[Enregistrement électronique]
Le jeudi 20 mars 1997
[Traduction]
Le président (M. Lyle Vanclief (Prince Edward - Hastings, Lib.)): Nous allons devoir commencer la séance de cet après-midi. Est-ce que les témoins voudraient bien prendre place à la table.
Est-ce que les représentants de l'Alberta Pro-Canadian Wheat Board Group, M. Colin Carter, de l'Alberta Winter Wheat Producers Commission et de la Sustainable Agriculture Association voudraient bien prendre leur place à la table. Nous avons un horaire très serré cet après-midi.
Merci beaucoup, messieurs, d'être venus nous voir cet après- midi.
Nous allons poursuivre nos audiences sur le projet de loi C-72, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé. C'est la quatrième journée de séance de notre comité cette semaine. La première était à Winnipeg, le lendemain nous étions à Regina, hier nous étions à Saskatoon et demain nous serons à Grande Prairie, pour entendre quantité de groupes et de particuliers.
Je vous remercie de votre demande de comparaître devant le comité. Je pense que le greffier vous a indiqué que nous allons allouer un maximum de 15 minutes à chacun d'entre vous pour faire votre exposé. Quelques minutes avant la fin de votre délai, je vous ferai signe afin que vous puissiez conclure rapidement si vous n'en avez pas terminé.
Nous aurons ensuite de 45 minutes à une heure, selon la durée des présentations de chacun, pour un dialogue entre les députés et les quatre groupes à la table, une période de questions et de réponses.
Voilà donc les modalités. Nous allons donc passer d'abord à M. Larsen, de l'Alberta Pro-Canadian Wheat Board Group.
M. Ken Larsen (président, Alberta Pro-Canadian Wheat Board Group): Je vous remercie, monsieur le président, mesdames et messieurs et membres du comité. Je suis accompagné de M. Steve Bothi. Nous voulons remercier le Comité permanent de l'agriculture et de l'agro-alimentaire de la Chambre des communes de cette invitation à comparaître pour exprimer nos vues sur le projet de loi C-72.
Nous voulons féliciter le ministre Goodale, le comité et le Parlement de pousser aussi loin qu'ils l'ont chacun fait la concertation avec la base.
Il est particulièrement approprié que vous siégiez aujourd'hui à Calgary, où une si grande partie du travail initial a été effectué en vue de la création de la Commission canadienne du blé. Soyez les bienvenus à Calgary.
Quelques mots, d'abord, sur nous-mêmes. Nous sommes un groupe d'agriculteurs d'opinions politiques très diverses qui ont décidé de mettre de côté leur affiliation partisane. Nous avons des membres qui siègent au bureau exécutif des associations de circonscription du Parti progressiste-conservateur ici en Alberta, nous avons des membres de l'Alberta Wheat Pool, de Wild Rose Agricultural Producers, des Cultivateurs unis de l'Alberta, de divers groupes de producteurs spécialisés tels que ceux de blé tendre et de blé d'hiver, du Syndicat national des cultivateurs et d'à peu près toutes les autres organisations qui peuvent exister dans la province.
Il y a aussi beaucoup de gens comme moi qui n'ont jamais été directement actifs dans un groupement d'agriculteurs. Nous portons tous des chapeaux de couleurs différentes mais nous adhérons tous au principe de la vente à guichet unique et de la mise en commun des prix. Nous partageons la conviction, fondée sur notre expérience, que la CCB nous a bien servis et devrait continuer à le faire. Pour ce qui est de notre situation personnelle, je précise que M. Bothi et moi-même sommes tous deux des cultivateurs à plein temps et vivons de la terre.
On nous a demandé d'être les porte-parole de notre groupe parce que nous ne jouons pas de rôle direct ou actif dans aucun autre groupement ou organisation militante et ne sommes de ce fait pas encombrés de préjugés. Le groupe albertain pro-CCB est différent de tous les autres que vous allez rencontrer aujourd'hui, en ce sens que nous n'avons pas de subvention, pas de structure et pas d'organisation formelle. Nous communiquons par fax, téléphone, ordinateur et en personne. Un seul trait tangible nous unit: notre croyance en un principe qui nous a bien servis et continuera à bien nous servir, la vente à guichet unique.
Nous comparaissons devant votre comité non pas pour parler d'idéologie, mais pour contribuer à élaborer et analyser une approche pragmatique et réaliste de la céréaliculture dans son ensemble et de la place que nous y occupons en tant que nation commerçante. Nous voulons remercier la Bibliothèque du Parlement, beaucoup d'autres experts en agriculture et les organisations agricoles de nous avoir fourni des renseignements aux fins de cette comparution.
Nous pensons qu'il est important de placer les choses dans leur contexte. Le contexte fondamental, ce sont les conditions commerciales dans lesquelles la CCB a été formée et dans lesquelles nous nous trouvons aujourd'hui. Nous estimons que ces conditions n'ont pas beaucoup changé au cours des 60 dernières années. Les producteurs continuent à produire trop de grain pour un marché mondial qui ne peut tout absorber. Le grain reste un produit non différencié caractérisé par des producteurs multiples et très peu d'acheteurs.
Pour replacer cela en contexte, j'ai annexé à la fin de notre mémoire un petit tableau montrant le pouvoir d'achat du blé en 1932 comparé à aujourd'hui. Vous verrez, d'après ces chiffres, qu'il faut plus de blé aujourd'hui pour acheter la plupart des choses qu'en 1932.
La conclusion qui s'en dégage est que nous sommes pris dans un étau coût-prix plus serré que les agriculteurs de 1932.
Nous reconnaissons également que la CCB diffère radicalement des compagnies céréalières privées. Ces dernières doivent chercher à maximiser les profits pour leurs propriétaires et actionnaires. Au contraire, la mission de la CCB est de vendre du grain au prix le plus élevé possible et de distribuer toutes les recettes aux agriculteurs. Dans cette mesure, plutôt que d'aborder certains éléments spécifiques du projet de loi C-72, nous voulons concentrer notre attention sur les principes et les objectifs qui nous paraissent propres à mettre en place une CCB meilleure et plus efficace.
Il y a clairement deux camps opposés dans ce débat. Notre approche est de solidifier et d'améliorer ces éléments qui vont nous être profitables en tant qu'agriculteurs, en tant qu'industrie et en tant que pays. Le processus en cours est à nos yeux une occasion de créer et de concevoir plutôt que de démolir et de détruire.
Nous estimons, cependant, que pour concrétiser ces principes et réaliser ces objectifs, le projet de loi C-72 doit être profondément remanié. La possibilité d'exclure des céréales n'est pas contrebalancée dans le projet de loi par le pouvoir correspondant d'en inclure, par exemple. Nous joignons à notre mémoire un appendice très détaillé pour votre examen.
Nous reconnaissons que l'organisation sociale et opérationnelle est un enjeu d'importance pour l'avenir de la CCB. Nous jugeons nécessaire de donner suite à la notion de participation et de contrôle des producteurs dans le contexte actuel. Nous reconnaissons également le rôle joué par le gouvernement à l'appui de la commercialisation de nos produits et nous acceptons cette présence.
En outre, le gouvernement estime que d'autres parties pourraient jouer un rôle utile dans l'administration de la CCB. Nous acceptons par conséquent l'idée et la nécessité d'un conseil d'administration mixte, chargé d'élaborer les politiques requises par un organe de commercialisation progressiste, pourvu que la représentation des producteurs soit optimale. Cela signifie, à nos yeux, une position majoritaire.
Par ailleurs, nous n'avons jamais cessé de dire que l'élément clé de la réussite future de la commission est un ensemble de freins et de contrepoids pour éviter à la CCB de devenir un enjeu politique. Nous suggérons, à cette fin, une structure de délégués qui éliront eux-mêmes les membres agriculteurs du conseil d'administration. Nous recommandons que les membres agriculteurs soient majoritaires au conseil.
Comme par le passé, nous comptons que les responsables désignés par le ministre seront de la plus haute compétence et dévoués aux principes, buts et objectifs de la commission. Il semble approprié que le Président de la commission soit choisi conjointement par le ministre et le conseil.
Si la CCB doit être restructurée, la meilleure source de conseils sera probablement les personnes qui y travaillent déjà. Il nous semble qu'un bon point de référence à cet égard est le rapport du Comité Steers de 1990 qui a esquissé un certain nombre de changements.
À cet égard, la Commission canadienne du blé s'est taillé une renommée dans le monde entier. Je pense qu'il faudrait investir un peu d'énergie créative de façon à conserver cette marque de commerce connue de nos clients du monde entier, plutôt que de rebaptiser la commission du nom de corporation ou de quelque autre appellation.
Le deuxième grand sujet est le fonds de réserve destiné à couvrir les pertes essuyées par suite des paiements d'ajustement en cours de campagne ou sur les achats au comptant. Nous pensons que si les achats au comptant entraînent des pertes d'exploitation devant être couvertes par nous, producteurs, alors ces achats ne présentent pas d'intérêt et devraient être supprimés.
Pendant toute l'histoire de la commission, il ne s'est jamais produit de perte causée par les ajustements en cours de campagne. Nous ne voyons donc pas de raison d'imposer à la commission ou aux producteurs le fardeau d'un tel fonds de réserve.
Au pire, nous préconisons d'ajouter au projet de loi une disposition prévoyant le recouvrement de ces pertes après coup. Mais selon notre analyse, le seul risque probable que les paiements d'ajustement peuvent faire courir aux comptes de mise en commun résulte de mesures gouvernementales telles que l'embargo appliqué à la Russie à cause de l'Afghanistan, il y a quelques années. Dans de telles conditions, je pense qu'il incombe au gouvernement d'absorber ces pertes.
Alors que la reddition de comptes et la rapidité de réaction sont des thèmes clés des détracteurs de la CCB, il nous paraît curieux que le projet de loi C-72 aille jusqu'à mentionner spécifiquement certaines activités opérationnelles telles que les achats au comptant, les périodes de mise en commun variables et les certificats négociables. Ce sont peut-être là des sujets importants en 1997, mais qui sait quels instruments créatifs nous utiliserons dans dix ans?
Nous pensons que le projet de loi C-72 devrait donner au conseil d'administration et à la commission la latitude de déterminer eux-mêmes leurs modalités de fonctionnement. Avec un préambule clair, énonçant les principes de la vente à guichet unique, de la mise en commun des prix et des possibilités de livraison équitables, une telle latitude ne devrait pas poser de problème.
Ces principes et la synergie entre la CCB et les producteurs sont l'essentiel. À l'intérieur de ce cadre, la commission devrait avoir toute liberté de répondre aux besoins des producteurs et des consommateurs.
Nous avons observé un certain nombre de facteurs sur lesquels nous voulons attirer l'attention du comité. L'un est la croissance énorme et la stabilité tant de l'industrie canadienne de la meunerie que de celle du maltage.
Dans leur intervention devant le Comité sur la commercialisation du grain de l'Ouest, les malteurs ont eux-mêmes qualifié leur profession de grande réussite canadienne.
Il est à signaler que ces deux groupes font affaire de longue date avec la Commission canadienne du blé, notre organisme de négoce. Comparez cette situation au problème chronique et interminable des huileries de colza où l'instabilité, les fermetures d'usine et les subventions publiques sont le lot quotidien. Cela montre bien que la CCB peut réellement être au service de la transformation des produits agricoles de façon à produire de la valeur ajoutée, tout en protégeant les intérêts des producteurs.
Deuxièmement, il y a le débat qui n'en finit pas sur le double circuit de commercialisation. Par quelque bout que l'on prenne le problème, le terme lui-même est une impossibilité sémantique. On a soit la vente à guichet unique soit la vente à guichets multiples, mais on ne peut pas avancer et reculer en même temps.
