisser aller à rêver cette nuit là. Quoi qu'il en soit, j'aimerais connaître votre position à ce sujet et savoir ce qu'il va advenir du Crédit agricole.
Enfin, quand elle a comparu devant nous pour le CN, au sujet du parc des wagons-trémies, Mme Sandi Mielitz nous a essentiellement parlé de l'accord d'exploitation conclut entre la compagnie de chemin de fer et le gouvernement. D'après cet accord, le CN dispose d'un droit de premier refus dans la vente de ses wagons et, en outre, il a le droit d'approuver toute vente.
Cela m'inquiète, parce que la vente des wagons-trémies est extrêmement importante pour les producteurs de l'Ouest et nous devons savoir qui mène le bal. Est-ce le gouvernement ou est-ce les compagnies de chemin de fer qui tirent les ficelles dans les coulisses? Nous devons savoir où nous en sommes et ce qui va advenir.
Le président: Il y a deux questions ici, monsieur le ministre. Je vous demanderai d'être assez bref... je sais que vous pourriez consacrer beaucoup de temps à ces deux aspects, mais plusieurs députés veulent vous poser des questions et M. Easter a épuisé tout son temps en vous posant sa deuxième question «brève». Donc, je vous demande de nous fournir une réponse succincte, parce que je suis sûr que d'autres membres du comité reviendront sur ces sujets.
M. Goodale: Fort bien, monsieur le président.
Pour ce qui de la SCA, j'ai effectivement pris connaissance du rapport du Sénat sur les institutions financières, auquel le gouvernement va officiellement répondre, notamment en ce qui a trait à la SCA.
En d'autres occasions, je crois, Monsieur Easter, j'ai souligné le potentiel d'expansion et de renforcement du rôle de la Société du crédit agricole. Je serai heureux de vous en dire plus à ce sujet, quand l'occasion se présentera. Il se peut fort bien qu'il y ait une toute petite différence de point de vue entre moi-même et nos savants sénateurs, au sujet de la SCA.
Pour ce qui est des commentaires de Mme Mielitz du CN, je n'ai pas eu l'occasion de lire le document dont vous parliez, mais je crois qu'il est juste de dire que tout accord comporte des droits et des obligations pour les parties signataires. Il en va certes de l'intérêt du gouvernement et de celui des agriculteurs, des compagnies de chemin de fer, des expéditeurs, des organisations agricoles, ainsi que du nôtre de pouvoir compter sur un système de manutention et de transport des grains qui soit le plus efficace et le mieux structuré possible. Personnellement, je m'attends à ce que les compagnies de chemin de fer aient conscience de leurs responsabilités sociales, qu'elles se comportent en conséquence et qu'elles ne veuillent pas paraître comme faisant de l'obstruction ou créant des difficultés pour parvenir à la meilleure solution possible dans le cas des wagons-trémies.
Le président: Monsieur Chrétien.
[Français]
M. Chrétien (Frontenac): Bonjour, monsieur le ministre. Par les temps qui courent, il faut être très efficace. Votre ministère a subi en 1994-1995 des coupures de l'ordre de 14 p. 100. Cette année, vous avez encore droit à des coupures, si bien que vous devez faire une bonne rationalisation de vos opérations.
En lisant aujourd'hui le rapport du vérificateur général, on peut voir que la plupart des parasites réglementés ont fait l'objet d'évaluations scientifiques, ce qui peut représenter environ 10 p. 100 des cas. Votre ministère a donc fait une évaluation dite scientifique de ces 10 p. 100.
Pourquoi est-ce qu'aucune évaluation scientifique des risques associés aux maladies, aux mauvaises herbes et aux substances toxiques réglementées n'a été effectuée? La rage, la brucellose et la tuberculose, auxquelles votre ministère consacre près de 90 p. 100 des ressources en santé animale affectées aux activités menées au pays, n'ont fait l'objet d'aucune évaluation scientifique au point de vue des risques.
Dans le document du vérificateur général, également, on souligne qu'en ce qui a trait à l'ensemble du Programme de protection des végétaux et de la santé, les priorités et la répartition des ressources ne sont pas fondées sur l'évaluation scientifique des risques.
Finalement, est-ce que votre ministère reconnaît que, sans évaluation scientifique des risques, de précieuses ressources peuvent être affectées à des secteurs où les risques sont beaucoup moins élevés que dans d'autres auxquels on affecte beaucoup moins de ressources?
Je voudrais revenir au fameux problème de recouvrement des coûts. À peine 60 p. 100 des coûts sont récupérés. C'est une mauvaise note à votre bulletin académique. Comme mon collègueM. Hermanson l'a dit, on pourrait passer outre, mais pour être vraiment efficace et pour le bien de tous les Canadiens, il faudrait procéder beaucoup plus scientifiquement afin d'obtenir 100 «cennes noires» pour chaque dollar que les contribuables investissent dans le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire.
[Traduction]
M. Goodale: Je suis bien sûr d'accord avec votre dernière remarque, monsieur Chrétien, parce que personne n'a d'argent à gaspiller, pas plus le gouvernement du Canada que le gouvernement de n'importe quelle province, ou encore que les organisations agricoles, les agriculteurs ou l'industrie agro-alimentaire. De nos jours, il est certain que chaque dollar compte. Vous pouvez avoir l'assurance que, tout comme nous avons su prendre les décisions budgétaires qui s'imposaient à Agriculture et Agro-alimentaire Canada, cet aspect se trouve au centre de nos réflexions.
Pour en revenir aux commentaires du vérificateur général au sujet de notre programme d'hygiène vétérinaire et de protection des végétaux, je me propose de vous livrer quelques remarques générales après quoi je demanderai à M. Olson, sous-ministre adjoint, Production et inspection des aliments, de vous fournir plus de détails à ce sujet. Mais avant cela, revenons sur votre avant dernier point, celui qui concernait le recouvrement des coûts.
J'ai très clairement entendu M. Hermanson nous dire qu'il entretient certaines réserves quant à l'étendue des mesures proposées par le vérificateur général. M. Easter lui a fait écho à ce sujet. À présent, j'aimerais que vous nous disiez, monsieur Chrétien, si, selon vous, il y a encore place pour entreprendre d'autres initiatives de recouvrement des coûts. Nous devons bien sûr prendre au sérieux les déclarations du vérificateur général, mais il faut peut-être tenir compte d'autres considérations, en matière de politiques gouvernementales, comme celle de la compétitivité du secteur, soulevée par MM. Easter et Hermanson. J'aimerais entendre votre avis relativement à l'étendu du programme de recouvrement des coûts au sein d'Agriculture et Agro-alimentaire Canada.
Pour en revenir à la question précédente, celle concernant le programme d'hygiène vétérinaire et de protection des végétaux, je dois rappeler ce que le vérificateur général a dit, je crois, à ce propos, à savoir que les Canadiennes et les Canadiens peuvent se rassurer, leur santé ainsi que celle des animaux et des végétaux au Canada est bien protégée.
L'évaluation des risques n'est qu'un des nombreux outils dont se sert le Ministère, plus particulièrement la direction générale PIA, pour déterminer le risque global associé à des denrées précises, qu'il s'agisse d'animaux ou de végétaux. D'autres facteurs critiques sont pris en considération, comme la gestion et la communication du risque, les obligations en vertu des accords commerciaux, la confiance du consommateur, les intérêts de l'industrie et les contraintes liées aux ressources. Dans les situations ou aucune évaluation scientifique officielle du risque n'a encore été réalisée, les gens du ministère continuent de prendre des décisions dans le cadre du programme en se fondant sur les meilleures données scientifiques dont ils disposent dans les circonstances.
Bien sûr, le Ministère explorera toutes les occasions d'exploiter l'évaluation des risques de façon plus efficace, dans la détermination des priorités pour l'ensemble du programme et dans l'affectation des ressources. Cela étant posé, et comme je le disais plus tôt en réponse àM. Hermanson, nous accueillons fort bien les remarques du vérificateur général auxquelles nous avons déjà commencé à donner suite, à bien des égards.
Monsieur Olson, pouvez-vous nous en dire un peu plus en réponse aux préoccupations énoncées par M. Chrétien?
