[Enregistrement électronique]
Le mercredi 6 novembre 1996
[Traduction]
Le président: Je déclare la séance ouverte. Je suis désolé du retard.
Je dois vous dire que, en raison d'un manque de communication, nos témoins d'aujourd'hui n'ont préparé qu'en anglais le texte de leur exposé, de sorte qu'il ne vous sera pas distribué, conformément aux souhaits du comité. Toutefois, il y a un tableau qu'ils tiennent à vous remettre. On est en train de le photocopier. Le personnel le traduira en bonne et due forme, et il vous sera remis pour que vous puissiez vous y référer.
Cela dit, nous allons poursuivre notre examen du projet de loi C-60, Loi sur l'Agence canadienne d'inspection des aliments.
Nos témoins d'aujourd'hui représentent les Fabricants de produits alimentaires et de consommation du Canada. Nous avons avec nous M. George Fleischmann, président et directeur général, et Laurie Curry, vice-présidente (Technique).
Oh! Je vois qu'il y a maintenant un troisième témoin. George, vous allez devoir nous le présenter.
M. George Fleischmann (Canadian Food, Beverage, Consumer Goods and Services Industry Coalition): Volontiers, monsieur le président.
Je vous présente donc M. Blaine Long, directeur d'usine chez General Mills Canada.
Le président: Merci.
Bienvenue, madame et messieurs. Nous vous invitons maintenant à nous livrer votre exposé.
M. Fleischmann: Monsieur beaucoup, monsieur le président.
Nous représentons la Canadian Food, Beverage, Consumer Goods and Services Industry Coalition. Il s'agit d'une coalition de quelque 25 associations canadiennes qui représentent diverses sociétés des secteurs de l'agro-alimentaire, des boissons ainsi que des biens et services de consommation. Une fois que le document aura été traduit et distribué, vous verrez la liste des25 associations qui font partie de cette coalition.
Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir donné l'occasion de discuter avec vous du projet de loi portant création de l'Agence canadienne d'inspection des aliments.
C'est une excellente idée que de vouloir créer une agence unique. C'est une nécessité que d'avoir une agence qui fonctionne bien. Notre groupe applaudit à l'intention du projet de loi C-60. Cette agence unique peut constituer un grand pas en avant. Sa création devrait permettre d'accroître l'efficacité et donner lieu à l'adoption d'une approche plus dynamique et plus logique. Telle est, à notre avis, l'orientation que devrait se donner cette agence.
Nous craignons toutefois fortement que l'agence décrite dans le projet de loi C-60 ait du mal à bien fonctionner.
Je dois dire, dès le départ, que nos craintes ne résultent nullement d'un manque de consultation. M. Ron Doering, le sous-ministre adjoint chargé de présenter ce projet de loi au nom du gouvernement, a fait un travail admirable de consultation auprès de nous tous. Je n'ai jamais vu un si bel effort de consultation. Malheureusement, il semble bien que très peu de gens ont écouté ce que nous avons dit dans le cadre de ces consultations.
Comme vous le voyez, nous sommes inquiets. Nous croyons que c'est une merveilleuse idée que de créer cette nouvelle agence, mais fonctionnera-t-elle aussi efficacement qu'elle le devrait? Si le projet de loi est adopté tel quel, ce ne sera pas le cas.
Nous nous posons des questions à maints égards. Par exemple, optera-t-on résolument pour un meilleur dialogue avec le secteur privé? S'y engagera-t-on dans la loi? Je ne vois rien de tel dans le projet de loi.
On y prévoit de lourdes peines en cas d'infractions relatives aux aliments, mais des peines dérisoires pour celles concernant les médicaments. Ce pourrait être fort inquiétant pour les fabricants. Quels mécanismes d'appel seront prévus? Je ne vois rien dans le projet de loi concernant les appels. L'Agence jouera-t-elle à la fois le rôle de juge, de jury et d'exécuteur?
Vise-t-on vraiment l'uniformisation à l'échelle nationale ou maintiendra-t-on des pouvoirs régionaux, deux options qui pourraient donner lieu à des différences dans l'établissement des priorités et dans les degrés d'exigences relatifs au respect de la loi?
Je vous donne ces exemples, mais nous ne sommes pas ici aujourd'hui pour en discuter. Si nous sommes ici, c'est premièrement parce que nous craignons surtout que le projet de loi, tel que libellé actuellement, ne permette pas à la haute direction de l'Agence d'exercer son leadership avec autant d'efficacité qu'elle le devrait.
Deuxièmement, nous estimons que le projet de loi ne répondra pas aux attentes, parce qu'à notre avis il ne permettra pas de diminuer le coût des services. Autrement dit, les fonctions de vérification et d'inspection seront exécutées sensiblement de la même façon que maintenant, et les intéressés n'auront pas la possibilité de proposer l'adoption de nouveaux mécanismes innovateurs.
Troisièmement, nous appréhendons des guerres de pouvoirs paralysantes. Le projet de loi C-60 ne dit pas quelle forme prendra la collaboration entre les ministères concernés. Nous sommes particulièrement inquiets de la façon dont l'Agence canadienne d'inspection des aliments travaillera avec Santé Canada. Je crois avoir lu un paragraphe, vers la fin du projet de loi, à propos des responsabilités variables de l'Agence par rapport au ministère.
Enfin, nous appréhendons, de la façon dont le projet de loi est actuellement libellé, que les activités de l'Agence soient extrêmement vulnérables aux considérations politiques.
Je vais d'abord vous parler de l'autorité de l'Agence. Il faudrait que la haute direction de l'Agence puisse exercer un leadership efficace. Nous croyons qu'il aurait été primordial que le projet de loi comporte une description du rôle, de la fonction et des tâches du DG de l'Agence, mais il n'en est rien. De même, les exigences des postes de président, de vice-président ou encore de membre du comité consultatif chargé de conseiller le ministre ne sont pas précisées dans le projet de loi.
Il s'impose que la nouvelle agence s'administre d'excellente façon. Compte tenu de l'ampleur de ses responsabilités, cela est absolument essentiel. La haute direction et les membres du comité consultatif devraient idéalement être des personnes éminemment compétentes, choisies sans égard à leurs allégeances politiques. Les membres du comité consultatif devraient être choisis en fonction de leur expérience et de leur connaissance des divers secteurs de la chaîne d'approvisionnement alimentaire. Étant donné que l'Agence sera chargée de l'inspection des produits alimentaires tant à l'état brut que traités, il est essentiel que les différents secteurs de l'industrie y soient bien représentés.
Dans sa forme actuelle, le projet de loi ne garantit rien de tout cela. Les exigences précises de tous ces postes devraient y être décrites pour assurer un leadership apolitique, compétent, hautement efficace. Les membres du comité consultatif devraient être des experts, et s'ils le sont, ils devraient pouvoir être proactifs. Or, le projet de loi attribue au ministre l'entière responsabilité des travaux du comité consultatif, ce qui limite d'autant et inutilement la marge de manoeuvre de ce comité consultatif. Des conseillers authentiquement au fait de ces questions devraient évoluer dans une structure où ils se sentent libres de poser les problèmes et de proposer des solutions. S'ils sont vraiment des experts, donnons-leur la chance d'être proactifs.
Un conseil d'administration aurait été considérablement plus efficace qu'un comité consultatif. C'est en vain que nous en avons fait, à plusieurs reprises, la recommandation à Ron Doering et que nous en avons discuté avec le sous-ministre de l'Agriculture. Compte tenu du fait que la nouvelle agence devra assurer l'application de 11 lois et compte tenu de l'étendue des compétences requises pour bien la diriger, il aurait été de beaucoup préférable qu'elle puisse compter sur un conseil d'administration à temps plein, responsable et proactif. Un comité consultatif à temps partiel ne sera pas en mesure de bien s'acquitter de ces fonctions.
Il ne semble pas qu'on veuille vraiment mettre l'industrie à contribution. Je ne vois rien dans le projet de loi qui reconnaisse le principe voulant que l'utilisateur-payeur ait voix au chapitre. Si nous avions un conseil d'administration, il serait en mesure de revoir annuellement le plan d'entreprise quinquennal dont il est question dans le projet de loi.
Passons maintenant au deuxième point qui nous préoccupe: la possibilité de diminuer les coûts de vérification et d'inspection. Nous aurions espéré que l'un des principaux objectifs du gouvernement soit de se délester de certaines tâches pour les faire exécuter par des tiers, plus efficacement et à moindre coût pour l'industrie.
Malheureusement, le projet de loi C-60 ne garantit pas qu'on adoptera des méthodes de vérification plus efficaces. Dans le passé, les inspecteurs de divers ministères et de divers paliers de gouvernement inspectaient les produits un à un. Mais notre industrie s'oriente maintenant vers l'adoption de systèmes de certification de la salubrité du genre de l'HACCP, système de l'Analyse des risques et de la maîtrise des points critiques, et de l'ISO. Cette évolution forcera les inspecteurs de l'Agence à s'employer à vérifier les résultats obtenus par ces méthodes plutôt que de continuer d'inspecter les produits un à un, ce qui est vraiment trop coûteux. Un peu partout dans le monde, on adhère aux systèmes ISO et HACCP en matière de contrôle de la qualité et d'inspection.
Cette tendance à opter pour de tels systèmes devrait normalement se traduire par une plus grande efficacité tant sur le plan de la salubrité des aliments que de la production. Malgré cette tendance très positive, examinons les deux rôles qu'on réserve à Santé Canada. Le projet de loi prévoit que les deux rôles de Santé Canada seront d'établir les normes de salubrité des aliments et d'évaluer l'efficacité avec laquelle l'Agence applique ces normes, autrement dit, d'effectuer la vérification. Ce rôle de vérification pourrait représenter pour Santé Canada son seul moyen d'entrer de nouveau dans les usines et d'y maintenir des inspecteurs, et partant, de prendre tous les moyens nécessaires pour assurer la salubrité des aliments. Autrement dit, pour maintenir son autorité, Santé Canada pourrait peut-être faire davantage qu'il n'est requis de le faire. Si, au lieu de faire appel à des inspecteurs, nous optons pour des systèmes de contrôle de la qualité comme ISO et HACCP, le rôle de l'Agence canadienne d'inspection des aliments sera certes de vérifier l'efficacité de ces méthodes.
