[Enregistrement électronique]
Le mercredi 12 juin 1996
[Traduction]
Le vice-président (M. Dromisky): Mesdames et messieurs, nous allons reprendre nos travaux. Nous allons aujourd'hui délibérer sur le Service national et le l'Établissement, les responsabilités et les difficultés.
Je voudrais maintenant donner la parole à M. Girard, sous-ministre adjoint, Opérations.M. Girard, qui est avec nous depuis de nombreuses années - cette année il comptera 33 ans de service - doit en savoir plus que nous tous réunis...
Mme Minna (Beaches - Woodbine): Ce devait alors être un jouvenceau à l'époque, monsieur le président.
Le vice-président (M. Dromisky): Vous avez raison, mais entre-temps il a acquis une expérience considérable dans ce domaine.
Monsieur Girard, je vous donne la parole.
M. Raphael Girard (sous-ministre adjoint, Opérations, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Je vous remercie, monsieur le président.
De nos jours le thème de service au Canada recouvre un nombre considérable de services: ce que nous faisons aux points d'entrée, les services que nous assurons, au Canada, aux visiteurs, aux travailleurs temporaires et aux étudiants, ceux que nous fournissons aux gens qui ont le droit de faire, pendant leur séjour au Canada, une demande de résidence permanente. Il comprend également les services d'établissement que nous donnons aux nouveaux venus, et tout ce que nous faisons pour assurer l'application de la Loi sur l'immigration contre ceux qui ont enfreint les conditions de leur séjour dans notre pays.
J'ai aujourd'hui avec moi comme collaborateur
[Français]
Pierre Bourget, le directeur général de l'Exécution de la loi.
[Traduction]
Nous avons également ici Brian Hudson, directeur général intérimaire de ce que nous appelons le réseau des services ministériels. Ce sont des services qui ne se limitent pas aux clients d'une région particulière et englobent l'unité centrale de traitement de Vegreville, le traitement des dossiers de citoyenneté que nous assurons par courrier à Sydney et nos télécentres, qui seront notre premier point de contact avec notre clientèle dans tout le pays.
[Français]
Vous connaissez déjà Agnès Jaouich, directrice générale de l'Intégration. Elle est prête à discuter de notre programme d'établissement des immigrants.
[Traduction]
Voici également Mike Weber, spécialiste de notre programme de renouvellement de l'établissement.
[Français]
Pour débuter, Mme Jaouich aimerait faire quelques commentaires sur notre programme d'établissement.
Mme Agnès Jaouich (directrice générale, Intégration, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): J'aimerais remercier le comité de son travail et du rapport sur le renouveau de l'établissement qu'il a soumis et que nous avons reçu récemment. Le comité a soulevé des questions et recommandations importantes qui, nous l'espérons, seront étudiées dans le cadre de la deuxième phase de consultations qui se tiendra avec les personnes qui s'intéressent de façon plus ou moins étroite à l'intégration des nouveaux arrivants.
Comme vous le savez, le renouvellement de l'établissement comporte trois étapes: deux séries de consultations en vue de connaître les points de vue des personnes impliquées, dont nous entamons tout juste la deuxième en juin; des négociations avec les nouveaux partenaires qui auront lieu au cours de l'année 1997; et la mise en oeuvre prévue pour le 1er avril 1998.
Soyez assurés que vos recommandations seront prises en considération et que nous répondrons aux questions soulevées. Puisque vous connaissez déjà le programme d'établissement, je ne vais pas décrire ce que nous faisons, mais je serai heureuse de répondre à vos questions.
[Traduction]
M. Girard: Nous sommes prêts.
Le vice-président (M. Dromisky): Nous allons donc commencer nos questions en accordant 10 minutes à l'Opposition officielle.
[Français]
M. Nunez (Bourassa): Excusez mon retard. J'étais retenu en Chambre pour déposer aujourd'hui un projet de loi portant sur la journée nationale des réfugiés, le 4 avril de chaque année. Merci beaucoup pour votre brève présentation.
D'abord, j'aimerais vous poser quelques questions sur le programme pour les immigrants qui sont des gens d'affaires. Il y a eu une étude et les recommandations découlant de cette étude devaient être mises en oeuvre le 1er juillet 1996. Mais, selon les documents qu'on a devant nous, la mise en oeuvre de ce rapport a été reportée au 1er juillet 1997. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi?
M. Girard: Le ministre, Sergio Marchi, a mis en vigueur une révision du programme de sélection des immigrants investisseurs et entrepreneurs. Le rapport a été reçu en...
M. Nunez: Au mois d'août 1995.
M. Girard: Il y a quelques semaines, la ministre, Mme Robillard, a annoncé une prolongation du moratoire sur les investisseurs privés, mais la continuation du plan des investisseurs parrainés par les provinces jusqu'à la négociation avec les provinces de nouveaux programmes pour le long terme.
Il s'agit d'une prolongation du moratoire pour les fonds privés et d'une continuation des fonds parrainés par les provinces, jusqu'à ce que les provinces et le gouvernement fédéral en arrivent à un consensus concernant l'avenir du programme actuel.
M. Nunez: Certaines entreprises du Québec se sont montrées inquiètes quant aux modifications que le gouvernement fédéral veut apporter à ces programmes. Elles craignent notamment des effets négatifs.
Avez-vous eu des conversations avec le gouvernement du Québec, parce que ces programmes sont de compétence exclusive québécoise en ce qui a trait aux immigrants investisseurs ou entrepreneurs qui viennent au Québec?
M. Girard: Les organismes n'aiment pas la concurrence. Les conditions des nouveaux programmes dans le reste du Canada n'affectent pas le programme au Québec. Le programme québécois se poursuit.
Mais les entreprises québécoises, qui se méfient des changements dans le reste du Canada, ont peur de la concurrence sur le marché international. C'est simplement cela.
M. Nunez: Le 27 avril dernier, on a parlé de consultations plus poussées avec les parties intéressées.
Pourrait-on savoir qui vous allez consulter et dans quel cadre? Pourrait-on avoir plus de précisions? On ne m'a pas dit pourquoi cela avait été reporté. J'aimerais que vous soyez plus précis.
M. Girard: C'est un programme assez complexe. Les problèmes de l'ancien programme sont attribuables à la gestion des mécanismes financiers, qui demande une certaine expertise que nous ne trouvons pas souvent chez les cadres du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Il faut du temps pour dégager un consensus avec tous les partenaires.
À l'avenir, les consultations officielles et non officielles toucheront tout le monde. On entendra les points de vue des provinces, des sociétés qui sont déjà dans le domaine et des individus. Avant tout changement, on publiera les grandes lignes et le règlement proposé. Une fois que ce règlement aura été publié, tout le monde pourra exprimer son point de vue.
Je vous assure que chaque étape de consultation est ouverte à toutes les provinces, y compris le Québec.
M. Nunez: Y aura-t-il un impact sur le Québec?
M. Girard: Non, sauf pour ce qui est de la concurrence sur le marché international, parce que le Québec absorbe actuellement 40 p. 100 de tous les investissements.
M. Nunez: C'est un bon programme.
M. Girard: Oui.
M. Nunez: Nous avons été très inquiets, il y a quelques semaines, lorsque trois passagers roumains clandestins ont été lancés à l'eau d'un bateau taïwanais.
J'aimerais que vous abordiez le sujet des amendes imposées aux transporteurs de passagers clandestins. Il semble qu'ils pourraient être condamnés à des amendes de 7 000$, en plus d'être forcés d'assumer le coût du renvoi de chaque passager clandestin qui arrive au Canada.
Pouvez-vous nous expliquer ce système d'amendes imposées par le gouvernement canadien aux transporteurs?
M. Girard: Je vais demander à M. Bourget de vous répondre.
M. Pierre Bourget (directeur général, Exécution de la loi, Service national, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Monsieur Nunez, pour mettre les choses en perspective, j'ai les chiffres sur les arrivées de passagers clandestins à bord de navires au cours des dernières années. Vous comprendrez que c'est un phénomène très populaire chez les ressortissants de Roumanie.