M. Art Olson (sous-ministre adjoint, Direction générale Production et inspection des aliments, ministère de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire): Pour ce qui est du recouvrement des coûts, lors de la réunion du comité, il y a environ une semaine, nous avons dit qu'un des facteurs essentiels est le fait que nous voulons nous assurer que les producteurs et les transformateurs canadiens puissent demeurer concurrentiels. C'est pour cette raison que nous suivons de très près le genre de frais que les autres pays, avec qui nous commerçons et qui sont nos concurrents, imposent pour des services semblables. C'est ainsi qu'on peut expliquer en grande partie le niveau actuel de recouvrement des coûts, parce que nous prenons grand soin à éviter de placer les producteurs canadiens dans une position désavantageuse, surtout par rapport à leurs homologues américains.
Or, je crois que nous avons réussi à maintenir ce genre de comparaison.
Pour ce qui est du programme national, il faut savoir que notre réussite sur les marchés internationaux dépend foncièrement de notre réussite ici, au Canada. Dans la mesure où nous parvenons à démontrer que nous n'avons pas de problèmes au Canada, nous pouvons avoir accès à tous les autres marchés dans le monde.
Tout cela dépend d'un ensemble d'éléments. De toute évidence, nous dépendons des producteurs. Le secteur agricole, au Canada, est très sophistiqué.
Il y a quelques semaines, nous parlions d'ESB. Je vous rappelle que c'est le producteur, propriétaire du cheptel d'où venait la bête malade, qui a identifié l'animal en question. Il savait qu'il y avait un problème. Il a appelé son vétérinaire, qui a appelé le vétérinaire provincial, lequel nous a appelés. C'est dire à quel point la façon dont les choses se sont enchaînées sur le plan de la surveillance et des systèmes par les fonctionnaires provinciaux et le milieu des producteurs, a joué un rôle déterminant dans le fait que nous sommes parvenus à maîtriser cette maladie.
Sur le chapitre de la prestation de service à l'échelle nationale, j'ai fait état de 17 personnes affectées au dossier de la brucellose. Nous n'avons pas eu le problème de la maladie de la vache folle au Canada. Je puis vous assurer que j'ai mobilisé d'importantes ressources pour nous assurer que nous n'aurons pas à en pâtir. D'ailleurs, le fait que nous n'ayons pas encore été touchés par la brucellose est le résultat de notre programme de surveillance. Nous avons détecté un risque dans le Parc national Wood Buffalo. Nous en avons détecté un autre tout à fait au sud de notre frontière avec les États-Unis, et nous avons bien l'intention de veiller à ce que cette maladie ne s'étend pas chez nous. Voilà pourquoi nous avons affecté 17 personnes à ce genre de programme de surveillance.
M. Goodale: Je devrais ajouter un mot à cela, monsieur Chrétien, pour étayer ce que vient de dire M. Olson.
Certes, cet Albertain qui a découvert qu'un animal importé était atteint de BSE - il y a maintenant de cela près de trois ans - , s'est montré très responsable dans sa décision de porter toute l'affaire à l'attention des autorités concernées. Mais, en outre, après que nous avons entrepris notre programme d'éradication, assorti de mesures que d'aucuns décriront d'extrêmes - malheureusement nécessaires, mais néanmoins extrêmes - pour nous assurer que le Canada ne serait pas frappé par l'ESB, nous avons à cette occasion reçu l'entière collaboration et l'appui, pendant plusieurs mois, de tous les organismes de courtage en bétail au pays, de toutes les organisations agricoles, de tous les gouvernements provinciaux et de toutes les associations professionnelles. Nous avons assisté à un effort de masse où absolument tous les intervenants, pas uniquement les gouvernements mais aussi le secteur privé, ont pris la chose très au sérieux et ont fait preuve d'un sens aigu des responsabilités.
Grâce à la conduite dont ont fait preuve principalement les agriculteurs et les organisations agricoles, le Canada ignore toujours ce qu'est l'ESB.
M. Hoeppner (Lisgar - Marquette): Bienvenue, monsieur le ministre. Je suis heureux de vous voir ici et d'avoir la possibilité de vous poser quelques questions.
Quand j'ai entendu le ministre parler des audiences du Bureau de commercialisation des grains et de plébiscites sources de partition, cela m'a rappelé une petite phrase contenue dans un bulletin paroissial, et que l'on pourrait juger à propos ce soir. Elle disait à peu près ceci: «Ne vous laissez pas mourir d'inquiétude, remettez-vous en au ministre».
M. Goodale: On peut l'interpréter de plusieurs façons, monsieur Hoeppner. Personnellement, je lui donnerai l'interprétation la plus positive.
M. Hoeppner: J'aimerais que nous nous en remettions un peu à vous, ce soir, pour que vous ne nous laissiez pas mourir d'inquiétude. Selon une certaine rumeur, je risque de ne pas être mentionné dans le testament de la Commission canadienne du blé. Comme cela m'inquiète un peu, je vais prendre une orientation différente.
Le président: Je crois que vous n'avez pas de souci à vous faire à ce sujet, monsieur Hoeppner.
M. Hoeppner: Le ministre m'a donné quelques maux de tête, d'abord pour le dossier du rebroussement. À l'époque, vous ne sembliez pas avoir suffisamment de poids au cabinet pour faire cesser cette pratique, quand le comité vous disait qu'il fallait tout arrêter, que c'était illégal, que ça coûtait de l'argent aux agriculteurs et aux contribuables et que ça immobilisait les wagons-trémies.
L'autre cause de mes maux de tête remonte à l'époque où le comité vous avait demandé de lancer une enquête indépendante dans le dossier de la Winnipeg Commodity Exchange. Or, cette enquête a été jusqu'à avaliser la décision de la bourse de marchandises de mettre un terme au contrat du canola. Puis, plus rien! Je sais qu'une nouvelle loi devrait être proposée l'année prochaine pour réglementer la Winnipeg Commodity Exchange. Je constate que la Commission canadienne des grains et certains autres intervenants ont déjà commencé des démarches relativement à l'organisme qui sera chargé d'appliquer la réglementation. Je vous recommanderais, monsieur le ministre, de confier ce dossier à la Commission des valeurs mobilières, plutôt qu'à la Commission canadienne du blé, comme cela se fait aux États-Unis. Il n'est pas sain de confier la réglementation, en partie ou en totalité, à une Commission des grains et à des agents de courtier en grain.
J'aimerais que vous nous disiez ce que vous pensez de cela, parce que je préférerais ne pas mourir d'inquiétude après avoir quitté cette Chambre.
M. Goodale: Je vais essayer de vous éviter cela, monsieur Hoeppner.
Je crois que nous avons débattu de la situation relative au rebroussement des grains, par l'itinéraire dit touristique qui passe par Thunder Bay, ici même, à ce comité, mais aussi, à l'occasion, à la Chambre. En fait, le gouvernement aurait été disposé à intervenir beaucoup plus tôt dans ce dossier et le fait que les choses n'aient pas bougé avant ne tient ni à un défaut dans la prise de décision, ni à des travers politiques attribuables au gouvernement. Non! il se trouve que nous avions été informés par les principaux intervenants de l'industrie du grain que tout changement que nous aurions pu apporter à la structure du tarif-marchandises en plein milieu d'une campagne agricole aurait risqué, dans les circonstances de l'heure, d'occasionner plus de problèmes qu'il n'en aurait réglé.
Vous vous rappellerez qu'à l'époque nous étions aux prises avec des retards dans les expéditions de grains. L'industrie des grains avait l'impression que si un changement d'une telle importance devait, par exemple, se produire en hiver ou au printemps, en cours de campagne agricole, plutôt que le 1er août, au moment où l'on prépare la campagne agricole suivante, on ne ferait qu'aggraver les choses sur le plan de l'utilisation du matériel roulant et donc occasionner des retards dans les expéditions. Donc, la grande majorité des intervenants du secteur des grains, et tous ceux qui souhaitaient un déblocage de la situation, m'ont recommandé d'attendre au 1er août suivant pour que le changement coïncide avec le début d'une campagne agricole, et qu'il soit mis en oeuvre de la manière la plus efficace possible.
M. Hoeppner: Mais, monsieur le ministre, je crois qu'au printemps de 1994, il avait été recommandé de cesser cette pratique dès le 31 juillet 1994, mais elle s'est poursuivie pendant une autre année. Voilà pourquoi je remettais en question la décision qui a été prise. Je sais également que la Commission canadienne du blé a sans doute beaucoup fait pression sur vous parce qu'elle voulait que les choses se poursuivent ainsi tant que la LTGO était en vigueur.
