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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 20 mars 1997

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[Traduction]

Le président (M. Lyle Vanclief, Prince Edward - Hastings, Lib.): Bonjour à tous et bienvenue à cette audience de comité ici, à Calgary.

Nous sommes venus un jour trop tard pour profiter du printemps, mais il ne doit pas être tout à fait fini puisque je viens de voir un policier de la ville en shorts sur sa bicyclette. Ça doit donc être le printemps. Quelqu'un me disait qu'il fait moins sept à Ottawa ce matin. Ce même policier ne s'y promènerait certainement pas en shorts. Mais c'est bon signe: le printemps approche pour tous.

Je vous souhaite à tous la bienvenue ce matin. Notre comité horaire est très chargé. Nous venons de tenir trois excellentes journées d'audiences à Winnipeg, Regina et Saskatoon. Demain, c'est avec grand plaisir que nous nous trouverons à Grande Prairie.

Je vous rappelle que vous avez au maximum quinze minutes pour votre exposé. Je vous ferai signe, d'une manière ou d'une autre quelques minutes avant la fin. Nous serons stricts sur la règle des quinze minutes. Si, lorsque je vous fais signe, vous n'avez pas exposé vos principaux arguments, faites-le immédiatement. Nous devons entendre douze groupes aujourd'hui, et nous tenons à être justes envers tous.

Lorsque nous aurons entendu les quatre premiers présentateurs, nous consacrerons cinquante à soixante minutes au dialogue entre eux et les membres du comité. Nous trouvons que c'est très utile, car cela permet aux gens d'introduire d'autres éléments ou de préciser ce qu'ils ont déjà dit.

Nous pouvons maintenant reprendre nos audiences sur le projet de loi C-72, loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé.

Les quatre premiers groupes représentés sont la Alberta Cattle Commission; la Canadian Cattlemen's Association; le ministère de l'Agriculture de l'Alberta; et la Western Stock Growers' Association.

Nous entendrons d'abord la Alberta Cattle Commission. Je demanderais à son porte-parole de se présenter et de nous présenter éventuellement les collègues qui l'accompagnent éventuellement.

Allez-y.

M. Dale Wilson (vice-président, Alberta Cattle Commission): Merci, monsieur le président.

Je m'appelle Dale Wilson. Je suis céréaliculteur et éleveur de bétail, membre de la Alberta Cattle Commission, au nom de laquelle je souhaite vous présenter un mémoire sur nos réserves à l'égard de certaines parties du projet de loi C-72.

Tout d'abord, monsieur le président, je tiens à vous remercier, ainsi que les membres de votre comité, de nous avoir permis de comparaître ici, à Calgary.

La Alberta Cattle Commission représente quelque 30 000 éleveurs de bétail de l'Alberta. L'élevage bovin est le plus important secteur de l'agriculture albertaine, puisqu'il représente38 p. 100 des recettes monétaires agricoles de la province.

En 1995, l'Alberta exportait pour 1,1 milliard de dollars de boeuf et de bovins sur pied. Pour comparaison, la même année, ses exportations de blé atteignaient 0,9 milliard de dollars, tandis que l'exportation de l'orge représentait environ 20 millions de dollars. La production et la transformation de bovins ont en outre un effet multiplicateur beaucoup plus élevé et bénéfique pour les collectivités rurales que l'exportation des céréales.

L'engraissement de bovins constitue de loin le plus important marché pour l'orge canadien. En effet, 70 p. 100 de l'orge produit dans les Prairies sert à l'alimentation du bétail. L'industrie de l'engraissement en Alberta s'approvisionne maintenant dans l'ensemble des Prairies. Hormis le coût d'achat des bovins d'engraissement, les céréales fourragères constituent le principal facteur du coût de l'engraissement, et il est essentiel que les parcs canadiens puissent être assurés de la sécurité des approvisionnements en orge, à des prix comparables à ceux que payent les engraisseurs américains.

Nous estimons que les amendements proposés au projet de loi C-72 auront un effet négatif sur la compétitivité de l'industrie bovine albertaine et, à long terme, sont contraires aux intérêts des producteurs d'orge des Prairies.

Comme on l'a déjà dit, la Commission canadienne du blé tient une place relativement mineure sur le marché canadien de l'orge, puisqu'elle achète habituellement moins de 30 p. 100 de la récolte totale. Toutefois, ses activités influencent la stabilité du marché, l'approvisionnement et les prix.

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Au cours des dix dernières années, l'activité de la Commission a déstabilisé le marché puisque les producteurs d'orge ne peuvent savoir avec certitude combien elle finira par payer leurs produits, ni quelle quantité elle en achètera.

Or, malgré son influence, la Commission n'a aucune responsabilité envers le marché intérieur des grains de provende et elle a tendance à ne tenir aucun compte de l'effet préjudiciable de ses activités pour le marché. Par exemple, elle s'approvisionne souvent pour ses exportations là où les besoins nationaux sont les plus importants.

À notre avis, les amendements proposés dans le projet de loi C-72 auront dans l'ensemble pour effet de déstabiliser et défavoriser encore plus le marché intérieur des provendes. On confie à la Commission le pouvoir de réglementation en même temps qu'elle est acheteuse au comptant sur le marché. Comme elle détient à la fois le monopole et le pourvoir de réglementation, ses concurrents, les exploitants de parcs d'engraissement et autres acheteurs, sont très nettement défavorisés.

Dans l'ensemble, nous estimons que ces amendements accroîtront l'instabilité du marché et mettront sérieusement en péril la capacité d'approvisionnement du marché intérieur. Dans le pire des cas, les activités de la Commission risqueraient de provoquer une grave pénurie d'orge dans les Prairies.

La Alberta Cattle Commission a trois réserves spécifiques face au projet de loi C-72.

Premièrement, nous estimons que l'abrogation de l'alinéa 46(b) pourrait effacer l'autorité qui permet au marché intérieur de fonctionner comme il le fait actuellement. Nous savons que le ministre a donné sa parole que le gouvernement n'a pas l'intention d'empêcher le libre mouvement de l'orge dans les secteurs de la Commission du blé.

Mais nous avons demandé un avis juridique et on nous a dit que si la question était référée en justice, il est tout à fait possible que les tribunaux considèrent caduque l'autorité de transporter de l'orge d'une province à l'autre.

On ne nous a donné aucune autre justification à l'abrogation de l'alinéa 46(b). Nous demandons à votre comité de faire tout son possible pour que toute modification apportée à ce projet de loi préserve un marché intérieur ouvert pour les céréales fourragères. Toute limitation de ce droit pourrait avoir des conséquences économiques graves.

Deuxièmement, le changement proposé au paragraphe 39.1 préoccupe sérieusement les engraisseurs de bovins. Cet amendement autoriserait la Commission à s'approvisionner sur le marché au comptant lorsque le système de mise en commun ne suffit pas à satisfaire ses besoins.

Si la Commission peut acheter de l'orge sur le marché au comptant à volonté, il semble raisonnable que les acheteurs canadiens puissent de la même manière avoir accès aux stocks de la Commission. Si celle-ci peut intervenir à volonté sur le marché au comptant et y acheter de gros volumes sans que les engraisseurs n'aient la même possibilité d'accès aux approvisionnements qu'elle a déjà réservés, on risque une très forte instabilité des prix ainsi que des pénuries régionales et saisonnières.

Si la Commission veut avoir accès au marché du comptant, nous lui suggérons d'abandonner ses activités de réglementation par le système de mise en commun, et de faire une concurrence équitable aux autres acheteurs canadiens. Si, par contre, elle souhaite maintenir les systèmes de la mise en commun et du prix initial, elle ne devrait pas être autorisée à acheter sur le marché au comptant.

Troisièmement, un des principaux défaut de la Commission du blé, c'est qu'elle a été créée pour répondre aux besoins de l'économie agricole des Prairies à une époque où la seule véritable denrée d'exportation était le blé et, dans une moindre mesure, l'orge. L'économie agricole des Prairies s'est beaucoup diversifiée depuis, et le blé n'est plus qu'une denrée d'exportation parmi tant d'autres. Toutefois, le monopole et les pouvoirs de réglementation attribués à la Commission confèrent à celle-ci une influence considérable sur l'économie agricole de la région, surtout dans le secteur de l'engraissement du bétail.

C'est pourquoi, si la Commission souhaite maintenir ses pouvoirs de réglementation, en particulier sur le marché des céréales fourragères, il nous paraît essentiel que sa représentation soit élargie à ces autres secteurs. Ainsi, elle sera obligée de prendre conscience de l'incidence qu'ont ses activités sur les autres producteurs agricoles des Prairies et d'en tenir compte.

Nous vous remercions, monsieur le président, de votre attention et de celle des membres du comité.

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Le président: Nous apprécions, monsieur Wilson, votre clarté et votre concision.

Nous allons entendre maintenant la Canadian Cattlemen's Association, représentée aujourd'hui par John Prentice.

M. John Prentice (directeur, Canadian Cattlemen's Association): Merci, monsieur le président. On m'a confié la tâche de vous présenter notre mémoire.

La Canadian Cattlemen's Association souhaite faire entendre les arguments suivants. Premièrement, l'industrie nationale du bétail est l'un des principaux marchés de l'orge produit dans la zone de la Commission canadienne du blé.

Deuxièmement, l'industrie de l'engraissement des bovins est un élément vital de l'économie agricole de l'Ouest canadien puisqu'elle représente dans les provinces des Prairies 37 p. 100 des recettes monétaires agricoles, et 52 p. 100 en Alberta.

L'industrie bovine à elle seule contribue 22 p. 100 des recettes monétaires agricoles des Prairies et 35 p. 100 en Alberta.

L'industrie bovine canadienne exporte actuellement 54 p. 100 de sa production totale à divers marchés, principalement aux États-Unis. Sa capacité concurrentielle sur le marché mondial dépend, dans une large mesure, de l'accès aux céréales fourragères à des prix équivalents à ceux que paient nos concurrents, surtout aux États-Unis.

Quatrièmement, les activités de la Commission canadienne du blé peuvent avoir une forte incidence sur le prix des céréales de provende au Canada, surtout si elle intervient sur le marché intérieur. Les pouvoirs et le rôle de la Commission ont été prévus à une époque où l'économie agricole était tout autre, et où le blé et autres céréales constituaient essentiellement les seules denrées agricoles exportées des Prairies. Il faudrait maintenant structurer la Commission de manière à ce qu'elle encourage l'expansion d'un marché intérieur en même temps que celle des exportations.

Cinquièmement, les modifications que propose le gouvernement au projet de loi C-72 affaibliront la compétitivité des éleveurs de bétail de l'Ouest canadien. Elles déstabiliseront le marché intérieur des céréales fourragères et, à long terme, augmenteront la dépendance des céréaliculteurs à l'égard d'un marché d'exportation extrêmement imprévisible et coûteux.

Je vous prie de vous reporter au tableau de l'offre et de la demande que nous vous présentons à la page 2. Vous y noterez qu'en 1992-1993, les exportations atteignaient 3 millions de dollars; l'année suivante, 80,2 millions de dollars et cette année, on projette des exportations de 4 millions de dollars. Autrement dit, les exportations sont au point mort. Pendant la même période, les ventes sur le marché national sont passées de 7,36 millions de dollars à 10,5 millions de dollars, pour une augmentation de près de 50 p. 100.

Les obstacles à la valeur ajoutée ayant été éliminés - aide pour les grains de provende, taux du Nid-de-Corbeau, et autres du même genre - et avec l'augmentation des coûts du transport, suite à l'inflation, les Prairies sont en pleine croissance. Chaque jour voit l'ouverture de nouveaux élevages porcins, de nouveaux parcs d'engraissement. La consommation intérieure ne peut qu'augmenter, à tel point que nous nous inquiétons sérieusement de la sécurité des approvisionnements si la moisson devait être limitée, pour cause de sécheresse, mauvais rendement ou autre. Le Manitoba en est un bon exemple.

Une autre chose qui nous inquiète beaucoup, c'est le passage d'une commission nommée par le gouvernement à une structure où la majorité des membres sont élus par les producteurs. Si les premiers avaient probablement pour mandat de défendre l'intérêt public, ou le bien public, les seconds auront pour objectif d'obtenir le meilleur rendement possible. En même temps, vous donnez à la Commission canadienne du blé des outils qu'elle n'a jamais eu jusqu'ici, et dont elle a besoin, j'en conviens.

Elle a maintenant la possibilité de signer des contrats à sens unique, c'est-à-dire où le fournisseur est obligé de livrer, mais elle n'est pas tenue d'acheter. À cela vous ajoutez le droit, du jour au lendemain, d'augmenter le prix initial, d'exclure un syndicat du blé, d'en lancer un nouveau, aussi souvent qu'elle le souhaite. Elle pourra ainsi plus facilement obtenir des grains hors marché, auprès du producteur.

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La possibilité pour elle d'acheter sur le marché du comptant, en même que le fonds pour éventualités, nous inquiète aussi énormément, car la nouvelle Commission, qui aura pour mandat d'obtenir les meilleurs prix possibles, pourrait abuser de ce pouvoir. Nous estimons qu'il serait de loin préférable de laisser aux producteurs la possibilité de choisir entre l'exportation ou le marché intérieur.

Après avoir lu le mémoire de la Commission canadienne du blé, je dois dire que les arguments qu'elle présente, telle la nécessité de pouvoir reporter le prix, et autres, sont autant d'outils qu'offre déjà le marché; cela n'ajoute rien. Pour moi, c'est une question de contrôle.

