[Enregistrement électronique]
Le mardi 14 mai 1996
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte.
Afin que nous sachions tous ce qu'il en est au sujet de la séance de ce matin, notez que la salle est à notre disposition seulement jusqu'à 11 heures. Le comité a quelques questions à aborder à la fin de la séance - le rapport sur les discussions concernant les aliments biologiques, le règlement que nous avions et le budget pour la visite à Washington. Nous mettrons donc fin à la séance à 10 h 45 pour pouvoir aborder ces questions.
Monsieur Morrissey, cela ne diminue en rien l'importance du secteur du ministère et de l'industrie que vous représentez. Je vais donc donner la parole à M. Morrissey, sous-ministre adjoint, Direction générale de la recherche, qui présentera les autres hauts fonctionnaires qui l'accompagnent ce matin, puis les députés pourront leur poser des questions ou faire des observations.
M. J.B. Morrissey (sous-ministre adjoint, Direction générale de la recherche, ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire): Merci, monsieur le président. J'ai préparé des remarques préliminaires, mais à vous de décider si vous voulez les entendre.
Le président: Allez-y.
M. Morrissey: Je vous remercie, monsieur le président, de l'occasion qui m'est donnée de comparer devant votre comité aujourd'hui. Permettez-moi de présenter M. Gordon Dorrell, qui dirige les programmes de recherche dans l'ouest du Canada. M. Yvon Martel fait le même travail dans l'Est en plus de diriger la Ferme expérimentale centrale pendant cette période de transition. Margaret Kenny s'occupe du contrôle et de l'enregistrement des produits de la biotechnologie en agriculture, au cas où les membres auraient des questions à poser à ce sujet.
Monsieur le président, j'axerai mes observations sur les trois questions qui, si j'ai bien compris, intéressent particulièrement le comité: les produits de la biotechnologie et leur réglementation, les produits de la biotechnologie et leur étiquetage et la STbr.
Étant donné que dans le budget des dépenses principal on traite des questions budgétaires - en d'autres termes, des coupures que nous avons subies en 1995 - et de la situation du programme de partenariat ou des investissements de contrepartie, je ne parlerai pas de ces questions en détail dans mes remarques préliminaires.
[Français]
Tout d'abord, les nouveaux règlements touchant les produits agricoles issus de la biotechnologie, les règlements concernant l'évaluation des produits agricoles issus de la biotechnologie pour homologation, devraient entrer en vigueur à la fin de 1996. Nous continuerons d'assurer l'envoi d'un préavis suffisant et l'exécution d'une évaluation d'innocuité d'un nouveau produit agricole issu de la biotechnologie avant qu'il ne soit homologué pour dissémination générale.
À notre avis, monsieur le président, cette démarche est conforme à celle exposée dans la réponse du gouvernement à l'examen de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.
Agriculture et Agroalimentaire Canada continuera de collaborer étroitement avec ses collègues fédéraux d'Environnement Canada, de Santé Canada et de Pêches et Océans Canada, ainsi qu'avec les intervenants intéressés à l'élaboration des lignes directrices destinées à aider les fabricants de produits à fournir l'information nécessaire concernant leur innocuité pour la santé humaine et animale et les risques qu'ils présentent pour l'environnement.
Nous chercherons à intégrer le meilleur mélange possible de rigueur dans la réglementation et de clarté dans les lignes directrices de façon à permettre l'utilisation des nouvelles connaissances scientifiques à mesure qu'elles deviendront accessibles aux agents de réglementation.
[Traduction]
La deuxième question concernant la biotechnologie est celle de l'étiquetage d'aliments nouveaux issus du génie génétique. En 1993 et 1994, le gouvernement a tenu des ateliers sur l'étiquetage d'aliments issus de la biotechnologie. Au cours de ces ateliers, plusieurs principes ont été acceptés par la majorité des participants. Faisait partie de ces principes la reconnaissance que l'étiquetage obligatoire devrait s'imposer lorsque la santé est en jeu - par exemple, allergénicité ou modification importante des éléments nutritifs ou de leur composition.
Les producteurs devraient pouvoir étiqueter leurs produits, qu'ils soient ou non issus du génie génétique, et on était d'avis que l'étiquetage obligatoire général de tous les produits alimentaires issus du génie génétique n'apporterait pas de renseignements utiles aux consommateurs et ne devrait donc pas être exigé. Monsieur le président, ces principes sont conformes à ceux proposés par les partenaires commerciaux importants que sont les États-Unis et le Japon. Ils ont servi de base à une proposition distribuée pour commentaires publics en décembre 1995.
Le ministère participera à la prochaine réunion du Comité de l'étiquetage des aliments du Codex Alimentarius, qui a lieu à Ottawa en ce moment. Le Canada participera à ces discussions en faisant état des progrès accomplis jusqu'à maintenant. Cette réunion permettra de donner un meilleur aperçu des orientations qu'entend suivre la collectivité internationale et d'apporter une contribution à la position canadienne.
[Français]
Finalement, quelques mots sur la somatotrophine bovine. Santé Canada poursuit son évaluation de la somatotrophine bovine en vertu de la Loi sur les aliments et drogues. Comme vous le savez, le ministère a demandé des données supplémentaires aux sociétés qui cherchent à obtenir une licence de commercialisation de produits au Canada. Il n'a pas encore fait savoir s'il émettra un avis de conformité pour ce produit, ni quand il le fera le cas échéant.
Le ministère continue de faciliter la discussion avec nos collègues dans les provinces sur des questions relatives à l'étiquetage et à la commercialisation du lait qui devront être examinées si Santé Canada donne son approbation à ce produit.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, merci.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Morrissey.
Nous allons faire un premier tour de table de 10 minutes pour chaque intervenant. MM. Reed,Chrétien et Hoeppner.
M. Reed (Halton - Peel): Merci, monsieur le président.
Monsieur Morrissey, je pense que nous reconnaissons tous que la recherche a permis à l'agriculture de faire énormément de progrès au cours des dernières années. Je songe justement à certaines des choses qui ont eu énormément d'importance par le passé, notamment la manutention des matériaux, la connaissance des sols, l'utilisation de l'énergie, l'amélioration des plantes et des animaux, le contrôle des maladies et bien d'autres. Bon nombre de ces développements ont atteint un point où les gains que nous ferons au cours des 20 prochaines années risquent d'être moindres qu'ils ne l'ont été par le passé.
Je pense qu'à l'heure actuelle, c'est la biotechnologie et la recherche qui se fait dans ce domaine qui nous offrent d'excellentes possibilités de faire des progrès. Cependant, les gens ont une certaine crainte de l'inconnue lorsqu'on parle d'aliments nouveaux issus de la biotechnologie. Si on extrapole cet argument un peu, la biotechnologie est dans une large mesure le développement accéléré qui se ferait peut-être naturellement sur une période plus longue au cours de l'évolution.
Je tiens donc à souligner ici l'importance de la recherche en biotechnologie. J'aimerais que vous nous parliez davantage de ce que vous faites et de la position d'Agriculture Canada par rapport au développement de la biotechnologie.
M. Morrissey: Merci, monsieur Reed. Je dirais que vous avez tout à fait raison. Depuis la prédiction malthusienne en 1798 environ, lorsque Malthus nous a dit que la production alimentaire augmentait en ligne droite tandis que la croissance démographique suivait une courbe exponentielle, nous avons toujours réussi à rester en avance par rapport à la croissance démographique.
Malthus avait en partie raison - la population a augmenté de façon exponentielle, mais la production alimentaire a augmenté parallèlement et a réussi à rester en avance. Je dirais que les technologies connues ont sans doute maintenant un rendement décroissant - ce n'est pas une critique, il s'agit tout simplement d'un processus normal - et que l'avenir appartient à la biotechnologie.
Notre capacité à tirer davantage de la biotechnologie tout en réduisant les risques au minimum correspond sans doute à ce que vous avez décrit - elle dépend de notre capacité à traiter avec les consommateurs de façon responsable et à veiller à ce qu'ils aient l'information leur permettant de prendre une décision éclairée. Un écrivain appelé Yetton a dit qu'une décision pouvant être mise en oeuvre - c'est-à-dire une décision que le pays vous permet de mettre en oeuvre - est une fonction de la logique multipliée par l'acceptation.
Je dirais que la communauté scientifique est assez convaincue que la biotechnologie a des avantages considérables que l'on peut développer tout en contrôlant les risques. La grande question, comme vous l'avez dit, c'est la crainte de l'inconnue. C'est le côté acceptation de l'équation.
La population va-t-elle accepter la biotechnologie, ou est-ce que ce sera comme dans le cas de l'irradiation des aliments? La communauté scientifique et l'Organisation mondiale de la santé ont dit que d'après les niveaux envisagés, il n'y avait rien à craindre du côté de l'innocuité des aliments, mais la population a dit non merci.
Pour ce qui est de l'attitude du gouvernement, le Cabinet a décidé à deux reprises que la législation régissant l'homologation des produits issus de la biotechnologie - en d'autres termes, l'évaluation de l'efficacité et de l'innocuité de ces aliments - proviendrait des lois du Parlement qui donnent actuellement pouvoir d'évaluer tout produit animal ou végétal qui est disséminé dans l'environnement.
C'est ainsi par exemple, que le ministère de la Santé qui réglemente actuellement les vaccins qui sont homologués et autorisés - s'ils sont mis au point par des moyens traditionnels - a une loi qui lui permet de demander de l'information et d'effectuer une évaluation, puis de les accepter ou de les refuser ou encore de les accepter avec certaines conditions.
Le Cabinet a dit qu'étant donné que les pouvoirs législatifs étaient déjà en place, on peut évaluer l'innocuité d'un produit qu'il soit mis au point par des moyens traditionnels ou autres. Il n'est pas nécessaire d'adopter une nouvelle loi du Parlement pour les animaux vivants, dans le secteur de l'agriculture, de la santé et des pêches et océans, ni pour les plantes vivantes, dans le secteur de l'agriculture et des pêches et des plantes aquatiques ou de forêts.
La décision a donc été prise deux fois. Les même lois du Parlement seraient utilisées ainsi que les mêmes organismes administratifs. Un ministère qui homologue un vaccin humain homologuerait un vaccin issu de la biotechnologie.
Au ministère de l'Agriculture, on en est arrivé à l'étape où le groupe de Margaret a émis des lignes directrices disant que si quelqu'un veut faire homologuer un produit issu de la biotechnologie, il faut d'abord respecter certaines règles de la loi existante. Nous sommes en train de préparer un règlement détaillé sur la dissémination d'un produit dans l'environnement. Le produit est-il sûr du point de vue agronomique? L'est-il du point de vue écologique? On fait ce qu'on appelle une évaluation agronomique ou une évaluation écologique. Dans le cas d'Environnement Canada, on parlerait d'une évaluation environnementale. C'est exactement la même chose. Peut-on disséminer cette plante ou cet animal sans danger dans l'environnement?
