[Enregistrement électronique]
Le jeudi 10 avril 1997
[Traduction]
Le président (M. Stan Dromisky (Thunder Bay - Atikokan, Lib.)): Il y a quorum.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous étudions aujourd'hui la politique de Citoyenneté et Immigration Canada concernant les travailleurs étrangers.
Avant d'entendre les exposés de nos témoins, je voudrais signaler aux membres du comité que nous allons modifier notre façon habituelle de procéder à cause de certains facteurs, le plus important étant que nous voulons obtenir le plus de renseignements possible de nos témoins sur plusieurs sujets. Nous voulons aussi que chaque témoin puisse répondre aux questions. Comme nous avons trois ou quatre témoins, il arrive souvent que l'un d'entre eux réponde à toutes les questions et que les autres restent silencieux. À mon avis, il est tout à fait malheureux que les membres du comité ne puissent pas profiter de toutes les connaissances que possèdent ces autres témoins.
Il y a aussi un principe fondamental de l'apprentissage. Quand un témoin vient de terminer son exposé, ce qu'il a dit est tout frais à notre esprit et nous préférons que chaque député puisse poser des questions à ce moment-là. Il y a aussi le fait que nous passons à la télévision aujourd'hui. Voici donc comment nous allons procéder.
Madame Nicholson, vous serez notre premier témoin. Vous disposez de cinq minutes au maximum et, dès que vous aurez terminé, nous donnerons la parole à M. Nunez pour une question, ensuite à Mme Meredith, après quoi nous passerons à l'autre côté de la table et chacun posera une seule question. Nous entendrons ensuite le deuxième témoin, puis il y aura une période de questions, et nous entendrons ensuite le troisième. Si nous nous en tenons à ces règles, nous terminerons plus tôt que prévu. Je vous prie aussi de répondre brièvement.
Une fois que nous aurons terminé ces trois tours de table, nous aurons le temps de poursuivre selon le principe d'une table ronde. Nous redonnerons la parole à M. Nunez, qui posera sa quatrième question, ensuite à Mme Meredith, pour sa quatrième question, et ainsi de suite. Cela nous permettra de couvrir beaucoup plus de territoire que d'habitude et j'espère que cela nous permettra aussi d'être mieux renseignés pour rédiger notre rapport.
Monsieur Nunez.
[Français]
M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le président, je dois m'opposer à certaines des règles que vous venez d'énoncer.
D'abord, pourquoi va-t-on donner la parole tout de suite à tous les députés présents? Pourquoi ne pas suivre les mêmes règles qu'en Chambre et dans les comités, soit accorder 10 minutes au parti de l'Opposition officielle, 10 minutes au Parti réformiste et 10 minutes au parti au pouvoir?
Si vous procédez comme vous venez de l'exposer, cela veut dire que le parti au pouvoir sera très avantagé parce qu'il aura droit à sept questions, alors que l'opposition en aura seulement quatre, parce qu'ils sont sept et que nous sommes quatre.
Je m'oppose à cette dérogation aux règles acceptées en Chambre. En Chambre, c'est d'abord le parti du gouvernement qui parle, ensuite l'Opposition officielle et enfin le Parti réformiste. La même règle doit être suivie ici en comité, comme on l'a toujours fait.
[Traduction]
Le président: Monsieur Nunez, j'ai déjà pris une décision et il n'y a pas de règle de la Chambre qui s'applique dans un tel cas. Si vous assistez aux réunions des divers comités, et j'ai moi-même fait partie de bon nombre de comités depuis trois ans et demi, vous verrez que c'est le président qui décide comment procéder. Il est vrai que, dans bien des comités, on procède toujours de la même façon, mais vous aurez vous-même constaté que cela varie d'un comité à l'autre.
Nous allons maintenant commencer notre réunion. Notre premier témoin est...
[Français]
M. Osvaldo Nunez: Je m'inscris en faux parce que ce que vous faites ici n'est pas démocratique.
[Traduction]
Le président: Madame Meredith.
Mme Val Meredith (Surrey - White Rock - South Langley, Réf.): Monsieur le président, je tiens moi aussi à signaler que je m'oppose à cette façon de procéder. Ce devrait être cinq minutes pour l'Opposition officielle, cinq minutes pour le Parti réformiste, cinq minutes pour les ministériels et ensuite une deuxième série de questions. C'est la façon traditionnelle de procéder à ce comité-ci.