M. Goodale: Absolument pas. En fait, toutes les pressions que j'ai reçues de l'industrie du grain, et surtout de la Commission canadienne du blé, étaient dirigées dans l'autre sens, pour que nous mettions un terme à cette anomalie qui correspondait à une utilisation extraordinairement mauvaise de nos ressources, qui immobilisait le matériel roulant à qui l'on faisait parcourir plusieurs centaines de milles dans la mauvaise direction simplement pour toucher une subvention, puisque, arrivé à un certain point, on pouvait invoquer le fait que les céréales étaient passées par là et que les dispositions de la loi étaient applicables. Je ne pense pas qu'un quelconque intervenant sérieux du secteur céréalier aurait pu ou a pu invoquer des raisons logiques pour que cette situation se poursuive indéfiniment.
Les seules discussions que j'ai eues ont porté sur le choix du moment. Si vous vous souvenez bien, et je pourrais certainement vérifier les dates, je crois qu'à l'époque où nous avons rencontré l'industrie céréalière en mai et juin 1994, et où nous nous sommes entendus sur le fait que le moment était venu d'intervenir, il était déjà trop tard pour que la loi puisse être soumise au Parlement afin d'entrer en vigueur le 1er août 1994. Nous avions déjà entamé la campagne agricole suivante. Voilà le dilemme auquel nous avons été confronté, monsieur Hoeppner.
M. Hoeppner: Mais je pensais, monsieur le ministre, qu'on était en train d'enfreindre une clause de non-exécution de la LTGO et que, par conséquent, on aurait pu décréter la fin de cette pratique par le biais d'un décret, dès le 31 juillet 1994.
M. Goodale: Je me suis renseigné au sujet de mon pouvoir légal d'intervenir unilatéralement. Les conseillers juridiques m'ont informé que la seule façon de changer les choses serait d'adopter une modification législative que nous avons alors préparée et fait passer dans le système le plus rapidement possible. Malheureusement, nous n'avons pas eu le temps matériel de régler ce dossier entre juin et août 1994 parce que la Chambre des communes n'a presque pas siégé durant cette période.
Pour ce qui est du contrat du canola, comme vous le savez, la controverse de l'été 1994 a fait l'objet d'une enquête complète par des examinateurs externes. C'est à la suite de cette enquête qu'un nouveau contrat a été formulé et mis en oeuvre.
Je voulais obtenir de la Commission canadienne des grains le genre d'assurance à laquelle vous semblez faire allusion dans votre question, et je voulais avoir la certitude que, dans l'exécution de ses responsabilités professionnelles et officielles en vertu de la Loi sur les marchés de grain à terme, la CCG ferait tout pour remplir correctement ses fonctions en matière de surveillance.
Quant aux renseignements dont j'ai été saisi, et qui avaient été rassemblés notamment par la Commission canadienne des grains, laissez-moi vous dire que je suis convaincu que la Commission canadienne des grains s'est correctement acquittée de ses responsabilités en vertu de la Loi sur les marchés de grain à terme.
Mais vous soulevez un point intéressant quand vous demandez s'il convient ou non, à long terme, que la Commission canadienne des grains soit l'organisme de surveillance de la bourse de marchandises.
Vous avez parlé du risque de conflit d'intérêts... je ne pense pas que vous ayez parlé d'un cas effectif. Je ne peux vous rejoindre sur ce point du risque de conflit d'intérêts.
M. Hoeppner: Ce qui me gène à ce sujet, monsieur le ministre...
Le président: Laissez le ministre vous répondre. Vous allez épuiser votre temps de parole.
M. Hoeppner: Je voulais simplement l'orienter sur la question à laquelle je veux qu'il réponde vraiment. Les joueurs importants injectent beaucoup d'argent dans la bourse de marchandises de Winnipeg. Il y avait là 250 000$ des syndicats. Les petits intervenants, les agriculteurs, eux, n'étaient absolument pas protégés dans tout cela. C'est cela qui me gênait vraiment.
M. Goodale: Je ne suis pas vraiment en position de commenter cet aspect, monsieur Hoeppner, parce que, comme vous le savez, la Winnipeg Commodity Exchange est un établissement privé qui fonctionne selon ses propres règles et qui s'autodiscipline. Ce n'est que dans des circonstances extraordinaires qu'il peut faire l'objet de la surveillance prévue dans la Loi sur les marchés de grains à terme.
Je pense que nous sommes tous deux d'accord sur le fait qu'il faudra pouvoir compter sur cette fonction de surveillance dans l'avenir. Mais la question qui se pose est sans doute la suivante: À qui cette responsabilité devrait-elle être confiée? De votre côté, vous laissez entendre que la Commission manitobaine du marché des valeurs serait sans doute mieux placée pour assumer cette fonction que la Commission canadienne des grains.
Je n'abonde pas nécessairement dans votre sens quand vous dites que le risque de conflit d'intérêts en est la raison, mais il est possible qu'il y en ait d'autres, tout à fait légitimes. Par exemple, si la Winnipeg Commodity Exchange voulait axer ses opérations sur des marchandises à terme autres que les grains, on pourrait alors se poser la question suivante: est-ce que la fonction de surveillance devrait être mentionnée dans la Loi sur les marchés de grains à terme et être exercée par un véhicule comme la Commission canadienne des grains, si les transactions portent sur un vaste éventail de marchandises autres que les grains, notamment les métaux?
Au fur et à mesure que la Winnipeg Commodity Exchange prendra de l'expérience et élargira ses activités, il est tout à fait légitime qu'on se demande qui assumera alors la fonction de surveillance. Je pose donc une question tout à fait hypothétique, avant qu'on ait réalisé la somme considérable d'analyses qui s'imposent: conviendrait-il que la fonction de surveillance de ce genre d'institution, qui se tournera éventuellement vers le marché à terme, soit confiée à une nouvelle commission nationale du marché des valeurs, comme on en a énoncé la possibilité dans le tout dernier discours du Trône?
Le président: Vous avez la parole, monsieur Reed.
M. Reed (Halton - Peel): Merci, monsieur le président.
Eh bien, monsieur le ministre, en dépit des doutes exprimés par M. Hermanson, personnellement, je pense que vous faites un sacré bon boulot.
Des voix: Bravo, bravo!
M. Goodale: Je suis heureux de voir que vous n'avez pas de parti pris, Julian.
Des voix: Ah, ah!
M. Reed: Je ne veux pas vous sembler condescendant, mais comme vous avez dû être créatif, inventif, faire plus avec moins et exploiter beaucoup plus intelligemment des ressources réduites, j'estime que vous êtes parvenu à bien établir vos priorités.
Je veux me concentrer sur un aspect en particulier - et M. Olson a répondu en partie à cette question au début - , je veux parler de la vigilance, importante, dont il faut faire preuve face à ce genre de maladie. Selon moi, nous ne réalisons pas de bonnes économies quand nous réduisons la surveillance de maladies comme la brucellose, la tuberculose et ainsi de suite. Elles peuvent ressurgir n'importe quand. Pour moi, ce genre de surveillance est un investissement que nous devons réaliser afin de protéger nos exportations dans le monde entier. Quand d'aucuns considèrent le Canada comme source d'approvisionnement, ils le considèrent comme étant une source d'approvisionnement saine.
Monsieur le ministre, je sais que l'année prochaine vous devrez établir des priorités encore plus serrées mais, quand vous le ferrez, je vous recommande de veiller à ce que certaines de ces maladies, qui ont été de véritables fléaux dans le passé, ne puissent plus faire leur réapparition et ruiner l'excellente réputation dont nous jouissons dans le monde entier.
Comme je ne suis plus tout jeune, je me rappelle l'époque où la brucellose et la tuberculose ont ravagé la région où j'habitais. Je me rappelle aussi de l'entrée en vigueur de la procédure d'accréditation des troupeaux laitiers et la mobilisation que cela avait représentée pour les éleveurs qui appliquaient des méthodes de contrôle tout à fait extraordinaires en vue d'être accrédités; je me rappelle aussi leur inquiétude quand la vache d'un autre propriétaire pénétrait dans un de leurs enclos.
Donc, je m'adresse ici à vos fonctionnaires par votre entremise: De grâce, ne retirez pas la priorité que vous accordez à la surveillance de ces maladies qui, si elles ne sévissent plus à l'heure actuelle, pourraient, si l'on n'y prenait garde, resurgir n'importe quand.
