[Enregistrement électronique]
Le lundi 17 mars 1997
[Traduction]
Le président (M. Lyle Vanclief (Prince Edward - Hastings, Lib.)): Je voudrais vous souhaiter la bienvenue à vous tous ce matin. Je suis Lyle Vanclief, président du Comité permanent de l'agriculture et de l'agro-alimentaire de la Chambre des communes.
Pour vous rappeler l'objet de la réunion et la formule que nous avons retenue pour nos audiences, comme vous le savez sans doute, nous sommes ici pour entendre vos vues et dialoguer avec vous au sujet du projet de loi C-72, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé. Le comité se déplace dans l'ouest du Canada cette semaine, pour recueillir des témoignages dans cinq localités - c'est-à-dire de prendre acte des points de vue des intervenants de l'industrie céréalière de l'ouest du Canada dans le cadre de l'examen par le Parlement du projet de loi C-72.
Dans le cadre de ce voyage, plusieurs témoins vont comparaître devant le comité. D'après les prévisions actuelles, nous comptons recevoir entre 45 et 50 groupes et entre 45 et 50 particuliers au cours des cinq prochains jours.
La formule à retenir pour nos réunions est la suivante: les groupes auront un maximum de15 minutes pour leur exposé, et j'ai l'intention de faire l'impossible pour m'assurer qu'ils respectent le délai imparti. Je vais trouver une façon de faire signe aux porte-parole des groupes quand il ne leur restera plus que deux minutes. Donc, si vous voyez que je vous fais signe, et que vous n'en êtes pas encore à l'essentiel, vous avez intérêt à le faire rapidement, car sinon, vous allez manquer votre chance. Pour être juste envers tout le monde, nous sommes obligés d'utiliser cette formule, car nous avons beaucoup de groupes et de particuliers à entendre.
À la suite de trop ou quatre exposés, nous allons réserver entre 45 et 60 minutes - selon le temps qui nous restera - aux députés qui veulent demander des éclaircissements ou poser des questions aux témoins. À ce moment-là, si nous avons entendu quatre exposés, nous demanderons aux porte-parole des quatre groupes d'être présents à la table pour que les députés puissent leur poser des questions ou faire des remarques, et ensuite nous demanderons à une autre série de trois ou quatre groupes de prendre leur place.
Pour ce qui est des particuliers, ils disposeront de cinq minutes pour faire leurs exposés, et nous entendrons autant d'exposés que possible avant de passer à la période des questions ou aux commentaires.
Le premier groupe qui devait comparaître devant nous aujourd'hui a finalement décidé de faire son exposé dans une autre localité. Pour ceux et celles qui ont vu la liste et le programme, l'Union des producteurs de grain avait demandé au départ de comparaître devant le comité à Winnipeg, mais comme ses responsables sont très occupés ces jours-ci, ils ont demandé à comparaître à Regina à la place, de sorte que nous allons les accueillir là-bas demain.
Je n'ai pas encore vu M. Peter Hall du Prairie Center. Il devait comparaître ce matin; je présume donc qu'il va venir.
Nous accueillons MM. Daryl Kraft et Ed Tyrchniewicz de l'Université du Manitoba. Bienvenue au comité, messieurs. Nous sommes très contents d'avoir l'occasion d'entendre vos vues.
M. Daryl Kraft (Université du Manitoba): Merci, monsieur le président.
Je vais faire un très bref exposé, après quoi mon collègue se chargera de répondre à vos questions, parce que j'ai un rendez-vous à l'Université dans pas longtemps. J'espère que cela vous convient.
Nos observations sur les projets de modification à la Loi sur la Commission canadienne du blé porteront uniquement sur la structure administrative de cette dernière et sur le fonds de réserve.
Nous appuyons cette tentative pour accroître la participation des agriculteurs au processus décisionnel et renforcer l'obligation pour la CCB de leur rendre des comptes, tout en maintenant ses liens critiques avec le gouvernement.
Quand les agriculteurs estiment, collectivement, qu'il est dans leur intérêt qu'un seul agent se charge de commercialiser leur blé ou leur orge, l'intervention du gouvernement devient indispensable. La CCB est une institution qui est issue d'une politique gouvernementale. Donc, dans l'exercice de ses pouvoirs, la CCB doit nécessairement être responsable devant les agriculteurs et le gouvernement.
Le partenariat qui existe entre le gouvernement du Canada et les agriculteurs de l'Ouest repose sur le partage de certaines responsabilités financières et opérationnelles. Les engagements financiers impliquent obligatoirement des risques. Le gouvernement et les agriculteurs fournissent une sorte de capitaux propres à la CCB. La garantie du gouvernement du Canada - c'est-à-dire l'acompte à la livraison versé aux agriculteurs lorsqu'ils livrent leurs céréales à la CCB - est une forme de participation.
Par le passé, ces emprunts ont coûté de l'argent au gouvernement fédéral, lorsque le produit de la vente était inférieur à la somme des acomptes. Bien que les manques à gagner n'aient pas été fréquents - même s'ils ont été importants à une ou deux reprises - les pertes ne sont pas remboursées à partir des recettes des ventes de comptes subséquents des livraisons en commun. En réalité, le gouvernement fédéral investit un certain capital-risque au début de chaque année, et assume la responsabilité d'un éventuel manque à gagner.
Cette garantie de crédit ne constitue pas un prêt; c'est une forme de participation. Le gouvernement fédéral garantit également des crédits à l'exportation à la Commission canadienne du blé et à d'autres institutions financières lorsqu'un importateur est jugé digne de confiance. Encore une fois, cet engagement implique certains risques et constitue une forme de participation.
De même, la plupart des années, les agriculteurs investissent leurs capitaux propres dans la Commission canadienne du blé en acceptant un versement partiel au moment de livrer leurs céréales aux silos. La réserve de fonds que représente l'écart entre le produit des ventes et les premiers versements est un risque. L'importance du dernier versement dépend de la volatilité des prix du blé et de l'orge sur les différents marchés pendant l'année, et des dépenses engagées pour vendre ces céréales. Les agriculteurs assument ce risque-là.
Dans une société privée, les actionnaires qui détiennent le capital de risque exigent de cette dernière qu'elle leur rende des comptes. Les actionnaires élisent un conseil d'administration dont les membres représentent leurs intérêts et évaluent les décisions de la direction.
Puisque les agriculteurs et le gouvernement du Canada assument les risques qu'impliquent les décisions financières de la Commission canadienne du blé, ils ont le droit d'être représentés au conseil d'administration. Vu le caractère risqué de leurs engagements respectifs, ces derniers ne peuvent pas facilement être convertis en facteur commun - par exemple, une action dans une société.
La composition exacte du conseil d'administration n'est donc pas facile à déterminer, puisque dans une société normale, la composition du conseil d'administration est normalement fonction du nombre d'actions. Dans le cas de la CCB, cependant, on ne sait pas au juste qui est appelé à assumer les risques les plus importants.
Conformément à la structure opérationnelle établie pour la CCB, le gouvernement du Canada désigne la CCB représentante exclusive pour l'exportation du blé et de l'orge. Les acheteurs industriels canadiens de blé et d'orge sont également tenus de s'adresser à la CCB pour l'achat de blé et d'orge cultivés dans l'ouest du Canada. Étant donné que la loi limite les choix des agriculteurs des prairies, de même que ceux des entreprises canadiennes qui transforment le blé et l'orge, le gouvernement fédéral a l'obligation d'examiner l'exercice de cette autorité par la CCB.
Les agriculteurs sont également directement touchés par les procédures administratives que suit la CCB. La détermination de l'accès aux ventes, par l'entremise de contingents et de contrats, l'évaluation des différents types et grades de blé et d'orge, et la diffusion d'information sur les marchés sont des activités qui revêtent une importance critique pour la planification et l'exploitation d'une entreprise agricole. Par conséquent, l'exercice de l'autorité de la CCB doit absolument être partagé entre les agriculteurs et le gouvernement du Canada.
Le ministre de l'Agriculture a déjà proposé que la majorité des administrateurs soient des agriculteurs élus. L'élection des représentants des agriculteurs pourrait se faire sur une base régionale, ou en fonction d'un certain nombre de candidats du secteur désigné. Nous recommandons l'établissement d'une liste de candidats du secteur de la Commission canadienne du blé, et que les sept, huit ou neuf candidats qui récoltent le plus de voix soient les candidats retenus. S'ils étaient désignés en fonction de leur région ou secteur, les représentants des différents groupes qui récolteraient le plus de voix pourraient ne pas représenter toute la gamme des opinions des agriculteurs concernant la structure et le mode de fonctionnement de la Commission. Nous partons du principe que les opinions des agriculteurs sont indépendantes de leur secteur géographique, et que la formule de la liste de candidats, par opposition à celle des élections régionales à sélection unique, est plus susceptible de faire en sorte que des opinions divergentes soient représentées au sein du conseil d'administration.
Pour ce qui est du nombre d'administrateurs qui devraient être agriculteurs élus et de la taille du conseil d'administration, nous n'avons pas vraiment d'opinion tranchée sur le nombre le plus approprié, c'est-à-dire 15 administrateurs ou 11 administrateurs. Qu'il s'agisse d'une majorité de neuf agriculteurs ou de seulement sept agriculteurs, il convient à mon avis de solliciter les vues des autres milieux à ce sujet.
En ce qui concerne la sélection du président du conseil, nous recommandons que le ministre choisisse le président du conseil à partir des représentants élus et des représentants nommés par le ministre. Les représentants nommés vont évidemment représenter les intérêts du gouvernement au sein de la CCB, intérêts qui sont liés à ses responsabilités en matière de gestion des risques et au fonctionnement de cette dernière.
Nous recommandons en outre que le président soit nommé par le conseil d'administration et soit responsable devant lui. De cette façon, la responsabilité des opérations et du financement de l'organisation relèvera des représentants élus, plutôt que ceux nommés par le ministre, comme le propose le projet de loi.
Quant au fonds de réserve, il est recommandé qu'il s'agisse d'un instrument à risque pour tenir compte de l'incertitude des engagements de la CCB sur le plan des opérations au comptant et des contrats à terme auxquels s'associent certains risques. Par conséquent, elle n'a pas de capitaux propres qui lui permettent de pallier cette variabilité. Nous appuyons l'idée d'un fonds de réserve; nous reconnaissons, cependant, qu'au fur et à mesure que des montants résiduels à risque s'accumuleront dans le fonds de réserve, on pourra y recourir pour réduire les risques que doit assumer le gouvernement du Canada. S'il arrive un moment où le risque que doit assumer le gouvernement du Canada soit bien moindre, du point de vue des opérations financières de l'organisation, des responsabilités accrues reviendront aux agriculteurs, qui auront effectivement augmenté cette réserve par le biais des opérations de la Commission.
