[Enregistrement électronique]
Le mercredi 19 mars 1997
[Traduction]
Le président (Lyle Vanclief (Prince Edward - Hastings, Lib.)): La séance est ouverte.
Ce matin, nous entendrons les témoignages de la Canadian Registered Organic Producers Marketing Co-operative, de Citizens Concerned About Free Trade et de Saskatchewan Concerned Farmers Saving the Wheat Board.
Le greffier vous a dit que vous aviez 15 minutes pour faire votre exposé après quoi nous aurons une discussion de 40 à 45 minutes. Je vous ferai signe deux ou trois minutes avant que les 15 minutes ne soient écoulées. Si vous dépassez ce délai, nous devrons prendre des mesures. Au cours des trois derniers jours, tout le monde s'est efforcé de ne pas le dépasser, par souci d'équité envers les autres intervenants. Si vous n'avez pas encore exposé vos principaux arguments quand je vous fais signe, faites-le immédiatement et brièvement.
Le premier témoin est M. Walter Nisbet, de la Canadian Registered Organic Producers Marketing Co-operative.
Allez-y, monsieur Nisbet.
M. Walter Nisbet (président, Canadian Registered Organic Producers Marketing Co-operative Ltd.): Merci.
Je vais tout d'abord vous présenter la personne qui m'accompagne, Ken DeMong, un de nos membres. Je suis président de la Canadian Registered Organic Producers Marketing Co-operative. Nous apprécions le fait d'avoir l'occasion d'exposer nos opinions sur le projet C-72, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé.
Comme notre nom l'indique, nous commercialisons des produits organiques, principalement du blé, du blé dur, du seigle, de l'avoine et du lin. Nous sommes d'ardents partisans du système de vente à comptoir unique, de la mise en commun des prix et des garanties financières du gouvernement. Nous voulons que la position de la Commission canadienne du blé soit renforcée dans ces domaines et nous appuyons les modifications qui iront dans ce sens-là.
À l'heure actuelle, la Commission canadienne du blé assure à tous les producteurs un traitement assez équitable en leur permettant d'obtenir le meilleur prix possible et en leur donnant des chances égales pour ce qui est des livraisons, des garanties du gouvernement, des emprunts et des ventes à crédit.
Dans le court délai qui nous est accordé, nous ne pouvons pas faire des commentaires sur toutes les modifications proposées. Cependant, nous allons signaler rapidement quelles seront, à notre avis, les conséquences de certaines de ces modifications et nous ferons ensuite quelques recommandations.
En ce qui concerne l'article 3, le conseil d'administration proposé dont une partie des membres seulement seraient élus par les agriculteurs donnerait une illusion de contrôle alors qu'en réalité, c'est le gouverneur en conseil qui aurait le pouvoir. Il semblerait que le principal objectif soit de transformer une société d'État en société mixte. Les dispositions de cet article ne sont pas suffisamment précises. Elles sont vagues et il serait impossible de prendre des règlements en s'appuyant sur elles. Cet article est inacceptable.
Le fonds de réserve prévu à l'article 6, qui serait probablement alimenté par des déductions faites sur le produit de la vente des denrées des producteurs, serait difficile à faire accepter compte tenu de l'actuelle diminution des prix, de la suppression de la Subvention du Nid-de-Corbeau et de la forte hausse des frais de transport du grain. Étant donné que l'utilisation des garanties gouvernementales a toujours été restreinte, la principale raison d'être du fonds de réserve semble être de couvrir les éventuelles pertes sur les achats au comptant.
Cela donnerait alors naissance à un système d'établissement des prix inéquitables. Si la Commission canadienne du blé versait trop d'argent aux producteurs pour un achat au comptant, ceux-ci devraient compenser la différence à même le fonds de réserve. C'est inacceptable.
À propos des articles 15 et 16, je dirais que les achats au comptant et la suppression des comptes de mise en commun, à quelque moment que ce soit, mettraient en péril l'équité du système à l'égard des producteurs.
Je m'explique. Dans un marché à la baisse, un producteur est susceptible de vouloir obtenir un prix au comptant, s'attendant à ce que le prix diminue davantage plus tard dans l'année. Par ailleurs, si un compte de mise en commun était d'une durée inférieure à un an dans un marché à la baisse, les producteurs qui y participent en début de période obtiendraient des prix plus avantageux que les autres. C'est inacceptable. Par ailleurs, le système de mise en commun annuelle des prix cesserait d'être équitable, alors que c'est précisément là son but.
Quant à l'article 19, il permettrait au gouverneur en conseil de négocier les certificats de producteur et d'en autoriser la cession. Ce système mettrait également fin au principe de l'équité à l'égard de tous les producteurs. Les agriculteurs qui ont besoin d'argent essaieraient de se faire payer au comptant, ce qui aurait tendance à faire baisser les prix. Par conséquent, les producteurs les plus démunis recevraient un prix inférieur à celui que pourraient obtenir ceux qui auraient les moyens d'attendre. C'est inacceptable.
L'article 20 permettrait à la Commission de passer des contrats à un prix différent de celui des concurrents. Cela mettrait fin au traitement équitable dont bénéficient tous les producteurs. Il semble que les dispositions de cet article seraient inutiles si la CCB avait le contrôle sur tout le grain.
L'article 22 permettrait au gouverneur en conseil de soustraire toute catégorie ou le blé produit dans telle région à l'application de cette partie du projet de loi. C'est inacceptable. Si une partie de la production d'une céréale n'est pas commercialisée par la Commission canadienne du blé, cela veut dire que l'on a affaire à un double système de commercialisation. Le ministre a dit que ce n'était pas pratique et nous sommes d'accord avec lui, car on a pu le constater lorsqu'on a essayé ce système pour le marché de l'orge. Aucune disposition ne prévoit la possibilité pour la Commission canadienne du blé de se charger de la commercialisation d'autres céréales.
En ce qui concerne l'utilisation d'outils modernes de gestion des risques dans les transactions avec les consommateurs, on présume que cela veut dire que l'on aurait notamment recours à des opérations de couverture. Comment pourrait-on le faire pour la totalité de la récolte canadienne sans faire baisser le prix du marché? Comment ce type d'opération et la mise en commun des prix pourraient-ils coexister? C'est une recommandation de la commission d'examen. Celle-ci a été critiquée par toutes les parties pour diverses raisons. Pourtant, la plupart des modifications proposées auront pour résultat de mettre en oeuvre un grand nombre de ses recommandations.
Les dispositions actuelles de la Loi sur la Commission canadienne du blé prévoient cinq commissaires. Pour le moment, il y en a trois, et deux postes sont vacants. Les trois commissaires ont été nommés par le gouvernement conservateur précédent. L'actuel gouvernement libéral n'a fait aucun nomination à la CCB. Pourquoi n'a-t-on pas procédé aux nominations nécessaires pour combler ces postes? Qu'est-ce que cela veut dire? A-t- on projeté de réduire le nombre de membres de la Commission canadienne du blé? Quelle sera l'attitude des candidats aux prochaines élections?
Je vais maintenant vous faire quelques recommandations.
Pour nos céréales biologiques et pour toutes les céréales, il importe que la Commission canadienne du blé ait le contrôle sur la commercialisation de toutes les catégories et de tous les types de grains. Les mélanges et les services d'expédition en grosse quantité que la Commission canadienne du blé peut offrir à nos clients sont très importants pour l'uniformité de la qualité de nos produits.
D'après certaines études, la Commission canadienne du blé a rapporté davantage aux agriculteurs que le marché hors-Commission. Nous recommandons que l'on permette à la Commission canadienne du blé de commercialiser tous les grains, c'est-à-dire le blé, le blé dur, l'orge, l'avoine, le seigle, le lin et le Canola.
Les garanties financières du gouvernement ont toujours contribué à permettre à la Commission canadienne du blé d'emprunter à un taux d'intérêt moins élevé, l'intervention gouvernementale restant minime. Le gouvernement devrait continuer à offrir ces garanties de créances.
L'équité pour tous les producteurs, tant sur le plan des prix que sur celui de la livraison, est importante. Les avances sans intérêt constituent le meilleur moyen de garantir cette équité, étant donné que les producteurs qui ont en stock une céréale qui n'est pas en demande peuvent utiliser cette avance pour éviter d'être obligés d'en faire la livraison au début de la campagne céréalière. Je le répète, le fait que la période de mise en commun couvre la totalité de la durée de la campagne céréalière, qui est d'un an, est la meilleure garantie d'équité au niveau des prix pour l'ensemble des producteurs.
Nous sommes bien d'accord que l'on utilise des silos mobiles et que les livraisons se fassent à des installations collectives d'entreposage des céréales; par contre, il faut également accepter l'utilisation du système de chargement des wagons par le producteur.
L'utilisation des opérations de couverture permet à d'autres entreprises de siphonner les revenus des producteurs de grain et ceux d'autres segments de l'économie. Nous déconseillons le recours à cette pratique.
Si vous souhaitez un tant soit peu que les agriculteurs aient davantage de contrôle sur la Commission canadienne du blé, nous vous recommandons de maintenir le comité consultatif de la Commission et de lui conférer des pouvoirs plus étendus. Nous approuvons le mode d'administration actuel et, par conséquent, nous recommandons que les trois postes de commissaire qui sont vacants soient comblés pour que la CCB puisse continuer à s'occuper de vendre notre grain.
Merci.
Le président: Merci beaucoup pour votre mémoire ainsi que pour vos pertinentes observations, monsieur Nisbet.
Je donne la parole au représentant de Citizens Concerned About Free Trade.
Bonjour, monsieur Orchard.
M. David Orchard (président, Citizens Concerned About Free Trade): Merci beaucoup.
Je suis agriculteur à Borden, en Saskatchewan. Je suis président de Citizens Concerned About Free Trade depuis 1985. Il s'agit d'un organisme national indépendant qui a été créé pour lutter contre M. Mulroney et son Accord de libre-échange. J'ai également écrit un ouvrage, intitulé The Fight for Canada sur l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis et sur l'ALENA.
À mon avis, un des articles de ce projet de loi sort du lot. Je le considère comme le plus important. Il s'agit de l'article proposé 61.1, qui figure sous la rubrique «Mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange nord-américain».
Voici ce que dit le paragraphe 61.1(1):
La Commission est tenue, dans l'exercice de ses attributions, d'appliquer les dispositions de l'Accord qui la concernent.
Par ailleurs, le paragraphe 61.1(2) dit ceci:
- Le gouverneur en conseil peut, sur recommandation du Conseil du Trésor et du ministre...
prendre au sujet de celle-ci (la Commission) les règlements qu'il estime nécessaires à la mise en
oeuvre des dispositions de l'Accord qui la concernent.
- - et il s'agit de l'ALENA.
Rappelons les raisons pour lesquelles celle-ci a été créée. Elle fut créée en 1935 à la suite des pressions exercées par les agriculteurs qui manifestaient dans les rues de Regina pour obtenir une certaine protection face à la puissance des compagnies céréalières privées. Le prix du blé était de quelques cents le boisseau. Ces compagnies avaient la réputation de tricher sur le poids et de classer les grains dans une catégorie inférieure. Les céréaliculteurs avaient beau passer la journée à transporter leur grain au silo, il ne leur restait pratiquement rien après avoir déduit leurs frais de transport.
Les compagnies céréalières privées étaient furieuses quand la Commission canadienne du blé a été créée. Elles ont fait des discours incendiaires dans toutes les Prairies pendant 20 ans, disant qu'il s'agissait d'un complot socialiste ou communiste, sans toutefois parvenir à inciter le gouvernement de l'époque ni les producteurs à cesser d'appuyer massivement la Commission.
La Commission canadienne du blé est une réussite éclatante à tous les égards. Elle a stabilisé les prix qui ne cessaient de fluctuer. Elle a apporté une certaine stabilité aux agriculteurs et à l'économie des trois provinces des Prairies où l'agriculture est de très loin la principale industrie, y compris en Alberta.
En outre, dans ce pays où la participation étrangère est la plus forte du monde industrialisé, puisqu'elle est de plus de 95 p. 100 dans notre secteur de l'automobile, de plus de 90 p. 100 dans le secteur énergétique, pétrolier et gazier, dans celui de la fabrication de grosse machinerie agricole ainsi que dans celui du tabac et de 97 p. 100 dans l'industrie cinématographique, le secteur céréalier fait figure d'exception. Il reste canadien dans une proportion de 70 p. 100 et c'est grâce à la Commission canadienne du blé.
La Commission canadienne du blé est devenu un concurrent extrêmement efficace. L'auteur américain Dan Morgan a dit dans son important ouvrage sur le commerce du grain, intitulé Les géants du grain, que la Commission canadienne du blé était l'office de commercialisation le plus puissant et le plus prestigieux du monde et qu'il avait une renommée mondiale pour la qualité de ses produits, sa fiabilité et les prix élevés obtenus pour le compte des agriculteurs.
Étant donné qu'il ne s'agit pas d'une entreprise privée, elle ne prélève pas des bénéfices, mais elle distribue la totalité des recettes de la vente du blé des agriculteurs après en avoir déduit ses frais de fonctionnement, qui représentent la bagatelle d'environ 5 cents le boisseau.