M. Goodale: J'apprécie beaucoup votre remarque, monsieur Reed. Il est très important de ne jamais oublier qu'on apprend du passé et qu'à défaut, on risque fort d'en payer le prix.
Au bout du compte, nos programmes d'hygiène vétérinaire et de protection des végétaux, ainsi que le professionnalisme qui règne à Agriculture et Agro-alimentaire Canada - dont nous pouvons nous réjouir - , alliés aux compétences qu'on retrouve à l'échelon provincial et dans le secteur privé, le tout étant renforcé par l'attitude tout à fait responsable qu'affichent les producteurs, les organisations agricoles et les autres, ont fait en sorte que le Canada est dans une excellente posture, à l'échelon national et à l'échelon international. Nous essaierons, par tous les moyens possibles, de nous appuyer sur cette réputation et de la renforcer, et nous veillerons à ce qu'elle ne soit pas entachée.
Cela étant, nous devrons bien sûr tenir très attentivement compte du point de vue et des conseils du vérificateur général. Nous travaillerons très fort pour améliorer le système et continuer d'affecter nos ressources d'une façon qui nous permette de parvenir à des résultats et de récupérer des dividendes, comme nous avons su le faire dans le passé.
J'estime qu'on ne doit pas perdre de vue le fait que, malgré les conseils constructifs prodigués par le vérificateur général, celui-ci a eu aussi beaucoup de bonnes choses à dire au sujet d'Agriculture Canada, de son système d'inspection, de la qualité du travail effectué et de la confiance que les Canadiennes et les Canadiens ainsi que nos clients étrangers ont dans ce système, parce qu'il produit des résultats exceptionnels depuis de nombreuses années.
Je vais vous en donner un exemple tangible. Dans le cadre de la délégation commerciale qui s'est rendue au Japon, en Corée et à Singapour, et à laquelle j'ai récemment participé, j'étais accompagné, parmi les quelques 25 personnes qui faisaient partie de l'Équipe Canada, duDr Frédérique Moulin, vétérinaire réputée, membre de l'équipe des spécialistes d'Agriculture et Agro-alimentaire Canada. Vous vous rappellerez que cette mission commerciale est intervenue peu de temps après que le Royaume-Uni s'est retrouvé aux prises avec le problème terrible de l'ESB.
La compétence du Dr Moulin a, dès lors, revêtu une importance incroyable pour la délégation canadienne. Quant un représentant d'un gouvernement étranger ou du secteur privé abordait la question de l'ESB, nous étions immédiatement en mesure d'expliquer la politique officielle de notre gouvernement et nous pouvions aussi apporter le point de vue scientifique très professionnel duDr Moulin pour préciser et bien souligner, trois fois plutôt qu'une, qu'au Canada, nous ne connaissons pas l'ESB.
Le Dr Moulin a été en mesure de réciter le chapelet de toutes les initiatives que nous avons prises pour bénéficier d'une telle situation et pour protéger notre réputation. Voilà un aspect du système canadien que nous tenons trop souvent pour acquis. Dans des pays qui ne disposent peut-être pas d'un système d'inspection qualitativement comparable au nôtre, les gens ont beaucoup de respect envers ce que le Canada fait à ce titre.
M. Reed: Merci.
Le président: Merci, monsieur Calder.
M. Calder (Wellington - Grey - Dufferin - Simcoe): Merci, monsieur le président.
Monsieur le ministre, il y a environ une demi-heure de cela, nous parlions des wagons-trémies. Vous avez dit alors quelque chose au sujet des compagnies de chemin de fer, vous avez dit que vous espériez qu'elles respecteraient leurs obligations sociales. Eh bien, je vais vous suggérer une chose que les compagnies de chemin de fer pourraient faire dans ce sens, en veillant à ce que l'est du Canada reçoive sa part de wagons.
J'envisageais de recommander l'inclusion d'une clause de non-exécution dans le projet de loi C-101 pour préciser que si les compagnies de chemin de fer devaient ne pas attribuer une part raisonnable de wagons à l'Est du Canada, elles seraient tenues de dédommager les producteurs de cette région pour toutes les pertes subies.
M. Goodale: C'est une idée intéressante, monsieur Calder. Peut-être pourriez-vous en faire part à vos collègues qui siègent à d'autres comités parlementaires...
Des voix: Ah, ah!
M. Goodale: ...mais je vous dirais simplement qu'en vertu de la loi, les compagnies de chemin de fer sont en général tenues de s'acquitter de leurs responsabilités de transporteurs publics. Une autre disposition, contenue dans la loi de suivi du budget, qui précisera où devront être dépensés les revenus découlant de l'augmentation du tarif-marchandises, dans le dossier de l'acquisition des wagons-trémies. La loi précisera que, au besoin, ces revenus pourront revenir directement à l'acheteur plutôt que de transiter par les compagnies de chemin de fer.
Quoi qu'il en soit, il pourra arriver, et je suppose que ce n'est pas un secret, que je ne partage pas le même point de vue que les compagnies de chemin de fer sur ce qui devrait se passer ou non relativement à notre réseau ferroviaire. Si j'avais un message très simple à adresser aux compagnies de chemin de fer, ce serait celui-ci:
Au cours des deux ou trois dernières années, le secteur des grains de ce pays, que ce soit celui de l'Est comme celui de l'Ouest, a subi d'énormes changements. Les régimes des échanges internationaux ont été modifiés, de même que les filets de sécurité, les mécanismes de subvention, la législation, les règlements. Nous avons été emportés dans un tourbillon de changements.
Les céréaliculteurs, sans doute plus que les autres agriculteurs, à l'exception éventuelle des éleveurs, doivent à présent trouver un moyen de réussir sur les marchés internationaux. Ils doivent être concurrentiels à l'échelle internationale. S'agissant de concurrence, ils doivent être parmi les meilleurs. Cela revient à dire que tous les éléments sur lesquels ils comptent doivent aussi être les meilleurs du monde, notamment notre réseau de transport.
Grâce à l'avantage que la loi et le règlement leur confèrent, et aux quasi-monopoles dont elles jouissent, du moins dans certaines régions du pays, les compagnies ferroviaires bénéficient d'une position relativement privilégiée. J'ai l'impression qu'à l'occasion de cette nouvelle législation, elles auront l'occasion en or d'établir qu'elles peuvent et veulent agir dans l'intérêt du public et qu'elles peuvent et veulent acheminer les grains des céréaliculteurs, dans les délais et de la manière la plus efficace et la plus rentable possible. Je crois que nous allons attendre ce genre de résultat.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Chrétien.
[Français]
M. Chrétien: J'espère avoir mal compris ou mal entendu ce qui vient d'être dit sur les wagons-trémies, monsieur le ministre. J'ai cru comprendre que les recettes de la vente des wagons-trémie iraient aux acheteurs. Est-ce bien ce que vous avez dit?
[Traduction]
M. Goodale: Non. Voilà ce que je voulais dire, monsieur Chrétien: nous avons indiqué que, le 1er août 1998, le tarif-marchandises sera ajusté de 75c. la tonne en moyenne, afin de récupérer les revenus nécessaires pour couvrir le prix d'achat du parc de wagons-trémies vendu par le gouvernement du Canada. La loi précisera la façon dont ces 75c. seront orientés dans le système pour aboutir là où ils sont censés aboutir.
[Français]
M. Chrétien: Monsieur le ministre, j'aimerais revenir sur le Budget des dépenses 1996-1997, mais auparavant, j'aimerais avoir votre point de vue sur la vente des wagons-trémies.
Votre collègue, le ministre des Transports, nous disait la semaine dernière qu'il évaluait la valeur marchande de son parc de wagons-trémies à 420 millions de dollars. Il souhaitait donc obtenir le prix le plus élevé possible lors de la vente publique par appel d'offres qui sera pilotée par Wood Gundy.
Je lui ai demandé s'il était prêt à consentir des avantages particuliers aux agriculteurs et il a dit que tout le monde serait traité sur le même pied. Les agriculteurs devront payer le prix pour les obtenir, c'est-à dire une «cenne noire» de plus qu'un autre acheteur. De plus, il a dit qu'il ne procéderait pas à la vente en bloc puisqu'il souhaitait que ce soit vendu à différents acquéreurs et pas nécessairement à un seul acquéreur. Est-ce que vous partagez le point de vue de votre collègue des Transports qui nous disait qu'il souhaitait avoir le meilleur prix et que les agriculteurs étaient sur un pied d'égalité avec n'importe lequel autre acquéreur potentiel?