Il nous semble également important de mentionner que la couverture des risques, par rapport au fonds de réserve, est un aspect critique des opérations futures de la CCB. Nous reconnaissons en même temps que la commercialisation au XXIe siècle va nécessiter la formation d'alliances stratégiques critiques avec les transformateurs de second cycle du monde entier sur les marchés d'exportation. Je pense qu'on devrait envisager d'autoriser le recours par la Commission canadienne du blé au fonds de réserve accumulé pour investir des capitaux ou participer directement à des activités de développement des marchés en vue de favoriser les ventes sur les marchés mondiaux. Faire du fonds de réserve une source tampon de capitaux seulement, ce serait laisser inexploité le potentiel du fonds de faciliter l'accroissement des recettes ou des ventes par l'organisation. Toutefois, notre recommandation concerne uniquement la possibilité de participation ou d'investissement de capitaux du côté des exportations, et non sur le marché intérieur.
Par conséquent, nous appuyons les changements que propose le projet de loi pour ce qui de renforcer son obligation de rendre des comptes, de donner aux agriculteurs l'impression qu'ils participent davantage à l'évaluation de l'organisation, et de déterminer le degré de risque à assumer, afin que l'organisation puisse devenir plus indépendante d'année en année. Ces changements permettraient également de faire en sorte que la Commission soit considérée comme un organisme d'agriculteurs, plutôt qu'un organisme du gouvernement du Canada.
Merci.
Le président: Merci infiniment pour votre exposé, monsieur Kraft.
Est-ce que M. Holle du Prairie Center est dans la salle? Non? Il est toujours décevant de constater que des gens qui ont demandé à comparaître ne se présentent pas, mais il va peut-être arriver un peu plus tard. Nous allons donc passer directement aux questions et commentaires des membres.
Mme Cowling, et ensuite M. Hermanson.
Monsieur Kraft, vous avez dit tout à l'heure que vous deviez retourner au campus, et que M. Tyrchniewicz allait répondre aux questions. Mais vous allez peut-être vous voir obligé de répondre aux questions des députés au sujet de votre propre exposé.
Allez-y, Marlene.
Mme Marlene Cowling (Dauphin - Swan River, Lib.): Merci, monsieur le président, et merci pour votre exposé, monsieur Kraft.
Êtes-vous en faveur de la formule de la commercialisation à comptoir unique qu'applique la Commission canadienne du blé?
M. Kraft: Oui, et à mon sens, si cette formule ne faisait pas partie du projet de loi, la Loi sur la Commission canadienne du blé ne serait plus du tout nécessaire.
Mme Marlene Cowling: Je pense que vous avez soulevé plusieurs préoccupations. Pour mémoire, pourriez-vous préciser vos principales préoccupations en ce qui concerne le projet de loi C-72?
M. Kraft: Je pense que nos principales préoccupations concernent la clientèle - c'est-à-dire les agriculteurs, qui sont fortement intéressés par le fonctionnement de cet organisme - et la nécessité de faire en sorte que cette clientèle ait l'impression de participer directement à l'évaluation et que les agriculteurs y voient une organisation responsable, et aussi, de faire reconnaître par la CCB que les agriculteurs constituent en réalité sa clientèle principale, en plus du gouvernement fédéral. C'est un partenariat mixte.
Par le passé, nous nous sommes dits préoccupés par le fait que l'organisme semblait particulièrement bureaucratique et plus enclin à répondre aux besoins du ministre qu'à ceux des agriculteurs, alors qu'il joue le rôle d'agent responsable de la commercialisation et de la vente des céréales. Dans ce sens-là, l'objectif le plus important de la révision sera de relever le profil de la clientèle, c'est-à-dire les agriculteurs, et de faire en sorte que la Commission leur accorde la plus grande importance dans le cadre de ses opérations.
Mme Marlene Cowling: J'ai une autre question.
Le président: Nous avons un autre témoin qui ne partage pas son avis.
M. Edward W. Tyrchniewicz (stagiaire de troisième niveau, Institut international du développement durable): Si je veux prendre la parole, ce n'est pas pour exprimer mon désaccord, mais plutôt pour aborder la question de la nomination du président.
Nous craignons que, si le président du conseil d'administration et le président ou P.D.G. sont nommés par le ministre, on pense... C'est peut-être une question de perception, mais à mon avis, il faut que le président soit responsable devant la Commission plutôt que devant le ministre. Voilà donc une de mes préoccupations fondamentales en ce qui concerne la responsabilité.
Mme Marlene Cowling: Monsieur le président, une autre question qu'on soulève souvent dans les Prairies, et notamment dans la province du Manitoba, est celle de l'expansion, de la revitalisation et du renforcement de la Commission, par l'adjonction d'autres produits à sa liste de responsabilités. J'aimerais bien savoir ce qu'en pensent les témoins.
M. Kraft: Je crois que tout dépend du sens qu'on donne au terme «élargissement». Si cela implique un élargissement de ses responsabilités de commercialisation à titre de comptoir unique, responsabilités qui sont précisées dans la Loi actuelle, et en vertu de laquelle la Commission est la représentante exclusive des agriculteurs sur le marché des exportations, par exemple - je crois comprendre qu'il va falloir obtenir l'approbation préalable des provinces. Elles vont devoir modifier leurs lois sur la commercialisation pour déléguer d'autres responsabilités à la Commission canadienne du blé. Donc, si les agriculteurs souhaitent modifier la liste des produits, ils devraient communiquer ce désir à leurs offices de commercialisation provinciaux, qui demanderaient ensuite que la Loi sur la Commission canadienne du blé soit modifiée pour tenir compte des éventuels changements. Mais je serais réticent à recommander que l'initiative de ces changements soit prise au sommet; je préférerais que ce soit la base qui en fasse la demande.
Mme Marlene Cowling: Très bien. Merci.
Le président: Monsieur Hermanson.
M. Elwin Hermanson (Kindersley - Lloydminster, Réf.): Merci, monsieur le président.
Bienvenue, messieurs, et merci pour votre exposé.
J'ai quelques brèves questions à vous poser. D'abord, la Loi ne précise pas le mode de sélection des administrateurs élus. Vous avez brièvement abordé le sujet, en recommandant une liste de candidats plutôt que des élections dans chaque secteur. Mais quelle méthode recommanderiez-vous pour la sélection ou la détermination de la liste?
M. Kraft: Je recommanderais que les détenteurs de permis ou les agriculteurs pour lesquels la Commission canadienne du blé agissait à titre de représentante puissent proposer des candidatures. Il reste à savoir combien d'agriculteurs seraient tenus de signer ou d'avaliser une mise en candidature, mais je suppose que la procédure serait la même que dans une société, où ce sont les actionnaires qui proposent des candidatures.
M. Elwin Hermanson: Autrement dit, il pourrait y avoir une centaine de noms sur la liste, et si chacun obtenait une centaine de signatures de détenteurs de permis de la Commission, ils auraient le droit de faire inscrire leur nom sur la liste. Ce serait donc une longue liste avec peut-être une centaine de noms, et les personnes qui récolteraient le plus de voix seraient élues pour siéger au conseil d'administration. C'est bien cela la formule que vous proposez?
M. Kraft: Je propose que les représentants soient choisis à partir d'une liste, plutôt qu'en fonction d'un secteur particulier.
M. Elwin Hermanson: Très bien; nous voulons justement connaître vos vues à ce sujet.
M. Tyrchniewicz: Je ne pense pas que Daryl et moi soyons nécessairement en désaccord sur ce point en particulier, mais il est possible que nos approches soient différentes en ce qui concerne la question régionale en général. Si l'on adoptait la formule de la liste des candidats, on pourrait exiger un nombre minimum de chaque province, mettons. Si vous comptez élire sept agriculteurs, il devrait normalement y en avoir un pour chacune des provinces des Prairies. Si vous en voulez neuf, vous pourriez en élire deux pour chacune des provinces, encore une fois, en fonction du nombre de voix récoltées par les différents candidats.
M. Elwin Hermanson: Deuxièmement, pour ce qui est du conseil d'administration, vous dites que le président du conseil devrait être choisi par le ministre. Je ne suis pas d'accord avec vous là- dessus, et j'ai l'impression que bon nombre de témoins n'accepteront pas cette recommandation. Cependant, vous n'avez pas émis d'opinion concernant le fait que le projet de loi, tel qu'il est actuellement libellé, permet au ministre de mettre un terme au mandat de tout administrateur élu ou non élu. En fait, le ministre peut infirmer à loisir toute décision du conseil d'administration.
Voilà ce qui me semble être le meilleur exemple à évoquer: c'est un peu comme toutes les décisions du conseil des gouverneurs d'une université pourrait être infirmées à loisir par un ministre de l'Éducation. Pensez-vous que cette nouvelle formule administrative va inspirer confiance au secteur agricole?
M. Kraft: Je recommanderais que les administrateurs restent en poste pour la durée du mandat qu'on leur a confié au moment de leur élection ou nomination.
M. Elwin Hermanson: Donc, vous pensez que le ministre ne devrait pas avoir le pouvoir de renvoyer les administrateurs.
M. Kraft: Non.
M. Tyrchniewicz: Je suis d'accord. Comme c'est le cas pour tout conseil d'administration, il faut un système de freins et de contrepoids du moment qu'il est question de nominations et de renvois d'administrateurs, mais à mon sens, le ministre ne devrait pas avoir ce pouvoir.
Votre exemple de l'université pourrait nous amener sur une toute autre voie, car dans la plupart des provinces, le ministre de l'Éducation a effectivement le pouvoir d'infirmer les décisions des conseils des gouverneurs des universités. Je ne suis pas en faveur d'une telle formule.
Des voix: Oh, oh!
M. Elwin Hermanson: Très bien. C'est bon à savoir.
En ce qui concerne le fonds de réserve, j'ai cru comprendre d'après vos remarques qu'en ce qui vous concerne, le fonds de réserve n'est pas une mauvaise idée. Corrigez-moi si je me trompe.
Il paraît - et j'aimerais bien entendre vos vues à ce sujet puisque vous êtes experts du domaine du commerce international et du commerce en général - que le commerce mondial s'articule de moins en moins autour des entreprises commerciales d'État au profit du commerce privé. Ce phénomène semble se manifester dans le monde entier, même dans les pays de l'ex-Union soviétique, où toutes les entreprises étaient des entreprises commerciales d'État. C'est elles qui se chargeaient de l'achat et de la vente.
Pensez-vous que le projet de loi, tel qu'il a été proposé par M. Goodale, donne suffisamment de marge de manoeuvre à la Commission canadienne du blé pour lui permettre de profiter au maximum de la nouvelle configuration du commerce, c'est-à-dire moins d'échanges de gouvernement à gouvernement et plus d'échanges d'entrepreneur à entrepreneur?