Chaque boisseau exporté représente un emploi en moins dans les Prairies. C'est contraire aux politiques des trois gouvernements provinciaux. Cela n'apporte aucune valeur supplémentaire. Nous préférons de loin un marché libre où le producteur décide lui-même, et où le produit peut être enlevé sur place ou expédié dans le pipeline vers la Californie.

Ces commentaires ne figurent pas dans le mémoire, mais ils résument bien la situation. Abroger l'alinéa 46(b), ça va sans dire. Je crois que tout le monde en parlera avec éloquence.

La capacité de la Commission canadienne du blé à manipuler les systèmes des contrats et de mise en commun et à acheter des grains sur le marché au comptant, voilà ce qui nous inquiète. Le mandat a été modifié, et l'on donne à la Commission trop de pouvoirs, car elle risque d'en abuser.

Dale a déjà beaucoup parlé de la responsabilité de la Commission à l'égard des utilisateurs nationaux. Un des grands problèmes, c'est que la Commission a été créée à une époque où l'exportation céréalière était la principale activité agricole des Prairies. Comme on l'a déjà dit, les pouvoirs que confère la loi à la Commission ont pour but de favoriser ces exportations. Toutefois, la production céréalière pour le marché d'exploitation n'est plus aujourd'hui que l'une des importantes activités agricoles, dont certaines entrent d'ailleurs en concurrence directe avec la Commission. Dans un marché juste et équitable, les éleveurs de bétail n'ont aucune difficulté à soutenir la concurrence du marché d'exportation.

En ce qui concerne l'orge, pour des raisons qui ont déjà été mentionnées, l'engraissement au Canada est de loin son utilisation la plus rentable. Toutefois, le marché intérieur ne peut pas entrer en concurrence avec une commission à laquelle la loi confie un monopole sur les approvisionnements et l'établissement des prix, sans égard à son incidence sur le marché national.

Si le gouvernement souhaite que la Commission reste active sur les marchés d'exportation de l'orge, sans détruire le marché national, il doit limiter celle-ci à son champ traditionnel, soit la mise en commun et l'établissement du prix initial, et la proposition de renforcer ses activités, tout en laissant le marché du comptant à l'industrie nationale.

Nous suggérons également de structurer la Commission de manière à ce qui soient représentés les utilisateurs nationaux, et en particulier les éleveurs de bétail.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Prentice, de votre concision.

Pour le ministère de l'Agriculture, de l'alimentation et du développement rural, je donne maintenant la parole à l'honorable Walter Paszkowski, ministre.

Bonjour Walter.

M. Walter Paszkowski (ministre de l'Agriculture, de l'Alimentation et du Développement rural, province de l'Alberta): Merci, monsieur le président. Je souhaite la bienvenue en Alberta à votre comité. Nous apprécions que les groupes concernés aient la possibilité de faire une présentation à votre comité.

Monsieur le président, le gouvernement de l'Alberta apprécie de pouvoir s'exprimer sur les changements proposés à la Loi sur la Commission canadienne du blé. Comme vous le savez, monsieur le président, nous venons de procéder à une élection dans la province. Les politiques de notre gouvernement, y compris celles qui concernent l'agriculture et la commercialisation du grain, ont été soumises à l'examen de l'électorat et ont reçu son approbation. En fait, tous les députés des circonscriptions rurales ont été réélus. Ce résultat consacre et illustre à la fois la solidité de notre position sur des dossiers tels que la commercialisation du grain.

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Nos politiques se fondent sur une analyse objective et une vaste concertation à laquelle ont pris part les agriculteurs et le secteur agroalimentaire. Ces consultations incluaient un scrutin où les deux tiers des votants ont demandé de pouvoir choisir les modalités de commercialisation du blé et de l'orge.

À la lumière de ces résultats, le gouvernement de l'Alberta a examiné l'intention déclarée du gouvernement fédéral concernant la commercialisation du grain et la façon dont elle se manifeste dans le projet de loi C-72, loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé. Notre analyse détaillée du projet de loi est jointe en annexe au mémoire présenté au comité permanent.

Dans le temps qui m'est imparti aujourd'hui, je ne peux qu'en résumer les conclusions. Pour parler franc, monsieur le président, nous sommes d'avis que le projet de loi C-72 est fondamentalement défectueux et ne peut être corrigé. Il devrait être retiré et réécrit de manière à refléter les changements souhaités par les agriculteurs. Voilà ce que ceux-ci demandent: un plus grand nombre d'options de commercialisation du blé et de l'orge; et la responsabilité de la CCB envers les agriculteurs et, de ce fait, une plus grande souplesse dans son fonctionnement.

Ce projet de loi ne répond pas aux attentes des agriculteurs parce qu'il se fonde sur trois hypothèses erronées. La première hypothèse est qu'un organisme volontaire pour l'établissement de prix en commun ne peut fonctionner dans un milieu de marché libre, et que le recours continu à la contrainte et à un système à comptoir unique sert à la fois les intérêts du public et ceux des agriculteurs.

La deuxième hypothèse est que le gouvernement fédéral doit contrôler l'industrie céréalière de l'Ouest au moyen d'un système à comptoir unique parce qu'il doit fournir des garanties financières concernant les paiements initiaux et les emprunts. La troisième hypothèse est que le gouvernement fédéral a besoin d'un système de vente à comptoir unique pour gérer et résoudre les questions du commerce transfrontalier des grains.

Je réfute chacune de ces hypothèses. Permettez-moi de vous dire pourquoi. Premièrement, les organismes de mise en commun existent dans de nombreux secteurs de l'agriculture et sont en fait pratique courante. La mise en commun volontaire a démontré sa rentabilité pour les participants en prospérant dans des milieux de marché libre et de pleine concurrence. À cet égard, je dépose ici des exemplaires du rapport initial que j'ai rendu public hier.

Ce rapport présente sept exemples concrets démontrant comment les organisations de mise en commun volontaire peuvent soutenir la concurrence et prospérer sur le marché mondial. Ces exemples démontrent que les arguments qui empêchent le gouvernement fédéral d'offrir un système de commercialisation mixte aux producteurs sont sans fondement ni validité. De fait, ils sont tendancieux, et visent à protéger une institution plutôt qu'à servir les intérêts des agriculteurs. Ce rapport montre qu'un système à comptoir unique n'est pas l'unique façon de vendre le blé et l'orge.

Deuxièmement, il est clair que dans la perspective de l'intérêt public, le bien-fondé et l'avantage du recours à la contrainte autorisée par la loi et du maintien d'un système de vente à comptoir unique sont douteux et tout à fait inutiles. La participation obligatoire de tous les agriculteurs à un système de vente à comptoir unique n'est pas une condition qu'exige la garantie des paiements initiaux ou des emprunts.

D'autres mécanismes sont possibles, notamment ceux qu'utilise l'Ontario Wheat Producers' Marketing Board. Des garanties peuvent être fournies aux termes de la Loi sur la vente coopérative des produits agricoles; la Société pour l'expansion des exportations pourrait garantir les risques liés au crédit à l'exportation; ou la CCB pourrait, comme les autres compagnies céréalières, financer ses opérations par emprunt auprès des banques commerciales.

Le recours à un système à comptoir unique ne résoudra aucun problème du commerce transfrontalier. En fait, il les perpétuera. Il est désormais évident que la question des agences nationales de commercialisation provoquera des discussions difficiles aux prochaines négociations de l'OMC. J'exhorte le comité à examiner ce projet de loi du point de vue des agriculteurs.

Je dirais, pour ma part, qu'il n'offre rien à l'agriculture. C'est là l'élément principal. Il n'apporte rien à l'agriculteur. Celui-ci n'aura pas plus d'argent dans sa poche, mais il devra assumer tous les risques. Je ne pense pas que c'est ce que nous souhaitions, et ce n'est certainement pas ce qu'attendent les agriculteurs.

En ce qui concerne le fonctionnement de la Commission canadienne du blé, nous ne trouvons rien qui avantage les agriculteurs, mais nous décelons de nombreux dangers. Avec les achats au comptant, les cultivateurs ne pourront pas gérer les risques liés à la commercialisation et au flux de trésorerie si les prix payés, les contrats et les périodes de mise en commun ne sont pas fixés pour des périodes déterminées et peuvent être abandonnés ou modifiés en tout temps par la Commission.

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Aux termes du projet de loi C-72, les agriculteurs portent tout le fardeau du risque financier, mis à part les risques associés à la garantie des paiements initiaux. Actuellement, les risques financiers associés au système de vente à comptoir unique sont partagés entre les agriculteurs et le gouvernement fédéral. Aucun risque financier découlant de l'achat ou de la vente du grain n'est assumé par les compagnies céréalières, les chemins de fer ou la CCB.

Le projet de loi C-72 réduit les risques financiers du gouvernement fédéral, augmente ceux des agriculteurs et impose des retenues supplémentaires pour couvrir les déficits des recettes d'exploitation de la Commission - cela, sans obligation pour cette dernière de rendre compte aux cultivateurs.

Aux termes du projet de loi C-72, les relations avec l'industrie pourraient se transformer radicalement. La Commission canadienne du blé peut fonctionner comme une entreprise céréalière. Elle pourra effectuer des achats au comptant à la ferme et acheminer le grain à la compagnie de son choix. Elle entrera en concurrence avec les compagnies céréalières et, en exploitant son statut de comptoir unique et sa capacité d'attribution des wagons de chemin de fer, elle réglementera dans les faits le commerce du grain. Les rapports ne seront plus symbiotiques et pourraient devenir discriminatoires et prédateurs. Les compagnies céréalières ne seraient plus en mesure de gérer l'utilisation de leurs avoirs à leur propre avantage.

Le projet de loi C-72 fait de la Commission canadienne du blé un organisme de réglementation et un concurrent pour les compagnies céréalières. Il y a là, tout simplement, un conflit d'intérêt intolérable.

Monsieur le président, ceci est un mauvais projet de loi, fondé sur une mauvaise politique. Il restreint l'industrie à un système de vente à comptoir unique qui fera porter les frais supplémentaires à l'agriculteur. Ce faisant, il met en péril la viabilité même de la céréaliculture.

Le système de vente à comptoir unique constitue un obstacle majeur à l'accès au secteur de transformation à valeur ajoutée d'Amérique du Nord et au développement des activités à valeur ajoutée dans les Prairies.

L'industrie continuera à privilégier l'exportation des grains non transformés et à utiliser un système logistique coûteux et peu concurrentiel. Les agriculteurs n'ont pas les moyens d'influer sur ce système onéreux. Le projet de loi ne donne pas le contrôle de la Commission du blé aux agriculteurs.

D'autres ont parlé ou parleront des tentatives maladroites en vue de faire paraître la Commission plus responsable à l'égard des agriculteurs. Je ne répéterai pas leurs arguments, si ce n'est pour dire que ce projet de loi sert seulement à rendre la Commission plus responsable envers les politiciens et les bureaucrates au niveau fédéral. Ce n'est pas ce que demandaient les agriculteurs.

En résumé, le projet de loi C-72 n'apporte aucune solution aux questions et aux problèmes auxquels est confrontée aujourd'hui l'industrie céréalière. En entérinant le système à comptoir unique existant, le projet de loi met en péril la viabilité de l'industrie céréalière.

Monsieur le président, j'exhorte le comité permanent à chercher des solutions plus viables. Même dans le cadre d'un régime à comptoir unique, il existe des façons d'alléger le système et de permettre aux agriculteurs et à l'industrie céréalière de rechercher une plus grande efficacité et de promouvoir la compétitivité au niveau de la ferme. Par exemple, beaucoup d'intervenants ont suggéré que la Commission prenne possession du grain au port plutôt que dans le pays.

D'autres solutions de rechange à caractère transitoire ont été suggérées par la Commission de commercialisation des grains du gouvernement fédéral. Malheureusement, ce dernier a rejeté ce type de mesures.

Ainsi, la seule solution qui s'offre à ce comité est de rapporter ce projet de loi à Ottawa, de le récrire et de donner aux agriculteurs les choix qu'ils ont demandés. Si Ottawa ne peut ou ne veut pas donner de choix à tous les agriculteurs, modifiez alors la loi pour permettre aux agriculteurs albertains de se soustraire par plébiscite provincial à la région désignée par catégorie de produits.

Au bout du compte, la seule solution viable pour tous sera que le gouvernement fédéral renonce au système à comptoir unique et aux contraintes afférentes, et qu'il s'emploie à réformer la Commission canadienne du blé pour en faire une organisation de mise en commun volontaire véritablement contrôlée par les agriculteurs. Cette organisation volontaire devrait pouvoir se livrer au commerce du grain en toute liberté.

Avec l'ALENA, l'OMC ou la mondialisation, pour rester compétitifs dans les échanges commerciaux, nous devons élargir nos horizons et notre façon de concevoir les institutions fédérales. Il existe des solutions de rechange au système à comptoir unique si nous avons la créativité et les compétences requises pour sortir de ce mode de gestion dépassé.

Monsieur le président, le comité devrait toujours se demander si le résultat final permettra à l'institution de servir les agriculteurs ou s'il exigera que ceux-ci servent l'institution.

Merci de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer aujourd'hui sur cette question très importante.

Le président: Merci beaucoup, monsieur le Ministre.