[Traduction]
M. Goodale: Monsieur Chrétien, je n'ai évidemment pas eu la possibilité de débattre de cette tournure de phrase avec M. Anderson, mais je vois une citation attribuée au ministre des Transports, qui remonte à fin de semaine dernière et qui recoupe tout à fait les entretiens que j'ai eus avec lui: «Nous visons le meilleur accord possible (relativement à la vente des wagons-trémies), pour les producteurs, les contribuables canadiens et notre réseau de transport».
Cela, je crois, démontre qu'il y a toute une diversité d'intérêts qu'il convient de mettre dans la balance. Il reviendra au gouvernement de juger du moment où cet équilibre sera atteint, en tenant compte de la nécessité évidente de protéger le contribuable, de la nécessité de traiter les producteurs de façon équitable et de celle de disposer d'un réseau de transport fonctionnant avec un maximum d'efficacité.
J'ajouterai une dernière petite chose sur cette question de l'efficacité maximale. J'ai l'impression qu'il serait logique que l'on continue d'entretenir et d'exploiter les wagons-trémies dans le cadre d'un seul parc. Cette formule, plutôt que celle consistant à dilapider le parc et à le fractionner, est garante d'un maximum d'efficacité. Je suis sûr qu'une fois que nous aurons reçu les différentes propositions et que nous aurons pu les évaluer en collaboration avec les conseillers externes d'une firme d'experts comme CIBC Wood Gundy, nous serons en mesure de prendre des décisions logiques quant à la meilleure configuration à retenir du point de vue du contribuable, de l'agriculteur et du réseau de transport en général.
[Français]
M. Chrétien: Lorsque nous avons reçu la Partie III, comme toutes les autres d'ailleurs, j'y ai porté un grand intérêt. Vous pouvez voir que mon exemplaire est annoté abondamment. Je voudrais aller maintenant aux questions qui me semblent les plus importantes.
[Traduction]
M. Goodale: C'est un best-seller.
[Français]
M. Chrétien: Dans le document français, à la page 2 du chapitre 1, on dit que le gouvernement du Canada se porte garant de tous les déficits des comptes de mise en commun. Quel montant le gouvernement fédéral a-t-il payé pour les déficits des comptes de mise en commun? On n'en parle pas. On dit seulement que le gouvernement fédéral se porte garant des déficits. Est-ce qu'il y a eu déficit dans les comptes en commun? Si oui, quel en est le montant? En français c'est à la page 2 du chapitre 1, juste en bas.
[Traduction]
M. Goodale: Ah bon, c'est le chapitre 1. Nous cherchions le chapitre 11 et il n'y en a pas.
Est-ce à propos de la Commission canadienne du blé, monsieur Chrétien?
[Français]
M. Chrétien: Oui.
[Traduction]
M. Goodale: Le principe des comptes de mise en commun et de la garantie gouvernementale accordée au titre du paiement initial en vertu du régime des comptes de mise en commun, remonte bien sûr à plusieurs années. C'est un principe enraciné dans le fonctionnement de la Commission canadienne du blé.
Il est intéressant, monsieur Chrétien, de remarquer que depuis que la Commission canadienne du blé dispose des pouvoirs qui sont maintenant les siens - ce qui remonte à peu près au lendemain de la Seconde Guerre mondiale - on n'a enregistré de déficit dans les comptes de mise en commun qu'à trois reprises. Trois reprises en cinquante an.
En s'intéressant à ce qui s'est produit sur les marchés mondiaux du grain, on peut dégager les causes de ces déficits. Étaient-ils dus au fait que le paiement initial était trop élevé? Non, rien n'étaye cette thèse. Étaient-ils dus au fait que la Commission canadienne du blé avait commis des erreurs sur le marché? Non, rien, là non plus, n'étaye cette thèse. Tous ces déficits se sont produits à trois reprises, quand les États-Unis - et certains de nos autres partenaires commerciaux sur la scène internationale - ont soudainement adopté des mesures qui ont entraîné un effet de distorsion sur le marché, pour provoquer un écroulement complet des prix mondiaux du grain.
La première de ces interventions s'est produite lorsque les États-Unis ont essentiellement abandonné l'ancien accord international sur les céréales. La deuxième fois, c'est lorsque les États-Unis ont introduit leur Export Enhancement Program et, la troisième fois, c'est quand ce même pays, en plein milieu d'une campagne agricole, a rapidement gonflé son BICEP.
Voilà donc les trois occasions, au cours des cinquante dernières années, où les comptes de la Commission canadienne du blé ont été déficitaires. Tout cela est attribuable à des facteurs externes, des facteurs sur lesquels ni la Commission canadienne du blé, ni le gouvernement du Canada ne pouvaient agir.
Mais c'est le gouvernement du Canada qui établit et qui garantit le paiement initial, à partir des meilleurs conseils qu'il peut obtenir sur le marché. Bien évidemment, en cas de déficit, le gouvernement se retrouve sur la sellette et doit compenser pour les pertes subies, mais l'histoire nous prouve que les déficits se sont produits qu'en de très rares occasions et jamais à cause de la Commission ou du gouvernement du Canada.
Le président: Monsieur Hermanson.
M. Hermanson: Merci, monsieur le président.
Monsieur Goodale, j'aimerais que vos réponses soient plus courtes pour que je puisse vous poser plus de questions. Encore une fois, je ne pourrais pas arriver au bas de ma liste. Je constate que vos collègues s'endorment et seule Mme Ur est demeurée attentive depuis le début. Je ne sais pas comment elle a fait.
C'était juste une remarque, comme ça, en passant. J'ai deux questions très brèves à vous poser.
Le président: Je constate qu'un tiers de votre délégation est partie et ce n'est pas la première fois aujourd'hui que certains de vos collègues affaiblissent vos troupes.
M. Hermanson: C'en est même trop pour eux, monsieur le président.
Le président: Quelle mauvaise journée!
M. Hermanson: Je sais qu'Agriculture Canada, votre ministère, a dû considérablement réduire ses dépenses, comme Transports, ce dont les producteurs se ressentent. En fait, les réductions que vous avez effectuées sont très semblables à celles que nous proposions dans notre plan «déficit zéro en trois ans». Si les autres ministères fédéraux avaient réduit leurs dépenses ou s'étaient montrés un peu plus déterminés en la matière, nous aurions sans doute pu parvenir à un budget équilibré cette année ou l'année prochaine.
Je regrette que vous n'ayez pas fait preuve de plus de fermeté au cabinet pour vous assurer que tous les ministères réduisent leurs dépenses dans les mêmes proportions. En fait, dans certains secteurs, on a même assisté à une augmentation des dépenses et donc, les agriculteurs se trouvent à recevoir moins de service du gouvernement fédéral alors qu'ils paient leur juste part d'impôt. D'autres continuent de bénéficier des services du gouvernement fédéral sans avoir eu à effectuer les mêmes sacrifices. C'était un commentaire, comme ça.
M. Goodale: Effectivement, ce n'est pas un fait, c'est juste un commentaire.
M. Hermanson: Je vais vous faire une autre remarque rapide au sujet de la Commission canadienne du blé. Je vais citer M. Beswick, qui vient juste de démissionner de sa fonction de commissaire de la CCB. Il a lancé quelques pointes acerbes à ceux qui ne sont pas prêts à changer la façon dont la Commission fonctionne. Voici ce qu'il a dit:
- Ils préféreraient risquer de tout perdre plutôt que d'accepter un compromis raisonnable.
- Au cours des deux dernières années, la Commission a prouvé qu'elle ne peut être
concurrentielle dans le domaine de l'orge fourragère, parce qu'elle n'est en mesure de proposer
qu'un prix commun aux céréaliers. ...Le fait de devoir s'approvisionner en orge achetée sur la
base d'un prix commun a coûté énormément d'argent aux céréaliers, au cours des deux
dernières années.