M. Kraft: Il ne fait aucun doute que les offices de commercialisation de type comptoir unique sont en déclin, mais quant à savoir si cette tendance va se maintenir... Disons qu'il est fort probable que ce soit le cas.
Pour ce qui de la marge de manoeuvre de la Commission canadienne du blé et de la possibilité qu'elle vende ses produits à plus d'un acheteur ou à un groupe d'acheteurs dans un même pays, j'ai étudié la façon dont la Commission a réagi lorsque le Brésil a éliminé son système de comptoir unique pour déléguer l'ensemble de ses responsabilités aux meuneries. La Commission s'y est adaptée sans difficulté.
Par contre, je pense que la Commission aura peut-être l'occasion de raffermir ses liens avec ses clients grâce à des alliances stratégiques qui ne se limiteront pas à des contrats à plus long terme. Elle sera donc peut-être obligée de participer à ces entreprises en investissant des capitaux. C'est pour cela que je vous dis que si ces occasions se présentent et que la Commission se voit défavorisée, par rapport à d'autres vendeurs, du fait de ne pas pouvoir investir des capitaux pour conclure la vente, il faudrait peut-être envisager d'autoriser le recours au fonds de réserve qui serait alors un moyen, parmi d'autres - en plus de la couverture des risques - de faciliter les opérations de vente.
M. Elwin Hermanson: Les avis semblent être partagés pour ce qui est de savoir laquelle des deux formules - l'acompte à la livraison ou le fonds de réserve - est la plus susceptible d'être conforme aux règlements de l'OMC. Qu'est-ce que vous en pensez? Je sais que le projet de loi prévoit un fonds de réserve pour éventuellement rajuster les paiements d'acompte, mais dans l'ensemble, laquelle des deux formules serait considérée la plus acceptable par l'OMC?
M. Kraft: L'acompte à la livraison a le potentiel de se transformer en différend commercial si le niveau de soutien qu'il offre... C'est-à-dire que si les risques couverts par le gouvernement fédéral dépassent ce qui pourrait être considéré comme un niveau raisonnable, compte tenu de la volatilité du marché, de telle sorte que le prix fixé, c'est-à-dire l'acompte à la livraison - devient un prix de soutien auquel on associe une plus grande probabilité de manque à gagner, je pense que nos partenaires commerciaux y verront peut-être une politique agricole, plutôt que des paiements d'acompte qui, au total, seront sans doute dépassés par le produit des ventes.
Donc, il est probable que le produit de la vente de vos céréales dépasse le montant de l'acompte à la livraison. À ce moment-là, ce paiement d'acompte risque moins d'être considéré comme une subvention ou un prix de soutien. Je pense que si l'on partait du principe, dans le contexte de l'accord actuel du GATT, que l'acompte à la livraison ne devrait pas dépasser 70 p. 100 du prix fixé au cours des cinq dernières années, vous jouiriez d'une certaine protection, car il serait beaucoup moins probable qu'un tribunal commercial y voit une mesure entraînant une distorsion du commerce.
S'il dépasse ce niveau, toutefois, le gouvernement fédéral prend plus de risques à ce moment-là, dans la mesure où le prix peut être considéré comme un prix de soutien et susciter des préoccupations chez nos partenaires commerciaux.
M. Elwin Hermanson: J'ai une dernière question, monsieur le président, pour ce tour.
Comme vous le savez, certains supposent que des élections vont peut-être bientôt être déclenchées et craignent donc que ce projet de loi ne soit jamais revêtu de la sanction royale. Supposons qu'il puisse passer cette dernière étape et que vous soyez appelé à voter à ma place. Seriez-vous en faveur du projet de loi tel qu'il est actuellement rédigé, ou voteriez-vous contre? Si vous pouviez le changer, quels sont les deux changements que vous jugeriez prioritaires?
M. Kraft: Pour moi, l'aspect le plus important de ce projet de loi c'est qu'il permet à la CCB d'être davantage comptable envers les agriculteurs. Dans sa forme actuelle, le projet de loi tend un peu vers cet objectif; je pense cependant qu'il y aurait lieu d'accentuer cette orientation en ce qui concerne le conseil d'administration et la nomination du président ou du premier dirigeant. La Commission devrait être perçue comme un organisme qui répond d'abord et avant tout aux besoins des agriculteurs, plutôt qu'à ceux du ministre.
M. Elwin Hermanson: Monsieur Tyrchniewicz, voulez-vous intervenir?
M. Tyrchniewicz: Vous tenez pour acquis qu'un universitaire ne ferait sans doute pas - c'est-à-dire que nous pourrions être à votre place.
M. Elwin Hermanson: Je sais bien que ce n'est pas vrai... mais supposons que ce soit le cas.
M. Tyrchniewicz: C'était pour rire.
M. Elwin Hermanson: Dans mon cas, c'était une simple hypothèse.
M. Tyrchniewicz: Je comprends.
J'abonde dans le sens de Daryl pour ce qui est de ses préoccupations en matière de responsabilité. J'irais jusqu'à voter en faveur, avec certaines réticences, parce qu'il s'agit malgré tout d'une amélioration par rapport à la Loi actuelle, mais je ne serais certainement pas très content de le voir adopté sans modification.
M. Elwin Hermanson; Merci.
Le président: Monsieur Easter.
M. Wayne Easter (Malpèque, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je voudrais vous poser une question au sujet de l'équilibre à établir au niveau des garanties de crédit, etc., mais avant d'aborder cette question-là je voudrais qu'on parle d'abord des pouvoirs du ministre: le projet de loi prévoit que le président exerce ses fonctions à titre amovible, et comme le mentionnait Elwin, certains semblent faire de l'épouvantisme en laissant entendre que le grand méchant gouvernement va en profiter pour n'en faire qu'à sa tête.
Dans l'optique du gouvernement, il y a à mon sens deux possibilités. On peut penser que le ministre veut profiter de ces dispositions pour contrôler la Commission et l'orienter en fonction de ses intérêts. La deuxième possibilité est cependant la plus probable: c'est-à-dire que le ministre voudrait protéger l'intégrité de la Commission et du pays, de même que les intérêts des agriculteurs, si jamais le premier dirigeant de la CCB ne remplissait pas son mandat. En l'absence d'une telle disposition, si le premier dirigeant fait mal son travail, que faire pour le retirer?
M. Tyrchniewicz: On peut supposer que ce serait la responsabilité du conseil d'administration. Si l'on examine les modalités entourant l'exercice de l'autorité dans tout organisme, on constate que la première responsabilité du conseil d'administration est de s'assurer que les cadres qu'il choisit sont compétents. Bien que nous ayons dit que le ministre ne devrait pas pouvoir congédier les administrateurs, nous sommes certainement d'accord pour que le conseil d'administration soit autorisé à limoger, le cas échéant, le premier dirigeant ou le président.
M. Wayne Easter: Mais dans un contexte de responsabilité conjointe, ne serait-il pas logique de prévoir que le gouvernement puisse limoger un premier dirigeant suite à une recommandation du conseil d'administration en ce sens? Cette formule réglerait-elle le problème?
M. Tyrchniewicz: Je serais un peu réticent à avaliser cette méthode. Encore une fois, si l'on prend l'exemple d'une université ce serait analogue à la structure qu'on trouve à l'Université du Manitoba, où environ la moitié des administrateurs sont nommés par le gouvernement, alors que les autres sont élus. Ce groupe-là a la responsabilité de choisir le président. Si le président se révèle incompétent ou peut-être même pire, ce n'est pas au gouvernement que revient la responsabilité de régler le problème; c'est la responsabilité du conseil d'administration.
Mais si nous faisons cette recommandation, ce n'est pas parce que nous avons peur du gouvernement. Cependant, dans la mesure où nous voulons créer une institution plus autonome qui a de moins en moins le statut d'une société de la Couronne, il faut confier plus de pouvoirs au conseil d'administration. Le fait de prévoir l'élection des administrateurs dans ce projet de loi nous fait perdre des avantages très importants, notamment les garanties de crédit.
M. Wayne Easter: Voilà ce qui m'amène à ma deuxième question, qui concerne la question de l'équilibre. La loi prévoit essentiellement trois différents types de garanties de crédit, que vous avez déjà mentionnés, si je ne m'abuse: la garantie de crédit proprement dite, l'acompte à la livraison et la garantie pour les emprunts. Je pense que si le projet de loi est libellé de cette façon - c'est-à-dire de façon à permettre au gouvernement de nommer le président et le président du conseil d'administration - c'est en partie à cause des risques que couvre le gouvernement en offrant toutes ces garanties.
Je veux être sûr de bien comprendre votre recommandation en ce qui concerne les nominations au conseil. Avez-vous dit que le premier dirigeant devrait être nommé par le conseil?
M. Tyrchniewicz: C'est exact.
M. Wayne Easter: Et devrait-il s'agir d'un administrateur ou de quelqu'un de l'extérieur?
M. Tyrchniewicz: Je présume qu'il s'agirait de quelqu'un de l'extérieur. Un administrateur ne deviendrait pas premier dirigeant. Il s'agirait plutôt d'une personne qui serait choisie par le conseil d'administration et qui serait responsable devant lui.
M. Wayne Easter: Et le président du conseil d'administration serait nommé par le gouvernement, à partir des administrateurs élus. C'est bien cela?
M. Tyrchniewicz: Non, ce serait plutôt parmi des administrateurs élus ou nommés. Supposons, pour les besoins de notre discussion, que le conseil d'administration soit composé de15 administrateurs, dont neuf administrateurs élus et six administrateurs nommés par le gouvernement. Le ministre devrait alors avoir le droit de choisir le président parmi ces 15 administrateurs élus ou nommés.
M. Wayne Easter: L'une des préoccupations du gouvernement et même du ministre des Finances, c'est l'importance des risques que le gouvernement aura à couvrir en raison de ces garanties de crédit. Les modalités de communication et de protection de la population canadienne sont-elles suffisantes dans la nouvelle Loi sur la Commission canadienne du blé, étant donné ce que le gouvernement accepte de faire pour la CCB en vertu de cette mesure, alors qu'il ne le fait pas pour d'autres sociétés de la Couronne; est-ce un projet de loi équilibré, compte tenu des risques que doit couvrir le gouvernement? À votre avis, le gouvernement du Canada aurait-il une protection suffisante s'il se contentait de nommer le président du conseil d'administration à partir des administrateurs élus et nommés? À mon avis, non. Je pense qu'il devrait également pouvoir nommer le premier dirigeant.
M. Tyrchniewicz: Eh bien, on dirait que nous ne sommes pas d'accord.
M. Wayne Easter: Et ce ne serait pas la première fois, Ed.
M. Tyrchniewicz: Non, c'est sûr, Wayne.
Daryl sera peut-être un peu plus conciliant.