Que fera alors Santé Canada? Vérifiera-t-il les vérificateurs? Nous aurions du mal à comprendre cela. On peut fort bien imaginer que dans l'avenir Santé Canada envoie ses vérificateurs dans les usines pour vérifier la vérification effectuée par l'Agence. Il faut trouver mieux que cela. Faisons l'impossible pour éviter les coûts inutiles et l'inefficacité qu'entraîneraient le double emploi et les vérifications superflues par Santé Canada.
On pourrait réduire le coût des services d'inspection. Essentiellement, le projet de loi fera de l'Agence le seul fournisseur de services obligatoires, et il contient de nombreuses dispositions concernant les prix des services.
J'ai lu le projet de loi. Il renferme 94 articles, dont 7 traitent des modalités relatives à la facturation destinée à faire financer les services par leurs utilisateurs. Dans aucun des articles il n'est question d'un comité d'utilisateurs ou d'une procédure permettant aux utilisateurs de proposer à l'Agence des moyens d'améliorer les processus.
Nous pourrions nous servir de cette occasion pour mettre en place un système plus efficace et réduire les coûts pour le gouvernement et l'industrie. Le Canada pourrait recourir à des organismes accrédités en matière d'inspection pour fournir de nombreux services d'inspection. Nous devrions profiter de cette possibilité pour laisser jouer la concurrence. Le projet de loi ne prévoit rien qui favorise le jeu de la concurrence, et je crois que si M. Long en a la possibilité, il nous précisera comment à cet égard sa société a su tirer parti de la situation.
Nous appréhendons une hausse des prix sans consultation. Le projet de loi prévoit que le ministre sera tenu de consulter les parties intéressées avant de fixer un prix et que tout changement de prix devra être publié dans la Gazette du Canada. Mais il ne précise pas s'il s'agit de la Partie I, qui permettrait aux parties intéressées de donner leur opinion, ou de la Partie II, qui donne avis des lois sanctionnées. Le défaut de permettre aux partenaires commerciaux de formuler leurs commentaires pourrait constituer pour le Canada un manquement à ses obligations aux termes de l'ALENA et de l'accord de l'OMC.
Vu que le projet de loi est axé sur le principe du recouvrement des coûts, nous craignons également que les coûts soient augmentés sans rigueur et sans adhésion aux lignes directrices du Conseil du Trésor. D'après notre expérience, les mots peuvent fort bien être très prometteurs sans que pour autant la rigueur et le respect des principes suivent.
Permettez-moi de faire ressortir un aspect. On nous a donné l'assurance qu'il n'y aurait pas d'autres recouvrements de coûts dans ce domaine pour l'exercice 1997-1998. Toutefois, nous avons appris qu'en raison de rivalités entre les ministères, le transfert de personnel vers l'Agence ne s'accompagnera pas nécessairement du transfert des postes budgétaires correspondants.
Laissez-moi seulement vous expliquer un peu mieux ce qu'il en est, car il y a longtemps, j'ai été également fonctionnaire ici même à Ottawa. Ce qui se produit, c'est que lorsqu'on effectue un transfert, il y a en cause une composante salariale correspondant aux années-personnes qui sont transférées. Il va sans dire qu'en l'occurrence ces transferts doivent se faire en faveur de l'Agence, mais dans quelle mesure les budgets d'exploitation qui correspondent à ces postes seront-ils vraiment transférés à l'Agence par chacun des trois ministères concernés? Le savons-nous? Y a-t-il transparence? Ne nous a-t-on jamais renseignés à ce sujet? La réponse est non, nous n'en savons rien.
Par conséquent, peut-être que l'Agence ne recouvrera pas ses coûts l'an prochain, mais absolument rien ne l'empêchera l'année d'après de recouvrer ses coûts comme bon lui semblera pour combler le fossé créé par le défaut de ces trois ministères d'avoir transféré les fonds correspondant aux postes qu'ils transféraient. Il s'agit des ministères des Pêches, de la Santé et de l'Agriculture.
Il y a un autre point que nous tenons à souligner. Santé Canada propose que soient publiées dans la Gazette du Canada, Partie II, les modifications se rapportant au transfert des règlements relatifs aux prix des médicaments de la Loi sur la gestion des finances publiques à la Loi sur le ministère de la Santé. Cela donnerait au gouvernement un moyen de revoir toute décision de gel de prix en recourant à un décret ministériel portant modification de prix. La conséquence pour ceux qui payent la note, c'est que le gouvernement serait moins formellement tenu de les consulter avant de modifier les prix. Voilà le genre de chose qui nous inquiète au plus haut point.
Le troisième point concerne les guerres paralysantes de pouvoirs. N'y aurait-il pas moyen d'éviter ce partage des responsabilités et la confusion qui en résulte? Définissons précisément ce que Santé Canada fera et ne fera pas, et ce que l'Agence canadienne d'inspection des aliments fera et ne fera pas. Le projet de loi prévoit que Santé Canada exercera un rôle directeur dans l'établissement des règles de salubrité des aliments, et que l'Agence s'en tiendra à un rôle secondaire. Il y est également stipulé que Santé Canada jouera le rôle d'autorité compétente en matière de respect des règles internationales concernant la salubrité des aliments, alors que l'Agence y jouera un rôle subsidiaire. Mais le problème, c'est de définir où finit le rôle directeur et où commence le rôle subsidiaire. Ce n'est pas défini dans le projet de loi.
Étant donné que Santé Canada ne dispose que de ressources humaines fort limitées, l'Agence élargira probablement son champ d'action. Ces rôles doivent être clarifiés, pour que nous puissions établir une démarcation entre les activités de Santé Canada qui établit les normes et celles de l'Agence qui a pour mandat de les faire appliquer. Ce qui est proposé dans le projet de loi engendre dans les industries réglementées une confusion et une incertitude que la création d'une agence unique devrait normalement contribuer à faire disparaître.
Enfin, le quatrième point est relatif à la vulnérabilité de l'Agence face aux considérations d'ordre politique. Nous avons déjà traité de ce qui nous préoccupe avant tout à cet égard. C'est la nécessité d'une description de tâches très précise pour chacun. Cela assurerait que le besoin dans l'avenir d'un leadership hautement compétent sera comblé et non compromis par des considérations politiques.
Notre deuxième inquiétude à cet égard concerne l'autonomie de la nouvelle agence. L'Agence sera-t-elle immunisée contre le parti pris traditionnel d'Agriculture et Agro-alimentaire Canada en faveur des producteurs? Il y a plus de 15 ans, j'étais sous- ministre adjoint principal dans ce ministère. Nous en étions encore à essayer de convaincre les transformateurs que nous allions enfin travailler pour eux autant que pour les agriculteurs. Ce que nous craignons, c'est que, malgré toutes les belles paroles, nous n'en ayons pratiquement encore que pour les producteurs du secteur primaire.
Notre troisième inquiétude sur ce plan a trait à l'attribution au ministre du pouvoir d'ordonner des rappels. Ce pouvoir n'améliore en rien la salubrité des aliments, mais crée plutôt un outil d'application de la loi fortement exposé aux pressions politiques. À cet égard, notre système actuel est très efficace. Les fabricants se chargent eux-mêmes de la procédure de rappel sous l'étroite surveillance du gouvernement. Les consommateurs sont protégés, et les fabricants peuvent s'employer à maintenir la réputation de leurs produits tout en se conformant à ces exigences. Le succès de cette approche bien établie explique en partie le climat de compréhension mutuelle qui existe entre le gouvernement et l'industrie.
Quoi qu'il en soit, les pouvoirs de saisie prévus dans presque toutes les lois concernant les aliments et l'agriculture suffisent amplement à refréner et à contrôler l'écoulement d'un produit qu'un fabricant serait réticent à rappeler volontairement, ce qui, à notre connaissance, ne s'est jamais produit.
De grâce, gardons dans la loi le pouvoir d'ordonner les rappels et tenons-le à distance de tout risque d'ingérence politique. Le projet de loi prévoit que le ministre pourra ordonner des rappels. Nous ne sommes pas favorables à ce que le ministre détienne ce pouvoir. Cette nouveauté n'aidera en rien, et elle n'est pas justifiée.
Comme vous pouvez le constater, nous sommes donc vivement inquiets du risque que la haute direction de l'Agence n'omette de passer de la laborieuse inspection au jour le jour aux systèmes de contrôle de la qualité et ne perde ainsi toute chance de diminuer les coûts d'inspection. Nous appréhendons de potentielles guerres de pouvoirs paralysantes entre Santé Canada et l'Agence en raison de l'imprécision de leurs rôles respectifs. Enfin, nous craignons que l'Agence ne soit vulnérable aux ingérences politiques.
Encore une fois, j'espère que vous allez nous pardonner de n'avoir pas eu la traduction française. Le greffier ne nous a mis au courant de cette exigence qu'il y a environ 24 heures. La traduction française vous sera remise.
Ce avec quoi j'aimerais conclure mon exposé, c'est ce document, et j'aimerais qu'il vous soit distribué. L'avez-vous en main?
Le président: Non. Vous avez gardé les copies de ce document. Nous en avons une en français, mais le reste d'entre nous ne l'ont pas en anglais. Pourriez-vous nous obtenir des copies de la version anglaise?
Verriez-vous un problème, monsieur Chrétien, à ce que la version anglaise en soit distribuée? Plutôt que de fouiller le texte pour trouver ces données, nous pourrions simplement nous servir de ce tableau.
D'accord. Nous allons simplement aller à cette page. Auriez-vous l'obligeance d'en distribuer des copies, Laurie.
M. Fleischmann: Monsieur le président, pendant que Laurie fait la distribution, je dois vous dire que j'ai été très étonné du contraste entre l'expérience que nous avons vécue avec le gouvernement fédéral et ce que le gouvernement ontarien a fait.
Je n'en savais rien jusqu'à il y a une semaine. On a alors porté ce fait à mon attention. Le gouvernement ontarien, tout comme le gouvernement fédéral, doit réduire ses dépenses et diminuer sa taille. On y a déjà réduit de moitié OMAFRA, le ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation et des Affaires rurales. Une des choses que le gouvernement ontarien a faites a été de former une agence, qui s'apparente de très près à l'Agence canadienne d'inspection des aliments, pour examiner les réclamations d'assurance-récolte des agriculteurs et effectuer l'inspection des légumes. On y a donc créé une agence qu'on a appelée AgriCorp.