En 1993, sur 422 passagers clandestins à bord de navires, 337 étaient des ressortissants de la Roumanie. En 1994, il y en a eu 226, dont 159 étaient des ressortissants de la Roumanie. Finalement, en 1995, il y en a eu 251, dont 196 de Roumanie.
La majorité des gens qui cherchent à revendiquer le statut de réfugié au Canada utilisent des moyens plus traditionnels. Ils ne sont pas passagers clandestins dans des conteneurs de navires. Ils arrivent la plupart du temps en avion ou, après avoir réussi à se rendre jusqu'au États-Unis, ils traversent la frontière pour venir au Canada.
Nous sommes préoccupés par ce mode d'arrivée au Canada qui, nous le reconnaissons, est extrêmement dangereux. Nous avons pris des mesures, entre autres dans le volet international, pour participer aux efforts de plusieurs pays, dont certains pays d'Europe, pour essayer de réduire substantiellement ce mouvement-là.
La loi canadienne prévoit des mesures qui nous permettent d'imposer des pénalités à des transporteurs, aériens ou maritimes, qui amènent au Canada des personnes qui n'ont pas les documents de voyage ou les visas exigés par notre loi. Ces amendes peuvent varier selon les efforts que font ces compagnies pour essayer d'enrayer le mouvement.
Du côté des transporteurs, le maximum est de 3 200$. Il y a d'autres frais.
M. Nunez: Par personne?
M. Bourget: Par incident. Par exemple, nous avons des ententes avec 56 compagnies aériennes. Ces ententes nous permettent d'imposer des amendes en fonction du type de collaboration, du type de formation qu'elles donnent à leurs employés, du type de mécanisme de contrôle qu'elles exercent avant que les gens prennent place à bord de l'avion et du nombre de personnes qui arrivent chaque année par ces transporteurs sans les documents voulus.
C'est un système qui tient compte du type d'effort des transporteurs pour essayer de réduire le nombre de personnes qui choisissent de venir au Canada sans les documents voulus.
M. Nunez: Cet événement tragique vous oblige-t-il à réviser vos politiques de pénalités?
M. Bourget: Vous avez raison lorsque vous dites que cet événement était tragique. On fait le maximum d'efforts au niveau des partenariats avec les organisations internationales. Je pense notamment à l'Organisation maritime internationale, dont l'administration centrale est à Londres et où le Canada participe aux discussions et résolutions pour essayer d'atténuer la problématique.
Nous avons également fourni à des compagnies maritimes des détecteurs de présence humaine dans les conteneurs pour leur permettre de détecter des gens qui pourraient s'y cacher avant que le navire ne parte. Je trouve regrettable, monsieur Nunez, l'espèce de lien qui a été fait entre le sort tragique de ces personnes et le fait que le Canada impose des pénalités aux compagnies maritimes.
C'est un lien qui peut être facile à faire, mais on pourrait le pousser à l'extrême dans plusieurs autres exemples. Cela démontrerait probablement que ce n'est pas nécessairement la bonne route à suivre pour régler ce problème-là.
[Traduction]
Le vice-président (M. Dromisky): Je vous remercie.
Madame Meredith.
Mme Meredith (Surrey - White Rock - South Langley): Je vous remercie, monsieur le président.
Je voudrais revenir sur une question de mon collègue du Bloc, à savoir le programme d'immigration des investisseurs. Je vous ai écouté avec intérêt quand vous disiez que le Québec reçoit 40 p. 100 des fonds affectés à ce programme: est-ce parce que le Québec a un taux d'acceptation beaucoup plus faible qu'il y a trois classifications différentes? En effet, le Québec accorde le statut d'immigrant investisseur à celui qui investit 150 000$, l'Alberta, et peut-être les provinces des Prairies, exige 250 000$, et la Colombie-Britannique, 350 000$. Le Québec obtient-il 40 p. 100 des fonds parce qu'il accorde le statut d'immigrant reçu pour une somme beaucoup plus faible?
M. Girard: Non. Si je fais erreur, l'un de mes collègues peut me reprendre, mais il n'y a que deux catégories: la catégorie supérieure est pour les provinces qui attirent traditionnellement de grands nombres d'immigrants, et la seconde catégorie est pour les provinces plus petites qui ont de la difficulté à attirer des immigrants; ces dernières peuvent appliquer la catégorie de 150 000$, mais les autres exigent 250 000$.
Le secret du succès du Québec, c'est un marketing dynamique qui a bien réussi, car il propose des conditions probablement plus alléchantes que celles proposées par les autres en matière de garantie de rendement, ou de quasi-garantie.
Mme Meredith: Les personnes qui bénéficient du statut d'immigrant reçu dans le cadre de ce programme sont-elles obligées de résider dans la province où elles ont investi leurs capitaux?
M. Girard: Non, l'argent est bloqué dans la province de destination, mais les gens sont libres d'aller et de venir. La plupart d'entre eux s'installent généralement en Colombie-Britannique, en Ontario ou au Québec, provinces qui semblent également exercer une forte attraction sur ceux qui, par exemple, ont été recrutés par les provinces de l'Atlantique.
Mme Meredith: Savez-vous combien de gens investissent au Québec sans y rester, émigrent vers d'autres provinces?
M. Girard: Le Québec lui-même a fait des études sur le taux de migration interne, et le taux de ceux qui restent au Québec s'établit entre 60 et 70 p. 100, mais là encore je devrais vérifier.
Mme Meredith: D'après les derniers chiffres dont je dispose, je crois que ce taux est de54 p. 100 pour le Québec.
J'ai pris connaissance d'un rapport commun du ministère de l'Industrie et du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, daté, si je ne me trompe, du 8 août 1995. Ce rapport contenait ce qui me paraissait être les paramètres de cette nouvelle entente ou de ce nouveau programme, et il en ressortait clairement que le gouvernement du Canada allait garantir l'investissement de capitaux pour une période de cinq ans. Ce programme vise-t-il à donner à l'investisseur immigrant une garantie de cinq ans pour son capital?
M. Girard: C'est là une caractéristique de ce que nous appelons le rapport Sharwood, comité d'experts que Sergio Marchi a chargé de faire un rapport.
Ce comité a proposé un plan d'après lequel le capital d'investissement serait rendu à l'immigrant au bout d'une période de cinq ans, le capital de départ étant divisé en deux parties: l'une, placée dans des titres sûrs, où le capital serait remboursé au bout d'une période de cinq ans, et le reste placé dans un fonds de capital de risque qui ne garantirait pas de rendement, mais serait utilisé comme placement de risque dans le pays.
Nous ne savons pas encore si ce plan sera adopté; cela dépend de nos consultations avec les provinces et de la décision du ministre chargé de présenter les propositions finales au gouverneur en conseil. Ce plan, comme vous l'avez dit, est attrayant à certains égards, mais n'a pas que des avantages.
Mme Meredith: Dans la même foulée je voudrais poser deux questions. Une garantie du même ordre sera-t-elle accordée aux investisseurs canadiens? Sera-t-il possible à des investisseurs canadiens de participer à un programme du même genre?
Deuxième question: quels sont les mécanismes de mise en application et de contrôle prévus, afin que ces programmes ne servent pas à blanchir de l'argent provenant d'activités criminelles et qu'on ne se serve pas, à cette fin, du gouvernement canadien?
M. Girard: En ce qui concerne la première question, ce n'est pas là un plan très attrayant pour les Canadiens. Aucun Canadien n'a jamais investi dans l'un de ces fonds, parce que les possibilités de croissance sont faibles. Si une somme est bloquée et restituée telle quelle après cinq ans, l'investisseur a payé ainsi ce qu'il aurait pu gagner pendant ce temps en intérêts sur cette somme. Les Canadiens n'auraient donc pas avantage à investir dans un fonds pareil.