M. Kraft: Pour ce qui est des administrateurs nommés par le gouvernement du Canada, il est absolument critique, à mon avis, que les administrateurs qu'ils choisissent aient une certaine expertise financière et qu'ils exigent du premier dirigeant de la Commission que ce dernier leur fournisse des détails concernant les risques associés à l'utilisation de leurs capitaux dès le dépôt du premier plan d'activité, et qu'ils exigent également à différents moments pendant l'année, d'être informés de la mesure la Commission a atteint les objectifs de ce plan et si, en raison d'imprévus ou d'incertitudes, il y a lieu d'avoir des doutes concernant le plan déposé auprès du gouvernement par le conseil d'administration aux termes de la loi.
Oui, je pense que le gouvernement assume des risques, mais sur la question de l'équilibre, la plupart des années et dans la plupart des cas, c'est plutôt l'argent des agriculteurs qui est à risque, étant donné que la Commission canadienne du blé utilise pendant la campagne agricole les fonds qui serviront à payer l'ajustement de fin de campagne.
Je pense que les mécanismes de déclaration et d'évaluation, en ce qui concerne les opérations, sont suffisants dans le cas des deux groupes. À mon avis, l'un n'est pas plus important ou moins important que l'autre. Il est très difficile cependant de déterminer lequel des deux groupes couvre le plus de risques au départ, et donc de déterminer la composition du conseil d'administration. Mais il va sans dire que le ministre devrait s'efforcer de nommer des administrateurs qui ont beaucoup d'expertise dans le domaine de la gestion des risques et des finances.
Le président: Wayne, je vous laisse poser une dernière brève question.
M. Wayne Easter: Dans votre évaluation de la performance de la Commission canadienne du blé, vous dites que cette dernière a obtenu des résultats exceptionnels pour ce qui est de la vente des céréales - du moins, voilà la conclusion que j'en tire, et je crois que c'est également la vôtre.
J'ai tout de même des inquiétudes - comme bon nombre d'autres personnes, je crois - relativement à la possibilité d'achat de blé au comptant que prévoit le projet de loi. Pensez-vous que le fait d'offrir cette option à la Commission pourrait nuire à sa performance? Nous savons déjà que le fonds de réserve est prévu pour couvrir les risques. Cela indique bien que quelqu'un qui joue sur un marché prend de gros risques. Y voyez-vous des répercussions pour la Commission canadienne du blé, et pensez-vous que sa performance sera aussi bonne que celle qu'elle a enregistrée au cours de la période de 1980 à 1994 que vous avez étudiée?
Deuxièmement, vous avez dit à plusieurs reprises dans votre exposé qu'on doit voir dans la CCB une organisation qui représente les agriculteurs. Ce dont vous parlez, c'est des perceptions des gens. La réalité, c'est que la Commission s'est très bien débrouillée pour ce qui est de représenter les intérêts des agriculteurs jusqu'à présent. Ne nous laissons pas obnubiler par des questions de perception. Occupons-nous plutôt de réalité.
M. Kraft: Si vous me permettez, je voudrais réagir à votre première observation, selon laquelle notre rapport aurait laissé entendre que la performance de la Commission était exceptionnelle. Le fait est que nous n'avons pas porté de jugement sur la performance de la CCB.
Nous avons fait une simple comparaison: nous nous sommes demandé comment les résultats de la Commission se seraient comparés à ceux d'un groupe d'agents de commercialisation de blé canadien? Mais nous n'avons pas fait d'évaluation du rendement de la Commission, en nous demandant si cette dernière aurait pu obtenir de meilleurs résultats du côté des ventes, ni fait d'analyse en vue de déterminer si elle aurait pu vendre davantage de céréales. Nous avons simplement dit qu'à notre avis, les revenus des céréaliculteurs de l'Ouest étaient supérieurs à ce qu'ils auraient été si plusieurs entreprises céréalières avaient été autorisées à vendre du blé aux ports de Vancouver, Thunder Bay et Montréal.
Pour ce qui est de l'achat de blé au comptant, la véritable question importante est de savoir quelle sera la nature du contrat conclu entre le producteur et la Commission pour l'achat de céréales et s'il s'agira d'un contrat de mise en commun ou d'une simple opération au comptant sans qu'il y ait d'autres obligations en matière de revenus futurs.
Plus la Commission canadienne du blé s'adresse au marché pour acheter son blé ou son orge au comptant, plus l'écart entre le compte de mise en commun et le compte au comptant sera grand, de telle sorte que les contrats de mise en commun vont devenir de moins en moins attrayants.
Un exemple classique serait l'orge, car la Commission canadienne du blé achète relativement peu d'orge sur le marché de l'orge dans l'ouest du Canada. Si elle se rend compte que pour respecter ses obligations contractuelles, elle doit acheter plus d'orge au comptant, plutôt que de s'appuyer sur un système de livraison en commun, et si ces contrats d'achat au comptant donnent lieu à un prix supérieur que le prix établi pour le contrat de mise en commun, il arrivera un moment où il ne sera plus possible de recourir à ces deux types de contrats tout le temps, année après année. La CCB sera bien obligée de faire un choix.
Le président: Monsieur Hoeppner, je vais maintenant vous donner la parole. Il va falloir cependant écourter le temps de parole. Je vous demande donc tous d'être brefs.
M. Jake E. Hoeppner (Lisgar - Marquette, Réf.): Merci, monsieur le président. Bienvenue, messieurs.
Comme vous le savez, M. Easter se voit maintenant obligé de représenter à la fois le gouvernement et les agriculteurs, alors vous comprendrez facilement qu'il veuille s'abstenir de prendre position sur certaines de ces questions.
Je voudrais tout d'abord vous poser une question au sujet de la vérification des livres. Comme vous le savez, le rapport des vérificateurs de la Commission canadienne du blé a été très négatif en 1992. Que pensez-vous de l'idée que le vérificateur général assume la responsabilité de vérifier les livres de la Commission canadienne du blé?
M. Kraft: Comme il s'agit d'une société, le conseil d'administration a le droit de nommer le vérificateur. Il faut que les vérificateurs soient accrédités par leur association professionnelle au Canada. Moi je suis convaincu que s'ils répondent à ces critères, ils seront en mesure de faire un travail acceptable. S'il n'y réponde pas, ils devront répondre de toute évaluation trompeuse qui est faite.
M. Jake Hoeppner: Mais plus on progresse dans le projet de loi, plus on se rend compte que ce sont les agriculteurs qui vont devoir en assumer la responsabilité, si jamais les vérificateurs ne font pas du bon travail. C'est ainsi que j'interprète le projet de loi. Quoi qu'il fasse, ils ne s'en sortent pas. Vous conviendrez donc avec moi pour dire que le conseil d'administration, plutôt que le ministre, devrait avoir le droit de nommer les vérificateurs.
M. Kraft: Oui.
M. Jake Hoeppner: Merci.
Je voudrais approfondir un peu la question de l'achat de blé au comptant. Vous disiez que vous êtes en faveur du modèle de la commercialisation à comptoir unique. Je peux comprendre que le groupe d'études de la commercialisation du grain de l'Ouest recommande qu'une certaine quantité de blé soit achetée au comptant, mais quand je regarde le projet d'article 39.1 du projet de loi C-72, je constate que la Commission canadienne du blé aurait le droit de conclure un contrat avec un producteur ou toute autre personne ou tout groupe de personnes pour l'achat de blé. Autrement dit, elle pourrait s'adresser à des personnes autres que des agriculteurs pour acheter du blé au comptant pour compléter ses réserves.
En tant qu'agriculteur, je vois difficilement comment un tel système pourrait m'inciter à soutenir la commercialisation à comptoir unique ou le système de mise en commun. Si vous voulez que j'appuie le système de mise en commun, il faut absolument supprimer cet article.
M. Kraft: Encore une fois, regardons un peu le fonctionnement de la Commission canadienne du blé. Le système de commercialisation à comptoir unique est tout à fait indépendant du contrat que conclut la CCB pour acheter des céréales aux agriculteurs ou à l'industrie. Souvent, ces deux éléments ont été confondus, c'est-à- dire que le système de commercialisation à comptoir unique et la formule de la mise en commun étaient utilisés en tandem.
En fait, il peut s'agir d'éléments tout à fait distincts. Autrement dit, la Commission canadienne du blé peut agir à titre de comptoir unique et acheter des céréales uniquement au comptant. Elle n'est pas tenue de conclure un contrat de mise en commun pour l'achat du blé. Le système de mise en commun permet cependant aux agriculteurs ainsi qu'à la Commission de mieux gérer les risques, et présente certains avantages pour la gestion de risques associés aux opérations de vente des céréales qui sont nécessairement plus vulnérables du moment qu'il s'agit d'opérations au comptant.
En ce qui concerne sa capacité de conclure des ventes et de vendre des céréales à l'étranger, la CCB pourrait à mon avis être tout aussi efficace, qu'elle opte pour un système de contrats de mise en commun ou de contrats au comptant. À mon avis, il s'agit de choses bien distinctes qui n'ont rien à voir l'une avec l'autre.
M. Jake Hoeppner: D'après vous, monsieur Kraft, la Loi sur la Commission canadienne du blé garantit-elle, étant donné que la CCB détient un monopole, que les bénéfices seront répartis ou versés au compte de mise en commun?
M. Kraft: Dans le cas des opérations au comptant et des contrats de mise en commun, vous avez les deux possibilités, c'est- à-dire des bénéfices ou des pertes. Mais l'achat au comptant augmente le risque que la CCB recoure à ce genre de pratique, et dans la mesure où il y a de véritables bénéfices, il semble logique de les verser au fonds de réserve, étant donné que l'opération suivante pourrait générer une perte, et qu'on veut avoir une sorte de coussin pour parer à cette éventualité.
Si les opérations au comptant donnent de bons résultats financiers au fil des années, il n'y a pas de raison de verser cet argent aux agriculteurs du compte de mise en commun qui ont vendu leurs céréales. En fait, il serait logique de garder cet argent au fonds de réserve et d'y recourir en cas d'imprévus financiers. Donc, si ces bénéfices peuvent être réinvestis dans l'organisation, il serait normal de garder cet argent à part, c'est-à-dire avec les opérations au comptant. Les contrats de mise en commun devraient être tout à fait distincts des opérations au comptant.
M. Jake Hoeppner: Donc, ces bénéfices ne devraient pas être répartis entre les agriculteurs au moment de l'ajustement de fin de campagne. Vous pensez qu'ils devraient être réinvestis.