Comme vous le savez sans aucun doute, Environnement Canada jouit de certains pouvoirs à l'égard des nouvelles substances grâce à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Si j'ai bien compris, ces pouvoirs visent les produits chimiques. Mais dans la loi, une nouvelle substance est simplement une nouvelle substance, qu'elle soit de nature biologique, biotechnique, ou chimique, par exemple un agent chimio-thérapeutique. Ainsi, Environnement Canada a recours à ces pouvoirs pour prendre des règlements relatifs à la biotechnologie.
Margaret a collaboré de très près avec Environnement Canada afin d'assurer la concrétisation dans ces nouveaux règlements des décisions prises par le Cabinet par le passé. Dans ses décisions, le conseil des ministres précisait que les règlements découlant des lois environnementales représenteraient un filet de sécurité. En d'autres termes, ils viseraient à combler les écarts...
M. Reed: En fait un filet d'arrêt.
M. Morrissey: C'est exact, un filet d'arrêt qui prendrait la relève en cas d'oubli ou de création d'un nouvel organisme qui ne tombe pas sous le coup d'une autre loi quelconque.
Nous sommes optimistes. Tout semble indiquer maintenant, tout au moins au niveau opérationnel, qu'Environnement Canada se chargera d'élaborer une série de règlements visant former un filet de sécurité. Nous proposerons des règlements particuliers en ce qui a trait aux produits agricoles et, si nous avons bien compris, nous serons exclus de l'application des règlements environnementaux. En d'autres termes, Environnement Canada préciserait dans ses règlements que les règlements d'Agriculture et Agroalimentaire Canada sont conformes aux exigences d'Environnement Canada.
Tout cela n'est pas encore réglé. Je dois témoigner devant le Comité permanent de l'environnement jeudi en compagnie de fonctionnaires de chacun des ministères qui interviennent dans la réglementation de la biotechnologie. Ainsi, il y aura des représentants d'Industrie Canada et de Santé Canada.
J'ai cru comprendre que le comité de l'environnement convoque des audiences sur les modifications à apporter à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. À la suite de sa dernière série d'audiences, le comité de l'environnement avait proposé diverses recommandations au conseil des ministres visant le mécanisme d'enregistrement de tous les produits issus de la biotechnologie; on avait proposé que cela soit intégré à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement et que l'administration soit confiée à Environnement Canada.
M. Reed: J'espère que cela ne nuira aucunement à la recherche-développement dans le domaine de la biotechnologie.
Sinon, comme l'a dit Malthus, il faudra procéder chaque année à une saison de chasse contre les pauvres. Si vous lisez certains de ses ouvrages, vous constaterez même qu'il a écrit un hymne. La dernière phrase de cet hymne dit bien «Que Dieu bénisse le Seigneur et ses proches, et qu'il nous enseigne à connaître notre place. Amen.»
Je parle en mon nom propre, et j'espère au nom des députés, lorsque je dis que le développement de la biotechnologie, en ce qui a trait à la production alimentaire de demain, est un débouché très important. Si nous faisons quoi que ce soit qui gêne ces nouveaux développements, nous le ferons à nos risques et périls, pas simplement en ce qui a trait à notre capacité de livrer concurrence avec les autres pays, mais aussi en ce qui a trait à notre capacité de devenir le chef de file dans ce nouveau domaine.
M. Morrissey: Je crois que vous avez raison, monsieur le président. Si vous étudiez les nouvelles grandes technologies, vous constatez qu'il n'y en a en fait que deux. La première est l'utilisation des ordinateurs à une grande échelle et l'autre le secteur de la biotechnologie. À mon avis, à moins que le développement de la biotechnologie ne se fasse dans un climat de responsabilité, et j'entends par là qu'il faut non seulement employer de bonnes méthodes scientifiques, mais aussi chercher à obtenir l'approbation du public, il se pourrait qu'on rate une occasion sans pareille.
Industrie Canada a effectué auprès des Canadiens il y a environ deux ans un sondage pour connaître leurs opinions à l'égard de la biotechnologie. Les résultats sont vraiment ce à quoi on s'attendrait si on suivait un cours de psychologie de base. On a constaté que les Canadiens ont dit qu'ils voulaient profiter des avantages découlant de la biotechnologie. Ils ont dit cependant qu'ils voudraient qu'on minimise les coûts connexes. Il est intéressant de noter que les coûts n'étaient pas les coûts que devrait payer la nation mais plutôt ce qu'il leur en coûterait à eux. Ils procédaient à une évaluation personnelle des avantages par rapport aux coûts. Ce n'était pas vraiment surprenant. Les Canadiens disaient que comme dans le cas de n'importe quelle nouvelle technologie, il y a des coûts et des avantages. Ils voulaient qu'on maximise les avantages et qu'on minimise les coûts.
Je crois donc que les consommateurs ne s'opposent pas à la biotechnologie, mais que nous devons quand même essayer de mieux leur faire connaître les avantages connexes.
M. Reed: Bonne chance.
Le président: Merci beaucoup.
[Français]
Monsieur Chrétien.
M. Chrétien (Frontenac): Bienvenue, monsieur Morrissey.
Je voudrais intervenir sur l'étiquetage. J'aimerais faire un parallèle avec l'industrie du sirop d'érable. Le Canada produit 90 p. 100 du sirop d'érable et on y interdit l'utilisation de petites pilules au formaldéhyde à l'intérieur des érables. Ces pilules empêchent le trou de sécher et permettent de commencer à entailler les érable immédiatement après la période des Fêtes et de continuer jusqu'en avril.
Or, c'est interdit. Nous savons très bien qu'on peut en acheter tant qu'on veut sous le manteau et à un prix très raisonnable. Elles proviennent bien sûr des États-Unis où elles sont fréquemment utilisées. J'ai été témoin l'automne passé de quelques saisies effectuées dans ma région, puisqu'elle se situe au coeur de la région du sirop d'érable. Cela fera peut-être augmenter légèrement les coûts pour les acériculteurs qui voudront en obtenir.
Je fais ce préambule pour faire un parallèle avec la STbr. Je sais très bien - on me le disait encore en fin de semaine - que certains producteurs laitiers, notamment près des frontières américaines, peuvent s'approvisionner en injections de STbr. J'en viens à parler de l'étiquetage.
Il serait utopique que le ministère de la Santé autorise un système d'étiquetage au Canada. L'utilisation de la STbr est interdite, bien que certains l'utilisent déjà, mais si on autorisait légalement l'utilisation de la STbr... J'ai visité la ferme de mon ami Wayne Easter, une des plus grosses fermes de l'Île-du-Prince-Édouard. Je vois mal par exemple qu'un agriculteur, bien qu'il soit l'un des plus importants, puisse posséder deux refroidisseurs à lait, un pour le lait produit avec la STbr, l'autre pour le lait naturel, surtout si on dit que dès que vous utilisez une fois la STbr, tout doit être étiqueté STbr.
Pourriez-vous concevoir qu'on se retrouve à l'Ile-du-Prince-Édouard avec deux systèmes de camions, un pour le lait à la STbr et l'autre pour le lait nature? Les coûts de transport en seraient sûrement augmentés. L'usine qui fait la transformation ferait une brassée avec le lait à la STbr et, le lendemain, il faudrait tout nettoyer pour faire une brassée de lait nature.
Les consommateurs canadiens sont en droit d'avoir des produits de consommation...
Monsieur le président, je pense que vos collègues ministériels manquent de la plus élémentaire politesse. Si jamais je venais à être aussi disgracieux, j'aimerais qu'on me le dise.
Donc, ne pensez-vous pas qu'il serait utopique d'instaurer l'étiquetage dans ce cas bien précis des produits à la STbr?
M. Morrissey: Il n'y a pas de doute qu'un double système de collecte et de transformation de lait serait plus cher qu'un système unique. C'est ce qui s'est produit aux États-Unis, surtout dans l'État de New York, où s'est rendue votre équipe d'étude de la somatotrophine bovine.
C'est ce que nous avons vu et entendu lors de notre visite dans l'État de New York. Au début, les gens que nous avons rencontrés ne voulaient pas créer un double système de collecte et de transformation du lait, car ils voulaient éviter des frais supplémentaires.
Mais tout doucement, quelques petits transformateurs, tels que Burns dans l'État de New York entre autres, ont pensé qu'ils pourraient prendre une part du marché spécialisé, c'est-à-dire un créneau pour le lait qui n'était pas produit à l'aide de la somatotrophine bovine. Ils ont alors commencé à signer des contrats avec des producteurs qui n'utiliseraient pas la somatotrophine bovine.
Donc, de fil en aiguille, quelques concurrents ont commencé à faire la même chose pour protéger leur part de marché, et finalement, on a vu, dans ce bout de l'État de New York tout au moins, que le marché était approvisionné de lait produit de façon traditionnelle et de lait produit à l'aide de STbr.
De gros magasins comme Wegmans, l'équivalent d'un gros supermarché ici, nous ont dit qu'ils n'avaient pas l'intention de vendre deux sortes de lait parce que c'était trop compliqué. Cependant, les consommateurs semblaient intéressés et finalement, ils ont offert le produit. La prime exigée par Wegmans, au niveau du marché, était de l'ordre de 10 p. 100 pour le lait non produit à l'aide de la STbr, mais le produit a quand même pris entre 1 et 1,5 p. 100 du marché. C'était donc une petite part de marché, mais ils ont offert ce service à leur clientèle. Ils nous ont dit que ce n'était pas pour créer des bénéfices. Ils n'auraient pas fait cela avec un autre produit prenant seulement 1,5 p. 100 du marché, mais les consommateurs étaient intéressés.
Je voudrais parler une petite minute de la mécanique de la collecte de lait et de la transformation. Les usines Burns, que nous avons vues, utilisent le même système que nous utilisons ici pour le lait casher. Ils ont des contrats avec certains producteurs pour ramasser le lait le lundi matin à la première heure, quand les camions sont tout propres, tout nettoyés et que toute l'usine a été nettoyée pendant le week-end. La transformation est faite selon les exigences du marché, et c'est peut-être uniquement le lait du matin, ou peut-être le lait du matin et de l'après-midi, ou peut-être même le lait de deux jours. Après cette collecte de lait et cette transformation, l'usine peut être utilisée pour le lait ordinaire. Ce procédé occasionne des frais supplémentaires, mais ces frais ont été minimisés.
M. Chrétien: Je demeure très perplexe. Vous savez qu'aujourd'hui, les enfants de moins de 18 ans ne sont pas censés pouvoir se procurer des produits du tabac. On a fait des tests dans ma région, et je peux vous dire qu'un enfant de neuf ans peut acheter une cartouche de cigarettes.
Je crains donc qu'on ne punisse, de cette façon, les producteurs de lait naturel. On parle d'une augmentation de 10 p. 100 à New York, par exemple, pour le lait qui ne contient pas de STbr, alors que ça devrait être la marque de commerce, le bon lait.