Là, je vous demande de bien regarder. On constate ici que le directeur général ne relève pas du ministre. Il rend compte à un conseil d'administration, un vrai. De qui est composé ce conseil d'administration? C'est très intéressant. Il compte six membres, dont cinq viennent du secteur agricole, puisque les cinq sixièmes du travail ont trait à l'inspection des récoltes, et un vient du secteur agro-alimentaire et s'occupe de l'inspection des légumes.
C'est le ministre qui nomme les membres du conseil sur la recommandation de l'industrie. En d'autres termes, le ministre Villeneuve, le ministre ontarien de l'Agriculture, recevra des propositions de candidatures du milieu agricole et du secteur de la transformation. À partir de ces suggestions, il désignera les membres du conseil.
Le directeur général relèvera du conseil. Il va sans dire que le ministre demeure toujours le premier responsable, mais voyez comment on fait les choses. Concrètement, les utilisateurs sont vraiment en position de travailler en collaboration avec le directeur général pour obtenir les meilleurs résultats possibles. J'aimerais vous lire ce petit paragraphe où l'on décrit la mission d'AgriCorp.
- Le conseil d'administration d'AgriCorp et ses gestionnaires ont pour mission de fournir aux
entreprises agro-alimentaires des services visant à répondre aux besoins des clients et de
l'industrie.
Ayant parlé près de 20 minutes, je crois que je vais m'arrêter ici.
Le président: Merci, monsieur Fleischmann.
Monsieur Long, auriez-vous des commentaires à formuler? M. Fleischmann a dit que vous en auriez peut-être.
M. Blaine Long (Canadian Food, Beverage, Consumer Goods and Services Industry Coalition): Oui, j'aimerais simplement vous expliquer un peu le processus de recours à une tierce partie, dont M. Fleischmann vous a parlé.
À mon usine, nous fabriquons des Cheerios, un produit non réglementé, contrairement à la viande. Nous nous soucions au moins autant de la salubrité de nos produits et de la sécurité de nos consommateurs que n'importe quel inspecteur, qu'il soit au service du gouvernement fédéral ou provincial. Notre procédure est très rigoureuse. Elle est soumise à des contrôles internes. Chaque jour, nos contrôleurs de la qualité sont au travail. Il est également entendu que nos vérificateurs d'entreprise doivent s'amener sans prévenir et effectuer d'eux-mêmes une inspection complète.
Pour être certains de ne rien oublier et de faire ce qui doit être fait, nous avons conclu un contrat avec une tierce partie. Les vérificateurs se présentent, encore là, sans s'annoncer. Ils s'amènent à ma porte un bon matin à 9 heures et me disent qu'ils vont inspecter mes installations. Cela équivaut essentiellement aux inspections faites par des fonctionnaires fédéraux, sauf que je trouve ces inspecteurs un peu plus rigoureux que les inspecteurs fédéraux. À la fin, on nous remet un rapport d'évaluation, qui identifie s'il y a lieu les principaux problèmes qui se posent, auquel cas, nous veillons à prendre les mesures nécessaires pour corriger la situation.
Je vous assure que nous sommes très sensibles aux conclusions de cette tierce partie. J'aurais du mal à comprendre pourquoi nous ne pourrions pas produire à un inspecteur fédéral qui nous rend visite une attestation de conformité émise après l'inspection de nos installations par notre tierce partie, un organisme reconnu pour sa compétence en la matière. Cette procédure pourrait tenir lieu d'inspection.
Nous trouvons cette procédure très efficace. Nous entendons la maintenir, quels que soient les systèmes d'inspection qu'on établira par ailleurs.
Le président: Monsieur Long, avez-vous expliqué comment dans votre cas cette tierce partie a été choisie?
M. Long: Nous l'avons choisie nous-mêmes parmi les membres d'un organisme international. Les nôtres n'ont pas encore l'accréditation de l'ISO, mais ils s'emploient à l'obtenir. C'est le genre d'agence qui, si elle était accréditée, pourrait être engagée par le gouvernement. Nous recourons à celle-là, mais elle a plusieurs compétiteurs qui offrent des services similaires. C'est celle que nous avons choisie pour inspecter nos produits.
Le président: Très bien, merci.
Monsieur Chrétien.
[Français]
M. Chrétien (Frontenac): Monsieur Fleischmann, madame Curry, monsieur Long, merci d'être venus témoigner cet après-midi, d'autant plus que vous n'aviez été prévenus de votre comparution devant le comité que 24 heures auparavant.
Dès le départ, monsieur Fleischmann, vous nous avez dit que vous étiez d'accord sur l'esprit du projet de loi C-60, mais durant les 20 minutes pendant lesquelles vous avez parlé du projet de loi C-60, je n'ai pas entendu beaucoup de louanges à ce sujet, spécialement concernant les nominations du président, du premier vice-président et des membres du comité consultatif. Vous allez m'éclairer.
Vous étiez sous-ministre adjoint au ministère de l'Agriculture. Est-ce que vous avez oeuvré longtemps à ce ministère? Pouvez-vous me dire quand vous avez été nommé et quand vous avez quitté votre fonction?
[Traduction]
M. Fleischmann: J'ai été sous-ministre adjoint principal au ministère de l'Agriculture de 1978 à 1980. J'ai laissé ce poste en 1980.
[Français]
M. Chrétien: Ça fait donc deux ans. Vous avez insisté sur le fait qu'il fallait nommer les personnes les plus compétentes et qu'il fallait veiller à ce que le pouvoir politique, dans l'esprit du projet de loi, ne puisse gêner le travail de l'agence.
J'ai donc compris que vous critiquiez la façon de procéder aux nominations, ce que je m'efforce de faire moi-même depuis le début de l'étude du projet de loi C-60. Demain matin, nous allons entendre le point de vue syndical. Pendant un certain temps, on va supprimer les obligations formelles lorsqu'on embauche des fonctionnaires, et le comité consultatif, à l'encontre du premier vice-président et du président, pourra nommer des employés «à la tonne» à la nouvelle agence. Je suis, bien sûr, contre ça.
Ma crainte, c'est qu'on ouvre ici la porte toute grande au patronage. Lorsqu'il y a du patronage, on ne recrute pas nécessairement parmi les meilleurs candidats. Depuis neuf mois, on a vu des nominations décidées par le présent gouvernement qui ont donné lieu à des démissions. Quelquefois, on force même les démissions à plus ou moins long terme.
Vous avez abordé ce problème. Quelles sont les suggestions que vous feriez au gouvernement pour procéder à ces nominations, et ensuite, est-ce que le schéma proposé vous convient? Vous nous avez montré celui de l'Ontario qui est différent, bien sûr, mais est-ce que l'organigramme que l'on retrouve dans le projet de loi C-60 vous convient?
[Traduction]
M. Fleischmann: Je ne voudrais pas élargir le débat au-delà du projet de loi C-60 et l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Je ne veux formuler aucun commentaire sur quoi que ce soit d'autre, et je veux que ce soit bien clair.
Ce qui m'intéresse, c'est le succès et l'efficacité de cette agence, et rien d'autre. Mais en ce qui concerne l'Agence, je ne peux que convenir avec vous, monsieur, qu'un comité consultatif faible, dirigé par le ministre, n'est certainement pas ce qu'il nous faut. Le projet de loi ne contient même pas une seule description de tâches.
Il est d'importance capitale pour le Canada et pour l'efficacité de notre industrie que celle-ci participe de très près aux activités de cette agence. Après tout, l'industrie utilisera ses services et en assumera le coût.
J'aimerais ajouter quelque chose à ce que M. Long a dit, car je ne crois pas que ce point ait été suffisamment bien compris. Les sociétés qui ont des produits à vendre ont tellement investi dans leurs marques prestigieuses nationales que s'ils perdaient la confiance de la population pour des questions de salubrité, il leur en coûterait des millions et des millions de dollars.
Comme M. Long l'a signalé, la plupart de nos sociétés exercent un contrôle de la qualité supérieur à ce qu'exige le gouvernement. Sachant cela, il aurait été sensé de la part du gouvernement de faire participer davantage l'industrie aux activités de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, et je ne vois rien de cette nature dans le projet de loi.
[Français]
M. Chrétien: Monsieur le président, je voudrais revenir à la guerre des pouvoirs. J'ai quasiment sursauté sur ma chaise quand vous avez mentionné à plusieurs reprises les guerres de pouvoir, les esprits mal tournés et les querelles de clocher entre Santé Canada, Agriculture Canada, Pêches et Océans et le ministre. Ne vaudrait-il pas mieux conserver le statu quo pour éviter justement des guerres de pouvoir? Les guerres de pouvoir sont inévitables, mais si on décide de créer cette agence, quelles sont vos suggestions au gouvernement pour qu'il y ait le moins de guerres de pouvoir possible?
[Traduction]
M. Fleischmann: Je dois dire que ce n'est pas là le sens général que j'ai voulu donner à mes propos. Ce qui m'inquiète d'abord, c'est que les rôles premiers et subsidiaires respectifs de Santé Canada et de l'Agence en ce qui a trait à la vérification ne soient pas convenablement définis, ce qui pourrait engendrer des affrontements. C'est un aspect qui nous inquiète.
Ma deuxième préoccupation est le manque de transparence. On ne dit nulle part dans quelle mesure les budgets de fonctionnement et d'acquisition de biens de chacun de ces trois ministères seront transférés à l'agence unique d'inspection des aliments. Les budgets transférés à l'Agence représenteront-ils vraiment l'équivalent de ce que ces ministères dépensaient pour assumer les responsabilités dont ils seront délestés?
Je tiens à dire cependant que, comme je l'ai d'ailleurs signalé au début de mon exposé, je n'en crois pas moins que la création d'une agence unique d'inspection des aliments au Canada est une très bonne idée en ce sens qu'elle unira en un seul les divers systèmes d'inspection existants. Il est à espérer qu'avec le temps l'existence de cette agence mènera également à l'amalgamation des procédures d'inspection fédérales, provinciales et municipales. Certaines de nos usines reçoivent la visite de centaines d'inspecteurs au cours d'une même année.