Le président: Madame Bethel.
Mme Judy Bethel (Edmonton-Est, Lib.): Monsieur le président, il me semble que cette façon de procéder donnera à tout le monde toutes les chances possibles de poser des questions et que nous pourrons faire autant de tours de table que nous jugeons nécessaire, mais que cela accélérera les choses. Il y a certes d'autres comités qui font la même chose pour permettre à tout le monde de poser des questions.
Nous ne discutons pas d'une motion parce que, si c'était le cas, je conviendrais que l'Opposition officielle et le troisième parti devraient avoir dix minutes chacun. Il ne s'agit pas d'un débat.
Le président: Il s'agit d'une table ronde et la situation aujourd'hui est tout à fait particulière. Nous ne procédons pas de la façon habituelle.
Nous allons maintenant commencer notre réunion. Madame Nicholson, je vous prie de faire votre exposé.
M. Osvaldo Nunez: [Inaudible]
Le président: Je vous en prie, monsieur Nunez. Il n'y a pas de motion à l'étude.
M. Osvaldo Nunez: Je présente une motion demandant qu'on respecte la règle qu'on a toujours respectée jusqu'ici.
Le président: Avez-vous présenté une motion?
Mme Maria Minna (Beaches - Woodbine, Lib.): Monsieur le président, puis-je dire un mot? Je voudrais simplement une précision pour que nous ne retardions pas la séance avec toutes sortes de motions et de débats, sans quoi nous y passerons l'après-midi.
Voulez-vous bien dire, parce que c'est ce que nous avons fait, du moins au moment de l'examen des programmes de sécurité sociale, que lorsque nous avons des tables rondes, vous ne voulez nullement réduire le temps de parole de qui que ce soit parce que les députés peuvent avoir la parole aussi souvent qu'ils veulent pour poser des questions. Vous voulez simplement qu'il n'y ait pas d'interruption dans les échanges parce que nous accueillons aujourd'hui tout un groupe de témoins. Nous pourrons obtenir la parole aussi souvent que nous le voulons pour poser toutes nos questions. Est-ce bien ce que vous dites, monsieur le président?
Le président: C'est exact.
Mme Maria Minna: Les membres du comité pourraient donc obtenir la parole jusqu'à ce qu'ils aient épuisé leurs questions.
M. Osvaldo Nunez: Ma motion demande néanmoins qu'on s'en tienne à la procédure normale.
Le président: Très bien, une motion a été présentée. Quelqu'un veut-il l'appuyer?
La greffière du comité: Ce n'est pas nécessaire.
Le président: Ce n'est pas nécessaire de l'appuyer. Je m'excuse.
La greffière: C'est seulement pour cette réunion-ci.
La motion est rejetée
Le président: Merci beaucoup. Nous poursuivons maintenant la séance.
Madame Nicholson, voulez-vous commencer votre exposé?
Mme Lynn Nicholson (directrice, Ressources humaines, Corporation Corel): Certainement. Merci beaucoup.
Je suis venue ici aujourd'hui comme représentante de la société Corel simplement pour appuyer la position des autres membres de l'industrie. Je vous lirai brièvement le texte que j'ai préparé.
Depuis 11 ans, la société Corel a été un employeur très actif dans la région d'Ottawa. Ces trois ou quatre dernières années, nous avons commencé à constater qu'il manquait beaucoup de travailleurs compétents à la recherche d'un emploi dans la région d'Ottawa. Nous nous sommes efforcés d'embaucher des Canadiens pour combler nos postes vacants et nous continuerons d'embaucher des Canadiens en priorité.
Nous dépensons bien plus de 250 000$ par année en frais de publicité dans les publications canadiennes pour recruter des employés. Nous participons aussi aux foires professionnelles et nous faisons de la publicité dans les établissements d'enseignement postsecondaire.
Ces trois dernières années, nous avons réussi à recruter en moyenne 100 travailleurs par année pour occuper des postes techniques, par exemple pour la conception de logiciels et l'assurance de la qualité. En plus d'embaucher des employés à plein temps, nous avons recruté en moyenne 75 étudiants par semestre de travail coopératif pour effectuer ce genre de travail.