Quant au blanchiment de l'argent, chaque demande faite par chaque investisseur doit répondre à un critère de probité. L'agent des visas n'accordera de visa à un investisseur, même si celui-ci a déposé de l'argent dans un fonds, que s'il peut justifier de l'origine des fonds; il faut prouver que l'argent ne provient pas d'activités criminelles.
Mme Meredith: Ma question suivante porte sur l'application de la loi. Au contrôle au port d'entrée, dans les programmes de parrainage et autres, est-ce que vous utilisez le code des caractères chinois pour identifier les individus, dans les divers programmes, pour ceux qui sont d'origine chinoise?
M. Girard: La plupart de ceux auxquels nous avons affaire ont un document d'identité où le nom est écrit en caractères chinois et en caractères latins. Le code des caractères est généralement inscrit au recto du document. Gerry Campbell, qui comparaîtra demain devant vous avec notre service international, pourra probablement vous donner plus de détails là-dessus.
Pierre, savez-vous ce que nous faisons au Canada?
M. Bourget: Le SCRS s'en sert aussi pour les contrôles de sécurité.
Au port d'entrée, à ma connaissance, les systèmes sont automatisés. Nous ne disposons pas de l'équipement nécessaire pour lire ce genre de code.
Mme Meredith: Est-ce que l'on tente de se procurer cette capacité? Je me suis laissé dire que c'est la seule façon de vraiment identifier certaines personnes, parce que celles-ci utilisent différentes interprétations de leur nom, en fait pourraient utiliser de nombreux noms différents. Afin d'assurer l'uniformité, pour l'immigration, vous pourriez éliminer ce risque si vous utilisiez le code des caractères chinois.
Je crois comprendre qu'on devrait utiliser cette méthode non seulement dans le cas des caractères chinois, mais également pour les caractères arabes et gurmukhis. On devrait pouvoir identifier une personne au moyen de caractères d'imprimerie, de l'écriture script. Je dirais que le système est en place, et je me demande si le ministère de l'Immigration a l'intention d'intégrer ce système au sien de façon à faciliter l'application de la loi et le processus de sélection.
M. Bourget: J'ai été prévenu de cette question, et je pense que vous l'avez soulevée hier.
Mme Meredith: En effet.
M. Bourget: Je m'excuse - c'est peut-être le sujet - mais je ne peux vous répondre de façon détaillée comme je souhaiterais le faire. Je puis toutefois vous confirmer, et le confirmer au président en même temps, que nous allons examiner ce système en détail afin d'en déterminer les avantages sur le plan de l'application de la loi ainsi que dans le contexte des autres systèmes que nous avons en place, afin de nous assurer que l'on procède plus ou moins de la même façon pour identifier les personnes qui cherchent à immigrer au Canada ou à venir ici temporairement. Je m'engage donc non seulement à me renseigner rapidement, mais s'il y a des avantages importants à mettre ce système en oeuvre.
Que je sache, c'est le système utilisé pour les enquêtes de sécurité visant ceux qui demandent la résidence permanente. Nous allons regarder quels seraient les avantages de mettre ce système en place ailleurs, comme par exemple au port d'entrée.
Mme Meredith: Et je vous suggérerais d'y ajouter l'arabe et le gurmukhi, car, d'après ce qu'on m'a dit, il y aurait 75 façons différentes d'écrire le nom du colonel Kadhafi dans ce système, ce qui doit vraiment vous préoccuper dans le cadre de l'application de la loi.
Le vice-président (M. Dromisky): Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer du côté gouvernemental.
Les députés ministériels ont-ils des questions? Monsieur Dhaliwal.
M. Dhaliwal (Vancouver-Sud): J'aimerais avoir une précision. Je ne connais rien au chinois, mais je connais le gurmukhi. J'aimerais demander à la députée d'en face comment un nom écrit en gurmukhi diffère d'un nom écrit en anglais. J'essaie de comprendre ce qu'elle veut dire au juste, car j'écris un peu le gurmukhi et je le parle. Peut-elle m'expliquer exactement quel est le problème?
Mme Meredith: Si j'ai bien compris, il n'y a pas vraiment de différence entre V et W, et un nom peut s'écrire de 10 façons différentes. On m'a donné un exemple où le même nom pouvait en fait s'écrire de 10 façons différentes. Donc, lorsque vous prenez un caractère et que vous le traduisez en anglais, ce n'est pas toujours clair en anglais.
Comme document de référence, j'ai apporté quelques exemplaires d'un document qui explique comment fonctionne le code des caractères chinois, si cela vous intéresse. C'est tout simplement une façon plus claire d'écrire en écriture script ce qui n'est pas clairement relié à des caractères anglais. Afin d'empêcher la multiplication des orthographes d'un nom, ce qui pourrait permettre à une personne de tout simplement changer l'orthographe ou de changer la référence de façon à...
M. Bourget: Sans qu'on puisse l'accuser d'avoir changé son nom, de façon à...
Mme Meredith: Non. Cela précise simplement qui est cette personne et explique l'orthographe originelle de son nom.
Le vice-président (M. Dromisky): Je pense que nous avons compris la difficulté. Nous allons maintenant continuer.
Madame Cohen.
M. Dhaliwal: Monsieur le président.
Le vice-président (M. Dromisky): Oh, excusez-moi.
M. Dhaliwal: Je voulais simplement préciser que l'orthographe d'un nom gurmukhi écrit en anglais dépend de... Différentes personnes vont épeler un nom différemment, et il n'y a aucune norme claire qui détermine que tel nom gurmukhi doit s'épeler de telle façon en anglais, puisque tout dépend de la façon dont la personne veut l'épeler. Des noms tels que Benga peuvent s'écrire de 10 façons différentes...
Mme Meredith: C'est justement ce que je faisais valoir.
M. Dhaliwal: ... selon l'endroit d'où vient la personne, mais cela ne signifie pas qu'elle peut ensuite le changer. Une fois que l'on a établi l'orthographe de son nom en anglais... et c'est le cas une fois que l'on présente une demande.
Le vice-président (M. Dromisky): Merci, monsieur Dhaliwal.
M. Dhaliwal: Je tenais à préciser ce point, monsieur le président. Merci.
Le vice-président (M. Dromisky): Madame Cohen.
Mme Cohen (Windsor - Sainte-Claire): Merci, monsieur le président. Dans la même veine que M. Dhaliwal, je sais que lorsque j'ai fait préparer des cartes d'affaires en chinois et en russe, j'ai eu 10 versions différentes. Je ne sais pas si c'est pertinent, mais je vois la difficulté.
J'aimerais poser une question à M. Bourget. Vous avez abordé le sujet dans le contexte des passagers clandestins. On entend raconter que des personnes, à l'étranger, montent à bord d'un avion ou d'un navire munies de faux documents. Pendant le voyage, ces personnes détruisent les documents ou les mangent, ou que sais-je, sachant qu'à leur arrivée au Canada on verra clair dans leur jeu, on saura que les documents sont faux.
Jusqu'à quel point est-ce ainsi, monsieur? Qu'est-ce que vous faites à ce sujet? À votre avis, y a-t-il un problème? Si c'est le cas, quelles mesures mettez-vous en place pour faire face à ce problème?
M. Bourget: Tout en commençant à répondre à votre question, je m'attends à ce que mon collègue me donne le numéro de référence, de façon à ce que je puisse vous citer les données statistiques. De fortes pressions s'exercent donc sur mes collègues...
En fait, ce que nous appelons les revendicateurs du statut de réfugié sans documents représentent un énorme problème. Essentiellement, il s'agit de personnes qui veulent venir au Canada et y revendiquer le statut de réfugié et qui refusent d'accepter que, normalement, il leur faut avoir non seulement des documents en règle, mais aussi un visa délivré par une de nos missions à l'étranger.