C'est pourquoi nous aimerions proposer une expérience modeste pour faire la preuve de ce que nous avançons. Au lieu de saper notre système stratégique de commercialisation du blé et de l'orge, créons un double circuit de commercialisation du canola. Il serait très facile à mettre en place et très facile à observer et nous pourrions ainsi évaluer l'intégrité de ceux qui fomentent ce débat sous le déguisement d'un double circuit de commercialisation.
Nous vous remercions, au nom de ceux avec qui nous travaillons, de nous avoir accordé un moment de votre temps et nous espérons vous avoir donné quelque chose de productif et d'utile pour vos travaux.
Je vais simplement résumer nos positions. Nous considérons que la Loi sur la CCB doit être assortie d'un préambule clair énonçant les principes fondamentaux d'une mise en marché ordonnée et les piliers sur lesquels la commission doit être fondée aujourd'hui et à l'avenir: la mise en commun des prix, la garantie des emprunts par le gouvernement, la possibilité équitable d'effectuer des livraisons et la vente à guichet unique.
Le projet de loi semble mélanger les décisions opérationnelles et les questions de caractère structurel qui, elles, peuvent être légitimement déterminées par une loi.
Le gouvernement a clairement un rôle légitime à jouer au sein de la CCB, en tant que garant des emprunts, et le statut de société d'État est de ce fait crucial.
Nous préconisons de ne pas faire état des achats au comptant dans la loi. C'est là une affaire opérationnelle qu'il vaut mieux laisser à la discrétion du conseil d'administration.
De la même façon, le recours à des entrepôts en copropriété, les élévateurs en exploitation et les autres innovations techniques devraient être laissés à la discrétion de la commission et du Conseil des grains du Canada. De même, l'exclusion de certaines catégories de céréales devrait de préférence être laissée à la discrétion opérationnelle de la commission, agissant en concertation avec la Commission des grains du Canada.
Il est absolument indispensable que ce pouvoir d'exclusion soit contrebalancé par un pouvoir d'inclusion. Dans l'état actuel, ces dispositions ne peuvent servir qu'à affaiblir la Commission canadienne du blé. C'est tout simplement déplorable.
Nous considérons que la création d'un fonds de réserve représente une dépense supplémentaire et inutile pour les agriculteurs et estimons que des périodes de mise en commun variables mettent en péril la CCB et la mise en marché ordonnée. Cependant, nous sommes partisans de permettre à la commission de comptabiliser et de distribuer les recettes des comptes de mise en commun dès qu'il est matériellement possible de le faire, au lieu d'attendre jusqu'à la fin de l'année.
Nous jugeons la notion de certificats de producteur négociables à la fois odieuse et inutile.
Bien que nombre de nos membres posent pour principe qu'il n'y a pas lieu de réparer ce qui n'est pas cassé en ce qui concerne l'organisation sociale de la CCB, certains changements de structure ont été demandés par la commission et jugés opportuns dans des études antérieures.
Nos propositions permettent le maintien de la structure actuelle de la CCB et n'entraîneraient pas les perturbations opérationnelles que risquent de susciter les changements majeurs prévus dans le projet de loi C-72. Puisque nos suggestions s'en tiennent à des structures coopératives ayant fait leurs preuves de longue date, nous les croyons être rationnelles et réalisables.
Nous préconisons ainsi une structure de délégués, élus par et parmi les producteurs; un conseil d'administration composé de membres travaillant à temps partiel élus et nommés par les délégués; enfin un président à temps plein, élu ou nommé par le conseil d'administration.
Nous condamnons sans ambages l'idée qu'un double marché soit une option viable. À nos yeux, c'est là une notion infantile qui fait affront à l'histoire reconnue de la commercialisation du grain au Canada.
Enfin, nous recommandons de mettre à l'essai un double marché du canola, à titre expérimental.
Je vous remercie, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Larsen, de cette présentation brève et concise.
Nous allons maintenant entendre M. Colin Carter. Soyez le bienvenu au comité, monsieur Carter.
M. Colin Carter (professeur, University of California): Je vous remercie, monsieur le président. Je vois que vous avez devant vous une grosse pile de lecture. Mon texte se limite à sept paragraphes et à quelques diagrammes que j'ai remis à votre personnel.
En lisant le projet de loi C-72, ma première réaction est que cette mesure est peut-être le rêve d'un bureaucrate d'Ottawa, mais qu'elle coûtera aux agriculteurs des centaines de millions de dollars par an. Le producteur ne peut en sortir que perdant sur tous les tableaux. Les producteurs resteront essentiellement subordonnés au gouvernement d'Ottawa.
Le projet de loi semble resserrer la mainmise du gouvernement fédéral sur la commercialisation du grain. Le gouvernement nomme le président et le projet de loi est si flou et précise si peu la responsabilité de la Commission du blé à l'égard des producteurs qu'il ne fait qu'accroître le contrôle exercé par Ottawa, selon ma lecture.
Le projet de loi renforce manifestement le caractère obligatoire de cette méthode de commercialisation, ce qui est regrettable vu les efforts consacrés aux travaux du Comité sur la commercialisation du grain de l'Ouest, et va directement à l'encontre des recommandations de ce dernier. Le comité, comme vous le savez bien, a recommandé de réduire le pouvoir monopolistique dans le cas du blé et de le supprimer entièrement dans le cas de l'orge fourragère. Le projet de loi n'en tient nul compte.
D'une certaine façon, le projet de loi crée une nouvelle entreprise commerciale d'État, avec encore plus d'ingérence du gouvernement fédéral qu'auparavant. À mon sens, cela suscitera davantage de contestations à l'Organisation mondiale du commerce, et ce n'est pas une considération négligeable.
Le manque de transparence de la Commission canadienne du blé suscite déjà une inquiétude considérable à l'échelle internationale. Le fait que la Commission du blé prétende pratiquer une discrimination de prix dans divers marchés, comme elle le fait valoir auprès de certains, n'aide pas.
Étant donné cet état de choses et le fait que les entreprises commerciales d'État seront sur la table lors des prochaines négociations, je pense que ce projet de loi accroît la possibilité ou la probabilité que des pressions considérables soient exercées sur le Canada afin qu'il élimine les pouvoirs monopolistiques, simplement parce que le projet de loi C-72 réduit la transparence et transfère davantage de pouvoirs décisionnels à Ottawa, au détriment de Winnipeg.
J'ai lu un énoncé de politique émanant d'Agriculture et Agro- alimentaire Canada qui annonçait l'orientation générale de ce projet de loi. Je suppose que le projet de loi concrétise cet énoncé de politique qui a été publié l'automne dernier.
On pouvait y lire que le système à guichet unique améliore sensiblement la marge bénéficiaire des producteurs de blé de l'Ouest et que, contrairement aux conclusions du Comité sur la commercialisation du grain de l'Ouest, la mise en commun des prix et le marché libre ne peuvent coexister.
Ces affirmations sont toutes deux indéfendables. Elles ne font que trahir la volonté d'une bureaucratie, Agriculture et Agro- alimentaire Canada, de se porter à la rescousse d'une autre, la Commission du blé, et il en résulte que le projet de loi que vous avez sous les yeux est très mal conçu.
Je vous renvoie brièvement à quelques-uns de mes diagrammes qui illustrent mon propos. J'espère que vous avez le premier sous les yeux. Vous les a-t-on distribués?
Le président: Nous ne pouvons les distribuer, monsieur Carter, car ils doivent être dans les deux langues officielles. Le greffier les a et les fera traduire. Peut-être pourriez-vous nous en décrire la teneur verbalement.
M. Carter: Le premier diagramme illustre un aspect important et dément un argument important voulant que le guichet unique canadien soit avantageux parce que le Canada fournit un produit de haute qualité.
J'attire votre attention sur la conclusion du Comité sur la commercialisation du grain de l'Ouest à l'effet que le Canada exagère manifestement le facteur qualité du blé canadien. Il en fait trop sur le plan du nettoyage du blé.
L'année dernière est un bon exemple. Si vous regardez les clients étrangers de la Commission du blé, l'année dernière un tiers du blé est allé à la Chine. Cette dernière se moque de la qualité. Sur toutes les exportations, 60 p. 100 sont allées à quatre pays en développement, la Chine, le Brésil, l'Iran et l'Indonésie.
Ces pays recherchent plus ou moins l'équivalent de la catégorie no 3. Or, si l'on regarde les expéditions à la Chine, par exemple, la majorité est du blé de catégorie no 1 et no 2, bien que le contrat cadre prévoit du no 3. Il est réellement trompeur de dire que le marché mondial exige ce produit de haute qualité, et le Comité sur la commercialisation du grain de l'Ouest l'a admis.
En outre, il y a dans mon document un tableau qui contient des chiffres que vous n'avez probablement jamais vus. Ils proviennent du gouvernement brésilien et indiquent que les prix payés par le Brésil à divers fournisseurs de blé au cours de la période 1985- 1994. Selon ces données, le Canada ne touche pas un prix supérieur à celui des autres fournisseurs sur le marché brésilien, ce qui ne me surprend pas. De fait, certaines années, le Canada vend pour moins cher que des concurrents comme l'Argentine et les États-Unis.
Je vous laisse ces chiffres. Ils sont publiés par l'équivalent du ministère du Commerce du Brésil.
J'ai aussi deux diagrammes qui comparent les prix à la production canadiens et américains. Ils confirment un constat fait par M. Foster ce matin. Dans le cas de l'orge, au cours des dernières années, le prix canadien a été nettement inférieur au prix américain, avec un écart de 30 $ la tonne. C'est pourquoi les producteurs de cette province sont préoccupés par le guichet unique. Il leur coûte de l'ordre de 30 $ la tonne par an. Je pense pouvoir dire que le prix de l'orge au Canada est probablement le plus bas du monde, et ce à cause de notre système de guichet unique.
Pour ce qui est de l'affirmation que le double marché ne peut fonctionner, cela me paraît un argument ridicule. Nous avons déjà une forme de double marché dans le cas des céréales fourragères. Je ne comprends pas ce que les gens veulent dire lorsqu'ils disent que cela ne peut pas marcher, car cela fonctionne bien dans beaucoup d'autres pays et avec beaucoup d'autres produits. Il y a, par exemple, actuellement un double marché du porc au Manitoba.
Je travaille dans le nord de la Californie. On y cultive beaucoup de riz. Le riz ressemble au blé à bien des égards. C'est une céréale alimentaire, il est échangé à l'échelle internationale etc. En Californie, près de la moitié de la production de riz est commercialisée par une grosse coopérative, avec mise en commun facultative. Il y a aussi de petites coopératives. L'un des comtés exploite une coopérative facultative.
En outre, les producteurs ont le choix de vendre leur riz par contrats ponctuels, de le vendre à terme ou de le vendre à une coopérative facultative. Soyez assurés que cela fonctionne très bien. Il y a beaucoup d'autres exemples aux États-Unis, notamment celui du coton. Certains agriculteurs optent pour une coopérative de vente, et d'autres choisissent de vendre sur le marché libre.
Cette idée que cela ne peut pas fonctionner est tout simplement fallacieuse. Cela marche et il y a quantité de preuves de cela.
Malheureusement, le projet de loi C-72 ignore les avantages que les agriculteurs pourraient retirer d'une plus grande flexibilité et d'un plus grand nombre d'options de commercialisation. Surtout, il ignore les avantages associés à un système de commercialisation plus libéral, lequel autoriserait des économies considérables sur le coût de commercialisation.
C'est ce qu'a observé le Comité sur la commercialisation du grain de l'Ouest. Si vous regardez l'étude de KPMG qu'il a commandée, celle-ci fait état d'une économie de 20 p. 100 dans les Prairies avec un système comportant davantage de reddition de comptes et d'incitations. Cette reddition de comptes n'existe pas dans le système bureaucratique actuel et les coûts y sont très élevés.
Je pense pouvoir dire également que le coût de la commercialisation du grain au Canada est sans doute le plus élevé du monde libre, ce qui est réellement une honte. Encore une fois, cela est dû au fait que nous vivons dans un système dicté par les bureaucrates de Winnipeg et d'Ottawa.
