[Enregistrement électronique]
Le lundi 17 mars 1997
[Traduction]
Le président (M. Lyle Vanclief (Prince Edward - Hastings, Lib.)): La séance est ouverte. Comme il n'est pas encore tout à fait 10 heures, nous pouvons entendre encore un autre témoignage à titre personnel. À compter de 10 heures, nous entendrons les représentants de la Manitoba Cattle Producers Association.
Monsieur Harland, vous avez la parole. Comme je viens de le dire, vous avez entre 5 et10 minutes pour nous faire part de vos observations et pour répondre à nos questions.
M. Harvey Harland (témoigne à titre personnel): Je serai très bref, monsieur le président. Je veux d'abord vous remercier ainsi que le comité de tenir des audiences dans l'Ouest canadien et de les commencer à Winnipeg.
Ce que j'aimerais surtout dire au sujet du projet de loi C-72, c'est qu'on devrait conserver un organisme de vente unique puisque cette formule présente des avantages au point de vue financier. Voilà ma première observation.
Deuxièmement, je vous presse de tenir compte dans vos délibérations des intérêts de tous les producteurs de grains de l'Ouest canadien.
Troisièmement, vous devrez prêter une certaine attention au contrôle de la qualité et au transport du grain. Il faut bien vendre le produit, mais il faut aussi s'assurer qu'il puisse être acheminé au marché et prendre les mesures voulues pour maintenir notre réputation dans le monde comme fournisseur de grains.
J'ai écouté les deux inspecteurs parler du contrôle de la qualité, et je dois dire que je partage leurs préoccupations. La grande qualité de notre grain est reconnue dans le monde entier et il faut maintenir notre réputation à cet égard. Il faut empêcher que la qualité du produit diminue.
Toute cette question peut paraître assez complexe à des gens comme vous qui n'êtes pas inspecteurs du grain. Je n'en suis pas un non plus, mais voici ici un échantillon de très bon blé. Je suis négociant en blé. Je connais l'industrie des provendes et les silos-élévateurs. J'ai également été commissaire à la Commission canadienne du blé pendant un certain temps. Je comprends les problèmes que posent certaines nouvelles variétés de blé provenant des États-Unis.
Voici un échantillon d'une des variétés de blé de meilleure qualité cultivées aux États-Unis. Je l'ai fait inspecter à Kansas City. Il s'agit d'une des meilleures qualités de grains cultivés dans le nord des États-Unis.
Trois de mes amis agriculteurs ont apporté cet échantillon de grain à quatre sociétés de silos-élévateurs situées à l'extérieur de Winnipeg: chacune d'elles aurait classé ce blé comme du blé roux de printemps canadien de catégorie numéro 1. C'est pourtant une variété de blé américaine qui n'est pas cultivée au Manitoba. C'est en fait un blé fourrager.
Si l'exploitant de silos-élévateurs mélange ce blé avec le blé roux de printemps de catégorie numéro 1 ou 2, et l'expédie au terminal, il aura maille à partir avec les inspecteurs à Thunder Bay ou Vancouver s'ils s'en rendent compte. Rien de plus n'arriverait. Mais si ce blé passe inaperçu, il risque de ternir notre réputation dans le monde parce que ce blé ne serait pas à la hauteur des variétés qui sont cultivées dans l'Ouest canadien.
Voilà la chose sur laquelle je voulais attirer votre attention aujourd'hui. J'appuie ceux qui veulent qu'on maintienne à tout prix nos contrôles de qualité.
C'est tout.
Le président: Très bien. Je vous remercie beaucoup, monsieur Harland.
Wayne, avez-vous une observation à faire?
Je vous prie de poser des questions brèves.
M. Wayne Easter (Malpèque, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.
On nous a reproché de ne pas avoir adopté toutes les recommandations du Groupe de commercialisation du grain de l'Ouest. Il y en a une en particulier que nous n'avons pas adoptée et que je vais maintenant citer.
Le Groupe de commercialisation a recommandé d'exempter le blé non réglementé de la compétence de la Commission canadienne du blé et qu'il soit plutôt assujetti au système d'acompte à la livraison sous la surveillance de la CGS. La participation de la Commission canadienne du blé serait facultative. En vertu de la loi, le conseil d'administration pourrait envisager cette possibilité.
Pensez-vous qu'en rejetant cette recommandation nous avons suffisamment protégé l'intégrité du système de contrôle de la qualité ou devons-nous faire davantage?
M. Harland: Je crois que cette question relève de la compétence de la Commission canadienne des grains, laquelle peut se reporter à cet égard à des lignes directrices, mais nous devons savoir exactement ce que nous faisons. Peut-être que les mesures qui ont été prises ne suffisent pas à assurer le contrôle de la qualité.
Je ne peux pas répondre de façon plus complète à la question. À mon avis, la Commission canadienne des grains a la compétence voulue pour intervenir.
M. Wayne Easter: Les inspecteurs que nous avons entendus plus tôt ont exprimé des réserves au sujet de la déréglementation qui pourrait être mise en oeuvre par la Commission canadienne du blé. Notre comité n'a pas vraiment pour mandat...
M. Harland: J'en suis conscient.
M. Wayne Easter: ...d'étudier cette question. Que demandez-vous au juste que le comité fasse?
M. Harland: J'attire simplement son attention sur la question.
M. Wayne Easter: Je vous remercie.
Le président: Elwin, je vous prie d'être bref. La parole sera ensuite à Mme Ur.
M. Elwin Hermanson (Kindersley - Lloydminster, Réf.): Je vous remercie, monsieur le président.
J'aimerais voir cet échantillon de blé. J'ai comme l'impression que ce blé se vendrait entre 3 et 4 $ le boisseau aux États-Unis. Il se vendrait beaucoup moins cher au Canada puisqu'il serait classé comme du blé fourrager. Comment peut-on justifier un système si inflexible qu'un agriculteur canadien cultivant ce blé ne pourrait pas en obtenir un juste prix?
M. Harland: Il faut voir l'envers de la médaille. Ce blé risque aussi de causer un préjudice à de nombreux producteurs de l'Ouest canadien et de ternir notre réputation sur les marchés mondiaux.
M. Elwin Hermanson: Oui, mais si c'est ce que veut le marché et que nous ne pouvons pas vendre ce blé à sa juste valeur, ne nous causons-nous pas un préjudice à nous-mêmes?
M. Harland: Qui dit que c'est ce que veut le marché?
Le président: Madame Ur.
Mme Rose-Marie Ur (Lambton - Middlesex, Lib.): C'est la deuxième fois ce matin qu'on nous parle de qualité. Des témoins précédents ont insisté sur le fait que la Commission canadienne des grains joue un rôle prépondérant dans le contrôle de la qualité. Comme nous ne produisons pas du blé en même quantité que nos voisins américains, nous insistons évidemment sur la qualité de notre produit.
J'ai compris ce matin en écoutant les témoins que cette question ne relève pas du mandat du comité. Faudrait-il modifier en conséquence le projet de loi C-72? Le contrôle de la qualité est assujetti à la Loi sur les grains du Canada, mais faudrait-il faire en sorte que le projet de loi C-72 assure le maintien des activités d'inspection?
M. Harland: La Commission canadienne des grains doit accepter les changements proposés. J'attire simplement votre attention sur le fait que cette question relève de la Commission canadienne des grains et il ne faudrait pas l'oublier dans les mois et les années qui viennent.
Certains exploitants de silos-élévateurs acceptent ce grain, et s'ils ne le font pas, c'est l'ensemble des agriculteurs de l'Ouest canadien qui seront lésés.
Mme Rose-Marie Ur: Pendant combien de temps cette situation peut-elle durer?
M. Harland: Je l'ignore.
Le président: Je vais maintenant permettre à M. McKinnon de poser une brève question et nous allons ensuite devoir mettre fin à la discussion.
M. Glen McKinnon (Brandon - Souris, Lib.): Bienvenue, monsieur Harland.
Je vais maintenant peut-être dépasser le cadre de vos observations. Nous parlions de l'inspection. J'aimerais que nous parlions aussi de la délivrance des permis.
Comme vous le savez, à la fin du mandat du gouvernement précédent, on a permis l'entrée au Canada de nouvelles variétés provenant des États-Unis. Cela continue à avoir des conséquences pour le contrôle de la qualité au Canada. J'aimerais savoir si vous pensez que nous devrions déployer autant d'efforts que nous l'avons fait au début des années 90 dans le domaine de la délivrance des permis?
M. Harland: Je crois. Vous devez continuer d'assurer la qualité du contrôle des variétés.
Le président: Très bien.
Je vous remercie beaucoup, monsieur Harland, de vos observations et de votre contribution à nos travaux.
Nous allons maintenant entendre nos témoins suivants. Nous allons procéder dans l'ordre suivant: la Manitoba Cattle Producers Association, le ministère de l'Agriculture du Manitoba, la Commission canadienne des grains et la Commission canadienne du blé.
Je vous rappelle que vous avez 15 minutes pour présenter votre mémoire. Je vous indiquerai lorsqu'il ne vous restera plus que deux minutes. Nous vous écouterons l'un après l'autre, après quoi les membres du comité vous poseront des questions ou vous demanderont des précisions. Vous devriez donc avoir le temps voulu jusqu'à 11 heures pour nous présenter à tour de rôle vos mémoires, j'espère ensuite qu'il nous restera une heure avant la pause-déjeuner.
Bienvenue à vous tous. Le comité est venu recueillir cette semaine dans cinq villes de l'Ouest canadien des commentaires au sujet du projet de loi C-72, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé.
Je vais maintenant accorder la parole à la personne qui présentera le mémoire de la Manitoba Cattle Producers Association. Je crois que ce sera soit M. Beever, soit Mme Sally.
Bienvenue et veuillez commencer.
M. Marlin Beever (président, Manitoba Cattle Producers Association): Je vous remercie de l'occasion qui nous est donnée de vous présenter notre position aujourd'hui.
Nous aimerions souligner les points suivants au Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire concernant le projet de loi C-72.
L'industrie canadienne des provendes est le principal marché pour l'orge commercialisé par la Commission canadienne du blé.
Deuxièmement, l'industrie des provendes est un élément important de l'économie agricole de l'Ouest canadien et génère 37 p. 100 de tous les revenus agricoles des provinces des Prairies. L'industrie de l'élevage à elle seule compte pour 22 p. 100 de tous les revenus agricoles dans les Prairies et pour plus de 11 p. 100 au Manitoba.
Troisièmement, l'industrie canadienne de l'élevage du boeuf exporte 54 p. 100 de sa production totale vers divers marchés. La capacité de l'industrie canadienne du boeuf à être concurrentielle sur les marchés mondiaux dépend en grande partie de notre accès à des provendes à un prix équivalent à celui demandé par nos concurrents, et en particulier nos concurrents américains.
Quatrièmement, si la Commission canadienne du blé intervient sur le marché interne des provendes, cela risque d'avoir un impact considérable sur le prix des provendes vendues au Canada. La Commission canadienne du blé devrait s'employer à promouvoir la croissance du marché du grain interne ainsi que du marché d'exportation.
Cinquièmement, les amendements proposés par le gouvernement dans le projet de loi C-72 mineront la compétitivité des producteurs de bétail de l'Ouest canadien, déstabiliseront le marché interne des provendes et accroîtront, à long terme, la dépendance des producteurs de grain des Prairies sur un marché d'exportation coûteux caractérisé par de grandes fluctuations.
L'industrie de l'élevage du bétail du Manitoba compte poursuivre sa croissance au cours de la prochaine phase du cycle du bétail. Si le nombre d'animaux de boucherie a diminué au Canada, au 1er janvier 1997, le nombre de vaches d'élevage de boucherie avait augmenté de 5 p. 100.
Notre industrie repose essentiellement sur l'élevage des veaux et des génisses, mais on constate une augmentation des activités d'affourragement, et en particulier des activités de semi-finition et d'engraissement. L'an dernier, on estime à 175 000 les têtes de bétail engraissées dans la province.
D'après les statistiques du ministère de l'Agriculture datant du 1er janvier 1997, on estime à 130 000 le nombre de têtes de bétail engraissées. Cette croissance dans l'industrie peut être attribuée à la confiance des producteurs dans l'avenir de cette industrie dans notre province. L'élimination des subventions au transport du grain, l'affectation de terres de culture marginales au fourrage et à la pâture, et l'engagement pris par le gouvernement de promouvoir les activités de transformation ont tous eu un impact très positif sur l'industrie de l'élevage du bétail au Manitoba.
On estime que 1,8 million de tonnes de provendes ont été consommées par le bétail au Manitoba en 1995-1996. Nous nous attendons à ce qu'il y ait une augmentation dans ce domaine en raison de l'expansion de l'engraissement du bétail et de la production porcine. Les analystes prévoient une augmentation de la demande en bovins d'engraissement au cours des prochaines années ainsi qu'une augmentation continue des exportations de boeuf. Il en découle que tant l'engraissement que la production du bétail pourraient augmenter considérablement au Manitoba, d'où la nécessité d'un approvisionnement stable en provendes.
Nous avons deux réserves précises au sujet du projet de loi. La première porte sur l'abrogation du paragraphe 46(b). Nous savons que le ministre a répété à plusieurs reprises que l'abrogation du paragraphe 46(b) ne vise pas à compromettre le fonctionnement du marché interne ni le transport interprovincial des provendes dans la région qui relève de la Commission canadienne du blé. Nous sommes convaincus de sa sincérité.
À notre avis, il serait plus prudent de modifier le paragraphe 46(b) pour corriger les problèmes qu'il pose le cas échéant au lieu de simplement l'abroger.
Quant à la perturbation du marché interne, les producteurs de bétail n'ont aucun mal à faire concurrence aux marchés d'exportation dans un marché juste et équitable. Étant donné qu'il s'agit d'une culture volumineuse de faible valeur, le marché le plus indiqué pour l'orge est l'industrie d'engraissement du bétail. Or, le marché interne ne peut pas faire concurrence à armes égales à une commission à qui l'on confère le pouvoir monopolistique d'évaluer l'offre et d'établir les prix sans égard aux conséquences que cela peut avoir sur le marché interne.
Si le gouvernement souhaite que la Commission continue de commercialiser l'orge sur le marché d'exportation sans pour autant détruire le marché interne, la Commission doit s'en tenir comme par le passé à recourir aux syndicats de producteurs et au système d'acompte sur livraison et laisser l'industrie interne fonctionner sans entrave sur le marché au comptant. Nous recommandons aussi de structurer la Commission de façon à ce que les utilisateurs internes, et notamment les producteurs de bétail, y soient représentés.
Je vous remercie de votre attention.
Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Beever. Vous avez été bref et nous vous en remercions. Je suis sûr que les membres du comité voudront plus tard vous poser des questions.
J'accorde maintenant la parole à M. Enns, ministre de l'Agriculture du Manitoba.
Bienvenue devant le comité, monsieur le ministre. Nous sommes heureux d'être aujourd'hui au Manitoba.
L'honorable Harry J. Enns (ministre de l'Agriculture, gouvernement du Manitoba): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président et mesdames et messieurs. Je tiens à remercier le Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de l'occasion qui m'est donnée de lui faire part des préoccupations du gouvernement du Manitoba au sujet du projet de loi C-72, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé.