Je suis sûr que nous poursuivrons la discussion avec vous tous dès que nous aurons entendu la quatrième présentation. Nous aurons alors le temps de dialoguer.

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Nous allons maintenant entendre M. Norm Ward de la Western Stock Growers' Association.

Bonjour, Norm.

M. Norm Ward (président, Western Stock Growers' Association): Merci beaucoup. Je vous souhaite le bonjour à tous par cette belle matinée de printemps. Et c'est effectivement le printemps, depuis environ deux heures.

Le président: Oh, merci.

M. Ward: Je m'appelle Norman Ward, je suis président de la Western Stock Growers' Association. Nous remercions le comité de nous avoir permis de venir présenter notre point de vue ce matin. Je suis accompagné de David Foat et Gary McMorris, membres du comité exécutif. Ils vous présenteront notre mémoire.

M. David Foat (président sortant, Western Stock Growers' Association): Merci.

La Western Stock Growers' Association est reconnaissante au comité de lui avoir permis de comparaître pour présenter son point de vue sur le projet de loi C-72, loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé et modifiant en conséquence d'autres lois.

La Western Stock Growers' Association est le plus ancien regroupement de producteurs de l'Ouest canadien, puisqu'elle représente les éleveurs de bovins d'engraissement depuis 1896. Aujourd'hui, nos membres gèrent ou détiennent quelque 500 000 têtes de bétail, soit un pourcentage important du troupeau de l'Ouest canadien. Notre activité représente une part considérable de l'industrie bovine en Alberta, laquelle constitue actuellement le principal secteur agricole de la province.

Tout d'abord, nous avons été très déçus que le ministre n'applique pas les recommandations du rapport du Comité sur la commercialisation des grains de l'Ouest, comme il avait promis à maintes reprises de le faire. Il avait personnellement choisi les membres du comité de manière à ce que soit représenté un vaste éventail de producteurs et d'intérêts divers dans ce secteur. Le comité a procédé à des consultations importantes. Ses membres ont unanimement recommandé la mise en place d'un marché mixte pour les grains de provende et autres céréales spécifiques; la transformation de la Commission en société privée gérée par les agriculteurs et dotée des moyens nécessaires pour être concurrentielle sur le marché. Ces recommandations auraient permis de commencer à mettre en place un système de commercialisation des grains qui aurait satisfait les éleveurs de bétail.

Deuxièmement, face au mécontentement qui se manifestait dans les Prairies, le ministre a organisé un scrutin sur l'avenir de la commercialisation de l'orge par la Commission canadienne du blé. Mais ce vote n'offrait que deux possibilités: maintien ou élimination de la Commission. Il ne permet pas aux agriculteurs de régler la véritable question, qui est celle d'un marché mixte. Le ministre a dit qu'il respecterait les résultats du vote. Si c'est le cas, pourquoi a-t-il déposé ce projet de loi trois mois avant la tenue du scrutin?

Les politiques de commercialisation des grains nuisent aux éleveurs de bétail. La production bovine n'a pas toujours été la principale activité agricole de l'Alberta. En 1943, le gouvernement fédéral a rendu obligatoire la vente à la Commission canadienne du blé et il a mis fin au commerce de cette denrée à la Bourse des céréales de Winnipeg afin de limiter le montant de ristournes que le gouvernement fédéral devait verser aux minoteries nationales, ainsi que le coût des programmes d'aide publique au développement.

Dans un deuxième temps, le monopole de la Commission sur le blé a été étendu à l'orge et à l'avoine en 1949. Depuis, le gouvernement a choisi de privilégier la production et l'exportation des grains plutôt que les activités à valeur ajoutée, comme l'élevage du bétail.

Le gouvernement n'a jamais véritablement réglé le problème du conflit entre les intérêts des céréaliers et ceux des utilisateurs nationaux. Dans les années 70, deux problèmes se sont posés de façon aiguë aux éleveurs de bétail de l'Ouest: les taux de fret du grain imposés par la loi - comme nous le savons, il s'agissait du taux du Nid-de-Corbeau - qui a artificiellement gonflé les prix des céréales fourragères et, partant, réduit la compétitivité de l'élevage; et le contrôle de la Commission canadienne du blé sur l'établissement des prix à la commercialisation des provendes nationales.

En ce qui concerne ce dernier aspect, les producteurs de bétail n'ont jamais cru qu'on leur demandait un prix raisonnable fondé sur des prix mondiaux concurrentiels. Les prix de vente sur le marché national que fixait la Commission ne semblaient avoir aucun rapport avec les prix des provendes sur le marché mondial; le prix minimum était composé du prix initial auquel s'ajoutait le fret et les frais de manutention prévus par la CCB. Les acheteurs de céréales fourragères criaient au vol.

Au lieu de changer la politique d'établissement des prix de la CCB, le gouvernement a mis sur pied un système selon lequel le prix des provendes dans les Prairies était lié au prix du maïs américain livré à Montréal, moins le fret et la manutention. Cela restait insatisfaisant, puisque grâce au tarif du Nid-de-Corbeau, les taux de fret restaient artificiellement bas. Le prix des grains de provende dans les Prairies demeuraient artificiellement élevés et les producteurs de bétail continuaient de se plaindre.

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Durant la campagne agricole de 1974-1975, le gouvernement a tenté encore une fois de régler le problème par une nouvelle politique sur les céréales fourragères à consommation nationale, qui prévoyait un système de vente privée ou les ventes directes de la ferme au parc d'engraissement. L'élimination des frontières provinciales permettait désormais le transport de ces céréales d'une province à l'autre. La Commission canadienne du blé ne s'occupait plus que des exportations.

Malheureusement, le prix national restait influencé par la structure des prix de la Commission. Les acheteurs faisaient toujours face à la concurrence d'un marché d'exportation subventionné qui maintenait les prix nationaux à un niveau artificiellement élevés. Au début des années 80, on a enfin fait un premier pas dans la bonne direction en essayant de régler le problème des tarifs-marchandises.

Malheureusement, le gouvernement n'a pas tenu compte du rapport Gilson sur la réforme du tarif du Nid-de-Corbeau et a préféré mettre en place son propre système en 1985. Il s'agit d'une indemnité versée aux chemins de fer en contrepartie du maintien de tarifs-marchandises préférentiels pour les céréales. Malheureusement, cette nouvelle politique reste défavorable à l'élevage du bétail.

En 1989, le gouvernement fédéral a retiré le contrôle de l'avoine à la CCB. Des prédictions catastrophiques nous annonçaient l'effondrement de la production et de la commercialisation de cette céréale. En fait, la culture de l'avoine n'a pas seulement survécu, elle a prospéré. De 1979 à 1988, elle atteignait en moyenne 2,9 millions de tonnes; de 1992 à 1996, la production moyenne était de 3,37 millions de tonnes, et les ventes atteignaient 3,5 millions de tonnes en moyenne.

Malheureusement, une décision en première instance, que le gouvernement n'a pas voulu porter en appel, fait obstacle à une tentative de retrait de l'orge au contrôle de la CCB. Pendant ce temps, le gouvernement de l'Alberta a pris note des torts que causait le maintien des politiques fédérales axées sur la céréaliculture et a vu que des possibilités intéressantes de croissance économique étaient perdues à cause de ces politiques fédérales mal inspirées.

L'Alberta a mis sur pied un programme de compensation à l'intention des céréaliculteurs qui perdaient de l'argent à cause des nouvelles règles: la province versait une subvention pour contrer les effets négatifs des subventions et politiques fédérales. Le programme de compensation du Nid-de-Corbeau a entraîné dans tous les secteurs une croissance qui est venu ajouter de la valeur aux céréales de l'Alberta. Aujourd'hui, par exemple, sur la valeur totale de l'élevage bovin au Canada, qui est de 4,2 milliards de dollars, 2,2 milliards de dollars ou 52,4 p. 100 sont attribuables à la production de l'Alberta.

L'extraordinaire dynamique du secteur en Alberta, qui fait l'envie de toutes les provinces canadiennes, est directement attribuable aux mesures prises par la province pour contrer certains effets négatifs des politiques et subventions fédérales depuis le milieu des années 80. Ces bovins sont également transformés en Alberta, où existent maintenant des installations de classe mondiale grâce auxquelles des milliers d'emplois ont été créés dans l'économie de la province. En fait, suite à l'égalisation des règles, la majeure partie de l'engraissement et de la transformation des bovins au Canada se fait désormais dans cette province.

L'expérience de l'Alberta démontre clairement que si le gouvernement les laisse agir, les agriculteurs sont parfaitement capables de prospérer.

M. Gary McMorris (directeur, Western Stock Growers' Association): Bonjour. Rendez à la Commission canadienne du blé son caractère volontaire.

Vous ne serez donc pas surpris si le meilleur conseil que nous puissions donner au gouvernement en ce qui touche la CCB soit de la ramener à sa condition originale de commission volontaire et en concurrence avec les autres intervenants sur le marché. Ainsi, ceux qui choisissent d'utiliser ses services pourront le faire volontairement, et les autres pourront utiliser d'autres services offerts sur le marché libre. De cette manière, les prix de la Commission deviendront transparents et équitables puisque le marché libre n'a pas de mécanisme qui permette de demander systématiquement un prix trop élevé aux utilisateurs nationaux de céréales fourragères.

Disons-le. Si la Commission canadienne du blé a véritablement l'appui des agriculteurs des Prairies, pourquoi faut-il une loi pour obliger ceux-ci à utiliser ses services? Si elle jouit d'un soutien aussi solide et si elle est si avantageuse pour les agriculteurs, il ne devrait pas être nécessaire de l'imposer par voie législative. Si, par contre, on juge absolument nécessaire d'adopter une loi pour maintenir le monopole de la Commission, ce ne peut être que parce que les agriculteurs ne sont pas disposés à appuyer volontairement la Commission que leur impose le gouvernement. D'ailleurs, un sondage confidentiel commandé par Agriculture Canada, le ministère fédéral, et dont a eu connaissance la presse de Toronto en septembre, montre que 55 p. 100 des agriculteurs des Prairies souhaitent que l'on mette fin au monopole de la CCB sur l'orge. Ou alors, c'est que les agriculteurs ne sont pas assez malins pour se rendre compte eux-mêmes des avantages que leur apporte la Commission et que des bureaucrates sont contraints de décider pour eux; ou peut-être que les producteurs de blé ou d'orge sont incapables de se débrouiller sur un marché libre tandis que la plupart des autres producteurs - avoine, canola, lin, soya, maïs, pois, lentilles, pommes de terre, légumes, autres cultures spéciales, cultures de pépinière, fleurs, fruits, miel, bovins, ovins, porcins, etc. - y prospèrent déjà.

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Si la Commission offre véritablement les services et les avantages qu'elle prétend, elle fera beaucoup mieux que tous les autres intervenants sur le marché et les agriculteurs choisiront volontairement de placer leur confiance en elle. Si, par contre, elle est incapable de tenir ses promesses, ils pourront commercialiser ailleurs leurs céréales.

Mais cela ne signifie pas pour autant la fin de la Commission canadienne du blé. Cela veut dire seulement qu'elle doit réagir aux signaux que lui envoie le marché et améliorer sa performance afin de récupérer sa part du marché, exactement comme doivent le faire toutes les autres organisations de commercialisation des céréales. Ou, le gouvernement croit-il que la CCB, de par sa nature même, n'est pas en mesure de supporter les pressions du marché?

Nous avons l'impression que de nombreux éléments du projet de loi C-72 vont dans le sens d'un marché mixte, puisqu'ils permettront à une CCB partiellement modernisée de surmonter certaines des difficultés qu'elle rencontrera sur le marché.

Le ministre adopte certaines recommandations du Comité sur la commercialisation des grains de l'Ouest et propose certains changements en vue de donner à la Commission une plus grande souplesse dans son fonctionnement, en lui permettant d'acheter des céréales et de payer les producteurs de différentes manières.

Elle pourra notamment acheter du blé et de l'orge au comptant, payer les frais financiers et payer aux céréaliculteurs d'autres sommes liées à la livraison. Ces changements permettent les livraisons à des entrepôts en propriété commune, sans égard aux contingentements ou contrats de livraison. Ils autorisent également la CCB à acheter des céréales ailleurs qu'aux silos-élévateurs ou aux wagons de chemin de fer; elle pourra acheter directement à la ferme. La CCB sera également en mesure de clore à volonté les comptes des pools et d'en distribuer les fonds à loisir, ainsi que d'émettre des certificats négociables aux producteurs. Enfin, ces changements précisent la capacité de la CCB à utiliser des outils de gestion du risque.

Le gouvernement a adopté des politiques qui laisseront à la Commission du blé davantage de souplesse devant la concurrence, et que l'on peut considérer prometteuses pour l'avenir. En fait, dans son résumé du projet de loi, le gouvernement déclare qu'il entend autoriser, par décret, l'exclusion de certains types, classes ou grades de blé ou d'orge du territoire exclusif de la Commission sur le marché national ou d'exportation.

Malheureusement, le projet de loi étouffe également cette promesse en limitant ce pouvoir aux seuls cas où la mesure est recommandée par le Conseil d'administration de la CCB, les mesures nécessaires de contrôle de la qualité approuvées par la Commission canadienne des grains sont en place et les producteurs ont approuvé le changement par scrutin. Et malgré tout cela, le ministre ne sera pas tenu d'introduire ces changements.