Ce serait logique si on était dans l'impossibilité de fournir à la demande, mais on doit freiner nos producteurs laitiers qui sont constamment hors quota. Ce n'est pas l'offre qui est faible, au contraire. On pourrait donc déborder de 10 p. 100 facilement.
Aux États-Unis, ils peuvent se payer ce luxe puisqu'ils sont 10 fois plus gros et consomment10 fois plus que nous. Le problème porte sur les 10 p. 100 aux États-Unis, alors qu'ils produisent10 fois plus que nous. Chez nous, le surcoût va être de 20 ou 25 p. 100 peut-être, si bien que les consommateurs vont en avoir assez et finalement revenir au lait produit par des vaches ayant probablement reçu une injection de STbr.
M. Morrissey: Je ne suis pas certain, monsieur Chrétien, que la question visait l'augmentation de la production du lait, étant donné qu'on a un système de quotas au Canada. Est-ce que c'était bien cela, la question?
M. Chrétien: Oui, c'est un peu cela. Mes amis qui sont dans l'industrie laitière ne demanderaient pas mieux que de garder trois ou quatre vaches de plus dans leur étable, car ils ont beaucoup de place. Sachez que c'est la dernière vache qui est rentable, et non la première. Comme ils sont contingentés, ils doivent se limiter à leur quota alors qu'ils pourraient facilement augmenter leur production de 10 p. 100 sur 18 mois. Il n'y aurait aucun problème.
Nous n'avons pas besoin de rendre l'approvisionnement difficile. Je suis d'accord pour que l'on ait du bon lait, qu'on l'améliore si besoin est, mais je pense qu'on est au sommet, notre lait étant connu comme le meilleur au monde. Sa qualité et sa propreté sont reconnues. Il sort du pis de la vache et est amené à l'usine de transformation ou à la laiterie en un temps record maintenant.
M. Morrissey: Il est important de retenir la position juridique du Canada, en ce moment, à l'égard de la somatotrophine bovine. Que je sache, la seule chose qui puisse interdire l'utilisation de la somatotrophine bovine au Canada, c'est la Loi sur les aliments et drogues. D'après cette loi, la somatotrophine bovine pourrait être interdite seulement si les évaluations des agents de Santé Canada indiquaient qu'elle présente un danger pour la santé. S'il n'y a pas de danger pour la santé, l'État est dans l'obligation d'homologuer ce produit, qu'on ait besoin de plus de lait ou pas. Pour changer cela, il faudra changer les lois du pays.
M. Chrétien: Quand vous parlez de santé, c'est la santé humaine et animale.
M. Morrissey: Les deux, en effet, monsieur Chrétien.
M. Chrétien: Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Chrétien. Monsieur Hoeppner.
M. Hoeppner (Lisgar - Marquette): Merci, monsieur le président. Bienvenue, mesdames et messieurs.
J'aimerais d'abord revenir à quelque chose dont a parlé M. Reed. Comment allez-vous vous tirer d'affaire avec vos ordinateurs à partir de l'an 2000?
M. Morrissey: C'est une très bonne question. Je ne sais pas vraiment.
M. Hoeppner: Je sais que certaines entreprises essaient désespérément d'éviter cet énorme problème.
Le président: De quoi parle-t-on? Je suis un peu perdu!
M. Hoeppner: Tous les logiciels ne sont pas capables de reconnaître correctement les trois zéros. Ainsi, à l'an 2000, toutes les données ne seront pas transférables.
Le président: J'espère que M. Morrissey peut régler ce problème, et s'il y parvient, le monde lui appartient.
M. Morrissey: J'allais vous demander si je pouvais préciser de quoi nous parlions quand nous parlions de l'an 2000, mais M. Hoeppner vient de le faire.
Ainsi, si vous avez dans une colonne 95, 96, 97 et 98 et des données sur le nombre de voitures ou de chèques de paye ou le montant des salaires, par exemple, et que vous faites des calculs pour savoir ce que représentera une augmentation de salaire de 4 p. 100 en l'an 2001, à moins que vous n'ayez indiqué l'année en employant 1995 lorsque vous commencez à additionner ou à soustraire les nombres s'appliquant après l'an 2000 - par exemple si vous indiquez 95, 96, 97, 98 et 99, les deux autres chiffres logiquement seraient 00 - l'ordinateur croit que vous revenez à l'année zéro, soit à la première année. L'ordinateur commence donc à vous donner des chiffres comme si vous parliez de l'année 1900. Vous pourriez vous retrouver avec un chèque de paye qui aurait peut-être été approprié pour l'année 1900 plutôt que pour l'an 2000.
M. Hoeppner: Cela nous permettrait n'est-ce pas de réduire le déficit!
Le président: Vous avez un esprit tellement pratique.
M. Morrissey: Bon ça c'est le problème. Au sein d'Agriculture Canada, un groupe d'utilisateurs et de créateurs de ces programmes essaie justement de régler ce problème. En fait, dans mes propres petits programmes, j'ai simplement dit à l'ordinateur que lorsqu'il voit 99, il doit remplacer ce chiffre par 1999. C'est facile pour les petits programmes. Le comité apporte ces modifications pour les petits programmes. Les gens peuvent les remplacer eux-mêmes.
Dans le cas des grands programmes comme WordPerfect ou Lotus que nous utilisons tous, les entreprises trouvent elles-mêmes des solutions ou devront fermer leurs portes et une autre compagnie les remplacera simplement.
Il y aura probablement des solutions commerciales de la part des grandes entreprises. Le gros problème au ministère est évidemment causé par les gros programmes ministériels. Et un comité ministériel se penche sur la question. Une partie du travail sera faite au ministère même pour apporter les modifications. Pour le reste on fera appel à la sous-traitance. C'est un problème de taille pour tous.
M. Hoeppner: Je ne savais pas que le problème était aussi important, mais je sais que certaines entreprises dépensent des millions de dollars pour essayer de le régler.
J'aimerais passer à une autre question. Lorsque nous étudions les prévisions budgétaires de 1996-1997, si nous voulons voir comment ces chiffres se comparent à ceux qui sont avancés par le vérificateur général dans son rapport, ce n'est pas toujours possible parce que nous n'avons pas dans les deux documents les chiffres portant sur la même période. Comment procéder?
J'étudiais justement les données sur la Commission canadienne du blé. Dans son rapport de 1995, le vérificateur général se sert des chiffres fournis par la Commission canadienne du blé pour 1993-1994. Comment pouvons-nous déterminer s'il y a des problèmes ou un dépassement des coûts? Cela me semble être un vrai cauchemar d'essayer de trouver les chiffres adéquats pour comparer les prévisions budgétaires aux commentaires présentés dans le rapport du vérificateur général.
M. Morrissey: Monsieur Hoeppner, j'ai les mêmes problèmes et pour moi c'est une impasse.Il convient de signaler que les responsables du budget des dépenses principal qui essaient de donner suite aux recommandations des comités comme le vôtre ont maintenant décidé de présenter trois séries de chiffres.
Ces chiffres figurent désormais dans le budget des dépenses, et représentent les crédits parlementaires. On présente les chiffres réels, c'est-à-dire le montant dépensé l'année précédente et les années suivantes s'il y a lieu. En d'autres termes, vous n'avez peut-être pas dépensé tout l'argent qu'on vous a accordé. Les responsables des documents budgétaires ont essayé de combler cette lacune en ajoutant une colonne sous la rubrique prévisions.
Par exemple, pour l'année 1995 qui s'est terminée le 31 mars 1996, après cette date ils ont ajouté des prévisions. Ils ont dit voici ce qui a été dépensé en date du 31 mars 1996, mais nous n'avons pas encore reçu toutes les factures. Par exemple, si vous avez acheté une voiture ce jour-là, le 31 mars 1996, vous disposez probablement de trente jours pour payer. Cette voiture ne sera donc payée que dans l'année financière suivante.
Il y donc trois chiffres: le montant prévu dans le budget, qui correspond à ce que vous avez droit de dépenser; les prévisions préparées pendant le douzième mois, qui correspondent au montant que vous allez dépenser une fois l'année financière terminée et, enfin, les dépenses réelles, soit le montant que vous avez dépensé.
La raison pour laquelle cela représente une impasse c'est que vous vous retrouvez avec trois séries de chiffres. Il est très difficile de savoir quels chiffres utiliser. Vous devez étudier les chiffres que vous avez utilisés par le passé pour vous assurer que vous n'utiliserez pas les montants présentés dans le budget principal une année, puis, l'autre année, les montants correspondant aux dépenses réelles et, enfin, l'autre année, les prévisions.
Personnellement j'ai étudié les chapitres et les crédits du budget principal qui m'intéressent et j'ai préparé un tableau où figurent les chiffres qui apparaissent dans ces trois colonnes - le budget principal, les prévisions et les dépenses réelles - et j'ajoute peut-être une quatrième série de chiffres, ceux qui proviennent des rapports du vérificateur général. En réalité, il ne s'agit peut-être pas d'une quatrième série, mais peut-être simplement des dépenses réelles. Alors je prépare ces trois colonnes. Je les ai dans mon propre livre. Et je constate que les différences sont très très petites.
Par exemple, pour ce qui est de notre service, le budget principal est habituellement supérieur d'un million au montant que nous dépensons. On vous envoie derrière les barreaux si vous dépensez trop. Vous devez conserver un petit coussin pour les derniers jours de l'année financière. En fait, le montant que vous dépensez est habituellement légèrement inférieur au montant prévu dans le budget principal. Les différences ne sont pas très énormes. Personnellement je compare les chiffres présentés dans le budget principal d'année en année, ce qui veut dire que je compare toujours le même type de données. Même s'il y a une différence d'un demi-million ou de trois ou quatre millions de dollars, lorsqu'il s'agit d'un gros budget, ce n'est pas un montant très élevé. Au moins vous savez que vous comparez le même type de données.
M. Hoeppner: J'étudiais les chiffres de la Commission du blé, tout particulièrement ses dettes à long et à court terme. Ce qui m'amène à vous poser une question qui concerne tout particulièrement la station de recherche de Morden. Le secteur privé investit des montants importants dans le domaine de la recherche.
Comment peut-on déterminer s'il y a vraiment optimisation des ressources quand le financement provient à la fois du gouvernement et du secteur privé pour un projet de recherche particulier? Comment procéder si nous n'avons pas vraiment tous les faits dans le budget principal?
M. Gordon D. Dorrell (directeur général, région de l'Ouest, ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire): Monsieur Hoeppner, nous essayons de séparer l'apport financier du secteur privé. Le financement de contrepartie, par exemple, est présenté dans ce que nous appelons les comptes à fins déterminées, qui s'ajoutent au budget principal.
Pour ce qui est de l'optimisation des ressources, tout ce que nous pouvons faire est démontrer la valeur de nos investissements, qu'il s'agisse de nouvelles variétés ou d'un produit quelconque auquel se rattache une propriété intellectuelle qui peut assurer le paiement de redevances à la Couronne. Cependant tout investissement provenant du secteur privé est distinct de ceux qui viennent du gouvernement. Ce n'est donc pas un problème.