Mon gouvernement se réjouit des consultations qui sont menées sur ce projet de loi qui, s'il est adopté, changera fondamentalement la structure et le fonctionnement de la Commission canadienne du blé.
J'aimerais aussi remercier le comité de se déplacer dans les provinces des Prairies pour recueillir les commentaires d'une vaste gamme d'intervenants du domaine de la commercialisation du grain au Canada. Le gouvernement du Manitoba appuie fermement ces consultations qui font partie intégrante du processus législatif.
Comme le comité le sait, le rôle futur de la Commission canadienne du blé dans l'industrie du grain a fait l'objet de débats animés tant sur le plan émotif qu'économique puisqu'il s'agit là d'une question controversée. Je doute que le projet de loi à l'étude mette fin au débat compte tenu de la nature fondamentale de la présence de la Commission canadienne du blé dans le système de commercialisation du grain au Canada. Les modifications proposées à la loi constituent cependant un important pas dans l'évolution de notre système de commercialisation du grain.
Le Manitoba appuie la Commission canadienne du blé et reconnaît l'importance du rôle qu'elle a joué auprès des producteurs de l'Ouest canadien. Nous pensons cependant que la Commission canadienne du blé doit s'adapter aux changements qui surviennent dans le domaine du grain. Par l'orientation qu'il propose, le projet de loi C-72 aidera la Commission canadienne du blé à mieux répondre aux besoins des producteurs de l'Ouest canadien et à assurer leur prospérité dans la nouvelle économie agricole.
Les préoccupations du Manitoba au sujet des modifications proposées à la Loi sur la Commission canadienne du blé cadrent avec celles que nous avons exposées l'an dernier devant le Groupe de commercialisation du grain de l'Ouest. En résumé, nos producteurs sont confrontés à des défis importants en raison des réformes apportées à la politique des transports, et en particulier de l'élimination de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest ainsi que les changements touchant la méthode de regroupement des frais de transport utilisée par la Commission canadienne du blé. Les producteurs du Manitoba, dont les coûts d'expédition du grain sur les marchés d'exportation étaient autrefois les plus bas, sont maintenant confrontés au fait que leurs coûts sont maintenant les plus élevés dans les Prairies.
Notre motif en vous faisant part de ces préoccupations est de nous assurer que le projet de loi permet à la Commission canadienne du blé de s'adapter aux nouvelles réalités économiques dans les diverses régions des Prairies et corrige les problèmes qui nuisent actuellement à la croissance soutenue des régions les plus touchées par les réformes apportées à la politique des transports. Le Manitoba a aussi des préoccupations au sujet des modifications législatives portant sur la reddition des comptes et les questions de régie.
Avant de vous parler plus précisément de ces questions, permettez-moi de réitérer l'espoir qu'on tiendra compte des préoccupations de tous les intervenants que vous allez entendre.
L'avenir de l'industrie de la commercialisation du grain se trouve à une croisée des chemins. Le Parlement doit veiller à ce que le projet de loi C-72 permette à la Commission canadienne du blé de se positionner sur les marchés d'exportation mondiaux comme un intervenant compétitif et puissant, ce qui lui permettra de réaliser le mandat qui lui a été confié d'assurer aux producteurs des Prairies les revenus les plus élevés possible.
J'aimerais maintenant attirer votre attention sur des dispositions précises du projet de loi C-72, à commencer par les questions comptables.
Le gouvernement fédéral est financièrement lié à la Commission canadienne du blé par le système des avances sur livraison, des ventes à crédit consenties aux acheteurs étrangers et aux emprunts contractés par le conseil d'administration. Le projet de loi fera en sorte qu'il ne sera plus nécessaire au gouverneur en conseil d'approuver les versements intérimaires et les versements finaux. Un fonds de réserve sera constitué pour compenser toute perte éventuelle découlant de transactions au comptant et d'ajustements aux acomptes sur livraison. Le fait que le gouvernement fédéral cesse de garantir les paiements intérimaires réduira les risques auxquels il s'expose.
Étant donné que le gouvernement fédéral continuera dans une large mesure d'appuyer financièrement la Commission canadienne du blé, notre province reconnaît que celle-ci doit rendre des comptes aux contribuables canadiens. Nous estimons que le fait que la Commission canadienne du blé soit tenue de faire approuver ses plans d'entreprise et qu'il lui faille, dans certains cas, obtenir l'approbation de tout le Cabinet pour certaines décisions financières, constitue des mesures suffisantes pour bien renseigner le Parlement sur ses activités. Les modifications législatives proposées feront passer la Commission canadienne du blé d'une société d'État à une entreprise mixte devant rendre des comptes tant au Parlement qu'aux détenteurs de permis.
Le gouvernement fédéral s'est engagé à accroître les mesures de reddition des comptes envers les producteurs. Le Manitoba convient que les opérations courantes et les décisions de politiques de la Commission canadienne du blé doivent refléter la volonté de la majorité des producteurs. Si le projet de loi C-72 prévoit une reddition de comptes suffisante envers les contribuables canadiens, il n'assure pas un même niveau de reddition des comptes - et j'insiste là-dessus - aux intervenants primaires, soit les agriculteurs des Prairies.
Les réformes touchant les questions de régie revêtent également de l'importance si l'on veut s'assurer que la Commission canadienne du blé répond mieux aux besoins des producteurs. Le Manitoba appuie l'idée de remplacer la structure de gestion supérieure de la Commission canadienne du blé par une structure qui assurera un plus grand contrôle aux producteurs sur les opérations de la Commission. Malheureusement, la nouvelle structure de régie exposée dans le projet de loi C-72 n'est pas la plus indiquée pour atteindre cet objectif.
Permettez-moi d'abord de vous faire part des réserves du Manitoba au sujet de la composition du conseil d'administration proposée. Le 7 octobre dernier, le gouvernement fédéral annonçait que l'administration de la Commission canadienne du blé serait confiée à un conseil d'administration composé en majorité d'agriculteurs. Voilà la politique que le gouvernement fédéral a dit vouloir adopter, politique suscitant un appui général dans les Prairies.
Il est prévu que les représentants des agriculteurs seraient choisis au cours d'élections à compter de 1998. Les amendements au projet de loi C-72 ne reflètent cependant pas l'intention exprimée par le gouvernement fédéral. Le paragraphe 3.6 précise notamment que le gouverneur en conseil peut désigner au conseil un ou plusieurs sièges dont le titulaire est à élire par les producteurs. Cet article ne prévoit cependant pas que la majorité des administrateurs seront élus par les producteurs ni même que l'un d'eux le sera. Le gouvernement du Manitoba estime qu'il est impératif que le projet de loi précise clairement que le conseil d'administration doit se composer en majorité de producteurs élus.
Nous voulons maintenant attirer votre attention sur le paragraphe 3.2(2) qui prévoit que:
- (2) Les administrateurs - à l'exception du président - occupent leurs fonctions à titre
amovible
- Étant donné que les administrateurs occuperont leurs fonctions à titre amovible, cela signifie
que c'est le gouvernement fédéral qui continuera de contrôler la composition du conseil, quelle
que soit l'issue des élections des producteurs.
Troisièmement, il est également proposé que le président soit nommé par le gouverneur en conseil sur la recommandation du ministre aux paragraphes 3.4(1) et (4). Cette disposition compromet aussi l'indépendance du conseil à l'égard du gouvernement.
Pour s'assurer encore mieux que le conseil d'administration de la Commission canadienne du blé réponde aux besoins des détenteurs de carnets de permis, mon gouvernement estime que le président du conseil d'administration devrait être élu par celui-ci, ce qui est la pratique courante dans les entreprises.
Le gouvernement du Manitoba s'inquiète également du poste nouvellement créé de président ou de premier dirigeant. À titre de PDG de la société, le titulaire du poste sera chargé de l'administration et de la gestion des opérations commerciales ainsi que du fonctionnement courant de la Commission canadienne du blé. Le projet de loi précise que le président sera membre du conseil d'administration et qu'il sera choisi par le ministre. À notre avis, cette personne ne devrait pas être membre du conseil d'administration, mais devrait plutôt lui rendre des comptes.
En outre, le président devrait être choisi sur la recommandation du conseil d'administration pour s'assurer qu'il se sent tenu de rendre des comptes au conseil et à l'ensemble des agriculteurs des Prairies plutôt qu'au gouvernement fédéral.
Dans l'ensemble, le Manitoba appuie de façon générale les dispositions du projet de loi visant à assurer une souplesse opérationnelle à la Commission canadienne du blé. Il faut cependant élargir le projet de loi en ce sens pour accorder à la Commission toute la latitude voulue pour tenir compte notamment de certaines préoccupations régionales sur lesquelles j'aimerais maintenant attirer l'attention du comité.
La première a trait au fait que certaines régions se trouvent avantagées du fait de leur situation pour ce qui est du transport du grain. L'élimination de la LTGO ainsi que les changements apportés le 1er août 1995 au système de regroupement des coûts de transport de la Commission canadienne du blé ont défavorisé dans une grande mesure les producteurs manitobains.
Le système de commercialisation et de mise en commun de la Commission canadienne du blé devrait, à notre avis, refléter le fait que certains marchés sont avantagés pour ce qui est du transport. Étant donné que la Commission vise à assurer un rendement maximal à l'ensemble des comptes de mise en commun, les marchés plus près du Manitoba risquent d'être considérés comme des marchés secondaires parce que des économies de transport peuvent être réalisées en s'approvisionnant ailleurs. Le problème réside dans le fait que la différence entre le prix offert sur les marchés plus près du Manitoba et le prix qui pourrait être obtenu d'un autre marché est souvent moins élevée que la différence entre les frais de transport.
Bref, si la Commission canadienne du blé peut offrir un rendement maximal aux comptes de mise en commun en axant ses efforts sur les marchés lucratifs situés sur la côte Est et la côte Ouest, le Manitoba ne pourra profiter de ce même avantage en raison du fait que ses coûts de transport sont maintenant plus élevés. La même chose vaut pour l'est de la Saskatchewan. Je parle évidemment au nom du Manitoba, mais l'est de la Saskatchewan et le Manitoba se trouvent dans la même situation.
Nous estimons qu'il est nécessaire que la Commission canadienne du blé réévalue l'ensemble de son programme de commercialisation pour tenir compte des coûts de transport accrus des agriculteurs de l'est des Prairies. Le projet de loi C-72 devrait contenir une loi habilitante qui permettrait le développement de solutions de rechange envisageables pour assurer des taux de rendement les plus élevés possible aux producteurs de toutes les régions.
Pour appliquer une solution comme celle de silos régionaux plus petits, il faudrait que la Commission canadienne du blé étudie davantage la question pour déterminer si une telle solution serait profitable à tous les producteurs de l'Ouest.
Il y a une autre préoccupation régionale présentée par le Manitoba et qui est particulièrement importante pour l'ensemble de notre économie agricole. Les principes qui sous-tendent l'agriculture dans l'ouest du Canada subissent des changements très importants; on s'écarte maintenant des normes traditionnelles de production pour mettre l'accent sur la valeur ajoutée aux produits céréaliers primaires. Ce nouveau principe devient de plus en plus important dans l'économie agricole du Manitoba.
Pour tirer profit de la demande accrue de produits agricoles à valeur ajoutée, les politiques de commercialisation devront à l'avenir faciliter la croissance. Nous croyons que la Commission canadienne du blé doit être sensible à cet objectif.
La production traditionnelle continuera d'être l'assise de l'agriculture des Prairies, et la Commission canadienne du blé continuera d'avoir pour rôle principal la commercialisation des grains canadiens sur les marchés intérieurs et internationaux. Même si cette fonction demeurera, tous les organismes canadiens qui oeuvrent dans le domaine céréalier, y compris la Commission canadienne du blé, doivent reconnaître le cas particulier que présente le Manitoba et collaborer avec notre province pour qu'il y ait des progrès dans le secteur de la valeur ajoutée.
Il faut, au moyen d'une loi habilitante, tenir compte du caractère évolutif du secteur agricole et réviser le rôle de la Commission canadienne du blé en encourageant le secteur céréalier à s'adapter au changement. Par exemple, le régime d'établissement des prix de la Commission canadienne du blé pour la vente de grains destinés aux meuniers canadiens se fonde sur les dispositions de l'Accord de libre-échange nord-américain, accord qui permet le libre transport du blé entre les deux pays. Le système vise à ce que le Canada soit concurrentiel sur le marché nord-américain de la meunerie et on y calcule le prix du blé en fonction des prix cotés à la Bourse des grains de Minneapolis et en tenant compte des coûts de fret applicables selon la situation géographique de la meunerie. Une prime particulière à la côte Ouest est ajoutée si la meunerie est située dans un endroit où sont appliqués les tarifs de fret canadien applicables aux marchandises livrées à Vancouver.
On a amélioré la politique d'établissement des prix en septembre 1996 pour régler partiellement une anomalie à cause de laquelle le prix du blé était plus élevé pour les meuniers du Manitoba que pour ceux d'autres régions situées plus près du port. Toutefois, la correction effectuée n'est pas suffisante et le marché connaît encore une distorsion qui défavorise le secteur de la meunerie au Manitoba.
La Commission canadienne du blé étudie quelles modifications devraient être apportées au système pour corriger celui-ci, puisqu'il ne tient pas compte des prix relatifs versés aux producteurs et, à cause de cela, du juste prix que devraient payer les meuniers des Prairies. Les mesures contenues dans le projet de loi C-72 doivent rendre possible l'application rapide de telles corrections.
Pour conclure, je signale au comité que le gouvernement du Manitoba approuvera le projet de loi C-72 si les problèmes que j'ai mentionnés reçoivent une solution satisfaisante et si les solutions sont intégrées à la mesure législative. Les problèmes que j'ai mentionnés dans ce témoignage ne représentent qu'une faible partie des modifications de fond à la Loi sur la Commission canadienne du blé dont est saisi le Parlement. Le gouvernement fédéral a proposé bien d'autres modifications importantes que d'autres intervenants se chargeront de porter à l'attention du comité.
Notre gouvernement provincial croit que la mesure législative, dans sa version actuelle, contient des mesures essentielles qui permettront de conserver et de renforcer la Commission canadienne du blé. Toutefois, je répète que dans sa forme actuelle, le projet de loi C-72 ne permettra pas d'atteindre les objectifs de la politique fédérale, surtout en ce qui a trait à l'habilitation des agriculteurs des Prairies au sein de leur propre institution.
Je remercie le comité de m'avoir permis de prendre part à cet examen de la mesure législative et de présenter le point de vue du gouvernement du Manitoba sur ce projet de loi très important.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre. Nous sommes heureux d'avoir pu entendre vos observations et je suis certain que vous aurez d'autres commentaires à faire, un peu plus tard, en réponse aux questions des députés.
Nous entendrons maintenant le représentant de la Commission canadienne des grains, M. Stow.
À vous la parole, messieurs, et bienvenue au comité.
M. Douglas W. Stow (commissaire, Commission canadienne des grains): Merci. Bonjour.
Nous vous remercions de cette occasion de témoigner devant le Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire au sujet du projet de loi C-72, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé. Je suis ici à titre de représentant de la Commission canadienne des grains. Je limiterai donc mes remarques aux aspects du projet de loi qui touchent notre mandat.