Nous renforçons notre engagement à embaucher des Canadiens en fournissant un appui et notre participation à tous les niveaux de la formation, y compris pour les programmes coopératifs avec les écoles secondaires et les universités et les journées d'observation au poste de travail, en plus de donner des logiciels et du matériel aux universités et aux établissements d'enseignement de toute la région et de tout le pays.
Nous parrainons aussi des activités qui appuient les groupes de jeunes étudiants comme Global Vision, la Canadian Alliance of LifeLong Learning, Skills Canada et le programme Shad Valley du Centre canadien de technologie créative.
Vous pourrez voir aussi dans l'annexe 1 comment le programme d'étude de Corel a appuyé les établissements d'enseignement. Par exemple, nous leur consentons sur le prix de nos logiciels des réductions pouvant aller jusqu'à 70 p. 100 du prix de détail et nous nous associons avec divers groupes du secteur public pour favoriser la formation et essayer de réduire le chômage.
Le programme Initiatives jeunesse est le premier programme mixte auquel aient participé le gouvernement et l'industrie privée pour s'attaquer au chômage chez les jeunes.
Le programme des professionnels de la technologie de l'information, dans le cadre duquel Corel joue un rôle actif au sein du comité consultatif, vise à fournir aux diplômés des universités et des collèges la formation aux technologies d'information dont ils auront besoin sur le marché du travail.
Malgré nos efforts constants pour embaucher des Canadiens partout dans le pays, il manque de plus en plus de travailleurs possédant les compétences techniques requises. À cause de cela, Corel et un certain nombre d'entreprises de haute technologie de la région d'Ottawa ont commencé à se faire concurrence pour obtenir des employés compétents. C'est une sorte de cannibalisme. Si nous ne pouvons pas combler l'écart croissant entre le nombre de travailleurs compétents et le nombre de postes disponibles, nous perdrons notre avantage concurrentiel et nous ne pourrons plus livrer concurrence aussi efficacement qu'auparavant à l'échelle internationale.
Apparemment, il y a plus de 190 000 postes vacants aux États-Unis et les compagnies américaines ont adopté une stratégie agressive de recrutement auprès des travailleurs canadiens. Nous le constatons depuis six ou huit mois, en voyant un certain nombre d'employés de Corel émigrer aux États-Unis. Il est donc doublement difficile de recruter des travailleurs compétents parce que nous devons faire concurrence non seulement à nos voisins de la région d'Ottawa-Carleton, mais aussi à nos voisins du Sud. À cause de cela, nous avons commencé à nous tourner vers les autres pays pour combler l'écart entre l'offre et la demande.
Malgré nos efforts de formation, un relevé des travailleurs canadiens montre que le nombre de diplômés d'université ou de collège n'est tout simplement pas aussi important au Canada que dans d'autres pays, comme l'Inde, la Chine ou la Russie. Le fait de pouvoir puiser dans ce vaste réservoir de travailleurs aidera les compagnies canadiennes en leur permettant de recruter des employés hautement spécialisés.
Cela fait déjà quelques années que Corel emploie des travailleurs étrangers pour son travail conceptuel. Bon nombre de ces étrangers nous arrivent par l'entremise d'une agence qui a pour mandat de nous fournir des travailleurs qui ont déjà obtenu un permis de travail. Cela veut dire que, dans bien des cas, nous ne participons pas à la demande initiale en vue d'obtenir un permis de travail.
À cause des récents changements apportés aux procédures d'immigration pour accélérer l'approbation des permis pour certaines catégories de travailleurs, nous n'aurons plus besoin de cet intermédiaire coûteux, ce qui permettra à Corel de réaliser des économies importantes.
À l'heure actuelle, une fois que ces travailleurs ont rempli leurs engagements contractuels envers l'autre agence, nous pouvons essayer de les embaucher comme employés de Corel. C'est ce que nous avons fait pour environ 20 p. 100 des travailleurs étrangers qui sont venus travailler chez Corel.