En ce qui concerne les ventes nationales de céréales fourragères, depuis le 1er août 1975, elles se font sur le marché privé, par vente directe du producteur au transformateur ou à l'engraisseur, et le mouvement interprovincial est autorisé sans permis préalable de la CCB. C'est ce que prévoit l'alinéa 46(b) de la loi. L'article 23 du projet de loi C-72 abroge l'alinéa 46(b) qui autorisait le ministre à soustraire tout type, toute catégorie ou tout grade de blé, ou le blé produit dans telle région du Canada, à l'application de la présente partie, totalement ou partiellement, de façon générale ou pour une période déterminée.

Bien que la même formulation soit reprise dans l'article 22 du projet de loi, les paragraphes suivants limitent ce pouvoir par un certain nombre de restrictions, notamment en précisant que l'exclusion doit être recommandée par le conseil d'administration de la société et que le type de grain exclu doit pouvoir être identifié.

Comme il est impossible de distinguer et de séparer les provendes à destination nationale et celles destinées à l'exportation, la nouvelle loi ne donne peut-être pas au ministre le pouvoir de maintenir le marché national des provendes.

En outre, si l'exclusion est importante, et 65 p. 100 à 70 p. 100 de l'orge de provende consommée sur les Prairies représentent certainement une proportion importante, la loi exige que le changement soit soumis à un scrutin auprès des producteurs.

Autrement dit, les restrictions qu'impose le remplacement du paragraphe 46(b) équivalent selon nous à une nouvelle réglementation du marché national. Le ministre a affirmé aux producteurs qu'il n'avait pas l'intention de modifier le mécanisme des ventes nationales. Malheureusement, ses intentions n'ont aucun poids devant un tribunal, comme a pu l'apprendre le gouvernement lors de la brève expérience du marché mixte de l'orge en 1993. Seules comptent les paroles du Parlement, et elles sont reflétées dans les lois.

La solution à ce problème serait d'éliminer les restrictions imposées dans les nouvelles dispositions pertinentes et de revenir au libellé plus simple de l'alinéa 46(b).

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En conclusion, John Hyde, agriculteur de la troisième génération et ancien élu libéral, disait ceci lors d'une conférence sur la déréglementation:

La Loi sur la Commission canadienne du blé fait des agriculteurs des esclaves puisqu'elle leur enlève le droit de disposer comme ils l'entendent des fruits de leur labeur. Dans une société moderne, l'attitude paternaliste de ceux qui affirment: «Je sais ce qui est bon pour vous, faites ce que je vous dis», n'est plus de mise.

Il est clair que le projet de loi C-72 doit être repris de zéro. Dans sa nouvelle rédaction de la loi, le gouvernement doit rendre la Commission canadienne du blé volontaire, lui retirer son monopole, la privatiser et en confier la gestion aux agriculteurs, sans la participation du gouvernement, suivre les excellents conseils que lui donnait le Comité sur la commercialisation des grains de l'Ouest dans son rapport, et accorder aux producteurs de blé et d'orge les mêmes libertés et possibilités dont jouissent les autres producteurs au Canada.

Le président: Je vous remercie, monsieur McMorris, de votre exposé. Nous allons maintenant passer aux questions et commentaires des membres, en commençant avec M. Hermanson.

M. Elwin Hermanson (Kindersley - Lloydminster, Réf.): Merci, monsieur le président.

Bonjour, madame Jewison, bonjour messieurs. Je suis très content d'être en Alberta et d'avoir cette occasion d'entendre vos exposés.

Je crois comprendre, monsieur Wilson, que vous parlez au nom de 30 000 éleveurs de bovins. S'agit-il de la totalité des éleveurs de bovins en Alberta, ou y en a-t-il davantage?

M. Wilson: Quiconque a vendu des bovins en Alberta participe au système de contribution de l'Alberta Cattle Commission, et c'est ainsi que nous avons pu obtenir le chiffre d'environ 30 000.

M. Elwin Hermanson: Nous avons posé cette question à plusieurs groupes, hier à Saskatoon, nous avons reçu les représentants du Syndicat national des cultivateurs, qui nous ont dit qu'ils parlaient au nom de 10 000 personnes d'un bout à l'autre du pays. Dans d'autres cas, nous recevions des groupes et sous-groupes qui avaient seulement six ou 10 membres, ou peut-être une trentaine au maximum. Alors je suis content de savoir que vous représentez un secteur aussi important - en fait, sans doute le secteur agricole le plus important en Alberta.

Nous avons entendu des choses très intéressantes de certains témoins au cours des deux ou trois derniers jours. Tous ont critiqué le plébiscite organisé en Alberta. Certains l'ont assimilé au référendum tenu au Québec en sous-entendant que les agriculteurs de l'Alberta avaient été les victimes d'un sinistre complot. Différents agriculteurs et groupes nous ont dit que le marché de l'avoine s'est effondré quand la CCB a cessé de commercialiser ce produit, mais ce n'est pas ce qu'on nous a dit en Alberta.

Étant donné cette situation-là, en tant que député de la Saskatchewan, je dois dire que je suis vraiment consterné de voir que même en étant tournés vers l'exportation, nous n'insistons pas sur la valeur ajoutée. En fait, nous avons exporté 200 000 résidents de notre province vers l'Alberta, et cela m'inquiète beaucoup. J'ai l'impression que vous faites la promotion des produits à valeur ajoutée, et je pense que c'est là que sont allés les emplois que nous avons perdus. C'est très impressionnant.

Vous avez sans doute entendu dire que la Saskatchewan est totalement opposée à l'idée de mettre un terme au système de vente à comptoir unique de la Commission canadienne du blé. Le gouvernement de la Saskatchewan a fait un sondage auprès de 800 producteurs, et même si environ 80 p. 100 des producteurs appuyaient la Commission canadienne du blé - et je pense que le chiffre est assez élevé en Alberta également, en ce qui concerne les défenseurs de la CCB - sur ces 800 producteurs, 58 p. 100 ont dit que la participation au système de commercialisation de la Commission canadienne du blé devrait être facultative.

Le gouvernement provincial a plus ou moins réussi à empêcher que la nouvelle s'ébruite, mais j'ai moi-même une copie des résultats du sondage. Ils disent que la CCB détient un pouvoir de commercialisation important, mais ils ne sont pas sûrs que cette dernière arrive à leur obtenir les meilleurs prix possibles pour leurs céréales. Ce n'est peut-être pas le message que nous ont communiqué les différents groupes qui ont fait un exposé devant nous jusqu'à présent, mais c'est tout de même un fait.

En ce qui concerne l'étude de Sénéchal, j'ai hâte d'en prendre connaissance, parce qu'on nous a mis au défi, et moi-même j'ai mis d'autres groupes au défi de nous expliquer comment pourrait fonctionner un système de commercialisation à deux voies si la participation était facultative. Si vous avez de l'information à nous fournir à ce sujet, je serais très heureux d'en prendre connaissance. Vous nous rendrez là un bon service.

Monsieur Paszkowski, vous avez dit dans votre mémoire que ce projet de loi ne vaut rien et qu'il faut le retirer. Vu notre programme et la possibilité d'élections en juin - ce n'est pas une certitude, mais c'est une possibilité très réelle - nous n'aurons peut-être pas l'occasion d'adopter ce projet de loi, avec ses nombreux défauts, avant de pouvoir le corriger. En fait, nous allons peut-être rester pris avec le statu quo, c'est-à-dire avec tous les problèmes du passé qui vont continuer dans l'avenir.

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Il y a de grandes divisions dans la région des Prairies, pas simplement entre la Saskatchewan et l'Alberta, mais au sein même de votre province, de la mienne, et de la province de l'Alberta. Vous avez dit que si ce problème n'est pas réglé, et si le gouvernement n'est pas disposé à le régler, vous aimeriez qu'on incorpore dans ce projet de loi une disposition qui permettrait à l'Alberta de ne plus faire partie de la région désignée de la Commission canadienne du blé. J'ai laissé entrevoir la possibilité de proposer un tel amendement à la Chambre même, mais je n'ai jamais dit que c'était la meilleure solution. À ce moment-là, certains de vos agriculteurs qui veulent passer par la Commission canadienne du blé pour commercialiser leurs produits ne pourraient plus le faire. De même, les agriculteurs dans ma province et au Manitoba qui veulent se retirer du régime de la CCB et ne pas passer par cette dernière pour commercialiser leurs produits ne pourraient pas non plus le faire. Ils continueraient d'être visés par le régime de commercialisation à comptoir unique.

Pourriez-vous nous dire si vous envisagez sérieusement de revendiquer ce droit de retrait, étant donné que les avis sont partagés dans la région des Prairies et que ce projet de loi ne va peut-être pas être adopté?

M. Paszkowski: Je vous affirme que nous sommes très sérieux. À notre sens, quelle que soit l'intention du projet de loi, il faut que cette mesure améliore le sort du producteur. Il faut aussi se demander, en fin de compte, si la Commission est au service des agriculteurs, ou si les agriculteurs sont au service de la Commission. Si la Commission est au service des agriculteurs, l'ensemble de ses activités doivent tendre vers la maximisation des revenus des agriculteurs, de sorte que le rendement final ou la somme que touche le céréaliculteur soit plus importante qu'elle ne l'est en vertu du régime actuel.

À notre avis, ce serait possible si l'on apportait un certain nombre de changements d'ordre structurel au point de loi C-72. Mais en ce qui nous concerne, cet objectif sera irréalisable si l'on garde le libellé actuel.

En fin de compte, nous avons proposé un certain nombre de changements à apporter au projet de loi. Nous n'insistons même pas pour que cela se fasse immédiatement. Nous estimons au contraire qu'il pourrait y avoir une période de transition. J'ai même mentionné tout à l'heure que ces changements pourraient s'opérer progressivement.

À notre avis, les producteurs veulent avoir différentes possibilités. Ils veulent pouvoir choisir entre différentes formules de commercialisation, et on peut difficilement leur refuser cela dans une démocratie. De même, on peut difficilement nier qu'à l'heure actuelle, ils sont obligés de se conformer à un régime structuré pour commercialiser leurs produits.

Il nous faut donc mettre en place une structure et un régime qui vont permettre de maximiser les bénéfices du céréaliculteur. Seul un système concurrentiel et axé sur l'efficacité va nous permettre d'atteindre cet objectif. Tant que nous n'aurons pas un système axé sur l'efficacité, nous n'allons pas pouvoir garantir un rendement maximal au producteur. Que ce soit le cas d'après la valeur brute importe peu; ce qui compte finalement c'est le rendement net pour le producteur.

M. Elwin Hermanson: À la différence de la Loi actuelle, l'article du projet de loi précise que la nouvelle loi lie les provinces. À mon sens, lorsqu'une province manifeste son intérêt dans une mesure législative fédérale ou est visée par cette dernière, il est normal qu'il y ait des consultations complètes au préalable.

Quand le ministre de l'Agriculture du Manitoba a comparu devant le comité, je lui ai demandé s'il y avait eu des consultations avec les rédacteurs du projet de loi C-72 avant notre visite à Winnipeg. Il nous a indiqué qu'aucune consultation n'avait eu lieu.

Donc, je vous demande si vous, à titre de ministre de l'Agriculture de l'Alberta, avez eu des consultations complètes avec M. Goodale et ses collaborateurs concernant le contenu de ce projet de loi? S'il y a eu des consultations, il semble évident que vos vues n'ont pas été prises très au sérieux, étant donné les critiques que vous avez formulées au sujet du projet de loi.

M. Paszkowski: Nous avons saisi toutes les occasions possibles pour présenter notre point de vue et celui des producteurs de la province, et dans de nombreux cas, nous avons donné la priorité aux voeux des projecteurs de la province. Nous avons même organisé un plébiscite qui a pris la forme d'une longue série de tables rondes tenues dans l'ensemble de la province. Ce plébiscite devait nous permettre d'entendre les arguments des producteurs de la province. Et comme je vous l'ai déjà dit, 66 p. 100 des céréaliculteurs nous ont indiqué qu'ils voulaient avoir des choix. Eh bien, sous sa forme actuelle, ce projet de loi n'offre pas de choix.

Quant à l'article 2, le gouvernement ne nous a aucunement consultés. À notre avis, il est essentiel que ce projet de loi, dans sa forme définitive, offre un maximum d'avantages aux producteurs de cette province.

M. Elwin Hermanson: Alors, qu'allez-vous faire? On peut soutenir qu'aux termes du projet de loi, tel qu'il est actuellement libellé, vous n'avez pas le droit de vous retirer. Ce projet de loi vous lie. Quelle est l'étendue de vos pouvoirs en l'occurrence? Vous contentez-vous de demander au gouvernement fédéral de vous permettre de vous retirer, ou pensez-vous disposer d'outils ou de mécanismes qui vous permettront d'obtenir le retrait de l'Alberta du régime de la CCB, si jamais ce régime ne devient pas facultatif?

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M. Paszkowski: Il devient très difficile de faire partie d'un groupe si l'on ne tient pas compte de votre point de vue. Par conséquent, j'ai l'impression que ce groupe va tenir compte de la position de la majorité des céréalicultures de l'Alberta - bien que ce ne soit pas la position de tous. Nous sommes tout à fait conscient du fait que tous les Albertains ne se sont pas ralliés à notre position, mais la grande majorité des producteurs sont de notre avis, et dans une démocratie, c'est la majorité qui l'emporte.