Un autre terme pour fonds de réserve - et qui est plus explicite, à mon avis - est le mot taxe. C'est purement et simplement une taxe imposée aux céréaliculteurs, rien de plus. Cela accentue également le contrôle exercé par Ottawa sur les agriculteurs des Prairies. C'est une façon de dire que les agriculteurs sont incapables de gérer leurs propres risques financiers, ce que je trouve réellement surprenant.
De la manière dont c'est présenté dans le projet de loi, c'est une taxe dont les recettes peuvent être utilisées au cas où le gouvernement perdrait de l'argent sur les achats au comptant, ce que je trouve abasourdissant. Je suis réellement surpris que cette taxe n'ait pas suscité beaucoup plus de protestations dans les Prairies.
Enfin, en ce qui concerne l'idée d'un conseil de producteurs élus, cela me paraît une façon très superficielle d'approcher la notion de reddition de comptes. Dans le cas de l'Australie, la Commission du blé australienne avait un conseil d'administration composé entièrement d'élus, et a jugé que cela ne donnait pas de bons résultats. Il n'est pas surprenant que les Australiens en soient venus à la conclusion que gérer une entreprise de commercialisation céréalière réalisant un chiffre d'affaires de quelques milliards de dollars exige des compétences différentes de la gestion d'une exploitation agricole. Bien que les administrateurs élus aient été pleins de bonnes intentions, ils ne possédaient tout simplement pas l'expérience requise pour gérer cette organisation. Cela a donc été modifié en 1989.
En conclusion, je pense que les objectifs déclarés du projet de loi C-72 sont très trompeurs. Le projet de loi renforce le guichet unique. Il accentue la mainmise gouvernementale sur le gagne-pain des agriculteurs. Surtout, il perpétue un système de commercialisation très inefficient et de coût élevé. Les agriculteurs en sortent perdants. Les signaux du marché sont occultés. Par ailleurs, comme je l'ai dit, les coûts sont maintenant extrêmement élevés comparés à ceux de la plupart des autres pays.
Le projet de loi est clairement une insulte au Comité sur la commercialisation du grain de l'Ouest. Il est clairement une insulte aux agriculteurs des Prairies. Il est possible que, s'il est adopté, il se retourne contre ses auteurs et aboutisse à saper l'empire du guichet unique pour les raisons que j'ai dites.
Les deux derniers éléments sur lesquels je veux insister sont que le double marché peut fonctionner et que ce projet de loi va créer une nouvelle entreprise commerciale d'État qui va susciter davantage de contestations au sein de l'Organisation mondiale du commerce.
Je vous remercie.
Le président: Merci de cet exposé, monsieur Carter.
Nous allons passer maintenant à M. Lanier, de l'Alberta Winter Wheat Producers Commission. Monsieur Lanier, vous êtes accompagné d'un collègue et je vous prie donc de le présenter en sus de vous- même, afin que cela soit consigné au procès-verbal. Soyez le bienvenu au comité.
M. Ike Lanier (ex-président, Alberta Winter Wheat Producers Commission): Je vous remercie, monsieur le président. J'apprécie votre invitation à comparaître devant le comité. Le président de l'Alberta Winter Wheat Commission est Bryan Noble, de Nobleford.
J'ai cru entendre M. Larsen dire qu'il représentait les producteurs de blé d'hiver.
M. Larsen: Non.
M. Lanier: N'avez-vous pas mentionné le blé d'hiver?
M. Larsen: J'ai dit que nous avions des membres appartenant à diverses associations de producteurs spécialisés, dont la vôtre.
M. Lanier: Mon exposé consiste principalement en une critique du projet de loi C-72. L'Alberta Winter Wheat Producers Commission représente environ 1 800 producteurs de toute la province. Ses activités sont financées au moyen d'un prélèvement obligatoire, mais remboursable, sur chaque tonne de blé d'hiver. En moyenne, les remboursements par le passé ont représenté moins de 5 p. 100 du prélèvement total.
Les critiques adressées par les agriculteurs à la Loi sur la Commission canadienne du blé tournent traditionnellement autour de l'absence de choix quant à la manière de commercialiser le grain, ainsi que de leur absence d'influence réelle au sein de la commission. Le projet de loi C-72 représente une tentative sincère de remédier à ces faiblesses. Mais il est un échec lamentable, et l'on peut même dire qu'il ne fera qu'empirer encore la situation.
La principale initiative dans ce projet de loi est la création d'un conseil d'administration en remplacement des commissaires actuels. Bien que l'on parle vaguement d'administrateurs élus par les producteurs, nombre de questions d'importance restent sans réponse.
Pour commencer, rien n'est dit sur le délai dans lequel ces administrateurs élus entreront en fonction, et l'on ne sait pas non plus si les producteurs seront la majorité dans ce conseil de 11 à 15 membres. On ne sait pas s'ils auront un rôle décisif à jouer dans le choix du premier dirigeant.
Le caractère vague du mandat des administrateurs joint au fait qu'ils sont révocables par le ministre fait qu'il est difficile de croire que les producteurs pourront exercer une influence réelle sur la manière dont leurs produits sont commercialisés. L'absence de réponse à ces questions, jointe à la perspective d'un contrôle gouvernemental encore plus serré sur le fonctionnement de la Commission canadienne du blé, font qu'aux yeux de la plupart des producteurs le projet de loi représente un grand pas en arrière.
Outre cette nouvelle structure de gestion, le projet de loi fait état de nouvelles initiatives sur le plan de la commercialisation et des paiements. Pour faciliter leur exécution, des changements fondamentaux sont nécessaires dans la manière dont la commission conduit et finance actuellement ses opérations.
Le projet de loi C-72 propose la création d'un fonds de réserve financé par les producteurs, ce fonds garantissant, entre autres, tout ajustement aux paiements initiaux. Cependant, c'est là le seul rôle clairement défini de ce fonds. D'importantes questions subsistent quant au montant de ce fonds et au sort des excédents. Si, par exemple, un producteur prend sa retraite, aura-t-il droit au remboursement de sa part proportionnelle de l'excédent?
Les groupements agricoles ont toujours mis l'accent sur la réforme des structures de livraison et de paiements actuels. Le projet de loi propose essentiellement trois changements à cet égard: des périodes de mise en commun différentes, les achats au comptant de grain et l'émission de certificats représentant la valeur potentielle de tout paiement final ou d'ajustement à l'égard du grain vendu.
Pour un producteur, la transparence des prix est essentielle à la prise de décisions commerciales rationnelles et aucune de ces initiatives nouvelles n'ajoute beaucoup de clarté à cet égard.
Par exemple, une période de mise en commun plus courte permettra, certes, à un producteur de focaliser ses décisions commerciales et potentiellement de faire un choix en fonction de sa perception du marché à un moment donné. Cependant, le projet de loi permet à la commission de reporter sur la période de mise en commun suivante tout grain pour lequel il n'a pas trouvé d'acheteur au comptant. Elle pourra alors discrétionnairement attribuer un prix à ces stocks de report, prix qui ne sera pas nécessairement basé sur la situation du marché lors de la première période de mise en commun, mais qui sera néanmoins imputé à ce compte de mise en commun initial.
Dans ces conditions, la perception qu'a le producteur de la transparence du marché à ce moment dans le temps pourrait être obscurcie. Le prix commun moyen pour cette période ne reflétera pas nécessairement la situation du marché dans cette période.
Nous préconisons que tout grain engagé dans une période de mise en commun soit réputé être vendu, que ce soit au comptant ou sur le marché à terme.
Les dispositions du projet de loi qui autorisent l'émission de certificats qu'un producteur pourrait vendre pour obtenir des liquidités à l'intérieur d'une période de mise en commun présentent également des problèmes. Pour que ces certificats aient une valeur réelle, ils doivent être échangeables contre des espèces. Cela suppose la création d'une bourse d'échange.
Bien qu'il ne s'agisse là que d'un obstacle logistique, nous soupçonnons que la plus grande faiblesse sera le caractère très singulier et le long délai de paiement de ces certificats. Si, par exemple, un producteur voulait vendre un certificat tôt au début de la campagne agricole, le fait que sa valeur est fondée sur la situation du marché pendant une période prolongée et n'est pas réalisable avant peut-être un an entraînera en toute probabilité un escompte substantiel et une perte de valeur correspondante pour le producteur.
Le type de flexibilité que ces certificats semblent destinés à offrir pourrait être apporté plus simplement par une option d'achat comptant telle que la transaction serait traitée directement entre le producteur et la commission.
Une autre disposition du projet de loi autorise un paiement pour l'entreposage en exploitation. On dit que cela permettra à la commission de rationaliser le transport pendant les périodes d'engorgement du système provoqué par des facteurs tels que les conditions météorologiques défavorables ou les interdictions de circuler. Si cela peut effectivement être une source de préoccupation, ce sont là des circonstances exceptionnelles qui appellent des mesures exceptionnelles. Une fois que les paiements d'entreposage deviendront la norme, ils risquent d'envoyer des signaux erronés ou inappropriés aux producteurs avec pour conséquence une difficulté pour la commission à obtenir les livraisons en temps voulu.
La disposition elle-même semble compliquer inutilement le reversement de fonds aux producteurs tout en créant quelques embûches potentiellement dangereuses.
Bien que l'Alberta Winter Wheat Producers Commission estime que les tentatives de réformer et d'améliorer le fonctionnement de la Commission canadienne du blé soient louables, ce travail exige beaucoup de soin et de réflexion. Nous sommes d'avis que le projet de loi C-72 ne remplit pas ces conditions.
Bien que la tâche soit complexe en soi, le but ultime ne doit pas nécessairement être une solution complexe. Les agriculteurs ont demandé plus de liberté et de latitude de gérer leurs affaires et un système de mise en marché suffisamment flexible pour s'adapter aux besoins individuels doit viser la simplicité. Le projet de loi C-72 est un exemple classique de l'inverse en proposant des mesures pour contrebalancer des politiques qui sont par elles-mêmes défectueuses et requièrent une révision.
De même, nombre d'organisations agricoles réclament depuis longtemps un rôle véritable pour les producteurs dans l'administration de leur organisme de commercialisation, mais à notre avis le projet de loi C-72 ne remplit pas cet objectif.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Lanier.
Nous allons maintenant passer à la Sustainable Agriculture Association.
M. Raphaël Thierrin (président, Sustainable Agriculture Association): Chers membres du Comité permanent de l'agriculture et de l'agro-alimentaire, c'est un plaisir que de nous trouver ici. Nous sommes heureux que vous ayez pu visiter notre belle province à un moment où le bulletin météo annonce que le printemps arrive et que les semailles et la production céréalière peuvent reprendre pour le bien des agriculteurs, des consommateurs et de nos partenaires commerciaux.
Je me nomme Raphaël Thierrin. Je suis le président de la Sustainable Agriculture Association. Je suis expert-conseil en bioagriculture et concepteur de sites Internet. Dwayne Smith est ex-président de notre association et aussi agrobiologiste et transformateur accrédité selon les normes de l'Organic Crop Improvement Association. Dwayne est en outre ancien représentant de l'Alberta au sein du Conseil consultatif canadien de la production biologique.
La Sustainable Agriculture Association représente les agriculteurs et non-agriculteurs désireux d'établir une agriculture moins tributaire des intrants chimiques. Notre association est l'un des chapitres de l'Organic Crop Improvement Association, et nous participons aussi au Comité de l'agriculture biologique de l'Office des normes générales du Canada, lequel a été chargé par le Conseil consultatif de la production biologique d'élaborer des normes nationales pour l'octroi du label Canada organique.
Je précise que les normes sont actuellement disponibles dans les deux langues. Ce programme a été financé par l'industrie mais aussi dernièrement par le Conseil du Trésor fédéral dans le but de faciliter le processus de normalisation. Ce travail relève aussi dans une certaine mesure du mandat d'Agriculture et Agro- alimentaire Canada.