Comme vous le savez, la Commission canadienne des grains est un organisme de service spécial. Elle fait rapport de ses activités au Parlement du Canada par le truchement du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire. Notre mandat et notre mission découlent de la Loi sur les grains du Canada et de la Loi sur les marchés de grain à terme. Nous offrons des services à tous les intervenants de l'industrie canadienne des grains, qu'il s'agisse des phytogénéticiens et des producteurs de céréales, des entreprises de manutention et de commercialisation du grain ou des consommateurs canadiens et internationaux de grain canadien.
Nous avons exprimé notre idéal en disant que nous visons l'excellence en ajoutant de la valeur à l'industrie céréalière canadienne. La Commission s'est attribué le mandat d'être le chef de file sur le plan de la gestion de la qualité du grain et de l'assurance de la qualité. Nous nous sommes engagés à fournir d'excellents services adaptés aux besoins de la clientèle et à soutenir les producteurs ainsi que tous les secteurs et les clients de l'industrie céréalière.
Dans ce contexte, je demanderai maintenant à Denis Kennedy, notre directeur exécutif, de parler du projet de loi C-72.
M. Dennis Kennedy (directeur exécutif, Commission canadienne des grains): Monsieur le président, le projet de loi contient deux dispositions qui touchent la Commission canadienne des grains. La première est l'article 12, qui permet aux producteurs exploitants ou locataires d'installations de stockage en copropriété de livrer dans ses silos du blé et de l'orge dans des quantités excédant les quotas fixés par la Commission canadienne du blé. Il y a également les articles 22 et 29, dans lesquels on propose de confier à la Commission la tâche de s'assurer que les changements au système de commercialisation sont appliqués seulement après la mise en place d'un procédé de caractérisation du grain soustrait.
Permettez-moi de traiter d'abord des problèmes que pose l'article 12. Les installations de stockage en copropriété sont des installations d'un silo primaire que les particuliers peuvent acheter ou louer pour stocker leur grain. Ces installations constituent une réalité relativement nouvelle qui gagne en popularité auprès des producteurs qui ne disposent plus de suffisamment de place pour stocker leur grain à la ferme. C'est une solution innovatrice qui a connu des problèmes en raison de l'application de lois rédigées avant l'existence du concept d'installations de stockage en copropriété.
Le problème vient de la Loi sur la Commission canadienne du blé, dans laquelle on interdit de livrer aux silos des quantités de grain supérieures à celles fixées par la Commission canadienne du blé, ainsi que de la Loi sur les grains du Canada, sous le régime de laquelle les silos doivent accepter les grains nettoyés dans leur ordre d'arrivée.
Grâce aux dispositions du projet de loi C-72, les producteurs pourront amener leur grain aux installations de stockage en copropriété sans égard aux quotas fixés par la Commission canadienne du blé. Cette mesure ne nous pose pas de problèmes. Toutefois, rien dans la Loi sur les grains du Canada ni dans la Loi sur la Commission canadienne du blé ne limite la création d'installations de stockage appartenant aux producteurs ou louées par eux. La Commission canadienne du blé estime que cela pourrait provoquer des problèmes pour les systèmes de manutention; elle a par conséquent l'intention de proposer un amendement à l'article 12 pour corriger cette lacune.
Nous croyons savoir que cette disposition est proposée de façon à garantir que ces installations de stockage en copropriété ne puissent absorber une part disproportionnée de la capacité de manutention des grains. Nous estimons que cette position est très justifiable. D'autre part, nous convenons de ce que la Commission canadienne du blé est bien l'organisme à qui devrait incomber l'administration de cette disposition.
Nous sommes de cet avis en raison du rôle de pivot que joue la Commission canadienne du blé dans la coordination du transport du blé et de l'orge du lieu de production jusqu'au point d'exportation. Dans ce contexte, il est tout à fait logique de permettre à la Commission canadienne du blé de déterminer quel pourcentage d'installations en copropriété peut être autorisé dans les silos. C'est pourquoi nous appuyons cette proposition d'amendement.
Passons maintenant aux articles 22 et 29 qui, ensemble, confèrent à la Commission canadienne des grains le mandat et les pouvoirs dont elle a besoin pour mettre en place des systèmes visant à éviter que ne soient confondus avec d'autres grains les grains commercialisés par la Commission canadienne du blé.
La Commission des grains estime que cette disposition est importante car elle appuie l'engagement du Canada à adopter une stratégie de commercialisation mettant l'accent sur la vente de grains de qualité uniforme et constante. Cette uniformité et cette constance sont impossibles sans les systèmes qui nous permettent de séparer les grains de façon fiable selon les différents grades, catégories et variétés que réclament nos clients. En rendant les changements futurs au système de commercialisation tributaires de l'élaboration de mesures efficaces de caractérisation des variétés du blé dans le système de manutention, cette disposition garantit que la qualité de nos exportations de blé ne puisse être mise en péril par inadvertance. Même si cette disposition ne remporte pas un consentement unanime, nous croyons qu'elle recevra un appui général dans toute l'industrie et chez les producteurs.
Ceux qui ont suivi de près les délibérations du Groupe de la commercialisation du grain de l'Ouest appuieront cette mesure, puisque le groupe et à peu près toutes les personnes qui ont participé à ses délibérations s'entendent sur le fait que notre système de qualité confère au Canada sur le marché un avantage qu'il convient de conserver et d'accroître. Nous avons appris que pour obtenir une part du marché, il faut souvent fournir un certain degré de qualité. L'aide technique, le service après-vente, la correction des problèmes lorsqu'ils se posent - tout cela permet de se tailler une place dans un nouveau marché.
Les systèmes de contrôle de la qualité des principaux concurrents du Canada sont moins complets que les nôtres, mais il ne faut pas supposer pour autant qu'il en ira toujours de même. Même si cette concurrence s'est souvent exercée avec l'aide de subventions, la capacité de nos concurrents à subventionner leurs exportations est maintenant réduite sous le régime des accords de l'Organisation mondiale du commerce. Cela signifie que la qualité est encore plus importante, pour nous, pour nos concurrents et pour nos clients.
En résumé, nous appuyons l'esprit des modifications apportées aux règles concernant les installations de stockage en copropriété, mais nous appuyons la proposition de la Commission canadienne du blé voulant que soit mis en place un mécanisme permettant de régir la proportion de la capacité des silos consacrée à ce type de stockage. Nous sommes également satisfaits des dispositions qui renforcent notre capacité de maintenir et d'accroître la réputation internationale du Canada quant à la qualité de ses grains.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, messieurs, d'un autre exposé bref et concis. Les choses vont si bien qu'il nous restera du temps entre le témoignage de ce groupe et la pause-déjeuner pour discuter.
Passons maintenant à la Commission canadienne du blé, représentée par le commissaire en chef, Lorne Hehn.
Bienvenue au comité, Lorne. Veuillez faire votre exposé.
M. Lorne Hehn (commissaire en chef, Commission canadienne du blé): Merci, monsieur le président, de votre invitation à discuter avec le comité de ces amendements à la Loi sur la Commission canadienne du blé.
Pour commencer, permettez-moi de vous présenter les gens qui m'accompagnent. M. Ward Weisensel est chef du service de la politique de notre organisation. Je suis également accompagné de notre avocate générale et secrétaire, Margaret Redmond. Jean-Benoît Gauthier, directeur principal de notre service des ventes, est également présent au cas où il y aurait des questions techniques sur les ventes.
En proposant ces modifications à la loi, le ministre a reconnu que la Commission canadienne du blé présentait trois avantages fondamentaux: la vente en guichet unique qui confère aux agriculteurs plus de force dans un marché international très compétitif, la mise en commun des prix annuels, qui fournit aux agriculteurs un outil de gestion du risque sur les 12 à 14 mois de la campagne de vente, et le partenariat avec le gouvernement fédéral, par lequel celui-ci prend en charge les risques que présentent les opérations financières de la Commission canadienne du blé, mesure qui permet chaque année des économies de 40 à 80 millions de dollars pour les agriculteurs.
Lorsque vous étudierez les témoignages que vous avez entendus et que vous entendrez, mesdames et messieurs du comité, ne perdez pas de vue l'étendue, la portée et la complexité de l'organisme visé par ce projet de loi et les effets de ces derniers sur cet organisme.
Par exemple, au cours de la campagne agricole de 1995-1996, la production de blé de l'Ouest canadien n'a représenté que 4,4 p. 100 de la production mondiale. Toutefois, grâce aux efforts de commercialisation de la Commission, l'Ouest canadien a remporté 17,5 p. 100 du marché international du blé. De même, bien qu'il ne produise que 16,7 p. 100 du blé dur, nos ventes ont représenté 61 p. 100 de toutes les ventes mondiales de blé dur. Enfin, notre production d'orge en 1995-1996 ne représentait que 8,6 p. 100 de la production mondiale, mais notre part du commerce international d'orge de malterie a dépassé les 40 p. 100.
Représentant les intérêts des agriculteurs de l'Ouest canadien, la Commission canadienne du blé met en marché plus de blé, plus de blé dur et plus d'orge que toute autre société de commercialisation au monde. L'an dernier, les ventes se sont élevées à 5,8 milliards de dollars. Ce sont des revenus importants, monsieur le président, qui ne profitent pas seulement aux agriculteurs mais aussi à toute l'économie canadienne.
La clientèle de la Commission canadienne du blé est diversifiée, et pour être efficace dans ses efforts de mise en marché, la Commission doit répondre aux besoins différents de tous ses clients. Par exemple, certains clients réclament des grains de très haute qualité et un niveau très élevé de service, et ils sont prêts à en payer le prix. D'autres achètent des denrées de qualité moindre et n'ont pas besoin de service technique et de suivi.
Compte tenu de cela, la Commission canadienne du blé a mis au point différents groupes de produits et services pour répondre aux besoins de chacun de ses clients dans les quelque 72 pays dans lesquels elle exerce ses activités.
Quant à ses relations avec les agriculteurs de l'Ouest, la Commission canadienne du blé a fourni à tous les agriculteurs de l'Ouest canadien des services de commercialisation essentiellement similaires - et ce, en dépit du fait que certains agriculteurs ont maintenant des besoins différents.
Il y a encore aujourd'hui un vaste groupe d'agriculteurs qui sont satisfaits des systèmes d'acompte sur livraison, de rajustements, de versements intérimaires et finaux, auxquels s'ajoute le programme de paiement anticipé en argent. Toutefois, on trouve également des agriculteurs dans l'Ouest canadien qui ont des exigences plus grandes en matière de flux monétaire et de commercialisation. Pour ces derniers, il est essentiel d'améliorer les mouvements de trésorerie pour répondre à leurs besoins.
Pour répondre à ce besoin et à d'autres également, la Commission canadienne du blé a entrepris toute une série de consultations auprès des agriculteurs, au cours des trois dernières années. Ces discussions ont surtout mis l'accent sur les méthodes de paiement et la souplesse des prix. Les résultats de cette consultation se trouvent dans le mémoire que nous avons présenté l'an dernier au Groupe de commercialisation du grain de l'Ouest.
Dans ce mémoire, nous indiquions quels amendements devaient être apportés à notre loi pour permettre des solutions de paiements moins restrictives et offrir aux agriculteurs la souplesse accrue qu'ils nous demandaient. En voici quelques-uns:
1. acheter du grain aux agriculteurs à un prix autre que le paiement d'acompte et pouvoir d'acheter au comptant;
2. délivrer des certificats de producteur transférables;
3. octroyer une autorisation générale pour la création d'installations de stockage appartenant aux agriculteurs, c'est-à-dire les installations en copropriété;
4. faciliter les ventes ailleurs qu'à la ferme;
5. offrir la possibilité de paiements anticipés en argent au niveau du syndicat;
6. payer les frais de stockage et les frais connexes à l'égard des grains stockés à la ferme;
7. augmenter les outils de gestion du risque;
8. accélérer l'approbation des rajustements des paiements à terme et finaux et distribuer les paiements finaux avant le 1er janvier.
Aujourd'hui, nous aimerions discuter de quelques-uns de ces changements plus en détail. Pour ce qui est de la capacité d'acheter les grains au comptant à un prix autre que le paiement d'acompte, notre but était surtout de fournir aux agriculteurs de l'Ouest canadien la possibilité d'établir le prix à terme. C'est une option que réclamait un groupe important d'agriculteurs qui a participé aux réunions locales du Groupe de commercialisation du grain de l'Ouest ainsi qu'aux réunions de notre propre groupe de travail. Également, cette proposition a reçu de nombreux appuis dans les réunions que nous avons tenues dans le cadre d'une tournée des districts en janvier.
Cette option permettrait aux agriculteurs d'établir un prix fixe à l'égard des grains régis par la Commission canadienne du blé, et ce, avant l'ensemencement. Un prix fixe à terme serait versé à l'agriculteur, en totalité, au moment de la livraison. Ce prix fixe se fonderait sur les prévisions de prix de la Commission canadienne du blé, rajustées en fonction de la valeur temporelle du dollar et en fonction du risque.
La Commission du blé estime également que cette capacité d'acheter les grains au comptant est très importante pour accroître notre capacité de desservir nos clients canadiens et étrangers et que, de ce fait, cette mesure est également importante pour nos agriculteurs actionnaires. La Commission devrait être en mesure de trouver les grains nécessaires pour honorer ses contrats de vente en vigueur ou éventuels en achetant les grains au comptant, selon les conditions du marché.
Le projet de loi C-72 confère à la Commission des pouvoirs vastes pour ce qui est de l'achat de blé et d'orge à un prix autre que le paiement d'acompte aux fins du règlement entier et final. Cette disposition a inquiété certains des plus chauds partisans du régime de la Commission.
Ces inquiétudes viennent surtout de ce qu'ils croient que, premièrement, à cause du commerce au comptant, la Commission du blé sera en concurrence directe avec les silos de compagnie et que, deuxièmement, le fait d'étendre le commerce au comptant pourrait mener à l'abolition de la mise en commun des prix puisque le commerce au comptant et la mise en commun des prix vont à l'encontre l'un de l'autre et ne peuvent être compatibles à long terme.
Dans votre étude des divers témoignages sur le pouvoir que confère ce projet de loi en matière de commerce au comptant, il importe que vous teniez compte de l'esprit dans lequel cette disposition a été rédigée.
Nous sommes sensibles aux préoccupations soulevées, mais nous estimons fortement qu'à tout le moins, la mesure devrait habiliter la Commission canadienne du blé à acheter au comptant de l'orge fourragère et à offrir des contrats de livraison différés aux agriculteurs, c'est-à-dire des contrats à prix fixe dont le prix serait établi en fonction des perspectives de rendement du syndicat du blé pour le blé, le blé dur et l'orge.
Un certificat de producteur est un document délivré par l'exploitation céréalière au nom de la Commission du blé qui énonce le droit du détenteur de recevoir tous ajustements futurs, ainsi que versements intérimaires et finaux pour le grade et la quantité de céréales indiquées.
Si les certificats de producteur étaient transférables ou cessibles à quelqu'un d'autre, les agriculteurs jouiraient d'une souplesse accrue quant au moment et à la forme des paiements qu'ils reçoivent pour les céréales remises à la Commission canadienne du blé. Il va de soi que les agriculteurs qui choisissent de conserver leurs certificats ne seraient pas touchés par cette option.