M. Kraft: Oui, ils devraient être réinvestis. Et ce serait ensuite au conseil d'administration de prendre la décision de débourser les fonds de réserve. Ces déboursés pourraient être nécessaires pour couvrir certaines dépenses de fonctionnement. Mais je pense que c'est au conseil d'administration que devrait revenir la responsabilité de prendre une décision concernant les bénéfices non répartis.
M. Jake Hoeppner: L'autre question que je voulais soulever, et ce sera la dernière, concerne ce que vous avez dit tout à l'heure, à savoir que vous n'avez pas vraiment dit dans votre étude que la CCB avait fait un excellent travail au point de vue de la vente de céréales. J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'industrie privée qui s'est créée, c'est-à-dire le secteur du canola et des lentilles - sans réglementation gouvernementale, ou du moins, avec seulement quelques règlements mineurs, à un point tel que ces récoltes sont presque aussi avantageuses que le blé dans l'ouest du Canada?
M. Kraft: Je pense que les efforts déployés pour développer de nouveaux marchés et accroître les capacités de ces récoltes de la part des producteurs ont été très bien accueillis par les agriculteurs. On le voit bien dans les résultats des votes concernant les superficies ensemencées, et il est donc clair que ces récoltes ont joué un rôle clé au niveau des revenus des agriculteurs de l'ouest du Canada.
M. Jake Hoeppner: Donc, d'après vous, les agriculteurs savent commercialiser leurs propres céréales.
M. Kraft: Oui, les agriculteurs savent commercialiser leurs céréales. Nous n'avons jamais prétendu le contraire. Nous avons simplement indiqué dans notre étude qu'une formule axée sur de multiples agents, vu la concurrence qui s'exerce entre eux pour vendre un produit, aurait généré pour les agriculteurs des revenus moins importants qu'une formule de comptoir unique.
M. Jake Hoeppner: Pensez-vous que c'est cela qui est arrivé dans le secteur du canola?
M. Kraft: Je ne saurais dire. Il faudrait essayer de voir à quoi ressemblerait le marché si l'on appliquait le modèle de comptoir unique et examinait les opérations.
M. Jake Hoeppner: Merci beaucoup, monsieur Kraft.
Le président: Nous allons maintenant donner la parole à M. McKinnon pour une question ou des commentaires. Vous avez environ deux minutes en tout pour votre question et la réponse.
M. Glen McKinnon (Brandon - Souris, Lib.): Bonjour, messieurs.
D'abord, je suis tout à fait d'accord avec M. Easter concernant l'importance du rapport que vous avez déposé il y a quelque temps. Vos propos au sujet de la procédure à suivre pour choisir les administrateurs m'ont beaucoup intéressé. Je crois comprendre, d'après votre explication, qu'il pourrait y avoir un nombre limité de candidats pour lesquels les agriculteurs pourraient voter, mais non sur une base régionale.
Conformément à votre recommandation, ou du moins mon interprétation de votre recommandation, pourrait-il y avoir une prépondérance de membres d'une province donnée dont les intérêts seraient peut-être différents de ceux d'autres provinces? Autrement dit, faut-il avoir un certain nombre de grandes régions et choisir un certain nombre de personnes dans chaque région pour être sûr de représenter les différents secteurs géographiques au conseil d'administration?
M. Tyrchniewicz: Je ne crois pas que nous ayons dit qu'il faut un nombre limité de candidats. Je crois même que quelqu'un a dit qu'on pourrait avoir une liste de 100 candidats. Par contre, comme c'est le cas dans toute organisation, il faudrait que les personnes voulant se porter candidats à un poste d'administrateur puissent répondre à certains critères. Dans une démocratie, il y a normalement un nombre limité de candidats. Par contre, je ne voudrais pas qu'on fixe un nombre maximum de candidats dans la loi.
Pour ce qui est de la répartition géographique, j'ai proposé qu'on établisse une liste, mais l'une des conditions serait la sélection d'au moins un ou deux candidats dans chaque province. Quant à savoir s'il convient ou non de définir les zones géographiques de façon plus stricte, c'est en mon sens une toute autre question.
Je crois comprendre cependant ce qui vous pousse à me poser cette question. Souhaitons-nous que tous les administrateurs soient de la Saskatchewan, par exemple, ou de l'Alberta, ou encore du Manitoba? Il faut assurer une large représentation des agriculteurs, mais il y a d'autres façons d'y parvenir que de simplement déterminer que tous ceux qui habitent dans tel ou tel secteur du sud-ouest du Manitoba sont les seuls qui pourront voter pour ce candidat-là. La Commission, de même que le conseil d'administration, représente chacune des régions désignées dans les Prairies, et non simplement un ensemble de régions géographiques.
Le président: Je voudrais remercier nos témoins pour leur exposé, leurs observations et les recommandations qu'ils ont faites au comité ce matin au sujet du projet de loi. Profitez donc de ce qui reste de la Saint Patrick.
Le premier témoin du groupe suivant est la Manitoba Cattle Producers Association. Y a-t-il un représentant de l'Association dans la salle? Je suppose que les gens ont dû avoir du mal à se lever ce matin, étant donné qu'il faisait moins 19 Celsius.
Bon. Le témoin suivant est du ministère de l'Agriculture du Manitoba... Je ne vois pas non plus le ministre Enns. Ce groupe-là devait témoigner à 10 heures. Non, excusez-moi; c'est à 9 heures. J'ai encore l'heure de l'Ontario.
Bon, revenons en arrière. M. Peter Holle du Prairie Center est-il présent?
M. Elwin Hermanson: J'ai appelé tout à l'heure pour voir s'il y avait un problème, et ils m'ont dit qu'ils avaient essayé de se mettre en rapport avec le comité à Ottawa vendredi mais n'avaient pas réussi à le faire. Ils voudraient comparaître devant le comité en Alberta, plutôt qu'au Manitoba, et c'est pour cela qu'ils avaient essayé de contacter les responsables du comité. Je leur ai dit, en pensant parler au nom du comité, qu'ils auraient dû nous appeler ici à l'hôtel ce matin pour nous faire part de leurs intentions.
Le président: Merci beaucoup. Nous allons donc essayer de les incorporer dans notre programme. Je ne suis même pas sûr de savoir quel est notre programme pour Calgary. Ils veulent donc comparaître à Calgary?
M. Elwin Hermanson: Oui, c'est ce qu'ils voudraient faire.
Le président: Très bien.
M. Elwin Hermanson: Soit à Calgary, soit à Grand Prairie. Ils ont tout de même fait preuve d'une certaine souplesse.
Le président: Très bien.
L'un des particuliers qui est sur notre liste pour l'après- midi voudrait-il faire son exposé de cinq minutes maintenant, puisque nous avons le temps de les entendre?
Dave, voulez-vous prendre vos cinq minutes maintenant? Très bien; de cette façon, nous aurons un peu plus de marge de manoeuvre cet après-midi.
J'invite donc M. Dave Lewicki et M. Tom LaBelle à venir s'installer à la table. Comme je le disais tout à l'heure, pour être juste envers tout le monde - et je sais bien que vous n'avez rien demandé - mais si nous commençons déjà à contourner les règles et à manquer de plus en plus de temps tout à l'heure, nous risquons de nous faire critiquer; donc, je vous demanderais, Dave, de nous faire immédiatement votre exposé de cinq minutes, et j'aimerais vous dire en passant que je vous suis très reconnaissant d'avoir accepté de le faire ce matin.
M. Dave Lewicki (témoigne à titre personnel): J'aimerais vous remercier, monsieur le président, et tout le monde, de m'avoir invité à comparaître encore une fois aujourd'hui. C'est un plaisir d'être parmi vous. Je suis accompagné de mon collègue, Tom LaBelle. Nous travaillons pour la Commission canadienne du blé à titre d'inspecteurs des grains. Nous comparaissons devant le comité ce matin à titre de particuliers, étant donné que nous voulons vous faire état de nos préoccupations.
En fait, nous n'avons pas l'intention de vous parler des amendements. Nous voulons surtout vous donner un autre son de cloche.
D'après certaines indications, la Western Grain Elevator Association aurait, dans le cadre de l'examen de la réglementation, demandé à la Commission canadienne des grains de modifier certains services qu'elle assure pour maintenir sa réputation en ce qui concerne la qualité de ses produits. On a donc déjà ouvert la porte à la déréglementation. À mon avis, cette porte-là devrait être fermée. L'association en question aurait demandé que la pesée en amont soit éliminée et que le classement par grade devienne facultatif.
Le problème, c'est que le Canada survit uniquement grâce au contrôle de la qualité. Si la Commission canadienne du blé peut remplir son mandat, c'est dans une très large mesure grâce aux activités de classement et de développement des marchés de la CCG. Si l'on décide d'opérer d'autres changements dans ce domaine - et les possibilités sont très limitées à mon avis - je crains que notre réputation de fournisseur de céréales de qualité élevée ne soit menacée, et que la protection qu'assure le système actuel aux opérations de vente de céréales n'existe plus.
Nous sommes tous collaborateurs et le système est justement conçu pour profiter à tout le monde. Dans certains secteurs, les gens ne sont songent qu'à leurs propres intérêts en décidant de se retirer du système, et c'est là justement que le problème se pose. Si nous n'arrivons pas à garder le système intact, le Canada aura certainement des ennuis.
Je crains surtout les conséquences pour le Canada, car si notre réputation est ternie, nous n'aurons plus besoin de nous asseoir ensemble pour nous demander ce que va faire la Commission canadienne du blé, parce que nous ne serons plus du tout en mesure de vendre des céréales.
Il convient donc à mon avis d'examiner avec sérieux les différents problèmes qui commencent à surgir. Je sais qu'ils commencent à peine à se manifester, mais je voulais tout de même vous mettre en garde et bien insister sur la gravité potentielle de la situation.
D'ailleurs, je ne comprends pas pourquoi nous prenons une telle orientation. Les opérations du producteur ne sont plus protégées, et s'il n'est pas possible de faire en sorte que les grains puissent accéder au marché, il n'aura plus du tout besoin de cultiver des céréales, et nous allons tous disparaître. Si nous ne pouvons assurer le transport des céréales, le Canada pourrait très bien perdre des milliers d'emplois.
Je pense qu'il nous incombe d'examiner en profondeur la situation, de nous interroger sur l'orientation que nous souhaitons prendre, et de régler les problèmes aussi rapidement que possible.
Merci.
Le président: Y a-t-il des membres qui voudraient poser des questions ou faire des commentaires? M. Easter, suivi de M. Hoeppner.
M. Wayne Easter: Je pense que vous avez dit, Dave, que la Western Grain Elevator Association aurait demandé qu'on change d'orientation. Pourriez-vous nous dire exactement de quoi il s'agit? J'ai l'impression que vous parlez surtout de la déréglementation.