Monsieur Goodale, je pense qu'en fait, vous vous servez du Comité de commercialisation du grain de l'Ouest pour éviter de réformer la Commission et pour rejeter ainsi toute suggestion de réforme de cette commission avant les prochaines élections. Vous voulez ainsi pouvoir déclarer qu'un changement est possible, alors qu'en fait vous n'êtes pas prêt à faire quoi que ce soit. D'ailleurs, si la Commission échoue et continue de perdre l'appui de l'industrie, vous serez le ministre qui aura causé la chute de la Commission plutôt que celui qui l'aura transformée en une institution plus solide.
J'aimerais connaître votre réaction à ce sujet.
Une autre question à propos de laquelle j'aimerais vous entendre réagir, concerne le programme des paiements de transition du grain de l'Ouest, qui est un véritable désastre et qui semble empirer plutôt que s'améliorer. Nous avons appelé les gens, là-bas aujourd'hui, pour apprendre qu'il reste 24 000 demandes qui n'ont pas encore été traitées. Et le mois de mai est déjà bien entamé. Comme vous le savez, vous avez promis aux producteurs qu'ils recevraient leur paiement initial en janvier et le paiement final en juillet. Vous avez de beaucoup raté la cible. Nombre de producteurs n'ont aucune idée de la date à laquelle ils recevront leur premier versement. Envisagez-vous encore d'envoyer le second et dernier versement en juillet, ou avez-vous remis cela à décembre? Comment pouvez-vous expliquer l'incroyable gabegie caractérisant tout ce programme et ces retards plus qu'exagérés?
M. Goodale: Monsieur le président, ma réponse va être longue.
D'abord, monsieur Hermanson, je m'étonne de voir à quel point vous êtes pouvez être imperméable à la vérité. Si vous analysez le budget des dépenses du ministère de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire, au regard de celui de presque tous les autres ministères, vous constaterez que le fardeau que nous devons supporter, dans la bataille que mène le gouvernement contre le déficit, se situe à peu près au milieu du paquet. Certains ministères ont été invités à économiser plus que nous. De nombreux ministères n'ont pas eu le choix que de faire plus, notamment Industrie, Environnement, les organismes centraux, l'Aide internationale, Développement des ressources humaines, Transports et bien d'autres encore.
Le fait demeure que les économies réalisées au titre de la réduction du déficit l'ont principalement été dans les portefeuilles économiques et beaucoup moins dans les portefeuilles sociaux. L'Agriculture est justement un portefeuille économique. Comparativement à ce qui se passe dans tous les autres ministères, vous remarquerez que notre fardeau est très proche de la moyenne, de la médiane.
Mais plus important encore, monsieur Hermanson, c'est qu'en effectuant ces choix délicats en matière d'économies à réaliser, nous n'avons pas tranché dans le vif, nous n'avons pas cherché à appliquer de recettes générales. Nous croyons avoir été raisonnables et nous être montrés sélectifs dans les choix que nous avons effectués.
Prenez le cas de la direction générale de la recherche, par exemple. Nous devions trouver50 millions de dollars à réaliser, pas uniquement à cause des engagements budgétaires de notre gouvernement, mais aussi à cause de ce qu'avait décidé le gouvernement précédent, avant 1993. Eh bien, nous avons pu réaliser ces économies en réduisant les frais généraux et les frais d'infrastructure. Nous avons également réduit nos dépenses dans les programmes que nous conduisions dans des domaines où les résultats, pour reprendre le langage des scientifiques, «étaient entièrement portables», si bien que nous n'avions plus à effectuer cette recherche nous même et que nous pouvions en fait accéder aux travaux effectués par d'autres, ce qui revenait à dire que nous pouvions concentrer nos ressources sur ce que nous jugions être des priorités.
Et les priorités fondamentales ce sont, justement, celles que j'ai mentionnées dans mes remarques liminaires de ce soir, à savoir le genre de recherche fondamentale pour laquelle Agriculture Canada est devenue célèbre, non seulement ici, mais dans le monde entier. Nous avons trouvé une façon, par le truchement de nos 18 centres d'excellence, de concentrer notre compétence de la manière la plus rentable et la plus efficace qui soit sur le plan scientifique.
En outre, nous avons réinjecté une grande partie des économies réalisées par le biais du Programme d'investissement à frais partagé, ce qui veut dire que nous utilisons un budget gouvernemental réduit pour solliciter une part de plus en plus importante de financement venant du secteur privé.
Quand on met tout ça ensemble, et qu'on tient compte des décisions que nous avons prises relativement à notre direction générale de la recherche, on s'aperçoit qu'à long terme, nous accroîtrons notre niveau d'activité en recherche et développement.
Nous avons pu réaliser cette quadrature du cercle grâce au professionnalisme du personnel de la direction générale de la recherche, si bien que les normes dans le domaine de l'agriculture et de l'agro-alimentaire au Canada seront maintenues, voire améliorées.
Je m'inscris donc en faux contre votre affirmation que le ministère aurait été floué dans le processus budgétaire. Avons-nous contribué à la réduction du déficit? Bien sûr que oui. Avons-nous joué notre juste part? Eh bien, oui - ni plus, ni moins que nous le devions. Agriculture Canada a fait sa part pour contribuer raisonnablement et équitablement à la réduction du déficit national.
Cela contraste bien sûr énormément avec la position exprimée dans un document intitulé «20/20», qui semble être le programme du Parti réformiste, et selon laquelle on devrait entièrement retirer au gouvernement fédéral sa compétence en matière agricole pour la transférer aux provinces. Croyez moi, d'après les électeurs du secteur agricole avec qui je me suis entretenu un peu partout au pays, je crois que cette idée ferait long feu.
À propos de l'affaire Beswick, je dirais qu'il est toujours regrettable de voir partir un commissaire de la Commission canadienne du blé, quelles que soient les circonstances entourant ce départ, mais je n'ai pas manqué de remarquer les commentaires prudents que M. Beswick a dû formuler à cette occasion. Il est vrai que, d'une certaine façon, il a critiqué le fonctionnement de la commission, surtout dans le dossier du prix de l'orge. Mais, d'après ce que j'ai vu, entendu et lu, j'ai l'impression que ses critiques se limitent à cette question du prix de l'orge.
Dans le message qu'il a fait distribuer au personnel de la Commission canadienne du blé, le jour de sa démission, il a fait d'autres déclarations importantes, dont celle-là:
- Sur le plan du marketing, la Commission canadienne du blé et son personnel ne méritent pas les
critiques dont ils ont si souvent fait l'objet.
- Tous mes voeux accompagnent la Commission canadienne du blé dans le difficile de combat
qu'elle mène pour protéger les intérêts commerciaux de tous les céréaliculteurs de l'Ouest.
Vous savez bien sûr, monsieur Hermanson, que le Programme de paiement du transport des grains de l'Ouest est un programme de très grande envergure. Il porte sur 240 000 demandes; il concerne plus de 80 millions d'acres de terre agricole dans l'ouest du Canada; il nécessite la prise en compte, dans les calculs de productivité, de treize catégories de sol. Il faut aussi tenir compte de 900 points de livraison et, au bout du compte, il touche aux intérêts de céréaliculteurs résidant dans cinq provinces. Il s'agit donc d'un programme massif, le plus important du genre jamais adopté dans l'histoire du Canada, tant pour ce qui est de la complexité que des montants en jeu.
Il a nécessité la mise sur pied de la base de données la plus vaste et la plus complète jamais réalisée sur l'agriculture dans l'Ouest. Celle-ci pourrait être très utile dans l'avenir et aider les agriculteurs à de nombreux points de vue, maintenant que toutes les données ont été recueillies et mises dans une forme électronique exploitable.
Le programme a dépendu de la collaboration de tous ceux et de toutes celles qui ont fourni les données et il a très nettement bénéficié de la collaboration des municipalités dans l'ouest du Canada, qui ont notamment fourni les renseignements relatifs au rôle d'imposition locale, données très importantes pour l'administration du programme.
Quoi qu'il en soit, malgré sa complexité, l'administration du programme a progressé rapidement, au point qu'à l'heure actuelle, près de 90 p. 100 des paiements provisoires qui avaient été promis ont été effectués. Autrement dit, 976 millions de dollars ont été distribués dans l'ouest du Canada, sur un total - au titre des paiements provisoires - , légèrement inférieur à 1,2 milliard de dollars. La fin de la première phase de ce programme approche à grands pas et nous reconnaissons que l'octroi des fonds s'est échelonné sur plus de temps que prévu.