Sur les 10 pays d'où proviennent le plus grand nombre de revendicateurs du statut de réfugié, je dirais que probablement 8 sont des pays pour lesquels le Canada exige un visa. Comme je l'ai dit, ces personnes refusent d'accepter le fait qu'il faut un visa; ou encore, si elles en ont fait la demande, celle-ci a été refusée, et c'est alors qu'elles s'adressent à des gens qui, pour de l'argent, leur fourniront soit un document de voyage d'un pays dont les ressortissants n'ont pas besoin de visa pour se rendre au Canada; ou, pour plus d'argent, on peut même se procurer des documents de l'Immigration canadienne qui témoignent par exemple du fait que le ressortissant a été accepté comme immigrant au Canada et par conséquent rentre au Canada après avoir passé quelque temps dans le pays X.
Nous avons actuellement 26 contrôleurs de l'immigration à l'étranger, dans des pays qui servent de points de départ aux personnes qui viennent au Canada sans document ou avec des documents qui ne sont pas en règle. Ces contrôleurs, que nous appelons des CI, aident les compagnies aériennes - comme je l'ai dit à M. Nunez, les compagnies aériennes doivent jusqu'à un certain point s'assurer que les passagers ont les documents voulus - à reconnaître qui possède des documents en règle pour venir au Canada et qui n'en a pas. Par conséquent, ce ne sont pas les agents d'immigration qui empêchent les gens de monter à bord de l'avion; ils ne sont là que pour conseiller les compagnies aériennes, pour dire qu'à leur avis tel document ne semble pas approprié ou en règle, ou que sais-je.
Pour vous donner un ordre de grandeur, il y a eu en 1990 8 104 arrivées d'immigrants qui n'étaient pas munis des documents voulus. En 1995, sans doute grâce au réseau des contrôleurs de l'immigration à l'étranger, ce chiffre a baissé jusqu'à 4 466, pour remonter ensuite à 5 119 lors du dernier calcul que nous avons fait. Nous avons donc réussi, non pas à arrêter le mouvement, mais à le réduire.
Je sais que cette réponse est longue, monsieur le président, mais le problème, quant à lui, est complexe.
Nous pensons aussi que si ces personnes arrivent sans les documents voulus, c'est parce qu'elles les ont restitués à leur fournisseur de faux documents. Au lieu de payer, par exemple, 3 000$ pour un faux document, si vous le rendez après l'avoir utilisé pour franchir les différents barrages de sécurité, vous ne paierez que 1 500$, car ces documents auront été recyclés pour servir à d'autres personnes. Ou bien l'immigrant ne montre pas ces documents lorsqu'il arrive - mais il les garde en sa possession - car il ne veut pas nous donner trop d'indications sur les documents utilisés par ses concitoyens pour venir au Canada.
[Français]
M. Bélanger (Ottawa - Vanier): Dans un autre ordre d'idées, pouvez-vous me parler de l'effet qu'a eu l'ALENA sur votre service et vos responsabilités. Où pensez-vous que cela va nous mener? Combien y a-t-il eu de demandes de gens qui voulaient venir travailler ici temporairement après la signature de nos ententes avec les États-Unis et le Mexique?
M. Bourget: Notre collègue Doreen Steidle, qui sera ici demain, sera mieux en mesure de vous répondre, monsieur Bélanger.
M. Bélanger: Je croyais qu'on parlait du Service national aujourd'hui. Est-ce que cela relève du Service national? C'est ce qui est indiqué, en tout cas.
M. Bourget: Ce sont des problèmes de définition bureaucratique des secteurs, mais je pourrais peut-être vous aider un peu en vous parlant de l'ALENA en termes de contrôles.
Vous savez, monsieur Bélanger, que notre premier ministre et M. Clinton ont signé un accord en vue de concrétiser les échanges avec les Américains qui devraient exister en vertu de l'ALENA.
Cela a eu des impacts du côté du contrôle de nos frontières. On a mis en place des mécanismes pour faciliter le mouvement des personnes entre les États-Unis et le Canada. Des cartes peuvent être remises à des gens et des vérifications préliminaires seront faites. On n'aura qu'à placer la carte dans un guichet pour entrer au Canada sans faire de déclaration aux douanes si on pense qu'il n'est pas nécessaire d'en faire une ou qu'il n'est pas nécessaire d'être examiné aux fins de l'immigration.
Il y a certaines autres initiatives pour les transporteurs routiers, les camionneurs. Il y a beaucoup d'avantages à simplifier la paperasse et, par voie de conséquence, à faciliter le mouvement des camionneurs. Cela se fait avec les Américains. On doit quand même être attentifs, ne pas être trop à l'avant-garde des ouvertures et forcer nos collègues américains à conclure des ententes réciproques par rapport aux travailleurs canadiens. On a eu beaucoup de succès à cet égard et il y a beaucoup d'éléments prometteurs pour les prochaines années dans ce domaine-là.
M. Bélanger: Avez-vous une idée de l'ampleur du transport de biens et surtout du nombre de gens qui viennent travailler ici ou de Canadiens qui travaillent aux États-Unis? Cela ne relève peut-être pas de votre service, mais...
M. Bourget: On pourra vous fournir ces données-là. Il y a le côté économique, en d'autres termes le transport des biens entre les deux pays. Il y a eu des augmentations substantielles de ce côté-là. On vous fournira aussi les données sur les permis de travail.
Là aussi, il y a eu un assouplissement au niveau des règles pour obtenir un permis de travail. Cet assouplissement permet également de protéger l'intérêt canadien dans certains secteurs névralgiques comme les arts, etc. C'est pour éviter un envahissement.
[Traduction]
Le vice-président (M. Dromisky): Merci beaucoup.
Nous allons passer à la ronde des périodes de cinq minutes. À vous, monsieur Nunez.
[Français]
M. Nunez: Monsieur Bourget, vous allez me permettre de revenir sur le cas de ces trois Roumains jetés en mer, parce que cela m'a profondément bouleversé. J'ai posé la même question au ministre Axworthy et il a semblé plus sensible, plus inquiet que votre ministère qui, semble-t-il, ne l'est pas beaucoup.
En ce qui a trait aux amendes, j'ai ici deux articles, dont l'un du Daily News de Halifax,
[Traduction]
où l'on peut lire ceci:
- Les navires qui débarquent des passagers clandestins au Canada s'exposent à une amende de
7 000$ par personne ainsi qu'aux frais d'expulsion.
Pour ce qui est de La Presse, elle dit:
- Au Canada, cette amende atteint 7 000$ par passager clandestin et le meurtre présumé des trois
Roumains aurait ainsi permis d'économiser 21 000$ à l'armateur.
M. Bourget: Monsieur Nunez, je vais placer la chose dans le contexte approprié. Plus tôt, je parlais d'une amende maximum de 3 200$ et j'affirme que ce montant est précis. Il peut être moins élevé selon les ententes conclues avec les compagnies aériennes ou maritimes.
Quant aux 7 000$, il s'agit d'un montant d'argent demandé à la compagnie maritime si cette dernière doit assumer les frais de détention et de renvoi de personnes qui, à la fin d'un processus, devraient être expulsées du pays. C'est un montant de garantie plutôt qu'une amende. Les amendes, comme je vous le disais, sont d'au plus 3 200$.
Je ne suis pas au courant des propos du ministre Axworthy. Ce que je vous dis, pour les fins des responsabilités que j'exerce, c'est qu'il m'apparaît plus important que le Canada, tout en étant préoccupé par les tragédies tragédies du type de celle qui s'est produite il y a quelques semaines, doit, avec ses partenaires internationaux, investir beaucoup plus dans le règlement de la problématique du mouvement irrégulier des personnes plutôt que de s'interroger ou de tomber dans des solutions faciles. Une solution facile serait d'abolir les amendes ou pénalités à des gens qui ont la responsabilité, tel que la loi le prévoit, de s'assurer que les personnes ont les documents voulus quand elles viennent au Canada.
Si la loi est modifiée, monsieur Nunez, nous la mettrons en oeuvre avec ses changements, mais pour l'instant, les décisions ont été prises en fonction des circonstances actuelles.