Lorsque nous nous engageons à embaucher ces travailleurs, nous communiquons avec Développement des ressources humaines Canada pour obtenir une prolongation de leur permis de travail et présenter une offre d'emploi permanent certifiée. Dans le passé, nous trouvions ce processus extrêmement lent et ennuyeux vu qu'il fallait souvent plus de huit à dix semaines avant que Développement des ressources humaines Canada réponde à notre demande. Heureusement, le processus s'est sensiblement amélioré depuis quelques mois et nous obtenons maintenant réponse à nos demandes en moins d'une semaine. Il nous est aussi arrivé de demander directement des permis de travail pour certains travailleurs au lieu de passer par un tiers et, à cet égard aussi, le ministère met beaucoup moins de temps qu'auparavant à répondre aux demandes.
Ce qui nous préoccupe surtout, c'est le temps qu'il faut avant qu'un travailleur étranger obtienne le statut d'immigrant reçu et la possibilité pour les travailleurs étrangers d'obtenir un permis de travail pour leur conjoint. Très souvent, la décision d'un travailleur d'accepter un emploi au Canada dépendra de la possibilité pour son conjoint d'obtenir du travail au Canada. Si nous pouvons dire à un travailleur étranger que son conjoint obtiendra facilement un permis de travail, nous pourrons convaincre beaucoup plus de travailleurs étrangers de venir s'installer au Canada.
Je tiens à bien préciser que, même si nous offrons des emplois à des travailleurs étrangers, cela ne voudra pas dire qu'il y aura moins d'emplois pour les Canadiens. Bien au contraire, en augmentant ses effectifs, grâce à des travailleurs étrangers, Corel pourra continuer son travail conceptuel et respecter son échéancier de mise en marché annuel, ce qui nous permettra de continuer à prospérer. Cet ajout de compétences à nos équipes techniques aura pour conséquence de favoriser la croissance dans tous les secteurs de la compagnie et de créer plus d'emplois.
Le président: C'est un bon endroit pour terminer. Merci beaucoup.
Pouvez-vous remettre une copie de votre exposé à la greffière?
Monsieur Nunez, vous avez l'honneur de poser la première question.
[Français]
M. Osvaldo Nunez: Tout d'abord, je vous félicite de votre exposé. Le sujet en est très intéressant. Nous sommes préoccupés par le grand nombre de jeunes qui ne trouvent pas d'emploi. Le taux de chômage est de 10 p. 100 au Canada et de 12 p. 100 au Québec. Quand vous prônez des politiques qui ont pour but d'amener ici des travailleurs étrangers, cela pose un problème à notre parti et aux millions de personnes qui n'ont pas d'emploi.
J'aimerais vous poser une première question concernant l'argent que Corel consacre à la formation. À ce que j'ai vu, au Canada, les entreprises ne consacrent pas beaucoup d'argent à la formation. J'ai ici une étude qui dit, en anglais:
[Traduction]
- Wayne Simpson et David Stambrook ont constaté que les dépenses canadiennes en pourcentage
du PIB représentent seulement 40 p. 100 des dépenses des États-Unis, 18 p. 100 de celles du
Japon et 13 p. 100 de celles de l'Allemagne de l'Ouest. Selon une récente étude de l'OCDE,
seulement 31 p. 100 des entreprises canadiennes ont des activités de formation quelconques par
opposition à 55,8 p. 100 en France, 73,8 p. 100 au Japon et 80 p. 100 en Grande-Bretagne.
[Français]
Combien d'argent consacrez-vous à la formation? Est-ce que vous croyez que les entreprises devraient être forcées de consacrer plus d'argent à la formation au lieu de faire venir autant de travailleurs étrangers?
[Traduction]
Mme Nicholson: Je comprends vos préoccupations, mais malheureusement, je ne peux pas vous dire exactement combien nous dépensons pour la formation. Si vous jetez un coup d'oeil à la pièce que j'ai jointe à mon exposé, vous trouverez des notes au sujet des activités auxquelles nous participons pour fournir de la formation et pour aider à former des Canadiens.
Comme je l'ai déjà dit, dans le cadre de notre programme d'aide aux établissements d'enseignement, nous offrons nos logiciels à 30 p. 100 du prix de détail à tous les établissements d'enseignement, ce qui représente une économie importante.