D'abord, avez-vous pris connaissance de la proposition faite par la Western Grain Elevator Association? Si vous l'avez, j'aimerais bien la voir. Et peut-être pourriez-vous nous expliquer un peu plus le problème associé à la pesée d'entrée - du moins pour ma propre gouverne - c'est-à-dire les conséquences pour l'ensemble du système de modifier la procédure de pesée d'entrée ou d'éliminer cette pesée d'entrée.
Je suis entièrement d'accord avec vous pour ce qui est de l'importance du contrôle de la qualité. Il est certain que de par le monde, aucun autre pays n'a une meilleure réputation que le Canada en ce qui concerne la qualité de nos céréales. C'est justement cette qualité supérieure qui nous permet de vendre nos céréales, et nous ne pouvons absolument rien faire qui puisse mettre en péril notre réputation.
Pourriez-vous m'expliquer un peu plus ce qui est en jeu, d'après vous, de même que les conséquences de l'éventuelle élimination de la pesée d'entrée?
M. Lewicki: Je voudrais répondre d'abord à la première partie de votre question, et je demanderai ensuite à Tom de vous répondre au sujet de la pesée.
Tout cela découle de l'examen de la réglementation, et la recommandation faite par ces gens-là à la Commission canadienne des grains. La Western Grain Elevator Association est composée de p.d.g. de différentes entreprises céréalières. Cette association a essentiellement recommandé l'élimination de la pesée d'entrée et la mise en place d'un système d'inspection facultative. La Commission canadienne du blé dit qu'elle souhaite que les céréales soient classées, alors que ces gens-là veulent pouvoir choisir de faire inspecter ou non leurs céréales. C'est là qu'il y a un danger.
M. Wayne Easter: Pour que je sois sûr de bien comprendre, pourriez-vous me dire si vous parlez d'inspections facultatives ou d'inspections ponctuelles?
Dans le cas d'autres produits, le système a été modifié pour prévoir des inspections ponctuelles. C'est-à-dire qu'au lieu de tout inspecter, on va inspecter un chargement sur 10, sur cinq ou sur 20, disons. Si vous voulez prendre le risque d'expédier des céréales de mauvaise qualité, il y a des chances qu'on vous attrape lors d'une de ces inspections. On pense qu'on pourra bien contrôler le système de cette façon.
Dans ce cas-ci, s'agit-il d'éliminer les inspections ou de les rendre facultatives, ou parlez-vous plutôt d'inspections ponctuelles?
M. Lewicki: Je parle d'un régime d'inspections facultatives. C'est-à-dire que l'entreprise à qui appartiennent les céréales aurait le choix de les faire classer ou non à leur entrée au silo terminus.
Le président: Vous avez d'autres questions, Wayne?
M. Wayne Easter: Je pense que Tom voulait répondre.
Le président: Excusez-moi, Tom.
M. Tom LaBelle (à titre individuel): Il est plus difficile de faire le lien entre la fonction pesée et le système de contrôle de la qualité à la sortie, mais il reste qu'ils rendent un service important aux producteurs en ce sens que lorsqu'une wagonnée arrive au silo, ils s'assurent que les poids sont exacts. Toutes sortes de petites choses peuvent se produire - l'équipement du silo qui fonctionne mal ou une fuite du wagon - et comme ils sont là, ils le voient tout de suite.
Par contre, s'il n'y a personne sur place pour s'apercevoir de ces problèmes, cela risque de donner lieu à toutes sortes de conflits, et il me semble qu'il faut au moins offrir aux gens un mécanisme raisonnable pour le règlement de ce genre de différend. C'est un peu comme si on décidait d'avoir un match sans arbitre parce qu'on a tous jugé d'être honnêtes, alors si je fais une passe hors jeu, je vais tout de suite l'avouer, ou si je lance la rondelle dans le filet, je vais le dire tout de suite. À mon avis, le système de pesée à l'entrée est une police d'assurance qui ne coûte pas cher et qui assure une bonne protection à l'agriculteur sur place.
M. Wayne Easter: Je vais poser mon autre question tout à l'heure, parce qu'il me faut un moment pour la conceptualiser.
Le président: Très bien. Jake, vous avez la parole.
M. Jake Hoeppner: Merci, monsieur le président.
J'aimerais tout d'abord remercier ces messieurs pour leur présence. Je me souviens de vous avoir rencontrés à l'occasion de votre comparution devant le comité permanent à Ottawa, et je voudrais justement revenir sur certains points que vous avez soulevés à l'époque. Je me rappelle d'avoir été complètement stupéfait par certaines de vos affirmations, à savoir que sur 13 000 wagons qui arrivaient à Thunder Bay, environ 1 100 ne contenaient la céréale indiquée, étaient partiellement chargés ou avaient un mélange de céréales. De quelle façon la pesée et le classement des céréales permettront-ils de régler ce problème?
M. Lewicki: Eh bien, quand la documentation qui vient de l'Ouest est inexacte, c'est nous qui sommes justement impartiaux et qui allons vous dire la vérité en ce qui concerne le poids du chargement et le classement des céréales. Donc, ce qu'on vous offre, c'est une décision impartiale, un peu comme un arbitre, concernant le contenu de votre wagonnée. Les gens qui travaillent dans l'industrie semblent croire que ces étiquettes I-90 sont exactes, alors que bien souvent la mesure des impuretés et les classements sont faux. Donc, nous sommes là pour régler tout différend qui peut surgir concernant la personne qui a expédié les céréales, ce qui manque et l'information qui n'a pas été fournie.
M. LaBelle: Nous faisons une enquête tout de suite, sur place. Du moment qu'il y a une divergence d'opinions, nous sommes sur place pour faire enquête, nous renseigner sur la nature du problème et nous assurer d'avoir le bon wagon. Des fois c'est aussi simple que cela. Les employés qui s'occupent du pesage sont en quelque sorte nos yeux au sein du silo. Nous sommes dans un bureau en train de prendre des échantillons. Mais si votre échantillon de grain ne cadre pas avec l'étiquette I-90, ils sont sur place et peuvent tout de suite aller voir si le bon wagon a été déchargé, et si l'ordre dans lequel les wagons ont été déchargés est exact. Ça paraît simple, mais vous pouvez imaginer les problèmes qui surgissent à cause de toutes petites erreurs de ce genre.
M. Jake Hoeppner: Donc, d'après vous, vous jouez le rôle d'arbitre en cas de différends entre l'agriculteur et la société céréalière ou la Commission canadienne du blé, et donc c'est vous qui avez le dernier mot dans ce genre de situation?
M. LaBelle: Disons que les enquêtes que nous menons sur place permettent de réunir toutes les données nécessaires, ce qui facilite le travail à la personne, quelle qu'elle soit, qui est chargée de régler le différend. La situation sera alors très claire, puisque nous aurons fait notre enquête sur place au moment même où le problème a surgi, et pas le lendemain.
M. Jake Hoeppner: Vous êtes donc un service de la Commission canadienne des grains?
M. LaBelle: Oui.
M. Jake Hoeppner: C'est justement la question que je me posais.
J'aimerais maintenant vous demander autre chose. Nous constatons que le gouvernement, dans le cadre de son programme de réduction des effectifs, a tendance à éliminer les emplois faiblement rémunérés, alors que les bureaucrates gardent leur poste et ont sans doute trop de personnel. J'ai l'impression, d'après l'information que vous avez communiquée au comité permanent à plusieurs reprise, que le même phénomène touche votre industrie; c'est-à-dire qu'il y aurait lieu de réduire la bureaucratie et de réorienter une partie de ces crédits vers des emplois comme ceux que vous occupez - règlement des différends ou contrôle de la qualité pour l'ensemble du secteur céréalier - pour éviter que nos céréales soient expédiées dans tous les sens, sauf le bon.
M. LaBelle: Je pense que ce genre de décisions relève davantage de gens comme vous. Nous ne sommes que les inspecteurs de céréales de première ligne. Mais nous ignorons évidemment ce qui se passe dans les salles de conseil. Nous sommes venus vous parler, en nous fondant sur notre expérience directe de la chose, de ce qui se passe dans notre milieu peut-être à l'insu des administrateurs qui se réunissent dans la salle du conseil. Donc, je ne peux vraiment pas répondre à votre question.
M. Jake Hoeppner: C'est une question à caractère politique.
M. LaBelle: Oui, on dirait.
Mme Marlene Cowling: Ma question concerne les activités de contrôle de la qualité que vous avez mentionnées. Je me demande quand tout cela a commencé. Est-ce que ces problèmes existaient à l'époque du gouvernement précédent? Et dans l'affirmative, les changements que propose le projet de loi C-72 seront-ils suffisants pour corriger la situation que vous nous avez décrite ce matin?
M. Lewicki: Je pense que tout cela a commencé à l'époque du gouvernement précédent. C'est à ce moment-là que l'orientation a commencé à changer. Quand j'ai comparu devant le comité permanent il y a trois ans, j'ai expliqué aux membres que telle était l'orientation qu'on semblait vouloir prendre, et on dirait que cela se concrétise maintenant. Il n'y a rien dans le projet de loi qui aborde la question de la qualité.
Le principal message que je souhaite vous communiquer aujourd'hui est le suivant: si le mandat de la Commission canadienne du blé va rester inchangé dans le projet de loi, cette dernière ne pourra continuer à fonctionner en l'absence du service de classement de la CCG. On fait des études de marché. Ensuite, on se sert des informations détaillées que nous fournissons au sujet des wagonnées pour favoriser la vente des céréales.
Nous sommes de plus en plus actifs sur les marchés mondiaux, où les clients veulent acheter des produits autres que notre produit courant, et par conséquent, nous faisons des exceptions et offrons des services de manutention spéciaux à ces clients. Par conséquent, au lieu d'instituer un programme de contrôle de la qualité encore plus strict, comme nous devrions le faire, nous faisons exactement l'inverse. Je ne comprends pas.
C'est toujours plus délicat quand on a acquis une certaine réputation. Il n'y a absolument rien ici qui va permettre d'assurer le même contrôle de la qualité qui existe actuellement. Ou alors on classe les céréales, ou alors on ne le fait pas; mais il faut absolument le faire sur place. Il suffit d'une erreur pour que notre réputation de fiabilité s'effondre.
Supposons qu'on décide de ne pas classer les céréales à l'entrée. À ce moment-là, on les vérifie sur le bateau même, mais on ne peut plus les classer parce qu'on ne sait pas ce qu'on avait au départ. C'est un peu comme si on voulait monter une voiture et vérifier les pièces après. L'acheteur attend ses céréales. On a déjà un problème pour faire transporter les céréales par chemin de fer à leur destination, et maintenant vous voulez faire quelque chose au niveau du contrôle de la qualité qui va susciter un doute dans l'esprit des acheteurs du monde entier. Si nous commençons à faire ce genre de choses, nous allons perdre des clients. Et si nous perdons des clients, le Canada aura des ennuis, comme nous tous, d'ailleurs.