Quant à l'aspect des expulsions sauvages, je perdrais si je m'embarquais dans un débat avec vous. Cependant, je puis vous dire qu'il y a des gens qui doivent être renvoyés du pays. Personne ne trouve cette situation agréable, tant les gens qui sont renvoyés que les personnes qui doivent effectuer les renvois.
[Traduction]
Le vice-président (M. Dromisky): Merci beaucoup.
Est-ce que quelqu'un du côté gouvernemental aurait une question à poser? Dans ce cas, nous revenons à vous, madame Meredith.
Mme Meredith: Merci, monsieur le président.
Je voudrais revenir sur la question de l'application de la loi. Si vous nous dites qu'en 1995 il y a eu 4 466 arrivées de personnes qui n'étaient pas munies des documents requis - vous avez parlé à mon collègue du Bloc des pénalités imposées aux sociétés qui transportent jusqu'au Canada des personnes dont l'arrivée n'est pas légale - pouvez-vous m'expliquer comment vous allez assurer l'application des politiques d'immigration alors qu'on prévoit une diminution de 150 équivalents temps plein du côté de l'application de la loi?
M. Bourget: Tout d'abord, lorsqu'on parle d'une réduction de 150 postes du côté de l'application de la loi, à moins que je me trompe dans mon interprétation du budget et des documents qui ont été publiés, il s'agit d'une économie éventuelle de 150 ETP qui résulte de cette initiative liée au renouvellement. Il m'appartient, ainsi qu'à mes collègues qui s'occupent de l'application de la loi dans tout le pays, de démontrer la nécessité de réinvestir ou de redéployer ces ETP dans d'autres activités de l'application de la loi, plutôt que de les supprimer.
Ce que je veux vous dire, c'est qu'on n'a pas décidé de réduire le nombre des ETP consacrés aux activités d'application de la loi. Néanmoins, dans le contexte de la diminution générale des ressources, il m'appartient de prouver que ces 150 ETP doivent être réaménagés ou redéployés vers d'autres activités d'application de la loi si je veux assurer le succès de cette démonstration.
Mme Meredith: Voulez-vous dire qu'à votre avis ces 4 466 personnes qui n'ont pas les documents voulus à leur arrivée - et je ne parle pas de ceux qui arrivent illégalement par bateau ou de ceux qui ont des papiers et qui réclament le statut de réfugié - sont en nombre assez modeste pour que vous puissiez réduire votre personnel?
M. Bourget: Comme je l'ai indiqué, me semble-t-il, nous n'en sommes pas venus à la conclusion que nous pouvions réduire notre personnel d'application de la loi. Par exemple, les26 contrôleurs de l'immigration qui travaillent à l'étranger interceptent plus de candidats à l'immigration illégale qu'on ne peut en appréhender au Canada. Voilà qui nous indique, je pense, comment nous devons investir nos ressources dans les secteurs les plus stratégiques, compte tenu de leur diminution.
Que ce soit aux postes de contrôle frontaliers, dans les aéroports ou dans les autres secteurs d'application de la loi, je considère qu'il est possible de travailler plus intelligemment, d'investir nos ressources de façon à en obtenir un meilleur rendement, et c'est ce que je dois prouver à mon sous-ministre et à mes collègues. Vous savez parfaitement que mes autres collègues ont le même genre de défi à relever. C'est là tout l'intérêt du système. J'ai donc à en faire la preuve, et je suis certain d'y parvenir.
Mme Meredith: À mon avis, ce chiffre de 4 466 devrait étayer efficacement votre demande de maintien en fonction de ces agents.
Voici ma question. Il y a quelque temps, vous aviez un problème avec la procédure selon laquelle l'expulsé doit signer un document où il donne son accord à l'expulsion. Ce problème a-t-il été résolu? Êtes-vous toujours obligés d'obtenir de la personne expulsée qu'elle signe une acceptation, ou vous êtes-vous débarrassés de cette exigence, ce qui permettrait au Canada d'expulser des étrangers sans leur consentement?
M. Bourget: J'occupe mon poste actuel depuis le 15 novembre - j'ai parfois l'impression que j'y suis depuis 33 ans! - mais je n'ai jamais entendu parler de ce problème.
Je sais qu'aux termes de la législation, selon les raisons de l'inadmissibilité ou en fonction des infractions commises, les personnes qui se trouvent sur le territoire canadien se voient accorder un certain délai avant de devoir le quitter. Si les motifs de l'expulsion sont suffisamment sérieux, il n'y a plus cette possibilité dite de départ volontaire.
Je dois vous dire que je n'ai jamais entendu parler de la nécessité d'obtenir le consentement de la personne à expulser. Il y a des cas, madame Meredith, où cette personne doit nous fournir volontairement des renseignements de façon que nous puissions remplir tous les papiers nécessaires à l'obtention d'un titre de voyage émis par le pays dont elle a la citoyenneté. Dans certains cas, la personne refuse de coopérer, sachant parfaitement que si nous ne pouvons obtenir de passeport de son pays d'origine, nous ne pouvons pas l'expulser. Mais nous avons des nouvelles pour ce genre de personne. Nous ne voulons pas d'un système où le refus de coopérer permet de rester au Canada, et nous devons faire preuve d'imagination pour trouver d'autres modalités d'expulsion.
Le vice-président (M. Dromisky): Y a-t-il d'autres questions du côté gouvernemental? Madame Minna.
Mme Minna: Merci. Je voudrais revenir un instant sur la CDNRSRC; le rapport Waldman-Davis a fait des recommandations ou des propositions concernant l'évaluation de leurs dossiers. Pourriez-vous tout d'abord me donner la définition utilisée pour évaluer le risque? Comment définit-on le risque? Votre réponse nous sera utile, car c'est une question qui nous est souvent posée.
Deuxièmement, combien de dossiers ont été réévalués à la lumière de ce rapport? Est-ce qu'il y a eu réévaluation et, dans l'affirmative, combien y en a-t-il eu? Pourriez-vous nous faire une mise à jour de ce qui s'est passé lors de la réévaluation qui a résulté des recommandations du rapport?
M. Bourget: Pour ceux qui ne connaissent pas le langage administratif, le sigle CDNRSRC correspond à la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada.
De février 1993 à mai 1994, il y a eu 10 435 demandes relevant de cette catégorie. La grande majorité d'entre elles, soit 10 379, ont été rejetées.
On leur a appliqué la procédure suivante: un agent d'immigration spécialement formé obtient auprès de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié les dossiers des requérants non reconnus qui ont été traités par la commission; cet agent d'immigration doit déterminer si la personne, qui n'entre pas dans la définition de réfugié, a des motifs de craindre de retourner dans son pays d'origine ou de citoyenneté, en fonction d'un principe appelé risque individuel.
C'est donc une démarche complémentaire. Un requérant peut ne pas correspondre à la définition de réfugié, mais peut néanmoins fournir des motifs justifiant qu'il ne soit pas expulsé du Canada, car même s'il n'est pas réfugié, il peut faire état de certains risques auxquels il est exposé à titre individuel, et non pas collectif, en tant que citoyen du Sri Lanka, par exemple. C'est ce dont on tient compte au cours de l'évaluation des demandeurs non reconnus. C'est un système qui a été mis en place en 1993, je crois, pour faire en sorte qu'en plus de la définition il y ait une évaluation du risque individuel.
Mme Minna: Merci
Le vice-président (M. Dromisky): Y a-t-il d'autres questions du côté ministériel? Dans ce cas nous redonnons la parole à M. Nunez.
[Français]
M. Nunez: En ce qui a trait au service de renvoi, mon personnel a tenté d'obtenir plus d'information, particulièrement concernant les coûts de ce service. Ce n'est pas facile. J'aimerais qu'il y ait plus de transparence dans tout ce qui est relié au renvoi. Souvent, c'est tenu secret.
À combien se chiffre le budget de votre service de renvoi et comment est-il réparti entre les salaires, le transport, les escortes, etc.?