Revenons-en à notre association. Au moyen de notre processus d'accréditation, nous certifions comme agrobiologiste différentes catégories de producteurs, dont certains cultivent de petits lopins et d'autres une superficie très importante. L'année dernière, nous avons accrédité 40 producteurs et deux transformateurs. Parmi les premiers, 25 cultivent des céréales, dont du blé et de l'orge, et les deux transformateurs traitent du grain biologique homologué. J'ai annexé à notre mémoire une liste des producteurs accrédités en 1996.
Nous préconisons l'exclusion du blé et de l'orge biologiques homologués du système de commercialisation de la Commission canadienne du blé, pour trois raisons principales. Premièrement, le grain biologique homologué s'adresse à un étroit créneau du marché. Deuxièmement, ce grain ou les produits dérivés doivent rester séparés du grain conventionnel à tous les stades de la manutention, du transport et du conditionnement. Troisièmement, le prix du grain biologique homologué obéit à des considérations différentes de celles des autres grains. Dwayne Smith vous expliquera cela plus en détail.
Il est possible, soit en vertu du paragraphe 46 b) de la loi actuelle soit du paragraphe 45(1) du projet de loi C-72, d'exclure de la compétence de la Commission du blé certaines variétés de céréales. Nous estimons que le grain biologique homologué aurait déjà dû être exclu suite à la recommandation en ce sens faite par le Comité sur la commercialisation du grain de l'Ouest. Nous préconisons par conséquent que le projet de loi C-72 déclare l'exclusion des grains biologiques homologués, à condition qu'ils soient homologués selon un processus reconnu à l'échelle nationale ou internationale.
Notre association applique actuellement un processus d'accréditation qui est décrit dans cette brochure que nous avons adressée à Marc Toupin avec notre mémoire. Nous avons un processus d'accréditation reconnu internationalement sous le régime de l'OCIA. Une fois achevé le processus d'accréditation du Conseil consultatif canadien de la production biologique, nous disposerons également d'un processus d'accréditation national pour les céréales. Nous considérons que les céréales biologiques devraient actuellement être exclues en vertu de la loi actuelle, à condition que le processus d'accréditation soit reconnu à l'échelle nationale ou internationale, et que le projet de loi C-72 devrait expressément exclure les céréales biologiques.
J'ajouterai quelques remarques que vous retrouverez de façon beaucoup plus détaillée dans le mémoire. Il est très agréable que divers documents utiles à l'étude du projet de loi soient disponibles sur l'Internet. Nous pensons que c'est là une excellente façon de mieux disséminer l'information auprès des citoyens. J'ai quelques recommandations à formuler pour faciliter l'utilisation de ce site Internet.
Par exemple, il faudrait rendre plus évidentes les correspondances entre langues. Étant bilingue, je n'ai pas de difficulté à sauter de l'anglais au français mais cela engendre de la confusion chez les Canadiens unilingues, qu'ils soient francophones ou anglophones, de sauter sans cesse à une page totalement différente et une autre langue. Il conviendrait peut- être de l'éviter.
Par ailleurs, j'ai remarqué que la page sommaire sur le projet de loi C-72 n'est en fait pas un résumé parce qu'elle comprend des articles qui sont en fait supprimés de la loi actuelle plutôt que d'y être ajoutés. Cela aussi engendre quelque confusion.
M. Dwayne Smith (ex-président, Sustainable Agriculture Association): Monsieur le président, membres du comité permanent et membres de l'auditoire, je veux vous remercier de cette occasion de nous exprimer sur ce projet de loi vital qui touche les producteurs de blé et d'orge de l'ouest du Canada, et en particulier les producteurs de blé et d'orge biologiques homologués.
J'applaudis certainement l'effort que vous faites en vous déplaçant de ville en ville, et cela témoigne à mes yeux du sérieux avec lequel vous abordez l'étude de ce projet de loi. Je suis sûr que vous avez entendu des intérêts très divers, les groupes de producteurs spécialisés, les associations de cultivateurs, les compagnies céréalières, les représentants de l'agro-alimentaire et même les cultivateurs eux-mêmes, de loin les premiers intéressés. Je suis sûr que vous avez entendu des agriculteurs affirmer que ces changements vont trop loin et sont susceptibles de nuire à leur exploitation. J'aimerais vous dire quelques mots sur qui nous sommes, en tant qu'agrobiologistes accrédités, et sur les répercussions de ce projet de loi sur notre secteur et sur nous directement, les cultivateurs.
En tant qu'agrobiologiste agréé, j'ai fait moi-même l'expérience du système actuel, vendant mon blé et mon orge à la Commission canadienne du blé, pour les lui racheter afin d'obtenir le privilège de le vendre dans le créneau que nous avons trouvé. Peu de ces autres groupes sont aussi douloureusement touchés que nous par le système actuel.
Nous possédons et cultivons une exploitation de céréaliculture biologique accréditée. Nous sommes accrédités depuis environ dix ans. Pour être accrédité, il faut respecter un ensemble précis de normes sans recourir à des produits chimiques ou intrants synthétiques. Des vérifications sur le terrain sont effectuées par des inspecteurs indépendants chaque année. Notre système d'intégrité a été apparenté à celui des producteurs de semences de généalogie contrôlée, du point de vue de la rigueur des normes et des inspections.
J'ai participé également au niveau local à la Sustainable Agriculture Association, siégeant à son conseil d'administration et occupant la fonction de président. J'ai participé au niveau provincial à d'autres groupes d'accréditation et les ai représentés au niveau fédéral. Au niveau fédéral, j'ai été le président fondateur du Conseil consultatif canadien de la production biologique et j'ai aussi présidé le Comité des normes de ce conseil.
Dernièrement, une partie de mes fonctions en tant que membre de l'industrie était de participer à une série de réunions entre des membres clés de la bioagriculture et la Commission canadienne du blé. Dans le courant de ces réunions, nous avons eu des entretiens avec des responsables des politiques, des directeurs du marketing et des agents de valeur ajoutée de la CCB. Cela m'a permis de bien me familiariser avec le fonctionnement de la CCB vis-à-vis des céréales biologiques.
La production biologique homologuée nous permet d'accéder à un marché particulier, de vendre notre produit sur un segment de marché haut de gamme en Amérique du Nord et ailleurs. Il y a actuellement entre 750 et 1 000 agrobiologistes accrédités dans l'ouest du Canada, soit un très petit pourcentage de la population agricole.
La commercialisation des céréales biologiques se fait à peu près comme celle de n'importe quel autre produit dont l'identité doit être préservée. Elle ne peut être assurée par le système ordinaire de livraison de grain ni par les ports réguliers, sous peine de perte d'identité. Par conséquent, de vastes économies d'échelle sont très improbables et non envisageables. Nous avons conscience que les avantages que la CCB affirme apporter aux producteurs résident partiellement dans d'importantes économies d'échelle. La CCB ne prétend pas, ni ne souhaite, commercialiser les céréales biologiques homologuées. C'est pourquoi nous sommes obligés de commercialiser nous-mêmes notre grain de façon à bénéficier du prix supérieur qu'il commande.
En tant que distributeurs de notre propre grain, nous fournissons des céréales de qualité tout-venant aux boulangeries biologiques, ainsi que du grain nettoyé, ou nettoyé et ensaché, chargé dans des conteneurs.
Nous avons un petit moulin qui fournit de la farine à nos clients. Nous avons un circuit de distribution de céréales biologiques homologuées à des magasins d'aliments diététiques dans tout l'ouest du Canada. Ce ne sont pas là les caractéristiques d'une exploitation céréalière typique.
Nous avons des difficultés avec le système actuel de la CCB, principalement parce qu'elle n'est pas organisée pour approvisionner ce type de marché. Nous avons eu des difficultés avec ses structures de tarification actuelles, avec la disponibilité de permis d'exportation, avec le manque de souplesse sur le plan de l'établissement des prix. Tous ces problèmes sont encore aggravés par l'obligation de passer par une compagnie céréalière parce que nous ne pouvons pas effectuer de ventes directes à la CCB.
J'estime que, rien qu'au niveau de notre exploitation, la CCB nous coûte entre 15 000 $ et 20 000 $ par an, sans parler du fardeau administratif et des heures d'employés supplémentaires. Nous avons perdu des ventes à cause du système de tarification actuel et des contrats à court terme imposés directement par la politique de la CCB.
Toute cette situation est frustrante car les producteurs de semence à généalogie contrôlée, qui fournissent un produit à identité préservée similaire aux céréales organiques homologuées, peuvent exporter leurs grains hors-CCB, évitant ainsi tous ces problèmes. Nous reconnaissons que le projet de loi contient une disposition autorisant le ministre à exclure certaines catégories ou qualités de grain de la compétence de la CCB. Il devrait donc être possible pour le ministre d'exempter les céréales biologiques homologuées.
J'attire votre attention sur le fait qu'il existe déjà une telle disposition dans la loi actuelle. Le ministre refuse de prêter attention à notre cas. Nous le lui avons demandé, mais il a toujours fait la sourde oreille. Je pense que l'histoire montrera qu'il est extrêmement rare que cette disposition ait été utilisée.
Le Comité sur la commercialisation des grains de l'Ouest a recommandé que le blé et l'orge biologiques soient réglementés en dehors du champ de compétence de la CCB et traités à part sous la supervision de la Commission canadienne des grains. La commercialisation serait faite à titre privé, la participation de la CCB étant facultative. Les associations de producteurs biologiques et le gouvernement fédéral doivent parachever les efforts visant à établir un programme d'accréditation reconnu. Cette recommandation a reçu l'appui des agrobiologistes mais nous ne voyons pas qu'elle ait eu le moindre effet sur le projet de loi.
Nous avons dans notre dossier des lettres de soutien du gouvernement provincial à la mise en marché des grains biologiques hors-CCB, parce que ce créneau du marché peut le mieux être approvisionné par ses producteurs eux-mêmes. Nous aimerions voir adopter une approche responsable et libre d'obstacles pour réparer cet oubli. N'oubliez pas que les agrobiologistes ne sont pas des concurrents commerciaux de la CCB. L'obligation de passer par le système actuel devient une obstruction en travers de la route de l'écoagriculture.
Le deuxième point est la distinction à établir entre produits prétendument naturels ou biologiques et produits biologiques homologués. Dans cette exemption, n'oubliez pas de bien préciser «grain biologique homologué», sur la base des normes proposées par le Conseil consultatif canadien des produits biologiques en conjonction avec Agriculture et Agro-alimentaire Canada.
Le troisième point est que les producteurs et transformateurs de céréales biologiques homologuées sont les mieux placés pour répondre aux besoins de cette industrie biologique.
Le quatrième point est que la CCB a indiqué à plusieurs reprises qu'elle ne désire nullement commercialiser les grains biologiques homologués. Certains membres du personnel de la CCB ont même estimé qu'il vaudrait mieux commercialiser ces produits hors- CCB.
Cinquièmement, le Comité sur la commercialisation du grain de l'Ouest a recommandé que les grains biologiques homologués soient soustraits à la CCB. Le ministre fédéral s'est engagé à mettre en oeuvre les recommandations de ce comité.
Je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de faire cette intervention au nom des agrobiologistes accrédités. Nous nous en remettons à vous dans l'espoir qu'une solution satisfaisante sera trouvée à notre problème.
Le président: Merci beaucoup, messieurs. Nous allons maintenant passer à la période du dialogue entre les députés et vous.
M. Murray Calder (Wellington - Grey - Dufferin - Simcoe, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président. J'aimerais demander quelques précisions aux agrobiologistes.
Vous avez parlé de normes imminentes. Est-ce que le secteur biologique a déjà convenu à l'unanimité de normes nationales? Où en êtes-vous?