[Français]
M. Chrétien: Je voudrais dire une dernière chose, monsieur le président.
J'ai pris note que vous pensez qu'il pourrait y avoir des dédoublements de service et qu'on pourrait éventuellement augmenter, sans consultation, les frais des transformateurs.
Dans un comité, la semaine dernière, on nous disait qu'on recouvrerait 20 p. 100 des coûts, que l'industrie paierait 20 p. 100, et qu'une partie de nos taxes paierait les autres 80 p. 100. De toute façon, directement ou indirectement, c'est nous qui payons lesdits services.
Comment pouvez-vous affirmer qu'on pourrait augmenter le coût des inspections de 1 p. 100 par année? Si on l'augmentait selon le coût de la vie, je pense qu'on n'aurait pas de critiques à émettre puisque ce serait 1 p. 100 par année. Même si on reste cinq ans sans l'augmenter, une augmentation de 5 p. 100 serait facilement acceptée.
Alors, pourquoi craignez-vous que le gouvernement augmente le coût des inspections de façon dramatique sans consulter l'industrie ni les consommateurs?
[Traduction]
M. Fleischmann: Pour deux raisons.
D'abord, tout ce qu'on nous en a dit, c'est qu'il n'y aurait pas de recouvrement de coûts pour l'exercice 1997-1998. On ne nous a rien dit d'autre. Je crains qu'on en vienne à accentuer le recouvrement des coûts au fur et à mesure de l'accroissement des pressions sur l'Agence, surtout si rien ne l'incite à utiliser des moyens plus efficaces, comme les systèmes de contrôle de la qualité, à la place des pénibles inspections quotidiennes de chacun des produits.
M. Long: Monsieur le président, puis-je ajouter quelque chose?
Dans le projet de loi, à l'article 24, il est dit que le ministre peut fixer le prix à payer pour la fourniture des services par l'Agence, et vient ensuite une disposition prévoyant que le prix fixé ne peut excéder les coûts supportés pour la fourniture de ce service. Nulle part il n'est question de « prix compétitifs » ou de « ce qu'il en coûterait en recourant à d'autres moyens ». Indépendamment de ce qu'il en coûtera au gouvernement pour nous fournir ces services qui nous sont imposés par voie de règlement, le gouvernement pourra à loisir en fixer le prix en fonction de ce qu'il lui faudra pour recouvrer intégralement ses coûts, plutôt que de s'en tenir au 20 p. 100 dont M. Chrétien a parlé.
Le président: D'accord.
Il existe un document - et je crois que c'est un document public, monsieur Fleischmann - sur le projet d'alignement des entreprises. Avez-vous pris connaissance de ce document? Vous avez dit à quelques reprises que vous n'aviez pas vu les chiffres concernant le nombre d'employés qui seront transférés, ce qui serait transféré, et les crédits budgétaires qui suivront, mais vous dites maintenant que vous avez vu le document qui renferme ces chiffres.
M. Fleischmann: Je vais demander à Mme Curry de répondre à votre question.
Mme Laurie Curry (Coalition des fabricants de produits alimentaires et de consommation du Canada): Ce qui nous inquiète, ce n'est pas que les postes n'ont pas été identifiés par rapport à un total de 44 millions de dollars. Ce qui nous préoccupe, c'est le point où l'on en est dans les transferts.
Le président: Vous êtes inquiets de l'état des transferts à ce moment-ci.
Mme Curry: Tout à fait. Nous savons quels sont les objectifs, mais savons-nous où on en est?
Le président: Voilà la question. Très bien.
Monsieur Hermanson.
M. Hermanson (Kindersley - Lloydminster): Merci, monsieur le président.
Merci, madame Curry, M. Fleischmann et M. Long, d'avoir accepté de comparaître devant nous. Vos exposés ont suscité chez moi une longue liste de questions que j'aimerais vous poser, et je vais vous les soumettre une à une le plus rapidement possible.
Vous avez parlé d'un service d'inspection contrôlé par l'industrie, ou d'un service d'inspection indépendant. Vous avez dit que ce service était compétitif, qu'il comportait un certain nombre de volets, que vous pouviez choisir les inspecteurs, et que ce service s'était révélé efficace et productif. Vous me semblez croire que ce service est peut-être même supérieur à celui qu'on s'apprête à mettre en place dans ce cas-ci, et qu'à tout le moins, il y aurait lieu de prendre garde d'éviter le double emploi, car vous avez déjà vos propres services d'inspection de toute façon.
Pourquoi estimez-vous que ces services peuvent effectuer efficacement et à meilleur coût le travail qu'accomplirait un éventuel service d'inspection gouvernemental? De quel mécanisme dispose-t-on pour les obliger à rendre compte? Qu'est-ce qui vous garantit que les inspections sont fiables et qu'on n'offrira aux Canadiens que des produits alimentaires salubres?
M. Fleischmann: Je pense que le gouvernement se réserve toujours le droit de vérifier comment le secteur privé s'acquitte des responsabilités qui lui sont confiées.
Je vais vous donner un exemple, monsieur Hermanson. Il y a cinq ou six ans, le gouvernement a décidé de se retirer du domaine de l'approbation préalable des messages publicitaires. Il a confié cette responsabilité à un groupe du secteur privé connu sous le nom de Fondation canadienne de la publicité. Mais jusqu'à présent, le gouvernement n'en a pas moins continué de vérifier le travail de la Fondation.
De même, indépendamment de l'organisme à qui serait confiée l'inspection ou la certification, ou même le contrôle de la qualité, je pense que le gouvernement se réservera toujours le droit de vérifier comment s'effectue le travail et de retirer à l'organisme en question cette responsabilité s'il juge que le travail ne se fait pas adéquatement et efficacement.
M. Hermanson: Mais comment cette option contribuerait-elle à réduire les coûts? Quelles conséquences aurait cette option sur le ministère? Si vous pouviez exercer ce contrôle de la manière dont vous l'entendez, en faisant appel à des services d'inspection indépendants, vérifiés, surveillés et réglementés par le gouvernement fédéral, quel serait alors le budget de l'agence fédérale d'inspection des aliments? Et combien cela coûterait-il en fin de compte à votre industrie, aux consommateurs et aux producteurs?
M. Fleischmann: Je crois que ce serait très difficile à établir. Nous ne le savons pas, parce que nous n'avons jamais eu l'occasion d'envisager cette option. Mais étant donné que le monde entier se tourne de plus en plus vers d'autres systèmes de contrôle de la qualité, comme l'ISO et l'HACCP, les coûts seront considérablement moindres, car au lieu de vérifier chaque produit, on en inspectera ponctuellement 1 sur 100 ou 1 sur 1 000. Et si la méthode est efficace - et il semble que ce soit le cas - elle devrait permettre de réaliser d'importantes économies. Actuellement, les services d'inspection coûtent des centaines de millions de dollars.
Il y a une autre chose qu'il importe de garder à l'esprit. Si jamais nous parvenions à abaisser les coûts, nous donnerions au secteur agro-alimentaire canadien un énorme avantage concurrentiel.
M. Hermanson: Merci. Nous convenons certes avec vous qu'il faut essayer d'éviter et de réduire les coûts avant de songer à les recouvrer.
Vous avez abordé brièvement la question d'une hypothétique uniformisation des méthodes d'inspection par opposition au maintien de méthodes différentes selon les régions. Nous savons que les provinces ont aussi des services d'inspection alimentaire. Il y a des chevauchements et du double emploi dans les services d'inspection. Je n'ai pas trop bien compris si, dans vos commentaires, vous disiez préférer qu'on crée une agence nationale qui imposerait des normes uniformes aux abattoirs, par exemple, qu'ils soient de la Saskatchewan, de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick ou d'ailleurs, ou si vous disiez que la diversité des méthodes selon les régions était une bonne chose et que peut-être le gouvernement fédéral devrait prendre un peu ses distances par rapport aux services d'inspection.
M. Fleischmann: Nous n'estimons certes pas que l'existence de différents niveaux d'inspection est une bonne chose. Nous souhaiterions que tous les services d'inspection relèvent d'une même agence nationale. Je ne pense pas que l'uniformisation des services d'inspection se fera très bientôt, mais en raison des pressions qui s'exercent sur les autres ordres de gouvernement, ceux-ci ne pourront que songer à adhérer à l'Agence canadienne d'inspection des aliments, si c'est possible.
Permettez-moi de vous donner un exemple. Hier, le sous-ministre de l'Agriculture de l'Ontario, M. Ken Knox, m'a dit que son ministère aimerait bien se joindre à l'Agence canadienne d'inspection des aliments pour l'inspection des viandes. Le problème, c'est qu'il en coûterait30 p. 100 plus cher de confier cette tâche à l'agence fédérale plutôt qu'aux inspecteurs ontariens.
M. Hermanson: Mais la viande ne sera-t-elle pas inspectée par l'agence fédérale de toute façon? Pourquoi une province aurait-elle besoin de maintenir son service d'inspection?
M. Fleischmann: Il y a différents services d'inspection aux niveaux fédéral et provincial, mais ils pourraient être amalgamés.
M. Hermanson: Mais préféreriez-vous que l'inspection soit faite uniquement par cette agence fédérale, ou aimeriez-vous mieux qu'elle soit assurée par le gouvernement provincial - si celui-ci peut le faire à meilleur coût - et que le gouvernement fédéral se contente de vérifier et de surveiller le travail de ce service d'inspection?
Mme Curry: Ce que nous voudrions, c'est qu'il n'y ait qu'un seul service d'inspection. Même quand nous en étions à l'étape des discussions initiales, nous n'avons jamais appuyé une option particulière. Nous avons proposé des objectifs que l'Agence devrait chercher à atteindre. Notre principal souci était de réduire le nombre d'inspections dans les usines et d'éliminer le double emploi. En réalité, quand nous nous sommes demandé à qui devrait être confiée cette responsabilité et s'il serait souhaitable de faire appel à une agence de l'extérieur, nous n'avions initialement pas de préférence. Nous nous sommes surtout efforcés de défendre des principes. Nous demeurons en faveur de l'existence d'un seul service d'inspection.
M. Hermanson: On m'a dit que pour inspecter une usine de traitement des viandes au Canada, il fallait, je pense, - je ne suis pas sûr du chiffre - 28 inspecteurs qui se relaient. Aux États-Unis, pour inspecter une usine similaire, il en faut trois. Pouvez-vous nous confirmer que ce genre de statistique est fondé, ou s'agit-il d'un chiffre lancé au hasard?