Par conséquent, c'est un organisme que la plupart des producteurs apprécient beaucoup. La Commission a empêché la prise de contrôle étrangère de l'industrie céréalière canadienne. Elle jouit d'une réputation enviable au Canada et dans le monde entier. Elle est financée directement par les producteurs. Elle vend leur grain à peu de frais et elle ne prélève pas le moindre profit.
Quel est donc le problème? Quel problème essayez-vous de résoudre par le biais de ce projet de loi? Qu'est-ce qui ne fonctionne pas? Rien. Ce qui se passe, c'est que nos principaux concurrents américains se sont plaints à son sujet et que, comme une bande de poules mouillées, nous avons cédé à leurs pressions et avons rédigé ce projet de loi.
Le Canada est censé être un pays indépendant et la Commission du blé s'est comportée comme si c'était effectivement le cas. Non seulement a-t-elle empêché les compagnies céréalières américaines de prendre le contrôle de l'industrie céréalière canadienne, mais elle leur a fait concurrence sur le marché mondial. De surcroît, elle a fait des transactions avec certains pays comme la Chine, Cuba et l'ex-Union soviétique, par exemple, sans la permission du U.S. State Department.
Certains d'entre vous se souviennent peut-être qu'après sa vente colossale de 1963 à l'Union soviétique, la Commission canadienne du blé, et le Canada, avaient été attaqués par le sénateur du Wisconsin, William Proxmire, qui prétendait que c'était un «cas inexcusable de commerce avec l'ennemi, dans l'intérêt de l'ennemi, en pleine guerre froide». Le sénateur de l'Illinois, Paul Douglas, avait qualifié la vente en question d'«atteinte directe à la politique étrangère des États-Unis qui compromet nos meilleurs espoirs de renverser la Russie et la Chine en provoquant une révolution». Un mois plus tard, le président John Kennedy autorisait les compagnies céréalières américaines à faire du commerce avec l'Union soviétique.
C'est exactement la même chose que ce qui se produit actuellement à propos de Cuba: les États-Unis reprochent à cors et à cris au Canada de faire du commerce avec Cuba alors que La Havane regorge de gens d'affaires américains avides de signer des contrats.
Vinrent ensuite Brian Mulroney et le libre-échange. Avant qu'il ne soit élu, en 1983,M. Mulroney avait dit aux Canadiens que le libre-échange constituait un danger pour la souveraineté canadienne et qu'il n'en parlerait plus au cours de la course au leadership ni à quelque autre moment que ce soit. Huit jours après son élection, il tenait sa première conférence de presse aux côtés de Ronald Reagan et il annonçait qu'il essaierait de signer un accord de libre-échange avec les États-Unis.
La société Cargill Grain a joué un rôle capital dans les négociations sur le libre- échange entre le Canada et les États-Unis. C'est la plus grosse compagnie céréalière du monde. Le négociateur en chef des États-Unis en matière d'agriculture était un dénommé Daniel Amstutz, sous-secrétaire à l'Agriculture et ex-directeur général du service des relations avec les investisseurs de la société Cargill. Le conseiller du gouvernement canadien en matière de politique agricole dans le cadre des pourparlers sur le libre- échange entre le Canada et les États-Unis était un certain David Gilmore, vice-président de Cargill Grain Canada.
Par conséquent, les intérêts de Cargill Grain, qui est la plus grosse compagnie céréalière du monde, étaient représentés dans les deux camps. Le principal objectif de Cargill était de se débarrasser de la puissante Commission canadienne du blé.
On nous avait dit à cette époque que l'agriculture ne faisait pas partie des secteurs en voie de négociation. Au cours du débat le plus important sur le libre-échange qui ait jamais eu lieu en Colombie-Britannique, à Vancouver, John Crosbie m'avait dit que les négociations ne porteraient pas sur l'agriculture. À Saskatoon, au cours du plus gros débat sur le libre-échange qui ait jamais eu lieu au Canada, le ministre du Commerce international, Bob Andrew, l'a confirmé. Lorsque nous avions questionné à ce sujet John Wise et Charlie Mayer à l'époque où ils étaient ministres de l'Agriculture, ils avaient répondu la même chose. Lorsque l'Accord sur le libre-échange entre le Canada et les États-Unis a été conclu, nous avons constaté que le plus long chapitre de l'Accord était consacré à l'agriculture.
En 1987-1988, nous avons signalé au cours d'une centaine d'assemblées que non seulement l'agriculture était au programme des négociations mais aussi que la Commission canadienne du blé en était la principale cible et au cours des élections de 1988, la majorité des Canadiens ont voté contre M. Mulroney et ce qu'il appelait son référendum sur le libre-échange. Grâce à notre système majoritaire uninominal désuet, il est devenu premier ministre et a imposé l'Accord en question, que les libéraux ont appelé à juste titre, l'«acte de vente du Canada».
Dans son autobiographie, Jean Chrétien a dit qu'il s'opposait au libre-échange parce qu'il nous écraserait et en 1993, dans leur Livre rouge, les libéraux ont promis de renégocier à la fois l'ALENA et l'ALE. Un jour après les élections de 1993 - cela n'avait pas pris huit jours, comme avecM. Mulroney - Jean Chrétien a reçu un coup de fil de Bill Clinton et le soir même, il capitulait: les libéraux ont annoncé qu'ils allaient ratifier l'ALENA tel quel, sans y apporter la moindre modification. Ils n'ont pas apporté la moindre modification à l'Accord que George Bush et Brian Mulroney avaient négocié.
Nous voyons ce que donne la mise en oeuvre de l'Accord, avec toutes ses conséquences. La Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, notre compagnie ferroviaire, a été vendue pour la moitié de sa valeur; elle appartient maintenant dans une proportion de 70 p. 100 à des intérêts américains. Le port de Churchill et les compagnies ferroviaires du Manitoba ont été vendus à une société américaine. Comme nous avons pu le constater, l'ALENA entraîne l'américanisation générale de notre pays.
Au congrès de l'industrie céréalière américaine de 1996, le président de la National Association of Wheat Growers a annoncé qu'il voulait mettre fin au monopole de la Commission canadienne du blé sur les ventes à l'étranger. Son président, Winston Wilson, a déclaré ceci:
- Un jour existera un marché nord-américain du blé. C'est un mouvement irréversible. C'est une
certitude et nous ferions mieux de nous préparer en conséquence.
C'est exactement ce qui se passe. Au Canada, une petite minorité bruyante de camionneurs et de courtiers ainsi qu'une poignée d'agriculteurs aident les géants américains à casser les reins de la Commission du blé. Ils lancent des appels à la «liberté» et prônent le transport par camion aux États-Unis; les médias, qui les font passer pour les porte-parole de la majorité des agriculteurs, leur font une publicité tapageuse.
Sur la scène politique, le Parti réformiste, qui est le défenseur de tout ce qui est américain et qui ne bénéficie de l'appui que d'environ 8 p. 100 de la population canadienne, dirige l'attaque contre la Commission canadienne du blé. Dans sa revue, le Western Report, propagatrice de l'idéologie de ce parti, Link Byfield a publié un éditorial dans lequel il accuse la Commission du blé de n'être qu'une «bande de vauriens», ajoutant qu'une condamnation aux travaux forcés sur l'île de Baffin serait une peine beaucoup trop légère pour ce genre d'individus.
Voilà le genre d'attaque dont la Commission est la cible, mais pour quelle raison le gouvernement veut-il mettre cette politique en oeuvre? Pourquoi a-t-il capitulé? Le projet de loi visant à mettre cette politique en oeuvre l'indique clairement. Voici ce que dit votre résumé législatif:
- Depuis quelques années, le rôle de la CCB est toutefois de plus en plus contesté par nos
concurrents, et notamment par les États-Unis, qui lui reprochent de conférer au Canada un
avantage commercial injuste...
L'ouvrage que j'ai écrit sur l'Accord de libre-échange, et que je vous recommande de lire par la même occasion - c'est devenu un best-seller - , contient un chapitre sur l'Avro Arrow.
Le président: Allez-vous en laisser quelques exemplaires sur la table pour nous?
M. Orchard: Vous en avez déjà un, monsieur le président. Ralph Ferguson a fait de son mieux pour éduquer le caucus libéral mais il n'y est pas arrivé.
À l'époque où il a été construit, cet avion, qui était l'avion d'interception le plus rapide et le plus perfectionné du monde, était le seul appareil capable d'abattre l'U-2, l'avion espion américain top secret. Les Américains n'appréciaient pas cet exploit et ils ont exercé des pressions sur le gouvernement Diefenbaker qui a mis un terme à cette entreprise. C'était un concurrent de Lockheed et de Boeing et les Américains n'appréciaient pas ce genre de concurrence. On a abandonné la construction de cet appareil. M. Diefenbaker prétextait qu'il était trop coûteux. En fait, il était trop performant. Par contre, on ne peut pas reprocher à la Commission du blé d'être trop coûteuse, parce que ce sont les producteurs qui paient tous ses frais.
Quelle est donc le fin mot de cette histoire? Ce qui se passe, c'est qu'il faut se débarrasser de la Commission canadienne du blé pour permettre à Cargill Grain, ConAgra et aux autres géants américains de dominer l'industrie canadienne, comme il faut détruire le régime d'assurance-maladie pour permettre aux compagnies américaines du secteur des soins de santé de conquérir notre marché, ce que le Parti réformiste, M. Klein et consorts s'efforcent de faire. Une toute petite minorité de particuliers aident cette cause, dans l'espoir d'accroître leurs revenus en vendant aux Américains.
Le gouvernement actuel, dans sa panique, a rédigé ce projet de loi dans l'espoir de calmer net tous ces gens-là. C'est une honte! Vous avez inséré l'article 61.1 proposé pour nous faire doublement comprendre que l'ALENA et l'ALE auront les coudées franches.
Les libéraux, qui avaient promis au cours de la campagne électorale de 1993 de renégocier ou d'annuler cet accord, et qui avaient d'ailleurs été élus en partie grâce à cette promesse, sont actuellement en train de mettre à exécution l'«acte de vente du Canada» de Brian Mulroney. Vous êtes en train de détruire d'un coup sec l'oeuvre à laquelle nos parents s'étaient voués corps et âme.
Qu'arrivera-t-il si la Commission du blé est détruite? La réponse saute aux yeux. Nous allons revenir au point où nous étions avant sa création. Il suffit d'observer ce qui s'est passé dans le secteur pétrolier ou dans le secteur de l'automobile. Les compagnies céréalières américaines viendront prendre le contrôle de notre industrie en un rien de temps. Cargill Grain pourrait ne faire qu'une bouchée des compagnies céréalières canadiennes.
Regardez ce qui s'est passé dans le secteur de la meunerie. Dans un article paru récemment dans The Globe and Mail - j'espère que certains d'entre vous l'ont lu - , je parle de ce qu'a dit le directeur général de l'Alberta Wheat Pool à propos de ce qui se passe dans ce secteur. Il a dit ceci:
- En tout et pour tout, 15 mois seulement se sont écoulés entre le moment où la première
transaction importante a été faite, c'est-à-dire lorsqu'une entreprise américaine a acheté une
des minoteries canadiennes, et le moment où toute l'industrie de la meunerie canadienne
appartenait à des intérêts américains.
Vous jouez avec le feu avec ce projet de loi. S'il est adopté, il mènera la Commission à sa perte. La souveraineté canadienne en souffrira. Les compagnies céréalières américaines s'approprieront le commerce et les profits de l'ouest du Canada et nous vendrons notre grain aux pays qui jouissent de l'approbation des États-Unis.
Par conséquent, laissez la Commission tranquille. N'y touchez pas du tout. Elle est efficace. Les attaques dont elle fait l'objet en sont la preuve.
Je me pose la question suivante: le gouvernement actuel gouverne-t-il le pays dans l'intérêt des compagnies céréalières américaines ou dans celui des Canadiens? Ce projet de loi ne sert certainement pas les intérêts des agriculteurs ni des citoyens canadiens.
Cette prétendue crise au sein de la Commission canadienne du blé n'existe pas. Elle est fabriquée de toutes pièces, à l'instigation des sociétés américaines qui sont nos concurrents et des complices qu'elles ont au Canada, la National Citizens' Coalition, dont vous allez entendre le témoignage, ainsi que le Parti réformiste et le groupe dénommé Farmers for Justice, qui ne représente personne d'autre que ses membres.
Tous ces gens-là réclament une certaine transparence au sein de la Commission du blé. Qui réclame une certaine transparence de la part de Cargill Grain? Ceux qui oseraient le faire seraient la risée des milieux d'affaires. Ces gens-là n'ont pas les pieds sur terre.
Au lieu d'aligner toute notre loi sur l'ALENA, ce que font les libéraux, au lieu de démanteler systématiquement notre pays et l'infrastructure qui le supporte, il faudrait annuler cet accord. Que ce soit dans le secteur ferroviaire, dans celui de l'édition ou de la radiodiffusion ou encore dans le secteur céréalier, il ne faut pas essayer d'aligner nos politiques sur l'ALENA mais il faut plutôt cesser d'en faire partie. L'article 22.05 de l'ALENA indique au Canada qu'il peut renoncer à être partie à l'Accord de libre-échange et se remettre à appliquer les règlements du GATT, sans risque de sanctions.