Mais je vais en venir à votre première question de la soirée, monsieur Hermanson, à propos du vérificateur général. Dès qu'il est question d'administrer des fonds publics, et surtout de gérer un programme de cette ampleur et de cette complexité, le vérificateur général s'attend à ce qu'on applique des normes et des pratiques administratives particulièrement élevées. Nous avons pris un peu plus de temps dans l'administration de notre programme pour nous assurer que, dans la limite de ce qui est humainement faisable, le genre de problèmes qui ont entraîné la chute d'autres programmes comme le RARB en Saskatchewan, ne se reproduisent pas cette fois-ci.
Les demandes qui n'ont pas encore été traitées sont celles qui présentent certaines particularités. Par exemple, deux personnes revendiquant un même droit pour une même terre et qui estiment légitimement qu'elles sont en droit de formuler une demande. Il est évident que ce genre de cas doit être tranché d'avance.
Par ailleurs, il peut arriver que la description des terres ne soit pas très claire. À deux ou trois occasions, des exploitants ont demandé à être indemnisés pour des terres se trouvant en plein milieu d'une prairie visée par l'ARAP, alors qu'elles sont évidemment exclues du programme, ou encore pour une terre située au fond d'un lac. Voilà le genre de problèmes qu'il nous reste à trancher. Mais comme 90 p. 100 du budget du programme a déjà été distribué, il est certain que nous approchons très rapidement de la fin de la phase I.
Je suis très heureux de voir que les chiffres de Kindersley - Lloydminster sont particulièrement positifs et qu'ils représentent, je crois, le plus grand nombre de récipiendaires et la plus importante somme globale ayant jamais été distribuée dans le cadre d'un programme fédéral dans les Prairies. Félicitations, monsieur Hermanson.
Le président: Merci, monsieur le ministre.
Madame Ur.
Mme Ur (Lambton - Middlesex): Je veux revenir sur la question des wagons-trémies, monsieur le ministre. J'ai participé aux séances d'information du CN et du CP et je dois dire que le mémoire du CN sur papier glacé était de fort belle facture. Mais j'ai été interloquée quand, au verso d'une page, je me suis rendue compte que le Canada se termine à Thunder Bay. Il y a certes quelques petites choses au-delà de Thunder Bay, mais je crois que Wayne pourra vous confirmer ce fait.
M. Goodale: Il habite après Thunder Bay.
Mme Ur: Cela étant posé, je reconnais que nous devons veiller à la façon dont l'argent sera réparti. Je crois que nos producteurs veulent être rassurés ou veulent pouvoir compter sur un règlement ou une loi éventuelle qui, comme Murray le disait, leur permettra d'évoluer selon des règles du jeu équitables. Après que nous avons posé nos questions aux deux conférenciers, c'est comme si cela était entendu. S'il devait nous rester des wagons, nous ont-ils dit, ce pourrait une bonne idée. Comme vous le disiez, nous espérons qu'ils assumeront leur responsabilité sociale et je pense que tel sera le cas. D'un autre côté, il faut reconnaître qu'ils détiennent une carte maîtresse, puisque les voies leur appartiennent.
Je reconnais que nous allons devoir collaborer avec eux, mais je ne pense pas que les règles du jeu seront équitables si nous ne pouvons pas les concurrencer d'une certaine façon, surtout quand on sait que les prix sont estimés à 420 millions de dollars et que les compagnies de chemin de fer envisagent des ventes de 100 millions de dollars. J'adore les ventes aux enchères, et celle-ci me semble fort intéressante, mais je n'ai personnellement pas vraiment que faire de wagons-trémies.
M. Goodale: Ce n'est pas une vente aux enchères, c'est une vente de garage.
Mme Ur: Une vente de liquidation, voulez-vous dire, ce qui m'inquiète vraiment.
Le ministère de l'Agriculture estime-t-il que tout cela sera aussi efficace que pour les transporteurs? Allons-nous adopter des démarches parallèles, tenir des réunions parallèles sur le fait que nous pouvons parvenir à un certain accord, où nos préoccupations seront tout aussi bien prises en compte que celles des transporteurs?
M. Goodale: Je ne pense pas que nous ayons à reproduire très exactement ce processus, madame Ur, mais je prends très sérieusement note de ce qui a été déclaré dans les documents du budget et de ce que le ministre Anderson a dit à plusieurs reprises, ces derniers temps, tout comme je l'ai déclaré moi-même, à savoir que dans cette prise de décision il faudra pleinement tenir compte des intérêts des producteurs.
À cet égard, j'ai encouragé les producteurs de l'Est et de l'Ouest à s'assurer qu'ils collaborent entre eux à la préparation d'une éventuelle soumission pour l'achat des wagons-trémies. À l'évidence, les producteurs de l'Ouest et ceux de l'Est ont quelques divergences entre eux, mais au bout du compte, ils recherchent tous la même chose: pouvoir compter sur un réseau de transport du grain qui soit le plus rapide, le plus économique et le plus rentable possible.
Comme c'est le gouvernement qui réceptionne les propositions relatives à la vente des wagons-trémies - j'ai indiqué que nous avions l'intention de recueillir les propositions émanant des producteurs et des groupements associés aux producteurs - , je pense qu'il serait tout à fait logique, pour les divers groupes de producteurs qui pourraient désirer se consulter entre eux, d'opter pour la collaboration et, si possible, d'adopter une approche commune.
Les groupements de producteurs n'en auront que plus de poids s'ils optent pour une position commune plutôt que d'intervenir de façon fragmentaire et de risquer de se faire concurrence entre eux.
Mme Ur: Votre ministère compte-t-il adresser un bulletin ou des informations sous une forme quelconque à ces producteurs, sur la façon dont ils pourraient se regrouper derrière une seule soumission?
M. Goodale: De toute évidence, ce processus sera administré par le ministère des Transports. Mais le ministre Anderson a demandé à la firme d'experts-conseils Wood Gundy d'aider son ministère à offrir des services de conseil, afin que tous les intervenants potentiels et tous les intéressés soient consultés au moment de la mise en oeuvre du processus, c'est-à-dire entre maintenant et le mois de juin, et pour que tout le monde soit parfaitement renseigné et tenu au courant, notamment au sujet des conditions éventuelles de la vente.
Je m'attends à ce que Transports Canada et Wood Gundy entreprennent un effort de communication soutenu, pour que personne ne soit laissé hors de la boucle. Mais si tel devait être le cas, je serais plus qu'heureux d'intervenir et de m'assurer que tout ce processus se déroule parfaitement, de façon équitable et ouverte, et que le point de vue de tout le monde soit largement communiqué et pris en compte.
Nous avons à faire à des actifs de 400 millions de dollars; 13 000 wagons-trémies acheminent chaque année plusieurs milliards de dollars de produits agricoles jusqu'aux marchés de consommation. C'est une grosse entreprise. Toute cette transaction doit être prise très au sérieux, parce que, en fin de compte, la santé de l'industrie canadienne des grains - qu'il s'agisse de celle de l'Ouest ou de celle de l'Est - dépendra d'un réseau de transport fonctionnant à pleine capacité.
Nous avons suffisamment de petits problèmes sur ce réseau et nous n'avons pas besoin d'en avoir un gros.
Le président: Merci beaucoup, madame Ur.
Monsieur le ministre, avant que nous n'en terminions, je crois que je ne vais user de mon privilège de président pour vous demander votre avis et une précision.
Ma question concerne l'augmentation moyenne de 75c. du tarif-marchandises, prévue dans le budget, et qui devrait prendre effet après la vente des wagons-trémies. Si l'on part de l'hypothèse qu'on achemine annuellement quelque 32 millions de tonnes de grain dans l'Ouest, cette augmentation devrait rapporter 24 ou 25 millions de dollars par an. Pensez-vous que ce supplément tarifaire va demeurer suffisamment longtemps en place pour qu'on couvre le coût original?
Permettez-moi de vous citer un chiffre à titre d'exemple, sans que celui-ci ait de rapport avec le prix réel. Si le coût des wagons est de 250 millions de dollars et si nous récupérons 25 millions de dollars par an, cette augmentation devrait demeurer en vigueur pendant 10 ans. Ou encore, si l'on retient un prix de vente de 250 millions de dollars à 8 p. 100, il faudrait 20 ans pour rembourser cet emprunt, c'est-à-dire la somme globale de 250 millions.
