[Enregistrement électronique]
Le mardi 3 décembre 1996
[Français]
La présidente: À l'ordre du jour du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration, il y a, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, une étude sur les règlements concernant l'établissement de réfugiés se trouvant au Canada sans pièces d'identités.
Nous avons le plaisir et l'honneur de recevoir deux témoins du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, M. Jeff LeBane, directeur général des réfugiés, et M. John Butt, conseiller principal, Politique de la protection internationale, Division du droit d'asile, Direction générale des réfugiés.
Bienvenue, messieurs. Vous pouvez commencer.
[Traduction]
M. Jeff LeBane (directeur général, Réfugiés, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Merci, madame la présidente. Bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité. C'est un plaisir pour M. Butt et moi-même d'être ici aujourd'hui. Je voudrais commencer par faire quelques observations préliminaires, après quoi, nous sommes à votre disposition pour répondre aux questions.
Le 13 novembre, le ministre a annoncé un train de mesures pour s'attaquer à un problème, qui, depuis un certain temps, touche directement un nombre considérable de réfugiés au Canada. Je veux parler des réfugiés se trouvant au Canada sans pièces d'identité.
Depuis 1993, aux termes de la Loi sur l'immigration, les réfugiés au sens de la Convention, qui débarquent au Canada, doivent être munis de papiers d'identité valides ou d'un document de voyage pour obtenir le statut de résident permanent. La raison en est simple: nous devons savoir à qui nous avons affaire.
Le Parlement a légiféré en ce sens en 1993 pour protéger les Canadiens contre les criminels et les terroristes qui pourraient abuser de notre système, des gens qui dissimuleraient volontairement leur identité. Depuis 1990, nous avons observé un nombre croissant de personnes qui arrivent au Canada en réclamant la protection accordée aux réfugiés et qui ne possèdent aucune pièce d'identité.
Le changement proposé à la réglementation est fondé sur le fait que certaines personnes ne peuvent tout simplement pas se procurer de documents qui répondraient aux exigences de la loi. Quand un pays est ravagé par la guerre civile, la délivrance de documents n'est pas toujours prioritaire. Quand la guerre civile se prolonge, il peut arriver que l'État ne soit même plus capable de délivrer des documents.
Environ 7 500 réfugiés de Somalie et d'Afghanistan ne peuvent obtenir la résidence permanente faute de documents satisfaisants. L'absence de documents satisfaisants est le seul obstacle qui s'oppose à leur établissement. Comme la ministre l'a signalé, environ 40 p. 100 de ces personnes sont des femmes et 40 p. 100 sont des enfants, et la très grande majorité d'entre eux ne posent pas de risque important sur le plan de la sécurité ou de la criminalité.
Le règlement proposé pour les réfugiés au sens de la Convention qui se trouvent au Canada, sans pièces d'identité, permet aux personnes de ces pays qui ne sont pas munies des pièces d'identité requises de présenter leur demande de résidence permanente cinq ans après avoir obtenu le statut de réfugié au sens de la Convention. Cette période de cinq ans, permettra à ces personnes de faire la preuve qu'elles respectent la loi du Canada et donnera aux autorités de l'immigration, le temps de déceler, souvent avec l'aide de la communauté en cause, les personnes qui peuvent s'être rendues coupables de crimes contre l'humanité.
Pendant les entretiens que j'ai eus avec des représentants de la communauté somalienne, mes interlocuteurs m'ont dit fréquemment qu'ils sont disposés à travailler de concert avec le gouvernement pour déceler ceux qui dissimulent leur identité et qui abusent du système.
Certains ont dit que la période de cinq ans est plus longue qu'il ne faut et que les réfugiés ne peuvent pas attendre aussi longtemps. Je leur ferais toutefois remarquer que la moitié des personnes en cause, et même un peu plus de la moitié, seront admissibles au droit d'établissement dans les deux ans de la date de mise en vigueur.
La ministre a évoqué la nécessité de trouver le juste équilibre. Parallèlement, nos fonctionnaires, s'efforcent de traiter plus efficacement le cas des gens qui ne révèlent pas leur véritable identité et l'itinéraire qu'ils ont suivi pour arriver au Canada.
Nous mettons en place un certain nombre de mesures administratives, notamment des vérifications au moment du débarquement, qui nous permettront d'établir un lien entre les revendicateurs du statut de réfugié qui ne possèdent pas de documents satisfaisants et les lignes aériennes qui les ont amenés au Canada. Nous pourrons ainsi établir l'itinéraire qu'ils ont suivi pour arriver au Canada.
Nous nous efforçons également de rationaliser nos ressources afin de pouvoir consacrer plus d'attention aux revendicateurs sans pièces d'identité qui refusent de collaborer avec les agents aux points d'entrée.
Comme vous le savez, nous communiquons à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, les renseignements que nous recueillons au moyen du questionnaire à remplir au point d'entrée, aussi bien dans le cas des revendicateurs qui dissimulent leur identité ou qui ont caché les documents utilisés pour venir au Canada, que dans le cas d'autres revendicateurs. La commission peut tenir compte de ces renseignements quand elle cherche à établir la crédibilité des revendicateurs du statut de réfugié.
J'ajoute que l'examen des notes prises aux points d'entrée peut soit aider un revendicateur à prouver que sa crainte de la persécution est bien fondée, soit lui nuire à cet égard. L'objectif de cet exercice est de s'assurer que les membres de la commission ont tous les renseignements nécessaires avant de rendre une décision sur le statut de réfugié.
Nous en avons discuté avec les membres de la commission et leur avons demandé quel genre de renseignements obtenus par les agents d'immigration aux points d'entrée et les agents d'immigration supérieurs peuvent leur être utiles quand les agents d'immigration supérieurs doivent établir l'admissibilité et poursuivre le processus.
Nous croyons que, conjuguées à ces mesures administratives, les modifications au règlement représentent un juste équilibre entre trouver une solution aux problèmes de ces réfugiés au sens de la Convention et le besoin de veiller à ce que le Canada et les Canadiens soient protégés contre le mauvais usage du processus de détermination du statut de réfugié.
Nous ne croyons pas que les abus soient le fait d'un grand nombre de gens, mais nous voulons protéger le système contre ceux qui ne méritent pas notre protection.
Le règlement proposé a été élaboré en consultation avec les gens et les organismes les plus directement touchés. Nous avons consulté des organismes comme le Conseil canadien des réfugiés, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié et le Bureau canadien du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Nous avons eu des entretiens avec des porte-parole de la communauté somalienne. Nous avons consulté les provinces, et en particulier celles qui sont le plus directement visées, à savoir l'Ontario, le Québec et la Colombie-Britannique.
Vous n'êtes pas sans savoir que le texte du règlement proposé a fait l'objet d'une publication préalable le 16 novembre. La période pendant laquelle le public peut se prononcer prendra fin le16 décembre. Si aucun changement n'est apporté à la suite des commentaires du public, nous mettrons le programme en oeuvre le 30 décembre.
Je vais m'en tenir là, madame la présidente. Merci. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
La présidente: Nous vous remercions beaucoup d'être venu à la réunion du comité avec un préavis aussi court. Nous vous en sommes vraiment reconnaissants.
[Français]
Nous allons commencer par M. Nunez. Vous avez 10 minutes.
M. Nunez (Bourassa): Je pense que l'objectif de la ministre est louable. Elle veut régulariser la situation de ces milliers de réfugiés reconnus qui ne peuvent pas obtenir leur résidence permanente Canada parce qu'ils n'ont pas tous les documents exigés.
Cependant, je m'aperçois que la plupart des organismes que vous avez consultés ne sont pas d'accord sur ce règlement. Pourquoi attendre cinq ans? C'est une très longue période. Vous savez que bon nombre d'entre eux sont venus ici seuls et ont laissé dans leur pays d'origine leur femme, leur époux, leurs enfants. Une séparation de cinq ans, c'est très dur pour les familles. Pourquoi cette période commence-t-elle à partir du moment de la détermination du statut de réfugié et non pas à partir du dépôt de la demande? Pourquoi ces mesures ne s'appliquent-elles qu'aux Somaliens et aux réfugiés venant d'Afghanistan? Il y a également d'autres pays qui ont des problèmes très graves, comme le Sri Lanka et l'Iran, où il est très difficile d'obtenir des pièces d'identité. Pourquoi ce règlement est-il valide seulement pour deux ans?
J'ai beaucoup d'autres questions, mais je vais d'abord écouter vos réponses aux questions que je viens de poser. Merci.
[Traduction]
M. LeBane: Je vais commencer par répondre à votre deuxième question, à savoir pourquoi la Somalie et l'Afghanistan et pourquoi pas d'autres pays comme le Sri Lanka et l'Iran.
Nous estimons que la Somalie et l'Afghanistan sont dans une situation tout à fait unique. Ils ont connu une longue période de troubles, une guerre civile prolongée. Pendant cette période, il y a eu effondrement complet de la capacité du gouvernement central d'émettre des documents, c'est-à-dire des documents de voyage ou des pièces d'identité. En conséquence, les ressortissants de Somalie et d'Afghanistan qui se sont déclarés réfugiés sont absolument incapables de se procurer ces documents.
Dans d'autres pays, comme le Sri Lanka et l'Iran, où il y a eu périodiquement des troubles, des périodes de guerre civile, mais ces troubles n'ont pas été aussi prolongés et les services administratifs ne se sont pas complètement effondrés au point de ne pouvoir émettre des documents. Dans ces pays-là, les autorités sont encore capables de délivrer aux gens qui en font la demande des papiers d'identité ou des titres de voyage.
Il peut y avoir des gens du Sri Lanka et de l'Iran qui ne veulent pas se procurer de documents, même s'ils le pourraient, ou qui, peut-être pour de très bonnes raisons, ne veulent pas demander de tels documents. Il n'en demeure pas moins qu'objectivement, les autorités centrales de leur pays peuvent leur délivrer ces documents sur demande.
Pour les gens qui ne veulent pas en faire la demande, et dans les cas où il y a clairement des raisons de faire preuve de compassion, il est possible d'obtenir un recours sur une base individuelle en invoquant le paragraphe 114(2) de la loi. Chaque année, nous avons des cas de ressortissants du Sri Lanka et de l'Iran qui invoquent avec succès le paragraphe 114(2) de la loi.