Notre ex-sous-négociateur en chef du GATT, Mel Clark, a dit que notre pays ne pourrait pas demeurer indépendant dans le contexte de l'ALE et de l'ALENA. C'est ce que les libéraux avaient compris lorsque John Turner était leur chef alors que maintenant, vous adoptez en gros les politiques de M. Mulroney.
Certaines pressions sont actuellement exercées sur les pays membres pour leur faire adopter une monnaie commune. L'autre jour, dans le cadre d'une conférence importante qui s'est tenue à New York, on a demandé au Mexique et au Canada d'abandonner leur monnaie et d'adopter le dollar américain comme monnaie nord- américaine commune, pour franchir l'étape suivante de la mise en oeuvre de l'ALENA. Voilà le genre de pressions que les États-Unis exercent dans le but de nous assimiler.
Le président: Il vous reste 30 secondes.
M. Orchard: Au lieu de mettre fin à l'ALENA, le gouvernement actuel coule l'Accord dans le béton et, du même coup, la prise qu'il a sur la Commission du blé et sur l'ensemble des agriculteurs de l'ouest du Canada. Cela ne fait pourtant nullement partie de votre mandat. Vous avez été élus pour nous débarrasser des politiques de Brian Mulroney et non pour les mettre en oeuvre.
Merci.
Des voix: Bravo!
Le président: Merci beaucoup pour votre exposé, monsieur Orchard.
Nous passons maintenant la parole aux représentants de la Saskatchewan Concerned Farmers Saving the Wheat Board.
M. Ray Ryland (membre, Saskatchewan Concerned Farmers Saving the Wheat Board): Merci, monsieur le président. Je suis accompagné de John Lloyd, Marvin White et George Siemens.
Le Saskatchewan Concerned Farmers Saving the Wheat Board est un groupe d'agriculteurs qui se sont réunis en juillet 1996 à la suite de la parution du rapport du Western Grain Marketing Panel. Nous avons alors eu l'impression que si de nombreuses forces se liguaient contre la Commission canadienne du blé et si les agriculteurs ne se faisaient pas entendre, nous risquions de perdre les avantages du système de vente à comptoir unique et de celui de la mise en commun des prix.
D'abord deux, puis une quarantaine d'agriculteurs se sont réunis pour se demander comment ils pourraient se faire entendre et défendre les intérêts des agriculteurs qui voulaient maintenir le système de vente à comptoir unique et celui de la mise en commun des prix. Le 14 août 1996, nous avons organisé un rassemblement à Rosetown, auquel environ 1 500 agriculteurs ont participé pour manifester leur appui à la Commission canadienne du blé.
Notre groupe a pour seul objectif de lutter en faveur du maintien des avantages de ce système. Nous sommes des producteurs de blé, de blé dur et d'orge, qui sont commercialisés par la Commission canadienne du blé, mais nous produisons également du bétail ainsi que bien d'autres denrées qui ne sont pas vendues par l'intermédiaire de la Commission.
Les agriculteurs qui font partie de notre groupe et la plupart des agriculteurs auxquels nous avons parlé sont très satisfaits de la Commission du blé et de son système d'administration depuis quelques années. Les commissaires nommés par le gouverneur en conseil, les acomptes à la livraison ainsi que les ajustements garantis par le gouvernement et les faibles taux d'intérêt sur les emprunts que leur impose le gouvernement du Canada ont rendu de fiers services aux agriculteurs.
La plupart d'entre nous considèrent la Commission canadienne du blé comme un prolongement de leur entreprise. Nous récupérons les bénéfices réalisés sur la vente de notre grain pour ainsi dire comme si nous possédions une société de commercialisation et une usine de transformation des denrées alimentaires. Cependant, depuis quelques années, on dirait que quelques agriculteurs, ainsi que quelques autres personnes, ont décidé que la Commission du blé devait changer. Nous sommes tout à fait en faveur du changement, mais nous estimons qu'il doit avoir pour but d'améliorer la situation; il faut que cela serve à quelque chose.
Le projet de loi C-72, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé, nous préoccupe, même si nous ne sommes pas contre la plupart des objectifs qu'il est censé viser. D'après ce que nous pouvons comprendre, il fait supporter directement aux agriculteurs les risques auxquels la Commission du blé est exposée tout en laissant la plupart ou la totalité des pouvoirs entre les mains du gouverneur en conseil ou du ministre. Par conséquent, nous allons parler des trois aspects suivants du projet de loi: l'administration, le fonds de réserve et la période de mise en commun.
En ce qui concerne l'administration, si la Commission canadienne du blé doit être gérée par un conseil d'administration, les agriculteurs ont besoin de renseignements plus précis avant que l'on abandonne la structure actuelle. L'article 3.6 proposé prévoit l'élection d'administrateurs par les producteurs, mais il semble limiter leurs responsabilités en ne leur permettant pas de prendre parti aux décisions concernant le choix du président du conseil et du président de la Commission.
Les administrateurs élus par les producteurs devraient constituer au moins la majorité des administrateurs et ils devraient avoir le pouvoir de choisir le président du conseil, un vice-président ainsi que le président ou premier dirigeant de la Commission. En outre, un administrateur élu par les producteurs devrait être tenu de leur rendre des comptes et il ne devrait pas occuper ses fonctions «à titre amovible», tel que prévu aux articles 3.6 et 3.2 proposés.
Par ailleurs, les administrateurs élus par les producteurs devraient être élus par région, de façon à ce que les producteurs de tous les secteurs de la région désignée relevant de la Commission du blé soient représentés. Ces administrateurs devraient tous être élus en 1998 pour des périodes qui ne se terminent pas en même temps, afin de garantir une certaine permanence au sein du conseil en période d'élections. Une fois constitué, le conseil d'administration devrait être tenu de se réunir au moins dix fois par an.
Les administrateurs devraient être en mesure de faire des recommandations d'ordre général au président en ce qui concerne la commercialisation ainsi que la nomination des cadres supérieurs de la Commission. Pour qu'un conseil d'administration soit efficace et responsable, il faut qu'il participe activement à la direction de la Commission. Si les administrateurs ne sont pas actifs, ils ne seront pas efficaces et ils ne seront pas en mesure de rendre compte des activités de la Commission aux agriculteurs.
Il semblerait qu'une bonne partie des questions de détail concernant la création et les activités de la nouvelle Commission canadienne du blé relèvent des règlements et des décisions ultérieures du ministre actuel ou de ses successeurs, ce qui suscite une vive incertitude et beaucoup d'appréhension chez les agriculteurs.
Parlons maintenant de la création du fonds de réserve. L'article 6 prévoit la création d'un fonds ayant pour objet de garantir les acomptes à la livraison et les ajustements ainsi que de couvrir les pertes d'exploitation éventuelles.
Tout d'abord, il nous semble que le gouvernement du Canada devrait continuer à garantir les ajustements et les pertes d'exploitation, étant donné qu'il propose de continuer à avoir en réalité le contrôle sur la Commission canadienne du blé. Cependant, si le gouvernement est résolu à confier à la fois les pouvoirs et les responsabilités aux producteurs, ceux-ci ont le droit de savoir quelles seront les conséquences d'un fonds de réserve financé par les producteurs.
Ce fonds de réserve risque de priver les producteurs de sommes d'argent importantes. Rien ne garantit aux agriculteurs que leurs contributions à ce fonds leur seront créditées personnellement. Le projet de loi ne dit pas non plus comment les sommes accumulées dans ce fonds seraient distribuées au cas où il serait supprimé par la suite.
Jusqu'à présent, la nécessité de constituer un tel fonds ne s'est pour ainsi dire jamais fait ressentir. Le gouvernement prétend qu'il faut créer ce fonds pour permettre à la Commission du blé de prendre plus rapidement des décisions concernant les ajustements. Nous estimons que si l'on donnait aux agriculteurs le choix entre un retard de quelques jours dans le paiement des ajustements et la déduction systématique d'une partie du produit de la vente de leurs grains, la plupart d'entre eux donneraient la préférence à la première option.
Du point de vue des agriculteurs, ce fonds n'est peut-être pas nécessaire. Par contre, si on le juge vraiment nécessaire, ils ont le droit d'obtenir des renseignements plus précis sur la création et l'exploitation courante du fonds. En fait, nous estimons que le véritable motif de la création du fonds est de soulager le gouvernement d'une responsabilité éventuelle en imposant un fardeau inutile aux agriculteurs. Ce n'est qu'un autre changement qui s'avérera coûteux pour les producteurs et qui n'apportera probablement pas grand-chose au gouvernement.
La plupart des modifications prévues dans le projet de loi C-72 sont à notre avis de nature opérationnelle et ont pour objet d'adapter la Loi sur la Commission canadienne du blé à toute une série de pratiques actuelles. Comme nous l'avons déjà signalé, notre groupe est en faveur du système de vente à comptoir unique et de celui de la mise en commun des prix, parce que nous estimons que ces deux pratiques conjuguées sont avantageuses pour les agriculteurs sur le plan financier. C'est la raison pour laquelle nous avons une certaine appréhension à l'égard des achats au comptant, qui contournent le système de commercialisation régulier axé sur la mise en commun.
L'article 16 permettrait de réduire la durée d'une période de mise en commun à moins d'un an. Bien qu'il s'agisse là d'un changement majeur par rapport à la période traditionnelle de mise en commun couvrant toute la durée d'une campagne céréalière, à savoir une année, nous reconnaissons que cela rend parfois la tâche plus difficile à la Commission du blé dont le but est d'obtenir le meilleur rendement financier possible pour les agriculteurs. Nous approuvons par conséquent l'objectif visé par cette disposition du projet de loi C-72, à savoir un assouplissement qui facilite la gestion des périodes de mise en commun.
Par contre, il ne sera pratiquement jamais nécessaire de prévoir des périodes plus courtes si les agriculteurs sont forcés de respecter les engagements qu'ils prennent dans leurs contrats avec la Commission. Nous craignons également qu'un accroissement du nombre de périodes de mise en commun ne fasse augmenter les frais d'administration, qui doivent être couverts par les producteurs. Nous espérons par conséquent que si cette disposition entre en vigueur, la Commission canadienne du blé ne raccourcira pas les périodes de mise en commun
Tout en laissant une certaine marge de manoeuvre à la Commission du blé afin de lui permettre de mieux répondre à la fois aux besoins des consommateurs et à ceux des producteurs, celle-ci devrait être en mesure de forcer les producteurs à respecter leurs engagements au pied de la lettre. Lorsqu'un agriculteur ne remplit pas ses engagements, c'est l'ensemble des producteurs qui en subissent les conséquences financières.
Par conséquent, il faudrait fournir à la Commission du blé les outils et les instructions nécessaires pour lui permettre de faire respecter les engagements pris envers elle dans des conditions se rapprochant de celles qui régissent les transactions commerciales entre les agriculteurs et les négociants en grains. Les peines prévues en cas de manquement aux engagements devraient être plus sévères qu'à l'heure actuelle et elles devraient être applicables et appliquées.
Pour terminer, nous tenons à vous remercier de nous avoir donné l'occasion de venir témoigner et de vous être déplacés en Saskatchewan pour nous faciliter cette tâche. Comme nous l'avons dit au début, nous sommes en faveur de la commercialisation de notre grain par l'intermédiaire d'un comptoir unique et d'un système de mise en commun des prix.
Nous vous encourageons à terminer l'étude du projet de loi C-72 aussi rapidement que possible pour mettre un terme à l'incertitude qui règne depuis plusieurs années. La plupart des agriculteurs s'adapteront à tous les changements qui leur seront imposés mais l'incertitude et la polarisation qui règnent depuis quelques années ne profitent à personne.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup d'avoir fait, vous aussi, un exposé clair et concis, monsieur Ryland.
Nous allons maintenant entamer la période des questions et commentaires. Nous commencerons par M. Calder, puis ce sera le tour de M. Hermanson.
M. Murray Calder (Wellington - Grey - Dufferin - Simcoe, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Orchard, je ne sais pas si vous vous souvenez de moi, mais nous nous sommes rencontrés deux fois. Je tiens à préciser quelle est ma position avant de faire des commentaires sur votre exposé.
Je suis un éleveur de poulets de l'Ontario et je suis un partisan convaincu de la gestion de l'offre, parce que nous vendons 350 000 poulets par an.
Lorsque l'ALENA a fait son apparition, il nous a mis dans une situation très désagréable. Prenez par exemple ce qui nous est arrivé l'année dernière, même si la situation a fini par tourner en fait à notre avantage. Nous avons dû faire face à une situation qui nous était imposée. Nous avons dû envisager de tout laisser tomber ou d'essayer de réparer les dégâts. Je pense que nous avons réparé les dégâts.
Nous avons remplacé l'article 11 du GATT par un système de tarification et nous nous défendons contre les Américains en utilisant leurs propres armes. L'année dernière, nous avons invoqué les dispositions de l'article 710 de l'ACCEU, qui reconnaissaient le GATT, et qui constituent maintenant l'article 702, pour nous défendre contre les États- Unis - ceux-ci invoquaient l'article 302 - devant le groupe de règlement des différends.