Ces options de prix seraient offertes parallèlement au système traditionnel de mise en commun et, par conséquent, ne viseraient en rien les agriculteurs qui choisissent de ne pas participer au programme. En fait, cela permettrait à la Commission du blé d'offrir des services différents à des agriculteurs différents. Ainsi, chaque individu pourrait choisir les services qui répondent le mieux aux besoins de son exploitation.
En plus de donner davantage de souplesse aux opérations de la Commission canadienne du blé, le projet de loi C-72 modifie la structure et la responsabilité de cette société. En ce qui a trait à la restructuration de la responsabilité et de la régie de la Commission du blé, je pense qu'il convient d'examiner quatre grandes questions.
Il faut que la Commission soit un porte-parole efficace des agriculteurs et que ceux-ci ressentent à son endroit un sentiment d'appartenance. Il convient d'examiner les avantages relatifs à la poursuite d'un partenariat avec le gouvernement et des garanties y afférentes. En outre, il faut s'assurer que la transition vers une nouvelle structure se fait aussi harmonieusement que possible.
Monsieur le président, il ne faut pas perdre de vue que nous avons affaire à une organisation mondiale dont le chiffre d'affaires atteint près de 6 milliards de dollars, une organisation qui est au service de centaines de clients dans plus de 70 pays dans le monde. Manifestement, mettre en oeuvre une structure qui assure aux agriculteurs à la fois une tribune et une reddition de comptes est tout un défi et il faut que le conseil d'administration intérimaire, grâce à ce projet de loi, se voie conférer la souplesse, le temps et l'appui voulus pour y arriver.
On a beaucoup parlé dans l'ouest du Canada de la structure, de la régie et de la responsabilité de la Commission. Nous prévoyons que vous recevrez de nombreuses suggestions d'amendements relativement aux articles du projet de loi portant sur la régie de la société. Comme vous le savez, nous sommes demeurés relativement silencieux sur ces questions, étant donné que nous considérons qu'elles s'inscrivent dans les rapports entre les agriculteurs de l'ouest du Canada et le gouvernement fédéral.
Les suggestions précises que nous ferons aujourd'hui au sujet du projet de loi C-72 portent sur des questions qui touchent au mandat ou aux opérations de la Commission. En particulier, nous souhaitons signaler nos réserves en ce qui a trait au pouvoir de faire des achats au comptant et aux installations de stockage dont les producteurs sont propriétaires. En outre, nous proposons l'ajout d'un nouvel article qui habiliterait la Commission canadienne du blé à offrir l'option d'un paiement en argent de la part du syndicat du blé.
Commençons par les installations de stockage qui sont la propriété de producteurs. Si nous recommandons une modification à la Loi sur la Commission canadienne du blé à l'égard de ces installations de stockage, c'est pour assurer davantage de certitude et de précision aux sociétés qui souhaitent investir dans ce genre d'installations. Par conséquent, nous recommandons l'adoption d'un amendement qui autoriserait la création de ces installations, sous réserve de l'approbation de certaines conditions qui seraient établies par voie réglementaire. À l'heure actuelle, elles sont établies au moyen d'un arrêté, et nous devons procéder au cas par cas. Aux termes du projet de loi C-72, comme nous l'avons mentionné tout à l'heure, c'est la Commission canadienne des grains qui se voit conférer l'autorité d'accorder des exemptions pour les installations de stockage qui sont la propriété de producteurs.
À ce sujet, nous avons deux préoccupations. Selon notre interprétation, advenant que la Commission canadienne des grains accorde une exemption, celle-ci s'appliquerait à l'ensemble de l'installation, et non pas à la seule partie de celle-ci réputée avoir été louée ou achetée par le producteur. Autrement dit, l'exemption inclut aussi la tour de travail. Il s'ensuit qu'une telle installation serait exemptée des quotas et des contrats relatifs à toutes les livraisons de cette installation, que les livraisons en question soient destinées ou non à la composante de stockage de l'installation qui est la propriété d'un producteur.
En tant que seul vendeur de blé et d'orge à des fins de consommation au pays et à l'étranger, nous devons veiller à distribuer les avantages de ce système de commercialisation de la façon la plus juste possible pour respecter nos engagements de vente. Il va de soi que c'est l'un des principaux objectifs de notre système actuel de quotas et de contrats, et compte tenu de son importance pour notre mandat, il ne semble pas logique de retirer à la Commission un instrument clé lui permettant de le réaliser.
Nous avons donc certaines réserves au sujet de cet article du projet de loi et, dans notre mémoire, nous proposons un libellé législatif qui, à notre avis, contribuerait à corriger la situation.
Pour ce qui est du pouvoir de faire des achats au comptant, les changements précis que nous proposons au libellé du projet de loi actuel ne sont pas des changements de fond, mais de nature administrative. Ils portent sur le programme d'avances en espèces. Nous recommandons que le projet de loi soit modifié pour exiger la présentation d'un carnet de livraison au silo pour toute vente de blé ou d'orge pour assurer l'intégrité du programme d'avances en espèces.
Dans son mémoire au Groupe de commercialisation du grain de l'Ouest, la Commission canadienne du blé a recommandé de modifier la loi pour être habilitée à offrir un paiement en argent. En effet, la Commission reconnaissait déjà à ce moment-là que tout comme le certificat de producteur échangeable, ce paiement en argent serait un autre instrument auquel les agriculteurs pourraient avoir recours pour améliorer leur trésorerie et rendre plus souple la fixation des prix.
À l'heure actuelle, le projet de loi C-72 confère à la Commission le pouvoir d'instaurer un certificat de producteur échangeable, mais non pas un paiement en argent versé par le syndicat du blé. Ces dernières années, la Commission a institué des groupes de travail internes pour mettre au point les détails liés à cette offre de certificat de producteur échangeable ou de paiement en espèces pour les producteurs de l'ouest du Canada.
Les deux groupes de travail en question ont réalisé des progrès considérables dans ce domaine. Cependant, il est maintenant évident que cette offre d'un certificat échangeable mettra en cause de nombreux autres organismes, outre la Commission. Dans notre mémoire écrit, nous vous donnions certains détails à cet égard. Comme il s'agira d'un instrument financier, ce dernier ressortira sans doute aux commissions des valeurs mobilières des provinces. Par conséquent, c'est un scénario beaucoup plus élaboré que celui que nous avions d'abord envisagé.
Il s'ensuit que nous ne pouvons à nous seuls l'offrir ou l'administrer. D'ailleurs, ce concept d'un certificat de producteur échangeable a évolué énormément par rapport à notre vision initiale d'un programme offert directement par la Commission. Nous sommes en faveur de cette initiative. Nous continuons de l'appuyer, mais si j'aborde ce sujet ce matin, c'est pour préciser qu'il faudra un certain temps avant que ce service puisse être offert.
Contrairement au certificat échangeable, le paiement en espèces ressortirait entièrement à la Commission canadienne du blé. Ce programme pourrait donc être offert beaucoup plus tôt aux agriculteurs de l'ouest du Canada. En fait, notre date cible était mars 1998.
La Commission canadienne du blé est convaincue que les agriculteurs devraient pouvoir jouir de la souplesse que leur permettrait le versement d'un paiement en espèces, et ce le plus tôt possible après l'adoption des modifications législatives. En outre, une fois le projet de loi C-72 adopté, les agriculteurs s'attendront à pouvoir tirer parti de ces dispositions le plus rapidement possible.
Pour toutes ces raisons, nous recommandons instamment que, par le biais d'un amendement au projet de loi C-72, on confère à la Commission le pouvoir voulu pour offrir un paiement en espèces. Ainsi, les agriculteurs qui ont livré des céréales à la Commission pourraient opter pour un paiement en espèces unique en remplacement de tous les paiements subséquents découlant de la mise en commun des revenus. Ce paiement serait fondé sur les perspectives de rendement à ce moment-là et inclurait un escompte au titre de la valeur temporelle de l'argent et, bien sûr, du risque.
Cette option serait offerte plus tard au cours de la campagne agricole, comme je l'ai mentionné, ou après l'annonce des perspectives de rendement, qui se fait habituellement en mars de l'année de vente.
En conclusion, je tiens encore une fois à féliciter le gouvernement fédéral pour l'esprit qui anime le projet de loi C-72. Pour notre part, nous sommes convaincus que nous pourrons collaborer avec le comité pour y apporter des changements positifs. Cependant, je pense qu'il importe de préciser que cette mesure a trouvé un juste milieu entre la nécessité d'accorder à la nouvelle Commission canadienne du blé une souplesse accrue dans ses opérations et la reconnaissance de la valeur véritable des piliers que constituent une coopérative de vente à guichet unique, la mise en commun pour la fixation des prix et le très valable partenariat entre le gouvernement et les agriculteurs de l'Ouest.
Nous pensons que c'est au comité, à titre de décideur ultime au sujet de ces amendements, de trouver la voie idéale qui permettra de conférer à une commission canadienne du blé nouvelle et renforcée la souplesse nécessaire pour offrir les services voulus à sa clientèle et pour s'assurer qu'elle a tous les outils pour relever les défis de la commercialisation de l'avenir et, surtout, demeurer une force concurrentielle décisive sur les marchés mondiaux.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Hehn.
Nous avons entendu quatre exposés excellents. Je vais maintenant donner la parole àM. Hermanson, et ensuite à Mme Cowling et à M. Hoeppner, dans l'ordre.
M. Elwin Hermanson: Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs, je vous remercie de vos exposés de ce matin. Ils ont été brefs, concis et passablement fouillés dans le domaine qui relève de vos responsabilités.
Je voudrais poser ma première question au ministre de l'Agriculture du Manitoba, M. Enns.
L'article 2 de la mesure précise que la présente loi lie Sa Majesté du chef du Canada ou d'une province. Par conséquent, elle ne manquera pas de vous toucher, à titre de ministre de l'Agriculture. Elle touche votre gouvernement, ici au Manitoba. Je voudrais savoir dans quelle mesure il y a eu des consultations entre M. Goodale et ses collaborateurs et vous-même et les fonctionnaires de votre ministère sur l'inclusion de cet article dans le projet de loi, et quelle a été votre réaction à la suite de ces consultations.
M. Enns: Je tiens à dire, d'entrée de jeu, que la plupart d'entre nous, dans les Prairies, ont salué l'initiative du gouvernement fédéral de créer le groupe d'examen. Ce groupe a passé beaucoup de temps dans notre province et, je crois savoir, dans d'autres provinces également, pour rencontrer les divers organismes et producteurs avant de faire ses recommandations.
Les fonctionnaires provinciaux, y compris ceux de mon ministère ainsi que les représentants d'organismes provinciaux s'intéressant à l'industrie céréalière, ont eu tout le loisir d'exprimer leur opinion devant ce groupe constitué à l'instigation du gouvernement fédéral.
Les quelques commentaires que j'ai faits aujourd'hui reflètent ma position, et celle du Manitoba. Même si, c'est trop souvent le cas, ce groupe n'a pas été en mesure de satisfaire toutes les exigences ou d'apaiser toutes les inquiétudes, il n'en reste pas moins que nous avons beaucoup de respect pour le travail qu'il a effectué. Nous en voyons une bonne partie dans cette mesure législative, mais pas assez.
Pour répondre plus précisément à votre question, l'étape de la rédaction proprement dite de la mesure n'a pas permis la même contribution des organismes provinciaux, notamment le ministère de l'Agriculture du Manitoba, que dans le cas du groupe. Pour être franc, c'est la première occasion qu'il nous est donné de communiquer au gouvernement fédéral, par l'entremise du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire, nos préoccupations particulières quant à la mesure proprement dite.
M. Elwin Hermanson: Voilà qui est intéressant. Comme vous l'avez mentionné dans votre exposé, vous appuyez de nombreux éléments du projet de loi. Cela dit, vous avez aussi de sérieuses réserves.
Selon mon interprétation de l'article 2 du projet de loi, si ce dernier est adopté dans sa forme actuelle, vous ne pourrez en sortir et vous aurez en fait perdu tout droit d'apporter des changements dans la façon dont le blé et l'orge sont commercialisés dans notre pays, tout droit de représenter les producteurs manitobains.
Cela ne vous inquiète-t-il pas?
M. Enns: Monsieur Hermanson, nous sommes des Manitobains, et il m'incombe de représenter le mieux possible les intérêts des producteurs du Manitoba. Cependant, je suis d'abord et avant tout un Canadien. C'est une loi canadienne qui est en cours d'élaboration et que le comité examine, et le Manitoba est tout à fait disposé à appuyer ce processus.
Il y a chez nous un débat quant à la mission de la Commission canadienne du blé. Mais nous continuons d'appuyer sans réserve la Commission. Nous essayons d'attirer l'attention de cette dernière... Notre gouvernement et moi-même, en tant que ministre, avons eu plusieurs fois l'occasion de rencontrer les représentants de la Commission canadienne du blé aux hauts plus échelons, c'est-à-dire au niveau du Cabinet. Ce genre de collaboration existe et, j'en suis sûr, continuera d'exister entre le gouvernement du Manitoba, le ministère de l'Agriculture du Manitoba et la Commission canadienne du blé.
Au fond, je tiens à ce que le comité sache que nous ne sommes pas accrochés au passé ou à la façon dont nous avons fait affaire toutes ces années. Le fait est tout simplement que le Manitoba est la province qui souffre le plus des modifications aux prix du transport. Mon devoir est de le signaler à mon propre gouvernement, de le signaler au gouvernement fédéral à la tribune qui s'offre à moi ce matin, et de le signaler constamment à l'office de commercialisation fédéral, la Commission canadienne du blé.
M. Elwin Hermanson: Le gouvernement de la Saskatchewan a déclaré fermement qu'il voulait voir la Commission canadienne du blé devenir le seul vendeur. Le gouvernement de l'Alberta a fait valoir pour sa part que la Commission canadienne du blé ne devait devenir qu'un participant dans un marché à deux volets ou un système quelconque de participation volontaire des producteurs. Qu'en pense votre gouvernement?
M. Enns: Nous sommes d'accord avec la recommandation principale du Groupe concernant une commercialisation à deux volets et ouverte de l'orge. Nous sommes également totalement favorables à l'autre recommandation du Groupe selon laquelle il faut retenir un seul vendeur pour le blé, soit la Commission canadienne du blé.
M. Elwin Hermanson: Merci, monsieur le ministre.
Vous, la Manitoba Cattle Producers Association, vous préoccupez du marché au comptant et de l'effet qu'il aurait sur les prix des grains de provende pour les éleveurs de bétail. Nous avons entendu les représentants de la Commission. M. Hehn est favorable à la vente au comptant, particulièrement pour l'orge, et il dit que bon nombre d'éleveurs y sont favorables, et ils ont exprimé leur soutien à cette mesure au Groupe de commercialisation du grain de l'Ouest et lors des rencontres céréalières qu'ils ont tenues partout dans les Prairies.
Que peut-on faire, à votre avis, pour prévenir toute distorsion dans le prix de l'orge si la Commission canadienne du blé peut acheter au comptant? Autrement dit, si cette loi contient cette disposition, peut-on faire autre chose pour obtenir un prix réaliste de l'orge? Avez-vous envisagé d'autres solutions ou des ajouts à ce projet de loi qui vous aideraient dans ce domaine?