Nous avons fourni gratuitement un exemplaire du Wordperfect de Corel à tous les enseignants qui participent à Rescol, le site canadien sur Internet qui vise à relier en un réseau national toutes les écoles du Canada. Nous appuyons donc très activement les établissements d'enseignement et nous leur fournissons gratuitement bon nombre de logiciels, ce qui représente pas mal d'argent pour nous.
Mme Val Meredith: Il y a deux questions que je voudrais vous poser. Je vous ai entendu parler d'une agence d'embauche. Voulez-vous dire que vous embauchez des travailleurs étrangers à contrat?
Mme Nicholson: Nous l'avons fait, en effet.
Mme Val Meredith: Vous avez donc embauché à contrat des travailleurs étrangers. Qu'est-ce que cela vous coûte?
Mme Nicholson: Malheureusement, je n'ai pas beaucoup de chiffres là-dessus non plus, parce que ce sont nos services du contentieux qui s'occupent des employés à contrat plutôt que nos services de dotation. Je représente la Division des ressources humaines et c'est pour cela que je ne suis pas au courant de ces chiffres.
Mme Val Meredith: Savez-vous si ces employés à contrat sont payés par la compagnie étrangère ou par votre compagnie?
Mme Nicholson: Ils sont payés par la compagnie étrangère. Nous avons une entente avec l'agence selon laquelle nous lui versons un certain montant par développeur de logiciel. C'est l'agence qui paie l'employé et qui prélève bien sûr aussi sa commission.
Mme Meredith: J'ai bien cinq minutes?
Le président: Non, vous pouvez seulement poser une question.
Monsieur Bélanger.
M. Mauril Bélanger (Ottawa - Vanier, Lib.): Monsieur le président, je voudrais me concentrer sur le rôle de notre comité, qui n'est pas nécessairement de faire le procès de l'argent que dépense ou ne dépense pas une compagnie particulière pour la formation. Nous avons entendu des représentants de l'industrie nous dire clairement que les entreprises qui ne dépensent pas d'argent pour former leurs employés ne dureront probablement pas très longtemps.
En plus du fait que les entreprises veulent certainement prendre de l'expansion et survivre et doivent donc dépenser pour former leurs employés, je préfère pour ma part me concentrer sur ce qui me semblait que notre comité devait étudier, c'est-à-dire la question de savoir si nous devons faire venir des travailleurs au Canada, et dans l'affirmative, combien, pour conserver la part du marché du Canada dans ce domaine, qu'il s'agisse d'immigrants ou de ressortissants étrangers munis d'un permis de travail temporaire, pour remplir les postes que nous ne pouvons pas remplir nous-mêmes au Canada.
Je voudrais demander à notre premier témoin de commenter ce qu'elle dit dans son document soit que, depuis quelques années, son entreprise éprouve de plus en plus de mal à combler les postes vacants. Cela a-t-il empêché votre compagnie de faire des offres ou d'obtenir des contrats qu'elle aurait obtenus sinon? Cela vous a-t-il empêchés de prendre de l'expansion ou pensez-vous que cela arrivera à l'avenir?
Mme Nicholson: Je pense que cela arrive déjà. Cela ne nous a pas nécessairement empêchés d'obtenir plus de contrats, mais la nature de notre entreprise consiste à produire des logiciels. Nous offrons une assez grande gamme de produits. Nous avons un échéancier de mise en marché très dynamique. Nous évoluons dans un milieu très dynamique. Il faut toujours devancer ses adversaires. Pour produire des logiciels de haute qualité et meilleurs que ceux de vos adversaires, vous devez avoir les travailleurs qu'il vous faut. Si vous n'avez pas les employés nécessaires pour créer et développer les logiciels, vous perdrez du terrain et vous perdrez de l'argent parce que vos adversaires mettront leurs produits en marché avant vous et vous serez cuits.
Le président: Merci. Madame Bethel.
Mme Judy Bethel: Si je vous ai bien compris, vous êtes en quelque sorte responsable du recrutement. J'aimerais savoir si c'est vous qui déterminez les postes à combler, qui préparez les exposés de fonctions en conséquence et qui ensuite vous chargez du recrutement. Voudriez-vous nous expliquer un peu plus vos méthodes de recrutement au Canada et à l'étranger? Je suppose bien entendu que vous êtes également responsable du recrutement à l'étranger. Je suppose aussi que les méthodes doivent être similaires.