En fonction de quoi va-t-on décider de maintenir ce tarif supplémentaire?
M. Goodale: Eh bien, monsieur le président, il est évident que cela dépend, du moins en partie, de ce que sera finalement le prix d'achat du parc. C'est une question qui sera tranchée à l'occasion du processus de négociation. Mais je comprends que votre exemple est hypothétique.
Cependant, la loi serait libellée de sorte à préciser que l'augmentation de 75c. est associée aux coûts de cette transaction. On pourrait donc logiquement en déduire qu'une fois les coûts de cette transaction couverts, il ne sera plus nécessaire de maintenir ce tarif supplémentaire de 75c.
À la façon dont j'interprète les dispositions du projet de loi sur le budget, on établit un lien direct entre ces 75c. et le coût de la transaction. Donc, cette augmentation demeurera aussi longtemps que nécessaire, jusqu'à ce que le coût d'acquisition soit amorti. En revanche, celui-ci sera déterminé lors de la transaction qui doit encore être négocié.
Le président: Voulez-vous parler du coût correspond au montant de base originel ou du coût assorti des frais d'intérêt cumulés sur le nombre d'années qu'il faudra pour...
M. Goodale: On effectuerait un calcul à la valeur actuelle, monsieur le président. Encore une fois, j'hésite à spéculer sur ce que pourrait donner la transaction. Face à toutes ces variables, ces combinaisons et ces permutations possibles, il est difficile de se prononcer maintenant.
Si la transaction est simple, l'organisation agricole XYZ pourrait accepter d'acheter les wagons-trémies pour tel ou tel prix. Le 1er août 1998, elle rédigerait un chèque de ce montant, qu'elle remettrait au ministère des Transports après quoi elle deviendrait propriétaire des wagons-trémies.
Mais avant tout, comment cette organisation agricole XYZ s'y prendra-t-elle pour rédiger un chèque d'un tel montant? Je suppose qu'elle devra contracter un emprunt auprès d'une institution comme la Société du crédit agricole ou de tout autre banque avec qui elle fait affaire. Puis, elle devra rembourser cet emprunt. L'augmentation tarifaire de 75c. lui permettra, avec le temps, de disposer des liquidités nécessaires pour rembourser l'emprunt.
Monsieur le président, pour que les choses soient bien claires, je dois préciser qu'en plus du transport des grains visés par le tarif réglementé auquel doit s'appliquer cette surcharge de 75c., les wagons-trémies pourraient occasionnellement servir au transport d'autres grains, non visés par le tarif réglementé. Il y a donc là possibilité d'apport extérieur. Donc, cette surcharge de 75c. ne servira pas nécessairement à couvrir la totalité du prix de la transaction. Il y aura d'autres sources de revenu. Et c'est pour cela que les gens devront faire preuve d'une certaine créativité, parce que, selon moi, en dernière analyse, cette transaction pourrait s'avérer très intéressante pour toutes les parties.
Le président: Au nom du comité, monsieur le ministre, je tiens à vous remercier.
Monsieur Taylor, vous aviez une brève question à poser?
M. Taylor (The Battlefords - Meadow Lake): Oui.
Le président: Eh bien, allez-y.
M. Taylor: Merci beaucoup. Ma question concerne aussi les wagons-trémies. Pendant que le ministre vous répondait, monsieur le président, je repensais aux remarques formulées par les différents groupes, la semaine dernière, devant ce même comité mixte.
Les compagnies de chemin de fer et les producteurs parlaient de coûts de remplacement, et pas uniquement de coûts originels. Étant donné l'âge du parc de wagons-trémies, les gens veulent s'entendre sur une valeur réelle, afin d'avoir la certitude qu'ils auront les sommes nécessaires au remplacement de ces mêmes wagons. Il n'est pas possible d'intégrer cela à l'équation. Donc, ma question est la suivante...
M. Goodale: Monsieur Taylor, vous soulevez-là un aspect qui, je crois, est important. Je vous dirais simplement qu'on peut considérer ces wagons comme étant un actif ayant une certaine valeur actuelle. Cette valeur se dépréciera dans le temps, peut-être sur 10, 15 ou 20 ans, selon le cycle de vie des wagons. Nous serons donc passés de, disons, 400 millions de dollars à zéro.
Quand vous êtes à la valeur zéro, que vous reste-t-il? Je crois qu'il est très important de réfléchir d'avance à cet aspect.
Si je devais préparer une proposition d'achat des wagons, je tiendrais compte non seulement de la souplesse qu'il me faudra pour remplacer le parc de wagons, afin d'en maintenir environ 13 000 en circulation, et de passer de ce qui est actuellement une technologie ancienne à une technologie nouvelle en matière de wagons-trémies. Or, cette technologie a énormément progressé depuis l'époque où les mêmes wagons ont été achetés. Eh bien, moi, je voudrais m'assurer que je dispose de la souplesse voulue pour pouvoir remplacer mon parc au besoin, acquérir des wagons de nouvelle technologie et, éventuellement, agrandir mon parc.
C'est toujours le même casse-tête quand nous faisons face à d'énormes retards dans l'acheminement des grains. En situation de crise, où allons-nous trouver plus de wagons-trémies? Quand nous nous tournons vers nos voisins américains, la location de wagons nous coûte 800$ à 1 000$ par jour ou par semaine. Je pense que nous devrions au moins déterminer si un groupe de producteurs peut posséder un parc suffisamment important pour pouvoir faire face aux brusques à-coups du trafic de marchandises. Mais s'ils disposent d'un excédent de capacité, il est possible alors que les agriculteurs se mettront à louer leurs wagons à d'autres, pour récolter des revenus et ainsi poser l'équation de la location à l'envers. Je crois que nous devons nous montrer novateurs dans tout cela.
M. Taylor: Alors, je vais vous poser ma question. La firme Wood Gundy Limited va préparer un prospectus. Le ministre des Transports a bien précisé que c'est cette même firme qui allait élaborer les critères d'achat du parc de wagons, car elle est compétente dans le domaine de l'émission d'actions et ainsi de suite.
Mais à vous entendre, j'ai l'impression que vous penchez plutôt en faveur d'un transfert du parc à des producteurs ou à des groupes administrés par des producteurs, plutôt qu'à d'autres organismes. Ne trouveriez-vous pas utile que le ministère de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire, ainsi que le milieu agricole, communiquent à la firme Wood Gundy des critères ou des lignes directrices afin de l'aider dans la préparation de ce prospectus?
Le gouvernement n'a-t-il pas envie d'indiquer à Wood Gundy que cette transaction ne se ramène pas nécessairement à une simple transaction financière, comme c'est le cas quand des banques se départent d'immeubles ou qu'un équipementier vend certaines pièces d'équipement, sans que quiconque ne se soucie de l'identité des acheteurs? Ne serait-il pas utile que le ministre communique certains renseignements ou certaines lignes directrices à Wood Gundy?
M. Goodale: En fait, monsieur Taylor, dans une lettre récente, le ministre des Transports m'a suggéré que nous trouvions le temps de nous rencontrer pour discuter précisément de cet aspect et du genre de participation que devrait apporter le ministère de l'Agriculture. J'ai cru comprendre de mon collègue des Transports, dont j'ai parlé ce soir, qu'il est intéressé par une transaction équilibrée protégeant les intérêts du contribuable - ce qui est évidemment notre responsabilité et la chose la plus importante pour nous - , mais ne négligeant pas les intérêts des producteurs pour en arriver à un réseau de transport qui soit vraiment à leur service.
Je voudrais avoir la certitude, relativement aux conditions de la vente, mais plus important encore, relativement à l'analyse des propositions qui seront émises après coup, que nous tiendrons justement compte des intérêts des producteurs.
Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre. Au nom des membres du comité, je tiens à vous remercier, vous-même et vos collaborateurs pour le temps que vous avez pu passer avec nous ce soir. Nous apprécions vos efforts et vos remarques pour le ministre.
M. Goodale: [Inaudible - Éditeur] ...les remarques liminaires?
Des voix: Ah, ah!
Le président: Avant de terminer, monsieur le ministre, je tiens à vous féliciter pour la brièveté de vos remarques liminaires. Mais je n'ai pas manqué de remarquer qu'en cours de soirée, vous avez compensé à quelques reprise.
Des voix: Ah, ah!
Le président: La séance est levée.