Quant à votre première question... Vous soulevez vraiment deux questions distinctes. Vous dites que le délai est long. Bien des gens ont fait ce commentaire. Je répète toutefois qu'au cours des deux premières années suivant la date d'entrée en vigueur, plus de la moitié de la communauté somalienne et afghane aura reçu le droit d'établissement.
La raison pour laquelle nous avons fixé un délai de cinq ans, c'est que nous voulons pouvoir découvrir les gens qui peuvent être des criminels de guerre ou tout simplement des criminels. La communauté somalienne nous a dit qu'ils sont disposés à travailler avec nous. Nous considérons que c'est une période raisonnable qui nous permet de voir s'il y a des gens susceptibles de mettre en danger la sécurité canadienne.
M. Nunez: Combien de criminels avez-vous identifiés jusqu'à maintenant parmi la communauté somalienne?
M. LeBane: Très peu.
M. John Butt (conseiller principal, Politique de la protection internationale, Division du droit d'asile, Direction générale des réfugiés, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Je ne connais pas le nombre exact.
M. LeBane: Certains d'entre eux sont des cas notoires. Mais c'est un très petit nombre.
M. Nunez: Pourriez-vous nous donner un chiffre précis? C'est parfois le problème que nous avons avec vous. Vous n'avez pas les chiffres et il est très important de les avoir pour prouver cela.
M. LeBane: Oui, nous ferons de notre mieux pour vous obtenir ce chiffre. Mais je dirais que c'est un très petit nombre.
Par ailleurs, nous avons aussi choisi une période de cinq ans pour donner aux intéressés le temps voulu pour faire la preuve qu'ils sont disposés à respecter la loi canadienne et à s'y conformer. Ce délai de cinq ans remplace la vérification des antécédents que nous faisons normalement au sujet de quiconque veut s'installer au Canada à titre d'immigrant.
Pourquoi avons-nous choisi une période de cinq ans à compter de la date de reconnaissance du statut de réfugié? Le processus de détermination du statut de réfugié est une démarche différente qui vise à établir si une personne a droit à la protection du Canada à titre de réfugié. Nous n'empiétons pas sur ce processus. La Commission de l'immigration et du statut de réfugié rend sa décision et nous n'examinons la demande qu'après que la décision a été rendue. Nous l'examinons sous un angle tout à fait différent. Nous ne commentons nullement le processus de détermination du statut de réfugié. Nous nous penchons plutôt sur nos exigences en matière d'immigration. Or l'une des exigences pour immigrer au Canada, du moins jusqu'à maintenant, c'est que personne ne peut obtenir le droit d'établissement en l'absence d'une pièce d'identité ou d'un titre de voyage acceptables. C'est donc un processus séparé.
M. Nunez: Le processus de détermination peut parfois prendre plus d'un an ou même eux ans. En pareil cas, ce ne serait pas cinq ans, mais bien sept ans que les gens doivent attendre pour être immigrants ayant reçu le droit d'établissement.
M. LeBane: En un sens, oui, mais quand la ministre en a fait l'annonce, elle a dit que pour les cas qui donneraient lieu à une décision favorable, le délai commencerait à la date de reconnaissance du statut de réfugié, de sorte qu'au moment de la proclamation, des centaines de personnes en bénéficieront immédiatement. Au cours de la première année, sur environ 7 000 Somaliens, 1 800 recevront tout de suite le droit d'établissement.
La présidente: Madame Meredith.
Mme Meredith (Surrey - White Rock - Langley-Sud): Merci, madame la présidente.
Je vous remercie d'être venus répondre à nos questions au sujet de ce nouveau règlement.
Combien de vols arrivent au Canada directement d'Afghanistan ou de Somalie?
M. LeBane: Pour autant que je sache, il n'y a pas de vol direct en provenance de ces deux pays. Les personnes en cause passent par Londres ou Hong Kong; elles empruntent différents itinéraires.
Mme Meredith: Vous avez dit que le Canada exige des documents, des titres de voyage ou quelque chose d'autre. Les personnes en cause ne possèdent-elles aucun document, ou bien ont-elles des documents qui sont insatisfaisants?
M. LeBane: Les personnes dont nous parlons en l'occurrence, les 7 500 personnes, n'ont aucun document.
Mme Meredith: Comment sont-ils arrivés au Canada sans aucune pièce d'identité? Comment peut-on voyager dans le monde sans pièces d'identité?
M. LeBane: Pour se rendre au Canada, ils avaient un document quelconque qui a satisfait les responsables des lignes aériennes. Il pouvait s'agir d'un document légitime, d'un titre de voyage; ou bien ce pouvait être un faux document. Mais pour monter dans un avion, n'importe où dans le monde, pour venir au Canada, il faut un document, un titre de voyage valide.
Si une ligne aérienne accepte de faire monter à bord une personne qui ne possède aucun document, elle est passible d'une amende, d'une pénalité. Donc, quiconque monte à bord d'un avion pour venir au Canada, qu'il s'agisse d'un vol avec escale ou d'un vol direct, doit posséder un document.
Mme Meredith: Mais vous venez de dire qu'il n'y a pas de vol direct pour le Canada à partir de la Somalie ou de l'Afghanistan. J'en conclus donc que les gens qui ont pris l'avion dans ces pays pour se rendre à Londres ou dans toute autre escale devait posséder des titres de voyage quelconques.
M. LeBane: Vous avez raison.
Mme Meredith: Pour quitter Londres à destination du Canada, ils devaient bien posséder un document de voyage quelconque, pour qu'une ligne aérienne les laisse monter à bord d'un de ses avions à destination d'un pays étranger. Si ces gens-là ne possédaient aucune pièce d'identité, qu'est-il donc advenu des documents qu'ils avaient au moment de monter à bord de l'avion?
M. LeBane: Ils peuvent les avoir détruits. Ils peuvent les avoir cachés sur eux. Mais au moment où ils ont dit à l'agent au point d'entrée qu'ils revendiquaient le statut de réfugié, ils ne possédaient aucune pièce d'identité.
Mme Meredith: Vous êtes en train de me dire qu'avec ce règlement, ce changement la réglementation, nous récompensons les gens qui ont détruit les documents qu'ils ont utilisés pour se rendre au Canada.
M. LeBane: La situation est la suivante: la grande majorité des personnes qui ont cherché refuge au Canada et à qui la Commission des réfugiés a accordé le statut de réfugié sont véritablement des réfugiés, qui ont été incapables de se procurer des documents de façon légitime, et qui ont dû avoir recours à de faux papiers...
On ne peut pas supposer que tous ceux qui montent à bord d'un avion ont des papiers valides, mais....
Mme Meredith: Mais ce que je dis, monsieur, c'est qu'ils avaient tous des papiers quelconques.
M. LeBane: Absolument.
Mme Meredith: Vous avez répondu tout à l'heure qu'au moment où ils ont revendiqué le statut de réfugié, ils n'avaient aucun papier. Vous n'avez pas dit que leurs documents n'étaient pas en règle, ou qu'ils étaient faux, mais qu'ils n'en avaient pas. Est-ce toujours le cas?
M. LeBane: Ils n'ont aucun papier.
Mme Meredith: Ils n'ont aucun papier. Donc, même les documents qui étaient peut-être irréguliers, faux, ou pas très valables, des documents qui vous aideraient à établir que cette personne vient vraiment de Somalie, que cette personne vient vraiment d'Afghanistan, vous n'avez rien de tout cela, pas même les faux papiers qu'ils ont utilisés.
M. LeBane: Certaines personnes avaient de faux papiers au moment où elles ont revendiqué le statut de réfugié. D'autres n'avaient rien du tout. Vous avez donc raison de dire que certains possédaient de faux papiers.
Je n'ai pas les chiffres précis, mais nous savons que, depuis ce moment-là, les personnes qui ont été déclarées réfugiées et qui ont la possibilité de recevoir le droit d'établissement persistent à dire qu'elles n'ont aucun papier. Le Canada leur a reconnu le titre de réfugié et leur a accordé sa protection permanente. Il est normal que ces gens-là souhaitent maintenant obtenir le droit d'établissement, pour rebâtir leur vie, mais depuis le début, ils ne cessent de dire qu'ils ne possèdent aucune pièce d'identité, qu'ils ne peuvent pas nous en fournir.
Mme Meredith: La décision a donc été prise de régulariser la situation de ces gens qui sont ici au Canada et auxquels on a accordé le statut de réfugié. Comment allez-vous protéger le Canada contre le fait qu'on encourage les gens à détruire leurs documents, ou à les faire disparaître d'une façon ou d'une autre, entre leur départ d'un pays étranger et leur arrivée au Canada? Comment va-t- on dire aux Chinois que cette politique ne s'appliquera pas à eux si jamais ils décidaient de détruire leurs documents, d'atterrir au Canada et de dire qu'en raison des circonstances, il n'était pas question que le gouvernement communiste de Beijing leur délivre des papiers d'identité? Comment allez-vous les exclure de l'application de ce règlement?
M. LeBane: Dans le processus d'octroi du droit d'établissement que nous proposons pour les Somaliens et les Afghans, je crois qu'il y a deux éléments clés, deux messages. Premièrement, le plus important peut-être est qu'il y a un délai considérable entre la date de la reconnaissance du statut de réfugié et l'octroi du droit d'établissement. Ce délai est de cinq ans.
Deuxièmement, la liste des pays n'en comprend que deux, la Somalie et l'Afghanistan. Cela ne s'applique pas au monde entier, mais seulement aux pays qui ont été éprouvés par une guerre civile prolongée et où, comme nous l'avons établi, après consultation, les gens ne pouvaient pas obtenir de pièces d'identité.
Cela ne s'applique pas à d'autres pays. Nous essayons seulement de tenir compte de ce qui se passe dans le monde. Pour le moment, les ressortissants de pays comme la Chine n'entrent pas dans cette catégorie, pas plus que les gens qui viennent du Sri Lanka ou d'Iran.
Comme vous le savez, il y a une disposition de temporarisation. Après deux ans, ces deux pays seront rayés de la liste, à moins que le ministre ne décide que pour des raisons valables, il y a lieu de les y laisser, ou d'y inscrire d'autres pays. Tous les deux ans, nous procéderons à des consultations auprès du ministère des Affaires étrangères, du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et des ONG.