M. Bourget: Monsieur Nunez, il me fera plaisir, s'il y a d'autres chiffres plus précis qui existent... Je sais qu'il y a de l'argent pour les dépenses salariales et les dépenses non salariales. Pour l'année 1995-1996, 4 637 personnes ont été renvoyées au coût de 6 520 369$, ce qui est à peu près le montant des dépenses non salariales de 1994-1995.
Vous pouvez évaluer approximativement les sommes reliées aux salaires. D'une façon plus précise, ces dépenses se chiffraient à environ quatre millions de dollars.
M. Nunez: En plus des six millions de dollars?
M. Bourget: Oui.
M. Nunez: Le budget total est d'environ dix millions de dollars?
M. Bourget: Le budget, salarial et non salarial, est d'environ dix millions de dollars.
M. Nunez: Combien dépense-t-on pour le transport?
M. Bourget: Environ 6 520 000$. Je n'ai pas devant moi les chiffres. Ces chiffres sont colligés au niveau de chacune des régions. Je ne me souviens pas d'avoir vu des chiffres nationaux. Les 6 520 000$ comprennent évidemment les frais de renvoi et de transport. Ce montant peut inclure aussi les frais de déplacement entre le centre de détention et l'aéroport où la personne doit...
Également, dans certains cas, la loi prévoit que les compagnies aériennes sont responsables des frais de renvoi. Nous assumons ces frais et, par la suite, nous demandons aux transporteurs qui ont amené ces gens au Canada de nous rembourser.
M. Nunez: Quel est le montant pour 1995-1996 de ce que M. Tassé appelle les frais de facilitation?
M. Bourget: Jusqu'à ce jour, aucun montant n'a été établi pour cela. Comme Mme Robillard l'a mentionné lorsqu'elle a comparu devant le comité, ainsi que M. Tassé lorsqu'il a parlé de frais de facilitation, nous avons examiné dans nos trois bureaux principaux, Vancouver, Toronto et Montréal, ce qu'il y avait en termes de frais de facilitation et dans quelles circonstances ces frais étaient payés.
Selon l'information obtenue, à Vancouver, jamais des agents d'escorte n'ont eu à payer des montants d'argent à des autorités locales d'inspection d'immigration dans des pays étrangers ou à d'autres autorités pour le renvoi d'une personne. À Montréal, on nous a dit que cela arrivait très exceptionnellement. Ce n'est pas fréquent à Toronto, mais cela se produit plus fréquemment qu'à Montréal.
Monsieur Nunez, nous tentons actuellement d'obtenir plus de renseignements là-dessus. Il est rassurant qu'on ne parle pas de gestes scandaleux. M. Tassé n'y a pas fait allusion. On ne parle pas de pots-de-vin. On parle uniquement de circonstances exceptionnelles où des agents d'escorte auraient eu à donner des pourboires à certaines personnes pour obtenir le renvoi d'une personne dans son pays d'origine.
M. Nunez: Étant donné que ces frais sont remboursés par votre ministère, pouvez-vous me donner un ordre de grandeur? Quel est le montant total?
M. Bourget: Nous ne l'avons pas repéré dans les frais de dépenses parce que cela est fait dans un bureau local.
M. Nunez: Et c'est remboursé par le ministère?
M. Bourget: Si les frais sont réclamés par les agents d'escorte, ils sont remboursés par le ministère. Monsieur Nunez, comme M. Tassé nous a demandé de le faire, nous voulons éviter de placer nos agents d'escorte dans une situation de tiraillement. Nous voulons identifier des circonstances où ce genre de choses doit se produire. Y a-t-il des options autres que de donner ce pourboire? Vous savez que dans certains de ces pays-là, c'est presque légitime, sinon nécessaire.
M. Nunez: Dans quels pays?
[Traduction]
Le vice-président (M. Dromisky): Merci beaucoup.
Monsieur Bélanger.
M. Bélanger: Monsieur le président, les fonctionnaires pourraient-ils nous dire très brièvement, parce que j'ai une autre question à leur poser, comment le Canada se compare aux autres pays dans sa manière de traiter ceux qu'il souhaite renvoyer dans leur pays d'origine?
M. Bourget: Les Canadiens devraient être fiers de la procédure appliquée dans ces cas.
Pour commencer, ces personnes sont sous la protection de notre Charte des droits et libertés, bien que dans la réalité elles n'aient pas vraiment de statut juridique au Canada. Pour la majorité elles ont accès à des procédures quasi judiciaires qui leur permettent, par exemple, de bénéficier non seulement des principes de la justice naturelle, mais également, dans de nombreux cas, de l'aide d'un conseiller de leur choix, souvent payé par les programmes d'assistance juridique existants - il y a des différences d'une province à l'autre. Dans de nombreux cas, il y a des recours ou des appels...
[Français]
M. Bélanger: Comment cela se compare-t-il à d'autres pays?
M. Bourget: Le Canada est dans une position très favorable.
M. Bélanger: Donc, il serait peut-être plus juste de dire que c'est un système très humanitaire plutôt qu'un système sauvage. Êtes-vous d'accord sur cela?
Je sais que je vous entraîne dans un discours politique, mais il y a des points qu'il faut faire ressortir ici, parce qu'on a mal décrit le système canadien. Il est de notre devoir...
M. Nunez: C'est votre opinion, et non la mienne.
M. Bélanger: Monsieur Nunez, j'ai droit à mon opinion.
M. Nunez: Oui, mais...
M. Bélanger: Merci, monsieur Nunez. Je voudrais quand même...
M. Nunez: On ne va pas se disputer. C'est pour...
M. Bélanger: Je voudrais quand même m'assurer qu'il y a des gens autour de la table qui ne sont pas d'avis que notre système est sauvage, comme on l'a qualifié.
[Traduction]
Le vice-président (M. Dromisky): Merci. Mme Meredith est la suivante.
Mme Meredith: Merci, monsieur le président.
J'aimerais revenir sur cette question des expulsés qui refusent de signer les formulaires d'acquisition de documents de voyage. Que faisons-nous en cas de refus de coopération?
M. Bourget: Lorsqu'il s'agit de certains pays de destination, le Canada peut toujours essayer - et parfois avec succès - de renvoyer ces personnes sur la base d'un document canadien adressé aux autorités du pays de destination indiquant que le Canada certifie que cette personne, née à telle date et à tel endroit, est en fait citoyenne du pays en question. D'autres pays n'acceptent pas un tel document.
Nous nous efforçons également en ce moment de conclure avec cinq ou six pays des «ententes de renvoi» ou des accords pour éviter d'être à la merci de fonctionnaires qui font lanterner la préparation des documents de voyage, ou de trouver d'autres méthodes permettant un retour au pays.
Il y a aussi du travail à faire avec les personnes concernées, avec les conseillers des personnes concernées, et parfois en coopération avec les ONG, pour les convaincre qu'il n'y a pas d'autre solution - et que l'issue est inéluctable. Comme je l'ai déjà dit tout à l'heure, il nous est impossible d'accepter de telles situations, et par conséquent nous nous efforçons de faire comprendre à la personne concernée que ce retour n'est pas forcément éternel, qu'il y aura peut-être une nouvelle possibilité si le délit est relativement mineur mais que pour le moment il lui est impossible de rester et qu'elle doit repartir. Ce n'est pas facile, dans certains cas.
Mme Meredith: Mille cinq cents permis ministériels ont été accordés à des personnes condamnées pour activités criminelles... certains de ces permis ministériels ont-ils été accordés à des personnes qui se trouvaient illégalement au Canada, qui faisaient l'objet d'une ordonnance d'expulsion et qu'il nous était impossible d'expulser? Dans la négative, à qui ces 1 500 permis ministériels ont-ils été accordés?
M. Bourget: C'est le total des 1 500 permis ministériels... Le ministre dépose chaque année un rapport dans lequel il énumère les noms des personnes auxquelles a été attribué un permis. Il y a toutes sortes de raisons pour lesquelles un permis ministériel est attribué.