Nous espérons donc que ce groupe exposera notre position au ministre et s'assurera que les modifications qui s'imposent soient apportées au projet de loi. Ce dernier devrait être modifié pour prévoir un droit de retrait.

Ce premier rapport nous a permis de démontrer de façon concluante qu'un système de mise en commun facultatif marche très bien, et peut coexister avec d'autres formules de commercialisation concurrentielles d'un produit ou d'un autre. S'il le fallait, nous pourrions nous-mêmes mettre en place un régime facultatif de mise en commun pour les céréalicultures de l'Alberta. Pour nous, ce ne serait pas la fin du monde si l'Alberta devait faire cavalier seul.

Je pense que nous serions à même d'assumer l'une des trois grandes fonctions de la Commission canadienne du blé s'il fallait le faire pour mettre en place un tel système. Comme on l'a vu, une de ces grandes fonctions, c'est la mise en commun. Donc, je pense que nous serions tout à fait en mesure d'établir un système facultatif de mise en commun pour la province de l'Alberta.

M. Elwin Hermanson: Avant de poser une question aux représentants des éleveurs de bovins, je voudrais vous dire une dernière chose, monsieur le ministre, à savoir que si l'Alberta se retirait et si l'on avait la possibilité de transporter les céréales d'une province à l'autre, vous pourriez peut-être créer un secteur à valeur ajoutée en prenant en charge les céréales du Manitoba et de la Saskatchewan. Autrement dit, l'Alberta pourrait prendre ces céréales et les commercialiser sur le marché libre au nom des producteurs qui ne voulaient pas passer par la CCB pour vendre leurs céréales. Cela compliquerait évidemment tout le processus.

Les représentants des éleveurs de bovins qui sont parmi nous nous ont fait part de leurs préoccupations concernant la possibilité que la Commission achète de l'orge au comptant, en raison de l'incidence importante que ces achats au comptant pourraient avoir sur les prix et l'approvisionnement. Vous n'avez pas vraiment dit, cependant, si vos préoccupations découlent uniquement du fait que la Commission a actuellement le monopole de l'exportation de l'orge.

Si la Commission avait effectivement ce pouvoir, mais le processus d'établissement des prix était peut-être plus transparent, du fait de l'existence d'un système de commercialisation à deux voies, auriez-vous les mêmes préoccupations? Autrement dit, si la Commission n'était qu'un vendeur parmi d'autre, cherchant à vendre l'orge destinée à l'exportation, craindriez-vous autant qu'elle puisse influencer l'approvisionnement et les prix si elle avait la possibilité d'opter pour des achats au comptant, ou est-ce sans rapport avec la question? La Commission est-elle un intervenant à ce point important que dans le contexte d'un régime facultatif, elle pourrait, si elle avait cette possibilité, complètement fausser le marché?

M. Wilson: À notre avis, dans l'éventualité d'un système de commercialisation à deux voies, il n'y aurait pas de problème. Cela marcherait très bien.

M. Elwin Hermanson: La position de la Western Stock Growers' Association est-elle la même?

M. Foat: À mon avis, si la Commission canadienne du blé va pouvoir intervenir pour faire des achats d'orge au comptant sur le marché, les producteurs devraient également pouvoir acheter au comptant les stocks de la CCB.

M. Elwin Hermanson: Nous reste-t-il une minute ou deux? Je vais les accorder à M. Benoit.

Le président: Bienvenu, monsieur Benoit.

M. Leon E. Benoit (Végréville, Réf.): Merci, Lyle.

Bonjour, mesdames et messieurs. J'ai une brève question à vous poser.

Je voudrais parler spécifiquement du projet de loi. D'après mes observations, dans un certain nombre de domaines, le projet de loi ne prévoit pas du tout ce qu'il est censé prévoir, d'après les explications du ministre de l'Agriculture. Par exemple, le projet de loi n'exige aucunement que la majorité des administrateurs soient élus. Il dit qu'ils peuvent être élus.

Ce que j'ai trouvé très préoccupant, lorsque je demandais justement des éclaircissements à ce sujet à M. Migie, le sous- ministre responsable du projet de loi, c'est qu'il m'a dit qu'il s'agissait d'une simple mesure habilitante. Je suppose qu'il voulait dire par là qu'elle n'exige pas que la majorité des administrateurs soient élus.

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Je trouve cela très préoccupant. Il me semble qu'il aurait été assez simple de prévoir dans le projet de loi que la majorité des administrateurs soient élus tout en laissant une certaine marge de manoeuvre pour ce qui est du nombre précis.

Quand vous examinez le projet de loi dans l'optique de la responsabilité, vous constatez, bien entendu, que le président du conseil d'administration est élu, les administrateurs sont élus, et le premier dirigeant est élu. Or, toutes les décisions du conseil, même si l'on prévoit que la majorité des administrateurs seront élus, devront être examinées par un organe gouvernemental, tel que la Commission canadienne des grains. Autrement dit, le ministre a le pouvoir de limoger tout administrateur, qu'il soit nommé ou élu, sans justification. Il y a tous ces différents éléments. Donc, même si l'on prétend que l'intention est de faire en sorte que la Commission canadienne du blé soit tenue de rendre davantage compte de ses actes, en réalité, cette intention n'est pas concrétisée dans les dispositions du projet de loi.

Je pourrais continuer, parce qu'il y a également d'autres changements.

Le président: Mais nous manquons de temps.

M. Leon E. Benoit: Oui, je le sais, Lyle, c'est justement pour cela que j'essaie de finir.

Le président: Si vous voulez que les témoins vous répondent, vous devriez leur donner l'occasion de le faire assez rapidement.

M. Leon E. Benoit: J'aimerais connaître vos réactions au projet de loi, notamment au sujet de ce qui s'y trouve et de ce qui ne s'y trouve pas, d'après votre propre examen des dispositions, surtout à la lumière des affirmations du ministre de l'Agriculture. Bien sûr, ce qu'affirme le ministre de l'Agriculture cadre très peu avec les recommandations du groupe.

M. McMorris: Je voudrais justement réagir. L'opinion des agriculteurs ne va certainement pas être très présente au sein de la Commission, et je dois vous dire que cela nous inquiète beaucoup. Le ministre a affirmé que pendant la période de transition, on pourrait passer progressivement à un système d'élections, de sorte que le conseil soit élu d'ici l'année 1998, mais ce n'est pas non plus garanti.

Je devrais peut-être vous indiquer, à titre d'information, que je suis céréaliculteur et membre de la Western Stock Growers' Association, mais que ma principale source de revenu est la vente de céréales destinées à l'exportation, et je ne voudrais donc pas perdre tout influence. Nous n'en avions pas énormément auparavant, mais la formule proposée va tout à fait dans l'autre sens. Elle aurait pour résultat de centraliser les pouvoirs et d'implanter de façon encore plus définitive une formule monopolistique dont nous devrions nous éloigner de plus en plus, à mon avis.

Le président: John, vous voulez-vous faire un bref commentaire?

M. Prentice: Sur la question de la gestion publique, ce que nous trouvons préoccupant, c'est qu'à l'heure actuelle, les commissaires de la CCB sont nommés et qu'ils sont régis par un mandat assez général qui consiste à veiller au bien public. Si les agriculteurs élisent la majorité des administrateurs, conformément à la proposition, ces personnes seront responsables devant les agriculteurs. Il est vrai, comme le disait M. Migie, qu'ils devront néanmoins remplir le mandat général qui leur a été confié par le gouvernement, et je pense qu'ils sont d'abord et avant tout responsables devant les personnes qui les ont élus. À mon avis, le ministre ne va pas les limoger simplement parce qu'ils essaient d'obtenir le meilleur prix possible pour les céréales.

Le problème, c'est que vous avez changé le régime de gestion et la nature du mandat de la CCB, et nous sommes tous au courant des problèmes mis en lumière par la Commission en ce qui concerne l'accès à des céréales pouvant être exportées. Avec un système de mise en commun, quand les prix sont à la hausse, on ne peut pas accéder aux céréales, parce que personne ne veut vendre. Alors vous proposez de donner à la CCB le pouvoir de contourner le système de mise en commun et de faire augmenter le prix du jour au lendemain - vous leur donnez même un autre mécanisme pour accéder aux céréales sur le marché au comptant. Cela va modifier toute la dynamique de l'offre et de la demande tout en augmentant le prix; d'ailleurs, la CCB pourra recourir à son fonds de réserve à cette fin. Qui peut nous garantir que la vengeance ne sera jamais un facteur et qu'ils ne vont pas le faire simplement pour faire monter le prix?

N'oublions pas que notre prix est très souvent supérieur au prix des céréales sur le marché américain ou d'autres marchés équivalents qui sont nos rivaux, et qu'il arrive fréquemment aussi qu'ils soient inférieurs. Si vous allez faire en sorte que le prix augmente alors que le nôtre est inférieur, sans pour autant le faire baisser quand le nôtre est supérieur, en nous permettant d'accéder aux stocks de la Commission canadienne du blé, cela ne va pas marcher non plus.

Notre secteur d'activité englobe tout le continent et il nous faut assurer la libre circulation de toutes les matières premières, les céréales fourragères, et les grains, comme c'est le cas actuellement.

Le président: Merci, monsieur Prentice.

.1135

Avant de donner la parole à M. Easter, je voudrais demander un éclaircissement à M. Wilson, de l'Alberta Cattle Commission. Vous avez dit qu'il existe un système de contribution pour les éleveurs de bovins qui vendent leurs bovins en Alberta?

M. Wilson: C'est exact.

Le président: S'agit-il d'une contribution facultative ou obligatoire?

M. Wilson: C'est une contribution obligatoire, mais les résultats d'un plébiscite que nous avons organisé indiquent que la majorité des producteurs sont en faveur de ce système.

Le président: Très bien. Merci.

Monsieur Easter, vous avez la parole.

M. Wayne Easter (Malpèque, Lib.): Merci, monsieur le président. En fait, j'allais poser exactement la même question. Je me demandais si la contribution était facultative ou non. Je présume, donc, que tout cela est prévu dans la loi provinciale.

M. Wilson: Oui, effectivement.

M. Wayne Easter: Merci.

Je voudrais revenir sur le point soulevé par M. Hermanson quand il interrogeait le ministre au sujet du plébiscite. Essentiellement, les producteurs ont indiqué qu'ils voulaient avoir le choix, mais je sais que certains ont critiqué ce que vous avez fait dans votre sondage sur l'orge. Des gens en Alberta et ailleurs vous auraient reproché, dans le cadre de votre plébiscite, d'avoir donné l'impression aux gens qu'ils pouvaient avoir le beurre et l'argent du beurre; autrement dit, qu'il était possible de conserver la formule de vente à comptoir unique et de créer un régime à double circuit de commercialisation, alors que ces deux formules ne peuvent pas coexister. Il semble que vous n'ayez pas très bien expliqué les conséquences de l'éventuelle création d'un système à deux voies. Comment réagissez-vous à cette critique?

M. Paszkowski: Je ne suis pas du tout d'accord. Les agriculteurs de l'Alberta sont assez intelligents pour comprendre les différentes options. Je pense que les producteurs albertains avaient très bien compris ces options, et je suis surpris d'apprendre que certains laissent entendre que les producteurs albertains ne comprennent pas bien les conséquences de différentes structures de commercialisation. En fait, les producteurs albertains sont plus avancés que partout ailleurs pour ce qui est de bien comprendre les marchés et les possibilités commerciales, et c'est justement pour cela qu'ils revendiquent le droit d'exploiter ces possibilités.

Donc, à mon avis, cette critique n'est pas légitime. Les gens comprenaient très bien les différentes options et l'intention du plébiscite.

M. Wayne Easter: Tous les témoins que nous avons reçus dans le cadre de nos audiences ont été vraiment intéressants parce qu'ils nous ont permis de recueillir une vaste gamme d'opinions différentes. Il est vrai que la plupart des témoins que nous avons reçus ce matin se sont dits préoccupés par certains aspects du projet de loi, et notamment la disposition qui autoriserait les achats au comptant.

Un certain Schmitz a mené une étude sur la Commission canadienne du blé et la commercialisation de l'orge. Pour les auteurs de l'étude - et des études faites par les partisans et non partisans ont tiré les mêmes conclusions - leur étude démontre clairement que dans le cas de l'orge, le système de commercialisation à comptoir unique assure un meilleur revenu aux agriculteurs de l'ouest du Canada que s'il y avait de multiples vendeurs, étant donné que la Commission canadienne du blé peut exercer un certain contrôle sur le marché au nom des agriculteurs de l'Ouest.

Ça c'est l'avis d'un vendeur d'orge. Vous dites que vous êtes contre les achats au comptant, mais est-ce que vous vous y opposez à titre de vendeur d'orge, d'acheteur d'orge, ou des deux? Et si je peux poser une question directement aux éleveurs de bovins... Je présume que vous craignez que le fait d'autoriser les achats au comptant par la CCB pourrait avoir des effets catastrophiques sur votre approvisionnement ou votre prix. Je vous demanderais donc de réagir à ces quelques points que je viens de soulever.

M. Paszkowski: D'abord, vous avez évoqué une étude très intéressante, car deux années auparavant, cette même personne a mené une étude qui indiquait qu'en effet, le prix intérieur de l'orge était supérieur au prix qu'on pouvait obtenir sur le marché d'exportation. Donc, les deux études qu'il a menées, à deux années d'intervalle, ont débouché sur des conclusions tout à fait différentes.