Étant donné la façon dont les États-Unis agissent pour le moment, si nous avons remporté la victoire en invoquant l'article 702, c'est pour une bonne raison. En avril 1995, les États-Unis ont ajouté les arachides aux denrées couvertes par les dispositions de cet article. Il existe également un office de commercialisation aux États-Unis, le Wisconsin's Eastern Dairy Compact.
Nous avons invoqué tous ces arguments contre les États-Unis et nous nous en sommes tirés assez bien. Nous n'arrêterons pas. Tant que je serai à la fois député et agriculteur, je continuerai à m'opposer à tous les efforts déployés par les États-Unis pour détruire nos offices de commercialisation.
À l'instar de mon collègue Wayne Easter, je dois dire que nous entendons un son de cloche tout à fait différent de celui que nous avons entendu à Ottawa. À Ottawa, où je représente une circonscription de l'Ontario, j'entendais dire que les agriculteurs de l'ouest du Canada voulaient une transformation profonde de la Commission canadienne du blé. Ce n'est pas ce que l'on nous dit ici. Étant donné que je suis en faveur des offices de commercialisation, je trouve l'exercice que nous faisons actuellement très intéressant.
En ce qui concerne ce que vous avez dit au sujet de l'article 61.1 proposé, je signale que ce n'est qu'une question d'administration. L'article 61.1 proposé a pour seul but de prendre certaines dispositions pour faciliter la mise en oeuvre de l'ALENA, en transformant une société de la Couronne en une société mixte. À partir du moment où l'on dote une société d'État d'un conseil d'administration composé en totalité ou en partie de membres élus, ce qu'est censé faire l'article 61.1 proposé, on la transforme en société mixte.
J'ai deux questions à poser au sujet de l'élection des membres du conseil d'administration et je voudrais que tous les témoins ici présents y répondent. Si nous n'avons pas encore pris de décision définitive à ce sujet, c'est parce que nous devions venir ici pour entendre vos opinions à ce sujet. C'est ce que nous sommes en train de faire.
Ce que je voudrais savoir, c'est combien de membres ce conseil d'administration devrait être composé. Onze? Quinze? Combien de membres devraient être élus à ce conseil d'administration? Dix élus et cinq nommés, par exemple?
L'autre question concerne le président. Devrait-il être élu ou nommé? Le premier dirigeant devrait-il être élu ou nommé?
J'écoute vos commentaires.
Le président: Voulez-vous commencer, monsieur Orchard?
M. Orchard: La question s'adresse-t-elle à moi?
Le président: Oui.
M. Orchard: Je me souviens effectivement très bien d'avoir déjà croisé le fer avec vous, monsieur Calder. Vous prétendez avoir réussi à apporter ces changements à l'ALENA mais, sauf votre respect, j'estime que ce n'est pas vrai. Les libéraux n'ont pas apporté le moindre changement à l'ALENA. Pour apporter des changements, il aurait fallu passer par l'Assemblée législative du Mexique, par le Congrès des États-Unis et par la Chambre des communes. Aucun amendement n'a été étudié par ces diverses chambres.
Vous avez conclu deux ou trois ententes particulières plutôt boiteuses qui n'ont pas le moindre effet. Vous n'avez aucun pouvoir de les mettre en oeuvre. Comme vous le savez ces ententes particulières n'ont pas été examinées par le Congrès des États-Unis. Le président Bill Clinton vous a laissé conclure ces ententes. Il a donné le feu vert à M. Chrétien et celui-ci les a adoptées. Mais elles n'ont aucun effet et par conséquent vous n'avez apporté aucun changement à l'ALENA.
En ce qui concerne la question de la tarification, vous avez remporté la victoire grâce au GATT. Les États-Unis opposaient l'ALENA au GATT, mais nous avons invoqué le GATT et nous avons gagné. C'est exactement ce que nous avons toujours dit: il faut se débarrasser de l'ALENA et recommencer à faire du commerce aux termes du GATT. C'est ce que John Turner avait dit, et il avait raison.
Vous prétendez défendre nos offices de commercialisation, mais ils sont tous voués à disparaître dans le contexte de l'ALENA. Ce n'est qu'une question de temps. Vous savez que le système de tarification que vous avez instauré vient à échéance dans quelques années. Que se passera-t-il quand nous n'aurons plus aucune protection en ce qui concerne la volaille ou le lait?
Comme nous pouvons le constater et comme l'a si bien dit Mel Clark - qui devrait le savoir - , le Canada ne peut pas survivre en restant indépendant et tous nos offices de commercialisation disparaîtront si l'ALENA reste en vigueur. Le Parti libéral le comprenait lorsqu'il était dirigé par John Turner, mais votre façon de penser a changé depuis lors.
Vous dites que l'article 61.1 proposé n'est qu'une question d'administration, mais je me demande qui vous conseille en ce qui concerne l'ALENA. Vous savez que vous sentirez tout le poids de l'ALENA lorsque vous supprimerez les droits acquis d'une société d'État et en ferez une entreprise mixte. Vous aurez l'air fin, messieurs.
Quant à la question de savoir s'il convient d'élire les membres du conseil d'administration ou de les nommer, elle est sans objet. L'ALENA détruira inexorablement le système de gestion de l'offre au Canada. C'est là l'unique but de l'opération. C'est pourquoi Cargill Grain a milité en sa faveur. J'ignore quel genre d'étude vous avez fait sur la genèse de l'ALENA, mais l'agriculture en constituait un élément capital. Cargill voulait se débarrasser de la Commission du blé pour avoir les coudées franches au Canada, tout comme en Argentine et dans d'autres pays, et nous nous trouvons précisément dans le même genre de situation.
Par conséquent, je vous conseille de ne pas toucher à la Commission du blé. Je sais que dans le centre du pays, les médias font passer Sawatzky et certains autres personnages pour des héros et des porte-parole de l'ouest du Canada. Ce n'est pas du tout le cas. La majorité des agriculteurs de l'ouest du pays veulent qu'on fiche la paix à la Commission du blé et ils ne veulent pas qu'on la détruise comme le fera ce projet de loi s'il entre en vigueur.
Une voix: En plein dans le mille!
Le président: Allez-y, monsieur Ryland.
M. Ryland: Merci, monsieur Calder. Je crois qu'il a été question du processus d'élection dans notre exposé. Nous avons par contre omis de citer des chiffres, mais je crois que nous accepterions que le nombre maximum d'administrateurs soit de 15, la majorité d'entre eux étant élus par les agriculteurs, et que ces administrateurs aient le pouvoir de choisir le président et les dirigeants du conseil d'administration, autrement dit un président et un vice-président.
M. Nisbet: Je préfère ne pas citer de chiffres. Je ne veux pas d'un conseil d'administration dont les membres seraient élus parce que je préférerais que la Commission du blé conserve son statut de société d'État. Il me semble que la seule raison pour laquelle on veut créer un conseil d'administration élu est de faire de la Commission une société mixte, et je n'en veux pas.
M. Murray Calder: Je voudrais malgré tout que l'on essaie de régler la question du premier dirigeant. Estimez-vous qu'il devrait être élu ou nommé? La raison pour laquelle je pose la question, c'est qu'en ma qualité de politicien fédéral, j'ai certaines responsabilités à l'égard des contribuables canadiens dans cette affaire. C'est pourquoi j'ai commencé par demander qui devrait être élu et qui devrait être nommé. Si l'on veut la garantie des créances, nous avons besoin de connaître vos opinions en ce qui concerne ce conseil d'administration, pour nous assurer que nous nous acquittons de nos responsabilités envers les contribuables canadiens. Je voudrais savoir ce que vous en pensez.
M. Ryland: Cette question nous pose certains problèmes et je crois que nous avons essayé d'en parler. D'une part, si tous les pouvoirs sont concentrés entre les mains du gouverneur en conseil, il faudrait que l'on continue à garantir les acomptes à la livraison et les pertes d'exploitation. Si l'on compte obliger les agriculteurs à financer ces opérations, je ne vois pas la nécessité de faire nommer le premier dirigeant par le gouvernement. À notre avis, on nommerait deux ou trois représentants des agriculteurs, mais les contribuables canadiens n'auraient plus aucune responsabilité financière. Pourquoi auraient-ils dès lors besoin d'être protégés? D'autre part, si le gouvernement veut conserver le pouvoir qu'il a sur ce conseil d'administration, nous n'avons pas besoin d'un fonds de réserve financé par les agriculteurs.
D'après ce que nous avons pu lire, le projet de loi suscitera déjà suffisamment d'incertitude pour que nous ayons de la difficulté à savoir où vous vouliez en venir. C'est pourquoi nous avons dû envisager les diverses hypothèses possibles.
M. Murray Calder: C'est pourquoi nous sommes là.
M. Orchard: Monsieur Calder, en ce qui concerne la structure administrative, elle fonctionne bien comme elle est pour le moment. Qui demande un conseil d'administration élu? J'ai entendu le conseil d'administration de l'Union des producteurs de grain dire qu'il faudrait davantage rendre des comptes aux agriculteurs. Qui a élu les membres du conseil de l'UPG qui sont censés être les porte-parole des agriculteurs de l'Ouest? L'UPG est une compagnie céréalière privée qui a de la difficulté à éviter une prise de contrôle américaine. Elle n'est pas le porte-parole des agriculteurs de l'Ouest et par conséquent, qui réclame un conseil d'administration élu? Nous avons déjà un comité consultatif élu. Qu'il fasse son travail et ne touchez pas aux dispositions actuelles de la Loi sur la Commission canadienne du blé.
Le président: Monsieur Nisbet.
M. Nisbet: Je crois que nous l'avons signalé dans notre exposé. Nous voudrions que le gouvernement actuel procède aux deux nominations nécessaires pour combler les postes de commissaire qui sont vacants. Cela nous satisferait.
M. Murray Calder: D'accord, merci.
Le président: Monsieur Hermanson.
M. Elwin Hermanson (Kindersley - Lloydminster, Réf.): Merci, monsieur le président. Bonjour, messieurs.
Je ferai tout d'abord un commentaire. D'après les questions des représentants du Parti libéral, il est évident que le ministre de l'Agriculture a proposé que le ministre choisisse le président du conseil d'administration et le président ou le premier dirigeant de la Commission, dans l'espoir que les représentants de son parti réalisent certains compromis au cours des présentes consultations, en permettant notamment au conseil d'administration de choisir son président mais en gardant le contrôle sur la nomination du premier dirigeant, c'est-à-dire du président de la Commission. Cela paraît évident, d'après les questions.
Je trouve également très intéressant que vous ne soyez pas les seuls à penser la même chose. Presque tous les témoins, quelle que soit leur opinion au sujet du conseil d'administration, ont dit que les agriculteurs étaient dignes de confiance et que leurs administrateurs sont capables de faire un bon choix en ce qui concerne le premier dirigeant d'une commission dont le régime administratif serait modifié.
Monsieur Nisbet, combien de membres compte votre coopérative?
M. Nisbet: Nous avons 35 membres, mais cela n'a en fait rien à voir avec le sujet.
M. Elwin Hermanson: Je me demandais seulement si vous aviez beaucoup de membres.
Seriez-vous membre du Syndicat national des agriculteurs, par hasard?
M. Nisbet: Comment avez-vous deviné?
M. Elwin Hermanson: Parfait.
Monsieur Orchard, vous avez incontestablement apporté un dynamisme nouveau au débat.
M. Nisbet: M. Ryland aussi.
M. Elwin Hermanson: Vous y avez apporté une certaine passion, mais peut-être pas une grande crédibilité. Vous avez toutefois fait beaucoup de commentaires intéressants.
Vous avez toujours été un adversaire acharné de l'ALENA, mais vos convictions sont de moins en moins partagées. Les trois syndicats des Prairies se sont déclarés en faveur de l'ALENA.
Vous avez raison en ce qui concerne les revirements des libéraux, mais maintenant, ils appuient l'ALENA, même s'ils étaient contre, comme vous l'avez signalé.
Les réformistes sont en faveur de l'ALENA. Nous sommes en faveur des accords de libre-échange. Le gouvernement de la Saskatchewan appuie également l'ALENA. Vous êtes à peu près les seuls à vous y opposer, avec les néo-démocrates fédéraux, je suppose. J'ai remarqué que notre représentant a pris beaucoup de notes pendant que vous parliez.
Par contre, vous vous trompez complètement lorsque vous prétendez que nous voulions détruire le système des soins de santé. Ce sont les libéraux qui ont réduit de sept milliards de dollars les dépenses dans ce domaine. C'est nous qui avons suggéré de réinjecter quatre milliards de dollars dans la santé et dans l'éducation. C'est une chose que je tenais à préciser.
Je pense que le seul groupe sérieux parmi les témoins d'aujourd'hui est le Concerned Farmers. J'ai apprécié son exposé. J'ai trouvé qu'il a fait beaucoup d'observations pertinentes, et je respecte son opinion. Je pense que nous lui accordons une certaine crédibilité.
Vous avez parlé du rassemblement. J'y étais effectivement. En fait, j'espérais pouvoir prendre la parole. J'ai remarqué que vous avez donné la parole à un représentant du gouvernement. Vous m'avez refusé la permission de monter sur l'estrade. Je reconnais que c'était votre droit, je n'en disconviens pas. Par contre, j'aurais apprécié que l'on me donne l'occasion de dire ce qui, à mon avis, pouvait être fait pour sauver la Commission. Je tiens à ce qu'elle soit maintenue. Je l'ai dit très clairement et je pense que vous le savez tous - c'est seulement sur la meilleure solution à adopter pour y arriver que nos opinions diffèrent légèrement.