Dans certains cas, oui, il arrive qu'il s'agisse d'une personne faisant l'objet d'une ordonnance de renvoi qui ne peut obtenir de permis ministériel à moins que le renvoi n'ait lieu - c'est-à-dire que la personne quitte le pays - mais cela ne veut pas dire pour autant que la personne doit retourner dans son pays d'origine, qui peut se trouver à plusieurs milliers de kilomètres. Dans certains cas il suffirait à l'intéressé de se rendre aux États-Unis et de revenir. Ceux qui à leur retour sont toujours inadmissibles peuvent faire l'objet d'un permis ministériel.
Mme Meredith: Quels pourraient être certains des autres cas? Combien de responsables de délits graves bénéficient d'un permis ministériel, et combien de ceux-là ont récidivé?
M. Bourget: Pour commencer, je ne suis pas certain que nous ayons ces chiffres. Je crois que nous avons les chiffres correspondant aux motifs généraux pour lesquels un permis ministériel est accordé. Quant à la deuxième partie de votre question, combien de personnes bénéficiant d'un permis ministériel ont commis...
Mme Meredith: Enfreint la loi.
M. Bourget: ...je dirais comme cela que c'est très minime, mais il faudrait que nous nous renseignions pour voir si on peut trouver ce genre de chiffres. Si cela ne vous dérange pas d'attendre, nous pourrions essayer de vous envoyer plus tard ce renseignement.
Mme Meredith: Si vous pouviez me l'envoyer plus tard par écrit, je vous en serais reconnaissante.
Le vice-président (M. Dromisky): Nous allons terminer ce tour par une question du côté ministériel, de M. Dhaliwal.
M. Dhaliwal: J'ai une question à poser sur les permis de travail temporaires. Lorsque je faisais du ski l'année dernière à Big White, à Whistler, j'ai remarqué qu'il y avait beaucoup d'employés qui travaillaient avec des permis temporaires, et j'ai essayé de m'informer sur le nombre de ces permis que nous accordons à l'étranger pour faire une petite analyse. Je n'ai pas pu obtenir de renseignements suffisants me permettant de déterminer combien de personnes bénéficient de ces permis pour travailler trois ou six mois au Canada dans différentes catégories. Dans ces conditions - et je sais que cela ne concerne que les régions où il y a du travail saisonnier, peut-être une station de ski qui est beaucoup plus occupée pendant les mois d'hiver - j'ai été très surpris de constater combien de personnes venant de différentes régions du monde travaillaient grâce à ces permis temporaires.
Pourriez-vous m'éclairer un peu sur cette question et voir aussi s'il serait possible d'avoir des chiffres un peu plus précis sur le nombre de permis de travail accordés à des étrangers qui viennent au Canada pour travailler sur une base temporaire, et comment les répertoriez-vous, et dans quelle catégorie? Votre ministère a été incapable de me donner les renseignements voulus.
M. Girard: En 1995 nos missions à l'étranger ont accordé 52 429 permis de travail à des personnes qui voulaient venir travailler temporairement au Canada. Ce chiffre n'inclut pas ceux et celles qui ont le droit de faire une demande aux points d'entrée, mais je trouverai ces chiffres plus tard pour M. Dhaliwal.
Je ne peux pas vous donner de chiffre pour ceux qui sont venus d'une période de trois à six mois. Ces permis sont l'exception plutôt que la règle pour les demandes faites à l'étranger. Généralement les demandes sont faites pour des périodes beaucoup plus courtes.
Au Canada, bien entendu, il y en a un plus grand nombre d'accordés aux candidats à la reconnaissance du statut de réfugié. Il y a trois groupes différents.
Il y a ceux qui viennent combler un vide dans la main-d'oeuvre canadienne et qui sont embauchés par des entreprises canadiennes qui n'ont pas d'autre solution. Tous ces emplois sont validés par les Centres d'emploi du Canada avant qu'ils ne soient ouverts aux étrangers.
Ensuite il y a le groupe de ceux qui viennent dans le cadre d'échanges avec des pays étrangers pour des raisons qui ne concernent pas strictement l'emploi. Les échanges de jeunes, les échanges culturels et les échanges de cadres entre multinationales sont facilités sans que cela nécessite de validation par les centres d'emploi, puisque, réciproquement, des Canadiens ont la possibilité d'aller travailler dans des pays étrangers.
Ensuite, bien entendu, il y a les gens au Canada qui ont besoin de travailler pour subvenir à leurs besoins. On leur donne des permis de travail sans validation des centres d'emploi, puisque la seule autre solution, c'est le bien-être social. Il est de loin préférable d'autoriser les gens à subvenir à leurs besoins et de les aider à se responsabiliser plutôt que de les obliger à ne rien faire et à se faire payer par le Trésor public.
Le vice-président (M. Dromisky): Merci beaucoup. Au nom du comité, j'aimerais...
M. Nunez: J'invoque le Règlement. Cette réunion devait durer de 15 h 30 à 17 h 30, et nous avons encore des questions à poser. En tout cas, j'en ai encore plusieurs, et j'attendais mon tour.
Le vice-président (M. Dromisky): Très bien. Nous allons vous accorder cinq minutes, monsieur Nunez, et ce sera votre dernier tour.
Mme Meredith: Ai-je droit à un tour supplémentaire également?
Le vice-président (M. Dromisky): Certainement. Ensuite, pour terminer, je passerai aux députés ministériels s'il y a des questions de ce côté.
Monsieur Nunez.
[Français]
M. Nunez: Le Centre de prévention de Saint-Jacques a été déménagé à Laval sans appel d'offres public, semble-t-il. Les coûts, on ne les connaît pas. Cette décision a été critiquée par les avocats et les organismes qui travaillent avec les réfugiés et les familles des détenus. Pourquoi avez-vous fait cela, surtout sans appel d'offres public?
M. Bourget: Sur la question des appels d'offres, sauf erreur, il s'agit d'un édifice fédéral inoccupé. Les transactions, à ce moment-là, se font avec Travaux publics Canada.
Quant à la réaction causée par le déménagement du Centre de détention à Laval, il s'agit d'une décision qui, avant d'avoir été prise, a fait l'objet de plusieurs consultations avec les ONG, l'association des avocats de Montréal et la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.
Même si nous n'avons pas obtenu une réponse enthousiaste de tous ces participants, il y a quand même eu consultation. Le Centre de Laval aura une infrastructure physique qui répondra à certaines des préoccupations des personnes qui ont été consultées. Quant à la raison de cette décision, il y avait une très bonne compatibilité entre les économies d'argent et le côté pratique.
M. Nunez: Mais c'est très loin de la CISR et des tribunaux, qui sont au centre de Montréal.
M. Bourget: Le directeur général de l'Immigration à Montréal a offert aux ONG des moyens de faciliter le transport des personnes qui pourraient se rendre à Laval.
M. Nunez: Comment?
M. Bourget: Par un système de navettes. En d'autres termes, la gestion de l'immigration à Montréal a fait des efforts pour faciliter le plus possible le déplacement des gens à Laval.
M. Nunez: En ce qui a trait à l'Algérie, le Bloc québécois a demandé la suspension des déportations vers ce pays. On nous a répondu qu'un comité consultatif examinait cela.
Qui fait partie de ce comité consultatif? Qui évalue le risque?
M. Bourget: S'il vous n'y voyez pas d'objections, je vais demander à mon collègueBrian Grant de vous expliquer la structure du comité et son mode de fonctionnement.
[Traduction]
M. Brian Grant (directeur, Développement des programmes, Direction de l'application de la loi, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Merci, Pierre.
Je m'appelle Brian Grant. Je suis directeur du développement des programmes à la Direction de l'application de la loi. Je préside également le comité auquel vous faites allusion, le Comité consultatif sur les conditions de renvoi selon les pays. Ce comité a été créé il y a deux ans et restructuré plus tôt cette année.
Le travail de ce comité consiste à examiner les conditions existant dans certains pays, les conditions de risque généralisé...