L'agriculteur n'est pas en mesure de gérer ses liquidités, et cela fait partie du... s'il ne sait pas quelle va être la date limite pour la CCB, il ne sait pas non plus ce que cette dernière va faire. Donc, en fin de compte, l'agriculteur doit absolument avoir une idée claire de la structure du processus décisionnel de la CCB et des conséquences de ses politiques pour lui, s'il veut pouvoir gérer ses opérations au jour le jour. Autrement, cela crée des problèmes.

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L'autre point que je voulais soulever, c'est que tant que nous n'aurons pas d'autres options et que nous devrons passer par ce comptoir unique, ce régime va continuer de concurrencer directement les sociétés céréalières. Autrement dit, nous favorisons une forme de concurrence interne où l'un des concurrents est en position de force. Ce genre de concurrence pourrait marcher dans le cadre d'un système de commercialisation obligatoire si les gens avaient le choix d'y participer ou non. Mais dans les conditions actuelles, on ne peut pas permettre qu'un régime obligatoire impose certaines politiques aux participants, si ces politiques ont des conséquences sérieuses pour les sociétés céréalières.

M. Wayne Easter: Et les autres témoins... John?

M. Prentice: J'ai lu le mémoire de la Commission canadienne du blé, et cette dernière justifiait les achats au comptant en disant qu'ils permettraient d'accroître les disponibilités des agriculteurs. Mais le fait est que c'est déjà possible sur le marché libre.

L'autre argument qu'elle a avancé concernait la possibilité d'offrir aux agriculteurs plus d'options en matière de prix. Mais cela se fait déjà. Nous avons la bourse de marchandises de Winnipeg. Toutes sortes de contrats de base sont signés avec les sociétés céréalières et des parcs d'engraissement, etc., au moment de l'ensemencement. La Commission canadienne du blé dispose déjà des outils dont elle a besoin pour assurer la stabilité requise pour desservir les clients des marchés intérieur et d'exportation, et quelqu'un a déjà fait cette remarque en parlant tout à l'heure de périodes où le prix est à la hausse. Si l'on peut éliminer la mise en commun, on peut se débarrasser de tous les vieux stocks de façon à faire appliquer le nouveau prix immédiatement.

Donc, je ne peux conclure de tout cela que si la CCB souhaite avoir plus de pouvoir, c'est parce qu'elle veut exercer un maximum de contrôle. Je vous ai déjà expliqué les incidences du retrait des approvisionnements du marché intérieur pour la dynamique de l'offre et de la demande. Cela fait monter le prix. Nous allons donc en fait exporter des emplois.

Tout à l'heure, Elwin a soulevé la question de l'éventuel retrait de l'Alberta du régime actuel et se demandait si cette province ne deviendrait pas à ce moment-là un point de transit pour l'acheminement des céréales de la Saskatchewan et du Manitoba vers les États-Unis. Eh bien, cela se fait déjà. L'Alberta achète de grandes quantités de céréales à la Saskatchewan et sans doute au Manitoba également, et les exporte sous forme de bovins et de porcs, et bientôt, ce sera sous forme d'additifs pour l'essence, etc. Tout tourne autour de la question du contrôle.

Je pense qu'il faut aussi mettre tous ces éléments dans le bon contexte. Pendant la campagne agricole de 1995-1996 aux États-Unis, l'ensemencement s'est fait tardivement. Ils ont également connu une période de sécheresse et une gelée hâtive. Leurs récoltes ont été attaquées par la tache fusarienne grise et la pyralide du maïs. Ils ont eu toutes sortes de problèmes. Ils transportaient leur maïs par péniche sur le Mississippi, et ils utilisaient 300 millions de boisseaux de blé comme fourrage.

Nous n'avons pas fait cela, et c'est grâce à la Commission canadienne du blé. En novembre, la Commission canadienne du blé a fait sa planification de concert avec les agriculteurs. Elle leur a dit: vous aurez 4,43 $ net le boisseau à Lacombe, mais sur le marché libre, le prix est de 3,35 $ seulement.

Mais ils n'ont pas tenu compte du fait que notre prix était supérieur au prix américain de 55 ¢. Ils auraient pu expédier toutes ces céréales et nous nous serions retrouvés dans la même situation que les États-Unis, c'est-à-dire avec du maïs à 5,50 $. Je ne sais pas pourquoi la Commission canadienne du blé ne les a pas exportés. Ce qui met les agriculteurs en rogne, c'est de voir que le prix du maïs est de 5,50 $, alors que celui de l'orge s'élève à 3,50 $, et que nous ne pouvons pas l'exporter.

Et voilà justement l'un des éléments du mandat de la Commission canadienne du blé, telle qu'elle existe actuellement: veiller au bien public; c'est-à-dire un engagement d'honneur vis-à- vis des États-Unis pour ne desservir que certains secteurs du marché du Nord-Ouest. De plus, elle applique une politique nationale en matière de céréales fourragères, ce qui veut dire l'expédition de 2 millions de tonnes de céréales, et si tout cela devait disparaître, cela me ferait très très peur.

Pour en revenir aux achats au comptant, Wayne, en ce qui nous concerne, c'est utiliser un bazooka pour tuer une mouche. Les autres outils suffisent amplement. La CCB n'a pas besoin de cet outil supplémentaire.

M. Wayne Easter: Est-ce que d'autres témoins voudraient répondre?

M. Foat: Je vais vous dire que ce serait un grave handicap pour les éleveurs de bovins sur le marché libre, si une organisation de commercialisation à comptoir unique ou plutôt une entreprise monopolistique dotée d'un fonds de réserve pouvait faire des achats au comptant. Les règles ne sont pas les mêmes pour les entreprises de céréales fourragères.

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M. Wayne Easter: Dans l'exposé du ministre - c'est à la page 3, monsieur le ministre, au deuxième paragraphe - vous dites qu'aux termes du projet de loi C-72, les agriculteurs portent tout le fardeau du risque financier, mis à part les risques associés à la garantie des acomptes à la livraison.

Je dois vous demander de m'expliquer cela. Je ne vois pas les choses de la même façon que vous.

À l'heure actuelle, il existe trois garanties. C'est soit dans votre mémoire, soit dans l'un des autres, qu'on fait remarquer que deux de ces trois garanties pourraient être assurées de façon différente. Il y a la garantie des acomptes à la livraison, la garantie du crédit à l'exportation, et la garantie concernant les emprunts.

Si nous avons prévu la création d'un fonds de réserve dans le projet de loi, c'est à cause du rajustement des acomptes à la livraison, c'est-à-dire qu'en théorie, la Commission canadienne du blé devrait être en mesure de réagir plus rapidement aux changements qui surviennent, et donc rajuster plus rapidement le prix initial. L'autre raison pour laquelle on veut créer ce fonds de réserve, c'est pour pouvoir couvrir les risques associés aux achats au comptant.

Il faut bien comprendre aussi que le rapport de la Commission canadienne du blé, si je ne m'abuse, fait état d'intérêts créditeurs pour l'an dernier de l'ordre de 61 millions de dollars, ce qui représente un rendement substantiel qui aide la CCB mais qui revient aux producteurs.

La question que je voudrais vous poser est donc la suivante: Est-ce qu'un compromis possible pourrait être de retirer à la CCB le pouvoir de faire des achats au comptant et d'éliminer en même temps le fonds de réserve?

M. Paszkowski: Je voudrais tout d'abord préciser une chose: aux termes du projet de loi C-72, le fonds de réserve sera payé par les agriculteurs. Ce sont eux qui vont devoir verser cet argent.

M. Wayne Easter: Oui.

M. Paszkowski: Par conséquent, nous allons, encore une fois, exposer les agriculteurs à des risques accrus. Je voudrais d'ailleurs vous remercier d'avoir soulevé ce point, parce que nous insistons bien, tout au long de notre mémoire, sur le fait que le projet de loi C-72 ne fait qu'exposer les agriculteurs à plus de risques. Voilà ce qui va en résulter. Les producteurs devront assumer plus de risques. Voilà justement ce qui nous inquiète, parce que nous voulons nous assurer que les producteurs pourront continuer leurs activités. Mais pour cela, il leur faut une certaine marge de manoeuvre.

Dans ces conditions-là, ils n'auront pas cette marge de manoeuvre, mais ils devront malgré tout assumer des risques plus importants. Nous allons finir par tout simplement écraser les producteurs à moins de leur donner une certaine souplesse, et d'établir un régime axé sur l'efficacité qui prévoit un réel partage des risques. Pour cela, il faut de la concurrence. La concurrence est la clé de l'efficacité. Autrement, avec le projet de loi C-72, nous allons finir par écraser l'agriculteur à force de lui imposer de plus en plus de risques. Voilà justement la raison pour laquelle ce projet de loi m'inquiète. Il comporte un défaut grave. Nous recommandons donc de repartir de zéro et de rédiger un nouveau projet de loi.

M. Wayne Easter: Ce que je trouve intéressant, c'est que bon nombre de ceux qui défendent depuis toujours la Commission canadienne du blé sont contre les achats au comptant. Ces gens-là, de même que d'autres qui ne sont pas de vrais partisans de la CCB, semblent s'opposer aux achats au comptant. Mais si le fonds de réserve est prévu, c'est justement pour pouvoir couvrir les risques associés aux achats au comptant.

Donc, si l'on décidait d'éliminer ces deux éléments, changeriez-vous d'avis au sujet de ce projet de loi, ou jugeriez- vous toujours qu'il faut repartir de zéro?

M. Paszkowski: Je pense qu'il faut absolument repartir de zéro. À mon sens, il faut absolument mettre en place un régime qui tend à accroître l'efficacité et la transparence.

Toutefois, le projet de loi, tel qu'il est actuellement libellé, ne comporte ni l'un ni l'autre de ces deux éléments. Un autre élément qui est tout aussi important est le partage des risques. Il faut incorporer cet élément dans notre système, et ce, à chacune des étapes. Sinon, nous allons finir par perdre le plus important maillon de la chaîne, c'est-à-dire le producteur primaire.

.1150

M. Wayne Easter: John, voulez-vous...

M. Prentice: Dans l'industrie bovine, on semble partir du principe, à ma grande consternation, que les céréales sont importantes pour les céréaliculteurs. Or, les céréales fourragères sont la clé de voûte de notre industrie, et nous devons défendre nos intérêts. C'est nous qui sommes les plus grands utilisateurs. Par conséquent, retirer l'article autorisant la CCB à faire des achats au comptant le rendrait beaucoup plus acceptable en ce qui nous concerne.

Je me demande si elle ne finirait pas par être un organisme fantoche, dans le scénario que vous proposez, Wayne.

M. Easter: Non, je ne crois pas. Je pense que beaucoup de gens estiment que ça donnerait à la CCB une plus grande marge de manoeuvre.

Ma dernière question - et nous allons voir s'il nous reste un peu de temps pour Glen - concerne l'avoine. L'un des messieurs assis de l'autre côté - je pense que c'est M. McMorris - a mentionné que la production d'avoine a augmenté. Avez-vous des chiffres précis à ce sujet? Selon d'autres témoins que nous avons déjà reçus - et nous allons voir si nous pouvons tirer les choses au clair une fois pour toutes - lorsque l'avoine a cessé d'être du ressort de la CCB, le résultat fut catastrophique. Le prix a chuté. Je ne me rappelle pas au juste des chiffres qu'on nous a cités. Mais le prix a chuté et il en est résulté des pertes nettes pour les agriculteurs. Êtes-vous en mesure de nous donner des éclaircissements à ce sujet?

M. McMorris: Tout ce que je peux vous dire, c'est que nous avons obtenu nos chiffres de Statistique Canada. J'ai le document ici, et c'était cela notre source.

M. Wayne Easter: Murray vient de me passer les chiffres. On nous a dit que le prix est passé de 2,95 $ le boisseau à 1,75 $.

Une voix: C'était au Canada ou...?

M. Wayne Easter: Je ne sais pas. Walter, si vous pouviez nous confirmer les chiffres...

M. Paszkowski: Oui, Wayne. Si vous regardez la page 4 de l'annexe I de notre rapport, vous allez voir qu'il y est question d'avoine.

M. McMorris: Nous ne parlons pas du prix; nous parlons de la production.

M. Paszkowski: Nous parlons du prix et de la production.

M. Wayne Easter: Très bien.

Le président: C'est dans les annexes, monsieur le ministre.

M. Paszkowski: Oui, à la page 4 de l'annexe I.

Le président: Très bien. Les membres du comité pourront examiner eux-mêmes les chiffres.

Glen McKinnon.

M. Glen McKinnon (Brandon - Souris, Lib.): Combien de temps reste-t-il?

Le président: Vous avez assez de temps pour poser une question, et s'il le faut, on reviendra à vous tout à l'heure. Quand vous aurez fini, je donnerais la parole à Cliff.

M. Glen McKinnon: Je vais donc laisser passer mon tour cette fois-ci; j'interviendrai au deuxième tour, monsieur le président.

M. Wayne Easter: Je ne lui aurais jamais cédé mon temps de parole si j'avais su.

Le président: Bienvenue, monsieur Breitkreuz.

M. Cliff Breitkreuz (Yellowhead, Réf.): Merci, monsieur le président.

Glen, votre générosité me touche beaucoup.