M. Beever: On ne nous identifie pas à la Commission canadienne du blé - nous travaillons avec le secteur de l'élevage et nous avons d'autres initiatives - mais par le passé, il nous semblait qu'il y avait des situations où l'on offrait des contrats. L'an dernier, lorsque les prix ont changé, bon nombre de ces contrats n'ont pas été remplis, semble-t-il, et l'on permettait aux particuliers de les racheter. Il semble tout simplement curieux qu'on offre un système de contrats et que, lorsque les prix montent, on puisse les racheter. Il nous semble qu'il faudrait des contrats plus fermes de telle sorte que lorsque les gens signent des contrats, ils sachent parfaitement bien à quoi ils s'engagent. Il devrait y avoir un mécanisme quelconque qui les obligerait à honorer ces contrats.
Ce que nous craignons, c'est que si on autorise l'achat au comptant, on pourrait voir apparaître des stimuli artificiels, et 75 p. 100 ou 80 p. 100 de nos frais d'exploitation se situent du côté des céréales fourragères. Quand on achète un troupeau de taureaux pour les engraisser et que, tout à coup, pour une raison quelconque, apparaît un stimulus artificiel qui hausse le prix de votre élément principal... Nous craignons beaucoup ce genre de chose si l'on permet ce genre de situation. Peut-être qu'on a déjà prévu des mécanismes qui obligeraient les gens à honorer les contrats, à condition qu'on fasse des contrats plus fermes.
M. Elwin Hermanson: À votre avis, si nous avions un accès suffisant aux autres céréales fourragères, l'orge américain ou le maïs de l'Est ou quelque chose de ce genre, cela permettrait-il de compenser toute distorsion sur le marché si la Commission canadienne du blé se départissait du marché de l'orge au comptant? Ou est-ce trop éloigné de vos préoccupations dans l'Ouest?
M. Beever: Notre marché s'appuie sur l'orge fourragère produite ici. Il faudrait offrir des prix concurrentiels, et là est toute la question. Tant que nos prix demeureront concurrentiels, nous n'aurons pas de problème. Nous sommes prêts à concurrencer les autres. Si le prix des céréales fourragères est trop élevé, je pense que ceux qui engraissent le bétail iront tout simplement ailleurs. Tout ce que nous voulons éviter, ce sont les distorsions artificielles; c'est notre principale préoccupation.
M. Elwin Hermanson: Vous, monsieur Hehn et la Commission canadienne du blé, avez parlé des trois piliers de la Commission - la vente par un guichet unique, la mise en commun et la garantie fédérale des prix - et vous avez dit que la Commission brassait de grosses affaires, ce qui est sûrement le cas. Vous avez dit que votre chiffre d'affaire atteint plus de 5 milliards de dollars par année.
Que répondez-vous à ceux qui vous disent que les grains hors-Commission sont en train de prendre plus d'importance que les grains de la Commission? Si l'on compare la situation à ce qu'elle était il y a 20 ans, on voit que le blé et l'orge ont moins d'importance par rapport aux grains hors-Commission. Même pour l'avoine, qui était mise en marché par la Commission et qui ne l'est plus, la production et la commercialisation ont connu une expansion rapide dans ce contexte.
Chose certaine, nous reconnaissons l'importance du blé et de l'orge dans l'économie des Prairies, mais je ne suis pas sûr que vous puissiez vous vanter quand on voit l'ensemble de la situation et ce qui est advenu du canola, ce qui advient des lentilles, ce qui advient des pois, et ce qui est advenu de l'avoine depuis que la Commission a cessé d'en vendre.
Quelqu'un a dit plus tôt - et je crois que c'était M. Kraft - que, oui, la Commission a fait du beau travail, mais par rapport à quoi? Quand on voit ce qui advient des grains hors-Commission, ce n'est pas si impressionnant que ça.
M. Hehn: Vous posez là une question très importante.
Les fermiers, lorsqu'ils décident de semer, sont toujours soucieux du rendement qu'ils comptent obtenir du marché, et nous avons été témoins d'un changement important dans les terres ensemencées de l'Ouest canadien, essentiellement parce que nous avons inventé un très bon produit qu'on appelle le canola, qui est connu dans le monde entier pour le bien qu'il fait à la santé. De même, le canola s'insère bien dans la rotation entre le blé et l'orge. Chose certaine, nous serions les derniers à décourager la culture du canola.
Voyez en quoi consiste ce changement, et à part le prix, il faut tenir compte de l'effet des subventions introduites sur le marché depuis 1985. Ces subventions visent strictement l'orge et le blé. Tous les autres produits ont été relativement à l'abri de ce phénomène.
J'ai déjà dit à votre comité en d'autres occasions, monsieur Hermanson, que ces subventions ont parfois causé des distorsions qui atteignaient les 80 ou 90 $ la tonne. Cela a certainement eu un effet sur les stratégies d'ensemencement des fermiers, et c'est encore le cas. On ne peut pas dire que les fermiers modifient leurs cultures à cause du guichet unique. Je pense que c'est à cause des subventions et de ce qu'ils comptent obtenir du marché mondial.
M. Elwin Hermanson: Pour ce qui est de l'achat au comptant de l'orge et des préoccupations exprimées par les éleveurs de bétail - et nous allons entendre d'autres éleveurs de bétail; j'imagine que nous allons entendre plus ou moins la même chose que ce que nous a dit M. Beever - la Commission canadienne du blé, sous l'ancien gouvernement, a dit qu'elle était parfaitement disposée à participer à un marché continental de l'orge. Vous en étiez le président à l'époque, et vous avez dit que vous étiez favorable à cela et que la Commission prospérerait dans ce contexte.
Je pense que dans ce genre de contexte, on ne verrait pas les distorsions qui préoccupentM. Beever, si la Commission en effet se mettait à acheter l'orge au comptant.
Ne croyez-vous pas que si nous voulons rendre la Commission plus flexible, il faut aussi qu'il y ait davantage de concurrence et de souplesse dans tout le marché de l'orge? En fait, encore là pour l'orge, la Commission, particulièrement pour les céréales fourragères, n'a pas d'états de service brillants depuis trois ou quatre ans, et c'est peut-être l'une des raisons pour lesquelles les éleveurs de bétail sont préoccupés.
M. Hehn: Je tiens à corriger l'une de vos affirmations. Je n'ai jamais dit que j'étais favorable au marché continental de l'orge. Mais j'ai bien dit, relisez ce que j'ai dit, que nous serions disposés à affronter la concurrence sur ce marché si le gouvernement prenait cette orientation, mais je l'ai également prévenu qu'à long terme, le système de mise en commun pourrait en prendre un coup.
Je pense que le problème principal ici, qu'il s'agisse d'un marché continental ou non, c'est qu'on parle d'un marché à deux volets. Le principal problème ici, c'est qu'une fois qu'on a perdu le guichet unique, on perd tous les avantages du guichet unique. Je pense que l'étude Kraft-Tyrchniewicz a beaucoup contribué à la définition de ces avantages économiques.
L'autre grand problème, une fois qu'on commence à perdre son volume, c'est que tous les autres systèmes de soutien en souffrent. Comme vous le savez, nous sommes probablement le numéro un au monde ou pas loin, pour certains de nos systèmes de soutien. Je pense aux renseignements sur le marché et à la surveillance du marché. Je pense aux prévisions météorologiques globales et aux rapports globaux sur les récoltes. Nous pouvons suivre près de50 pays qui sont de grands producteurs. Nous pouvons suivre ce qui advient des récoltes dans ces pays, et notre personnel de vente dispose toujours de ces informations.
Nos systèmes de développement des débouchés et de soutien techniques, en coopération avec le laboratoire de recherche sur les grains de la Commission canadienne des grains et l'Institut international du Canada pour les grains, sont inégalés dans le monde. L'Australie est le seul pays où l'on offre un soutien technique à peu près semblable.
Prenez les services financiers. Je pense que tous ces éléments subiraient des contrecoups parce qu'ils sont très sensibles au volume. Il s'agit d'un secteur capitalistique, très sensible à l'évolution du volume. Si le volume baisse, il faut comprimer ces services.
Je pourrais vous parler longuement des problèmes économiques que poserait un marché à deux volets, mais je ne crois pas qu'on en ait le temps aujourd'hui.
M. Elwin Hermanson: Pour ce qui est du projet de loi C-72, il n'y a rien pour le moment dans ce projet de loi qui va atténuer les dissensions au sein de l'industrie dans le débat sur le guichet unique par rapport à la participation volontaire de la Commission. Au contraire, si ce projet de loi est adopté tel quel, les dissensions vont s'accentuer dans votre clientèle.
Tout cela a déjà coûté très cher à la Commission, qu'il s'agisse de relations publiques ou d'honoraires juridiques pour votre défense. Et ça va continuer. J'ignore si vous êtes disposé à nous dire combien il en a coûté à la Commission et aux fermiers jusqu'à maintenant pour tout ce bruit qu'on a fait autour de la commercialisation avec le guichet unique ou à l'extérieur de la Commission, mais c'était beaucoup d'argent, et ça va empirer.
Ne croyez-vous pas qu'il devrait y avoir des dispositions dans ce projet de loi qui permettraient d'atténuer ces tensions? Est-ce qu'on ne devrait pas faire une concession quelconque pour atténuer ces tensions, vous éviter des recours juridiques et vous permettre de vendre les grains comme vous êtes censé le faire?
M. Hehn: Si vous pensez à une disposition qui affaiblirait le guichet unique, le système de mise en commun ou le partenariat gouvernemental, qui sont les trois piliers du système, je ne suis pas d'accord. Je ne crois pas qu'on puisse résoudre une guerre frontalière avec un grand exportateur mondial de grain en affaiblissant les piliers dont disposent aujourd'hui les fermiers sur le marché. Cela aurait pour effet de contraindre uniquement les fermiers à être compétitifs, et je ne crois pas que cela soit indiqué dans le contexte canadien.
Le président: Une dernière question, monsieur Hermanson, après quoi nous passonsMme Cowling.
M. Elwin Hermanson: Ma question porte sur le stockage en copropriété, question qui a été soulevée par la Commission et la Commission canadienne des grains. Il semble qu'on pourrait résoudre logiquement ce problème en traçant dans le projet de loi une distinction entre le stockage en copropriété et les silos. On pourrait considérer le stockage en copropriété de la même façon que le carré à grain du fermier sur sa ferme. C'est parce que le fermier a en fait payé pour ce stockage en copropriété.
Je crois qu'il y a moyen de faire ça dans la loi. On pourrait modifier la Loi sur les grains du Canada, ce qui réglerait la question du stockage en copropriété et ce ne seraient pas toutes les installations qui seraient exemptées. En fait, on traiterait le stockage en copropriété comme on traite le stockage sur la ferme, et le silo serait traité comme toutes autres installations de ce genre, conformément à la Loi sur les grains du Canada.
Ne croyez-vous pas que cela constituerait une solution assez équitable et raisonnable dans le cas du problème de l'entreposage en copropriété?
M. Hehn: Je crois que c'est exactement cela que nous avons demandé lorsque nous avons proposé le libellé d'un amendement au projet de loi C-72.
Dans mes propos liminaires, monsieur Hermanson, j'ai signalé qu'à l'heure actuelle, nous devons traiter chacune de ces demandes au cas par cas, et nous autorisons la levée des obligations en vertu des quotas et des contrats en matière d'entreposage en copropriété par voie d'un ordre de la commission.
Nous demandons que les règlements explicitent le tout en détail de façon à ce que chacune des compagnies sache exactement quelles sont les conditions régissant l'entreposage en copropriété et que tous soient prêts à se conduire en fonction de ces conditions. Je crois que cela simplifierait tout le processus. Je crois que notre libellé permet d'atteindre le but que vous proposez.
Le président: M. Kennedy ou M. Stow aurait-il quelque chose à dire à ce propos?
M. Kennedy: C'est ce que nous essayons d'accomplir au niveau de toute cette question d'entreposage en copropriété. À notre avis, cela devrait relever de la Loi sur la Commission canadienne du blé plutôt que de la Loi sur les grains du Canada.
M. Hehn: J'aimerais apporter un autre éclaircissement, monsieur le président. Quand nous avons étudié la question de l'entreposage en copropriété, au départ, nous avons participé à quelques réunions avec la Commission canadienne des grains. D'après nous, si un fermier devait construire de nouvelles installations d'entreposage, il devrait alors avoir la possibilité de le faire soit sur sa ferme, soit près du chemin de fer. Dans ce dernier cas, le gros bon sens nous recommande d'en faire le raccord avec une installation opérationnelle. Ce n'est pas logique d'avoir à construire un silo supplémentaire.
C'est pour cela que nous faisons face à ce paradoxe. Nous demandons tout simplement que cette partie du silo ne se voie pas imposer la contrainte des quotas et des obligations contractuelles, mais que l'installation opérationnelle dans son ensemble y soit soumise.
Le président: Madame Cowling.
Mme Marlene Cowling (Dauphin - Swan River, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je pourrais peut-être me servir de l'une des citations de M. Hehn selon laquelle ce projet de loi C-72 sert à construire un solide partenariat entre les fermiers et la Commission canadienne du blé. Cela illustre bien ce que nous essayons de faire en tant que gouvernement.
Ce qui me mène à poser la question suivante au ministre de l'Agriculture du Manitoba. Ma question concerne certaines des déclarations contradictoires et des gestes qui ont été posés et je crois qu'il nous faut éclaircir ces choses ici ce matin afin de pouvoir étudier le projet de loi C-72. D'une part, par exemple, le ministre dit blanc et, d'autre part, il dit noir.
Je m'explique. Dans le Winnipeg Free Press d'aujourd'hui, vous dites appuyer ce guichet de vente unique de la Commission canadienne du blé et je crois que c'est aussi ce que vous avez déclaré devant nous ce matin. D'autre part, en réponse à la question de M. Hermanson, vous avez dit appuyer la dualité en matière de commercialisation. Vous dites que vous êtes en faveur des agences de commercialisation, mais il n'y a pas longtemps, dans cette même province du Manitoba, que vous avez démantelé l'Office manitobain de la commercialisation du porc quand 80 producteurs du Manitoba se sont prononcés en faveur de ce concept.
En ma qualité d'agricultrice du Manitoba préoccupée de savoir vers quoi nous nous dirigeons, nous, les producteurs agricoles, et ce que nous pourrions faire pour améliorer les perspectives de la population agricole de cette province, je vous pose la question suivante pour les fins du compte rendu et pour la gouverne du comité: Êtes-vous en faveur du guichet de vente unique proposé par la Commission canadienne du blé? Nous devons avoir réponse à cette question parce que, à mon avis, monsieur le ministre, vous ne pouvez pas réclamer les deux à la fois. Vous ne pouvez pas réclamer la dualité au niveau de la commercialisation, d'une part, et le guichet unique, d'autre part.
M. Enns: À mon avis, ce genre de mentalité tranchée, noir et blanc, n'a pas sa place dans le monde agricole en mutation que nous avons aujourd'hui. Pour répondre d'abord au dernier volet de votre question, à mon avis et de l'avis du ministère de l'Agriculture, et ceci après de longues études, le guichet de vente unique ne constituait pas la structure de commercialisation souple et appropriée que réclamait notre vibrante industrie du porc au Manitoba.