Le problème, c'est que si 1 500 personnes venues de toutes les contrées de la Saskatchewan ont participé au rassemblement de Rosetown, celui qui a été organisé à Edmonton, en Alberta, n'a attiré que 150 personnes, si j'ai bonne mémoire. Je me trompe peut-être légèrement. En tout cas, il y avait beaucoup moins de participants qu'en Saskatchewan.
En Alberta, les deux tiers des participants à ce plébiscite - vous avez beau faire toutes les critiques que vous voulez, j'estime que les agriculteurs sont suffisamment intelligents pour savoir ce qu'ils faisaient - ont dit qu'ils avaient des opinions très différentes des vôtres au sujet de la commercialisation.
Par conséquent, nous avons de gros problèmes. D'après le sondage du gouvernement de la Saskatchewan, plus de la moitié des agriculteurs estimaient en novembre 1995 que la participation à la Commission canadienne du blé devrait être volontaire. C'est ce qu'indiquent les résultats d'un sondage fait par le gouvernement de la Saskatchewan. Par conséquent, les avis sont partagés.
En fait, j'ai parlé à des agriculteurs de votre région - et je crois que vous faites tous, ou presque, partie de ma circonscription - qui m'ont dit que les avis étaient très partagés. Par conséquent, cette situation donne lieu à une certaine rancoeur et crée de gros problèmes, auxquels je cherche des solutions.
La solution qui a été proposée par le Parti réformiste au sujet de la Commission du blé est, si je ne me trompe, la seule jusqu'à présent qui soit capable de concilier les opinions et d'apaiser les esprits dans une certaine mesure. Elle permettrait à la Commission de conserver le droit de faire de la mise en commun et de détenir un monopole pour les agriculteurs qui décident de vendre leurs produits par son intermédiaire, et il est possible que la plupart d'entre eux optent pour cette solution. Le monopole pourrait être un peu moins absolu. Cette formule permettrait à ceux qui le souhaitent de ne pas passer par la Commission et de commercialiser leurs produits par leurs propres moyens, sans leur permettre de jouer sur les deux tableaux et de vendre leurs produits tantôt par l'intermédiaire de la Commission, tantôt sur le marché libre, afin d'obtenir à tout coup les meilleurs prix. J'estime en effet que c'est une question de survie pour la Commission canadienne du blé.
Ce que je voudrais que vous me disiez, messieurs, c'est comment nous pouvons résoudre ce problème. Je ne pense pas que le projet de loi C-72 le résolve. Il comprend certains changements concernant l'administration de la Commission, mais ils ne sont pas assez importants et ils ne mettront pas fin à la rancoeur ni aux dissensions. Nous le reconnaissons et vous aussi, je pense.
Comment résoudre le problème? Nous ne voulons pas nous battre devant les tribunaux pendant les dix prochaines années. Ce ne serait bon ni pour la Commission, ni pour les agriculteurs ni pour notre position sur le marché international.
Le président: Je donne la parole à M. Orchard, puis à M. Ryland, qui est à l'autre bout de la table.
M. Orchard: Monsieur Hermanson, vous avez dit que quelqu'un avait pris des notes. Je pense que vous auriez dû en prendre un peu plus. Vous avez demandé combien de membres compte notre organisation. Nous en avons 12 000 et nous avons trois bureaux dans différentes régions du Canada. Nous n'avons jamais reçu la moindre subvention du gouvernement. Nous sommes des cultivateurs. Je suis agriculteur.
Si vous pouvez trouver une seule déclaration dans mon livre qui ne résiste pas à l'épreuve du temps, n'hésitez surtout pas à m'en parler, cela me ferait plaisir. Il a été traduit en français et il va être imprimé aux États-Unis.
En ce qui concerne la crédibilité de notre prise de position sur l'ALENA, c'est nous qui avons dirigé la lutte. Où sont nos adversaires? La moitié d'entre eux sont ici, en Saskatchewan; ils sont sous les verrous et une partie des autres essaient d'éviter de subir le même sort.
Vous avez peut-être vu les résultats du sondage qui ont été publiés l'autre jour et qui indiquent que 91 p. 100 des Mexicains sont contre l'ALENA. Depuis que cet accord existe, le taux de chômage a doublé au Mexique, et les salaires ont diminué de moitié. Au Canada, nous avons perdu 500 000 emplois dans le secteur manufacturier. Le taux de chômage est actuellement deux fois plus élevé au Canada qu'aux États-Unis. Si vous êtes allé vous promener dernièrement dans les rues de Toronto, vous avez certainement vu des mendiants. L'ALENA est une véritable catastrophe.
Vous demandez comment on peut résoudre le problème, mais les réformistes devraient avant tout cesser de défendre les intérêts de Cargill Grain et des autres compagnies céréalières américaines, car ce sont les intérêts de ces entreprises que vous défendez.
Vous préconisez de remplacer le Régime de pensions du Canada par un système de pensions privé; vous voulez donc adopter le modèle chilien. Ne le niez pas. J'ai lu très attentivement votre exposé de position. Au Chili, où l'on a adopté un régime de pensions privé, 55 p. 100 des habitants ne sont inscrits à absolument aucun régime quand ils prennent leur retraite. Et dire que c'est ce que vous voulez que l'on fasse dans notre pays!
En ce qui concerne notre crédibilité, je suis prêt à la mesurer à la vôtre n'importe quand. Vous n'avez l'appui que de 8 p. 100 de la population et cela diminue. C'est vous qui êtes les dinosaures. Nous sommes les porte-parole de la majorité des agriculteurs du Canada et nous voulons que l'on ne touche pas à la Commission du blé. Voilà la solution que nous proposons.
Vous essayez, avec Sawatzky et l'autre larron - dont j'ai oublié le nom - , de faire transporter le blé par camion vers les États-Unis; ces gens-là ne représentent pas la majorité des agriculteurs et vous non plus. Vous pourrez le constater dans relativement peu de temps.
Le président: Monsieur White.
M. Marvin White (membre, Saskatchewan Concerned Farmers Saving the Wheat Board): Monsieur Hermanson, je voudrais faire une remarque à propos des commentaires que vous avez faits au sujet du rassemblement de Rosetown. Vous y étiez effectivement. On ne vous a pas donné l'occasion de monter sur l'estrade, mais vous avez eu l'occasion comme tout le monde de parler dans le micro qui se trouvait au niveau de l'assistance; le ministre de l'Agriculture de notre province, Eric Upshall, en a d'ailleurs profité. Vous avez refusé de le faire. Il y avait 1 500 participants en plus des autres personnes qui se trouvaient à l'extérieur.
Monsieur, je pense que le problème avec vous est de savoir exactement quelle est votre opinion à ce sujet. Il me semble que vous profitez de l'occasion pour faire un peu de propagande électorale. Le rassemblement d'Edmonton vous préoccupe. Notre rassemblement a eu lieu dans votre circonscription. Vous avez passé plus de temps à l'extérieur de l'enceinte qu'à l'intérieur, à mon avis. Vous avez eu l'occasion de parler à vos électeurs et je crois que vous n'en avez pas profité.
M. John Lloyd (membre, Saskatchewan Concerned Farmers Saving the Wheat Board): Je voudrais faire un commentaire au sujet de votre opinion que la majorité des agriculteurs seraient en faveur du double système de commercialisation ou de la possibilité de vendre sans passer par la Commission canadienne du blé. Je vous signale tout d'abord que les membres du comité consultatif ont été élus par les agriculteurs. Un seul d'entre eux est en faveur du double système de commercialisation. Les autres sont de fervents partisans de la Commission canadienne du blé.
Pour ce qui est de régler ce problème, je ne crains pas les résultats d'un vote des producteurs qui seraient appelés à se prononcer sur l'opportunité de confier à la Commission canadienne du blé d'autres céréales que celles dont elle se charge actuellement ou de lui en retirer.
Quant à la plupart des sondages d'opinion publique et autres consultations qui ont eu lieu en Alberta, je tiens à signaler d'emblée que je ne tiens compte des résultats d'aucune des initiatives de ce genre, parce qu'elles sont largement financées par le gouvernement albertain. Les partisans de la Commission canadienne du blé ont très peu de chances de l'emporter étant donné les millions de dollars de subventions qui sont accordés au camp adverse. J'ajouterais que la plupart du temps, leurs sondages sont inexacts parce qu'ils maintiennent l'option du double système de commercialisation, qui est ridicule, à mon sens. Il est absolument impossible d'avoir à la fois un double système de commercialisation et un monopole.
Je crois qu'un vote des producteurs réglerait la question une bonne fois pour toutes et je pense que c'est ce qui finira par se produire. Je ne suis pas entièrement convaincu que ce projet de loi arrive à régler suffisamment les problèmes pour apaiser les membres de votre camp.
Le président: Monsieur Nisbet.
M. Nisbet: Vous avez insinué que nous ne sommes pas sérieux, et je tiens à le démentir. Nous sommes absolument sérieux. C'est notre gagne-pain qui est en jeu. C'est tout ce que je tenais à dire à ce sujet.
M. Elwin Hermanson: Je n'insinuais pas cela. Je voulais tout simplement...
M. Nisbet: Vous avez dit que ces gens-là constituaient le seul groupe sérieux parmi les témoins.
M. Ryland: Puis-je suggérer une solution?
Le président: Oui.
M. Elwin Hermanson: C'est ce que je voudrais.
M. Ryland: Monsieur Hermanson, vous nous avez demandé quelle solution nous avions à proposer. Je ne suis pas certain que nous en ayons une, mais il y a une chose dont nous sommes convaincus, c'est que ce n'est pas une solution de détruire la Commission du blé. La participation volontaire à un office de commercialisation qui représente une partie ou la totalité des agriculteurs n'est pas une solution.
Je vais vous citer un exemple. Certaines des productions végétales de plusieurs d'entre nous sont vendues par l'intermédiaire d'un organisme qui met les prix en commun. Le petit groupe de producteurs qui en font la culture fait une mise en commun des prix et a un comptoir de vente unique, mais nous faisons concurrence à des agriculteurs qui habitent à une cinquantaine de milles de chez nous. Par conséquent, nous devons accepter le prix qui est dicté par les deux vendeurs ou par les nombreux vendeurs. Nous ne pouvons pas demander des prix différents. Nous ne pouvons pas retenir notre production quand les prix sont à la hausse.
Voilà la capacité qu'a la Commission canadienne du blé avec la vente à comptoir unique. Il ne s'agit plus de vente à comptoir unique si certaines personnes restent à l'extérieur du système. C'est une dichotomie. Les deux ne peuvent pas exister en même temps. C'est pourquoi notre groupe a recommandé que l'on donne le choix entre une méthode de vente ou l'autre. Quelle que soit la méthode choisie, la plupart des agriculteurs s'adapteront mais ne prétendez pas qu'un système de vente à comptoir unique est possible quand quelques cultivateurs ou 49 p. 100 d'entre eux vendent leurs produits par d'autres moyens. Ce n'est plus de la vente à comptoir unique dans ce cas-là et nous perdons alors les avantages qu'offre ce système.
Non, ce n'est pas une solution à vrai dire, mais notre groupe, moi y compris, pense qu'une grosse majorité des producteurs croient que la solution est la vente à comptoir unique par l'intermédiaire de la Commission canadienne du blé. Ce n'est pas une solution de prétendre que l'on peut d'une façon ou d'une autre abandonner cette commission en faveur d'un autre groupe qui ne sera pas satisfait tant que celle-ci n'aura pas complètement disparu.
Le président: Monsieur Collins.
M. Bernie Collins (Souris - Moose Mountain, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens à vous remercier, vous et les organismes que vous représentez, d'avoir pris le temps de venir ici ce matin. Je vous signale qu'étant donné que je suis membre du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire, j'avais certaines appréhensions au sujet de notre tournée dans l'Ouest, parce que je ne tenais pas à ce que nous venions ici pour fournir une occasion de détruire la Commission canadienne du blé.
Je vous assure que le ministre de l'Agriculture, même s'il n'est pas là, se préoccupe beaucoup de l'orientation que nous prendrons à l'aube de ce nouveau millénaire. Je sais que certaines personnes prendront cela plutôt à la légère, mais votre survie dépend entièrement de la justesse de nos décisions.
Nous aurions pu couler dans du béton les dispositions que nous voulions dans le projet de loi C-72 et on nous aurait alors reproché d'aller dans tel ou tel sens. Le ministre n'est pas là pour faire des compromis. Il est là pour diriger.
Je suis allé à Rosetown. J'ai une assez bonne idée du message qu'ont transmis les 1 500 à 1 700 participants. Je n'ai pas eu besoin de prendre des notes. Il était clair qu'ils ne prenaient pas tous la défense de la Commission canadienne du blé.
Va-t-on apporter certains changements? Oui. Par contre, je crois que nous avons fait ce qu'il fallait pour éviter de devoir faire certains ajustements par après.