M. Smith: Je pense qu'un accord unanime est sans doute impossible à réaliser dans n'importe quel secteur. Nous avons un ensemble de normes et un modèle d'accréditation en place depuis déjà pas mal d'années et qui est appliqué par la majorité des producteurs. Ils ne font pas encore l'objet d'une loi, à ma grande déception, mais des documents et des modèles sont déjà disponibles aujourd'hui.
M. Murray Calder: C'est toujours à l'étape de la planification.
Je suis très intéressé par l'article 22, qui est l'ancien article 45, relatif à l'exclusion. Je pense qu'il faudrait y ajouter aussi quelque chose sur l'inclusion. J'aimerais avoir votre avis sur la forme que pourrait prendre cette disposition d'inclusion.
M. Larsen: Nous ne sommes pas juristes, mais en principe la disposition d'inclusion devrait être le pendant de la disposition d'exclusion. Le conseil d'administration devrait se pencher sur la question, la soumettre aux délégués et les délégués consulter les producteurs. Tout cela, bien entendu, se ferait en concertation avec la Commission canadienne des grains et les structures en place actuellement. Le principe est qu'il doit y avoir un mécanisme d'inclusion pour équilibrer celui d'exclusion.
M. Murray Calder: Ma deuxième question porte sur l'élection des membres du conseil d'administration. Je voudrais avoir votre avis. Je reconnais que cet article est vague et je pense que la raison pour laquelle on l'a laissé si vague, c'est pour que nous puissions recueillir des avis pendant nos audiences sur la manière de s'y prendre.
Mon idée est de fixer le nombre à 15. Les membres élus seraient au nombre de dix, les membres nommés seraient cinq. Le président du conseil serait élu et le premier dirigeant serait nommé. J'aimerais connaître votre réaction là-dessus et j'ai une raison qui m'a fait choisir ces chiffres.
M. Larsen: Nous avons réfléchi au nombre d'administrateurs et, selon notre expérience, plus les membres sont nombreux, et plus le conseil tend à se fractionner en petites factions.
Dans notre mémoire nous proposons sept membres. En gros, nous nous sommes inspirés de la structure du comité consultatif que nous avons aujourd'hui et nous disons qu'il faudrait porter le nombre à 25 ou 30 membres élus directement par les producteurs. Cette assemblée de délégués élirait ensuite les membres du conseil d'administration.
Je suppose que tout dépend du degré d'assurance dont le gouvernement a besoin pour fournir les garanties financières et s'il pourrait l'avoir avec un conseil d'administration entièrement électif.
Nous estimons qu'un partage à quatre contre trois en faveur des agriculteurs ne serait pas déraisonnable. Cela donnerait au ministre la possibilité de choisir trois autres membres pour le conseil d'administration à temps partiel, pour donner ce niveau d'assurance au gouvernement fédéral. Peut-être le ministre et le conseil d'administration pourraient-ils ensuite collaborer pour élire un président et un premier dirigeant.
Mais nous rejetons totalement la notion que la démocratie ne marche pas. Nous pensons que les syndicats du blé s'en tirent très bien avec des conseils d'administration élus. C'est une façon d'assurer la participation des intervenants et des producteurs.
C'est le personnel qui va gérer dans la pratique la commission, tout comme on a des fonctionnaires au gouvernement fédéral pour signer les chèques et faire en sorte que les CF-18 puissent voler, et toute cette sorte de belles choses.
M. Lanier: Un conseil d'administration aussi nombreux fait peur. Le Canada ne vend pas tant de blé. Je puis accepter n'importe quelle composition du conseil d'administration, du moment que la Commission du blé soit facultative.
Vous pouvez ajouter toutes les cultures du Canada que vous voulez, à condition que ce soit facultatif. Je n'ai aucun problème avec ce que vous voulez faire de la commission. Faites en sorte qu'elle soit facultative et les gens auront alors le choix d'y recourir ou non.
La nécessité des trois piliers a été pas mal contestée. Il me semble que le ministre, par décret, a bloqué tout débat valide là- dessus. L'une des grandes tragédies de toute cette affaire est qu'il n'y a pas eu de débat rationnel libre sur les options, pas seulement celle de la vente à guichet unique, mais aussi sur la manière dont un double marché pourrait fonctionner. Si je me trompe, dites-moi quand il y a eu ce débat rationnel sans obstruction du ministre? Je ne l'ai pas vu.
Ce conseil élargi m'effraie pas mal. Il y a des courtiers internationaux qui vendent en un après-midi le volume de blé que produit le Canada. Je pense qu'au Canada nous nous laissons un peu emporter par la manie du contrôle gouvernemental. C'est là-dedans que partent nos profits. Donc, n'oubliez pas le mot facultatif.
M. Thierrin: M. Calder a dit une chose en réponse à la première question qui n'est pas tout à fait juste. Il a dit que le processus d'accréditation biologique en est toujours au stade de la planification. Il est vrai qu'il y a toujours une planification et une consultation en cours pour ce qui est de normes nationales imposées par Agriculture et Agro-alimentaire Canada, mais il existe des normes internationales qui sont pleinement reconnues par nos partenaires commerciaux. Les normes que suit notre association, qui sont décrites dans ce document que je vais vous laisser, sont celles d'une association appelée Organic Crop Improvement Association.
Le Japon reconnaît ces normes, les sociétés européennes reconnaissent ces normes. Ces normes n'ont pas valeur juridique à ce stade au Canada, mais elles sont pleinement reconnues par un grand nombre de pays. J'ajouterais que l'OCIA, l'association à laquelle nous sommes affiliés, est membre de la FIMAB, la Fédération internationale des mouvements d'agriculture biologique, qui cherche à établir un système mondial pour assurer une bonne harmonisation à l'échelle du monde de l'accréditation des produits biologiques.
M. Murray Calder: Tous vos producteurs respectent donc ces normes?
M. Thierrin: Oui.
M. Murray Calder: Au Canada?
M. Smith: Pas tous les producteurs du Canada.
M. Thierrin: Dans les provinces des Prairies, il y a trois chapitres de l'OCIA, OCIA 1, OCIA 2 et OCIA 3. Je crois savoir qu'en Saskatchewan il y a huit ou neuf chapitres de l'OCIA. Donc, la plus grande partie du grain biologique cultivé en Saskatchewan l'est également sous la juridiction de cette organisation. Je n'ai pas les statistiques pour le Manitoba ici, mais je crois que la situation est similaire; peut-être la moitié des producteurs du Manitoba relèvent de cette association.
M. Murray Calder: Mais je vous faisais remarquer tout à l'heure que tous ceux qui se disent cultivateurs biologiques n'adhèrent pas tous à une seule et même norme. Il y a différentes normes.
M. Thierrin: Pour ce qui est des normes des diverses organisations, l'OCIA est également membre de l'Organic Trade Association qui regroupe les 16 organisations d'accréditation de l'Amérique du Nord. Si vous regardez les normes de ces 16 organisations, vous verrez que 95 p. 100 du texte est très proche.
M. Murray Calder: Nous pouvons nous en tenir là.
Le président: Cette discussion n'est pas très en rapport avec le projet de loi C-72.
M. Elwin Hermanson (Kindersley - Lloydminster, Réf.): Revenons au projet de loi C-72. Mon premier groupe de questions s'adresse davantage à Pro-Canadian Wheat Board Campaign et à M. Carter. Pro- Canadian Wheat Board Campaign a parlé de marge bénéficiaire rétrécie. Je suis d'accord. Nous avons des chiffres récents qui montrent que même avec la hausse des cours intervenue ces dernières années, les prix de revient ont augmenté encore plus vite, ce qui réduit les marges. Ceux qui avaient des marges bénéficiaires en ont des plus petites et ceux qui n'en avaient pas essuient des pertes.
Il y a quantité de raisons à cela et qui ne sont pas toutes liées à la Commission canadienne du blé, c'est vrai. Ce que je veux faire ressortir, c'est que la Commission canadienne du blé n'a pas de baguette magique qui puisse nous donner des prix supérieurs à ceux du marché mondial. Il s'est produit un effondrement des cours avant la création de la Commission canadienne du blé.
J'ai entendu beaucoup de vieux agriculteurs dire qu'ils se souviennent de l'époque d'avant la commission, lorsque le blé se vendait à quelque 30c. le boisseau. Si vous considérez les chiffres en dollars constants depuis lors, il y a eu des chutes de cours tout aussi importantes depuis la création de la Commission canadienne du blé, à la fin des années 60, lorsque nous ne pouvions pas vendre notre blé et ne touchions guère plus de 1 $ lorsque nous trouvions un acheteur. Ensuite, de nouveau, dans les années 80, les cours sont tombés à des niveaux très bas. Cela montre bien que la Commission canadienne du blé ne garantit pas par magie des prix élevés ou des prix supérieurs aux cours mondiaux.
M. Carter a estimé que les organismes commerciaux d'État se verront attaquer lors de la prochaine ronde de négociation de l'OMC. J'ai indiqué à d'autres témoins que nombre de producteurs des Prairies évitent autant que possible de cultiver les céréales relevant de la commission dans le cadre de leur rotation, préférant le colza, les lentilles, les pois et Dieu sait quoi encore. D'autres ont contré en disant que cela est dû aux guerres commerciales, et non pas au fait que ces cultures relèvent de la commission.
Je ferai valoir que là où le négoce des principales denrées est effectué par une entreprise commerciale d'État, vous êtes davantage exposés à des guerres commerciales que lorsque vous avez un marché plus libre. L'existence d'organismes commerciaux d'État, comme la Commission canadienne du blé et ses homologues dans le monde, pourrait bien être à l'origine de guerres commerciales qui nous ont coûté des milliards de dollars, bien plus que la Commission du blé peut prétendre nous avoir fait économiser avec son système de vente à guichet unique.
J'aimerais connaître vos opinions à ce sujet. L'autre question soulevée par M. Carter est que la Chine nous paie pour du blé de catégorie no 3, mais que nous lui livrons du grain de catégories 1 et 2. C'est un exemple intéressant.
Cela m'a rappelé l'année où j'avais un peu de blé dur no 4, que mon agent d'élévateur m'a conseillé d'envoyer à Thunder Bay non calibré, en priant Dieu qu'il soit réexpédié par rail jusqu'à Winnipeg puis vendu aux États-Unis. Si c'était le cas, il serait classé no 3 et je toucherais 1 $ de plus par boisseau. J'ai suivi ce conseil. Ce grain est parti non calibré pour Thunder Bay et a été dirigé sur les États-Unis et j'ai touché le prix de la catégorie no 3 et non de la no 4.
Cela m'a amené à réfléchir et à me dire que si j'avais vendu mon blé à la commission et accepté la classification que l'agent m'avait donnée, on m'aurait payé pour du no 4. J'aurais touché 1 $ de moins et Dieu sait ce qu'il serait advenu de ce grain. Il aurait peut-être été vendu outre-mer ou bien aux États-Unis et quelqu'un d'autre aurait empoché ce dollar. Il y a lieu de s'interroger.
Pour ce qui est d'un conseil d'administration élu, M. Carter s'est prononcé contre l'élection directe par les agriculteurs. Je suis en désaccord avec lui, non parce que je pense que les agriculteurs sauraient assurer la gestion quotidienne de la commission, mais parce que nous avons besoin de cette reddition de comptes. Je pense que les agriculteurs embaucheraient les gestionnaires voulus pour gérer efficacement la commission. Ils seraient les intermédiaires entre l'industrie et les gestionnaires salariés. Je ne les vois pas prendre les décisions quotidiennes de tarification etc.
M. Steve Bothi (membre, Alberta Pro-Canadian Wheat Board Group): Monsieur Hermanson, je conviens tout à fait qu'il est peu probable que la Commission canadienne du blé puisse nous obtenir des prix supérieurs au cours mondial. Personne ne peut le faire. Je peux vous garantir qu'elle peut faire une chose, cependant. Si vous avez dix vendeurs vendant le même produit canadien, ils vont surenchérir à la baisse des prix, alors que la commission peut établir un prix plancher.