Cela ne s'applique pas au monde entier. Pour le moment, seulement deux pays sont visés.
Mme Meredith: Je vais poursuivre dans la même veine. Parce qu'on l'a déjà fait une fois, parce qu'on a fait savoir à la communauté internationale que le Canada est disposé à accorder le droit d'établissement aux gens qui arrivent ici sans aucune pièce d'identité et qui continuent de dire qu'ils n'en ont pas, on se trouve à envoyer au monde entier un certain message. Même la disposition de temporarisation est conditionnelle. De sorte que le message que l'on envoie au monde entier, c'est que si l'on exerce des pressions assez fortes sur le gouvernement canadien, ce dernier élargira le programme. Dès que l'on peut établir le pays d'origine de ces gens-là, si les ONG exercent suffisamment de pression sur le gouvernement canadien et peuvent le convaincre que les conflits internes dans ce pays sont tels qu'il est impossible d'obtenir des pièces d'identité... Vous dites que la Chine n'est pas sur la liste. Qu'en est-il du Vietnam ou de la Corée ou d'autres pays où il y a des conflits? Cet argument ne s'applique-t-il pas à ces pays-là?
Je constate simplement que nous nous sommes rendus vulnérables. Nous faisons de la discrimination selon le pays d'origine, ce qui pourrait en inciter d'autres à dire que leur pays est dans la même situation et que nous ne devrions donc pas les exclure de l'application de ce règlement. Il me semble que nous ouvrons la porte à une foule de controverses et que nous devrions plutôt recourir à d'autres méthodes pour résoudre ce problème.
M. LeBane: Quand la ministre a décidé de créer cette catégorie, c'était un geste positif, en ce sens que l'on reconnaissait qu'il pourrait bien surgir au fil des années d'autres situations semblables à celles de la Somalie et de l'Afghanistan, que le Canada a accordé sa protection aux ressortissants de ces deux pays et que le gouvernement du Canada pourra vouloir utiliser cette catégorie et cette disposition d'abrogation pour en faire bénéficier d'autres personnes afin de les intégrer dans la société canadienne. Cette catégorie est donc ouverte sur l'avenir et il sera possible de l'utiliser pour d'autres situations.
Au cours des prochaines années, est-il possible que le Vietnam ou la Chine soit inscrit sur la liste? Oui, c'est du domaine du possible. J'ignore ce que l'avenir nous réserve, mais c'est à l'issue de consultations avec nos principaux partenaires que l'on déciderait s'il y a lieu d'inscrire ces pays sur la liste. J'en reviens encore à la Somalie et à l'Afghanistan, pays pour lesquels on a clairement établi qu'il n'est pas possible de s'y procurer des pièces d'identité ou des titres de voyage valides.
En fait, il y a quelques années, les États-Unis ont déclaré qu'aux yeux de leur gouvernement et pour leurs fins, les documents et autres pièces d'identité de Somalie n'avaient aucune valeur. À leurs yeux, le gouvernement de Somalie avait perdu le droit d'en délivrer.
Il s'agit donc des pays qui sont incapables, en raison de guerres civiles prolongées, de délivrer des pièces d'identité ou des titres de voyage valides. Peut-être qu'à l'avenir, des pays comme le Vietnam et la Chine pourraient être inscrits sur la liste, mais pour le moment, ces pays sont en toute objectivité capables d'émettre des documents.
Je voudrais par ailleurs préciser que le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, que nous avons consulté, s'est félicité de cette initiative. Le Canada, comme tout autre pays qui a signé ce pacte, est tenu d'accorder la protection aux réfugiés mais le pacte stipule en outre que lorsque c'est faisable et dans la mesure du possible, un pays signataire doit aussi aller plus loin, il doit chercher à intégrer les réfugiés dans sa société, à leur donner le droit d'établissement. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés nous a donc encouragés dans cette voie.
La présidente: Madame Bethel.
Mme Bethel (Edmonton-Est): Merci, madame la présidente.
Je me demande si vous pourriez me donner une idée du nombre de réfugiés au sens de la convention qui se trouvent au Canada et qui ne possèdent pas de pièces d'identité.
M. LeBane: Nous savons qu'il y en a approximativement 7 500 dans les communautés somalienne et afghane.
Mme Bethel: Non, je comprends cela. Ma question porte sur le nombre total.
M. LeBane: Il n'y en a pas beaucoup d'autres. Je ne sais pas s'il y en a...
M. Butt: Nos systèmes de données ne nous permettent pas de dire du premier coup d'oeil combien de personnes sont sans papier. Nous sommes en train de modifier le système pour pouvoir le faire à l'avenir.
Mme Bethel: Ce qui me préoccupe...
M. Butt: Actuellement, nous pouvons demander dans combien de dossiers de Somalie le droit d'établissement n'a pu être accordé en raison de l'absence de pièces d'identité. Nous pouvons obtenir le nombre total pour le Sri Lanka. Il faudrait le faire pays par pays, dossier par dossier.
Mme Bethel: Vous n'en avez donc aucune idée.
M. Butt: Pas du nombre total. Nous n'avons pas vérifié pour chaque pays. Nous nous sommes occupés des plus nombreux, qui proviennent d'Afghanistan et de Somalie.
Mme Bethel: Il me semble que c'est un élément d'information qu'il serait assez important d'obtenir pour avoir une idée...
M. LeBane: Je peux répondre à votre question de deux manières. Premièrement, aucune autre communauté n'a exercé de pression et n'a démontré qu'elle était incapable d'obtenir des documents. Cela n'exclut pas les gens qui, pour des raisons personnelles, ne sont pas disposés à essayer d'obtenir des pièces d'identité.
J'ai fait une recherche, qui pourrait vous être utile, sur les personnes qui ont invoqué le paragraphe 114(2) de la loi et qui ont demandé une exemption pour des raisons humanitaires. Le ministre peut déléguer le pouvoir discrétionnaire d'octroyer le droit d'établissement pour des raisons humanitaires, notamment pour des personnes qui n'ont pas de pièce d'identité.
Je peux vous donner une idée du petit nombre de gens qui sont dans cette situation. J'ai fait la recherche pour deux pays, l'Iran et le Sri Lanka, pour l'année 1995.
En 1995, pour l'Iran, il y a eu seulement 110 demandes aux termes du paragraphe 114(2) de la loi. J'ignore quel pourcentage de ces cas s'expliquait par l'absence de documents, mais 92 demandes sur 110 ont été acceptées et 18 ont été rejetées.
Pour le Sri Lanka, il y en a aussi un très petit nombre. Il y a eu 183 cas, dont 130 décisions favorables et 53 rejets.
La présidente: Merci beaucoup.
Mme Bethel: Il me semble qu'il serait très utile d'avoir des statistiques globales. D'après ce que vous dites, vous pourrez obtenir ces chiffres à l'avenir à partir de vos données.
M. LeBane: Oui.
Mme Bethel: Je voudrais aussi savoir pourquoi le paragraphe 114(2) ne pourrait pas être utilisé pour tous ces cas, pourvu qu'il y ait des critères clairs, car je crois qu'il s'agit bel et bien d'une question de justice.
M. LeBane: C'était une option pour la ministre. Elle aurait pu choisir de procéder de la sorte.
Je suppose qu'il y a plusieurs raisons clés pour lesquelles on a décidé de ne pas le faire. Premièrement, le pouvoir de décision est délégué individuellement à des agents dans tout le Canada. Quand on fait cela, on ne peut pas garantir l'uniformité des décisions.
Deuxièmement, on pose l'hypothèse que tous ces agents seraient pleinement informés dès le premier jour de la situation qui sévit dans ces pays. L'un des engagements que nous avons pris auprès des communautés somalienne et afghane est qu'après cinq ans, les gens auront droit à l'établissement et leur demande sera traitée de façon accélérée.
Mme Bethel: Il me semble qu'aux termes du paragraphe 114(2), il faudrait que la Commission des réfugiés définisse la criminalité ou tout au moins tienne compte de la criminalité, qu'il s'agisse de crimes de guerre ou de crimes de droit commun, et aussi du fait que les gens ne sont pas disposés à faire une demande, ou en sont incapables, et enfin des aspects humanitaires proprement dits. Est- ce le cas? Faut-il tenir compte de ces trois facteurs?
M. LeBane: Ce sont les agents d'immigration, par opposition...
Mme Bethel: Les agents d'immigration, bien. Est-ce qu'ils prennent ces trois facteurs en considération? De quels autres facteurs tiennent-ils compte?
M. Butt: Si vous parlez d'une demande individuelle présentée en vertu du paragraphe 114(2), tout dépend de la nature de la demande. Si le requérant demande à être dispensé de l'obligation de présenter une pièce d'identité, on a déjà vérifié s'il avait un casier judiciaire au moment où il a demandé le droit d'établissement. Il reste donc simplement à vérifier si le requérant a un motif acceptable pour demander une exemption.
Comme l'a dit M. LeBane, la difficulté consiste à assurer l'uniformité dans un contexte où les pouvoirs peuvent être délégués à différents agents, mais la Cour fédérale nous a dit que nous ne pouvions pas limiter leur pouvoir discrétionnaire. Nous pouvons leur donner des indications, mais nous ne pouvons pas limiter, contrôler ou restreindre leur pouvoir discrétionnaire. C'est tout le problème lorsqu'on y a recours. Si vous l'accordez à un grand nombre d'agents, vous aurez deux difficultés: tout d'abord le manque d'uniformité, et ensuite le temps dont chaque agent a besoin pour prendre une décision.
En l'occurrence, la seule chose que l'agent doive faire, étant donné que les questions de casier judiciaire et de sécurité ont déjà été réglées au moment de la demande initiale, c'est vérifier si cinq ans se sont écoulés depuis la date de la décision de la SSR. C'est une procédure très rapide. Nous nous occupons des gens qui répondent à la définition du réfugié au sens de la convention et dont les antécédents judiciaires ont été vérifiés, mais leur dossier est mis à jour pour qu'on puisse vérifier s'il ne s'est rien passé entre temps.