M. Glen McKinnon: Quand je commence, j'aime bien avoir beaucoup de temps.

Le président: C'est vrai qu'il est particulièrement généreux ce matin.

M. Cliff Breitkreuz: Bonjour, mesdames et messieurs.

Merci et félicitations pour la qualité de vos exposés.

Monsieur le ministre, je tiens à vous féliciter pour votre réélection. Le nombre de députés ministériels a considérablement augmenté, bien entendu, et nous espérons qu'après les prochaines élections fédérales, notre représentation dans la province va également augmenter considérablement. En fait, une augmentation minime suffirait.

Le président: Et si on parlait du projet de loi C-72?

M. Cliff Breitkreuz: Absolument, monsieur le président. J'y arrive.

Je suis d'accord avec vous, monsieur Paswkowski, pour dire que le projet de loi C-72 est un mauvais projet de loi. Il a pour effet de mettre plus de pouvoir entre les mains du ministre et du conseil, alors qu'il ne comporte aucune disposition visant à modifier la formule de commercialisation à comptoir unique qu'applique actuellement la Commission canadienne du blé.

Voilà quelques années que l'Alberta est au premier rang national pour l'élevage du boeuf et la production d'orge. L'un complète l'autre. Vu le rôle prépondérant que joue l'élevage du boeuf et la production d'orge dans le secteur agricole dans cette province, je trouve intéressant qu'on permette l'exportation du boeuf, mais que les producteurs d'orge n'aient pas ce droit en vertu ni de la Loi actuelle, ni du projet de loi. Le projet de loi ne fait que perpétuer la situation actuelle.

.1155

Le gouvernement contrôle le gouvernement depuis longtemps, et le projet de loi C-72 ne fait que perpétuer le pouvoir absolu de la CCB sur les producteurs. Nous avons besoin de choix dans cette province, pas d'organisations qui nous étouffent complètement, monsieur le président. Nous avons besoin de choix pour la commercialisation de nos céréales, et ça, c'est peut-être une possibilité.

Monsieur Paszkowski, y a-t-il d'autres possibilités qui vous intéressent, à part celles qu'a mentionnées mon collègue? Peut-être une structure semblable à celle de la Commission ontarienne de commercialisation du blé? L'Alberta a été un chef de file dans de nombreux secteurs au Canada, et je pense que nous pouvons l'être également dans ce secteur-là.

M. Paszkowski: Merci. Je dois vous dire, tout d'abord, que la générosité que j'observe autour de cette table m'impressionne beaucoup. Il ne m'arrive pas souvent de voir cela autour des tables que...

Le président: Monsieur le ministre, nous sommes de la majorité.

M. Paszkowski: Je dois néanmoins vous féliciter pour la générosité qui semble caractériser ce groupe. C'est certainement à cause du climat de l'Alberta.

Nous examinons toutes les possibilités, et j'en ai décrit quelques-unes dans mon exposé, qui pourraient constituer des étapes intermédiaires. Nous pourrions peut-être passer progressivement à un système où la CCB achèterait à l'embarquement, plutôt qu'à l'intérieur du pays. À mon sens, ce serait un premier changement fort positif, qui nous permettrait d'ajouter de la valeur aux produits sans faire l'objet d'ingérence de la part d'un organisme de réglementation. Autrement dit, la concurrence serait autorisée jusqu'à l'embarquement, et encore une fois, cela me semble être un premier changement très valable à apporter au système.

Comme vous le savez, nous sommes en train de contester devant les tribunaux certaines restrictions que nous impose la Loi actuelle sur la Commission canadienne du blé car, pour nous, il est important d'offrir des choix aux producteurs.

Chose intéressante, ce sont les deux seuls produits agricoles dans tout le Canada qui font l'objet de restrictions. Mon opinion personnelle - et j'aimerais bien que les membres du comité me donnent leur avis sur les raisons pour lesquelles nous aurions décidé de choisir deux produits, dans toute la gamme de produits agricoles que nous avons au Canada, et d'y appliquer des restrictions pour qu'ils puissent être commercialisés d'une seule manière. En ce qui me concerne, cela n'a pas de sens, et il est clair que les producteurs de l'Alberta sont du même avis. Cette opinion est clairement ressortie de nos consultations.

Quant à la possibilité d'offrir des choix aux producteurs, en ce qui nous concerne, c'est absolument critique. Pour nous un système qui se veut vraiment efficace doit nécessairement reposer sur la concurrence. Nous allons continuer de rechercher une structure qui va effectivement favoriser la concurrence et l'efficacité. Avec la structure qui est actuellement en place, tout coût supplémentaire que génère le régime est répercuté sur l'agriculteur. Ce n'est pas normal, et ce n'est pas juste, et il faut absolument changer cela. Ce serait donc une bonne première démarche qui permettrait de lancer le processus de changement.

M. Wayne Easter: Je voudrais simplement mentionner, à titre d'information, monsieur le président, que ce n'est pas limité à deux produits. Cela vise également les produits laitiers, la volaille, les oeufs et la dinde. En ce qui nous concerne, c'est la commercialisation, par opposition à la vente.

M. Paszkowski: Non, pas vraiment. Dans le cas des produits laitiers et de la volaille, on est en train d'élaborer des solutions de rechange, pour permettre aux producteurs de vendre sur les marchés d'exportation de même que sur le marché intérieur. Alors tout ce système est en train de s'effondrer. Nous avons déjà prévenu les responsables des différentes industries de commencer dès maintenant à se préparer à des changements qui vont certainement venir de la prochaine ronde des négociations du GATT, parce que tout le monde sait que des changements arrivent. Nous sommes maintenant dans un marché mondial. Ce que produisent les agriculteurs canadiens n'est pas destiné uniquement au marché intérieur, et prévoir une structure qui ne convient qu'au marché intérieur ne va pas nous permettre de réaliser nos objectifs à long terme. En fin de compte, nous devons bien nous rendre compte que notre point fort au Canada est la production de produits de qualité qui sont recherchés dans le monde entier.

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M. Cliff Breitkreuz: Merci, monsieur le président. Je n'ai peut-être pas l'habitude de faire ce genre de remarque, mais je dois avouer que je trouve rafraîchissant d'entendre les exposés qu'on nous fait ici - je suis arrivé d'Ottawa il y a une semaine - par rapport à ce qu'on entend là-bas.

Je constate avec intérêt que ces deux produits ne font l'objet de restrictions que dans une région du pays, c'est-à-dire les Prairies. Voilà, c'est tout, monsieur le président.

Le président: Monsieur McKinnon.

M. Glen McKinnon: J'aimerais demander à M. Paszkowski comment il conçoit les rapports entre la Commission ontarienne de commercialisation du blé et la Commission canadienne du blé. Êtes- vous en mesure de nous renseigner à ce sujet?

M. Paszkowski: Évidemment, il s'agit de deux modes de fonctionnement différents. Je trouve assez intéressant, comme le disait M. Breitkreuz, de constater que nous avons effectivement deux façons différentes de commercialiser ces produits au Canada.

À notre avis, il faut reformuler complètement le projet de loi C-72 de façon à répondre aux besoins des agriculteurs de l'ouest du Canada. Quant à savoir si l'intention serait d'éventuellement incorporer la Commission de commercialisation ontarienne, je ne suis pas en mesure de me prononcer sur cette possibilité. Mais je voudrais bien voir adopter une loi qui réponde spécifiquement aux besoins des céréaliculteurs de l'ouest du Canada.

M. Glen McKinnon: Je viens d'indiquer que d'après ce qu'on m'a dit, la Commission ontarienne est visée par une réglementation semblable à celle de la Commission canadienne du blé en matière d'exportation.

M. Paszkowski: Dans l'ouest du Canada, bien entendu, nous sommes régis par la Commission canadienne du blé, alors qu'en Ontario, c'est la Commission ontarienne de commercialisation du blé. Le conseil d'administration de cette dernière est élu, et non pas nommé.

M. Glen McKinnon: Oui. Pour ce qui est des exportations...

M. Paszkowski: Oui. Il y a un certain nombre de différences fondamentales.

M. Glenn McKinnon: Oui. Revenons sur la question de la gestion. Cette question s'adresse à vous tous. Comparativement à la situation actuelle, où nous avons un comité consultatif, avec des commissaires qui dirigent l'organisation, le projet de loi C-72 assure tout de même une certaine représentation des agriculteurs... Peut-être que la représentation que prévoient les propositions actuelles ne semble pas suffisante à certains.

Ma question est donc celle-ci: S'agit-il d'un pas dans la bonne direction, d'après vous? Et si jamais nous étions appelés à voter sur le projet de loi C-72, que pensez-vous de l'idée de faire nommer le premier dirigeant par le gouvernement, et le président par le conseil d'administration, en termes de positionnement? Là je parle de la structure du conseil d'administration proprement dit. J'aimerais bien savoir ce que vous en pensez.

M. Paszkowski: Voulez-vous que je commence?

M. Glen McKinnon: Oui, bien sûr; n'importe lequel des témoins.

M. Paszkowski: Je peux difficilement accepter que le premier dirigeant soit nommé. Si cette personne doit être nommée, il faudrait qu'elle le soit par le conseil d'administration; à mon sens, c'est le conseil qui doit absolument nommer le premier dirigeant. Pour moi, l'élément clé...

M. Glen McKinnon: Me permettez-vous de vous interrompre? Voulez-vous dire qu'on choisirait cette personne parmi les administrateurs, ou pourrait-il s'agir de n'importe qui?

M. Paszkowski: Il ne devrait pas s'agir nécessairement d'un administrateur, parce qu'en ce qui me concerne c'est le conseil d'administration qui devrait avoir la responsabilité de nommer le premier dirigeant. Notre secteur d'activité représente quelque 6 milliards de dollars. Il nous faut absolument nous assurer qu'il est géré par des gens compétents et que l'organisme à qui l'on confie sa gestion a des comptes à rendre aux producteurs également.

Mais il va sans dire qu'il faut absolument faire appel aux personnes les plus compétentes possible. Je pense que si le conseil d'administration espère pouvoir travailler en étroite collaboration avec le premier dirigeant, il devrait avoir la responsabilité de nommer ce dernier.

M. Glen McKinnon: Est-ce que quelqu'un d'autre voudrait intervenir?

M. Wilson: Notre organisation aurait du mal à accepter ce nouveau régime d'administrateurs si ces derniers avaient comme priorité l'exportation des céréales. Nous craignons qu'ils ne tiennent pas compte des besoins d'autres secteurs industriels qui essaient de favoriser l'implantation d'entreprises de transformation à valeur ajoutée au Canada.

M. Glen McKinnon: Pourriez-vous m'expliquer un peu plus ce que vous voulez dire par là, monsieur Wilson? Pourquoi avez-vous cette impression-là? Songez-vous à des cas ou à des scénarios particuliers?

M. Wilson: Eh bien, je songe à un scénario où la Commission pourrait contrôler l'achat hors commission de céréales destinées à l'exportation. Cela pourrait vraiment nuire au secteur de l'affouragement, qui progresse très rapidement en Alberta. Si l'intention du conseil était simplement d'obtenir le meilleur prix de temps à autre et d'exporter des céréales, disons que nous trouverions cela préoccupant.

M. Paszkowski: Si vous me permettez, je voudrais apporter certaines précisions au sujet de ma proposition. Nous partons du principe qu'il y aura des choix, c'est-à-dire que la Commission ne détiendra pas de monopole.

.1205

M. Glenn McKinnon: Ah, bon.

M. Foat: Le mécontentement des agriculteurs vis-à-vis de la Commission canadienne du blé tient en bonne partie au fait que celle-ci n'est pas suffisamment responsable envers eux. Mais comment faut-il définir ce terme «responsable»? S'agit-il d'être responsable devant le gouvernement fédéral ou devant les producteurs? À mon sens, cette obligation d'être responsable devant les producteurs est sérieusement compromise si ces derniers n'ont aucun contrôle sur le conseil d'administration ou le premier dirigeant. Nous estimons par conséquent que les producteurs devraient élire les administrateurs et que ces derniers devraient nommer le premier dirigeant.

M. Glen McKinnon: Très bien. Je voudrais adresser une autre question au porte-parole de l'industrie de l'élevage du bétail, qui est bien représentée aujourd'hui par votre groupe. Chez moi, dans la province du Manitoba, nous pouvions nous vanter d'avoir un secteur de transformation de la viande assez vigoureux. Or, au cours des 10 dernières années, ou peut-être un peu moins, nous avons assisté à une réduction importante de notre capacité de transformation des bovins gras qui sont prêts à être commercialisés. La plupart d'entre eux sont tout simplement expédiés en Alberta pour la transformation. Autrement dit, nous avons exporté un certain nombre d'emplois.

La question que je vous pose - et j'essaie d'être aussi poli que possible - concerne la possibilité que certains facteurs aient été pour beaucoup dans la décision de ce secteur de se centraliser dans la province d'Alberta et de réduire considérablement ses activités de transformation dans ma province; qu'est-ce que vous en pensez?

Le président: Je suppose que vous ne parlez pas de subventions ou de ce genre de chose.

M. Foat: Pour ma part, je pense que le Manitoba va sans doute être le plus important concurrent de l'Alberta dans le secteur de l'alimentation animale si nous déréglementons le mouvement des céréales fourragères.