Je voudrais connaître votre avis sur la structure du conseil d'administration et de la Commission telle que prévue dans ce projet de loi, à supposer que ce conseil soit instauré et que ses membres soient élus par les agriculteurs, comme dans le cas du comité consultatif... pour lequel, d'ailleurs, je vous félicite; je suis heureux de constater qu'il est composé de personnes d'âges différents. Tout le monde pense que tous les partisans de la Commission du blé sont plus vieux que Mathusalem, mais ce n'est pas le cas. Je vous félicite.
Étant donné la responsabilité qui nous incombe, pourriez-vous me dire quel genre d'orientation vous voudriez nous voir prendre? Dites-nous à tous ce que vous voudriez que l'on fasse de la Commission canadienne du blé, que ce soit sur le plan administratif ou sur un autre plan. Je voudrais connaître la réponse à certaines de ces questions, savoir quelles solutions je pourrais préconiser.
Le président: Monsieur Siemens.
M. George Siemens (membre, Saskatchewan Concerned Farmers Saving the Wheat Board): Merci, monsieur le président.
À ce propos, monsieur Collins, je dirais que ce qui manque actuellement au comité consultatif, ce sont des responsabilités. Les membres n'ont pas suffisamment de responsabilités. Ils ont été élus, mais que peuvent-ils faire? Cela sera la même chose pour le nouveau conseil d'administration et pour le conseil dont les membres seront nommés. Si on ne leur donne pas suffisamment de responsabilités, comme nous l'avons dit d'emblée dans la recommandation que nous vous avons faite, cela ne changera absolument rien.
La question que j'ai à poser au gouvernement actuel est la suivante: combien de fois le ministre de l'Agriculture a-t-il rencontré les membres du comité consultatif au cours des trois dernières années? C'est là le problème.
M. Ken DeMong (membre, conseil d'administration, Canadian Organic Certification Co-operative Ltd.): Une des questions qui me préoccupent au sujet du projet de loi C-72, c'est le fait qu'il contient apparemment des dispositions visant à démanteler la Commission et pas une seule visant à la renforcer, c'est-à-dire à lui accorder le droit de commercialiser d'autres denrées, d'autres productions végétales. Cela me préoccupe beaucoup. Le projet de loi devrait contenir une disposition permettant aux agriculteurs de tenir un vote - entre eux - si certains désirent ajouter tel ou tel type de grain à la panoplie de la Commission. C'est cela la démocratie, à mon sens.
Le président: Merci. Vous faites allusion à l'article 45 proposé, si je ne me trompe.
Une voix: J'ai une question à poser, monsieur le président.
Une voix: Je veux entendre ce que David a à dire.
Le président: Je répondrai moi-même. J'ignore combien de fois le ministre a rencontré les membres du comité consultatif. J'ai été contacté par son président en ma qualité de président du comité, et également lorsque j'étais secrétaire parlementaire, si je ne me trompe; il m'a demandé d'encourager le ministre à rencontrer plus souvent les membres du comité consultatif parce que c'était leur souhait. J'ai fortement encouragé le ministre à le faire, mais je dois reconnaître en toute honnêteté que je ne peux pas vous dire combien de fois celui-ci les a rencontrés.
M. Siemens: C'est dommage, parce que j'ai l'impression qu'il ne les a rencontrés qu'une seule fois.
Le président: Je l'ignore. Il est très possible que vous ayez raison, monsieur Siemens. Aucun de nous ne sait exactement ce que font ses collègues, encore moins ce que font les ministres.
M. Siemens: C'est pourquoi j'ai fait ce commentaire, monsieur le président. C'est là que réside en partie le problème. Le ministre ne rencontre pas les membres du comité consultatif.
S'il ne rencontre pas les membres du nouveau conseil d'administration élu et du conseil nommé, cela ne changera en réalité pas grand-chose sur le plan opérationnel. En fait, le gouvernement tient à conserver le contrôle en nommant le président et le premier dirigeant, ce à quoi nous nous opposons fermement.
Le président: Vous l'avez dit très clairement, et je l'apprécie.
Monsieur Orchard.
M. Orchard: J'apprécie vos propos réconfortants, monsieur Collins.
Des voix: Oh, oh!
M. Orchard: J'ai toutefois un peu de difficulté à y prêter foi, compte tenu de la conduite des libéraux. Dans votre Livre rouge, vous avez dit que vous alliez protéger les emplois des Canadiens, que vous alliez stabiliser le financement de la Société Radio- Canada et que vous alliez protéger nos programmes sociaux. D'après ce que nous avons pu constater, vous avez continué à sabrer dans le budget de la SRC; celui-ci a diminué de 40 p. 100 en l'espace de dix ans. Vous avez continué à faire des compressions dans le budget de la santé et des programmes sociaux, en plus de celles qui avaient déjà été faites par M. Mulroney. L'autre jour, on a annoncé la fermeture de dix hôpitaux, rien que pour la ville de Toronto. On procède à des réductions d'effectifs et à une liquidation en règle. Vous prétendiez que vous alliez empêcher Kim Campbell de sabrer dans les budgets et pourtant, vous avez fait pire.
Par conséquent, je voudrais bien croire que vous allez protéger la Commission du blé mais le fait que son sort soit entre vos mains n'est pas très rassurant.
Si vous nous demandez sérieusement ce qu'il faut faire de la Commission du blé, alors laissez ce projet de loi en plan au Feuilleton.
Qui veut de ce projet de loi? La majorité des agriculteurs ne veulent pas de ces changements car ils estiment que ce sera le début de la fin. La Commission du blé disparaîtra si vous commencez à la trafiquer ainsi. Laissez le projet de loi expirer et ne modifiez surtout pas la loi.
J'ignore qui exerce les pressions, à part la minorité bruyante soutenue par les géants du grain américains. Si vous parlez au président de l'Alberta Wheat Pool, Gordon Cummings, de la déclaration célèbre qu'il a faite à propos de la Commission du blé, à savoir qu'elle est encerclée par les requins américains, il vous dira que ce sont ces requins qui réclament ces modifications. Nous avons besoin plus que jamais de la vigueur de la Commission du blé pour résister à cet assaut.
C'est aussi simple que lorsque l'on a créé la SRC. Graham Spry avait déclaré alors que ce serait «l'État ou les États-Unis». Il avait fait cette déclaration lorsque la radio américaine avait commencé à diffuser ses émissions au Canada et c'est par réaction de défense que la SRC avait été créée. C'est exactement la même chose pour la Commission du blé. Sans la participation de l'État, elle sera sous la coupe des Américains. Par conséquent, la réponse à la question est qu'il faut la laisser tranquille.
Le président: C'est le tour de M. Collins, puis ce sera celui de M. Hoeppner et de M. Taylor.
M. Bernie Collins: Monsieur le président, pour revenir à la déclaration de M. Siemens, je dirais que cela me préoccupe si c'est vrai.
Par ailleurs, je n'ai pas besoin d'adresser des paroles réconfortantes à M. Orchard. Je suis également en partie au courant de ce qui s'est passé. Je ne m'occuperai pas de la SRC pour l'instant. Nous aurons certainement une autre occasion d'en parler.
Ce que je tiens à affirmer, c'est que nous sommes sérieux. J'étais sérieux quand je suis allé à Rosetown et j'ai entendu ces gens-là. Ils n'ont pas tous dit qu'il fallait laisser la Commission tranquille. Ils ont dit de faire quelque chose. C'est le message que j'ai reçu.
Est-ce que nous adoptons les bonnes solutions? Je crois que oui, dans l'ensemble.
En ce qui concerne la question de l'administration de la Commission, étant donné qu'en votre qualité de dirigeants élus, vous voudriez nommer le premier dirigeant et le président et avoir le contrôle sur eux, à supposer que le ministre vous dise «Allez-y, vous pouvez élire les membres du conseil et décider quel rôle nous devons jouer. Voulez-vous que nous vous appuyions et que nous fassions le nécessaire pour garantir vos créances?», pourriez-vous accepter que nous nommions le premier dirigeant, qui ne ferait certes pas partie du conseil mais qui serait responsable, parce qu'il aurait des responsabilités envers les administrateurs élus et envers le gouvernement? En fin de compte, si cette personne ne répondait pas à vos attentes, vous auriez le droit de réclamer sa démission.
Pourriez-vous accepter ce genre de compromis de la part du ministre?
M. Ryland: Je crois que oui. D'après ce que nous pouvons comprendre de ce projet de loi et des propositions, je crois que si le compromis consistait à nommer le premier dirigeant par décret et qu'en contrepartie le gouvernement demeurait responsable des déficits ou du remplacement du fonds de réserve, nous préférerions ne pas devoir créer ou financer un fonds de réserve et que le premier dirigeant soit nommé par le gouverneur en conseil.
M. Bernie Collins: Mais vous auriez le droit de réclamer sa démission.
M. Ryland: C'était ce que j'avais compris d'après ce que vous avez dit.
M. Bernie Collins: Exactement. Merci.
Le président: Je passe la parole à M. Hoeppner, puis à M. Taylor.
M. Jake E. Hoeppner (Lisgar - Marquette, Réf.): Merci, monsieur le président. Ce fut une matinée intéressante.
Ma première question s'adresse à M. Nisbet. D'après ce que vous avez dit, j'ai eu l'impression que vous êtes contre quelque type que ce soit de bonus ou de prime de sélection pour les divers contrats céréaliers signés par l'intermédiaire de la Commission du blé. Est-ce exact?
M. Nisbet: Oui.
M. Jake E. Hoeppner: Êtes-vous au courant du contrat Warburtons que le Manitoba Pool offre aux agriculteurs manitobains par l'intermédiaire de la Commission du blé?
M. Nisbet: Je suis vaguement au courant, d'après ce que j'ai lu à ce sujet dans les journaux et d'après les questions que vous avez posées à un autre témoin.
M. Jake E. Hoeppner: Vous n'êtes pas en faveur de cette formule?
M. Nisbet: Ce n'est pas le genre d'initiative que j'aurais tendance à appuyer.
M. Jake E. Hoeppner: Vous êtes donc tous sans exception des cultivateurs, si je comprends bien. J'ai deux questions à vous poser et je voudrais que chacun d'entre vous y réponde.
Êtes-vous en faveur des énormes primes ou bonis de sélection qui sont versés par les minoteries ou par les compagnies céréalières et en avez-vous jamais accepté? Je voudrais que cela soit consigné au compte rendu.
M. Orchard: Pour répondre à votre première question, je suis effectivement cultivateur et je représente la quatrième génération d'agriculteurs au sein de l'exploitation familiale qui est située à Borden. Ma famille l'a achetée en 1904 et cultive ces terres depuis lors.
Quant aux deux volets de votre deuxième question, la réponse est non.
M. Siemens: Je n'ai pas participé personnellement à ce genre d'opération, mais je sais que si les minoteries de Saskatoon - Robin Hood Multifoods ou le pool - veulent obtenir un certain type de grain et qu'ils en ont besoin pour poursuivre leurs activités et satisfaire leur clientèle, le paiement de ce genre de prime est une très bonne solution pour eux. Si je n'étais pas aussi éloigné de ce marché, je participerais probablement, moi aussi.
M. White: Oui, je représente la troisième génération d'agriculteurs de ma famille. En ce qui concerne votre deuxième question, je n'ai pas encore participé à quelque système de ce genre que ce soit.
M. Jake E. Hoeppner: Êtes-vous cependant en faveur de ces primes?
Je sais que vous êtes tous agriculteurs. Par conséquent, répondez uniquement à la deuxième question.
Le président: Avez-vous autre chose à ajouter, monsieur White?
M. White: Je crois avoir répondu à sa question.
M. Ryland: Je ne suis pas très au courant du cas que vous avez cité, et qui concerne le sud du Manitoba. Je ne vois aucun inconvénient à ce qu'une minoterie de Saskatoon verse des primes. Personnellement, je n'ai jamais participé à ce genre de système.
M. Jake E. Hoeppner: Et les primes de... [Inaudible] ...?
M. Ryland: Parlez-vous des primes de camionnage?
M. Jake E. Hoeppner: Non, je parle des primes spéciales...
M. Ryland: Je ne suis pas au courant de l'existence de telles primes pour les céréales commercialisées par la Commission du blé. Je sais que cela existe pour certaines autres céréales.
M. Jake E. Hoeppner: Je parle des primes de la Commission du blé.
M. Ryland: Je ne suis pas très au courant de cela.
M. Lloyd: Toutes les primes que les exploitants de silos à grain ou de minoteries versent sont à ma connaissance davantage liées au transport qu'à la Commission canadienne du blé. Je ne vois pas le rapport.
Je suppose que je suis dans une certaine mesure en faveur du versement de primes lorsqu'elles sont liées au transport et j'ai participé à ce genre de système. J'ai transporté du blé chez Robin Hood Multifoods, à Saskatoon. Si je l'ai fait, c'est parce que je vois dans quel sens évoluent le transport et les compagnies céréalières, je vois les silos portuaires s'agrandir et les distances que les agriculteurs vont devoir parcourir pour y transporter leur grain.
Je ne suis pas d'accord avec ce que disent les compagnies lorsqu'elles parlent d'une augmentation des primes pour les trains-blocs et autres modes de transport analogues. Je crois que ces primes seront bientôt supprimées par les compagnies. Tant qu'elles existent, autant en profiter.