M. Hoeppner: Certains agriculteurs m'ont dit qu'ils éprouvaient des problèmes au niveau des cotisations ou des prélèvements. Ces montants sont probablement utilisés pour divers projets de recherche. Ils n'ont aucune voix au chapitre quant à la façon dont cet argent est utilisé, il leur est donc difficile de déterminer si ces investissements en valent la peine. Est-ce que l'on gaspille en procédant de cette façon-là? Bon nombre d'agriculteurs se sont plaints de la façon dont les choses étaient faites. Il n'y a pas de mécanisme de surveillance ni aucun autre mécanisme qui permette de rassurer ces gens et de leur démontrer que l'argent est investi sagement et que ces investissements portent fruit.
M. Dorrell: Monsieur le président, puis-je ajouter une précision? Si vous parlez des cotisations pour l'amélioration des blés et des orges, comme vous le savez, tout cela relève de la Western Grains Research Foundation, qui est tout compte fait un consortium de producteurs et qui réunit les principaux organismes gouvernementaux dans l'ouest du Canada.
Le groupe a formulé une proposition, un plan qui vise une période de 10 ans, et les universités et Agriculture Canada ont présenté en réponse un plan d'activités décrivant les services qu'ils pourraient offrir pendant une période donnée. Ils ont évidemment des échéanciers à respecter. Les organismes responsables de la recherche doivent présenter des rapports annuels à la Fondation. Après cinq ans il y aura un examen externe détaillé pour que l'on détermine si des progrès sont effectués et s'il y a vraiment optimisation des ressources.
Il ne faut pas oublier que cela vient s'ajouter à un système déjà chargé. Ainsi, on exerce de cette façon des pressions accrues pour que les choses profitent plus rapidement. Les producteurs de l'Ouest, tout compte fait, ont hérité d'un système d'amélioration complet des plantes, et ils essaient simplement d'accélérer les choses.
Permettez-moi de vous donner un exemple. L'année dernière était la première année pendant laquelle on a assuré un plein financement. Agriculture Canada a déterminé que ce qui a été produit à Winnipeg faisait partie de ce processus. Les redevances provenant de cette nouvelle variété seront partagées avec les agriculteurs par l'entremise de la Western Grains Research Foundation. Cette variété existe déjà depuis neuf ans.
C'est un processus permanent. À partir de la manière dont l'argent a été réparti, la Western Grains Research Foundation, au nom des agriculteurs, a clairement identifié les organismes de recherche qui avaient effectué les meilleurs travaux. Ce sont ces groupes qui ont reçu les montants les plus importants.
M. Hoeppner: Certains de ces renseignements seront-ils rendus publics de sorte que les agriculteurs puissent vraiment savoir où l'argent est acheminé? Si les organisations et le gouvernement le savent mais qu'aucun renseignement n'est communiqué aux agriculteurs, ça ne m'aide pas vraiment.
M. Dorrell: Chaque année, la Western Grains Research Foundation doit faire parvenir à chacun des détenteurs de permis un rapport annuel décrivant l'évolution des travaux. Cela sera fait cet été. De plus, chaque organisme qui reçoit une aide financière doit fournir aux producteurs des renseignements pertinents pour que ces derniers sachent à quoi sert leur argent.
Toutes les stations de recherche dans l'Ouest fournissent des renseignements du genre à intervalles réguliers. Il est toujours possible de faire encore plus, je suppose.
M. Hoeppner: Je sais que les communications seront un élément très important si vous voulez que les agriculteurs vous appuient. Je crois qu'il est donc très important d'assurer le meilleur système de communication possible.
Le président: Pour ce faire, monsieur Hoeppner, peut-être pourriez-vous signaler aux producteurs qu'il serait peut-être bon de consulter les organisations qui reçoivent cet argent. Comme l'a signalé M. Dorrell, il existe des rapports sur la question. L'argent des producteurs ne disparaît pas simplement. Il est versé à une organisation qui reçoit des consignes de la Western Grains Research Foundation et qui doit lui faire rapport. Ces groupes auront les réponses.
M. Hoeppner: Les renseignements ne sont pas actuellement disponibles, mais si on les reçoit un jour, ils seront toujours utiles. Comme vous le savez, les agriculteurs commencent à poser des questions lorsqu'ils se rendent compte que certains montants ont disparu.
Le président: Monsieur Easter.
M. Easter: Merci, monsieur le président. Je tiens à souhaiter la bienvenue à nos témoins.
J'aimerais revenir à une question qu'a posée M. Chrétien plus tôt sur la STbr, mais avant de ce faire, il existe un problème tout particulier pour l'Île-du-Prince-Édouard et qui porte sur l'étiquetage. Je crois que vous êtes au courant de la question.
Il semblerait en effet que certaines pommes de terre de l'Île-du-Prince-Édouard ont été emballées dans des sacs avec des pommes de terre Monsanto NewLeaf et que certains consommateurs se sont plaints de la situation. Étiez-vous au courant de cette affaire? Quelle est l'ampleur du problème? C'est parfois un problème d'étiquetage.
M. Morrissey: J'aimerais présenter une réponse préliminaire puis je demanderai à Margaret si elle a de plus amples renseignements à fournir à ce sujet.
Actuellement, pour autant que je sache, les lois du Canada permettent la vente des pommes de terre de type NewLeaf. Il s'agit de la pomme de terre Monsanto qui résiste au doryphore du Colorado grâce à l'ajout du gène B.t. Le ministère de la Santé a autorisé son importation au Canada pour la consommation humaine.
En conséquence, comme ce produit a été approuvé quant à son innocuité en vertu des exigences d'étiquetage actuelles, on considère qu'il n'est pas illégal ni trompeur d'emballer cette pomme de terre comme n'importe quel autre produit identique. Donc à moins que l'étiquetage ne comporte des indications fausses ou trompeuses - à moins qu'on veuille faire passer des produits de catégorie B pour des produits de catégorie A - le fait de mélanger ces pommes de terre avec d'autres n'est pas illégal.
Avez-vous d'autres commentaires, Margaret?
Mme Margaret Kenny (directrice associée, Bureau des stratégies et de la coordination de la biotechnologie, Direction générale de la production et de l'inspection des aliments, ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire): Non. Je rappelle simplement qu'à l'occasion de son étude, Santé Canada a trouvé la pomme de terre NewLeaf aussi salubre et aussi nutritive qu'une pomme de terre Russett Burbank ordinaire, c'est pourquoi il n'a exigé aucun étiquetage spécial.
M. Easter: Le problème tient au fait qu'on se retrouve dans une situation semblable, quoique moins grave, à celle de la STbr.
J'ai rencontré des promoteurs de la Monsanto, et leur produit est excellent. Santé Canada l'a approuvé, vous avez raison. Mais lorsque ces pommes de terre sont mélangées à d'autres, cela donne une impression défavorable au consommateur. Lorsqu'il achète des produits alimentaires, ce genre d'impression constitue un facteur déterminant. Voilà le problème de la pomme de terre NewLeaf.
Passons maintenant au problème de la STbr. Monsieur Morrissey, vous avez signalé que certains magasins et certains transformateurs de lait vendent du lait étiqueté comme lait naturel exempt de STbr.
Nous avons un problème plus considérable au Canada à cause de notre système de distribution du lait. À ce sujet, il convient de poser deux questions. Tout d'abord, où en est actuellement l'étude de la STbr par Santé Canada? Deuxièmement, est-ce que votre ministère, où l'un de vos services, ou Santé Canada surveille la situation des troupeaux laitiers aux États-Unis?
J'ai entendu toutes sortes d'histoires qui soufflaient le chaud, le froid ou le tiède. On raconte que certains troupeaux traités à la STbr présentent des problèmes interminables, alors que d'autres, traités également à la STbr, n'en présentent pas. Lorsqu'on a commencé à administrer la STbr aux États-Unis, les compagnies pharmaceutiques se servaient du nombre de flacons vendus pour faire la promotion du produit. Aujourd'hui, elles ne fournissent plus cette information. Il n'est plus possible de l'obtenir.
Nous aimerions donc savoir si l'utilisation de ce produit a augmenté ou diminué, étant donné qu'il est maintenant depuis assez longtemps sur le marché. Si l'utilisation a diminué, j'en déduis que ce produit cause des problèmes à long terme aux cultivateurs. J'aimerais savoir si le ministère a surveillé la situation des troupeaux aux États-Unis et la réaction des consommateurs américains.
Troisièmement, le Conseil national de l'industrie laitière du Canada a présenté une proposition à ce comité et au gouvernement. Si ce produit est mis en marché, le conseil souhaite que le lait des utilisateurs du produit fasse l'objet d'un système de commercialisation distinct dont les coûts supplémentaires seraient assumés par les promoteurs du produit, les compagnies pharmaceutiques et les producteurs laitiers qui utilisent le produit. Le conseil ne veut pas que ces coûts soient répartis sur l'ensemble de l'industrie laitière.
Je voudrais savoir si le gouvernement a réfléchi à ces propositions et comment il y réagit à l'heure actuelle.
M. Morrissey: Merci, monsieur Easter. Je vais faire quelques commentaires, puis je demanderai à Margaret si elle a des choses à ajouter.
Tout d'abord, le Food Chemical News, publié aux États-Unis, présente périodiquement des rapports de l'organisme gouvernemental américain compétent en la matière. Ces rapports indiquent le nombre des cas signalés de réactions négatives à la STbr dans les troupeaux laitiers. Les chiffres que j'ai vus récemment montrent qu'un certain nombre de problèmes ont été signalés par les aviculteurs. Néanmoins, l'organisme américain en conclut qu'il n'y a pas lieu, pour autant, de rouvrir le dossier de la STbr. Autrement dit, les cas signalés sont considérés comme normaux dans l'industrie laitière.
En ce qui concerne les ventes de STbr aux États-Unis, je n'en connais pas les derniers chiffres. J'ai vu des données, mais qui sont assez anciennes. Je ne pense donc pas qu'il y ait lieu de vous en faire part.
Sur la question des coûts supplémentaires assumés par les utilisateurs de STbr, il n'existe, à ma connaissance, aucune loi qui obligerait qui que ce soit à assumer ces coûts. Si on met en place un tel système, sauf erreur de ma part, il faudrait sans doute présenter un projet de loi à la Chambre pour imposer une telle obligation.
Avez-vous des commentaires supplémentaires à faire, Margaret?
Mme Kenny: En ce qui concerne l'état d'avancement de l'étude de Santé Canada, ce ministère se dit convaincu de l'innocuité de ce produit pour la consommation humaine, mais il continue à s'informer. Il poursuit ses travaux sur l'innocuité du produit pour les animaux et il surveille toujours l'évolution de la situation aux États-Unis.