Mme Bethel: Et la Commission de l'immigration et du statut de réfugié? Comment prend-elle ses décisions?
M. Butt: La commission prend une décision sur étude du dossier. Je crois qu'on a posé une question sur ses critères en matière d'identité.
Mme Bethel: Est-ce qu'elle fonde ses décisions sur des critères précis?
M. Butt: Elle tient compte de la définition et de l'information fournie.
Mme Bethel: Est-ce qu'elle applique des principes précis?
M. Butt: Elle a accès à l'information recueillie au point d'entrée. Elle peut demander des renseignements par l'intermédiaire de nos établissements à l'étranger sur les conditions qui prévalent dans le pays d'origine ou, au besoin, sur des cas individuels. Elle est en mesure d'obtenir toute l'information possible concernant cette situation et, le cas échéant, sur la personne concernée.
Mme Bethel: Enfin, je voudrais savoir pourquoi on a choisi cinq ans plutôt que trois. S'il ne faut qu'un ou deux ans pour déterminer le statut de réfugié, pourquoi faut-il en rajouter encore deux?
M. Butt: Nous pensons qu'une période de cinq ans est raisonnable. Certains préconisent trois ans plutôt que cinq, mais nous pensons qu'en cinq ans, nous avons le temps de vérifier si ces personnes présentent ou non un danger pour la société canadienne. Comme je l'ai dit précédemment, nous travaillons avec les communautés somalienne et afghane pour vérifier si les requérants ont fait la preuve de leur respect de la législation canadienne.
Mme Bethel: Merci. J'espère que nous pourrons avoir un jour une bonne compréhension des principes de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, et de la façon dont elle prend ses décisions en vertu du paragraphe 114(2).
M. Butt: La Commission de l'immigration et du statut de réfugié ne prend pas de décision en vertu du paragraphe 114(2). Il s'agit là du pouvoir délégué par le ministre aux agents du ministère.
Mme Bethel: Très bien.
Mme Minna (Beaches - Woodbine): Il y a ici deux procédures distinctes, celle du statut de réfugié et celle du droit d'établissement.
Mme Bethel: En fait, je m'intéresse à la loi.
Mme Minna: Je voulais signaler à ma collègue que nous avons ici affaire à deux procédures différentes. La procédure du statut de réfugié est distincte de celle du droit d'établissement. Voilà ce dont nous parlons.
La présidente: Monsieur LeBane.
M. LeBane: Pour répondre à la dernière question sur la procédure de détermination de la commission, je dirai que la présidente de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a fait une déclaration le 15 novembre dernier sur les requérants sans documents et sur la façon dont la commission traite leur dossier de sa propre initiative, sur les exigences et sur le rôle que doit jouer le ministère pour que tous les renseignements pertinents soient fournis.
Si j'ai bien compris ce qui s'est dit la semaine dernière lorsque la ministre était là, la présidente de la commission, Mme Mawani, doit comparaître devant le comité et elle devrait pouvoir préciser alors le message qu'elle a ainsi envoyé.
La présidente: Nous n'avons pas encore invité Mme Mawani, mais peut-être convient-il de le faire.
Je voudrais utiliser le temps d'intervention du parti gouvernemental, puisque nous avons un manque d'effectifs aujourd'hui.
La question des documents fournis me préoccupe, car il y a eu des cas où nous avons accepté certaines catégories de documents que nous refusons dans le cas des Somaliens et des Afghans, notamment des certificats de naissance ou des certificats de scolarité. Y a-t-il une raison précise à cela? Je sais que nous avons déjà abordé cette question à deux ou trois reprises, mais comme il y a des précédents concernant l'acceptation de ces documents, pourquoi fait-on preuve d'une plus grande sévérité envers ces deux communautés?
M. LeBane: Je ne suis pas prêt à parler d'une plus grande sévérité. Il y en a effectivement qui ont quitté la Somalie et qui ont pu présenter à la commission des documents qu'elle a jugés satisfaisants. Je peux vous montrer les statistiques sur les cas où le ministère de l'Immigration a pu accorder le droit d'établissement à des réfugiés somaliens après la détermination de leur statut de réfugié parce que des documents avaient été présentés.
Nous nous sommes efforcés d'être aussi généreux que possible. Nous avons renoncé aux passeports, aux titres de voyage, aux pièces d'identité, aux certificats de naissance et aux certificats de scolarité. Nous essayons de faire preuve du plus grand libéralisme possible à cet égard.
Je peux vous donner quelques statistiques. Tout le monde n'est pas dans l'impossibilité de fournir des documents, mais c'est quand même le cas de la grande majorité. En 1995, 808 des Somaliens qui ont obtenu le droit d'établissement avaient des documents. En 1994, ils étaient 454. Pour les six premiers mois de 1996, 213 ont été en mesure de fournir des documents que les agents d'immigration ont jugés satisfaisants.
La présidente: Voulez-vous nous dire officiellement ce que vous entendez par document?
Mme Butt: Je ne pense pas avoir de réponse précise à vous fournir. De façon générale, il ne s'agit pas de passeports ou de titres de voyage, car les passeports et les titres de voyage émis par le gouvernement somalien sont douteux. Je pense qu'aujourd'hui, tout le monde en convient.
Les requérants présentent des certificats de naissance, des cartes d'identité municipales et divers autres documents qui sont vérifiés par l'agent d'immigration, parfois avec l'aide de certains membres de la communauté somalienne. Ils nous aident également dans le domaine de la traduction, ils ont leurs propres experts et leurs propres critères concernant la fiabilité des documents.
On consulte toutes les sources pour vérifier si un document est authentique. Nous pouvons aussi faire appel à la GRC qui vérifie si le document n'a pas subi de modifications qui seraient invisibles à l'oeil nu.
On peut prendre plusieurs autres mesures pour vérifier si un document est authentique ou s'il est antérieur à l'arrivée de la personne au Canada, car les documents émis après la présentation de la demande du statut de réfugié suscitent évidemment certains doutes ou certains soupçons.
Tous ces facteurs sont pris en considération et, en fin de compte, l'agent décide si le document est conforme ou non aux exigences de la loi. Dans l'affirmative, le requérant obtient le droit d'établissement et, dans la négative, sa demande reste en suspens jusqu'à ce qu'il fournisse d'autres documents.
Au cours des trois dernières années, nous avons eu affaire à environ 7 000 réfugiés somaliens qui n'étaient pas en mesure de faire face à ces exigences.
La présidente: Ils n'avaient fourni aucun document.
M. Butt: Il se peut qu'ils aient fourni des documents jugés inacceptables, sur lesquels la GRC a constaté des altérations, ou dont la communauté somalienne nous a dit qu'ils n'avaient pas été émis à la date indiquée. À ce titre, il pouvait s'agir de faux documents. Il existe toutes sortes de renseignements qui peuvent nous amener à juger un document inacceptable aux fins du droit d'établissement ou du statut de réfugié.
M. LeBane: Nous avons chaque année plusieurs centaines de requérants qui peuvent nous fournir des documents, mais la grande majorité d'entre eux est dans l'impossibilité de le faire.
La présidente: Avez-vous envisagé d'accorder des exemptions, par exemple pour les enfants somaliens, au lieu de leur appliquer les mêmes règles?
M. LeBane: Tous les mineurs qui arrivent au Canada et qui appartiennent à une unité familiale sont assujettis à cette disposition. C'est le cas des enfants s'ils font partie d'une famille dont le principal requérant décide de les inclure à la demande, ce qu'il fait généralement. Les enfants bénéficient donc de cette disposition.
La présidente: Si on n'exige aucun document pour les enfants... S'ils sont mineurs lorsqu'ils arrivent au Canada, quel casier judiciaire peuvent-ils avoir? Je veux dire que les mineurs ne peuvent présenter aucun danger pour la sécurité. Pourquoi sont- ils assujettis au même délai de cinq ans?
M. Butt: Tout dépend. Dans le cas d'un mineur qui arrive avec le reste de la famille, nous considérons globalement l'unité familiale.
La présidente: Je sais, mais pourquoi les mineurs sont-ils inclus dans l'unité familiale? Ils ne présentent aucun danger pour la sécurité. Autrement dit, on n'a pas envisagé de leur accorder d'exemption.
M. Butt: Non, le problème, c'est qu'ils n'ont pas de documents personnels...
La présidente: Évidement.
M. Butt: ...pour établir leur identité. Donc nous considérons qu'ils font partie de l'unité familiale. On n'a pas envisagé de leur appliquer une procédure distincte en matière de droit d'établissement.
La présidente: D'accord.
Monsieur Nunez.
M. Nunez: Ce délai de cinq ans, me pose bien des problèmes.
[Français]
Je pense que ma collègue, Mme Bethel, l'a souligné également. Nous avons au Canada une loi qui nous donne les outils nécessaires pour faire face à des criminels de guerre ou d'autres criminels. On peut enlever la citoyenneté à quelqu'un ou la résidence permanente dans certains cas. Le projet de loi C-44 permet d'expulser quelqu'un qui a commis de sérieuses infractions, même s'il a obtenu sa résidence permanente.
Nous, du Bloc québécois allons proposer de réduire ce délai à trois ou deux ans. Je ne comprends pas la raison de ce délai de cinq ans, parce que, même si vous vous trompez et accordez la résidence permanente à quelqu'un, vous pouvez la lui enlever le jour suivant, le mois suivant ou l'année suivante si les raisons de le faire sont prévues dans le projet de loi C-44 ou dans le Code criminel. Que répondez-vous à cela?
[Traduction]
M. LeBane: On peut évidemment préconiser un délai plus court. Nous avons envisagé cette option, mais nous avons considéré qu'un délai de cinq ans convenait mieux pour vérifier si le requérant acceptait de se conformer à la loi canadienne; cela nous permet de collaborer avec la communauté somalienne pour vérifier si le requérant ne cache pas sa véritable identité. On peut effectivement révoquer le statut ou le droit accordés, mais ce délai nous donne le temps nécessaire pour agir.
Il nous permet de vérifier les antécédents de tous les immigrants qui arrivent au Canada. Dans le cas des Somaliens et des Afghans, il n'y a pas de vérification des antécédents, puisque ces personnes ne peuvent pas prouver leur identité.