M. Nunez: Qui en fait partie?
M. Grant: Ses membres sont tous des gens du ministère. Ils viennent de toutes les directions.
M. Nunez: Il y en a combien?
M. Grant: Dix ou douze dans notre ministère. Il y a également des gens du ministère des Affaires étrangères.
Chaque membre du comité représentant le ministère doit aborder les sujets intéressant ses clients. La direction des réfugiés a donc une tâche particulièrement lourde. Elle doit s'assurer que la question des droits de la personne soit examinée au comité.
Pour ce qui est de la documentation que nous utilisons, nos principales sources sont nos missions à l'étranger. Elles nous renseignent sur les divers pays. Le centre de documentation de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié est utile. En outre, nous portons attention à la documentation qui nous vient des ONG.
Dans le cas de l'Algérie, l'information que nous avons examinée incluait des documents d'Amnistie internationale Africa Confidential, le Europa World Year Book, de Human Rights Watch, de Middle East Watch, et parmi la documentation de la CISR il y avait une publication intitulée Questions and Answers Series - Algeria: Islamism, the State and Armed Conflict. Ce document a été préparé par Human Rights Internet.
[Français]
M. Nunez: Avez-vous étudié le rapport du Secrétariat d'État américain du 14 mars, qui est très sévère à l'égard de l'Algérie?
[Traduction]
M. Grant: Nous l'avons examiné également.
Tous ces documents sont soumis au comité. Les membres en prennent connaissance et en discutent. Le groupe conseille ensuite le ministre. Au départ, le groupe conseillait le directeur général de l'application de la loi. Il s'adresse maintenant au ministre.
Il est important de comprendre ce que le comité ne fait pas. Il n'évalue pas le risque auquel fait face une personne si elle est renvoyée dans son pays. Le risque individuel ou personnel est évalué soit par la Section du statut de réfugié, si le cas correspond à la définition de réfugié au sens de la convention, soit dans le cadre du processus d'évaluation de la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada.
Le comité examine seulement le risque général, la possibilité de violence généralisée. Nous essayons essentiellement de déterminer deux choses. La violence est-elle si répandue et si aiguë à l'intérieur du pays que personne ne peut y être renvoyé en toute sécurité? Deuxièmement, est-il seulement possible de renvoyer la personne dans le pays? Les moyens de transport sont parfois inopérants.
Haïti est un bon exemple. En juillet 1994, Air France a suspendu ses vols vers ce pays; personne ne pouvait se rendre à Haïti en avion à ce moment-là. Il était impossible d'y renvoyer qui que ce soit. Haïti figurait donc sur la liste des pays où plus personne n'était renvoyé, ne pouvait être renvoyé. Avec le retour du président Aristide, les vols ont repris, et le niveau de violence a diminué. Haïti est alors devenu un pays où nous pouvions renvoyer des gens.
Dans le cas de l'Algérie, votre exemple, notre ambassade à Alger continue de fonctionner. De fait, elle entend prendre de l'expansion. Les voyages ordinaires, les voyages d'affaires, entre l'Algérie et le Canada ont repris. En réalité, l'Algérie est le plus important partenaire commercial du Canada au Moyen-Orient, ou l'un des plus importants. Le tourisme en Algérie est florissant. Il y a des vols réguliers vers l'Algérie. L'économie algérienne se porte fort bien.
Il y a effectivement de la violence en Algérie. Cependant, cette violence a diminué considérablement depuis les élections de novembre dernier. Elle est maintenant moins ciblée et plus sporadique. Nous entendons parler de bombes placées dans des voitures à Alger, mais nous avons des échos du même genre de Londres, en Angleterre.
Nous admettons qu'il y a de la violence, mais nous disons que cette violence n'est pas répandue dans tout le pays. Il y a des régions du pays qui sont sûres. Ce que fait le comité, c'est examiner la situation globale du pays.
Le vice-président (M. Dromisky): Merci beaucoup.
Je dois expliquer quelque chose ici. Nous avons dépassé le temps normalement accordé aux députés de l'Opposition officielle parce que c'est la première fois que nous entendons parler de ce comité à notre niveau. Nous aimerions bien que les témoins nous renseignent davantage au sujet du mandat de ce comité, si c'est possible. Nous n'en avions pas entendu parler jusqu'ici.
M. Grant: Je peux fournir cette information au comité. En fait, le Comité d'aide aux réfugiés de Montréal a fait la même demande. Le mandat du comité est expliqué dans la réponse du ministre, et M. Nunez en a reçu copie. Nous donnerons l'information à votre comité.
Le vice-président (M. Dromisky): Très bien. Merci beaucoup.
Madame Meredith.
Mme Meredith: Je voudrais parler de la sélection et du contrôle effectués au Canada par votre ministère. Je m'interroge au sujet des critères spécifiques auxquels doit répondre quelqu'un qui désire prolonger son visa de visiteur.
M. Bourget: Un visiteur est défini dans la loi - je m'excuse de vous importuner avec cela - comme quelqu'un qui désire entrer au Canada ou rester au Canada de façon temporaire. Le facteur clé au moment de décider de proroger ou non le statut de visiteur est donc la crédibilité de la personne lorsqu'elle fait sa demande.
Nos agents sont incités à examiner un certain nombre d'éléments. La personne a quitté le pays pendant combien de temps? Si c'est la deuxième, troisième ou quatrième prorogation, la personne correspond de moins en moins à la définition de quelqu'un qui est ici de façon temporaire.
Il y a également les moyens financiers. La personne peut-elle subvenir à ses besoins? Quelqu'un l'aide-t-il? Si la personne a travaillé au pays, une absence d'un ou deux mois est peut-être acceptable, mais est-il normal que l'employeur permette à la personne de s'absenter pendant six mois, un an?
Ces facteurs sont examinés dans le cadre d'un processus centralisé à Vegreville. Nous avons des experts de ce centre de traitement ici cet après-midi. Les agents qui examinent les demandes reçues par courrier connaissent bien la situation - je vous ai indiqué un peu quels indices ils recherchent - et ils peuvent décider que la personne a droit à une entrevue, à une rencontre avec un agent; ils peuvent décider qu'une petite enquête s'impose avant que la personne puisse faire proroger son statut de visiteur.
Mme Meredith: Merci.
Lorsque quelqu'un a reçu le statut de réfugié et décide de visiter le pays qu'il a fui pour gagner le Canada, comment procède-t-on, quelles conditions envisage-t-on? Pour vous qui travaillez à l'application de la loi, est-ce que le fait que quelqu'un qui s'est vu accorder le statut de réfugié retourne dans le pays où il était censé ne pas être en sécurité est une indication importante? Effectuez-vous un suivi de ces cas?
M. Bourget: C'est une indication, mais je vois que M. Girard, qui connaît très bien le sujet, a également levé la main. Je vais le laisser répondre à la question.
M. Girard: Un réfugié qui se met sous la protection de son pays de citoyenneté, ou qui y retourne, perd de ce fait son statut de réfugié.
Il y a cependant deux processus différents: le processus de détermination du statut de réfugié et le processus d'immigration. Les réfugiés ne sont pas seulement protégés; la loi leur donne l'occasion de devenir résident permanent.
Pour les réfugiés qui se sont vus reconnus comme tels par la CISR, au Canada et qui sont devenus résidents permanents par la suite, nous ne pouvons plus réexaminer les motifs pour lesquels ils se sont vu accorder leur statut en premier lieu. Ils sont devenus résidents permanents. Ils ont les droits et les obligations des résidents permanents. S'ils retournent dans leur pays d'origine pour une raison ou pour une autre, il n'y a pas de sanction prévue à leur endroit pour cela. Il pourrait y en avoir une pour d'autres raisons, mais pas pour le simple fait d'être retourné dans son pays d'origine pour une raison ou pour une autre.
Le vice-président (M. Dromisky): Quelqu'un d'autre a-t-il des questions du côté ministériel? Non?
Au nom du comité, je remercie tous les témoins de leurs réponses brèves et claires sur un sujet qui peut être parfois très complexe. Merci beaucoup à tous.
La séance est levée.