Nous considérons toujours cela comme l'achat d'un service, la commercialisation de notre grain étant un service. Ce qui se passe en réalité, c'est que c'est l'autre partie de l'équation qui détient les atouts. Ce sont les acheteurs qui traitent directement avec la Commission canadienne du blé.
J'ai un problème avec la notion de double marché, car vous pouvez avoir un vendeur à guichet unique ou bien vous pouvez avoir un négoce à guichets multiples, mais vous ne pouvez pas avoir les deux et conserver le statu quo.
Ce à quoi je veux en venir c'est que la commission établit un prix plancher pour le blé canadien.
J'ai une remarque au sujet du GATT. Je pense qu'il faut davantage se préoccuper, en tant que leader politique canadien et en tant qu'économiste, de ce qui se passe sur la scène européenne et aux États-Unis avec la nouvelle Loi sur la liberté de culture qui a été promulguée l'automne dernier.
Ce dont il faut se préoccuper, c'est de ce que les États-Unis ont concédé dans le cadre du GATT par rapport à ce que les Canadiens ont concédé. Selon le président de la Montana National Farmers Union, les agriculteurs du Montana tirent aujourd'hui 37 p. 100 de leur revenu du gouvernement fédéral. Ils craignent que dans sept ans ils ne vont plus toucher grand-chose du tout. Pour nous, de parler déjà de renoncer à quelque chose sans tenir compte du peu que nos concurrents ont cédé lors de la dernière ronde me paraît très prématuré et ne représente pas un enjeu au stade actuel.
M. Elwin Hermanson: Cet argument a été utilisé au sujet du Nid-de-Corbeau et de l'article 11 du GATT. L'approche est la même; ces avantages ont été perdus du jour au lendemain et nos agriculteurs n'y étaient pas préparés.
M. Carter: J'aimerais réagir à un certain nombre de choses qui ont été dites.
Tout d'abord, monsieur Hermanson, vous avez raison de dire que les entreprises commerciales d'État seront sans doute l'un des plus grands sujets lors de la prochaine ronde de l'OMC, en matière d'agriculture. Vous avez raison également de dire que ces entreprises sont mal vues depuis longtemps.
Des personnes avec lesquelles je travaille à Washington, D.C., m'ont dit que si l'EEP est réintroduite - elle est dans les statuts mais non appliquée - le Canada, sur le plan pratique, deviendra une cible du fait que nous avons une entreprise commerciale d'État. Il est clair que les États-Unis veulent s'attaquer sérieusement à la Commission canadienne du blé et à la COFCO en Chine. Ils considèrent la Commission australienne du blé comme une menace moindre du fait de la profonde réforme qui a eu lieu en Australie.
Vous avez fait état de la Chine. La Commission canadienne du blé a reconnu ce que je disais. Il ressort d'entretiens que j'ai eus à Vancouver que, dans une journée ordinaire, la plus grande partie du blé disponible pour expédition est du no 1 ou 2 et on en charge les navires en partance pour la Chine, alors que le contrat spécifie du no 3. En gros, on charge le blé qui est disponible, et c'est donc une bonne affaire pour les Chinois. Le contrat prévoit du no 3 et la Chine paiera un peu plus pour une meilleure qualité, mais sans aller jusqu'au prix de la qualité no 1. Nous avons parlé à des meuniers en Chine et je sais très bien quels produits ces pays veulent recevoir.
Pour ce qui est de l'élection par les agriculteurs des membres du conseil d'administration, j'ai dit tout à l'heure que, d'une certaine façon, cela ne résout pas entièrement le problème de la reddition de comptes. J'ai fait valoir que l'Australie avait des problèmes avec un conseil d'administration composé entièrement de producteurs élus.
M. Bothi convient avec moi que le Canada ne peut obtenir un prix plus élevé sur le marché mondial, mais il n'aime pas l'idée de vendeurs multiples.
Je pose aussi la question de savoir pourquoi les malteurs canadiens préfèrent traiter avec la Commission du blé. Il me paraît bizarre qu'un acheteur préfère traiter avec un monopole. Les malteurs ne veulent pas de changements, et il est donc difficile d'imaginer que la Commission du blé parvienne à leur arracher un prix sensiblement supérieur s'ils sont si satisfaits que cela du système actuel.
Pour ce qui est du marché double, votre raisonnement tourne en rond. Vous dite qu'on ne peut avoir à la fois le statu quo et un changement. Je suis d'accord, mais il n'en reste pas moins qu'un double marché fonctionne bien.
Je connais très bien la commercialisation du riz en Californie. Si vous êtes producteur de riz californien, vous avez plusieurs options. Si vous voulez vendre à une coopérative qui met en commun les ventes pendant l'année, vous avez le droit de le faire et vous signez un contrat par lequel vous engagez votre production pour cette année-là. Ce contrat a valeur contraignante. Si vous ne voulez pas vendre à la coopérative, vous pouvez vendre au comptant ou bien à terme. Cela fonctionne très bien.
Les parts de marché sont fluctuantes et certains producteurs sont satisfaits du système coopératif car il apporte des avantages qui intéressent certains agriculteurs. Donc, affirmer que cela ne peut pas fonctionner revient à dire qu'un chat noir est blanc ou qu'il n'y a pas d'élévateurs à grain dans l'ouest du Canada. Croyez-moi, cela fonctionne dans quantité d'autres circonstances.
M. Larsen: Une autre interprétation du fait que les malteurs aiment traiter avec la Commission canadienne du blé est peut-être qu'ils apprécient la haute qualité et l'uniformité du produit qu'elle leur fournit.
Pour ce qui est du double marché, vous confondez là plusieurs choses. Nous disons que la vente à guichet unique n'est pas compatible avec la vente à guichets multiples. Je suis sûr qu'un système de mise en commun peut fonctionner dans un cadre à vendeurs multiples. La question n'est pas là. La question est la vente à guichet unique par opposition à la vente à l'exportation à guichets multiples. C'est cela la catégorie dont nous parlons en ce moment.
Si vous voulez avoir une mise en commun des prix, nous l'avons eue par le passé, à titre facultatif.
M. Bryan Noble (président, Alberta Winter Wheat Producers Commission): Le fait est qu'il n'y a pas de vente à guichet unique du blé en ce moment. J'étais à Winnipeg il y a deux semaines et la commission m'a dit qu'au moins de 30 p. 100 de ce qu'elle exporte dans une année donnée l'est pour le compte d'exportateurs. Il y a donc déjà de nombreux vendeurs de blé canadien. Ce n'est pas comme si la commission avait un monopole.
M. Carter: Suite à la remarque de M. Noble, c'est également vrai dans le cas de l'orge. Par exemple, l'un de nos plus gros clients, l'Arabie Saoudite, refuse de traiter avec une société d'État et n'achète donc pas auprès de la Commission canadienne du blé.
Lorsque la commission a témoigné lors des audiences de l'International Trade Commission américaine au sujet de l'accusation de dumping de blé portée contre le Canada, elle a indiqué qu'elle ne connaît souvent pas la destination finale du blé vendu aux États-Unis. La commission a également appris que les minoteries américaines ne paient pas un prix supérieur pour le blé canadien. Encore une fois, il y a là beaucoup de contradictions.
Je pense que nous ne sommes pas sur la même longueur d'ondes lorsque nous parlons de double marché. Ce que vous dites, c'est que l'on ne peut avoir à la fois le statu quo et le changement, et je suis d'accord. Mais je dis que l'on peut avoir une mise en commun facultative qui fonctionne en parallèle avec des vendeurs multiples. Il n'y a aucune raison de ne pas pouvoir le faire.
M. Elwin Hermanson: Monsieur Carter, je suis d'accord avec votre définition de la nature d'un système facultatif.
J'ajouterai aussi que le gouvernement a fait savoir très clairement que les trois piliers, dont l'un est la vente à guichet unique, ne sont pas négociables dans le cadre du projet de loi C-72. Donc, s'il y en a parmi vous qui sont venus ici en espérant convaincre M. Goodale ou les députés libéraux siégeant à ce comité de rendre la Commission du blé facultative, vous rêvez. Ils ont bien dit qu'ils ne bougeraient pas là-dessus.
Ma question s'adresse à Alberta Winter Wheat Producers et aux producteurs biologiques.
Tout d'abord, les producteurs de blé se sont opposés au raccourcissement des périodes de mise en commun et aux certificats négociables. Si je vous ai bien suivi, vous avez dit que ce sont là des substituts mal ficelés du marché facultatif qui permettraient, à celui qui ne veut pas passer par la mise en commun et attendre toute une année le paiement final, de simplement aller sur le marché libre et vendre son produit au lieu de subir toutes ces tracasseries. Je pense que c'est ce que vous avez dit, et vous voudrez peut-être le confirmer.
Pour ce qui est de la production biologique, je veux m'assurer de bien comprendre. Vous devez vous plier à toutes sortes de contraintes pour être accrédité comme producteur biologique. Vous devez mettre vos terres de côté et subir toutes sortes d'inspections. Ce n'est pas là une mince affaire, c'est très contraignant. Ensuite, une fois que vous avez donné satisfaction à quiconque vous accrédite, vous devez faire un arrangement avec une compagnie céréalière qui doit traiter avec la Commission canadienne du blé. Ensuite, vous devez racheter votre production à la Commission canadienne du blé pour la vendre directement à votre client.
Autrement dit, après toutes les tracasseries de l'accréditation, au lieu de vendre votre produit à un acheteur direct, vous devez passer par une compagnie céréalière, par la Commission du blé, racheter le produit à la Commission du blé avant de faire ce que vous alliez faire de toute façon. Cela ne me paraît pas très rationnel.
M. Smith: À moi non plus.
M. Noble: Pour ce qui est des certificats, ils reviennent à offrir aux producteurs l'option de sortir du pool. C'est une façon très détournée de le faire. Nous avons examiné le mécanisme et ne sommes pas parvenus à voir comment on pourrait le faire fonctionner dans un avenir prévisible.
Donc, une option de versement en espèces direct, où la Commission monnaie simplement son dû un jour donné, semble une meilleure façon de procéder. Il n'y a pas de risque pour la commission. Elle peut utiliser un instrument financier comme n'importe quelle autre petite compagnie céréalière pour couvrir le risque. Nous ne voyons donc pas l'utilité des certificats.
Pour ce qui est des périodes de mise en commun, une période plus courte ne pose pas de problème aussi longtemps que la période comptable coïncide. C'est la disposition de report qui nous gêne.
M. Larsen: En ce qui concerne les certificats, nous admettons qu'ils sont un peu superflus. L'alternative est d'avoir une projection de rendement du compte de mise en commun. Il est alors parfaitement simple d'aller voir son banquier, de lui prouver que l'on a déposé tant d'orge ou de blé dans le pool et obtenir un crédit-relais. Le coût net pour l'agriculteur est à peu près zéro, car les intérêts sur ce prêt sont déductibles de l'impôt sur le revenu, de même que les frais accessoires. Nous jugeons donc ces certificats à peu près inutiles.
Pour ce qui est des périodes de mise en commun variables, nous savons d'après les données américaines que le prix du grain tend à être faible à l'automne et à grimper vers le printemps au fur et à mesure que l'offre diminue. Nous craignons qu'avec un régime de mise en commun variable, les producteurs tendent à privilégier les mises en commun plus tardives. Cela ralentirait l'arrivée du grain dans le système.
Il faut donc s'attendre à ce que le rendement projeté de ces comptes de mise en commun ne soit pas un indicateur fiable du prix, simplement parce qu'on aura ces masses de grain attendant d'être placées. Les gens auront aussi tendance à attendre le pool du troisième trimestre ou du quatrième trimestre et le grain aura tendance à fuir également vers le marché ouvert. Nous ne voyons donc pas la période de mise en commun variable comme particulièrement avantageuse.