[Français]
M. Nunez: Vous avez fait allusion à la communauté somalienne. J'ai rencontré ces personnes il y a quelques jours, et certaines d'entre elles sont ici aujourd'hui. Vous avez consulté ces gens, mais ils sont très inquiets. D'après ce qu'ils m'ont dit, ils ne sont pas d'accord sur ce règlement. Ils viendront d'ailleurs plus tard pour témoigner devant le comité. Ils m'ont dit, par exemple, que ce règlement empêche la réunification de la famille, qu'il y a des enfants aujourd'hui âgés de 12 ans qui ne pourront pas être parrainés parce qu'ils auront 19 ans et plus lorsqu'ils pourront faire la demande pour l'application du règlement.
Ils m'ont dit également que les jeunes Somaliens qui ont été acceptés comme réfugiés ne peuvent pas continuer leurs études après le secondaire car ils ne sont pas admissibles aux prêts et aux bourses. Dans plusieurs cas, ils ne peuvent même pas obtenir de travail ici, ce qui fait que, d'une certaine manière, vous condamnez un certain nombre de Somaliens à vivre de l'aide sociale. Il y a beaucoup de problèmes. Est-ce que vous avez tenu compte de ces situations et de ces revendications lorsque vous avez rencontré la communauté somalienne?
[Traduction]
M. LeBane: Oui, j'ai eu moi-même deux longs entretiens avec la communauté somalienne.
L'un des objectifs de la ministre est d'intégrer aussi rapidement que possible ceux qui sont ici depuis cinq ans. Elle reconnaît qu'il est important d'intégrer les jeunes Somaliens, de façon qu'ils aient accès aux prêts aux étudiants et qu'ils puissent faire des études postsecondaires.
M. Nunez: Non, ils ne peuvent pas...
M. LeBane: Non, je parle du droit d'établissement et de l'intégration.
M. Nunez: Oui, le droit d'établissement.
[Français]
Vous voyez bien que si le jeune Somalien ne peut pas aller à l'université et obtenir un travail facilement, vous le condamnez pratiquement à la délinquance. Je pense qu'il faudrait faire attention à cet aspect du règlement, règlement qui est discriminatoire envers les autres pays. Est-ce que vous pouvez nous dire comment les États-Unis, l'Australie ou la Nouvelle-Zélande traitent ce problème?
[Traduction]
M. LeBane: Aux États-Unis, une personne qui se présente à un point d'entrée sans titre de voyage et sans document établissant son identité - et je parle ici de la législation actuelle, car je sais que le dernier Congrès américain a apporté des modifications importantes à cette législation - voit sa demande suspendue pendant un an. On ne lui applique pas la procédure immédiate. Il y a une présomption négative. Si au bout d'un an, la personne n'a toujours pas de document, son dossier est transmis à un agent d'immigration. Si l'agent est convaincu que la personne mérite d'être protégée, on lui accorde le droit d'établissement.
[Français]
M. Nunez: Et dans le cas de l'Australie?
[Traduction]
M. LeBane: L'Australie applique une formule différente. Sa situation est particulière, puisqu'il s'agit d'une île. L'Australie impose un visa à tous les étrangers, et les seules personnes qui y soient accueillies sans visa, sont les boat people de Chine et de Nouvelle Guinée... Il s'agit donc d'un nombre très réduit de personnes.
Jusqu'à maintenant, les autorités australiennes ont pour politique de les garder dans des camps de détention jusqu'à ce qu'ils soient mesure de présenter des documents.
[Français]
M. Nunez: Dans de tels cas, est-ce que l'article 27 de la Convention de Genève de 1951 est respecté? Vous avez dit que vous aviez consulté le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Quelle était leur opinion sur ce règlement? Je ne sais pas s'ils viendront témoigner pour exprimer leur opinion, mais je l'espère.
[Traduction]
M. LeBane: Oui. Le représentant local du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés a dit souhaiter que le Canada adopte une politique intégrée qui aille au-delà de la simple protection.
Nous avons réagi. La ministre a tenu compte de ces préoccupations et nous sommes en train d'organiser l'intégration de ces personnes. Je ne peux pas parler au nom du haut-commissaire des Nations unies, mais nous avons répondu à ces préoccupations et nous sommes disposés à aller au-delà de la protection.
[Français]
M. Nunez: Vous dites que vous avez donné le nombre de réfugiés qui obtiendront la résidence permanente, mais combien n'auront pas accès à ce règlement? Combien y a-t-il de réfugiés reconnus sans documents?
[Traduction]
M. LeBane: Nous savons qu'actuellement, la grande majorité des Somaliens et des Afghans n'ont pas de documents. Comme je l'ai dit tout à l'heure, on trouve chaque année plusieurs centaines de Somaliens qui sont en mesure de fournir des documents. À ma connaissance, il n'existe pas d'autres communautés présentant les mêmes problèmes.
Je peux vous montrer, sur la communauté somalienne, des statistiques qu'il convient d'utiliser avec prudence, mais entre 1989 et 1995, 16 000 décisions favorables ont été rendues à l'endroit de requérants du statut de réfugié d'origine somalienne, et pendant la même période, 8 900 Somaliens ont obtenu le droit d'établissement.
Il faut être prudent dans l'utilisation de ces chiffres. On obtient un total d'environ 7 000 Somaliens, mais n'oublions pas que jusqu'en février 1993, les personnes qui n'avaient pas de titre de voyage pouvaient obtenir le droit d'établissement, ce qui fausse un peu les statistiques. Jusqu'en février 1993, l'absence de documents n'était pas un obstacle au droit d'établissement. Donc pendant cette période, un grand nombre de Somaliens ont obtenu le droit d'établissement.
[Français]
M. Nunez: Vous avez mentionné les organismes que vous aviez consultés avant la publication de ce règlement, soit la CISR, le Conseil canadien pour les réfugiés et les représentants de la communauté somalienne. Est-ce que vous pourriez nous dire le nombre total d'organismes que vous avez consultés et leurs noms?
[Traduction]
M. LeBane: Nous avons consulté le Conseil canadien des réfugiés, le bureau local du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et la communauté somalienne. Et lorsque je parle de communauté somalienne, je veux dire l'organisme représentatif de Toronto appelé Midaynta. Nous avons également consulté les provinces, c'est-à-dire l'Ontario, la Colombie-Britannique et le Québec.
La présidente: Madame Meredith.
Mme Meredith: Merci, madame la présidente. Je voudrais reprendre certaines questions précédentes.
Je crois savoir qu'il faut plusieurs années avant d'obtenir le statut de réfugié. N'est-ce pas?
Quelle est la durée moyenne de la procédure pour un Somalien ou un Afghan?
M. Butt: Je ne pense pas que cette durée soit différente pour un Somalien ou un Afghan. La durée moyenne du traitement d'un dossier à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié est d'un peu moins de 12 mois dans l'ensemble des dossiers.
M. LeBane: Pour être très précis, elle est actuellement de 11,8 mois. L'année dernière, elle était d'environ 11 mois.
Mme Meredith: Est-ce que c'est plus long pour les personnes qui n'ont pas de documents ou dont les documents sont inadéquats?
M. LeBane: Non.
M. Butt: Pas nécessairement, du moins jusqu'à maintenant. La Commission de l'immigration et du statut de réfugié a une procédure dite accélérée qui permet de traiter sans audience officielle le dossier des personnes provenant de pays pour lesquels le taux d'acceptation est élevé. Je sais que jusqu'à maintenant, les Somaliens étaient des candidats de premier choix pour l'application de cette procédure accélérée. Donc en moyenne, en 1993-1994, les dossiers des Somaliens étaient traités plus rapidement que les autres, qu'ils aient des documents ou non.
Mme Meredith: Cela veut donc dire qu'avec cette procédure accélérée, on ne pouvait pas vérifier les prétentions des requérants quant à leur identité.
M. Butt: Ce n'est pas cela que je veux dire. Il y avait une procédure de détermination, mais elle ne comportait pas d'audience officielle devant deux membres de la commission. Un agent faisait une enquête, puis recommandait une décision positive ou négative pour chaque dossier. Je ne veux pas dire que cette procédure comportait une lacune fondamentale en ce qui concerne la vérification de l'identité. Chaque cas était traité selon les circonstances.
Mme Meredith: Ces gens sont donc restés ici environ un an avant qu'on statue sur leur cas.
M. Butt: Le délai moyen de traitement est actuellement d'environ un an.
Mme Meredith: Les enfants représentent 40 p. 100 de la communauté, et les femmes, également 40 p. 100.
M. Butt: Oui.
Mme Meredith: Les avantages du droit d'établissement, c'est d'une part, que les enfants ont accès à des subventions ou à des bourses d'études...
M. LeBane: Postsecondaires.
Mme Meredith: ...et d'autre part, qu'il permet la réunification des familles, c'est-à-dire qu'en vertu de la réglementation actuelle, on peut faire venir le conjoint. Dans 80 p. 100 des demandes, c'est-à-dire 40 p. 100 pour les femmes et 40 p. 100 pour les enfants, cela signifie que l'on peut faire venir le conjoint ou le père au Canada. Voilà le grand avantage de cette modification de la réglementation.
M. Butt: Oui, puisqu'on peut maintenant faire venir le conjoint au Canada.
Mme Meredith: Voilà l'avantage du droit d'établissement.
M. Butt: Oui, c'est l'un des principaux avantages. Le principal souci de la ministre, c'est que nous avons plusieurs milliers de personnes qui n'ont pas la possibilité de s'intégrer pleinement dans la société canadienne. L'avantage immédiat du droit d'établissement, c'est la possibilité d'obtenir la citoyenneté, de réunir la famille; les enfants peuvent obtenir des prêts pour faire des études postsecondaires; les mères qui travaillent, qui figurent dans ces 40 p. 100, ont accès aux prestations pour frais de garderie.