Je vous signale en passant que le Manitoba augmente sa production porcine de plus de 9 p. 100, et c'est quelque chose qui ne se voit dans aucune autre province.
Mme Cowling semble déceler une certaine ambiguïté dans mes réponses ce matin et dans les médias en ce qui concerne le guichet unique et d'autres solutions souples. Je répète tout simplement que mon gouvernement appuie les conclusions du rapport du groupe d'experts assez éminents choisis par le gouvernement fédéral - ou plutôt par le ministre Goodale - qui a examiné la question pendant assez longtemps et a exprimé les mêmes ambiguïtés. Il appuie, comme je l'ai fait ce matin, la notion d'un guichet unique pour la vente du blé, et une commercialisation souple pour ce qui est de l'orge fourragère. Je tiens à apporter une correction. En réponse à une question posée parM. Hermanson, je pense avoir dit que nous continuons d'appuyer le guichet unique pour l'orge de brasserie. Cependant, la position adoptée par le groupe de travail est celle qu'appuie le gouvernement du Manitoba, c'est-à-dire une approche souple pour ce qui est de l'orge fourragère.
En tant qu'éleveur de bovins moi-même, je suis inquiet au sujet de l'industrie du bétail. Je suis inquiet parce que 17 p. 100, 18 p. 100 ou 20 p. 100 des produits commercialisés par la Commission canadienne du blé a une incidence sur 80 p. 100 du marché avec lequel nous sommes en concurrence dans cette industrie. Je constate donc qu'il ne faut pas s'entêter à préserver un concept que certains jugent très important, mais qui ne permet aucun changement ni aucune souplesse dans le système.
Le gouvernement du Manitoba cessera d'appuyer la Commission canadienne du blé s'il s'avère être plus cher de moudre le blé du Manitoba dans la province que de l'expédier à une meunerie à Toronto ou à Calgary. Mon gouvernement trouverait une telle situation inacceptable. Il faut que la Commission canadienne du blé se penche sur cette situation.
Je sais que la Commission canadienne du blé fait beaucoup d'efforts pour essayer de résoudre ce problème. Cependant, je ne me sens pas du tout gêné de préciser notre position. Les agriculteurs du Manitoba doivent payer entre 30 $ et 35 $ la tonne pour expédier le blé, alors que les agriculteurs de Calgary ne payent que 6 $ ou 7 $ la tonne. La situation au Manitoba et dans l'est de la Saskatchewan est tout à fait différente de celle qui prévaut dans le reste des Prairies.
Nous n'avons plus la situation qui existait dans les Prairies lorsque les contribuables canadiens payaient 600 à 700 millions de dollars pour transporter nos céréales à Vancouver ou à l'est pour les exporter.
Le président: Avez-vous d'autres questions, madame Cowling?
Mme Marlene Cowling: Oui, monsieur le président.
Ma question s'adresse à tous les témoins. Elle a été soulevée par un certain nombre d'agriculteurs et est appuyée par beaucoup de groupes. La voici: êtes-vous d'accord pour renouveler la Commission canadienne du blé en élargissant son mandat et en lui ajoutant d'autres produits?
Si je pose la question c'est parce qu'un certain nombre de nos agriculteurs et le gouvernement tiennent à être présents sur les marchés internationaux. La question s'adresse à tous les témoins.
Le président: Nous allons donner la parole au ministre pour commencer.
M. Enns: Dans le cas de la plupart de ces produits, par exemple le canola, une organisation des producteurs assez forte existe depuis environ un an. J'ai été content de pouvoir faciliter cela grâce à un projet de loi prévoyant des déductions pour aider à financer le travail de ces organisations. La question est claire, mais je n'oserai pas me prononcer avant de consulter les agriculteurs.
Nous avons commencé il y a quelques semaines à demander aux producteurs de l'orge comment ce produit doit être commercialisé si jamais le mandat de la Commission canadienne du blé est modifié pour inclure le canola. Donc ma réponse c'est qu'il faut poser la question aux producteurs de canola du Manitoba.
Le président: Monsieur Beever.
M. Beever: Je pense qu'il serait juste de dire que notre conseil n'a pas pris position pour ou contre la Commission canadienne du blé. Nous ne tenons pas à nous mêler à cette question. Les avis sont sans doute partagés parmi les agriculteurs. Nous voulons simplement nous pencher sur le fait qu'au fur et à mesure que notre marché prend de l'expansion ici au Manitoba - et nous croyons que nous aurons une industrie du boeuf très dynamique dans cette province - , nous voulons nous assurer que lorsque les changements se produiront, nous aurons accès à un produit dont nous avons besoin pour ajouter de la valeur à nos produits.
Le président: Monsieur Hehn.
M. Hehn: Je dirais sans équivoque que nous appuyons une commission plus forte et revitalisée. Je pense que ce projet de loi fait beaucoup pour que cela se produise. J'estime qu'il définit le processus selon lequel les changements futurs à notre mandat et nos services pourront avoir lieu. Il met beaucoup de responsabilités entre les mains de la nouvelle commission pour définir ce processus futur.
Pour en revenir à votre question, il semble raisonnable et juste, à notre avis, que les agriculteurs puissent choisir. Si l'option existe de retirer des récoltes selon cette commission, il devrait également y avoir une option permettant d'en désigner de nouvelles. Je pense que la plupart des agriculteurs seraient en faveur de cela. Cela définit le processus selon lequel les récoltes peuvent être retirées. C'est bien défini. Ce serait considéré un geste important et ne pourrait se produire qu'avec le vote des producteurs. Je pense qu'un processus semblable devrait avoir lieu si des nouvelles récoltes sont désignées.
Quelqu'un a mentionné qu'effectivement, les producteurs de canola auraient leur mot à dire, et j'espère que ce serait le cas si leurs récoltes étaient considérées rajoutées. Il est sûr qu'à nos réunions à ce sujet dans les régions rurales, cette question a été soulevée de nombreuses fois et qu'il y a bon nombre d'agriculteurs qui font valoir que si la loi permet d'enlever certaines récoltes, elle devrait également permettre d'en rajouter.
M. Stow: Je pense qu'il serait juste de dire que nous avons d'excellentes relations de travail avec la Commission canadienne des grains, mais la question qui se pose devrait vraiment trouver sa réponse chez les agriculteurs. Nous travaillons avec des producteurs de récoltes spéciales, des producteurs de canola, avec tous les agriculteurs, et je pense vraiment que c'est là qu'on trouverait la réponse.
Le président: Merci. Madame Cowling.
Mme Marlene Cowling: L'entrepose en copropriété fait partie du projet de loi C-72, et je ne suis pas certaine - le ministre provincial peut peut-être m'éclairer à ce sujet - , mais je crois comprendre qu'il faut une loi dans les provinces avant que l'entreposage en copropriété puisse se faire. Je me demande si la loi est en place au Manitoba pour le permettre.
M. Enns: Je dois consulter très brièvement mon sous-ministre adjoint, M. Craig Lee.
Nous ne sommes pas au courant d'exigences provinciales, mais nous voudrions certainement être avisés. Comme vous le savez, la législature du Manitoba siège actuellement. S'il fallait passer une loi provinciale, nous réagirions comme il se doit. Tout comme j'essaie de m'expliquer devant vous, les membres de ce comité, je dois également rendre des comptes à mon caucus et au conseil des ministres. Mais j'estime que si ceci était bien accueilli comme étant un outil supplémentaire très souple, conforme à notre vision de l'évolution de l'industrie des céréales, nous serions prêts à légiférer aussi rapidement que possible.
Le président: Monsieur Hehn, avez-vous des précisions ou des commentaires à ce sujet?
M. Hehn: Nous offrons des installations en copropriété de deux façons. D'abord il y a le bail à long terme. Si nous sommes satisfaits que les modalités du bail sont à long terme, nous offrons le privilège de la copropriété. La seconde formule est la propriété pure et simple et cela relève de lois provinciales.
Je devrais peut-être demander à notre conseillère de vous parler de cela.
Mme Margaret Redmond (conseillère et secrétaire des opérations commerciales, Commission canadienne du blé): Je ne suis pas au courant d'une telle chose, ni au Manitoba, ni dans une autre province. Vous pensez peut-être à la véritable copropriété ou l'on détient un titre, par exemple un titre sur un logement en copropriété. Dans un tel cas, la législation provinciale qui régit les copropriétés s'applique, et ce n'est pas quelque chose de particulier pour les installations d'entreposage de grain. La majeure partie des installations en copropriété qui existent à l'heure actuelle sont assorties de baux à long terme, et la législation sur la copropriété n'a donc rien à voir.
M. Enns: Monsieur le président, nous utilisons le terme dans un sens plus large que celui qui s'applique à l'habitation.
M. Hehn: Il est certain, toutefois, que les conditions fixées pour le premier entrepôt en copropriété, Weyburn Inland, suivaient de très près la législation provinciale sur la copropriété.
Mme Redmond: C'est exact.
Le président: Pour être juste en ce qui concerne le temps, je vais donner la parole à M. Calder pour environ six minutes.
M. Murray Calder (Wellington - Grey - Dufferin - Simcoe, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Ma première question s'adresse au ministre Enns. J'ai été très heureux de vous entendre parler en faveur des trois piliers de la Commission canadienne du blé, mais j'aimerais parler plus particulièrement de la garantie gouvernementale. Étant député au niveau fédéral, j'ai une responsabilité envers les contribuables du Canada. À propos de ce que vous disiez, le retrait du gouvernement fédéral de la Commission canadienne du blé, j'aimerais savoir ce que vous pensez. Nous ne devons pas oublier cette responsabilité que nous avons envers les contribuables du Canada, pas oublier non plus le fait que la Commission canadienne du blé traite des affaires qui s'élèvent à5,8 milliards de dollars. Dans ces conditions, à votre avis, quelle mesure de participation fédérale à la commission serait justifiée pour que le gouvernement s'acquitte de sa responsabilité envers le contribuable canadien.
M. Enns: Mes observations et la position que j'ai exposées devant le comité ce matin s'inspirent dans une large mesure de ce que le ministre fédéral, M. Goodale, a déclaré, tout à fait publiquement, aux producteurs de céréales des Prairies. En effet, il a mentionné la possibilité de transférer directement aux producteurs une partie de la responsabilité en ce qui concerne la gestion de la Commission canadienne du blé. C'est une déclaration qu'il a répétée à plusieurs reprises, et qui dans ce cas, je crois, donnait suite à une conclusion similaire qui avait été tirée par ce groupe d'experts, le groupe dont je parlais tout à l'heure. Si c'est vraiment la volonté du gouvernement, c'est à mon avis une des mesures les plus faciles à mettre en place.
Nous avons toutes sortes de dispositions législatives sur la mise en marché, des dispositions que votre collègue, M. Easter, doit connaître très bien, dans les divers secteurs où l'offre est gérée. D'après ces dispositions, le lieutenant-gouverneur en conseil - dans ce cas, c'est provincial - doit prévoir par réglementation l'élection des membres du conseil de producteurs parmi les producteurs du produit en question, etc. La responsabilité est transférée spécifiquement et directement aux producteurs concernés.
M. Goodale et le gouvernement fédéral nous ont donné l'impression - et je ne fais pas forcément partie de ce groupe - que la méthodologie actuelle pour nommer les commissaires à la commission canadienne du blé ne permettait pas toujours de nommer des gens suffisamment proches des producteurs de céréales. Si c'est là le problème que le gouvernement fédéral souhaite rectifier, si c'est là la recommandation du groupe, je fais simplement observer que les amendements que nous avons sous les yeux ne rectifient pas cette situation.
M. Murray Calder: Cela m'intrigue, car j'essaie toujours de cerner la question. Vous pensez que si le PDG était nommé, cela réglerait la question de mes responsabilités envers le contribuable canadien, ou bien est-ce aller trop loin?
M. Enns: Si nous voulons faire de la Commission canadienne du blé un organisme plus commercial, si nous voulons nous écarter du modèle d'une société d'État, il faut bien dire que dans n'importe quelle entreprise, le PDG est responsable directement devant le conseil d'administration. Ce sont les membres de ce conseil qui l'embauchent et qui le congédient, et ce n'est pas ce que vous faites avec ce projet de loi.
Le PDG de la Commission canadienne du blé continuera d'être le seul nommé par le gouvernement fédéral, c'est-à-dire par le ministre fédéral de l'Agriculture, et à mon avis, tout cela dépend de la structure que vous voulez donner à votre organisation. Mais n'allez pas dire aux producteurs céréaliers des Prairies que vous leur confiez plus de responsabilités, parce qu'en réalité, vous leur jetez surtout de la poudre aux yeux.
Le président: Monsieur Calder, avez-vous autre chose?
M. Murray Calder: J'ai encore une question qui s'adresse à M. Hehn au sujet des transactions en liquide.
Très rapidement, je considère que cette mesure permettra un apport rapide de liquide pour les jeunes agriculteurs qui, souvent, ont besoin de trouver du liquide rapidement au moment des récoltes. En même temps, cela présente certains risques sur le plan du marketing. À votre avis, quels sont ces risques, quels sont les produits qui devraient être vendus contre liquide et qui devrait prendre la décision du type de transaction?
M. Hehn: Pour commencer, de la façon dont nous envisageons les transactions au comptant et les services que nous offririons, on ne pourrait pas considérer ces transactions comme un outil d'arbitrage. Cela écarterait donc probablement toute possibilité de transactions au prix courant.
À mon avis, les transactions au comptant ont cet avantage qu'elles nous permettent d'exécuter des contrats de vente lorsque nous ne pouvons pas nous approvisionner à même les livraisons des producteurs. C'est donc un moyen que nous utilisons.
Ces transactions ont une autre utilité, car beaucoup de jeunes agriculteurs ont des problèmes de liquidité, en particulier au printemps. Ces jeunes agriculteurs nous ont dit que dans un monde sans commission ils auraient la possibilité de signer des contrats à prix fixe avec livraison différée, et ils nous ont demandé si nous pouvons envisager une option semblable dans notre système de point de vente unique et de mise en commun. Nous avons dit que nous pouvions le faire, à condition que ce soit fondé sur les revenus du syndicat de producteurs ou sur les revenus évalués, dans ce cas. C'est la tendance que nous suivons actuellement.
Si vous le voulez bien, je vais demander à Ward de vous parler des risques car c'est un domaine qui est assez technique.
M. Ward Weisensel (chef, Opérations commerciales, Commission canadienne du blé): J'ai deux observations bien distinctes à faire en ce qui concerne les transactions au comptant avec les clients étrangers lorsque la mise en commun ne suffit pas à la demande.
Nous savons que ce genre de chose exige la plus grande prudence, car cela a des implications certaines en ce qui concerne l'uniformisation des prix pour le compte des agriculteurs. Nous devons être très conscients des implications de ce genre d'activités, et le nouveau conseil créé par ce projet de loi devrait avoir la même vigilance. C'est la raison pour laquelle nous avons déclaré notre intention de faire appel à ce système uniquement lorsque la mise en commun ne permet pas de répondre à la demande.