M. Wayne Easter (Malpèque, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président, et je vous souhaite la bienvenue, messieurs.
Pour m'adresser d'abord à la Sustainable Agriculture Association, on nous a énormément parlé du problème des rachats, bien que les avis soient très partagés sur la question de savoir si le blé biologique devrait relever de la commission ou non. Avec le projet de loi tel qu'il est actuellement rédigé, la théorie qui sous-tend les attributions du conseil est que celui-ci pourrait à l'avenir prendre les décisions concernant l'exclusion ou l'inclusion de certaines variétés biologiques ou autres.
Est-ce que cela répondra à vos besoins, et je parle là du processus lui-même? L'un des arguments en faveur de ce nouveau conseil d'administration est que la loi constitue essentiellement un cadre qui permet au conseil d'administration de prendre ces décisions à l'avenir. Je sais que votre reproche est que les décisions doivent toujours recevoir l'aval du ministre, mais je ne pense pas qu'un ministre aille à l'encontre du conseil. Si un conseil d'administration prend une décision, il serait périlleux pour le ministre de s'y opposer.
M. Smith: Il y a plusieurs éléments à prendre en considération. Premièrement, il y a aujourd'hui une rigidité qui empêche l'exclusion du grain organique, en partie parce qu'on attend la nouvelle loi. Auparavant, c'était à cause du Comité sur la commercialisation, et avant cela c'était encore autre chose. J'ai aujourd'hui du grain chez moi, qui attend dans un silo, et j'aimerais bien pouvoir le vendre dans des conditions raisonnables avant l'arrivée du nouveau millénaire.
Par ailleurs, vous avez dit qu'un conseil d'administration élu de la Commission du blé se montrerait attentif à ma situation. Mais puisqu'il s'agit d'un si petit volume de grain et d'un si petit nombre de producteurs, je pense qu'il y aura toujours des choses plus importantes à régler lors des réunions du conseil que ce que vont faire 750 ou 1 000 producteurs avec peut-être un million de boisseaux de grain. Je ne prévois pas que cette situation soit jamais abordée.
M. Wayne Easter: Je vous remercie. Je pense que nous devons prendre note de cela.
Monsieur Carter, je crois savoir que vous êtes économiste. Si vous avez un produit de qualité uniforme et un nombre x de vendeurs, qu'est-ce qui détermine essentiellement le prix?
M. Carter: L'offre et la demande.
M. Wayne Easter: N'est-ce pas le vendeur au prix le plus bas?
M. Carter: Cela dépend de l'offre et de la demande.
M. Wayne Easter: Parlons donc franchement.
M. Carter: Vous avez demandé ce qui détermine le prix.
M. Wayne Easter: Non, j'ai dit que vous avez un produit de qualité égale et un certain nombre de vendeurs, dont l'un qui va vendre à 10 $ et l'autre à 8 $. Auprès duquel l'acheteur va-t-il acheter?
M. Carter: À celui qui offre le prix le plus bas pour le même produit.
M. Wayne Easter: Il y a donc un avantage à vendre à guichet unique. C'est incontournable.
M. Carter: Non, vous passez à côté du problème, monsieur.
M. Wayne Easter: Non, pas du tout.
M. Carter: Permettez-moi d'expliquer. Vous parlez là d'un produit homogène, et le grain est essentiellement un produit homogène. Il est très fongible. Je vous ai montré des chiffres sur le Brésil qui contredisent totalement l'affirmation de la Commission du blé, à savoir qu'elle obtient des prix supérieurs au Brésil. Elle obtient à peu près le même prix que n'importe qui.
L'élément important en ce qui concerne le guichet unique, c'est qu'il n'y a aussi qu'un seul acheteur, et cela engendre d'énormes inefficiences au niveau de la mise en marché. Le prix mondial est à peu près incontournable et l'agriculteur canadien est forcé de passer par un système à guichet unique et, comme je l'ai dit, de payer des frais de commercialisation supérieurs à ceux de n'importe quel autre pays du monde libre. Ce sont ces frais élevés de commercialisation qui sont occasionnés par le guichet unique.
Si vous avez des vendeurs multiples, vous avez aussi des acheteurs multiples et cela engendre des gains d'efficience. Vous avez des signaux de prix et il en résulte des avantages énormes pour l'agriculture des Prairies.
M. Wayne Easter: Je suppose que nous pourrions en débattre toute la journée sans arriver à rien. Mais le fait demeure que la Commission canadienne du blé, grâce à la vente à guichet unique, peut prévenir une situation où les Canadiens se concurrencent entre eux sur les marchés étrangers et cela maximise le rendement que retirent les producteurs.
M. Carter: Je vous renvoie à mon diagramme.
M. Wayne Easter: Laissez-moi finir. Je sais que vous avez dit que d'aucuns à Washington nous attaquent et veulent invoquer l'EEP, ce qui serait contraire aux règles de l'OMC aujourd'hui. Mais il y a d'autres personnes aux États-Unis, et je vais vous en citer une. Lorsque Robert Carlson, de la National Farmers Union, a comparu devant le comité du Congrès, voici ce qu'il a déclaré:
- Du point de vue d'un agriculteur soumis à la concurrence, nous aux États-Unis n'avons pas
d'instrument comme la Commission canadienne du blé pour conférer un pouvoir commercial
aux producteurs sur le marché international du grain. Nous sommes obligés de vendre au
meilleur prix qu'offrent nos négociants locaux et nous perdons notre intérêt dans le grain à ce
stade.
M. Carter: Ce que vous dites est très beau en théorie, mais pourquoi ne regardez-vous pas les faits, les prix à la production? Je vous ai remis un diagramme qui montre que le prix de l'orge au Canada est inférieur en moyenne de 30 $ au prix mondial.
Vous avez les malteurs qui disent qu'ils adorent la Commission du blé. Cela me montre que ce n'est pas une si bonne affaire pour les agriculteurs. Si vous regardez le prix à la production du blé au Canada, il est à peu près au niveau du prix mondial. C'est donc bien joli en théorie de dire que la Commission du blé peut manipuler le marché, mais le fait est qu'elle n'a que 5 p. 100 du marché des céréales fourragères.
Qui donc pensez-vous tromper en prétendant pouvoir manipuler les marchés? C'est simplement impossible. Dans le cas du blé, il y a une concurrence énorme. Il n'est pas possible de manipuler les marchés. Si vous regardez les chiffres, ces bonifications de prix ne se retrouvent pas dans la poche des producteurs. Si c'est le cas, j'aimerais en voir la preuve.
M. Wayne Easter: Nous ne parlons pas de manipuler les marchés.
M. Carter: Vous avez dit que vous pouvez avoir des prix discriminatoires.
M. Wayne Easter: Le prix mondial est le prix mondial. Nous parlons de maximiser le rendement pour les producteurs. J'ai lu votre étude.
J'ai lu également que la méthodologie utilisée est contestable. D'autres études ont été publiées récemment qui concluent que la Commission canadienne du blé, au cours de la période 1985-1994, a reversé aux producteurs 34,47 $ de plus que ce qu'ils auraient obtenu avec la vente à guichets multiples. Les études d'économistes se suivent et ne se ressemblent pas.
M. Carter: De quel produit s'agit-il?
M. Wayne Easter: De blé.
M. Lanier: Monsieur Easter, vous êtes manifestement plus que convaincu de la supériorité de la vente à guichet unique. Pourquoi ne nous laissez-vous pas essayer le marché double? Vous n'avez rien à perdre. Vous pourrez ainsi prouver que le système à guichet unique est meilleur et tout le monde sera content.
M. Wayne Easter: Je pense que l'idée de M. Larsen est bonne. Essayons le marché double avec le canola.
M. Larsen: J'aime bien l'idée d'essayer le canola, à titre d'expérience empirique. J'aimerais répondre à plusieurs choses. Pour ce qui est des signaux de prix, nous en avons déjà des quantités. Il y a les professionnels de la Commission du blé. N'importe qui ayant un compte Internet peut afficher à l'écran les prix de n'importe où dans le monde n'importe quand. Ils sont tous là.
Pour ce qui est du prix à la production, je ne veux pas minimiser le travail de M. Carter. Je suis sûr qu'il est sincère et intègre. Mais lorsque je regarde les études économétriques, j'examine de quelles données disposaient les auteurs de l'étude. M. Carter, pour la sienne, n'avait accès à aucune donnée de la Commission canadienne du blé.
L'étude récente de Tyrchniewicz et celle de Schmitz et consorts sur les prix du blé et de l'orge de la Commission canadienne du blé ont eu accès sans restriction aux contrats confidentiels de la Commission canadienne du blé, que M. Carter n'a jamais possédés, ainsi que l'accès complet à toutes les données publiquement disponibles, que M. Carter a utilisées aussi. Ces deux études montrent de façon pas mal concluante que la Commission canadienne du blé reverse un prix supérieur aux producteurs.
Pour ce qui est du coût de la commercialisation, j'ai examiné les états financiers de la Commission canadienne du blé vérifiés par Deloitte & Touche. J'ai vu l'autre jour d'autres états financiers établis par Deloitte et Touche, ceux de la société John Deere & Co. Deloitte & Touche juge que le coût de la Commission canadienne du blé est relativement minime.
La commercialisation du grain à partir du Canada comporte d'autres coûts, dont le moindre n'est pas l'existence des Montagnes rocheuses recouvertes de neige. Apparemment, les chemins de fer ne se sont aperçus que cette année qu'il y a de la neige dans les montagnes, après tout, en janvier. Le coût de la commercialisation ne se limite donc pas aux frais de la Commission du blé. Il y a aussi le coût du transport et ce genre de choses. Steve, avez-vous quelque chose à ajouter à cela?
Une voix: Laissez les agriculteurs vérifier les comptes de la Commission canadienne du blé.
M. Larsen: Cette question de la vérification est importante. Les comptes de la Commission canadienne du blé sont passés au crible par Deloitte & Touche. Si vous achetez des actions de John Deere & Co., vous recevrez naturellement les états financiers vérifiés de John Deere & Co., cette vérification étant également faite par Deloitte & Touche. Deloitte & Touche vérifie les comptes de nombreuses compagnies de la liste Fortune 500. Et si vous ne faites pas confiance à la vérification de la Commission du blé effectuée par Deloitte & Touche, alors autant ne croire à aucune de ces autres vérifications.
Je mets au défi quiconque conteste la validité de ces vérifications de se lever en public et déclarer que Deloitte & Touche n'est pas un cabinet comptable fiable. Je soupçonne que celui-ci aurait quelque chose à répliquer.
Le président: Monsieur Carter, vous avez dit il y a un instant que les malteurs canadiens sont satisfaits de la Commission du blé. S'ils sont satisfaits de leurs fournisseurs, c'est que les agriculteurs ne doivent pas toucher autant qu'ils le devraient sur l'orge de maltage.
S'il y avait un double marché et un marché libre, et si les malteurs étaient alors satisfaits de leurs fournisseurs, qui pourraient être un groupe particulier d'agriculteurs, appliqueriez- vous le même raisonnement, à savoir que si l'acheteur est satisfait du vendeur, c'est que le vendeur ne retire pas tout ce qu'il pourrait du marché?
M. Carter: Permettez-moi d'expliquer cela d'un peu plus près. Veuillez m'excuser si je réponds à votre question de manière détournée. Je pense qu'il est très clair pourquoi les malteurs aiment le système actuel. Le taux de sélection au Canada est très faible, autour de 20 p. 100 comparé à environ 70 p. 100 aux États- Unis. Lorsqu'ils achètent de l'orge auprès de la Commission du blé pour exportation après transformation, on leur offre un prix forfaitaire. Les malteurs n'ont pas à stocker. Les agriculteurs stockent pour eux, mais gratuitement, bien qu'il y ait eu un petit changement à cet égard récemment.