Mme Meredith: Compte tenu de tout cela, pourquoi ne pas leur accorder le droit d'établissement dès aujourd'hui, ou demain, ou la semaine prochaine? On pourrait assortir cela d'une condition, et dire que s'il arrive quoi que ce soit au cours des cinq prochaines années, ce droit d'établissement pourra leur être retiré. Si vous souhaitez les intégrer dans la société canadienne, dans la mesure où vous reconnaissez qu'il faut leur accorder le droit d'établissement, pourquoi ne pas le leur accorder tout de suite, de façon qu'ils puissent profiter de bourses pour leurs enfants et qu'ils puissent réussir leur intégration? Je ne vois pas ce qu'apporte le délai de cinq ans, car on peut toujours assortir le droit d'établissement d'une condition de façon à respecter les exigences en matière de criminalité et d'obéissance aux lois canadiennes.
J'aimerais que vous répondiez à une autre question qui me préoccupe, celle du parrainage des familles. Les requérants du statut de réfugié somaliens et afghans doivent-ils répondre aux mêmes exigences que les autres en matière de parrainage de la réunification de la famille, dans la mesure où ils doivent avoir un certain niveau de revenu et s'engager à pourvoir pendant dix ans aux besoins financiers des personnes qu'ils veulent faire venir au Canada?
M. LeBane: Pour répondre à votre première question, je dirai que la catégorie que nous envisageons de mettre en place vise les pays prescrits. Nous voulons répondre aux besoins des personnes de ces pays qui ont été déclarées réfugiées. Nous considérons l'ensemble du groupe, sans distinction selon le sexe ou en fonction de sous-groupes particuliers. Il s'agit d'une réponse universelle.
Je ne sais pas si j'ai bien répondu à votre question.
Mme Meredith: Non, pas directement, car pourquoi ne pas leur accorder le droit d'établissement dès demain, si ce droit est assorti d'une condition? Si nous constatons que nous avons affaire à un criminel de guerre, nous le priverons de son droit d'établissement; si nous constatons, au cours des cinq prochaines années, que l'individu enfreint les lois canadiennes, il sera privé de son droit d'établissement. On pourrait même aller plus loin et décréter que l'individu sera non seulement privé de son droit d'établissement, mais également contraint de quitter le pays. Vous avez pris l'engagement de leur accorder le droit d'établissement. Pourquoi attendre? Ce droit peut être assorti d'une condition.
M. LeBane: C'est une possibilité.
Mme Meredith: Quant au reste de ma question...
M. LeBane: Quant à l'autre partie de votre question, je dois la placer dans son contexte. L'un des objectifs de la ministre est d'assurer l'intégration au Canada de ces immigrants et de leurs personnes à charge, leurs enfants, le plus rapidement possible. Il faut tout d'abord qu'ils aient obtenu le droit d'établissement, et nous avons prévu une procédure rapide. Puis on procède à la réunification des familles, après l'établissement de ceux qui sont ici, pour résoudre ce problème d'intégration.
Les parrainages normaux doivent s'appliquer. Certaines des personnes restées à l'étranger se heurteront sans doute aux mêmes problèmes de papiers d'identité. Nous allons demander aux agents de considérer les dossiers au cas par cas avec bienveillance pour voir quels documents ont été présentés ou demandés à l'étranger, pour voir quelles déclarations ont fait les titulaires du statut de réfugié pendant un certain temps dans les formulaires de renseignements personnels et dans les formulaires du statut de réfugié.
Nous n'essayons pas de prolonger la séparation des familles. Les dossiers seront étudiés au cas par cas, mais le parrainage s'appliquera selon les critères normaux.
Mme Meredith: Merci.
La présidente: Madame Minna.
Mme Minna: Merci, madame la présidente. Je voudrais revenir sur les questions posées tout à l'heure par Mme Meredith.
Vous avez dit tout à l'heure qu'en février 1993, on a modifié les modalités d'exercice du pouvoir discrétionnaire. Je crois que c'était l'objet du projet de loi C-86. J'essaye de voir la corrélation entre ces deux mesures. Nous avons toujours l'article 14, qui laisse un certain pouvoir discrétionnaire aux agents.
M. LeBane: C'est l'article 114.
Mme Minna: D'accord, l'article 114. Combien de Somaliens ont demandé l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire en invoquant l'article 114.
M. LeBane: Je ne sais pas si beaucoup d'entre eux l'ont fait.
Mme Minna: S'ils l'ont fait, ont-ils pu bénéficier de cette procédure, malgré l'arriéré?
M. LeBane: C'est l'agent qui a décidé, dans chaque cas, si cette procédure était justifiée, s'il y avait suffisamment de motifs humanitaires ou de considérations de compassion. Je vous signale que le projet de loi C-86 visait à refuser le droit d'établissement aux personnes qui n'avaient pas de documents.
Mme Minna: Très bien. Je voulais tirer les choses au clair, car on peut se demander dans quelle mesure ce pouvoir discrétionnaire existe. Le projet de loi C-86 l'a supprimé mais je voulais savoir, pour la gouverne de mes collègues, comment tout cela fonctionne.
J'ai rencontré un certain nombre de personnes qui m'ont dit qu'elles avaient des documents lors de leur arrivée. Dans un cas, le ministère a confisqué un certificat de mariage et un certain nombre de certificats de naissance. Ensuite, lorsque la personne a demandé le droit d'établissement, on lui a demandé de produire des documents; elle a dit aux fonctionnaires: «Je ne les ai pas, c'est vous qui les avez.» On lui a répondu que ces documents avaient été confisqués et qu'il fallait en produire d'autres. Un tel cas est-il possible?
Une voix: Je n'ai jamais rien entendu de tel.
Mme Mina: Une demi-douzaine de personnes m'ont soumis des cas semblables. Je voudrais savoir si cela pose véritablement un problème.
M. Butt: Si un document a été confisqué ou saisi par l'agent d'immigration au point d'entrée pour en prévenir toute mauvaise utilisation, il n'en est pas moins disponible pour consultation, mais bien sûr, s'il a été saisi parce qu'il est faux, il ne peut être d'aucune valeur aux fins du droit d'établissement.
Tout dépend des circonstances. Le facteur déterminant de l'utilité d'un document, ce n'est pas le fait qu'il ait été saisi, mais plutôt les motifs pour lesquels il l'a été. Quoi qu'il en soit, le seul fait qu'il ait été saisi n'empêche pas qu'il puisse être pris en considération.
Mme Minna: Donc, dans ces cas-là, il faut clarifier l'objet de la saisie, il faut qu'on établisse s'il y avait eu fraude. Cela s'est produit quelquefois et je voulais seulement savoir en quoi consistait la politique.
M. Butt: Rien dans la loi n'empêche d'étudier un document que possède déjà le ministère.
Mme Minna: Qui est dans le système.
M. Butt: C'est exact. La raison pour laquelle il y a eu saisie peut avoir un effet déterminant pour ce qui est de savoir si l'on peut accorder ou non le droit d'établissement, le statut d'immigrant reçu.
Mme Minna: D'accord. Ma prochaine question concerne l'éducation. Je crois savoir - et je peux me tromper - que pour l'éducation postsecondaire, les étudiants ayant atteint cet âge qui n'ont pas le statut d'immigrant reçu ne peuvent obtenir de prêt. Cela serait le seul obstacle. Ayant parlé à des gens, je crois savoir que les universités traitent en fait ces étudiants comme des étudiants étrangers.
M. LeBane: Je ne peux dire ce qu'il en est de ces personnes, mais pour ce qui est des différences dans les frais de scolarité, si les universités exigent des frais plus élevés que ceux que paieraient normalement un citoyen canadien, elles n'en ont pas le droit de le faire, du moins en Ontario. Nous avons étudié cette question.
J'ai un texte de la province d'Ontario qui s'intitule «Policy on International Student Fees». Il y est dit:
- Étudiants exemptés des frais de scolarité pour les institutions internationales
- Certaines catégories d'étudiants internationaux demeureront admissibles aux subventions
provinciales et ne seront pas obligés de payer des frais de scolarité plus élevés que ceux qu'on
exige des étudiants canadiens.
- L'exemption pour les étudiants internationaux s'applique aux visiteurs et aux personnes à leur
charge...
- Et ces personnes à charge sont énumérées, y compris celles qui sont officiellement reconnues
comme réfugiés au sens de la Convention.
Mme Minna: Je suis heureuse de vous avoir posé cette question. Comme je l'ai dit, l'une des personnes qui ont fait des remarques à ce sujet est en fait un député provincial de l'Ontario qui avait plusieurs électeurs dans ce cas-là. Je lui ai bien dit que non, ce n'était pas le cas, et il insistait pour dire que oui, on les traitait comme des étudiants étrangers. C'est pour ça que je voulais une clarification.
M. LeBane: J'ai le texte.
Mme Minna: J'aimerais en obtenir une copie pour la lui transmettre.
M. LeBane: Oui.
Mme Minna: Merci.
La présidente: Encore une fois, j'invoquerai ma prérogative pour poser une question. Pardonnez-moi de le dire, mais on n'y a pas encore répondu. Je pense que c'est une question que veulent poser la plupart des députés.
S'il faut cinq ans pour s'assurer qu'une personne vivant dans notre pays n'est pas un criminel, pourquoi n'entamons-nous pas le processus dès que la personne est déclarée immigrant reçu? C'est à mon avis une donnée essentielle dans ce règlement.
M. LeBane: Dès que la personne obtient le statut d'immigrant reçu?
La présidente: Dès qu'on sait qu'elle est au Canada. Par exemple, certaines de ces personnes sont déjà ici depuis deux ans.
M. LeBane: Je vois.
Il a été décidé que le processus de détermination du statut de réfugié visait à déterminer si la personne répond aux exigences du Canada relativement à la protection. Aux termes de ce processus, qui distinct, on se demande si la personne en question répond aux exigences du statut d'immigrant reçu et cela soulève d'autres questions. La question du document de voyage ou du document d'identité fait l'objet d'un processus séparé. Répondre aux exigences du statut d'immigrant reçu, c'est séparé...
La présidente: C'est ce que je veux savoir. Pourquoi sépare-t- on les deux processus?
M. LeBane: Parce que nous les considérons comme deux processus distincts. Dans un cas, il s'agit de déterminer le statut de réfugié, et dans l'autre, il s'agit de savoir si la personne répond aux exigences du statut d'immigrant reçu.
La présidente: Vous invoquez des facteurs relatifs à la sécurité et à la criminalité pour motiver votre position. Pendant que se déroule le processus de la CISR, j'imagine qu'entre-temps les agents d'immigration vérifient également si la personne a un casier judiciaire ou si elle pose un risque pour la sécurité du Canada. Je ne comprends toujours pas pourquoi vous séparez ces deux processus.