En ce qui concerne les contrats et les prix anticipés, nous pensons que ce concept est bien dans la ligne de l'uniformisation des prix. C'est un moyen d'offrir un service qui est un peu différent du paiement d'acompte classique, du paiement de rajustement, du paiement intérimaire et du paiement final, mais cela est conforme au concept de l'uniformisation du prix, car ce prix anticipé serait pratiqué par rapport aux bénéfices du syndicat de producteurs. Nous faisons une distinction entre ces deux éléments, et nous pensons qu'ils sont conformes au concept général de l'uniformisation des prix.
Le président: Monsieur Hoeppner.
M. Jake E. Hoeppner (Lisgar - Marquette, Réf.): Merci, monsieur le président. Étant nouveau venu dans la politique, j'ai toujours le plus grand plaisir à observer la performance d'un ministre de l'Agriculture provinciale dans un forum comme celui-ci, et je prends des notes qui pourront me servir lors des prochaines élections...
Des voix: Oh, oh!
M. Jake E. Hoeppner: ...et qui pourraient être utiles.
M. Glen McKinnon: Votre élection ou la sienne?
M. Jake E. Hoeppner: J'ai une question à poser au représentant de la Commission des grains. Ce matin nous avons beaucoup entendu parler de contrôle de la qualité; on nous a dit à quel point c'était important pour les agriculteurs de l'Ouest. Le 12 décembre, je crois, j'ai demandé au ministre de l'Agriculture pourquoi on versait des primes de sélection sur certaines céréales de la Commission du blé. Il m'a répondu qu'il allait demander aux gens de la Commission du blé qu'elle loi ou quel passage de la loi autorisait ce genre de chose. M. Klassen a ensuite écrit au ministre de l'Agriculture. Mon avocat, M. Riley, de son côté, m'a également donné une opinion.
Le commissaire Klassen de la Commission canadienne du blé me dit que M. Riley se trompe car il considère que les primes font partie du prix d'achat des céréales alors qu'en réalité elles sont des incitatifs payés par les silos-élévateurs, les minoteries, au moment de la livraison. Elles sont là pour encourager les agriculteurs à leur donner la priorité de la livraison.
On nous a beaucoup répété aujourd'hui que le système de point de vente unique était favorable aux agriculteurs, mais si ces primes sont en dehors du système de mise en commun, comment pouvez-vous prétendre que nous n'avons pas déjà deux systèmes parallèles? Certains agriculteurs y ont droit, d'autres pas.
Il termine sa lettre en disant que ce conseil donné à un agriculteur de la Saskatchewan - et il donne son nom - était un effort de la CCB, en toute bonne foi, pour aider un agriculteur à obtenir la pleine valeur de marché pour sa production.
Si la Commission du blé est une force aussi redoutable, pourquoi avons-nous besoin des compagnies céréalières et des minoteries pour nous aider à obtenir un juste prix?
Aujourd'hui, on nous a dit à quel point il était important de maintenir les contrôles de qualité, mais à mon avis, ce genre de chose porte atteinte au contrôle de la qualité. Avec ce système, les agriculteurs à titre personnel, ou certains agriculteurs obtiennent des prix différents pour les céréales qui passent par la commission. Vous êtes commissaire aux grains, j'aimerais entendre ce que vous en pensez.
M. Stow: La réponse à cette question, c'est probablement que la Commission des grains s'occupe d'assurance de la qualité et non pas d'établissement des prix, et nous travaillons en collaboration avec les producteurs pour contrôler la qualité. Nous travaillons avec l'industrie, nous travaillons également avec les clients. Je n'essaie pas de contourner votre question, mais l'établissement des prix relève en réalité du secteur commercial et de la Commission du blé. De son côté, la commission est responsable de l'assurance de la qualité.
M. Jake E. Hoeppner: Vous voulez me dire que les compagnies céréalières devraient fixer les prix des céréales de la Commission des grains? Ou bien faut-il réserver cette tâche à la Commission des grains?
M. Stow: Non, je ne vous dis ni l'un ni l'autre. Tout ce que je vous dis, c'est que la Commission des grains n'a pas à se mêler de la politique des prix.
M. Jake E. Hoeppner: Dans ce cas, pouvez-vous me dire ce que vous en pensez? Si la Commission canadienne du blé ne réussit pas à obtenir ces primes et à les verser aux syndicats de producteurs dans un marché où un seul organisme met en marché, comment va-t-elle pouvoir le faire à l'étranger alors qu'elle est en concurrence avec plusieurs énormes organisations de mise en marché?
M. Stow: Je le répète, vous me demandez une opinion sur une question que la Commission des grains... Nous considérons que nous jouons un rôle important, et cela dans le domaine de l'assurance de la qualité. On l'a bien vu tout à l'heure quand certaines personnes sont venues donner leur opinion au sujet de l'assurance et du contrôle de la qualité. Nous limitons nos activités à notre mandat, et je pense qu'il est souhaitable de continuer.
M. Jake E. Hoeppner: Si vous ne voulez pas répondre à cette question, je vais demander àM. Hehn de répondre à la même question, peut-être pourra-t-il nous éclairer.
M Hehn: Les primes des minoteries existent depuis toujours, je crois, de même que les primes sur les transports ou le camionnage. Diverses entreprises offrent ces primes, certaines ne le font pas. Je crois que Weyburn Inland les offre pratiquement depuis le début.
Dans le cas que vous avez mentionné, il s'agissait d'une catégorie de céréales qui n'avait pas été classée en ce qui concerne le contenu protéinique. Nous n'avions donc pas un chiffre pour le contenu protéinique de ce grain. Aujourd'hui, dans la catégorie 3, nous avons un indice protéinique. Cet indice n'existe toujours pas pour les grains destinés au bétail. Il n'y a aucun mal à ce que les minoteries répercutent cette prime sur les agriculteurs. Nous avons expliqué cela dans la lettre, et c'est conforme aux règles de la mise en commun et conforme également aux règles des points de vente uniques.
M. Jake E. Hoeppner: À mon avis, et c'est également l'opinion de mon avocat, ce n'est pas le cas. J'aimerais vous citer un article du Western Report daté du 16 octobre:
- Contacté chez lui la semaine dernière, le commissaire en chef Hehn a déclaré qu'il ne
connaissait pas d'arrangements spéciaux de ce genre et qu'il serait surpris d'entendre que cela
existait. «Les minoteries sont censées faire un versement initial sur la base du prix
correspondant à la catégorie appropriée, comme n'importe quel élévateur. Il nous arrive de
verser des primes au camionnage, mais seulement dans des situations d'urgence...».
- Est-ce que vous avez dit cela ou pas?
M. Jake E. Hoeppner: Mais vous prétendiez que les minoteries n'étaient pas censées offrir ces primes, qu'elles étaient censées verser le même prix initial que les silos. D'après la Loi sur la Commission canadienne du blé un silo est un établissement qui verse un paiement d'acompte et qui doit respecter les règlements de la Loi sur la Commission canadienne du blé.
M. Hehn: C'est précisément ce que cette minoterie avait fait. C'était précisément la nature de la transaction.
M. Jake E. Hoeppner: Je ne suis probablement pas d'accord, monsieur le président, mais j'en resterai là.
Le président: D'accord, je passe à M. McKinnon.
M. Glen McKinnon: Merci, monsieur le président.
Je commence par m'adresser au ministre Hehn et j'aimerais parler du fonds de réserve.
Monsieur le ministre, dans votre exposé, vous n'avez rien dit au sujet de la création d'un fonds de réserve, un fonds qui n'aurait pas une incidence négative sur les agriculteurs, ni à court terme, ni à long terme. Ce que je veux dire, c'est qu'avec l'ancien système, l'argent qui se trouve dans ce fonds de réserve, aurait pu rester dans les poches des agriculteurs.
Je demanderais aussi à M. Hehn s'il a des observations à ce sujet.
M. Enns: C'est là où la dualité permanente de certaines responsabilités financières se poursuit. Je crois comprendre qu'aux termes de la loi, le gouvernement fédéral reste responsable de l'offre de paiement d'acompte. Toutefois, par la suite, on envisagerait de créer ce fonds de réserve qui serait constitué par les producteurs.
Tout ce que je peux vous dire, monsieur McKinnon, c'est qu'au cours des années, d'autres organismes de mise en marché, comme Manitoba Pork, se sont constitués des réserves considérables qui peuvent être utilisées en cas de besoin. J'imagine qu'on envisage la même chose avec ce fonds de réserve.
M. Hehn: Comme je l'ai dit dans ma déclaration d'ouverture, il y a certainement des agriculteurs qui sont tout à fait satisfaits du processus actuel, paiement d'acompte, ajustement, versement intérimaire et paiement définitif, et qui ne veulent pas voir cela changer. Mais en même temps, ils disent: si vous décidez d'offrir des services qui s'écartent du système de mise en commun, comme les contrats à prix fixe, il importe de ne pas appliquer les risques éventuels aux comptes des syndicats de producteurs.
Par conséquent, je crois que la notion d'un fonds pour éventualités a son utilité, surtout si nous décidons d'offrir ce genre d'options, et de leur côté, les jeunes agriculteurs aimeraient avoir cette option, à condition, comme Ward l'a dit, que le prix soit basé sur le prix commun. Toutefois, qu'il s'agisse d'un versement du syndicat ou d'une option de prix fixe, cela comporte toujours des risques. Nous pouvons prendre des dispositions pour minimiser ces risques, mais il est impossible de les éliminer complètement. Dans ces conditions, un fonds pour éventualités permettrait de compenser ou de réduire au minimum ces risques, et d'empêcher que cela ne se répercute sur les agriculteurs qui maintiennent actuellement le processus.
M. Enns: Monsieur le président, permettez-moi de mentionner un autre avantage d'un fonds de réserve. La Commission canadienne du blé irrite très souvent les Américains - je dirais même trop souvent et injustement - et un tel système permettrait à mon avis d'atténuer cette irritation. Ce qu'ils déplorent, entre autres, c'est que le Trésor fédéral intervient en faveur de notre système de mise en marché des grains. Ce fonds de réserve, un fonds constitué par les producteurs, supprimerait un de ces «irritants» dont les Américains se plaignent souvent en ce qui concerne la Commission canadienne du blé.
M. Glen McKinnon: J'aimerais faire observer aux deux intervenants que les producteurs nous font part de leurs préoccupations, en particulier les jeunes, qui me disent que s'il s'agit simplement d'un prélèvement sur les chèques sur une longue période, ils ne sont pas d'accord. Je ne sais pas du tout comment on a l'intention d'accumuler les fonds.
Monsieur Hehn pouvez-vous développer cet aspect.
Le président: Je pense que vous pouvez répondre tous les deux.
M. Hehn: Je ne pense pas qu'on prévoie un prélèvement sur les chèques, du moins pour l'instant. Quand je pense au prélèvement pour la recherche, qui n'est que de 20c. la tonne pour le blé et 40c. pour l'orge, et quand je pense à toutes les protestations que nous avons eues à ce sujet, je suis certain que les agriculteurs ne trouveraient pas politiquement acceptable un prélèvement de cette ampleur.
Toutefois, du côté de nos crédits d'exportation, nous avons un compte à recevoir considérable qui produit des gains importants. Je crois vous avoir dit qu'il s'agissait de 40 à 80 millions de dollars selon les années. L'année dernière, cela a dépassé 80 millions de dollars, mais je crois que nous pourrions retrancher une partie de ces gains pour les verser dans un fonds de réserve. D'un autre côté, les producteurs disent également que cela pourrait être considéré comme un prélèvement indirect puisque, jusqu'à présent, cet argent leur était versé directement.
Le seul autre moyen de créer un fonds de réserve serait que le gouvernement injecte le capital au départ, pour démarrer le fonds.
M. Glen McKinnon: Monsieur Enns, tout comme Mme Cowling, je représente une région le long de la frontière de la Saskatchewan. Vous avez dit que l'est de la Saskatchewan et l'ouest du Manitoba étaient particulièrement touchés par les coûts de transport. Vous avez parlé également, et je vous félicite de l'avoir expliqué si clairement, des marchés à proximité du Manitoba.
Je me demande à quelle direction vous pensiez, est-ce que vous envisagiez un système qui donnerait au Manitoba des privilèges spéciaux sur le plan des exportations ou bien, étant donné que les coûts de transport ont pratiquement triplé, est-ce que vous avez prévu de faire des recommandations dans ce sens au gouvernement fédéral?
M. Enns: Monsieur McKinnon, je ne veux pas insulter l'intelligence des membres de ce comité en répétant les vieilles rengaines que nous avons au Manitoba, mais les choses changent. Vous avez parlé de direction, et il s'agit des deux, vers le nord et vers le sud. Comme vous le savez, Churchill est desservi par un nouveau régime.
Je connais tous les problèmes auxquels on se heurte quand on essaye d'acheminer des grains par Churchill, mais, comme je le dis à nos responsables du secteur des grains, nous avons aujourd'hui de nouveaux joueurs, des gens nouveaux qui s'occupent de la ligne de chemin de fer et qui feront peut-être les choses différemment, avec plus d'efficacité, du moins je l'espère. En particulier pour la région de Mme Cowling, le nord-ouest et le nord-est de la Saskatchewan, la Commission du blé pourrait tenir compte à nouveau des possibilités qu'offre notre seul port maritime dans les Prairies, c'est-à-dire Churchill.
Il est certain que pour nous tous au gouvernement du Manitoba, ce serait une façon d'éviter les augmentations considérables des tarifs de fret auxquelles nous nous heurtons lorsque nous passons par l'est et par l'ouest.
C'est une autre possibilité. Je sais que tous ces problèmes n'ont pas de solutions faciles, mais il ne faut pas oublier que nous pouvons expédier notre production vers le marché américain, nous sommes particulièrement bien situés pour cela, et les coûts du fret sont particulièrement bas. Pour toutes ces raisons, on pourrait fort bien accorder une considération particulière au Manitoba et à l'est de la Saskatchewan.
Je sais bien, dans ce cas-ci aussi, qu'il y a bon nombre de politiques de commerce international qui soient entachées de la même façon. Mais si l'on considère que la Commission canadienne du blé est une institution canadienne, une institution des Prairies qui est censée aider les agriculteurs canadiens, je lui demande donc, à cette commission, de jeter en 1996-1997, un coup d'oeil différent sur le producteur de blé et le céréalier de Calgary, c'est-à-dire un coup d'oeil différent que celui que cette même commission jette sur le céréalier de Portage-La-Prairie ou de Swan River; en effet, je le lui demande parce que les points repères ont bien changé en ce qui nous concerne. C'est tout ce que je suggère que nous fassions.
Si l'on considère qu'il est possible d'avoir sur le marché américain des mouvements de céréales représentant 1, 1,5 ou 2 millions de dollars - je sais qu'il y a eu beaucoup de déplacements de céréales en 1993 et que nous avons accepté volontairement un plafonnement pour 1994-1995 - , pour les raisons citées plus haut et pour les raisons que se plaisent à nous rappeler vos clients, et si l'on considère l'énorme préjudice qu'a eu sur les producteurs qui doivent transporter leur grain la perte du tarif du Nid-de-Corbeau, il n'est pas inimaginable pour ceux qui représentent le gouvernement et qui occupent des charges publiques de demander à nos agences de revoir encore une fois les méthodes qu'elles utilisent pour transporter les céréales.
Le président: Nous demanderons à M. Hehn de répondre et laisserons M. Hermanson poser une brève question.