Ce service ne coûte pas cher. Nous vendons pour 5 milliards de dollars de céréales, alors que la Commission canadienne des grains a besoin de 50 millions de dollars pour offrir ce service à l'entrée et à la sortie. Vous obtenez donc une police d'assurance dont le coût correspond à 1 p. 100 des revenus.
Et c'est un service qui fonctionne bien. La Commission canadienne du blé fait un excellent travail, et il en va de même pour la Commission canadienne des grains, dont les employés sont en première ligne. Quelque chose est en train de se produire qu'il faut absolument arrêter; j'avoue que cela me dépasse complètement.
Le président: Si je peux me permettre de vous demander un éclaircissement, monsieur Lewicki, vous nous dites que l'industrie, non pas la Commission canadienne du blé, aurait demandé que la pesée à l'entrée et le classement des céréales deviennent facultatifs. Vous craignez que, si l'on permet ce genre de choses, pour tous les grains ou une partie des grains, la qualité des céréales canadiennes qui sont expédiées à l'étranger en pâtisse. Ai-je bien résumé la situation?
M. Lewicki: C'est exact.
Le président: Je voudrais donner la parole à M. Hermanson, qui a une très brève question à vous poser.
M. Elwin Hermanson: Très rapidement, il n'y a rien dans la Loi actuelle sur la Commission canadienne du blé qui concerne directement le problème que vous avez soulevé. Le nouveau projet de loi n'aborde pas non plus cette question, si je ne m'abuse. D'après ce que j'ai pu comprendre - et vous me corrigerez si je me trompe - vous ne recommandez pas que le projet de loi C-72 soit modifié pour attaquer ce problème, qui relève davantage de la Commission canadienne des grains que de la Commission canadienne du blé. C'est bien cela?
M. Lewicki: Oui, absolument.
M. Elwin Hermanson: Cela dit, êtes-vous en train de nous dire - et là, cela concerne la Commission canadienne du blé - qu'en vertu des règlements actuels - probablement ceux qui régissent la Commission canadienne des grains - les sociétés céréalières peuvent faire certaines choses au port qui vont réduire le rendement des agriculteurs au moment où les comptes de mise en commun sont arrêtés définitivement? Est-ce que ces comptes de mise en commun sont moins importants à cause des pratiques de certaines sociétés céréalières au terminus, pratiques qui réduisent le rendement de l'agriculteur? Êtes-vous en train de nous dire que ces pratiques existent déjà et vont devenir de plus en plus courantes si aucune mesure corrective n'est prise?
M. Lewicki: Oui, tout à fait.
M. Elwin Hermanson: Merci.
Le président: Merci, Elwin.
Wayne, voulez-vous faire un bref commentaire? Je vous demande d'être aussi bref que possible, et ensuite, nous passerons au témoin suivant.
M. Wayne Easter: Essentiellement, votre rôle dans ce système, étant donné que vous êtes chargés du pesage à l'entrée, de la vérification des wagons, etc., consiste à réunir toutes les informations, afin que l'agriculteur soit traité équitablement en cas de conflit. Vous affirmez que si vous n'êtes pas là pour vous occuper du pesage à l'entrée, il y a davantage de risque que les agriculteurs ne touchent pas un rendement équitable. C'est bien cela?
M. LaBelle: C'est une hypothèse qui me semble tout à fait juste.
M. Wayne Easter: Très bien. Merci.
Le président: Très bien. Merci beaucoup, monsieur Lewicki et monsieur LaBelle, d'avoir fait part de vos préoccupations au comité.
On m'a dit que M. Barry Bromley est dans la salle. Barry, voudriez-vous avoir vos cinq minutes devant le comité tout de suite?
M. Barry Bromley (témoigne à titre personnel): Oui.
Le président: Très bien. Venez vous asseoir, Barry. Bienvenue au comité.
M. Bromley: Merci, monsieur le président. J'aimerais tout d'abord vous remercier de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant le comité pour présenter mon point de vue au sujet du projet de loi C-72. En fait, je ne me présente pas devant vous à titre tout à fait individuel; j'ai consulté quelques voisins et une demi- douzaine d'autres collègues au sujet de mon exposé. L'un d'entre eux est même venu chez moi un soir pour m'aider avec la formulation, etc.
La Commission canadienne du blé a trois grandes fonctions: la commercialisation à comptoir unique, la mise en commun des recettes pour l'établissement d'un prix commun, et ce qu'on appelle la garantie du gouvernement. En l'absence de ces trois grandes fonctions, la Commission canadienne du blé ne serait plus qu'un négociant en grains comme d'autres. La formule du comptoir unique est nécessaire pour empêcher les producteurs de se faire concurrence et pour assurer à la Commission des volumes suffisants pour faciliter la mise en commun, ce qui constitue à mon avis l'une des grandes réalisations du secteur agricole au cours de ce siècle.
Le secteur céréalier canadien a déjà fait l'objet d'innombrables études. Mais à ma connaissance, il y a deux questions qui n'ont pas encore fait l'objet d'études - entre autres, combien cela nous coûterait pour suivre les mouvements du marché libre, comme nous le conseillent les experts en la matière.
Lors d'une exposition il y a quelques années, on m'a dit qu'une liaison informatique avec le reste du monde me coûterait environ 1 000$ par année. J'ai reçu des lettres qui m'offraient un prix spécial pour un abonnement à des bulletins d'information sur les différents marchés. En règle générale, ces abonnements coûtent entre 50$ et 100$ pour trois mois. Et à cela il faut ajouter le temps qu'il nous faut pour analyser cette information qu'on nous envoie, ou pour écouter une émission à la radio deux fois par jour. Donc, en ce qui me concerne, les dépenses de la CCB ne sont pas du tout exagérées.
L'autre question qui n'a pas encore été étudiée est l'état du secteur de la manutention des céréales du point de vue des sciences du comportement. Le débat sur la commercialisation des céréales au cours des 10 dernières années a-t-il vraiment été articulé autour des marchés ou assistons-nous à un changement profond dans nos valeurs humaines; au lieu de valoriser le travail d'équipe - paix, ordre et bon gouvernement - nous avons le culte de la concurrence et la génération du moi? Nous les habitants des prairies, sommes- nous vraiment aussi uniques que nous nous imaginons?
On pense tout de suite à l'évolution de l'exploitation familiale au cours de trois générations. La première génération a travaillé très fort et a développé l'entreprise: la génération suivante a profité de ce travail et a prospéré. Et enfin, la troisième génération a tout perdu. C'est un phénomène fréquent dans les exploitations agricoles familiales. Je crains bien que ce soit la même chose ici. Moi je suis de la troisième génération. Je sais que chez moi, la quatrième génération veut garder la ferme et en a vraiment besoin.
Pour en arriver au projet de loi C-72, l'article qui permet à la CCB d'éliminer facilement certaines catégories de blé, sans prévoir l'ajout d'autres produits, est tout à fait déséquilibré.
J'aimerais que cet article soit supprimé ou à tout le moins qu'il soit plus rigoureusement formulé; je recommanderais également qu'on prévoie l'adjonction d'autres récoltes. Permettre à la CCB d'acheter des céréales en dehors des comptes de mise en commun en cas d'urgence me semble acceptable. Par contre, si les achats de blé au comptant devenaient importants, tout le système de mise en commun serait menacé.
La CCB ne devrait être autorisée à acheter du blé au comptant que pour remplir ses contrats. L'achat de blé au comptant et le raccourcissement des périodes de mise en commun auraient pour résultat d'accroître la complexité et les coûts du système, et donc de réduire les revenus des agriculteurs à long terme. Si certains agriculteurs voulaient avoir la possibilité de toucher la totalité des revenus de leur récolte dès que possible, un système de certificats échangeables permettrait à mon avis de répondre à ce besoin.
Personnellement, je ne pense pas que je m'en servirai. J'ai un peu peur que cela finisse par créer des entreprises agricoles axées sur le modèle du crédit sur gage, ce qui pourrait coûter cher à certaines personnes, justement celles qui ont besoin de sortir un maximum de revenus du compte de mise en commun.
Élire un conseil d'administration est une bonne idée en théorie. Je crains cependant que si l'on crée des postes d'influence où l'administrateur élu représente un groupe important, tout le mauvais côté de la politique va se manifester.
J'estime également que si la CCB a obtenu d'aussi bons résultats jusqu'à présent, c'est parce que ses décisions sont prises en fonction de facteurs commerciaux, et non en fonction de ce qui va permettre aux administrateurs de se faire réélire.
Pour qu'un conseil d'administration formé de représentants élus puisse être efficace, le président doit être nommé par les administrateurs eux-mêmes. Le premier dirigeant devrait être responsable devant le conseil d'administration, sans pour autant être administrateur. Étant donné que le gouvernement offre une garantie, la notion de représentation fédérale au conseil d'administration semble justifiée. Mais pour répondre aux demandes de contrôle des producteurs, il faudrait que la majorité des administrateurs soient des représentants élus.
La garantie qu'offre le gouvernement sous forme d'acompte à la livraison a coûté très peu cher au Trésor fédéral au fil des ans, compte tenu des volumes de céréales qui sont concernés. Quelles que soient les conditions d'accumulation ou d'utilisation des fonds de réserve, ce fonds va nécessairement faire l'objet d'énormément de critiques et de débats, sans parler des coûts supplémentaires pour les producteurs. Il serait donc préférable, à mon avis, de supprimer cet article du projet de loi et de conserver un mode de fonctionnement clair et simple, qui serait fondé sur les bonnes vieilles méthodes éprouvées.
En conclusion, la Commission canadienne du blé n'est pas une sorte de monstre qui prive les producteurs de leurs droits et libertés. C'est un instrument qui nous permet de faire notre propre commercialisation en tant que collectivité, collectivité établie par la seule institution qui pouvait l'établir - le gouvernement fédéral - de la même façon qu'elle crée d'autres institutions qui font de nous une nation.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Bromley.
Nous allons prévoir maintenant un petit tour de questions, en commençant par M. Calder, qui sera suivi de M. Hermanson.
M. Murray Calder (Wellington - Grey - Dufferin - Simcoe, Lib.): Merci, monsieur le président.
Barry, j'ai beaucoup apprécié votre exposé. Je suis moi-même aviculteur de l'Ontario, et je connais donc le marketing. Je suis tout à fait d'accord avec votre description des trois générations d'une famille. Ma famille s'est lancée dans l'aviculture à partir de zéro. Nous en sommes maintenant à un point où une génération qui n'a jamais connu des prix faibles commence à s'intéresser beaucoup plus aux activités de notre propre office, un peu comme vous le faites pour la Commission canadienne du blé.