Le président: Vous avez deux ou trois minutes.
M. Jake E. Hoeppner: Les commentaires de M. Orchard ajoutent un peu de piquant à notre discussion.
La seule observation que je tiens à faire, c'est que la Commission du blé a été créée pour faire concurrence aux compagnies céréalières. Le monopole lui a toutefois été accordé en 1943, aux termes des dispositions de la Loi sur les mesures de guerre, pour faire diminuer le prix auquel le gouvernement du Canada pouvait acheter du grain afin d'honorer les contrats qu'il avait signés avec certain des pays alliés.
Vous avez dit que la Commission du blé vendait du blé de grande qualité. Je vous dirais que c'est grâce à moi, qui produit ce blé, et grâce à la Commission qui fixe les normes de qualité. Le fait que ce soit la Commission du blé ou les compagnies céréalières qui le vendent n'a absolument rien à voir là-dedans.
L'autre réflexion assez pertinente que vous avez faite, monsieur Orchard, c'est que nous aurions dû continuer à construire l'Avro Arrow et que nous aurions peut-être dû attaquer les États-Unis. Nous aurions pu nous rendre rapidement, en brandissant le drapeau blanc, et ils auraient rebâti notre économie, comme ils l'ont fait pour le Japon et pour l'Allemagne. Cela aurait peut-être été un avantage pour nous. C'est une des déclarations que vous avez faites ce matin qui soit un peu sensée.
Le président: Monsieur Orchard, je suis certain que vous avez des commentaires à faire. Vous pourriez peut-être nous aider à voir clair. M. Hoeppner vient de dire que les pouvoirs que possède la Commission du blé lui ont été accordés en 1943, aux termes de la Loi sur les mesures de guerre. Est-ce...?
M. Orchard: Il convient de rectifier une bonne partie des affirmations de M. Hoeppner. Je ne sais trop par où commencer.
En ce qui concerne la qualité du blé canadien, je signale que la Commission canadienne du blé a dans le monde entier la réputation d'être un excellent fournisseur.
M. Jake E. Hoeppner: Qui cultive ce blé?
M. Orchard: Vous et moi, et si nous ne le vendons pas à la Commission canadienne du blé, nous finirons par le vendre à Cargill Grain, qui prendra un bénéfice qui sera perdu à jamais pour l'ouest du Canada, contrairement à ce qui se passe à l'heure actuelle.
En ce qui concerne votre commentaire sur la guerre, je vous signale que la Commission canadienne du blé a eu des prédécesseurs. Étant donné que vous faites partie de cette commission d'examen, vous feriez peut-être bien de vous renseigner sur les origines de la Commission. C'est au cours des années 20 et des années 30 qu'elle fut créée et mise en place. Son but n'est pas de faire baisser les prix mais, du fait qu'elle constitue un comptoir de vente unique, elle finit par permettre aux agriculteurs d'obtenir un prix supérieur à celui qu'ils pourraient obtenir s'ils ne passaient pas par elle. De surcroît, elle ne prélève aucun bénéfice.
C'est exactement ce que nos grands-pères... J'ignore où était votre grand-père ou votre père pendant la lutte en faveur de la Commission qui a eu lieu dans les années 30. Des hommes et des femmes sont descendus dans la rue et ont pris des risques pour essayer d'obtenir de meilleures conditions pour les agriculteurs de l'Ouest, et c'est grâce à la Commission canadienne du blé qu'ils les ont obtenues. C'est ce qu'ils nous ont laissé en héritage.
En ce qui concerne l'Avro Arrow, vous n'avez pas compris du tout ce que j'ai dit. Je n'ai pas dit que nous aurions dû attaquer les États-Unis avec l'Avro Arrow. J'ai dit que c'était un appareil de défense et que nous aurions pu le vendre à l'étranger. Il aurait pu servir effectivement à se défendre contre d'éventuels envahisseurs.
Nous avons en fait capitulé, signé l'Accord sur le partage de la production de défense ainsi que l'Accord du NORAD, et nous avons laissé aux États-Unis le soin de s'occuper de nous. Le seul pays du monde qui ait jamais envahi le Canada se charge maintenant de notre défense. Et si votre parti arrive à ses fins, les États-Unis n'auront même plus à s'occuper de nous, car la frontière entre les deux pays aura complètement disparu.
M. Jake E. Hoeppner: J'avais l'impression que vous aviez dit que cet appareil était capable d'abattre l'avion américain...
M. Orchard: L'avion espion U-2; c'est exact.
Le président: Nous pourrions peut-être revenir à notre sujet au lieu de parler de l'Avro Arrow.
M. Nisbet: Nous sommes en train de faire un peu d'histoire...
Le président: J'espère que vous allez revenir au sujet.
M. Nisbet: Il existe effectivement un rapport.
Le président: Merci.
M. Nisbet: Les origines de la Commission du blé remontent au début de notre siècle; les agriculteurs avaient l'impression d'être traités de façon inéquitable par les compagnies ferroviaires et par le Winnipeg Grain Exchange. Ils pensaient que le fait d'avoir un représentant au Winnipeg Grain Exchange allait résoudre tous leurs problèmes, mais ils ne tardèrent pas à constater que ce n'était pas le cas. Ils ont alors fait du lobbying pour essayer de créer une commission du blé qui est d'abord devenue une commission où la participation était volontaire, pour prendre ensuite l'aspect que nous lui connaissons aujourd'hui.
Le président: Monsieur Taylor.
M. Len Taylor (The Battlefords - Meadow Lake, NPD): Merci, monsieur le président.
Je tiens à vous remercier et à remercier les témoins qui sont venus nous faire un exposé aujourd'hui. C'est la première fois que j'ai l'occasion de féliciter les gens de Rosetown pour le rassemblement qui a eu lieu dans cette localité.
Je me souviens que peu après la suppression de la Subvention du Nid-de-Corbeau, certains libéraux m'ont dit: «Len, nous nous sommes débarrassés du Nid-de-Corbeau. Où était la résistance? Pourquoi les agriculteurs ne se sont-ils pas battus à mort?» C'est en partie parce que la plupart des libéraux ne sont pas venus voir sur place et qu'ils ne se rendaient pas compte de la levée de boucliers que leur initiative a provoquée. Par contre, le rassemblement de Rosetown et d'autres manifestations ont démontré qu'un grand nombre de citoyens tenaient à manifester leurs craintes avant que certaines initiatives ne soient prises. Je me souviens encore des 13 000 personnes qui étaient venues à la Place du Canada pour manifester leurs inquiétudes au sujet de l'avenir de l'agriculture, à l'époque où le gouvernement précédent était au pouvoir.
Par conséquent, bien qu'il soit parfois difficile d'obtenir immédiatement des résultats concrets, il est important de se réunir, de partager ses opinions et d'exprimer ses sentiments. Si les autorités n'écoutent pas, cette attitude nous transmet un message en retour mais le principal message, c'est que les gens se sentent plus solidaires lorsque des choses comme cela se produisent et lorsqu'ils partagent ce genre de sentiments.
Je voudrais faire un petit commentaire, puis je parlerai de la façon dont M. Hermanson interprète les résultats des sondages faits en Saskatchewan. Il en a parlé dans sa première intervention et à nouveau dans la deuxième. M. Hermanson cite certains chiffres tirés d'un sondage fait à l'aide d'un questionnaire volumineux comprenant une foule de questions. Il a posé les mêmes questions au ministre de l'Agriculture hier et il a soigneusement omis de tenir compte des réponses qu'il a reçues lorsqu'il les a posées à nouveau aujourd'hui.
Le ministre de l'Agriculture de la Saskatchewan a dit hier que lorsque l'on fait un sondage, il est important d'interpréter les résultats de façon globale. C'est très facile de choisir une question et de tout interpréter en fonction des réponses obtenues pour cette question.
En fait, certaines questions offrent aux agriculteurs l'option d'envisager la possibilité d'un double système de commercialisation. Certains agriculteurs pensent que si cette formule était possible, ils opteraient volontiers en sa faveur. Pourquoi ne pas profiter des prix élevés sur le marché libre et des bas prix de la Commission canadienne du blé, si c'est possible? Par contre, d'après les réponses qu'ils ont données à d'autres questions très précises comme «Si cela n'est pas possible, appuyez-vous la Commission canadienne du blé?», environ 80 p. 100 des producteurs de la Saskatchewan se sont déclarés nettement en faveur de celle-ci, compte tenu du fait qu'il était bien entendu que cette option était tout à fait exclue.
Ray Ryland de Concerned Farmers Saving the Wheat Board a dit aujourd'hui qu'il reconnaît qu'un double système de commercialisation est impossible. Pourtant, les résultats du sondage indiquent que la plupart des jeunes agriculteurs pensent que cette formule serait possible.
Comment faire pour mieux faire comprendre à ceux et celles qui persistent à croire que c'est possible, comme nous avons pu le constater ici ainsi qu'à Regina et à Winnipeg, que la formule du double système de commercialisation est aléatoire, voire impossible? Je le répète, il s'agit surtout de jeunes producteurs qui n'ont pas connu l'époque où les producteurs avaient la vie dure, sous le régime du marché libre.
M. Lloyd: J'ai un commentaire à faire à ce sujet.
Je ne cesse d'entendre dire que les jeunes agriculteurs sont généralement contre la Commission et que les vieux sont pour. Je ne suis pas d'accord. J'ai suivi les cours de l'École d'agriculture de Saskatoon, et je connais des agriculteurs de toute la province et de toutes les régions de l'ouest du Canada. Je suis en mesure d'affirmer que la majorité des agriculteurs de mon âge sont des partisans de la Commission du blé. Je crois que la campagne menée contre la Commission est davantage l'oeuvre d'agriculteurs qui sont âgés de 35 à 45 ans.
J'ignore l'importance que cela peut avoir. C'est une simple constatation. Je ne sais pas exactement pourquoi il en est ainsi.
Au début de ce débat, je n'avais pas encore d'opinion bien précise à ce sujet. Je n'étais ni pour la Commission ni contre. Je ne savais pas exactement que penser du double système de commercialisation. Je me suis seulement contenté d'examiner les faits. J'ai écouté les porte-parole des deux camps et j'en suis arrivé à la conclusion que ce système ne peut pas fonctionner et que la Commission canadienne est la solution d'avenir.
Pour répondre à votre question concernant un mode de communication avec ces jeunes, je crois que c'est une question d'éducation. Celle-ci est la clé de voûte. Lorsqu'on examine le problème en connaissance de cause, il est évident que la comparaison est nettement à l'avantage de la Commission canadienne du blé.
Le président: George Siemens.
M. Siemens: J'ai l'impression que la façon de concevoir le double système de commercialisation varie d'une personne à l'autre. C'est un des gros problèmes. Je pense que la grosse majorité des agriculteurs connaissent très bien le système de vente à comptoir unique. Si on nous avait expliqué avec précision quelles pourraient être les autres options, il serait beaucoup plus facile de prendre immédiatement une décision à propos de cette question très compliquée. Il eut été également plus facile de remplir le questionnaire qui nous a été remis il y a deux ou trois semaines à peine.
Je ne sais pas exactement de quelle façon vous pourriez nous donner des précisions à ce sujet. Autrefois, on aurait utilisé un tableau à feuilles et on aurait représenté le système à comptoir unique d'un côté et de l'autre, son mode de fonctionnement et les répercussions qu'il aurait sur les agriculteurs. Par contre, comme je l'ai déjà dit, les interprétations varient d'une personne à l'autre et c'est là le problème.
Je suis d'accord avec les deux témoins qui sont convaincus que cela n'est pas possible. C'est ce que j'ai tendance à penser. Par contre, comme je vous l'ai dit, démontrez-le-moi et je vous croirai.
Le président: Ray Ryland.
M. Ryland: Une des recommandations que notre organisation a faites consiste à donner à la Commission canadienne du blé le mandat de se défendre de temps à autre. Chaque fois qu'elle le fait, il y a toujours un groupe qui s'agite et déclare qu'elle ne devrait jamais se défendre - et je suppose qu'il existe plusieurs petits groupes de ce genre; nous pourrions dire de quels groupes il s'agit, mais je crois que vous le savez tous.
Dans certaines études que nous avons faites au cours des derniers mois, nous avons indiqué que la Commission du blé devrait posséder, directement ou indirectement, par l'intermédiaire du comité consultatif, les ressources nécessaires pour lui permettre de mettre les agriculteurs au courant de ce qu'elle fait pour eux. Qu'elle le fasse en utilisant les médias, ou en diffusant davantage de communiqués, ou par quelque autre moyen, nous estimons que la Commission du blé devrait avoir le droit de s'expliquer. Tous les autres membres de cette industrie ont la possibilité de le faire. Pour une raison ou une autre - peut-être parce qu'il s'agit d'un organisme gouvernemental ou pour une autre raison - , on a décidé que la Commission du blé ne devrait jamais se défendre.
Je me souviens d'avoir dit à un commissaire de la Commission canadienne du blé il y a plusieurs années qu'elle devait commencer à le faire. Il m'a répondu que non et qu'elle devait compter sur ses amis pour la défendre. Je crois qu'il est temps qu'une personne ayant des liens directs avec la Commission canadienne du blé se mette à expliquer aux agriculteurs ce qu'elle fait pour eux.