Si vous regardez donc l'ensemble des conditions, elles sont très attrayantes pour les malteurs aujourd'hui, ce qui signifie par définition que le guichet unique ne retire pas de rente économique. Parce que s'il rançonnait les malteurs, ceux-ci hurleraient. C'est tout ce que je suis prêt à dire là-dessus.
Si je pouvais répondre à certaines des autres questions, en ce qui concerne les signaux de prix, il est curieux que vous mentionniez les professionnels, car je suis sûr que n'importe quel producteur dans cette salle qui a suivi les conseils des professionnels au printemps dernier le regrette amèrement.
Ils se sont lourdement trompés. C'est un signal de prix très piètre, sans signification. Comme nous l'avons dit dans notre rapport, les agriculteurs polonais sont à peu près aussi bien renseignés que nous ici.
Je ne sais pas si vous avez eu le temps de lire l'étude de Schmitz sur l'orge. Je n'entrerai pas dans les détails, car cela durerait tout l'après-midi. Je mentionnerai seulement un point. Je sais qu'ils se vantent d'avoir eu l'accès aux comptes de la Commission du blé etc., et il est impossible de répliquer. Ils disent qu'ils ont les preuves, mais qu'ils ne vont pas les montrer. Mais si vous regardez de près l'étude Schmitz, l'un de ses postulats est que le prix intérieur canadien, le prix hors- commission de l'orge, est supérieur de 11 $ au cours mondial. La réalité, c'est qu'il est inférieur de 30 $. La réalité, c'est que de 60 à 65 p. 100 de l'orge est vendue sur le marché intérieur, si bien que l'étude a évacué le problème à toutes fins pratiques, à coups de postulats. Ses auteurs ont dit que 65 p. 100 de l'orge est vendue sur le marché intérieur à un prix supérieur de 11 $ au cours mondial. Je ne fais donc aucune confiance aux résultats de cette étude.
Pour ce qui est des frais de commercialisation, vous avez mentionné Deloitte & Touche. Je vous recommande de lire également KPMG. Ce cabinet a dit que les coûts de commercialisation pourraient être réduits de 20 p. 100 s'il y avait un peu plus de reddition de comptes dans le système. Je vous suggère également de lire le rapport du Comité sur la commercialisation du grain de l'Ouest qui montre que les frais de manutention au Canada sont sensiblement supérieurs à ce qu'ils sont aux États-Unis.
M. Leon E. Benoit (Végréville, Réf.): Bon après-midi, messieurs. M. Easter a parlé de la National Farmers Union américaine, qui dit souhaiter un organisme comme la Commission canadienne du blé. Pourtant, la doléance incessante des agriculteurs américains et des politiciens américains, celle qui revient sans cesse, est que la Commission canadienne du blé brade le grain sur le marché américain à un prix inférieur au coût de production et inférieur au prix du marché. À mes yeux, ce n'est pas là tirer parti au mieux du marché.
Pour ce qui est de la vérification des comptes de la commission, cela fait plusieurs fois que le sujet est évoqué aujourd'hui. Je me dois d'intervenir là-dessus. Tout d'abord, la Commission du blé pratique un niveau de secret qui n'est égalé que par le Conseil privé et le SCRS. C'est le secret absolu. La loi ne permet même pas au vérificateur général, le service chargé de vérifier les comptes des organismes gouvernementaux, d'examiner la Commission canadienne du blé. C'est d'ailleurs là un changement que nous avons réclamé et qui va certainement améliorer la reddition de comptes.
Étant donné ce niveau de secret, on peut se poser deux questions au sujet des vérifications effectuées. Premièrement, il y a celle de savoir sur quelles données se fonde la vérification. Si je suis convaincu que le cabinet qui effectue la vérification est très compétent, il est obligé de se fier à des renseignements extrêmement limités. Si le vérificateur général faisait le travail en disposant de toutes les données, nous aurions un bien meilleur niveau de reddition de comptes.
À l'intention de M. Smith et de M. Thierrin, sachez que je comprends vos arguments en faveur de l'exemption de votre production du monopole d'achat de la commission. Bien entendu, le seul monopole que possède la Commission du blé est un monopole d'achat. Pour ce qui est de vendre leurs produits, les agriculteurs n'ont pas le choix dans le cas du blé de meunerie et pas de choix dans le cas de l'orge d'exportation. Seule la commission peut l'acheter, et c'est son seul monopole. Je comprends que vous vouliez vous extraire de cette situation. J'ai lu la documentation que vous m'avez envoyée au sujet de votre proposition. Je vous comprends réellement. Je comprends le degré de tension et de frustration que vous devez ressentir.
D'autres agriculteurs de l'Ouest, et en particulier deux cultivateurs qui nous ont parlé de l'avoine et de l'orge fourragère ce matin, disent que leur produit est singulier. Si on leur permettait de le commercialiser eux-mêmes, il leur rapporterait un prix supérieur. Sur le marché intérieur, où ils peuvent le commercialiser eux-mêmes, il leur rapporte un prix supérieur. Ils disent donc que leur produit devrait également être exempté, parce qu'il est dans une catégorie à part.
Bien sûr, les céréales fourragères sont déjà exemptées de ce monopole d'achat. Si vous poussez ce raisonnement un peu plus loin, tous les autres grains et oléagineux sont exemptés du monopole de la commission, de même que tout le bétail. Si vous allez encore plus loin, c'est vrai aussi du pétrole brut, du gaz naturel et des voitures. Tous échappent au monopole de la commission. Donc, pourquoi pas les producteurs de blé et d'orge? Ils sont le seul groupe sur qui la Commission du blé exerce ce pouvoir déraisonnable, et ce monopole n'existe que pour ces produits. Pourquoi est-ce que tous les producteurs d'orge et de blé n'auraient-ils pas eux aussi le choix entre passer par la commission et commercialiser leurs produits d'une autre manière?
M. Thierrin: Plusieurs de nos membres considèrent qu'il ne devrait pas y avoir de double marché pour les céréales.
M. Smith: En me fiant à mes conversations avec les membres au sujet de la CCB, j'aimerais résumer ce qu'ils jugent tolérable et ce qu'ils trouvent intolérable. Au cours des dernières années, il est arrivé que la Commission du blé vende notre blé dur canadien aux États-Unis et à un très bon prix. Les cultivateurs ne touchent pas nécessairement le prix de vente total, car il est dilué dans le compte de mise en commun par des ventes à des prix moins intéressants.
Néanmoins, la commission nous a fait savoir expressément, à titre d'industrie, que nous sommes différents des autres produits parce que la commission ne vend pas notre produit. Si nous recevions le privilège de vendre à l'étranger, nous ne serions pas en concurrence avec la commission sur aucun marché, car l'identité de notre produit serait préservée. La commission ne s'occupe pas de vendre des céréales biologiques ni ne souhaite le faire. Elle est préoccupée par le cas extrême du blé dur destiné aux États-Unis. Elle craint que si les producteurs de blé dur biologique pouvaient vendre directement aux États-Unis, ils lui enlèveraient ses débouchés à prix supérieurs, ce qui ferait baisser le rendement net du pool. C'est l'argumentation que nous a présentée la commission.
Nous lui répondons qu'elle ne vend pas sur notre marché et que nous ne vendons pas sur le sien, et dans ces conditions pourquoi nous obliger à passer par tout ce cirque paperassier et subir tous ces coûts?
M. Leon E. Benoit: Mais les autres utilisent une argumentation similaire. Beaucoup d'autres font valoir aussi que la commission ne vend pas leur produit. En raison des mélanges qui sont effectués, parfois le produit pour lequel on les paie n'est pas très représentatif du produit qu'ils ont à vendre.
J'aimerais poser la question aux autres témoins. Comment réagiraient-ils si ce groupe particulier était ajouté à la liste de ceux qui sont exemptés de ce monopole d'achat?
M. Lanier: J'y serais totalement favorable. Ces producteurs biologiques investissent un effort supplémentaire dans leur produit, qui présente une valeur supplémentaire, et je ne vois pas comment ils pourraient être rémunérés pour cette valeur supplémentaire avec le système de mise en commun.
M. Larsen: Monsieur le président, la seule réserve que j'aurais est que les produits biologiques ne sont pas encore soumis à des normes ayant force de loi. Vous faites une tentative courageuse. Cependant, à ma connaissance, cette tentative dure maintenant depuis 1987. Tant que ces normes ne seront pas en place, je crains que vous restiez en plan.
Le président: Je ne veux pas entamer un débat sur la situation de ces normes, mais nous avons eu une série de réunions il y a quelques années avec le comité sur l'accréditation biologique, etc.
M. Smith: En dépit de toutes les dissensions dont vous entendez parler, les cultivateurs biologiques sont généralement d'accord entre eux. Même si une norme nationale n'est pas établie dans l'année qui vient, il existe néanmoins des instruments pour la reconnaissance des groupes d'accréditation existants et des homologations existantes.
Je ne pense pas que l'absence de programme national doive nous empêcher de mettre à profit les possibilités commerciales. Il y a des façons de valider les accréditations autres qu'un coup de tampon du gouvernement. Notre industrie a dit qu'elle est prête à le faire et à offert de le faire.
M. Leon Benoit: Je voudrais simplement préciser que je considère que vous devriez avoir ce droit, mais je pense aussi que tous les autres agriculteurs devraient avoir le droit de vendre leur produit comme ils l'entendent. C'est leur propriété.
M. Glen McKinnon (Brandon - Souris, Lib.): J'aimerais dire deux choses.
L'une s'adresse à vous, monsieur Smith. Aux yeux de beaucoup d'entre nous, l'agriculture biologique consiste à contrôler l'environnement, mais non pas les gènes. Cela cause des difficultés sur le plan de l'identification génétique. Je n'attends pas de réponse de vous, mais vous pouvez m'en donner une si vous le souhaitez.
Monsieur Carter, je vous ai entendu dire que la commercialisation du porc au Manitoba est un exemple de réussite d'un double marché. C'est ce que j'ai cru comprendre. Je n'ai pas encore vu de journal cette semaine, mais tout ce secteur était en plein désarroi lorsque je suis parti la semaine dernière. Je n'ai pas vu de journal depuis, mais ce système ne fonctionne pas si bien que cela. Je tenais simplement à vous le signaler. Vous avez peut- être des renseignements sur les événements intervenus depuis mon départ que je ne connais pas, mais il y a des conflits énormes entre les producteurs et l'Office de commercialisation.
M. Smith: Je reconnais que la Commission canadienne du blé procède à l'identification par inspection visuelle plutôt que par inspection génétique ou inspection des résidus chimiques. Je signale aussi qu'il y a déjà des exceptions pour les semences à généalogie contrôlée. Les producteurs de ces semences n'ont pas à subir les mêmes tracasseries administratives que nous, qui devons exhiber sans cesse nos certificats. Ils peuvent effectivement exporter leur grain aux États-Unis par l'intermédiaire de la commission, mais en dehors du système de rachat.
M. Glen McKinnon: Je suis très sensible au fait que les obstacles à la commercialisation dans des créneaux spécialisés sont très irritants.
M. Smith: Oui. Je veux simplement qu'il soit clair que des mécanismes existent déjà. Cela n'exigerait pas un grand effort que de nous les appliquer.
Le président: Messieurs, je tiens à vous remercier infiniment de votre contribution à ce débat, de votre temps et de vos efforts, ainsi que de votre collaboration tant sur le plan de vos présentations que de la discussion qui s'est ensuivie.
Comme ceux d'entre vous qui sont originaires de l'Alberta le savent, il n'y a pas beaucoup de vols chaque jour sur Grande Prairie, et nous devons nous y rendre ce soir. Nous devons attraper ce vol pour tenir nos engagements et satisfaire notre désir d'entendre demain les avis des gens de la région de Peace River.
Nous allons prendre le temps de nous verser une tasse de café et nous reprendrons la séance dans cinq minutes environ.