Mais moi je voudrais surtout vous parler de l'achat de blé au comptant. Pour les jeunes agriculteurs qui ont besoin d'argent à la moisson, c'est une source rapide de liquidités, mais j'y vois certains dangers en ce qui concerne la commercialisation.
Puisque vous travaillez dans ce secteur, j'aimerais bien savoir si vous y voyez des dangers sur le plan de la commercialisation. Quels produits devraient être achetés au comptant et qui devrait prendre la décision?
M. Bromley: Eh bien, je suis tellement satisfait du prix commun que... Quand on met en commun ses recettes, on sait qu'on va avoir sa juste part; je n'ai pas besoin de garder tous ces revenus pour moi ou de toucher tout cet argent immédiatement. Je suppose que ceux qui sont en faveur des achats comptants sont ceux qui croient avoir besoin de tous les revenus de leur récolte immédiatement.
Vous avez justement mentionné quelque chose qui me préoccupe: la situation du jeune agriculteur. Une fois qu'on est lancé, ses revenus sur 10 ans restent les mêmes, peu importe qu'une année les revenus comprennent l'ajustement de fin de campagne... Disons que 1997 comprendrait l'ajustement de fin de campagne pour la récolte de 1995, une partie de la récolte de 1996, et une toute petite partie de la récolte de 1997. Si vous répartissez tout cela sur 10 ans, par exemple, vous allez voir que ces revenus restent à un niveau stable.
Par contre, pour l'agriculteur débutant, la situation est difficile tant que les cycles ne sont pas bien établis. Habituellement, les débutants ont une toute petite opération de même que d'autres sources de revenu et l'aide de la famille.
Mais en ce qui me concerne, l'achat au comptant est tout à fait contraire à la notion de mise en commun des recettes et de prix commun. Dans notre cas, avec le système qu'applique la Commission, il peut conclure des contrats et avoir sa juste part des revenus. Son père peut le transporter par camion l'hiver, les jours où il s'en sert de toute façon, alors que dans le cas du canola, qu'est-ce que vous voulez qu'il en fasse?
M. Murray Calder: Je commence à comprendre ce que vous essayez de me dire. Voulez-vous dire par là qu'en ce qui vous concerne, l'achat de blé au comptant risque de miner le système de commercialisation à comptoir unique? Vous avez déjà affirmé que la CCB devrait, selon vous, retenir ces trois grandes fonctions.
M. Bromley: Oui, absolument.
M. Murray Calder: Très bien. Merci, monsieur le président.
Le président: Elwin.
M. Elwin Hermanson: Merci pour votre exposé, monsieur Bromley. D'abord, cultivez-vous dans votre ferme uniquement les récoltes qui sont commercialisées par la CCB - c'est-à-dire le blé et l'orge - ou cultivez-vous également d'autres récoltes?
M. Bromley: Je cultive un peu de canola.
M. Elwin Hermanson: Ah, bon; vous avez du canola. Je sais qu'en Saskatchewan - je ne sais pas si c'est le cas au Manitoba, mais je pense que la situation est semblable ici - les agriculteurs ont dû se lancer dans d'autres cultures pour survivre pendant les années 80. Je pense que c'est à ce moment-là que bon nombre d'agriculteurs se sont rendu compte que même si la CCB fait du bon travail pour ce qui est de vendre le blé et l'orge, ces ventes ne se traduisent pas nécessairement par des prix plus élevés. En fait, bon nombre d'agriculteurs ont dû se lancer dans d'autres cultures juste pour survivre. C'est pour cela qu'ils demandent maintenant qu'on leur accorde une plus grande marge de manoeuvre pour la commercialisation des produits. Je me demande si vous êtes d'accord ou non.
Je sais que vous avez recommandé dans votre exposé qu'un plus grand nombre de récoltes soient régies par la Commission. Pensez- vous qu'un compromis serait possible, c'est-à-dire que si l'on permettait à la CCB de régir la commercialisation d'un plus grand nombre de récoltes, on pourrait en même temps permettre aux agriculteurs qui ne veulent pas passer par la CCB pour commercialiser leurs produits de se retirer? Est-ce que cela devrait être facultatif, d'après vous? Le producteur qui veut passer par la CCB pour commercialiser son blé et d'autres récoltes pourrait le faire, mais ceux qui ne veulent pas passer par la Commission pourraient exercer leur droit de commercialiser leurs produits en dehors du régime de la Commission.
M. Bromley: Si l'on adoptait ce genre de formule, il y aurait différentes conséquences. D'abord, les céréales de la Commission seraient en compétition avec celles vendues par l'autre groupe, ce qui aurait tendance à faire baisser les prix. Quand la CCB contrôle toutes les céréales, elle peut faire des mélanges ou, à partir de l'ensemble des céréales récoltées, choisir les grains qui ont les qualités qu'elle recherche. S'il y a des inondations au printemps dans la vallée de la rivière Rouge, et un gel cet automne, elle pourra obtenir ses céréales de première qualité d'une autre région. L'inverse pourrait également être vrai. C'est pour cela que nous devons pouvoir obtenir les céréales d'un ensemble de régions et faire des mélanges pour maintenir la qualité de notre produit.
M. Elwin Hermanson: Quand vous vendez votre canola, le vendez- vous à celui qui vous offre le moins, ou à celui qui vous offre le plus?
M. Bromley: J'ai d'assez bons rapports avec les gens qui travaillent au silo et que je vois par la fenêtre de ma cuisine tous les matins.
Le président: Vous avez un arrangement spécial avec le silo: comme vous êtes debout et habillé avant les autres, vous pouvez y arriver plus vite et acheminer vos céréales au marché plus rapidement.
M. Bromley: Je me suis fais engueuler par un voisin au silo parce que j'ai mis une salopette le week-end dernier.
M. Elwin Hermanson: En parlant de la possibilité de retrait, je disais que la Commission canadienne du blé, de même que le gouvernement du Canada, dépense beaucoup d'argent pour des actions en justice à l'heure actuelle. Il y a une action en Alberta en ce moment qui fait intervenir la Charte. Il y a aussi tous les problèmes que suscitent les agriculteurs qui font partie du groupe Farmers for Justice qui transportent leurs céréales de l'autre côté de la frontière et qui se font attaquer devant les tribunaux. La communauté agricole est très divisée en ce moment. Les agriculteurs se battent entre eux. Ce genre de conflit surgit parfois dans les familles. C'est très malsain.
Ne pensez-vous pas que pour économiser l'argent des agriculteurs et des contribuables, il conviendrait de trouver une sorte de compromis pour permettre aux agriculteurs qui le souhaitent de se retirer du régime de la CCB? On pourrait peut-être prévoir qu'ils ne puissent pas être réintégrés pendant un certain temps, mais une formule de ce genre permettrait peut-être d'atténuer l'hostilité qui existe maintenant dans ce secteur, et je pense que tout le monde serait beaucoup plus heureux.
M. Bromley: C'est justement de cela que je parlais quand j'ai fait allusion aux sciences du comportement. Je constate qu'en deux ou trois générations...
Le président: Je pensais que vous aimeriez peut-être réagir à cette proposition.
M. Bromley: ... et faut-il absolument vivre ce triste épisode pour revitaliser et relancer ce secteur?
Comme le disait ce monsieur, moi aussi, j'ai eu des conversations avec mon grand-père et ses collègues, et je sais comment c'était quand la CCB n'existait pas. Et quand on voit ce qui se passe avec le canola et d'autres produits, on apprécie d'autant plus la Commission. Qu'est-ce que cela vous coûte de mettre le pied sur la pédale d'embrayage de votre tracteur et de sortir...? Il est déjà assez difficile de se rappeler du prix du canola, mais s'il faut ajouter les autres produits, en ce qui me concerne, ça devient très lourd.
Le président: Monsieur Easter, avez-vous un bref commentaire à faire?
M. Wayne Easter: Je pense que l'un des arguments clés que vous avez avancés, c'est que le système de commercialisation à comptoir unique empêche les agriculteurs de se faire concurrence. Nous avons un excellent exemple de ce genre de problème dans le secteur de la pomme de terre dans l'Île-du-Prince-Édouard, où les gens se font concurrence et font baisser les prix. C'est celui qui vend son produit le moins cher qui fixe le prix pour tout le monde.
En fait, l'étude menée par le témoin précédent - il ne l'a pas mentionnée, mais je voudrais que ces chiffres soient publics, monsieur le président - indique justement qu'entre 1985 et 1994, la CCB a pu verser aux producteurs un revenu supplémentaire moyen de 34,47$, par opposition à un système de vendeurs multiples. Alors, c'est une bonne preuve, à mon avis, de l'importance que revêt la Commission canadienne du blé pour les agriculteurs.
La seule autre chose que je voulais dire, monsieur le président, c'est que je suis d'accord avec M. Bromley pour dire que la commercialisation à comptoir unique est extrêmement importante, et déclarer publiquement que la Commission canadienne du blé a obtenu d'excellents résultats; je pourrais peut-être mentionner aussi à M. Hermanson que quand il parle de marge de manoeuvre, c'est très bien de prévoir une plus grande marge de manoeuvre pour l'expédition de récoltes différentes, mais si cette marge de manoeuvre doit prendre la forme de marché parallèle, tout ce que vous allez faire, c'est détruire toutes les réalisations positives de la Commission canadienne du blé, réalisations dont nous avons la preuve et dont les producteurs ont profité au maximum au fil des ans.
Le président: Avez-vous une dernière remarque à faire, monsieur Bromley?
M. Bromley: À mon avis, nous n'avons pas à nous excuser de ne pas vouloir nous faire concurrence. Il y a quelques années, Tenneco devenait, semble-t-il, la dix-huitième société américaine. Elle possédait Case et elle avait décidé de racheter International. Sa première décision a été de dire que certains négociants devaient partir parce qu'elle ne pouvait pas se permettre d'être en concurrence avec elle-même.
Personnellement, j'attache une très grande importance à la Commission canadienne du blé. Elle fait partie de mon identité canadienne. Nous étions membres de l'Association internationale des familles hôtes, et c'est alors que nous avons accueilli des Européens chez nous. Alors, je leur ai parlé de la Commission canadienne du blé, de la Commission canadienne des grains, des petits fermiers et de ce genre de choses. Je crains bien qu'on est en train de reculer, alors qu'il faudrait faire l'inverse et nous donner le même système de négociant unique et exclusif pour la commercialisation de nos produits dont bénéficient d'autres producteurs.
Merci.
Le président: Merci beaucoup pour votre exposé.
Membres du comité, comme je n'ai pas eu d'indication que d'autres particuliers voudraient prendre la parole, nous allons faire une pause café, et dès que le prochain groupe de témoins sera arrivé, nous pourrons reprendre nos travaux.
La séance est levée.