M. Easter: Ma dernière question concerne la réglementation de la biotechnologie dans le contexte de vos propos antérieurs. Nous travaillons en étroite collaboration avec Environnement Canada, Santé Canada et Pêches et Océans. Le Canada a toujours abordé les questions de santé différemment des États-Unis. Pour l'essentiel, les facteurs de santé et de sécurité sont plus déterminants pour nous que pour les Américains. Ils sont prêts à accepter davantage de risques. C'est du moins l'impression que j'en ai. Le Canada est un peu plus exigeant.
En biotechnologie, comment est-ce qu'on procède au Canada par rapport à ce qui se fait aux États-Unis? Est-ce que nous sommes en voie d'accepter les mêmes risques que les Américains, ou est-ce que nos systèmes restent plus exigeants en matière de santé et de sécurité?
M. Morrissey: Encore une fois, je vais faire une première remarque, monsieur le président, puis je demanderai à Margaret si elle a des renseignements complémentaires.
Je pense que le test d'efficacité est le critère principal lors de l'enregistrement de la plupart des produits, que ce soit des vaccins destinés aux animaux ou à l'humain, des appareils médicaux ou des pesticides. La grande différence entre le Canada et les États-Unis, c'est qu'au Canada, les tests d'efficacité sont une condition de l'enregistrement.
Par exemple, tout produit doit avoir l'effet qu'on lui prête. S'il s'agit d'un engrais, il doit effectivement favoriser la croissance des végétaux d'une façon appréciable. S'il s'agit d'un vaccin, il doit effectivement protéger contre une maladie.
Aux États-Unis, ils ne misent pas autant sur le test d'efficacité. On considère que conformément au principe caveat emptor, c'est à l'acheteur de prendre ses précautions.
Dans le domaine de la santé, je considère que les deux pays ne sont pas fondamentalement différents l'un de l'autre. Il peut y avoir des différences d'interprétation sur un produit donné, mais en définitive, les autorités américaines ne mettent pas sur le marché des produits qui ne seraient pas sûrs. Lorsqu'un produit n'est pas sûr, on l'enlève du marché. Et la situation est à peu près la même au Canada.
Mme Kenny: Oui. En fait, nous avons eu très souvent l'avis des autorités américaines de réglementation et des promoteurs de produits nouveaux lorsque nous avons élaboré des règlements ou des lignes directrices concernant l'évaluation de l'innocuité des produits. Je ne pense pas qu'il y ait un seul cas où Américains et Canadiens auraient évalué le même produit et en seraient venus à des conclusions différentes.
M. Morrissey: Monsieur le président, me permettez-vous une remarque supplémentaire à ce sujet?
D'après ce que me disent les cultivateurs canadiens, je pense que si les règles de commercialisation aux États-Unis leur semblent moins rigoureuses, c'est sans doute parce que, dans une certaine mesure, les États-Unis constituent l'un des plus grands marchés mondiaux. Donc, bien souvent, on peut y trouver un produit, disons un pesticide ou un nouveau produit biotechnologique deux ou trois ans avant qu'il soit disponible ailleurs, y compris au Canada. Pendant cette période, on a donc l'impression que le produit a été autorisé aux États-Unis alors qu'il est interdit ici. Souvent, ce n'est pas une question d'innocuité. C'est simplement que les autorités américaines ont été les premières à obtenir les données nécessaires à l'évaluation du produit.
Le président: Monsieur Chrétien.
[Français]
M. Chrétien: Si vous le voulez bien, monsieur Morrissey, ouvrez votre Budget des dépenses, partie III, à la page 10 du chapitre 2, en français, s'il vous plaît.
Je voudrais avoir votre opinion sur les stations de recherche au Canada. Pour que j'aie une juste compréhension des choses, pourriez-vous me dire dans quelle région, plus précisément dans quelle province, se trouvent les deux centres de recherche indiqués juste sous «Ferme expérimentale centrale d'Ottawa» et identifiés par les sigles CRECO et CRAZ? Où se trouvent ces deux centres de recherche?
M. Morrissey: Ils sont tous deux situés à la Ferme expérimentale, ici.
M. Chrétien: Ici, à Ottawa?
M. Morrissey: Oui, c'est ça.
M. Chrétien: L'automne dernier, j'ai reçu des plaintes de différents groupes au Québec me disant qu'on transférait à Guelph des domaines de recherche traditionnellement explorés ici, à Ottawa, notamment celui du maïs. Cela créait beaucoup d'incertitude. Vous n'êtes pas sans savoir qu'on a fermé au Québec, ou qu'on est sur le point de fermer, trois stations de recherche, soit celles de La Pocatière, qui n'est pas la moindre, de L'Assomption et une troisième dont le nom m'échappe.
Notre crainte, c'est que les centres de recherche s'éloignent constamment du Québec. Lorsqu'on est loin des centres de recherche, loin des centres de décision, on risque d'être les deuxièmes, voire les derniers à bénéficier de cette recherche.
Est-ce l'intention du ministère de l'Agriculture de concentrer davantage la recherche dans la région de Guelph? Je reconnais qu'il existe là une université très dynamique et de nombreuses compétences, mais la recherche ne devrait pas se faire seulement dans cette région.
Pourriez-vous me donner également, en pourcentage, la proportion des budgets de recherche en agriculture qui est dévolue au territoire québécois?
M. Morrissey: Je ferai quelques commentaires d'ouverture, si vous me le permettez, puis je demanderai à Yvon Martel d'étoffer ces commentaires.
Tout d'abord, monsieur Chrétien, vous avez bien raison: on est en train de réduire les effectifs à la Ferme expérimentale ici, à Ottawa, et de les faire passer de 855 à environ 315. Deux cent quarante-cinq postes, plus ou moins, vont écoper, mais les autres 365 vont être attribués aux régions, par exemple au Québec.
Deuxièmement, le maïs ne va pas être déplacé de la Ferme expérimentale à Guelph; il va demeurer à la Ferme expérimentale, et la vocation de la Ferme expérimentale va changer de façon fondamentale. Quand il y avait 855 personnes là, c'était une ressource nationale et le savoir était partagé à travers le pays. Avec 315 personnes, ce n'est plus possible. On mettra l'accent spécifiquement sur les grains et les oléagineux pour l'est du Canada, c'est-à-dire pour l'Ontario, le Québec et les provinces Maritimes. Donc, le maïs va rester là et ce centre va desservir le Québec.
Ce n'est pas la recherche sur le maïs qui sera envoyée à l'université de Guelph. Il y aura une répartition des effectifs de la Ferme affectés à la recherche sur les aliments. Certaines personnes seront envoyées à Saint-Hyacinthe, d'autres, à Guelph.
En ce qui a trait à la compétitivité de Guelph, les gens de cette université se plaignent de ce que l'Université Laval est très compétitive dans le domaine de l'horticulture. Ils sont vus comme étant très forts, très compétents et très dynamiques. Donc, les perceptions sont un peu partagées.
Quant aux compressions budgétaires et à la part attribuée au Québec, on va couper 91 postes au Québec d'après le budget de 1995, mais il y a 52 postes, surtout en provenance de la Ferme expérimentale d'Ottawa, qui seront envoyés au Québec. Donc, quand on évalue la part de gâteau que reçoit le Québec en effectifs et en argent, dans le domaine de la recherche, elle était de 11,9 p. 100 pour les effectifs avant les compressions budgétaires de 1995. Après les compressions budgétaires et compte tenu des transferts, il y aura 14,8 p. 100 des effectifs au Québec, grosso modo 15 p. 100. Donc, cela représente une augmentation de la part de gâteau du Québec, qui passe de 12 p. 100 à15 p. 100, soit une augmentation de 25 p. 100.
En plus, le mandat de la Ferme expérimentale, au lieu d'être partagé entre dix provinces, sera partagé à l'avenir entre les trois régions de l'Est: l'Ontario, le Québec et les Maritimes. Il y a15 p. 100 de nos effectifs qui vont rester à la Ferme expérimentale. Donc, grosso modo, la part du Québec sera d'un tiers de 15 p. 100, soit 5 p. 100. Donc, à l'avenir, le Québec aura 15 p. 100 plus un tiers de ce qui restera à la Ferme expérimentale, ce qui donne 20 p. 100.
La part de la production nationale brute en agriculture de la province de Québec est de 16,4 p. 100, et cette province obtiendra 20 p. 100 de budget de la recherche. La production nationale brute agricole du Québec jointe à sa transformation des aliments - parce que le Québec a un important secteur de transformation des aliments - est d'environ 20,5 p. 100. Je pense qu'on doit tenir compte de l'agriculture et de l'alimentation quand il est question de la recherche. La production du Québec est d'à peu près 20 p. 100 et les effectifs qui lui seront alloués seront d'environ 20 p. 100.
Y a-t-il autre chose, Yvon?
M. Yvon Martel (directeur général, Région de l'Est, Agriculture et Agroalimentaire Canada): Je voudrais préciser que les centres de recherche d'Agriculture et Agroalimentaire Canada qui seront fermés au Québec sont au nombre de deux. Il n'y en aura pas trois.
Il y aura au Québec quatre centres de recherche sur les 18 existant au Canada. L'effort que nous faisons, en particulier pour le Québec, c'est de situer ces centres de façon à tenir compte de tout le processus de transformation des produits agricoles, du sol à la table. Il y aura un centre de recherche sur les sols et les plantes fourragères à Sainte-Foy, un centre sur l'horticulture à Saint-Jean-sur-Richelieu, un centre sur les animaux, qui sera celui de l'ensemble du Canada, à Lennoxville, et le plus gros centre en transformation des aliments à Saint-Hyacinthe.
Cette répartition place le Québec en très bonne position pour avoir accès au nouveau programme de fonds à frais partagés de moitié avec le secteur privé, ou le programme annoncé par le ministère et le ministre.
M. Chrétien: Tout ce que vous avez dit répond pleinement aux questions que je vous avais posées.
Nous pourrions peut-être jeter un coup d'oeil à la page 12 du chapitre 2, où on parle des dépenses de l'inspection et de la réglementation qui seront réduites d'environ 70 millions de dollars entre 1994 et 1998.
Cela m'amène à parler de l'ESB, la maladie de la vache folle. Pour le bénéfice de nos témoins, monsieur le président, je rappellerai que nous, du Bloc québécois, avons fait montre d'une très grande prudence à propos de la maladie de la vache folle. À preuve, nous n'avons posé aucune question en Chambre, justement pour ne pas donner une fausse image ou créer de mauvaises perceptions de la viande de boeuf provenant de notre bétail.
Cependant, je me rappelle bien que le ministre ait dit qu'il n'y avait pas eu de cas de la maladie de la vache folle, sauf en décembre 1993. J'ai appris, il y a trois semaines, qu'on avait recensé dans l'Ouest, au mois de janvier 1996, des wapitis ou des cerfs atteints de cette fameuse et dangereuse maladie.
J'en parle ici parce que je sais que ça ne devrait pas sortir au grand jour, bien que la séance ne se tienne pas à huis clos. Ma crainte, c'est qu'en voulant couper et rationaliser dans un domaine aussi névralgique que celui de l'inspection des aliments, on ne prenne le risque de se laisser aller et de devoir payer plus tard des sommes qui pourraient être astronomiques.