Mme Curry: Il me semble concorder avec ce que nous ont dit certaines associations d'autres secteurs.
Le président: Monsieur Hermanson, quelle était la taille de cette usine?
M. Hermanson: C'était une importante usine de traitement...
Le président: Répétez-vous ce que vous avez entendu? Pour être certains que nous vous comprenons bien, voulez-vous dire que, dans tous les cas, l'inspection dans une usine canadienne de traitement des viandes, quelle qu'en soit la taille, requiert 28 inspecteurs?
M. Hermanson: Non, je crois que c'est pour une usine donnée qu'il fallait 28 inspecteurs. Aux États-Unis, il faudrait trois inspecteurs fédéraux pour inspecter une usine de taille équivalente.
Vous avez parlé de la composition du conseil d'administration de l'Agence, et je suis tout à fait d'accord avec vous sur ce point. Évidemment, nous avons examiné à fond cette question dans l'ouest du Canada quand nous avons débattu de la structure de la Commission canadienne du blé. Naturellement, cette commission rend compte au ministre, et elle n'en finit plus de poser problème en matière d'imputabilité. Les producteurs ne parviennent pas à obtenir qu'on leur donne voix au chapitre concernant la composition du conseil d'administration de cette commission. J'ai examiné cet organigramme, et je pense que vous avez bien raison de dire qu'une telle structure préviendrait l'ingérence politique.
J'aimerais toutefois que vous précisiez davantage qui devrait choisir les membres de ce conseil. Je suppose que votre industrie aurait son mot à dire. Pensez-vous que les fabricants de produits alimentaires devraient être de la partie? S'il y avait dissension parmi les représentants des différents secteurs de votre industrie sur le choix des membres de ce conseil d'administration, comment régleriez-vous le problème? Je ne serais pas étonné que le ministre appréhende que les parties ne parviennent jamais à s'entendre, ce qui l'aurait amené, dans toute sa sagesse et son omnipotence, à préférer désigner lui-même les membres du conseil, que les parties aiment ça ou non. Votre idée me plaît, mais quel moyen proposez-vous pour qu'il n'y ait pas de problème?
M. Fleischmann: Je vous lis un autre paragraphe qui répond précisément à votre question. Il n'est pas de moi, il est du gouvernement de l'Ontario:
- AgriCorp est dirigé par un conseil d'administration composé de six personnes issues des
secteurs agricole et agro-alimentaire. Le directeur général de l'organisme relève du conseil
d'administration qui, à son tour, rend compte au ministre et au Parlement provincial. Les
membres du conseil d'administration sont choisis par le ministre parmi les candidats proposés
par les secteurs de l'industrie.
- C'est-à-dire par les secteurs agricole et agro-alimentaire.
M. Fleischmann: Je crois qu'en réalité l'industrie soumet au ministre des candidatures. Elle peut lui fournir une douzaine de noms parmi lesquels le ministre en choisit six, ou encore lui soumettre une liste de 18 noms. Chose certaine, comme les candidats proviendront tous de l'industrie, les nominations pourront se faire sans ingérence politique.
M. Hermanson: Cela dit, quelle serait la durée du mandat des membres du conseil d'administration, et quels liens les membres de ce conseil auraient-ils avec l'industrie?
M. Fleischmann: Ils ne pourraient être qu'en rapport direct avec l'industrie, puisqu'ils en proviendraient. Dans ce cas-ci, les membres du conseil ont un mandat de trois ans, renouvelable.
M. Hermanson: Merci.
Le président: Madame Ur.
Je m'excuse, mais je crois que M. Long voulait intervenir. Allez-y, monsieur Long.
M. Long: Monsieur le président, je voulais simplement vous donner un complément d'information pour répondre à votre question concernant le nombre d'inspecteurs. Tout en gardant à l'esprit, je vous le rappelle, que l'industrie où je travaille n'est pas réglementée, je suis étonné de constater qu'une usine de traitement des viandes nécessite la présence d'inspecteurs pratiquement24 heures sur 24. Qu'il s'agisse d'une usine de fabrication de mélanges à gâteaux, de pain, de pâtes alimentaires ou de céréales, nous ne voyons généralement l'inspecteur fédéral qu'une fois par année.
À mon avis, c'est parce que la qualité de mes produits me tient à coeur. Je m'en sens tout à fait responsable, et je ne compte pas sur ceux qui sont chargés de surveiller l'application de la réglementation pour me dire ce que j'ai à faire. Nous savons comment nous devons agir. CommeM. Fleischmann l'a mentionné, nous ne pouvons nous permettre de mettre en péril ce que nous avons investi dans nos marques de commerce. Nous ne pouvons nous permettre d'être incertains de la salubrité de nos produits. Mais il est intéressant de constater cette différence.
Le président: Merci, monsieur Long.
Madame Ur.
Mme Ur (Lambton - Middlesex): Merci, monsieur le président.
Dans votre exposé de cet après-midi, vous vous êtes dit d'avis qu'un comité consultatif ne serait pas aussi compétent ou efficace qu'un conseil d'administration. Dans le projet de loi dont nous sommes saisis, on dit que le ministre nommera au comité consultatif douze personnes, notamment des personnes appartenant soit aux secteurs de l'agriculture, des pêches, de la transformation ou de la distribution des aliments ou de la santé publique, soit à des groupes de consommateurs, soit encore à des gouvernements provinciaux ou municipaux. Tous les secteurs me semblent donc bien représentés. Quel problème y voyez-vous?
M. Fleischmann: Ce mode de nomination est à mon avis une quasi-garantie d'inefficacité, et je m'explique. Le comité consultatif sera constitué de douze membres. Une fois qu'on aura réussi à nommer les représentants de chacun des secteurs, les utilisateurs du service et ceux qui en paient la note seront en minorité.
Les membres du comité consultatif seront désignés à la discrétion du ministre. Le ministre pourra donc modeler le comité consultatif comme il l'entend.
Mme Ur: Quelle différence y a-t-il entre ce comité consultatif et un conseil d'administration, hormis le sexe et le nombre des membres - ils seront douze?
M. Fleischmann: Une énorme différence, car si l'on prend cet exemple, c'est le conseil d'administration qui nomme le directeur général et c'est lui qui est chargé d'en évaluer le rendement, comme dans toute société privée. Il s'agit d'un vrai conseil d'administration avec de vraies responsabilités.
En bout de ligne, comme l'illustre l'organigramme, le conseil d'administration rend compte au ministre. Il n'est donc pas nécessaire que les consommateurs y soient représentés. Le conseil est constitué de gens issus du milieu où le travail se fait, qui paie pour ces services et qui est responsable de l'activité. Il n'y a pas de représentants des autres groupes d'intérêt au sein de ce conseil. C'est un conseil d'administration formé de gens liés de près à l'activité productrice.
Ce qui nous inquiète, c'est qu'en optant pour un comité consultatif, on s'en tient au modèle classique de solution gouvernementale, on s'en remet à un groupe à intérêts diversifiés. Chaque secteur y est représenté, et chacun défend les intérêts de son secteur.
Mme Ur: Bien sûr que les intérêts des membres de ce comité sont diversifiés, puisque ces personnes représentent les différents secteurs intéressés. Si jamais on en oublie un ou plusieurs, on poussera les hauts cris. C'est pourquoi, je pense, on opte maintenant pour une agence unique d'inspection des aliments.
M. Fleischmann: Nous venons tout juste, M. Long et moi-même, de vous rappeler que les entreprises misent tellement sur la réputation de leurs produits, de leurs marques de commerce, que pour rien au monde elles n'oseraient mettre en danger la santé publique.
Mme Ur: Je n'en dirais pas tant, à voir tout ce qui est arrivé dans le passé. Des produits qui avaient pourtant été jugés sans risque ont fini, dans certains cas, par se révéler nocifs. On a appliqué des freins et contrepoids. Je ne songe pas forcément à des problèmes ayant quelque chose à voir avec le secteur agricole. J'ai à l'esprit des cas où c'est celui de la santé qui était en cause.
Vous dites que vous n'avez pas besoin d'inspecteurs pour vérifier les produits un à un. D'un autre côté, le Canada étant réputé partout dans le monde pour l'excellence de son système d'inspection, pour la qualité de ses produits alimentaires, pensez-vous vraiment que nous allons conserver cette réputation si nous nous en tenons à des vérifications ponctuelles, comme vous le proposez?
M. Fleischmann: J'espère bien que oui! Ce serait, j'en conviens, un désastre s'il en était autrement. Je reconnais avec vous qu'il faut à tout prix préserver l'excellente réputation de notre pays à cet égard, mais je pense simplement qu'on peut y arriver tout en étant très efficaces et attentifs aux coûts, et en faisant participer l'industrie à la gestion des services d'inspection beaucoup plus directement que ne le prévoit ce projet de loi et que ne le permettra cette agence.
Le président: Madame Curry.
Mme Curry: Je tiens seulement à ajouter que le fait d'adopter un système de certification ne compromettra nullement la salubrité des aliments. On ne fait qu'adopter un système différent, un système de vérification. Selon les principes de base du HACCP - le système de l'Analyse des risques et de la maîtrise des points critiques - , tous ces facteurs clés assurant la salubrité des aliments sont pris en considération et font partie intégrante du système. Donc, dans un tel contexte, les inspecteurs qui s'amèneraient dans une usine s'emploieraient plutôt - car leur tâche serait tout autre qu'auparavant - à s'assurer qu'il y a un système en place permettant de déceler les anomalies.
On changerait donc de méthode, certes, mais sans pour autant compromettre la fiabilité du contrôle de la salubrité des aliments dans notre pays.
Le président: Madame Curry, vous me semblez croire que nous ne nous orientons pas nous aussi vers les méthodes de l'HACCP et de l'ISO. Vous ne semblez pas croire que ce projet de loi ou cette agence nous permettront d'aller dans cette direction. Vous semblez penser que cette agence continuera de faire des inspections en double - si vous me permettez cette expression - , alors qu'à ma connaissance, les provinces et le gouvernement fédéral souhaitent de part et d'autre en venir à un seul et même inspecteur - je simplifie - pour éviter que des personnes se succèdent les unes après les autres dans les usines.