M. Hehn: M. Enns a mentionné des préoccupations et des arguments qui sont très légitimes. Comme il l'a expliqué lui-même, nous avons travaillé en étroite collaboration pour tenter de résoudre les problèmes. Les préoccupations remontent à l'époque de l'accord de libre-échange, en 1991. À cette époque-là - à l'époque où nous abandonnions le système à deux prix - nous avons dû nous convaincre que nous fixions les prix pour les transformateurs canadiens de façon qu'ils restent concurrentiels avec leurs homologues au sud de la frontière, et de façon que ces prix n'incitent pas les usines de transformation du sud à déplacer leurs produits dans l'une ou l'autre de nos provinces.
Je crois que nous avons en effet réussi à établir des liens de fret entre le nord et le sud qui sont très sains et très concurrentiels. Mais l'abolition du tarif du Nid-de-corbeau a toutefois créé certaines anomalies entre l'est et l'ouest et d'un port à l'autre. Nous avons réussi à les corriger dans une certaine mesure, dès lors que nous avons rétabli des zones d'attraction commerciale pour le port de Churchill et d'autres zones encore pour les États-Unis.
Nous continuons à travailler là-dessus. Ainsi, cette année, nous nous intéressons au grain extra fort de l'Ouest du Canada, car une bonne partie de ce grain pénètre aux États-Unis. Nous n'avons pas encore terminé notre analyse, mais nous pourrions sans doute déplacer plus vers l'ouest le point où nous établissons notre prix pour qu'il tienne compte plus amplement de certaines des choses qu'a mentionnées M. Enns.
Nous travaillons de concert avec les transformateurs, c'est-à-dire les malteurs et les minotiers, et nous sommes sur la bonne voie de régler cette anomalie entre l'est et l'ouest qui est due à la réduction du fret sur les eaux intérieures.
Nous avons conclu une entente au comité de travail, et je crois que nous aurons également conclu une entente au niveau de l'exécutif d'ici deux ou trois semaines, après quoi nous rencontrerons le ministre le plus rapidement possible.
L'affaire est en bonne voie d'être résolue.
Le président: M. Hermanson aura droit à une brève question, puis se seront Mme Ur etM. Easter. Je veux que nous terminions d'ici midi, pour que nous ayons une pause déjeuner qui soit respectable.
M. Elwin Hermanson: Je m'adresse à celui des deux, de M. Hehn ou de M. Stow, qui sera le plus en mesure de répondre.
Aux termes de la loi actuelle et en vertu de ce que propose le projet de loi C-72 au sujet des modalités de mise en commun, est-il possible pour une céréalière, quelle qu'elle soit, d'acheter une catégorie de grain - comme par exemple le grain no 1, à la fois sec et coriace - et de mélanger, au port même, le grain coriace et le grain sec, ce qui lui permettrait de faire plus d'argent, mais de flouer en même temps le syndicat et l'agriculteur?
M. Hehn: Il est évidemment possible pour cette céréalière de faire le mélange sur le terrain, et c'est ce qu'on appelle le séchage comptable. Au port, nous les payons en fonction de la mise à quai. La céréalière ne ferait pas un sou de plus si elle faisait son mélange sur le terrain, mais il lui est possible de faire des mélanges dans une même catégorie, au terminal céréalier, en misant sur l'humidité. Il lui est également possible de faire des gains grâce au séchage comptable au terminal, mais il lui serait illégal de faire des mélanges entre les catégories de grains au terminal même.
M. Elwin Hermanson: Il est donc possible que l'agriculteur soit floué. Le grain coriace qu'il vend au départ à la céréalière est revendu par celle-ci sous forme de grain sec, ce qui représente un manque à gagner pour le syndicat.
M. Hehn: C'est exact. Mais n'oubliez pas non plus que cela peut être aussi rentable pour le syndicat.
Voici pourquoi: Il n'est pas nécessaire de sécher le grain coriace, par exemple, et s'il se trouve que nous ayons beaucoup de grain sec au terminal, on pourrait mélanger au grain sec un peu de grain coriace sans modifier ainsi les paramètres s'appliquant au grain sec: autrement dit, tout le monde en profite, et le syndicat aussi.
M. Elwin Hermanson: Non, seule la céréalière en profite, puisque l'agriculteur vend son grain au départ sous forme de grain coriace.
M. Hehn: Mais si nous en avions tenu compte à ce moment-là, le paiement initial versé sur le grain coriace aurait changé considérablement.
M. Elwin Hermanson: Ceux qui vendent le grain sec en profiteront parce qu'il se trouverait à y avoir plus de céréales dans la mise en commun du grain sec; cependant, l'agriculteur qui vend son grain coriace et qui assume une diminution de 19c. le boisseau au silo rural aura un manque à gagner, même si la céréalière peut éventuellement récupérer sa mise.
M. Hehn: Mais s'il s'agit d'un séchage comptable, nous avons tendance à diminuer les écarts pour que cela traduise mieux la réalité.
C'est une arme à deux tranchants. Je suis sûr que dans les silos ruraux, il arrive qu'un gérant de silo accepte parfois des céréales qui dépassent légèrement le seuil admis pour le grain coriace, tout en restant sec, et qu'il le mélange avec du grain sec parce qu'il sait qu'il peut comptabiliser l'opération sur papier. Tout cela profite à l'agriculteur, et dans la mesure où cette opération n'entraîne pas de coûts supplémentaires pour l'agriculteur qui a livré son grain sec, nous ne nous y opposerons aucunement. Toutefois, nous réagirons dès que cela coûtera plus cher à ce même agriculteur.
Le président: Madame Ur, vous avez une question?
Mme Rose-Marie Ur: Oui, une brève question à l'intention de la Commission canadienne des grains.
Ce matin, on s'est inquiété de l'inspection de nos produits et de leur qualité, qui constitue l'élément clé de leur mise en marché. À votre avis, est-ce le projet de loi C-72 ou la Loi sur les grains du Canada qui est la meilleure façon de maintenir, voire d'améliorer, l'inspection de la qualité?
M. Stow: Nous nous sommes transformés en agence de réglementation par suite de consultations avec les trois grands acteurs, soit l'industrie céréalière, les producteurs et les utilisateurs. Nous devenons de plus en plus une organisation de service, et autant à l'échelle de la direction qu'à l'échelle de l'employé, nous avons tous à coeur de maintenir la qualité de nos produits. Mais à la lumière des discussions de ce matin, n'oublions pas que nous devons tenir compte des coûts associés aux services que nous fournissons. Nous recouvrons environ 88 p. 100 des coûts de notre organisation et des services que nous fournissons, et nous sommes constamment à l'affût de façons qui nous permettraient de maintenir l'assurance de la qualité tout en réduisant les coûts qui doivent, en bout de piste, être assumés par le producteur.
Le vice-président (M. Glen McKinnon): Monsieur Easter.
M. Wayne Easter: Ma question porte sur l'exercice des pouvoirs. Une des grandes pommes de discorde, c'est de savoir qui nomme le PDG et le président du conseil d'administration?
Monsieur Enns, Murray et vous-mêmes en avez discuté un peu. Rappelons-nous toutefois ce que porte la loi actuelle. L'article 3 établit ceci:
- 3.(1) Est constituée la Commission canadienne du blé, composée de trois à cinq commissaires
nommés par le gouverneur en conseil.
Mais le projet de loi porte aussi ceci, au paragraphe 3.4:
- 3.4(1) Le gouverneur en conseil désigne parmi les administrateurs, sur la recommandation du
ministre, un président du conseil.
- 3.9(1) Sur la recommandation du ministre après consultation du conseil, le gouverneur en
conseil nomme un président.
Le risque, pour elles, va chercher 6 milliards de dollars.
Si l'on continue à affirmer que le gouvernement n'aura rien à voir dans la nomination ni du PDG ni du président du conseil d'administration, il faut donc supposer au départ qu'il y aura un compromis, ce compromis n'émanant pas nécessairement de notre comité mais peut-être du ministre des Finances ou d'un autre de ses collègues qui aurait à coeur de protéger les intérêts des contribuables. Or, le compromis signifierait peut-être qu'il faudrait laisser tomber la garantie des ententes de crédit, du moins la garantie sur les emprunts.
On peut garantir le crédit à l'exportation, comme le fait la SEE, et l'on peut aussi garantir les paiements initiaux, comme le fait la Commission ontarienne du blé.
J'aimerais savoir du ministre Enns s'il considère que cela pourrait être un compromis équitable.
Ensuite, si l'on optait pour ce compromis, c'est-à-dire si l'on cessait de garantir les emprunts, j'aimerais savoir de M. Hehn ce que cela signifierait d'un point de vue financier et du point de vue de ses opérations pour la Commission canadienne du blé.
Enfin, les producteurs devraient comprendre que le simple fait que le gouvernement nomme le PDG et le président du conseil d'administration ne signifie pas qu'il usurpe pour autant les pouvoirs du conseil d'administration en termes de gestion ou de planification de la société ou même de la stratégie de mise en marché de la société. Ce n'est qu'une façon de protéger les contribuables, et d'assurer la reddition de comptes aussi bien au conseil d'administration qu'au gouvernement du Canada.
Le vice-président (M. Glen McKinnon): Je laisse chacun de nos témoins commenter, s'ils le désirent. Ce sera la dernière question.
M. Enns: Soyons clairs: je ne commente rien d'autre que ce que l'on a entendu dire au sujet du projet de loi, à savoir qu'il fait passer une bonne partie des pouvoirs de la Commission canadienne du blé entre les mains des producteurs. Ce matin, mon rôle se limitait à vous convaincre que ce n'est pas le cas, et rien d'autre.
Pour ce qui est de votre autre question, sur le compromis possible, je crois que M. Hehn, qui représente la Commission canadienne du blé, est bien mieux placé que moi pour commenter là-dessus. Toutefois, je crois savoir que l'engagement au prix initial n'a pas ou presque pas donné lieu jusqu'à maintenant à une obligation financière quelconque de la part du gouvernement fédéral et que c'est plutôt au moment de l'établissement subséquent et définitif des prix que l'on a parfois invoqué l'obligation financière du gouvernement fédéral; or, je crois savoir aussi que le projet de loi enlève cette obligation au gouvernement fédéral et la place entre les mains des producteurs par le truchement du fonds de réserve.
À moins que le gouvernement canadien ne soit prêt à le faire à leur place, ce qui serait un geste apprécié, comme le laissait entendre M. Hehn, vous allez demander aux producteurs canadiens de mettre de côté 500 millions de dollars comme fonds de réserve en vue du démarrage. En retirant cette responsabilité au gouvernement fédéral, vous maintenez tous les avantages pour celui qui dirige la Commission canadienne du blé tout en faisant assumer aux producteurs des Prairies une énorme obligation financière, par le truchement du fonds de réserve.
Je crois que cela vous préoccupe, monsieur McKinnon.
Je crois que lorsque le gouvernement fédéral et le ministre Goodale ont proposé les changements, au départ, il n'était aucunement question d'assurer de cette façon-là la reddition de comptes.
M. Hehn: Vous interrogez sur les conséquences d'ordre financier de cette mesure pour la Commission canadienne du blé. Elles sont à deux volets. D'abord, il est probable que l'ensemble des comptes recevables passera à la SEE ou à quelque autre organisation qui offre cette garantie.
Le droit commercial nous oblige à fixer des taux commerciaux à nos clients qui ont emprunté des crédits. Or, comme nous nous greffons sur la garantie gouvernementale, nous pouvons emprunter à des taux en-deça des taux commerciaux. Tous les bénéfices, après le calcul des coûts, sont ensuite retournés aux agriculteurs, et ce sont les 40 à 80 millions dont je parlais.
Passons maintenant au coût d'exploitation du système. Ce qui nous coûte le plus cher, ce sont les coûts des stocks. Dès lors que l'agriculteur livre son grain, il se fait payer par les propriétaires des silos. Nous, nous garantissons à ces derniers qu'ils se feront payer, ce qui permet aux propriétaires des silos de profiter eux aussi de la garantie. Vous voyez donc que ce n'est pas uniquement la Commission canadienne du blé qui profite de la garantie. Or, ces coûts supplémentaires de stockage devront être transférés au compte des agriculteurs.
Vous comprenez, monsieur Easter, que les conséquences sont très graves, et je n'ose pas trop m'y attarder. Je ne crois pas que nous soyons disposés à laisser partir cette garantie gouvernementale pour de simples questions d'exercice des pouvoirs.
M. Wayne Easter: Merci.
Monsieur le président, puisque vous êtes de retour au poste, je voudrais poser une autre question.
Le président: Il vous reste une minute.
M. Wayne Easter: Je m'adresse à la Commission canadienne des grains.
Plus tôt ce matin, des témoins nous ont signalé l'éventualité de modifications à la pesée et à l'inspection d'entrée. Ce que je dis a tout à voir avec l'importance de la qualité. Pouvez-vous nous dire ce qui est en train de se passer? Je n'ai pas entendu parler de grands changements qui surviendraient, mais pouvez-vous nous dire ce qui se passe au sujet de la pesée et de l'inspection d'entrée, et si cela pourrait avoir une incidence sur notre système de contrôle de la qualité?
M. Stow: Comme je l'ai déjà dit, notre propre organisation et l'industrie effectuent un examen en permanence de ces services. Étant donné ce que représente la Commission canadienne des grains en termes de coûts, nous évaluons en permanence les services que nous fournissons et ceux qui sont nécessaires en nous demandant de quelle façon il est possible pour nous de maintenir la même assurance de la qualité.
Ce n'est donc pas nouveau. Il s'agit uniquement de continuer ce qui se fait déjà, et aucun changement de fond ne sera apporté sans qu'il y ait eu au préalable discussion approfondie avec l'industrie, avec le gouvernement et avec tout autre intéressé. Mais il s'agit d'une activité permanente.
M. Wayne Easter: Une précision.
Le président: D'accord, mais c'est tout.
M. Wayne Easter: Je veux bien que vous ayez des discussions là-dessus, mais c'est la même chose qui se passe, par exemple, avec la pomme de terre de l'Île-du-Prince-Édouard. Les agriculteurs affirment qu'ils pourraient peut-être comprimer les coûts ici ou là, qu'ils pourraient peut-être éviter certaines dépenses, mais que cela pourrait avoir des répercussions dans 10 ans. Ce qui me préoccupe, c'est la façon de faire. Vous avez parlé de discussion; la discussion atteindra-t-elle un jour le niveau politique plutôt que de se limiter entre l'industrie et la Commission canadienne des grains? C'est parce que je crois que la question a des incidences beaucoup plus vastes que cela ne peut sembler à première vue.
Le président: Monsieur Hehn voudrait répondre brièvement.
M. Hehn: Nous approuverions certaines procédures innovatrices dans la pesée d'entrée, dans la mesure où cela se fait au terminal, là où il est possible de verrouiller la balance et de contrôler le tout; nous serions d'accord, dans la mesure où il s'agirait d'installations d'échantillonnage automatique et s'il était possible de verrouiller l'échantillon et d'en contrôler toutes les variables, de façon à ce qu'il y ait une vérification appropriée qui se fasse d'office. Si ce n'est pas le cas, nous ne pourrions être d'accord.
Le président: Je remercie tous les témoins et les membres du comité de leur coopération. La discussion de ce matin a été très fructueuse.
Nous interrompons la séance jusqu'à 13 heures.