Autrement dit, avec des coupures de 70 millions de dollars, est-ce que les Canadiens et les Canadiennes peuvent être assurés qu'on continuera une très grande surveillance, équivalente à ce qui se faisait antérieurement?
M. Morrissey: Je dois dire tout d'abord que le contrôle de la maladie de la vache folle ne relève pas de ma compétence. C'est de la compétence de mes collègues de la production et de l'inspection des aliments, de l'équipe du Dr Olson.
Cela dit, d'après ce que je sais, la maladie qui a été détectée chez cette biche de l'Ouest canadien est ce que l'on appelle en anglais a wasting disease.
Que je sache, ce n'est pas du tout la maladie de la vache folle, mais c'est peut-être une maladie de la même famille. Je ne suis pas certain de ce que j'affirme, mais je suis assez certain qu'il ne s'agit pas de la même maladie.
[Traduction]
Ce n'est pas la même maladie. C'est une forme de dépérissement, et nous avons donc affaire à...
[Français]
une autre paire de manches.
[Traduction]
Le président: Monsieur Chrétien, je crois savoir, moi aussi, qu'il y a une différence entre ces deux maladies. Lorsque les animaux infectés ont été découverts, la presse a immédiatement réagi en disant qu'il s'agissait de cas semblables, mais après examen, on a constaté une différence.
Il pourrait être utile - comme l'a dit M. Morrissey, c'est le domaine d'expertise de M. Olson -de demander à M. Olson une brève explication à ce sujet, une explication d'une page qu'on ferait parvenir sans délai aux membres du comité. Est-ce que cela vous semble intéressant.
M. Calder (Wellington - Grey - Dufferin - Simcoe): Oui, je pense.
Le président: C'est parfait, nous allons demander au comité d'en faire la demande.
Merci, monsieur Chrétien.
Nous passons à MM. Hoeppner, McKinnon et Pickard.
M. Hoeppner: Merci, monsieur le président.
Votre budget de la partie III, chapitre 2, page 29, traite des services ministériels assurés par la Commission canadienne des grains. Le montant reste à peu près le même, soit 6 544 000$, depuis trois ans. C'est au tableau 15, qui présente les services ministériels assurés par la Commission canadienne des grains. Comme vous le voyez, les chiffres restent les mêmes dans votre budget. Si je considère maintenant les fonds ministériels consacrés à l'informatique, à la formation et à la traduction, ils ont augmenté sensiblement, passant de 2,9 millions à 9,8 millions. Pouvez-vous nous expliquer cette augmentation, monsieur Morrissey?
Le président: Avant cela, monsieur Hoeppner, je vous signale que vous parlez de la gestion des services intégrés, alors que M. Morrissey est à la direction générale de la recherche.
M. Hoeppner: J'imagine que cela fait partie des services intégrés; n'est-ce-pas?
Le président: Monsieur Morrissey, j'ai quelques doutes.
M. Morrissey: Sous toute réserve, puisqu'il ne s'agit pas de mon domaine d'expertise, je crois que les budgets d'immobilisation peuvent servir à l'achat de voitures ou d'ordinateurs, et je pense qu'ils sont à l'origine de ce montant. Il y a quelques années, on a réservé cinq millions de dollars de fonds d'investissement pour acheter un ou deux logiciels importants. L'un d'eux est un programme d'automatisation des fonctions de gestion du personnel, appelé PeopleSoft, et l'autre concernait l'amélioration des lignes de communication de l'inforoute entre les différents services du ministère dans l'ensemble du pays. C'est sans doute ce qui explique l'augmentation. Il s'agit d'une dépense ponctuelle d'environ cinq millions de dollars répartie sur quelques années qui s'est ajoutée au montant initial. Les chiffres semblent correspondre, monsieur le président.
M. Hoeppner: C'est bien, je vous remercie.
Au chapitre 2, page 31, on parle d'un fonds renouvelable à la Commission canadienne des grains et en préambule, on précise qu'il s'agit de recherche. Pourquoi y a-t-il un report aussi important pour l'exercice de 1998-1999? Comme ce sont des frais de la Commission canadienne des grains, l'argent devra venir de la poche des cultivateurs. On passe de 778 000$ à 1 000 606$.
M. Morrissey: Encore une fois, cela ne relève pas de mon domaine de compétence. C'est sans rapport avec la direction générale de la recherche, ni avec le genre de recherche que nous faisons. Cette recherche porte peut-être sur la commercialisation à la Commission canadienne des grains.Je ne le sais pas. C'est peut-être le genre de recherche que fait Keith Tipples à la Commission, lorsqu'il vérifie la qualité des céréales en fonction de la demande sur le marché.
Est-ce que cela vous inspire, Gordon?
M. Dorrell: Monsieur Hoeppner, je ne peux moi aussi que spéculer, puisqu'il s'agit de la Commission canadienne des grains. Le service de recherche de la Commission, à savoir le laboratoire de recherche sur les grains, effectue des travaux facturables pour des clients de l'extérieur, et il se pourrait que ce poste soit en augmentation.
M. Hoeppner: Où peut-on obtenir l'information pertinente? Il serait intéressant...
Le président: Monsieur Hoeppner, la Commission des grains doit comparaître devant le comité en juin, et vous pourrez alors interroger directement ses représentants.
M. Hoeppner: J'en prends note, monsieur le président.
Je voudrais maintenant revenir à l'industrie laitière. Il est dommage que M. Easter soit parti, puisque c'est l'expert en la matière. J'ai reçu à mon bureau la visite d'un homme d'affaires qui transportait de l'orge organique d'Alberta jusqu'à une laiterie organique située en Oregon. Il m'a parlé de toutes les tracasseries que lui imposaient les douanes canadiennes. J'ai été étonné du prix auquel cette laiterie organique achetait l'orge en question. Y a-t-il une véritable demande pour le lait organique? Existe-t-il des laiteries organiques au Canada? Est-ce qu'on connaît leur marge de profit?
M. Morrissey: Si l'on en juge par des émissions américaines comme Market to Market,il semble y avoir pour les produits organiques un marché important qui prend de plus en plus d'ampleur aux États-Unis. La marge bénéficiaire sur certains produits organiques vendus aux États-Unis est apparemment très élevée. C'est notamment le cas pour les grains vendus dans l'Est des États-Unis ainsi que sur la côte ouest de ce pays.
Je n'ai pas d'information de première main au sujet du lait organique produit au Canada, mais peut-être que Margaret en a. Je sais cependant qu'en Europe - au Danemark, si je ne m'abuse - on vend un lait organique qu'on appelle èkom«lk. On semble donc vendre une gamme de produits laitiers organiques dans des pays comme le Danemark ainsi qu'en Suède, semble-t-il. Le èkom«lk serait un produit organique, mais je n'en suis pas sûr. Je tire cette information de sources d'information publiques comme Market to Market.
M. Hoeppner: J'ai été abasourdi d'apprendre ce que coûtait un chargement d'orge aux producteurs laitiers. Si la production de denrées organiques rapporte autant, pourquoi nos industries ne se dirigent-elles pas dans cette voie? L'agriculture organique ne fait pas appel aux recherches scientifiques ni aux produits chimiques et comme la demande pour ce produit est grande, pourquoi ne pas accroître nos activités dans ce domaine?
M. Morrissey: Permettez-moi deux remarques à ce sujet. J'attire d'abord votre attention sur le fait que l'orientation des recherches scientifiques dans le domaine agricole change à l'heure actuelle. Gordon pourrait peut-être vous donner des détails au sujet de ce qui se fait en Colombie-Britannique, en particulier dans le domaine de production en serre et de la popularité croissante de l'agriculture organique.
D'après ce qu'il m'a été permis de constater dans les centres de recherche du pays, j'ai l'impression que depuis quelques années on ne s'intéresse pas tant à la quantité des produits mais plutôt à leur qualité. Cette qualité peut prendre la forme d'une augmentation du contenu en protéines des produits, par exemple, mais il peut aussi s'agir de la protection de l'environnement, par exemple la protection de la nappe aquifère en Colombie-Britannique. On veille maintenant soigneusement à utiliser pas plus d'engrais qu'il n'en faut tant pour réduire les frais de production que pour éviter la contamination de la nappe aquifère. C'est donc la qualité plutôt que la quantité qui prime et par qualité on entend qualité du produit lui-même, mais aussi qualité de l'environnement.
M. Dorrell: Monsieur Hoeppner, il est vrai que nous ne touchons pas directement à l'agriculture organique, mais comme l'a fait remarquer M. Morrissey, nous y touchons indirectement. Depuis des années, par exemple, nous concentrons nos efforts dans le domaine de la lutte antiparasitaire intégrée qui fait appel à des processus biologiques ainsi qu'à des produits chimiques et dans certains cas, nous avons pu totalement nous passer des produits chimiques. Dans certaines serres, par exemple, nous pouvons libérer des microparasites qui détruisent les insectes ravageurs.
S'appuyant sur nos recherches, l'une des plus importantes serres de la Colombie-Britannique n'a maintenant recours qu'à des processus biologiques dans sa lutte antiparasitaire. Il est intéressant de noter que les propriétaires de la serre ne s'intéressaient pas au début à l'agriculture organique, mais voulait simplement par ce moyen protéger leurs employés. Ils cultivent maintenant des concombres et des tomates sans devoir se préoccuper des parasites.
Vous savez sans doute que dans la vallée de l'Okanagan, on utilise la méthode du lâcher d'insectes stérilisés pour lutter contre la pyrale de la pomme. On espère ainsi pouvoir se passer des pesticides après que le fruit a commencé à se former. On voit maintenant les possibilités qu'offre cette technique pour accroître la valeur ajoutée du produit.
M. Hoeppner: Monsieur Dorrell, comment luttez-vous contre l'euphorbe ésule? Avec des insectes ou avec un procédé technologique?
M. Dorrell: C'est un programme qui existe depuis un certain nombre d'années. Certains insectes s'attaquent à l'euphorbe ésule qui est une mauvaise herbe contre laquelle il est très difficile de lutter. Nous utilisons des insectes qui s'attaquent aux racines, aux tiges, aux feuilles et aux semences de cette mauvaise herbe. On les a mis à l'essai en Europe pour s'assurer qu'ils ne s'attaqueront pas à autre chose et nous les avons fait entrer au Canada et les avons mis à l'essai pendant leur quarantaine. On les a lâchés dans l'environnement lorsqu'on a jugé qu'ils ne présentaient aucun risque. Ces insectes se répandent lentement et vous en avez sans doute vus à certains endroits.
M. Hoeppner: Je vous pose la question parce que j'ai vu une expérience portant sur ces insectes à la station de recherche de Morden.
M. Dorrell: C'est un succès. C'est le fruit des efforts des scientifiques canadiens et américains. Les insectes se trouvent de part et d'autre de la frontière.