Vous me donnez l'impression, par vos propos, que vous pensez que cette agence ne permettra pas une telle orientation. Vous ai-je bien compris?
Mme Curry: Vous devez mal m'interpréter.
Le président: Pour moi, vos propos ne sont pas équivoques. Vous dites que la province ne veut pas entendre parler de cette agence. Vous demandez pourquoi nous n'adopterions pas les systèmes HACCP et ISO, alors que, à vrai dire, le Canada est à l'avant-garde des autres pays à cet égard et s'oriente exactement dans cette direction depuis un certain temps déjà. Vous voudrez peut-être nous expliquer de quoi vous voulez parlez.
Mme Curry: J'y tiens. Je vous ai manifestement laissé sous une fausse impression. Mme Anne MacKenzie, qui dirige le secteur de l'inspection des aliments à Agriculture et Agro-alimentaire Canada, a déjà affirmé que cette année est l'année de l'HACCP. Le ministère est donc déjà résolument engagé dans cette voie.
Notre crainte ne se situe pas à ce niveau. Elle concerne le double rôle attribué à Santé Canada dans le projet de loi. Il y a en effet, dans ce projet de loi, un article où ces deux rôles sont décrits. Santé Canada a pour première responsabilité de fixer les normes relatives aux aliments vendus au Canada, et c'est exactement ce à quoi devrait s'employer ce ministère.
Le second rôle qu'on lui assigne est l'évaluation des activités de l'Agence. Voilà ce qui nous met sur nos gardes et nous plonge dans l'incertitude, car nous constatons que ce rôle n'est pas défini. Nous nous demandons ce qu'il signifie exactement.
Est-ce à dire que Santé Canada, qui n'aura virtuellement plus affaire dans les usines de fabrication de produits alimentaires une fois que l'Agence aura vu le jour, pourra se modeler un nouveau rôle lui permettant de s'ingérer de nouveau dans le système d'inspection des aliments? Si tel est le cas, ce ministère pourra fort bien chercher à se donner une nouvelle responsabilité, celle de vérifier les vérificateurs, étant donné qu'il est déjà connu qu'idéalement les ministères et l'Agence devront s'orienter vers des systèmes de vérification, et revoir leurs programmes de formation en conséquence. Mais quel rôle jouera Santé Canada dans un tel contexte? Nous craignons que, si son rôle n'est pas clairement défini, ses efforts ne fassent double emploi.
Le président: Simplement pour mieux comprendre vos craintes, dites-moi si vous vous référez bien à l'article 11, qui porte sur la mission de l'Agence.
Mme Curry: Il s'agit du paragraphe 11(4) à la page 4, qui dit:
- Le ministre de la Santé est chargé de l'élaboration des politiques et des normes relatives à la
salubrité et à la valeur nutritive des aliments vendus au Canada
- - Je suis on ne peut plus d'accord -
- et de l'évaluation de l'efficacité des activités de l'Agence relativement à la salubrité des
aliments.
- Ce mandat n'est pas défini dans ce projet de loi.
Mme Curry: Le ministère pourrait fort bien évaluer les activités de l'Agence sans avoir affaire dans les usines.
Le président: Je vois. Vous craignez que ce bout de phrase ne serve de prétexte à Santé Canada pour retourner dans les usines?
Mme Curry: Exactement.
Le président: Très bien, alors. Monsieur Easter.
M. Easter (Malpèque): Merci, monsieur le président. Je crois que certains d'entre nous ont déjà contesté cette disposition, et elle a sûrement fait l'objet d'un réexamen.
J'aimerais revenir sur la question du conseil d'administration, mais d'abord - et je m'excuse de n'avoir pas été présent au moment où vous avez livré votre exposé, mais je devais assister à une séance d'un autre comité - , je voudrais qu'on revienne également sur celle de la vérification d'efficacité dont vous avez parlé.
Un des témoins que nous avons entendus hier nous a fait une suggestion à propos de laquelle j'aimerais avoir votre opinion. Selon lui, le vérificateur général devrait être tenu de faire le point annuellement sur le rapport coût-efficacité du service d'inspection, autrement dit, sur le coût de ce service et sur la répartition de ce coût - la proportion de dépenses effectuées dans l'intérêt public par rapport à celles effectuées dans l'intérêt privé - et de comparer le coût de ce service au Canada par rapport à d'autres pays.
Je pense qu'il va sans dire que, du moment qu'il est question de recouvrement des coûts, nous craignons tous que les agences ou les ministères dépensent à tort et à travers en se disant que ce sont les usagers de ces services qui paieront la note, qui assumeront le coût de la démesure bureaucratique. C'est une chose que nous tenons à tout prix à éviter.
Qu'en pensez-vous?
M. Fleischmann: Nous serions très heureux de voir le vérificateur effectuer cet examen. Nous sommes on ne peut plus en faveur de tout ce qui pourrait mener à une plus grande transparence et à un examen minutieux des pratiques de l'Agence.
Vous avez parlé de l'intérêt public, et j'avoue que c'est un volet des plus intéressants à examiner de près lorsqu'il est question de recouvrement des coûts. Le Conseil du Trésor a indiqué que tout ce qui relève du domaine public serait financé par le Trésor, et que tout ce qui relève du domaine privé serait assujetti au principe de recouvrement des coûts, ce qui est très sensé.
Le problème, c'est que le gouvernement semble avoir énormément de mal à établir la distinction entre ce qui relève du domaine public et ce qui relève du secteur privé. Ce qui nous inquiète, c'est qu'avec le temps, on considère que tout relève partiellement ou complètement du domaine privé, ce qui justifierait un recours croissant au principe du recouvrement des coûts.
M. Easter: C'est inquiétant, je l'avoue. Vous allez constater, je crois, que beaucoup d'entre nous estimons que, dans une large mesure, les dépenses effectuées pour les services d'inspection des aliments, par exemple, le sont dans l'intérêt public, à la fois pour le maintien de la santé et pour notre prospérité économique.
Reste à savoir si c'est le principe de l'utilisateur-payeur ou celui du bienfaiteur- payeur qui devrait s'appliquer. Dans le secteur de l'industrie agricole, il semble qu'une bonne partie des intéressés soient considérés comme des utilisateurs de services plutôt que comme des gens qui apportent quelque chose à la société, mais je pense que ce n'est pas le moment d'en débattre.
Quoi qu'il en soit, laissons de côté un aspect sur lequel nous nous entendons pour passer à un autre où nous sommes assurément en désaccord... et je sais que, de mon point de vue, je ne peux certes pas appuyer votre proposition relative au conseil d'administration. J'ai quand même hâte de vous voir réagir à mes arguments.
Il est vrai, comme l'a dit M. Long, que vous ne pouvez vous permettre d'agir de manière à compromettre la salubrité de vos produits. J'en conviens. Mais nous avons tous déjà été témoins d'entreprises - agricoles, dans certains cas - aux prises avec des problèmes financiers. Or, lorsqu'on est placé dans une situation financière difficile, il arrive parfois qu'on se fiche pas mal des détails et des conséquences et qu'on mette les exigences de côté, serait-ce celles visant à garantir la salubrité des aliments, parce que tout ce qui compte à ce moment-là, c'est la survie. On se donne bonne conscience en se disant qu'on s'en tirera à bon compte, cette fois-ci. Peut-être que non.
Si l'on optait pour la solution du conseil d'administration plutôt que pour celle du gouvernement, il y aurait, à mon avis, un réel danger que, dans certaines circonstances, on manque de rigueur au point de compromettre la sécurité du consommateur. Qui plus est, il y aurait alors conflit d'intérêt réel, ou au moins appréhendé, car c'est l'industrie elle- même qui surveillerait l'application des normes qui lui sont imposées en matière de santé et de salubrité des aliments. Qu'en pensez-vous?
M. Fleischmann: Je pense, monsieur Easter, avoir déjà entendu cet argument de la bouche de M. Olson, le sous-ministre adjoint responsable de l'inspection des aliments au ministère. Il dit que ce ne sont pas les grandes sociétés comme les nôtres qui l'inquiètent, mais le petit fabricant de saucisses kolbassa à Swift Current, car c'est lui qui risquera de manquer de rigueur. Mais la vérité, c'est que toute l'industrie des viandes subirait les conséquences de la négligence de ce petit fabricant. Nous y perdrions tous, et je soutiens que, si nous avions un vrai conseil d'administration composé de représentants de l'industrie, sa première responsabilité serait - et il le ferait on ne peut mieux - de s'assurer que jamais une telle chose ne se produise, ou s'il était placé devant le fait accompli, d'imposer des peines si sévères que nul ne serait tenté d'agir de même à l'avenir.
Notre meilleure garantie à cet égard, c'est une industrie forte. Il existe toutes sortes de méthodes indépendantes pour discipliner l'industrie. Il me semble que le conseil d'administration serait on ne peut plus sensible à la nécessité d'assurer un contrôle efficace de la qualité des produits.
M. Easter: Manifestement, nous n'avons pas les mêmes croyances. Nous avons déjà eu ce genre de débat à propos de la question du système de gestion de l'offre, et nous n'allons pas le reprendre ici...
Une voix: Dieu nous en garde, monsieur Easter.
M. Easter: Je crois personnellement que notre meilleure garantie en cette matière, c'est plutôt un État qui assume ses responsabilités. Je constate ici que certains représentants de l'industrie aimeraient bien que le gouvernement cesse de gouverner, mais moi, je crois plutôt c'est au gouvernement qu'il appartient de veiller à l'intérêt public.
En ce qui concerne cette agence d'inspection des aliments, je vous rappelle que son administration sera vérifiée. Le ministre qui en est responsable devra faire rapport de son administration au Parlement. La manière dont elle s'acquitte de son mandat est du domaine public. Les députés ministériels, les députés de l'opposition et les députés des tiers partis peuvent la contester. La population aussi. Le comité consultatif est là pour agir en partie dans le sens que vous souhaitez, mais peut-être qu'il faudrait en revoir la composition pour s'assurer que l'industrie y soit représentée.
Mais, en dernière analyse, c'est au gouvernement qu'incombe la responsabilité de protéger l'intérêt public et c'est lui qui doit en répondre, et il n'est pas de domaines d'intérêt public plus importants que la protection de la santé des citoyens et le contrôle de la salubrité des aliments. J'estime donc qu'il est normal que ce soit le gouvernement plutôt qu'un conseil d'administration qui soit chargé de cette mission et de s'en acquitter.