M. Glen McKinnon: Vous parlez de l'alimentation du bétail... et éventuellement d'autres produits?

M. Foat: Du bétail ou des porcs. Vu les avantages naturels que lui offre le Manitoba, si l'on déréglemente le mouvement des céréales fourragères, le secteur de l'affouragement sera très bien placé pour assurer l'engraissement de ces animaux; de même, les transformateurs pourront s'y implanter et profiter de leur position centrale pour assurer l'exportation des produits vers les États- Unis. Donc, le Manitoba sera notre plus grand rival dans ce domaine.

M. Glen McKinnon: C'est une bonne nouvelle. Mais cela ne se concrétise pas pour le moment, bien sûr.

M. Prentice: Si vous remontez jusqu'à 1944, c'est-à-dire peu de temps après l'introduction du programme d'aide au transport des céréales fourragères, vous verrez que l'Alberta réalisait 35 p. 100 de la production porcine, comparativement à 67 p. 100 dans les Prairies. Et c'est juste un exemple parmi d'autres. Vous aurez peut-être du mal à le croire, mais la situation était la même dans le secteur du bétail et celui des produits visés par le système de gestion de l'offre. Et nous avons produit pas mal de dindes et de lait au Canada.

Mais beaucoup de choses ont disparu depuis: bon nombre de mesures dissuasives, le programme d'aide au transport des céréales fourragères, et le tarif du Nid-de-Corbeau. Toutes ces choses ont disparu.

Donc le secteur de la transformation à valeur ajoutée va se développer dans les Prairies. Ce dont les gens ne semblent pas se rendre compte, c'est que les prix du transport par la voie maritime, au moment où on les examinait, étaient tout aussi importants que le tarif du Nid-de-Corbeau, parce que c'était un facteur déterminant pour l'implantation des activités industrielles dans les Prairies.

Nous avons constaté que le Manitoba était la seule province à accroître de façon importante - en l'occurrence, 4,5 p. 100 - sa production de vaches. Donc, cela va venir. Nous observons une grande vitalité au sein de l'industrie manitobaine.

Votre question concernait les raisons pour lesquelles l'Alberta serait plus avancé que d'autres. Eh bien, cela tient en grande partie aux mesures prises par notre gouvernement pour contrebalancer certaines mesures d'incitation fédérales, pour rapatrier la mesure compensatrice liée à l'élimination du taux du Nid-de-Corbeau. Plus spécifiquement, et je tiens à vous dire cela, je suis intervenu personnellement pour faire en sorte qu'un bon nombre d'immigrants viennent en Alberta, plutôt qu'au Manitoba, par exemple, à cause de ce qu'on appelle notre avantage. Voilà ce que je prêchais il y a plus de 20 ans. Nous l'avons encore, et il va aller en s'accroissant à l'avenir, à mon avis.

M. Glen McKinnon: Je suppose que mon temps est écoulé.

Le président: Elwin, je vous donne la parole, et ensuite ce sera le tour de Murray. Elwin a promis d'être bref.

M. Elwin Hermanson: Merci, monsieur le président.

Monsieur le ministre, au cours des deux ou trois dernières années, les porte-parole de certains organismes agricoles, de même que des députés à la Chambre des communes, ont laissé entendre que vous et votre ministère êtes les instigateurs d'une conspiration qui serait financée par le gouvernement de l'Alberta, par le biais du plébiscite et des crédits de la Western Canadian Wheat Growers, et qui aurait pour objet de détruire la Commission. Je pense qu'il convient de vous donner l'occasion de répondre à cette critique devant le Comité.

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Le gouvernement de l'Alberta finance-t-il la Western Canadian Wheat Growers, et avez-vous manipulé ou influencé, par l'octroi de crédits, les résultats du plébiscite tenu en Alberta sur les choix en matière de commercialisation?

M. Paszkowski: Nous n'assurons absolument aucun financement à la Western Canadian Wheat Growers. Absolument pas. Nous ne versons aucun crédit à cette association.

Tous les organismes agricoles qui existent actuellement en Alberta sont financièrement autonomes. Nous n'assurons aucune aide financière à quelque organisme agricole que ce soit. Par contre, nous travaillons de près avec tous les organismes agricoles, et nous avons l'intention de continuer à le faire, parce que pour nous, l'agriculture est actuellement le pilier de notre économie, comme elle l'a été dans le passé et le sera certainement à l'avenir.

Donc, nous considérons l'agriculture comme notre grande force, une force qu'il convient de développer, et nous allons justement continuer à le faire. Nous avons toujours joué un rôle de facilitation, et uniquement de facilitation. Il n'y a pas de conspiration. Nous travaillons avec les producteurs pour nous assurer qu'ils vont pouvoir maximiser leur revenu dans le cadre du régime actuellement en place.

Nous sommes vraiment convaincus que dans bon nombre de cas, l'intervention gouvernementale a tendance à avoir un effet discriminatoire, puisque du moment que le gouvernement intervient dans un secteur, il se met à imposer des choses. J'ai toujours dit qu'il est préférable que ce soit vous qui dépensiez votre argent, plutôt que moi. Voilà donc le contexte dans lequel je place mon mandat et celui du ministère.

Alors, pour répondre à votre question, non, nous n'avons pas ourdi de conspiration. Je sais pertinemment que la dernière fois que le gouvernement de l'Alberta a versé une aide aux Wheat Growers c'était en 1992-1993, c'est-à-dire avant mon temps. Depuis que je suis là, aucun financement ne leur a été accordé.

M. Elwin Hermanson: Et vous n'avez pas cherché à manipuler la formulation de la question posée dans le plébiscite?

M. Paszkowski: La question était en fait celle que j'aurais voulu que le gouvernement fédéral pose aux agriculteurs, parce que c'était la seule question vraiment pertinente. C'était celle-ci: Que voulez-vous, en tant que producteur? Ce n'était pas les deux extrêmes, car effectivement, la question qui a été posée jusqu'à présent a toujours été formulée en fonction de tout ou rien. Donc, nous avons décidé de demander aux agriculteurs ce qu'ils voulaient. Il me semble que c'est la question la plus juste qu'on aurait pu leur poser.

Le président: Merci, monsieur le ministre.

Monsieur Murray Calder.

M. Murray Calder (Wellington - Grey - Dufferin - Simcoe, Lib.): Monsieur le ministre, je voudrais vous demander quelques éclaircissements sur ce que vous avez dit au sujet de la politique d'exportation qui est en voie d'élaboration par l'Association des aviculteurs du Canada. Moi-même, je suis aviculteur de l'Ontario. La politique d'exportation qui est actuellement en voie d'élaboration par cet organisme va être appliquée par l'Office national dans sa zone de compétence. Si nous voulons qu'il en soit ainsi, c'est pour que tous ceux qui exportent du poulet à l'extérieur du Canada le fassent en fonction des mêmes règles, et ces règles seront évidemment conformes aux exigences écologiques du GATT. Je voulais simplement vous donner ce petit éclaircissement.

En ce qui concerne la possibilité d'un système à double circuit de commercialisation et la formule du comptoir unique, l'un de nos témoins hier a fait une proposition très intéressante, à laquelle je vous demanderais de réagir. Il a dit qu'il serait disposé, en vertu d'un système à double circuit de commercialisation, de s'engager, par l'entremise d'une entente signée, à ne pas passer par la Commission canadienne du blé pour commercialiser ses céréales. Autrement dit, pendant 10 ans, il vendrait ses produits sur le marché libre, si tel était son choix, au lieu d'avoir la possibilité d'alterner constamment entre les deux régimes. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Paszkowski: Je pense qu'on peut envisager toutes sortes d'options différentes. Mais ce qu'il faut surtout faire, c'est élaborer, en ayant une vision claire de l'avenir et l'esprit ouvert, une structure et un régime où priment la responsabilité et la transparence, et qui respectent les règles de l'OMC. Je pense qu'il y a effectivement toutes sortes d'options à envisager qui seraient beaucoup plus avantageuses pour les producteurs que le régime actuel. La possibilité dont je parlais tout à l'heure, c'est-à-dire de faire acheter les céréales par la CCB à l'embarquement, plutôt qu'à l'intérieur du pays, serait peut-être une mesure intéressante à envisager pour la période de transition.

Quoi qu'il en soit, c'est certainement quelque chose qu'il faut examiner, et si le producteur est en faveur, c'est une formule qui pourrait sans doute marcher. Je ne vois pas pourquoi il faudrait nécessairement fixer une période de 10 ans, étant donné qu'il y a des écarts de température qui peuvent entraîner des variations de la production de l'ordre de 50 p. 100 dans certains cas. Il va sans dire que lorsque la Commission met sur le marché des céréales à cette époque de l'année, elle ne sait pas quels vont être les résultats en automne. Donc, étant donné des écarts de production qui peuvent être de l'ordre de 50 p. 100 dans le cas de certains produits, il ne serait pas nécessaire à mon avis de prévoir une période de 10 ans. Je pense qu'on pourrait avoir un système en vertu duquel l'agriculteur s'engagerait, peut-être chaque année ou pendant une certaine période, à vendre ses céréales à la CCB.

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Je pense que ce que nous recherchons surtout, ce sont des choix plus vastes, de sorte que l'agriculteur puisse décider lui- même de la façon dont il va commercialiser son orge et son blé.

Le président: Merci.

Je donne la parole à M. Wilson.

M. Wilson: Monsieur le président, est-ce que je peux y répondre à titre personnel?

Le président: Vous pouvez y répondre à n'importe quel titre, ou nous demander d'y répondre à votre place, si vous voulez. C'est à vous de choisir. Allez-y.

M. Wilson: Je n'exprime pas la position de l'Alberta Cattle Commission.

Dans mon cas, je tire la plus grande partie de mes revenus des céréales. Pour répondre à votre question, je cultive des pois, du canola, des lentilles et de la graine à canaris et j'élève du bétail - et je commercialise ces produits sans l'aide de la Commission. Bon nombre de personnes dans ma région - y compris moi- même - se lancent dans des cultures qui ne relèvent de la CCB, parce qu'elles préfèrent ne pas passer par elle. Je serais donc tout à fait disposé à m'engager, dans le cadre d'une entente signée, à ne pas passer par la Commission pour commercialiser mes produits pendant 10 ans.

Le président: Gary, vous avez la parole.

M. McMorris: Monsieur Calder, je voudrais également exprimer mon opinion personnelle. Je serais tout à fait prêt à signer ce genre de document. En parlant d'un éventuel système à double circuit de commercialisation, vous avez dit tout à l'heure qu'il faudrait peut-être éviter que les gens puissent alterner constamment entre les deux circuits. Mais à mon sens, pour qu'un tel système puisse bien fonctionner, il faudrait que l'agriculteur s'engage pour toute une année. Il faudrait choisir entre la CCB ou l'autre circuit. On ne pourrait pas permettre aux gens de changer constamment, car ce serait injuste. Mais un système qui obligeait les gens à s'engager pendant un an serait tout à fait juste, car il donnerait à la CCB l'occasion de faire sa planification, et l'agriculteur qui voudrait vendre sur le marché libre pourrait également faire la sienne.

M. Murray Calder: Pensez-vous qu'une période d'un an soit assez longue?

M. McMorris: Je pense que oui. Écoutez, au moment de lancer ce système à double circuit, vous devrez nécessairement faire un certain nombre d'expériences. Je pense d'ailleurs que beaucoup de gens vont vouloir faire des expériences. Ce serait donc utile de prévoir une période d'engagement d'un an, au lieu de forcer les gens à s'engager pendant deux ou trois ans. De cette façon, ils pourraient voir eux-mêmes si cela leur plaît ou non; ils pourraient s'engager vis-à-vis de la Commission pendant toute une année, et ensuite opter pour l'autre circuit. Ainsi la CCB aurait l'occasion de faire sa propre planification. Mais à mon avis, on ne peut pas permettre aux gens d'alterner constamment entre les deux. Cela ne marcherait pas.

M. Murray Calder: J'ai une très brève question.

Le président: Elle devra être très brève. Nous avons profité du fait que les exposés n'étaient pas trop longs pour allonger la période des discussions. Mais je voudrais faire une pause café et revenir après.

M. Murray Calder: Avez-vous des exemples de systèmes à double circuit de commercialisation?

M. Paszkowski: Vous trouverez cette information dans notre rapport.

Le président: C'était effectivement très bref.

Je voudrais donc remercier Mme Jewison et tous nos témoins pour leur collaboration. Vos exposés ont tous été brefs et concis. Nous vous remercions d'avoir bien voulu prendre le temps de venir devant le comité pour vous prononcer sur la question. Nous espérons d'ailleurs que vous allez continuer de nous faire part de vos vues à ce sujet.

M. Elwin Hermanson: Me permettriez-vous, monsieur le président, de faire un petit commentaire, en guise de remerciement?

Le président: Je pensais l'avoir déjà fait.

M. Elwin Hermanson: Je voulais juste vous dire que les représentants des associations canadiennes d'éleveurs de bovins sont déjà venus à Ottawa, et j'aimerais vous inviter à revenir aussi souvent que possible. Vous êtes le seul groupe qui vient à Ottawa, nous sert du boeuf absolument succulent, et nous supplie de ne pas lui donner de l'argent - et ça, c'est quelque chose que je l'apprécie beaucoup.

Le président: Autrement dit, M. Hermanson sera ravi d'accepter un repas gratuit chaque fois que vous voudrez bien lui en offrir un.

Nous allons faire une pause de cinq minutes.

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