M. Hoeppner: Les douanes ne sont pas intervenues?
M. Dorrell: Des gens venaient au Canada pour se procurer ces insectes et les ramener chez eux.
M. Hoeppner: C'est ce que j'ai entendu dire. Il semble y avoir un véritable marché pour ces insectes.
M. Dorrell: Nous avons aussi réalisé certains progrès dans notre lutte contre la centaurée noire en Colombie-Britannique. Il s'agit d'une mauvaise herbe tenace contre laquelle il est difficile de lutter et nous avons remporté un certain succès avec des insectes.
Le président: Je vous remercie.
J'aimerais vous rappeler que nous voulons adopter le rapport sur le règlement concernant les aliments organiques. Huit membres du comité doivent être présents pour adopter ce rapport. Je vous invite donc à rester quelques moments après le départ de nos témoins.
Monsieur McKinnon.
M. McKinnon (Brandon - Souris): J'ai trouvé la discussion de ce matin fort intéressante. J'ai peut-être mal compris certaines choses, mais j'ai aimé ce que je vous ai entendu dire.
L'institut est venu nous parler de la protection des récoltes. On nous a fait part d'inquiétudes au sujet de l'évaluation conjointe des données de recherche qui précèdent l'homologation des produits.
Voici ma deuxième question. Vous avez dit, monsieur Morrissey, que nous attachons beaucoup d'importance au Canada, comparativement à ce qui se fait aux États-Unis, à l'évaluation des tests d'efficacité de nos produits. Je me demande si cela ne va pas compromettre à long terme notre compétitivité.
Permettez-moi de vous donner un exemple dans le secteur horticole. Un règlement peut garantir qu'un produit a été traité avec seulement deux ou trois produits chimiques qui ne sont pas disponibles au Canada. En raison de ce règlement, nous serons exclus de certains marchés.
Ma dernière question se rapporte aux observations qui ont été faites par des députés d'en face. On a exprimé ce matin des préoccupations au sujet de la STbr. À long terme, on se demande aussi si l'essor de l'industrie organique n'est pas attribuable à ces préoccupations, particulièrement en Amérique où on semble s'opposer à la recherche dans le domaine de la lutte antiparasitaire.
Cela devrait suffire. Si j'ai encore du temps, je vous poserai d'autres questions.
M. Morrissey: Monsieur le président, il est vrai que l'Institut canadien pour la protection des cultures craint que le processus d'évaluation conjoint des demandes d'homologation pour certains produits de lutte antiparasitaire est trop long. Il ne s'agit pas d'une question de mon ressort. C'est une question qui relève des services d'inspection et donc d'Art Olson.
Voici cependant comment je vois les choses. On avait d'abord espéré que les scientifiques évaluant le même produit dans nos deux pays en arriveraient à une évaluation assez objective. Nous avons pensé qu'on pourrait réduire les délais et faire des économies en menant les recherches de façon conjointe. Mais comme le Canada et les États-Unis sont des États souverains, ils peuvent décider de prendre des décisions différentes en se fondant sur les mêmes données scientifiques.Un pays peut décider d'adopter des mesures de contrôle plus strictes pour limiter les risques.Le processus pourrait cependant être accéléré.
Je répète que cette question relève des services d'inspection. Il y a quelques années, je travaillais cependant dans ce domaine. J'ai l'impression qu'à l'issu de la signature de l'accord commercial Canada-États-Unis et de l'ALENA, c'est nous qui avons pris l'initiative dans ce domaine. Lorsque le président Clinton s'est engagé personnellement à voir à ce que l'ALENA soit ratifié, j'ai eu l'impression que les fonctionnaires américains ont commencé à s'intéresser de plus près à l'idée de mener des recherches conjointes avec nous.
Je crois effectivement que le processus n'a pas démarré très rapidement. Je n'ai pas suivi la question de très près depuis quelques temps, mais j'ai l'impression qu'il y a eu accélération du processus dernièrement.
La deuxième question portait sur l'homologation aux États-Unis. Est-ce que les producteurs américains ont un avantage concurrentiel qui leur permet d'obtenir les premiers un produit antiparasitaire? Je pense que oui. S'ils obtiennent un produit deux ou trois ans avant nous, tous les autres facteurs étant égaux, c'est probablement à leur avantage.
En ce qui concerne plus précisément les cultures sur surfaces réduites, qui ne sont pas assez rentables pour qu'une compagnie investisse dans l'homologation, d'après les informations que j'obtiens de nos producteurs, ils sont assez frustrés parce qu'ils ne peuvent pas obtenir les produits auxquels leurs homologues américains ont accès.
De concert avec les responsables de l'inspection, nous avons mis de l'argent de côté. Par exemple, le groupe d'inspection vient voir Gordon à Agassiz et lui demande s'il veut collaborer avec la compagnie qui produit tel produit antiparasitaire à emploi limité pour effectuer au Canada le travail supplémentaire qui est nécessaire afin de déterminer si on peut le faire homologuer.
Bref, si vous n'avez pas le produit, vous êtes probablement en position de désavantage concurrentiel. Nous nous efforçons d'obtenir au moins les produits à emploi limité. Quant aux principaux produits, la solution consiste peut-être à collaborer pour harmoniser l'homologation, mais cela prendra du temps.
En ce qui concerne l'acceptation de la science, cela nous ramène à la question que M. Reed a posée tout à l'heure. Une fois de plus, ma réponse comporte deux volets.
Premièrement, si l'on en juge d'après la réaction du public, toutes les institutions de la société - le Parlement, la fonction publique et les journaux - sont remises en question et ne jouissent plus d'une crédibilité absolue comme par le passé.
Il en va de même de la communauté scientifique. Cela nous ramène aux principes de base - c'est-à-dire à l'équation que j'ai mentionnée tout à l'heure - à savoir qu'une décision n'est applicable en société que si elle est logique et acceptable.
À mon avis, la société est raisonnablement disposée à accepter la logique. Autrement dit, si la communauté scientifique, juridique ou parlementaire prend une décision logique, la population est relativement disposée à en étudier au moins l'aspect logique. Toutefois, avant de l'accepter, la population se demande si une telle décision protège ses intérêts acquis.
Les gens commencent maintenant à prendre des décisions personnelles. Le public est tout simplement plus informé et plus instruit, et il dit qu'il ne permettra pas à la communauté scientifique ni à quiconque d'autre de trancher la question de l'acceptation. Il décidera pour lui-même.
Le président: Merci beaucoup.
Pour qu'on puisse avancer, j'invite M. Pickard et M. Calder à poser des questions brèves.
M. Pickard (Essex - Kent): Merci beaucoup, monsieur le président.
Ce matin, vous avez fait allusion à plusieurs changements qui se produisent régulièrement dans la recherche au ministère de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire. Bon nombre de mes collègues et d'autres se demandent ce qui se passe au niveau de la recherche.
On investit de moins en moins dans la recherche. Au Canada, les structures de recherche subissent des changements énormes. Ainsi donc, en raison de la compression du financement, des changements structurels, de l'existence des centres d'excellence et du Programme de partage de frais pour l'investissement, tous ces changements structurels nous amènent à nous demander où nous allons, comment nous faisons notre travail et quels sont les objectifs généraux de ce travail.
Au lieu de voir quelles sont les répercussions de cette situation au Québec et en Ontario, ou de comparer l'incidence dans l'Ouest comparativement à l'Est, j'aimerais que vous nous donniez une idée générale de ce qui se passe dans la recherche et de l'orientation générale de la recherche. Est-ce que nous concentrons nos activités de recherche dans des domaines qui sont importants pour le Canada? Faisons-nous un bon travail en nous assurant que la recherche dont nous avons besoin pour nous projeter dans l'avenir s'effectue comme il faut?
Honnêtement, j'ai été abasourdi par certaines choses que j'ai vues dans nos centres de recherche un peu partout au pays. J'ai eu l'occasion de visiter les centres d'Agassiz, de Winnipeg et de Harrow. À mon avis, j'ai vu des projets vraiment ahurissants dans ce pays.
Je pense que vous faites un travail excellent, mais j'aimerais que vous nous parliez de nos perspectives d'avenir. De toute évidence, l'aspect économique de la question est important, car le gouvernement est en train de comprimer ses dépenses. Toutefois, la recherche a été le fondement de notre progrès et elle le sera à l'avenir. Est-ce que nous nous en occupons bien?
M. Morrissey: Merci, monsieur Pickard. Je vais essayer de répondre à votre question dans l'ordre, et si j'oublie quelque chose, veuillez me le rappeler.
Tout d'abord, il y a cent ans, nous étions vraiment le seul organisme important de recherche au Canada. Depuis lors, les provinces, l'industrie et les universités sont devenues des acteurs importants dans ce domaine.
Actuellement, je dirais donc que nous sommes l'un des cinq intervenants. La communauté internationale en fait partie, et il y a certains résultats de recherche que nous obtenons d'elle. Par exemple, si la recherche sur le porc est effectuée au Danemark - de nos jours, le porc est élevé à l'intérieur - nous pouvons l'adopter aussi rapidement que les Danois.
Au Canada, les provinces, les universités et les industries font de la recherche. Nous essayons donc de ne pas répéter ce qu'elles font; nous faisons une recherche complémentaire.
Cela explique certains des changements que vous avez observés au cours des dernières années. Nous cessons d'être le seul intervenant et nous essayons de tout faire pour explorer les domaines que personne d'autre n'explore, où le Canada a un problème à régler, et où nous sommes les seuls capables de le régler.
Ainsi donc, ces derniers temps, Yvon et Gordon sont au téléphone pratiquement tous les jours avec nos collègues des provinces et des universités, où tous les budgets sont amputés, et ils demandent par exemple à Norris Hoag de l'Ontario quelles sont les activités touchées par les compressions. Ils lui rappellent que nous avons coupé telle chose l'année dernière et lui demandent de ne pas couper la même chose; ainsi, nous essayons au moins de répondre aux besoins du pays.
Nous faisons exactement la même chose avec André Gosselin à Laval au Québec. Par exemple, voici une bonne nouvelle. Yvon et André se sont réunis, et au lieu que chacun construise une serre, nous avons mis en commun l'argent et nous avons construit une serre commune. Pour le même montant, nous avons obtenu une serre qui est meilleure et plus grande.
Tout cela pour dire que certains changements reflètent le fait que nous ne sommes pas les seuls intervenants et que nous devons travailler dans des domaines qui ne sont étudiés par personne d'autre.
Deuxièmement, nous nous demandons de plus en plus sérieusement si la recherche que nous faisons vise à régler un problème canadien. Autrement dit, personne d'autre ne le réglera pour nous ni à l'extérieur, ni à l'intérieur du pays. Voilà pour la première question. Nos recherches portent essentiellement sur des choses comme la résistance au froid et les plantes précoces qui poussent tôt dans l'année, car nous sommes l'un des rares pays du Nord où le climat est rude et où l'économie agricole est assez avancée.