Le président: Y a-t-il des commentaires? Monsieur Easter, avez-vous d'autres questions?
M. Easter: J'ai terminé.
Le président: Avant de redonner la parole à M. Chrétien et ensuite à M. Hermanson, pourriez-vous me dire, monsieur Fleischmann, si, à propos du paragraphe 10(3) qui traite de la composition du comité consultatif - et nous avons déjà passé en revue la liste des groupes qui peuvent y être représentés, notamment les intervenants du secteur de la santé et les consommateurs - , vous estimez qu'il devrait y avoir une place ou un rôle, au sein du conseil d'administration auquel vous songez, pour les consommateurs, par exemple?
M. Fleischmann: Je crois qu'il devrait y avoir une place pour un protecteur des consommateurs, oui. Mais, à part cette personne qui aurait pour rôle de défendre très consciencieusement les intérêts des consommateurs, le conseil d'administration ne devrait compter que des représentants de l'industrie.
Le président: Seulement des représentants de l'industrie? Si vous deviez former un conseil d'administration, c'est le plus loin que vous pourriez aller?
M. Fleischmann: Tout à fait.
Le président: Très bien. Monsieur Chrétien.
[Français]
M. Chrétien: La nouvelle agence devra entrer en fonction le 1er janvier prochain. Ce sera donc dans moins de deux mois et il est probable que nous aurons déjà l'organigramme et les noms des différents titulaires des postes, comme ceux du président, du premier vice-président et des membres du comité consultatif. Compte tenu de vos objections sur le fait qu'on n'a pas précisé les tâches de chacun des postes, croyez-vous que le gouvernement aurait intérêt à retarder l'entrée en fonction de la nouvelle agence?
M. Fleischmann: Oui. À mon avis, ça en vaut la peine. Si on peut obtenir un délai de quelques mois, cela nous permettra de préciser les fonctions de chaque poste. Selon moi, de toute façon, c'est beaucoup mieux que ce qu'on a maintenant dans ce domaine. Cependant, j'ai peur que le gouvernement ne nomme aux différents postes de l'agence des personnes qui n'ont pas d'expérience dans le secteur privé.
[Traduction]
Je vais répéter ce que je viens de dire en anglais: si pour diriger l'Agence, on nomme des gens qui n'ont pour seule expérience que leurs années de service au sein de l'appareil gouvernemental, rien ne garantit qu'ils s'emploieront à atteindre un niveau d'efficacité qui satisfera l'industrie et qui répondra à ses besoins.
Je pense qu'une personne de l'extérieur ayant de bonnes capacités de gestion générale jouirait bien davantage de la confiance de l'industrie dans son ensemble qu'une personne choisie au sein de l'appareil gouvernemental, qui y a passé de nombreuses années et qui n'a acquis aucune expérience ailleurs.
[Français]
M. Chrétien: Comme c'est une loi extrêmement importante, qu'il y a plusieurs centaines de millions de dollars en relation avec cette nouvelle agence, et qu'on fusionne le travail des employés de trois ministères différents, croyez-vous que le gouvernement, notamment le ministère de l'Agriculture, a suffisamment consulté les différents groupes d'intérêt de partout au Canada?
[Traduction]
M. Fleischmann: Ce n'est pas une question de consultation. Si vous prenez notre exemple, nous avons été consultés, comme je l'ai d'ailleurs indiqué au début de mon exposé. Je vous assure que nous l'avons été. M. Doering a fait un travail remarquable, et j'ai pris bien soin de le souligner dès le début de mon intervention, monsieur le président.
Toutefois, on ne nous a nullement écoutés. C'est là, le problème.
[Français]
M. Chrétien: Vous conviendrez avec moi que ce projet de loi est très important. Je pense que nous sommes tous d'accord pour constater que nous avons eu très peu de demandes de témoignage. Et pourtant, c'est un projet de loi extrêmement important qui va entraîner un énorme bouleversement partout au pays. Je voudrais savoir si c'est votre groupe qui a sollicité une participation ou si c'est le comité qui vous a invités à venir témoigner, puisque vous n'avez su qu'hier l'heure à laquelle vous deviez venir témoigner?
[Traduction]
M. Fleischmann: Non, absolument pas. Ce que j'ai voulu dire, c'est que ce n'est qu'hier que nous avons reçu une lettre du greffier nous mentionnant combien de copies anglaises et françaises de notre mémoire il fallait apporter. Mais vous soulevez par ailleurs un point intéressant en ce qui concerne le nombre de groupes qui ont demandé à comparaître.
Notre groupe est une coalition. Je représente ici quelque 25 associations, voire davantage. Il n'est pas souvent arrivé, croyez-moi, qu'une coalition de cette taille soit formée au Canada. Comme le président le sait très bien, chacune de nos associations est farouchement jalouse de son indépendance et n'accepte que très rarement de faire corps avec d'autres associations.
La situation en matière d'inspection des aliments est si grave, en ce qui concerne tant l'inspection que le recouvrement des coûts, que ces 25 associations ou plus ont décidé de s'unir pour, d'une seule et même voix, en discuter avec le gouvernement.
[Français]
M. Chrétien: Je comprends. Vous représentez 25 groupes différents, ce qui peut totaliser plusieurs centaines de milliers de Canadiens et de Canadiennes. Vous m'inspirez une grande confiance, monsieur Fleischmann, mais est-ce que tous les membres des 25 associations ou groupements différents que vous représentez vous font autant confiance et se disent que vous allez bien représenter leurs intérêts auprès du gouvernement, qui va prêter une oreille attentive à vos représentations?
[Traduction]
Le président: Je pense savoir ce que vous devriez dire, puisque ce sont eux qui paient votre salaire.
Des voix: Oh!
M. Fleischmann: Je tiens simplement à signaler à M. Chrétien que chacun des membres de la coalition a, en plus du droit d'être membre de la coalition, le droit de venir comparaître devant votre comité à titre individuel. Je suis sûr que vous accorderiez le temps voulu à toute association qui voudrait le faire. Et oui, nous avons demandé à comparaître devant le comité au nom de la coalition.
Le président: Je tiens à vous faire remarquer que, sauf erreur, le Conseil canadien des volailles et des oeufs comparaîtra devant le comité, n'est-ce pas? Le Conseil est membre de votre coalition, je crois.
M. Fleischmann: C'est exact.
Le président: Je n'étais pas présent à la séance d'hier, mais je sais que le comité y a alors entendu le Conseil canadien des pêcheurs.
Voulez-vous plus de temps, George, pour justifier votre existence devant vos 25 membres?
M. Fleischmann: Non, je suis trop vieux pour cela.
Des voix: Oh!
Le président: Je voulais seulement vous taquiner.
Monsieur Hermanson.
M. Hermanson: Merci, monsieur le président.
J'ai été bien attentif à vos remarques, et je vous ai trouvé, bien sûr, fort poli. Comme je fais partie de l'opposition, je puis me permettre de vous avouer franchement que votre interprétation du type de consultation que fait le gouvernement libéral est tout à fait juste: le gouvernement se contente d'annoncer ses intentions. En ce qui concerne les nominations à des conseils, il suffit d'être un bon libéral; le mérite est le dernier critère de la liste. Et si on choisit un candidat qui en a, c'est une heureuse coïncidence.
Vous m'avez remis votre mémoire, que nous avons déjà en main, je crois, mais nous n'avons pas discuté de l'exposé que vous avez livré au comité.
Pour ce projet de loi, on s'est écarté du cheminement législatif habituel. Je vous signale en passant qu'on ne l'a jamais fait avant cette législature-ci. En effet, c'est la première fois qu'un projet de loi est soumis à un comité avant la deuxième lecture. En principe, cette façon de procéder est censée nous donner plus de latitude pour modifier ou bonifier le projet de loi. Jusqu'à maintenant, nous n'avons pas eu trop de succès, mais évidemment, nous avons toujours l'espoir de parvenir à influencer les décideurs et à améliorer les lois qu'on nous présente.
Je ne vous ai pas trop entendu parler, dans votre exposé, des modifications concrètes que vous aimeriez voir apportées au projet de loi. Vous avez décrit une foule de lacunes, notamment au paragraphe 11(4) et à l'article 10 du projet de loi. L'article 10 traite de la composition du comité consultatif et le paragraphe 11(4) décrit sur quoi devra porter le travail de vérification du ministère de la Santé.
Vous avez également abordé un certain nombre d'autres points. Vous avez notamment parlé du pouvoir du ministre de rappeler des produits alimentaires et de la nécessité de préciser les tâches de chacun. Pourriez-vous nous indiquer s'il y a des articles du projet de loi qui devraient être remodelés, supprimés ou modifiés substantiellement?
Je vous demande cela pour que, lorsque viendra le temps d'étudier le projet de loi C-60 article par article, nous puissions comme parlementaires essayer de voir s'il n'y aurait pas moyen de surmonter cet obstacle du « gouvernement a raison » et de doter effectivement l'industrie d'un meilleur instrument.
M. Fleischmann: Avant de répondre à M. Hermanson, je vous rappelle que je ne tiens pas à me lancer dans un débat d'ordre politique. Je ne voulais certes pas parler de la manière dont le gouvernement procède dans ses consultations en général. Je parlais uniquement de cette consultation-ci.
M. Hermanson: Je vois, mais c'était un commentaire d'ordre général.
M. Fleischmann: Cela dit, si vous nous donniez la possibilité de faire parvenir au président une liste très précise de ce que nous recommandons comme modifications au projet de loi, avant que vous en soyez à l'étape de la dernière lecture et de l'adoption, nous mettrions le temps et les efforts nécessaires pour vous soumettre cette liste dans les plus brefs délais.
M. Hermanson: Il est trop tard. Il faut le faire à l'étape de l'étude en comité ou jamais. Une fois que le comité aura terminé son étude, il n'y aura pas de deuxième lecture; on passera immédiatement à l'étape de la troisième lecture où la loi est adoptée en principe. Les amendements possibles au stade de la troisième lecture sont on ne peut plus mineurs. On n'examine même pas le contenu du projet de loi. Tout ce qu'on peut faire alors, c'est de demander que le projet de loi revienne au comité ou soit reporté aux calendes grecques. Nous ne pouvons à cette étape proposer aucune modification de fond.