Je demande ça parce qu'un processus n'entrave pas l'autre. C'est ce que je dis. Les deux sont parallèles. La vérification sécuritaire est faite en même temps que la CISR détermine le statut de réfugié.
M. LeBane: Mais l'objet de chaque processus est différent. L'objet du premier processus consiste à déterminer si l'on va accorder à une personne la protection qu'on accorde aux réfugiés. L'objet de l'autre processus consiste à déterminer si la personne peut obtenir le statut d'immigrant reçu et a droit aux avantages qui l'accompagnent.
La présidente: Je sais, mais pourquoi ne pas lui accorder ce statut au bout de trois ans, après qu'on a déterminé qu'elle est bel et bien réfugiée? Imaginons le scénario suivant. On a déterminé que la personne a le statut de réfugié, et cela a pris deux ou trois ans. On a déjà vérifié si elle pose un risque à la sécurité.
M. LeBane: On y a songé. La ministre, pour ce qui est de la pré-publication, croit qu'un délai de cinq ans donne plus d'assurances pour ce qui est d'établir l'identité.
La présidente: Mais qu'allez-vous apprendre au cours de ces trois années, que vous n'aurez pas appris au cours des deux premières années?
M. LeBane: Vous pourrez compter sur la coopération de la communauté. Vous aurez parlé à ces personnes. L'instabilité des circonstances et des situations dans le pays d'origine ne permet pas toujours des vérifications d'identité. Si l'on ne sait pas qui sont ces personnes, on peut quand même voir comment elles vivent, dans une certaine mesure, comment elles respectent les lois canadiennes. On peut savoir ça en cinq ans ou trois ans. Nous avons préféré cinq ans.
La présidente: Mais comme nous l'avons dit, comme l'a dit M. Nunez, même après trois ou cinq ans, ces personnes peuvent toujours être déportées en vertu de nos lois.
M. LeBane: Il peut y avoir révocation.
La présidente: Dans un tel cas, donc, qu'il s'agisse de trois ou de cinq ans, importe peu?
M. LeBane: C'est exact.
La présidente: Merci. Monsieur Nunez.
[Français]
M. Nunez: Je vais continuer dans le même sens parce que, pour moi, ce délai de cinq ans est inexplicable, tout comme la date de commencement. Pourquoi est-ce qu'on ne considère pas la date du dépôt de la demande de statut de réfugié plutôt que la date de la détermination? Les vérifications que vous faites sont les mêmes, ce sont les mêmes corps policiers qui s'en occupent, et surtout, on a une loi pour se protéger en cas de problèmes. Je pense que le comité devrait proposer une autre modification, parce que celle-ci va à l'encontre de l'intégration des nouveaux arrivants au Canada.
Vous pouvez constater qu'ils ne peuvent pas devenir résidents permanents, qu'ils n'ont pas certains droits, par exemple le droit à des bourses et à des prêts pour l'université, et qu'ils doivent attendre trois ans s'ils veulent voter. Parfois le processus de détermination du statut de réfugié dure un an, deux ans, et même trois ou quatre ans. J'ai déjà vu des cas de quatre ans, et il y en a sûrement d'autres plus longs. Cela prend beaucoup, beaucoup de temps.
Enfin, vous avez déjà répondu et c'est votre choix. Mais est-ce que vous avez consulté des organismes qui vous ont dit: «Non, ça n'a pas d'allure, il faut changer cela»? Je voudrais mentionner également que vous avez dit avoir consulté la communauté somalienne de Toronto. Ici, à Ottawa, il y a aussi une communauté somalienne très importante. Quand je les ai rencontrés, ils m'ont dit qu'ils avaient demandé à être consultés et que le ministère de l'Immigration avait refusé de les rencontrer. Est-ce vrai? Il y a deux questions ici.
[Traduction]
M. LeBane: Chose certaine, je n'ai pas refusé de rencontrer qui que ce soit. Je signale qu'à Toronto, lorsque j'ai rencontré des représentants de la communauté somalienne, particulièrement à la première rencontre et je crois qu'elle a eu lieu à la mi-avril, il y avait là des représentants d'Ottawa et de Montréal. Cette rencontre ne réunissait pas que des gens de Toronto.
[Français]
M. Nunez: Ensuite, est-ce que vous avez pensé à des solutions de rechange? Quand vous avez fait ces consultations, est-ce que les gens vous ont dit que le délai était trop long, entre autres? Est-ce que certains organismes vous ont dit cela aussi?
[Traduction]
M. LeBane: On a mentionné aujourd'hui les autres options qu'on a proposées. On a proposé, entre autres, de réduire de cinq à trois ans le délai nécessaire pour l'obtention du statut d'immigrant reçu. On a pensé aussi à un processus de cinq ans, débutant à la date à laquelle on a demandé le statut de réfugié. Enfin, on a proposé que la preuve d'identité soit fondée sur une déclaration assermentée. On a songé à toutes ces possibilités, et au bout du compte, on a recommandé cinq ans pour l'obtention du statut d'immigrant reçu. Ce sont les principales propositions qui ont été faites à titre de solution de rechange.
[Français]
M. Nunez: Je vais répéter ma question parce que je pense que nous ne nous sommes pas bien compris. Je voudrais avoir des précisions. Vous avez dit que 50 p. 100 des 7 000 Somaliens qui se trouvent dans cette situation pourront bénéficier, au cours des deux prochaines années, de la résidence permanente. Et que va devenir l'autre moitié des Somaliens qui ne pourra pas bénéficier de ce règlement?
[Traduction]
M. LeBane: En ce moment, il y a environ 7 000 personnes dans la communauté somalienne, qui demandent le statut d'immigrant reçu. Nous savons que dans la première année suivant la date de l'entrée en vigueur de la loi, 1 800 personnes, si ces personnes décident de faire la demande, et si elles n'ont pas fait de demande, seraient admissibles immédiatement au statut d'immigrant reçu. Dans la deuxième année, 1 800 autres seraient admissibles, pour un total de 3 600 personnes, soit un peu plus de la moitié qui obtiendrait ce statut au cours des deux premières années.
La disposition de temporarisation prévoit que ces deux pays seraient retranchés de la liste après deux ans, à moins que la ministre ne décide que la situation motive leur maintien sur la liste. À l'heure actuelle, sachant ce qui se passe en Somalie et en Afghanistan, j'imagine que ces deux pays vont demeurer sur la liste. Au cours des deux années suivantes, ceux qui restent obtiendraient le statut d'immigrant reçu.
[Français]
M. Nunez: Vous avez dit tantôt que vous alliez traiter d'une façon accélérée les demandes de résidence permanente. De combien de temps parlez-vous? Combien de mois faudra-t-il avant d'accorder la résidence permanente à ces Somaliens ou Afghans?
[Traduction]
M. LeBane: Si, premièrement, une personne - et à peu près la moitié de ces gens ont déjà fait une demande - a payé les frais requis et qu'il n'y a aucun autre obstacle, on envisage alors une déclaration solennelle - cela fait partie du train de mesures réglementaires - où l'on dit que les informations sont véridiques, qu'elles sont compatibles avec les autres informations dont on dispose. Une fois faite cette déclaration solennelle, si le seul obstacle à l'obtention du statut d'immigrant reçu est l'émission d'un passeport, on accorde immédiatement le statut.
Il ne s'agit plus après que de traiter les documents. Une entrevue est inutile. Tout cela se fait entre Végréville et Mississauga. Nous avons les ressources voulues. On n'est pas obligés d'engager des ressources supplémentaires. Nous avons les ressources qu'il faut, si bien que le processus d'octroi du statut d'immigrant reçu peut être très rapide.
M. Nunez: Combien de mois?
M. LeBane: Moins de six mois.
[Français]
M. Nunez: Est-ce qu'ils pourront commencer à déposer la demande même avant d'avoir complété les cinq ans d'attente? Naturellement, la décision ne sera prise qu'au bout des cinq ans, mais est-ce qu'ils pourront commencer leurs démarches avant?
[Traduction]
M. LeBane: Ils peuvent faire une demande.
La présidente: Madame Meredith.
Mme Meredith: Merci, madame la présidente.
Je tiens à déclarer que je ne suis pas d'accord avec le fait qu'on favorise des gens qui entrent au Canada sans la moindre pièce d'identité. Cela dit, le gouvernement a décidé qu'il accorderait une exception à ce groupe de Somaliens et d'Afghans, ces 7 500 personnes. Comme Canadienne, je me sentirais beaucoup plus à l'aise si l'on reconnaissait cela, si l'on expédiait le processus, si l'on accordait conditionnellement le statut d'immigrant reçu, afin que ces personnes puissent s'intégrer dans la société canadienne, et tout serait dit.
Mais je ne suis pas à l'aise avec un règlement qui permet à d'autres personnes d'entrer au Canada sans documents et de passer dans le système, parce qu'on établit là un précédent. Qu'on l'ait établi pour deux pays seulement ou non, qu'on ait dit pourquoi ou non, on établit quand même un précédent. Vous dites qu'à l'avenir, on va permettre à des gens d'entrer au Canada sans documents. Si le gouvernement a décidé qu'il réglerait la situation que nous avons aujourd'hui, qu'on la règle aujourd'hui, mais ne faites pas en sorte que ce genre de situation puisse se produire de nouveau.
Je pense que notre pays doit s'assurer que, lorsque des gens prennent l'avion en Grande-Bretagne ou n'importe où ailleurs, ils aient les documents qu'exige la loi canadienne - non pas la loi britannique ou d'autres lois, mais la loi canadienne - et si ces personnes entrent dans notre pays et demandent le statut de réfugié, elles devraient avoir les documents voulus. Si elles ne les ont pas, on ne devrait pas leur permettre d'entrer à partir de pays dont nous savons qu'ils sont des sources de demandeurs du statut de réfugié. On ne devrait pas leur permettre de monter à bord de cet avion, ou si elles sont à bord de cet avion, on ne devrait pas leur permettre de débarquer au Canada.
Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas ainsi régler les problèmes qu'on pourrait avoir à l'avenir. Pourquoi ces cinq ans? Faites-en tout de suite une condition de l'obtention du statut d'immigrant reçu. Réglons cela tout de suite. N'en faisons pas un problème que nous allons devoir régler l'an prochain, ou l'année d'après et encore l'année suivante, un problème qui nous vient de pays où les gens perçoivent une faiblesse dans notre loi sur l'immigration.
Je ne crois pas avoir besoin d'une réponse.
La présidente: J'aimerais en avoir une. Monsieur LeBane, le statut conditionnel d'immigrant reçu existe-t-il?
M. LeBane: Non.
Mme Meredith: Pourquoi ne pourriez-vous pas en faire une condition dans ce cas particulier?
M. LeBane: Lorsque la ministre a fait sa déclaration, elle a dit qu'elle cherchait une solution à ce problème. Elle a décidé de proposer ce processus-ci. Mais elle a aussi parlé d'un équilibre; et lorsqu'on parle... On ne veut pas encourager l'abus. Dans son annonce, elle a donc proposé des mesures administratives tant au pays... et on s'attend à prendre des mesures à l'étranger afin de protéger le pays de ces abus. On a parlé de débarquement, de vérification aux points d'entrée, de retracer les personnes qui ne coopèrent pas, les personnes qui ont détruit leurs documents... des itinéraires qu'ils prennent. On travaille plus étroitement avec la Commission du statut de réfugié.
Par contre, on ne veut pas refuser l'accès au Canada aux personnes qui sont des demandeurs légitimes du statut de réfugié, qui ont d'excellentes raisons de posséder de faux documents ou qui sont venues avec des documents et... Une des réalités, c'est qu'il y a des personnes qui sont trompées, qui sont exploitées. Donc ces personnes montent à bord de l'avion et elles ont des documents. Elles descendent de l'avion... Ce sont des demandeurs légitimes du statut de réfugié. Les personnes qui leur servent de guides, les «bergers», leur disent au dernier moment: «Donnez-moi votre passeport», et aveuglément, parce qu'elles ont peur, ces personnes écoutent leurs bergers. Devrions-nous les punir pour autant? Nous devons être plus vigilants face à ces bergers qui abusent du système.
Mme Meredith: Nous pourrions nous doter de lois prévoyant qu'une personne ne pourrait débarquer sans les documents d'identité qu'elle avait lorsqu'elle est montée à bord de l'avion. À tout le moins, on empêcherait les bergers d'agir. Ces bergers ne pourraient plus abuser de la confiance d'autres personnes.
Il ne s'agit pas de savoir si ces personnes ont de faux documents. Le problème, c'est lorsqu'elles n'ont pas de documents. Même avec de faux documents, on peut faire certaines recherches. C'est lorsque ces personnes n'ont pas de documents et qu'elles connaissent quelqu'un, qui est un berger dans la plupart des cas, et qui transporte ces personnes et se fait payer pour ça. Si nous avions un processus qui interdirait ce genre de choses... et il y a des processus dans le monde entier où l'on prend les documents des personnes lorsqu'elles montent à bord de l'avion, de telle sorte que ces documents restent en sécurité jusqu'au débarquement.
On pourrait peut-être envisager d'autres possibilités, mais pour régler ce problème-là, ce cas particulier, pourquoi ne pas dire simplement que c'est ce que nous allons faire, vous êtes des citoyens ayant le statut d'immigrant reçu, et éviter ce genre de choses, sans quoi on ouvre la porte à de futurs abus.
La présidente: Madame Minna.
Mme Minna: Merci. En fait, je voulais seulement une clarification faisant suite à ce queMme Meredith vient de dire.
Je trouve intéressant de vous entendre dire qu'il faut agir maintenant. Quand vous disiez qu'il faut régler le problème maintenant et que vous proposiez le statut conditionnel d'immigrant reçu, disiez-vous aussi qu'il fallait interdire l'entrée aux futurs réfugiés ou aux personnes qui arrivent sans documents?
Mme Meredith: Exactement; qu'on s'en tienne aux recommandations du projet de loi C-86 et qu'on refuse le statut d'immigrant reçu aux personnes qui n'ont pas de documents. Nous avons un problème aujourd'hui; réglons-le. Mais pourquoi vouloir créer un autre problème, à savoir 10 000 ou 20 000 ou 30 000 personnes d'un autre pays, dans cinq ans, à cause d'une faiblesse dans notre système?
Mme Minna: Si je ne m'abuse, cela nous obligerait aussi à modifier notre système d'accueil des réfugiés parce que si une personne dit: «Je suis réfugiée», elle entre dans le système. Cela nous ramènerait au problème que nous avons aujourd'hui, avec l'arriéré.
Mme Meredith: Eh bien, il faut changer ça aussi. C'est différent.
Mme Minna: Je voulais seulement une clarification. Je me demandais ce que vous vouliez. C'est tout.
M. LeBane: L'un des défis qui attend le gouvernement, c'est qu'en tout premier lieu, nous voulons laisser la porte ouverte pour ces personnes qui réclament légitimement le statut de réfugié et qui viennent ici. L'un des défis que nous avons, c'est que les personnes qui montent à bord d'un avion à Londres, par exemple, ont les documents, et on voudrait qu'elles conservent leurs documents lorsqu'elles descendent. Mais les gros avions transportent des centaines de personnes. Les avions arrivent tous en même temps. Les gens arrivent aux aéroports internationaux, et il est très difficile de suivre les mouvements de tout le monde. Il y a des personnes qui n'ont pas besoin de visa, ou des citoyens canadiens sans scrupules qui prennent ces documents, et en dépouillent parfois de demandeurs légitimes, et qui passent tout simplement dans les mailles du filet. C'est un exercice très difficile, très complexe. Donc nous ne voulons pas fermer la porte.
La ministre crée une catégorie qui sera ouverte, qui permettra d'aider plus tard les gens qui ont des besoins légitimes si jamais une autre situation comme celle de la Somalie se présente dans cinq ou dix ans. C'est l'une des raisons pour lesquelles on crée cette catégorie.
La présidente: D'autres questions? Monsieur Nunez.
[Français]
M. Nunez: Vous avez mentionné des pays dont les gens arrivent sans documents. À part l'Afghanistan et la Somalie déjà mentionnés, il y a le Viêtnam et la Chine. Est-ce qu'en Europe, il y a des cas de personnes qui viennent sans documents de l'Europe de l'Est ou de l'Amérique latine?
[Traduction]
M. LeBane: Je n'ai pas de statistiques précises, mais j'imagine que les gens passent par un autre pays avant d'arriver directement au Canada, et qu'ils viennent de toutes les parties du monde. Nous savons que la circulation des personnes est un phénomène mondial.
Pour aller au Canada, par exemple, en partant d'Afghanistan, on peut passer par des pays d'Europe ou par l'Amérique latine. Cela s'applique à tout autre pays. Il s'agit ici d'un mouvement à l'échelle mondiale.
[Français]
M. Nunez: En ce qui concerne l'impact de ce règlement sur le travail, pour des gens qui n'ont pas la résidence, il est souvent difficile de trouver un emploi parce que les chances d'avoir un emploi, si on n'a pas la résidence permanente, sont très minces. Est-ce que vous avez considéré cet aspect?
[Traduction]
M. LeBane: Les personnes à qui on a accordé le statut de réfugié au Canada ont le droit de travailler.
[Français]
M. Nunez: Oui, mais les employeurs sont souvent craintifs et pensent qu'on pourrait leur faire payer des amendes. Ils ne connaissent pas toujours la différence entre le statut de réfugié et la résidence permanente.
[Traduction]
M. LeBane: Ces personnes ont des documents valides pour travailler.
M. Nunez: D'accord.
[Français]
La présidente: Merci, monsieur Nunez.
[Traduction]
Je tiens à remercier M. Jeff LeBane et M. John Butt qui ont été des nôtres aujourd'hui. Je vous sais gré d'avoir expliqué ces nouveaux règlements au comité.
Chers collègues, je tiens maintenant à rappeler à tout le monde, que nous nous réunissons cet après-midi à la salle 112-N. Nous recevrons une personne nommée par décret ainsi que deux avocats pour discuter du règlement concernant l'entrée au Canada de réfugiés sans documents. Jeudi, nous recevrons deux groupes de témoins. Nous entendrons à 15h30 la personne nommée par décret, et à16 heures, nous entendrons des témoins.
Nous avons donc un horaire très serré. C'est pourquoi il nous faudra peut-être entendre deux groupes de témoins jeudi.
[Français]
M. Nunez: Est-ce que vous avez invité le Haut-Commissariat des Nations unies?
La présidente: J'ai eu votre lettre, monsieur Nunez. Le commissaire ne peut pas venir, mais il va envoyer son témoignage par écrit. Tous les autres organismes que vous avez mentionnés dans votre lettre sont invités à la table de concertation et font partie du Conseil des réfugiés. Le Conseil des réfugiés va témoigner jeudi. S'ils veulent venir, notre greffier va les rappeler. La raison pour laquelle j'ai décidé d'avoir deux périodes jeudi, c'est pour permettre à plus de témoins de venir devant le comité, ce qui nous permettra de continuer notre travail.
Merci.
[Traduction]
Mme Meredith: Madame la présidente, nous n'avons pas été informés de la rencontre de cet après-midi, sauf pour la personne nommée par décret.
La présidente: C'est parce que rien n'a été confirmé avant ce matin. Ce sont des témoins. Ils font partie du processus.
Mme Meredith: Je trouve très curieux qu'on fixe la tenue d'une réunion lorsque...
La présidente: Nous devions nous réunir cet après-midi de toute façon.
Mme Meredith: Oui, mais seulement pour l'étude de la nomination par décret.
La présidente: Vous savez, madame Meredith, que nous avons décidé d'étudier cette question jeudi dernier. Il nous a fallu contacter les témoins à la dernière minute. Ils viennent tout juste de confirmer leur présence.
Mme Meredith: Mais même si on le sait le matin... On devrait prévenir notre bureau à la première heure le matin.
La greffière du comité: Je n'ai pu les joindre que pendant la réunion. Je suis désolée.
La présidente: Ça n'arrive pas très souvent. Ça n'est arrivé qu'aujourd'hui.
La séance est levée.