Par exemple, nous avons toujours partagé nos recherches avec la Russie, mais nous lui en avons probablement donné un peu plus que nous n'en avons obtenu. Bien que les pays scandinaves soient techniquement avancés, leurs collectivités agricoles ne sont pas importantes. Ainsi donc, la seule autre région qui soit vraiment intéressée par la résistance au froid, par exemple, c'est probablement le nord des États-Unis. Actuellement, Gordon et Yvon collaborent très étroitement avec cette région. Voilà donc les domaines sur lesquels nous nous concentrerons.
L'autre problème auquel nous nous intéressons beaucoup est celui de savoir s'il s'agit d'une activité publique incombant à l'État, ou si le secteur privé peut s'en charger et en tirer un bénéfice, ce qui nous permet d'investir dans d'autres activités. La question reste entière.
Par exemple, M. Chrétien a parlé du maïs tout à l'heure. Il y a 30 ou 40 ans peut-être, nous produisions des variétés de maïs greffé. Mais quand on a inventé un moyen de produire du maïs hybride pour que le secteur privé puisse conserver ses plantes mâles et reproduire ses plantes femelles en prétendant qu'elles sont hybrides, ce qui pourrait être vrai à l'avenir - chaque année, il faut aller acheter de nouvelles semences - nous avons épuisé nos variétés greffées et nous nous sommes concentrés uniquement sur des lignées qui étaient résistantes à la maladie ou qui avaient une résistante particulière au froid.
En fait, c'est le travail sur lequel la Ferme expérimentale centrale se concentre maintenant, en essayant de pousser le maïs et le soya. Nous l'avons poussé jusqu'à Lennoxville au Québec et nous essayons de le pousser jusqu'au Bas-Saint-Laurent et même dans l'Île-du-Prince-Édouard.
L'autre question concerne la mobilité de la recherche et du développement. On élevait la volaille à l'extérieur quand j'étais enfant. Elle picorait dans la cour et produisait de l'argent de poche quand on vendait quelques oeufs en ville le samedi. L'élevage de la volaille est devenu une grande industrie maintenant. Les poules sont élevées à l'intérieur, de même que les porcs, ce qui signifie que la recherche est mobile entre les pays parce que le facteur climatique est exclu. La dureté de notre climat n'importe vraiment plus. Si l'on peut élever des porcs à l'intérieur au Danemark, on peut probablement transférer la même technologie ici.
Cela signifie que nous avons dû nous intéresser au revers de la médaille, c'est-à-dire aux technologies qui sont utilisées à l'extérieur et qui sont tributaires du climat, et personne d'autre ne le fera pour nous. Par exemple, l'équipe de Gordon travaille sur le blé dur, qui ne réussit vraiment que dans la région de Swift Current, ou sur le blé de force roux dans d'autres parties de l'Ouest. Nous ne pouvons vraiment pas acheter beaucoup de ces technologies. Nous devons donc les développer nous-mêmes parce que l'élevage se fait maintenant à l'intérieur.
Je vais faire deux observations pour terminer. La première concerne un message que je n'ai pas réussi à communiquer en public, mais je pense qu'il est très important. Dans les sciences biologiques comme l'agriculture, les progrès accomplis il y a 150 ans et il y a deux ans ne sont pas nécessairement acquis. Il faut réinventer sans cesse. C'est le côté durable du développement durable.
Par exemple, les variétés de blé qui sont résistantes à la rouille et que le service de Gordon dans l'Ouest a trouvé au cours des années 1920 ne sont bonnes que pendant quelques années. Ensuite, le pathogène, c'est-à-dire le champignon, commence à s'adapter, veut survivre, et se débrouille pour avoir sa place au soleil. En quelques années, cette variété perd sa résistance, et l'équipe de Gordon doit aller étudier les nouvelles variétés de rouille qui émergent, et ils font une course contre la montre pour trouver une nouvelle variété qui soit résistante.
Je ne pense pas qu'en dehors de la communauté agricole, on comprenne que les inventions comme le blé résistant à la rouille ne durent pas éternellement. D'après les ouvrages, 70 p. 100 environ des fonds consacrés à la recherche agricole constituent des investissements durables. Cet argent sert uniquement à préserver les acquis que nous risquons de perdre si nous ne continuons pas à les développer.
Enfin, à mesure que nous changeons - je parle de tous les changements que vous avez décrits, monsieur Pickard - nous avons essayé de protéger l'aspect durable du développement durable. Par exemple, il y a 10 ans, près de 10 p. 100 de notre budget était consacré à la recherche sur les ressources - les sols, l'eau, le matériel génétique, l'air - c'est-à-dire le fondement sur lequel reposent toute l'agriculture et l'alimentation. Actuellement, 20 p. 100 de notre budget y est consacré.
Les compressions ont touché d'autres domaines, mais nous avons essayé de protéger celui-là, car nous pensons qu'il est spécifiquement canadien dans une grande mesure, et nous pensons que personne dans le secteur privé ne s'en occupera - je généralise un peu, mais d'une façon générale, personne ne le veut - parce qu'on ne peut en tirer aucun profit immédiat.
Je vous remercie, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Morrissey, pour ces excellentes observations.
Monsieur Calder, le temps presse.
M. Calder: Merci, monsieur le président. Je serai bref.
Monsieur Morrissey, je me souviens du bon vieux temps que j'ai passé avec les poules à l'époque où je campais à l'extérieur avec mon père pour m'assurer que l'animal à la queue à anneaux et portant un petit masque n'obtient pas plus que sa juste part. En effet, l'industrie a changé.
Ce que je constate dans le secteur agricole aujourd'hui, c'est que l'industrie est très variée.Ce document illustre ce phénomène, car il n'existe aucun ministère qui ne soit touché par l'agriculture. M. Easter et moi-même, nous nous sommes plaints du fait que le ministère de l'Agriculture a subi des compressions, mais il a également été touché par les compressions de tous les autres ministères. Notre industrie en a subi les frais.
En ce qui concerne la recherche, mes observations rejoignent celles que M. Reed et M. Chrétien ont exprimées tout à l'heure. Je me demande dans quelle mesure nous contrôlons notre propre destinée. Quand nous faisons de la recherche et du développement, nous devons obtenir l'aval du ministère de la Santé, du ministère de l'Environnement et d'une myriade d'autres ministères.
Je me demande dans quelle mesure nous contrôlons notre destinée. C'est un problème que je voudrais voir réglé. Je sais que l'on a pris des mesures dans ce sens. L'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire en est un bon exemple, car auparavant, nous devions passer par les ministères de la Santé, de l'Environnement et des Ressources naturelles. Actuellement, tout est regroupé dans un seul organisme. C'est un pas en avant.
L'autre problème est qu'à mon avis, nous assumons beaucoup de coûts en tant que producteurs, et il y a un avantage ultérieur découlant de la valeur ajoutée que nous n'avons vraiment aucun moyen de récupérer. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
M. Morrissey: Merci, monsieur le président. Une fois de plus, je me rends compte que le temps fait défaut. J'essayerai donc d'être bref.
Je vais parler rapidement de la diversification. À mon avis, nos activités sont diversifiées et deviennent beaucoup plus variées - le mouvement du soya et du maïs, la quasi-autosuffisance du Québec en petits grains, qui a accru la valeur des terres dans la province du simple fait que l'on puisse y cultiver ces plantes. Il en est de même dans l'Ouest. En plus du blé, on a maintenant le canola, les pois, le lin, et beaucoup d'autres plantes, et cette diversification nous donne une certaine stabilité économique. Nous ne dépendons plus d'une seule plante ni de la stabilité environnementale, car la rotation des cultures est beaucoup plus saine pour nos sols.
Pour ce qui est de savoir si un plus grand nombre d'organismes participent davantage que par le passé à l'homologation, par exemple, d'un produit agricole, je pense que Santé Canada y a toujours participé parce qu'une culture traditionnelle finit par être consommée comme un aliment. Santé Canada est toujours intervenu pour déterminer si les aliments étaient propres à la consommation. La biotechnologie ne change rien à cette situation.
Ce qu'il y a de nouveau, c'est l'apparition d'Environnement Canada conformément aux recommandations de la commission Glassco qui s'est tenue au milieu des années 1960, car dans ce pays, tout fait maintenant partie de l'environnement.
Par conséquent, quelle est la ligne de démarcation entre un ministère qui s'occupe de la production, notamment agricole, piscicole et forestière, et un ministère qui s'occupe des procédés, comme Environnement Canada? Ce n'est vraiment pas facile. Si vous poussez les choses à l'extrême, vous inclurez toutes les activités du pays dans l'environnement. Dans le cas contraire, vous pourriez permettre une certaine spécialisation dans des ministères comme celui de l'Agriculture.
À mon avis, ce qui est important dans tout cela, c'est qu'il y a à peu près quatre façons d'organiser un appareil gouvernemental, une organisation ou une compagnie: en fonction du produit, du procédé, de l'endroit et des gens. Une fois l'organisation terminée, vous ne pouvez plus rien. Vous ne pouvez pas organiser simultanément d'une façon différente.
Pour le meilleur et pour le pire, le gouvernement du Canada a tendance à s'organiser par produit - les pêches dans un ministère, les forêts dans un autre, les denrées alimentaires dans un troisième, et l'agriculture dans un quatrième - et il a donné à ces ministères tous les outils nécessaires pour offrir ces produits. Ainsi donc, tous les procédés nécessaires pour pratiquer l'agriculture ont été confiés au ministère de l'Agriculture. Nous n'avons pas de ministère de la biotechnologie, un ministère s'occupant d'un procédé. Nous avons un ministère s'occupant d'un produit - l'agriculture, les pêches et les denrées - et les procédés permettant d'offrir ces produits, notamment la biotechnologie, ont été confiés à ces ministères.
Ma seule suggestion est la suivante: en tant que parlementaires, lorsque vous déciderez de la manière d'organiser le Gouvernement du Canada, rappelez-vous tout simplement que vous ne pouvez pas organiser simultanément de quatre façons. Si vous organisez par produits, vous aurez alors des rapports très clairs par produits. Vous pourrez trouver au ministère de l'Agriculture votre produit et tous les procédés nécessaires pour l'offrir. Mais si vous organisez par procédés, il y aura du désordre. Les rapports seront difficiles. Vous aurez l'outil de la biotechnologie dans plusieurs ministères; vous aurez le procédé scientifique dans plusieurs ministères. On ne peut pas jouer sur deux tableaux.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Morrissey, monsieur Dorrell, monsieur Martel et madame Kenny, pour votre témoignage et vos commentaires d'aujourd'hui. Vous nous avez apporté beaucoup d'éclaircissements dans bien des domaines.
Monsieur Morrissey, avez-vous quelque chose à dire en guise de conclusion?
M. Morrissey: Non; je tiens simplement à vous remercier, monsieur le président, ainsi que les membres du comité, de nous avoir invités à comparaître.
Le président: Je vous remercie tous d'être venus ce matin.
Je demanderais aux membres du comité de rester ici. Nous allons maintenant tenir une séance à huis clos.