Le président: Permettez-moi d'ajouter, monsieur Fleischmann, que le personnel a entendu votre exposé, qui était d'ordre très général, tout comme vos commentaires au cours de la discussion. Le comité doit vous permettre de préciser votre pensée. Après cela, nous pourrions examiner vos suggestions précises une à une et y réagir d'une façon ou d'une autre, puis en discuter avec le ministère.
Donc, comme le dit M. Hermanson, c'est maintenant ou jamais. Nous en sommes là. Moins vous tarderez à nous les envoyer, plus vite nous pourrons les examiner.
M. Fleischmann: Si vous pouviez me donner une idée du délai...
Nous avons besoin d'une semaine. Nous pourrions vous donner des précisions concernant le conseil d'administration et les descriptions de tâches, vous donner une liste beaucoup plus détaillée de ce que nous souhaitons.
Il reste à savoir quel est votre...
Le président: La Chambre ne siégera pas la semaine prochaine. Nous reviendrons à cette étude et poursuivrons nos discussions sur le projet de loi C-60 la semaine d'après. Donc, vous pourriez peut-être nous faire parvenir ces propositions la semaine prochaine, disons vers la fin de la semaine, si cela vous va. Selon votre convenance, la semaine prochaine, envoyez vos propositions au greffier, et nous les examinerons.
Elwin, avez-vous terminé?
M. Hermanson: Oui, ça va aller.
Le président: Vous avez utilisé encore une fois, monsieur Fleischmann, les mots «descriptions de tâches». Vous qui avez été sous-ministre principal, vous avez certainement vu un plus grand nombre de projets de loi que moi. Je ne me rappelle pas avoir vu très souvent, sinon jamais, une description de tâches dans un projet de loi.
À mon sens, l'inclusion d'une telle description serait incroyablement contraignante, car, comme vous le savez, les lois canadiennes pas plus que celles des autres pays ne sont pas revues très souvent. Une loi qui comporterait une description de tâches susciterait énormément de candidatures. Une fois le poste obtenu, il serait pratiquement impossible de confier des tâches supplémentaires au titulaire du poste, car celui-ci s'empresserait d'envoyer au diable quiconque essaierait de les lui imposer sous prétexte qu'une loi canadienne l'interdit.
M. Fleischmann: Vous avez bien raison. Je suppose qu'il ne serait pas très raisonnable d'aller aussi loin que de décrire en détail les tâches à accomplir. On pourrait toutefois, je pense, donner des lignes directrices très claires concernant les exigences des postes de directeur général et de premier vice-président. Par exemple...
Le président: Pourriez-vous en faire état dans vos propositions détaillées?
M. Fleischmann: D'accord, nous le ferons.
Le président: Ce serait utile pour notre examen et nos discussions.
M. McKinnon (Brandon - Souris): Je retire ma question.
Le président: Très bien. Monsieur Easter.
M. Easter: Si vous décidez de nous faire parvenir d'autres documents, il nous serait utile d'avoir une liste des cas où il y a double emploi dans les inspections en usine.
Les usines de traitement des viandes sont parfois visitées à la fois par les inspecteurs provinciaux et par les inspecteurs fédéraux. À quels endroits pourrait-on réduire le nombre d'inspections? Je vous avouerai honnêtement qu'il y a même des secteurs où nous ne savions pas qu'il se faisait des inspections.
J'ai parlé avec des gens de ma circonscription qui ont des usines de traitement des viandes. Ils reçoivent parfois un inspecteur le matin et un autre l'après-midi. Cela n'a simplement pas de sens. Si vous avez des précisions à nous fournir à ce sujet, ce serait utile.
Mme Curry: J'aimerais répondre à votre commentaire concernant le caractère général de notre exposé.
En discutant avec les membres de la coalition, nous avons convenu de nous en tenir aux aspects généraux et de laisser à chaque association qui aurait l'intention de témoigner devant le comité le soin de faire valoir ses propres points de vue. Nous avons essayé de limiter nos propos à la structure et aux fonctions de base de l'Agence. Nous devrons nous entendre avec les différents secteurs si l'on décide de vous faire parvenir des recommandations précises.
Le président: Le personnel et les membres du comité ont pris note de certaines propositions précises qui nous ont été présentées hier. Je ne suis pas assez naïf pour croire qu'il n'y en aura pas d'autres. Nous apprécierions que vous vérifiiez auprès de l'ensemble de vos membres pour voir s'il y en a d'autres. Ainsi, nous serions sûrs de les avoir toutes.
Monsieur McKinnon.
M. McKinnon: Je vais simplement vous demander d'apporter des précisions sur un point. En entendant certains commentaires qui ont été formulés hier, j'ai eu l'impression qu'il y a des gens dans votre industrie qui pensent que le modèle pourrait varier selon le secteur de production.
Est-ce un élément auquel vous avez fait allusion dans votre dernier commentaire, madame Curry?
Mme Curry: À vrai dire, j'aurais peut-être d'autres points précis qui présenteraient de l'intérêt. Quand nous avons tenu notre rencontre avec les membres de la coalition, nous avons convenu ensemble que l'industrie devait avoir un rôle directeur au sein de l'Agence, et qu'il fallait pour cela que l'Agence soit dirigée par un conseil d'administration.
M. McKinnon: Puis-je formuler un commentaire? Je vois une différence entre des Cheerios et du ragoût de lapin. Les denrées périssables ont certes besoin d'une inspection plus rigoureuse.
J'imagine fort bien qu'un fabricant de Cheerios puisse très facilement satisfaire aux normes s'il n'a qu'à veiller à ce que ses rondelles de céréale soient toutes de la même taille, de la même saveur et enrobées de la même manière. Ce dont M. Easter parlait, c'était du fabricant de ragoût de lapin qui se débat pour rester en affaires. Les conséquences seront bien plus graves dans son cas s'il se voit obligé de sacrifier la moitié de sa production à cause de la présence de quelques coliformes ou d'une quelconque contamination bactérienne.
C'est ce dont je voulais vous faire part. Ce sont ceux qui, comme vous, vivent de très près ces réalités qui sont les mieux placés pour en juger. À votre avis, devrions-nous songer à concevoir différents modèles selon le secteur de production?
M. Long: Je puis vous répondre. Je suis entièrement d'accord avec vous. Il ne faut pas mêler les pommes et les oranges. Les produits sont loin d'être tous pareils. Je pense que si j'étais à la place de Maple Leaf, de Schneider ou de tout autre fabricant de saucisse à hot dogs, je pourrais garantir mes saucisses au même titre que je garantis actuellement mes Cheerios.
Je pense que votre argument est le suivant. Au sein de l'industrie, nous voulons que les responsables du contrôle de la qualité s'attardent aux secteurs qui méritent attention. Quand on a l'équipement et les programmes appropriés, peu importe si...
Nous avons le programme HACCP et celui des BPF. Il existe des agences qui sont accréditées par l'ISO. Quand un fabricant fait appel à ce genre d'agence, vous savez que ses produits sont de bonne qualité.
Tout inspecteur d'expérience qui s'amène dans une usine peut dire presque instantanément s'il s'agit d'un endroit dont il faut s'inquiéter. Cela saute aux yeux. Lorsque dans une usine il est manifeste que quelque chose ne va pas, ou qu'il n'y a pas de système de contrôle, on devrait, à mon avis, y faire intervenir une tierce partie. On devra probablement faire appel à un agent chargé d'appliquer la réglementation qui s'assurera que le fabricant fait le nécessaire pour respecter les normes.
Dans les entreprises où le respect des règlements et des exigences est immédiatement apparent, la visite de l'inspecteur devrait normalement être de très courte durée. Il examinera les procédures en place, puis il s'en ira, sans devoir dire qu'il sera là en permanence, 24 heures sur 24, simplement parce que le règlement l'exige. Il faut exercer des contrôles surtout là où ils s'imposent.
Je connais le règlement. Le protocole d'inspection d'Agriculture et Agro-alimentaire Canada est conçu à l'intention des usines qui présentent un degré élevé de risque et qui ont besoin d'une inspection soutenue. Les inspecteurs visitent un grand nombre de ces usines, et ils font très bien leur travail, et pourtant, les sociétés qui se conforment au règlement continuent d'être inspectées régulièrement et constamment.
Merci.
Le président: Y a-t-il d'autres questions ou commentaires?
Je vous remercie beaucoup, madame Curry, monsieur Fleischmann et M. Long. À vrai dire, je ne pense pas que nos idées soient très éloignées. Sans l'ombre d'un doute, nous visons tous le même but.
Quant à savoir s'il faudrait raffermir ou alléger les exigences dans divers secteurs de l'industrie, et si, le cas échéant, ces particularités devraient être précisées dans la loi et se refléter dans les mécanismes de surveillance de manière à ce que nous sachions tous à quoi nous en tenir, c'est le comité qui peut et doit se charger de ces questions.
Je sais qu'il y a en chacun d'entre nous une intention, un désir et une conscience de la nécessité de rendre le système le plus économique possible. Sans nuire à la compétitivité de nos industries, nous devons continuer à offrir aux Canadiens et à nos clients de l'étranger ce que nous leur offrons déjà, des produits alimentaires réputés pour être de la plus haute qualité, les meilleurs au monde.
Je vous remercie de la contribution que vous nous avez apportée aujourd'hui. J'ai hâte de prendre connaissance de vos autres commentaires.
Monsieur Chrétien.
[Français]
M. Chrétien: Monsieur le président, nous avions convenu que les documents rédigés dans une seule langue ne seraient pas remis aux délégués et aux membres du comité. Est-ce que vous allez respecter cette décision? Est-ce qu'on peut espérer avoir la traduction et recevoir tous les documents en même temps, dans les plus brefs délais?
[Traduction]
Le président: Oui, ce sera le cas. Monsieur Chrétien, voudriez-vous que nous rendions ces documents à nos témoins jusqu'à ce que...
[Français]
M. Chrétien: Oui.
[Traduction]
Le président: D'accord. Je vais demander au personnel de les ramasser et ensuite... Merci, monsieur Chrétien. Je n'avais pas l'intention d'agir autrement, car cela est conforme à notre façon de procéder. Les documents seront remis à nos invités aujourd'hui même. Une fois qu'ils auront été traduits, nous vous les ferons parvenir.
La séance est levée.