Le président: J'ignore si M. Orchard et les autres témoins veulent prendre la parole, mais je voudrais que vous me précisiez une chose, monsieur Ryland. Vous prétendez que la Commission du blé devrait avoir le droit de se défendre. À ma connaissance, rien ne l'empêche de le faire d'ores et déjà, mais serait-ce pour d'autres motifs qu'une question de perception, si vous me permettez d'employer ce mot, qu'elle ne le fait pas.
M. Ryland: Une des raisons qui empêchent...
Le président: Depuis peu, la Commission le fait plus souvent qu'autrefois. Comme vous le dites, certaines critiques fusent de certains milieux; certains appels dans ce sens fusent de certains milieux. Existe-t-il quelque chose qui empêche la Commission du blé de se défendre à l'heure actuelle?
M. Ryland: Je ne sais pas s'il existe...
Le président: Moi non plus.
M. Ryland: ... mais je sais que les commissaires prétendent parfois ne pas pouvoir le faire.
Le président: C'est bien.
M. Ryland: Le deuxième obstacle, c'est le fait que l'on ne dépense que 800 $ par an par membre du comité consultatif. Je crois que c'est 800 $ ou 900 $; c'est une très petite somme. Étant donné l'étendue du territoire couvert par ce comité, il est très difficile de faire quoi que ce soit avec 800 $.
Le président: Monsieur Orchard.
M. Orchard: Je voudrais faire une toute petite rectification. M. Hoeppner a posé trois questions, et pas deux. Au cas où l'on aurait mal compris lorsque j'ai dit non, je voulais dire que je n'ai pas profité de ces primes, mais je ne m'y oppose pas.
Pour ce qui est de ce qu'il faudrait faire, nous assistons actuellement à une espèce d'hystérie collective à propos des sociétés d'État; elles sont littéralement vilipendées. Le Parti réformiste y est certainement pour quelque chose, mais je crois que le Parti libéral est maintenant embarqué à fond dans ce mouvement, lui aussi.
Je suis entièrement d'accord avec M. Ryland: il faudrait effectivement permettre à la Commission du blé de se défendre. Pour le moment, elle ne riposte pas à toutes ces attaques. C'est un peu comme la cause fédérale au Québec. On ne dit rien et on laisse faire M. Bouchard, alors que M. Trudeau défendait bel et bien la position fédérale. C'est exactement la même chose qui se passe maintenant en ce qui concerne la Commission du blé.
Il existe beaucoup de sociétés d'État utiles au Canada, comme Hydro Ontario, la Saskatchewan Telephone et la Saskatchewan Power Corporation. L'intervention de l'État s'est manifestée dans bien des pays du monde. C'est en y ayant systématiquement recours que le Japon est devenu une puissance économique mondiale. C'est ainsi que la Corée est devenue une des grandes puissances économiques, sans avoir les ressources que possède la Canada. La Norvège et d'autres pays ont fait la même chose. Malgré cela, au Canada, nous croyons que l'on ne peut pas défendre les entreprises d'État, alors que c'est un mythe.
À mon avis, le Parti libéral devrait changer d'attitude et faire exactement ce qu'il a promis au cours de la campagne électorale de 1993. Vous aviez compris que l'ALENA et le libre-échange n'étaient pas intéressants et qu'il fallait s'en dégager. Vous aviez promis de le faire alors que vous êtes en train de faire le contraire en mettant ces accords en oeuvre et en en vantant les mérites. C'est ce qui entraînera la chute de la Commission du blé et des autres offices de commercialisation.
La Commission canadienne du blé rapporte actuellement près de six milliards de dollars à l'économie de l'ouest du Canada. C'est un mécanisme qui ne s'est pas brisé et par conséquent, il ne faut pas y toucher.
Le président: Monsieur Nisbet, avez-vous des commentaires à faire?
M. Nisbet: Une des choses que le comité consultatif de la Commission du blé pourrait faire à mon avis, c'est contribuer à mettre les agriculteurs et les Canadiens au courant de ses activités.
Le président: Je passe maintenant la parole à M. Easter pour une petite série de questions, puis nous clorons la discussion.
M. Wayne Easter (Malpeque, Lib.): Merci, monsieur le président. Bonjour, messieurs.
Je pense que notre tournée dans l'Ouest contribue à donner une tournure plus équilibrée à ce débat qui en avait grand besoin. Tout ce que nous avions vu, ce sont les annonces télévisées de Farmers for Justice, mais ils n'ont jamais déposé de preuves documentaires.
En fin de compte, c'est nous et notre gouvernement qui doivent décider que faire et ce qu'il faut faire de ce projet de loi, s'il convient ou non de l'examiner ou s'il faut maintenir la Loi sur la Commission canadienne du blé sans y apporter la moindre modification.
Dans sa déclaration, le ministre a dit qu'il croyait qu'il fallait conserver les trois piliers. Monsieur Ryland et monsieur Nisbet, vous avez cité dans votre exposé plusieurs dispositions de ce projet de loi qui risquent, à votre avis, de miner certains de ces piliers. Je voudrais que vous, ainsi que les autres témoins, m'expliquiez pourquoi au juste.
Revenons au problème du fonds de réserve qui a été soulevé par les partisans de la Commission du blé. D'après le projet de loi, c'est pour couvrir les achats au comptant que l'on crée ce fonds de réserve. Il me semble que si l'on supprimait les achats au comptant prévus dans le projet de loi, la nécessité de créer un tel fonds ne se ferait plus beaucoup ressentir, sauf qu'en vertu des dispositions de ce projet de loi, le gouvernement ne garantira plus que les acomptes à la livraison et pas les ajustements.
Je vais vous révéler la raison pour laquelle le gouvernement veut cesser de garantir les ajustements. C'est parce que, d'après la formule actuelle, il fallait passer par le ministre des Finances et suivre toute la filière administrative, et que cela prend environ six semaines. Le gouvernement n'a jamais dû en fait honorer cette garantie. La Commission a fait de si bonnes opérations que cela n'a jamais été nécessaire. Par conséquent, nous estimons que, dans le cadre des opérations courantes, la Commission pourrait arriver à attirer aussi bien le produit avec la hausse des versements intérimaires qu'avec un achat au comptant. Je voudrais savoir ce que vous en pensez également.
Enfin, on nous a constamment cité le cas des Japonais qui ne respectent pas les contrats. Je ne connais pas bien les règlements de la Commission canadienne du blé en matière d'exécution des contrats, mais vous en avez parlé. Je voudrais que les recherchistes nous les procurent.
Pouvez-vous me dire où vous voulez en venir au juste? Voulez-vous dire qu'il devrait exister des règles très précises prévoyant des sanctions en cas de violation du contrat, comme dans le secteur commercial?
Le président: Allez-y, monsieur Lloyd. Nous allons donner la parole à tous ceux d'entre vous qui veulent faire des commentaires, puis nous cloront la discussion.
M. Lloyd: Une des initiatives qui risquent, à mon avis, d'ébranler les trois piliers, est le raccourcissement des périodes de mise en commun des prix. On se demande jusqu'où cela pourrait aller. J'ai entendu quelqu'un parler précédemment d'une période d'un jour. Ce serait pratiquement le marché libre. Voilà donc un problème. Je comprends quel est l'objectif visé par le projet de loi: éviter qu'un autre incident semblable à l'avortement de la vente d'orge au Japon ne se reproduise. Une période de mise en commun des prix plus courte aurait permis d'éviter ce problème.
J'estime cependant, et je crois que nous sommes tous de cet avis, que ce serait peut-être une meilleure solution d'imposer des amendes plus sévères pour la rupture de contrat, comme c'est le cas pour les contrats commerciaux passés avec les marchands de grain qui prévoient le paiement de la totalité du montant des dommages-intérêts. Si vous vous êtes engagé à livrer 20 tonnes et que vous ne le faites pas, vous payez le prix de ces 20 tonnes de grain. Je ne sais pas très bien quelle amende devrait imposer la Commission canadienne du blé, mais il faut qu'elle soit plus forte que les amendes prévues actuellement... Marvin a des chiffres à ce sujet.
Tu pourrais prendre la relève, Marvin.
M. White: J'ai communiqué avec le bureau de la Commission du blé. Voici la réponse que j'ai reçue:
- À l'heure actuelle, le montant des dommages-intérêts convenus sur le blé et le blé dur est de six
à 15 $ la tonne et sur l'orge, il est de six à 25 $ la tonne. Le montant varie selon le montant des
pertes que fait le compte de mise en commun à la suite d'une rupture de contrat.
Vous parliez de l'orge?
M. Wayne Easter: Oui.
M. White: C'est exactement le problème. Si, comme John l'a si bien dit, les amendes étaient plus sévères... Je ne pense pas qu'il faille aller jusqu'à imposer les mêmes amendes que pour les contrats commerciaux, où elles correspondent à la totalité de la valeur de la marchandise, mais on pourrait peut-être imposer des amendes beaucoup plus sévères que maintenant, correspondant par exemple à la moitié de la valeur. Un contrat est un contrat, ce n'est pas un morceau de papier sans valeur. Il faut pouvoir le faire respecter pour que la Commission du blé sache exactement quelles quantités de grain elle a à vendre.
M. Lloyd: J'ajouterais qu'en ce qui concerne les échéances de livraison indiquées dans le contrat, si le contrat prévoit un minimum de 20 p. 100 et que le producteur ne livre pas cette quantité à temps, il peut le faire à une date ultérieure. Ces échéances ne sont pas appliquées de façon rigoureuse et pourtant je crois que ce serait souhaitable, parce que ce pourcentage de sa production que l'agriculteur n'a pas livré pourrait être vendu en fin de compte en dehors de la Commission et il n'aurait qu'une amende minime à payer.
Il ne faut pas que la différence de prix soit très forte pour récupérer 10 ou 15 cents le boisseau sur le marché libre dans un marché à la hausse et une amende de deux dollars le boisseau représenterait une pénalité un peu plus efficace. Les agriculteurs se dépêcheraient un peu plus pour livrer leur grain à temps.
Le président: Monsieur Nisbet.
M. Nisbet: Pour être bref, je dirai que je suis d'accord avec mes collègues et je me contenterai de faire un commentaire sur un autre sujet.
En ce qui concerne l'incident survenu avec le Japon, il ne serait même pas arrivé si la Commission du blé avait eu le contrôle sur la quantité totale d'orge produite au cours de cette campagne céréalière.
Le président: Monsieur Orchard.
M. Orchard: Monsieur Easter, cela affaiblit à plusieurs égards tous les arguments en faveur des achats au comptant, de la suppression des garanties gouvernementales sur une partie des paiements et de la création d'un fonds de réserve. Cela les affaiblit. Le conseil d'administration élu est un élément capital. Qui fera partie du conseil? Va-t-on y mettre des représentants des compagnies céréalières privées? Ce serait une brèche qui affaiblirait le système.
Imaginez-vous Cargill Grain ou ConAgra faire élire les membres de leur conseil d'administration? C'est ridicule. Ces dispositions visent en fait à affaiblir un organisme qui est capable de faire concurrence à ces géants. Voilà ce que c'est. C'est cela, ni plus ni moins. Ces gens-là n'aiment pas la Commission parce qu'elle est trop efficace.
Le projet de loi à l'étude est une réaction instinctive à une crise qui n'existe pas. C'est une crise montée de toutes pièces. Ce sont les compagnies américaines qui veulent envahir notre marché qui sont à l'origine de toutes ces récriminations. Elles ont réussi à nous envahir. Vous avez vu ce qui s'est passé dans le secteur du commerce de détail quand la société Wal-Mart s'est débarrassée de Eaton. Les Américains s'infiltrent dans tous les domaines. Si vous ouvrez une brèche dans la Commission du blé avec l'un ou l'autre de ces changements, étant donné le climat actuel, vous la vouerez à la destruction totale.
Le président: Bien.
Merci beaucoup pour votre collaboration, pour vos exposés ainsi que pour avoir participé à la discussion.
Je tiens à vous rappeler que l'objectif de notre tournée dans l'ouest du Canada est d'entendre de leur propre bouche les opinions des gens de cette région sur le projet de loi- -et j'insiste sur le fait qu'il s'agit d'un projet de loi - visant à modifier la structure de la Commission canadienne du blé.
Comme l'a déclaré le ministre, le gouvernement souhaite bel et bien maintenir les trois piliers de cette Commission. Existe-t-il des solutions? Comme nous le savons, certaines personnes ont des opinions différentes des nôtres à ce sujet et le débat d'aujourd'hui a effectivement démontré qu'il existe des divergences d'opinions. Le devoir du comité consiste à les soupeser de son mieux, avec l'aide du ministre et du gouvernement.
S'il faut que la Commission du blé évolue ou si nous pouvons, tous ensemble, contribuer à la faire évoluer de façon à en consolider les assises, compte tenu du fait que son but est de dédommager le plus possible les producteurs canadiens pour toutes leurs peines, notre objectif est de l'aider. Nous ferons de notre mieux.
Merci beaucoup pour votre participation. Je suppose que tous les documents écrits que vous vouliez déposer ont été remis au greffier. Nous les distribuerons à tous les membres du comité, quand ils auront été traduits. Merci beaucoup.
La séance est levée.