Mme Nicholson: En réalité, le recrutement ne représente qu'un tout petit aspect de mon travail. Je suis directrice des ressources humaines et dans notre compagnie, nous sommes tous, pourrait-on dire, généralistes et il n'y a donc pas de recruteur attitré, ce qui nous met, malheureusement, dans une situation un peu différente. Quoi qu'il en soit, tous mes collègues et moi-même sommes responsables du recrutement.
Nous faisons nos offres d'emploi dans les journaux nationaux et régionaux. Bien entendu, nous faisons paraître nos offres sur Internet et la diffusion dans ce cas est mondiale. N'importe qui peut se brancher sur notre site et voir ce que nous offrons. Nous participons à des salons des carrières. J'ajouterai qu'un certain nombre de compagnies américaines participent aussi à ces salons. Nos concurrents sont donc là en même temps que nous, ils essaient de recruter les mêmes personnes et de les attirer dans le Sud.
Le président: Merci. Notre témoin suivant sera M. Jocelyn Ghent Mallett.
Merci beaucoup d'être venu. Vous avez cinq minutes maximum.
M. Jocelyn Ghent Mallett (membre, Conseil exécutif, Newbridge Networks Corp.): Merci, monsieur le président. Ma perspective est un petit peu différente de celle de ma collègue de Corel. Je tiens d'abord à vous dire quelques mots sur Newbridge, compagnie que tous les membres de votre comité ne connaissent peut-être pas.
Newbridge Networks est un leader mondial pour la conception, la fabrication et l'entretien de tout un éventail de produits de réseautage de télécommunications. Les systèmes fabriqués par Newbridge permettent à des organismes dans plus de 100 pays d'avoir accès au pouvoir de communication des multimédias. Les produits de Newbridge sont adoptés par un nombre grandissant de clients qui incluent désormais les 200 plus grandes compagnies de téléphone et autres fournisseurs de services de télécommunication, plus de 10 000 entreprises publiques et privées.
Notre siège social se trouve ici à Kanata, mais notre compagnie a des installations dans tout le reste du Canada, ainsi qu'aux États-Unis, en Amérique latine, en Europe, au Moyen-Orient, en Asie et en Australie. Notre chiffre d'affaires dépasse le milliard de dollars canadiens et plus de 90 p. 100 de nos produits sont exportés. Newbridge compte plus de 5 000 employés dans le monde entier. Environ 3 000 d'entre eux se trouvent au Canada. Plus de 30 p. 100 de notre personnel est affecté à la recherche et au développement. C'est un point très important dans la perspective de notre travail.
Pour vous donner une idée de l'importance économique de Newbridge, permettez-moi simplement de vous signaler qu'en dix ans d'existence nous avons versé à l'État sous forme d'impôts sur le revenu des sociétés, d'impôts sur le revenu des particuliers, de taxes sur les plus-values, etc., près de 0,5 milliard de dollars. J'ajouterais que pendant les premières années, la compagnie a fonctionné à perte et n'a donc payé aucun impôt. Ce chiffre est le résultat de l'explosion de notre croissance depuis 1993-1994.
L'industrie mondiale des télécommunications connaît actuellement une évolution spectaculaire. Les barrières commerciales tombent, les restrictions réglementaires sont levées, des technologies plus puissantes sont disponibles, les usagers deviennent de plus en plus exigeants et sophistiqués. La concurrence dans ce marché mondial de 200 milliards de dollars est féroce. Newbridge est très bien placée pour décrocher sa part de ce marché. Mais la capacité de la compagnie à soutenir cette croissance rapide et à continuer à créer de la richesse et des emplois est de plus en plus limitée par notre incapacité à trouver le personnel qualifié dont nous avons besoin. En ce moment, simplement dans la région d'Ottawa-Carleton, il y a 2 000 postes de technologie de pointe vacants. Environ 10 p. 100 de ces postes concernent Newbridge.
Nous sommes en permanence à la recherche à la fois de professionnels expérimentés et de nouveaux diplômés. Une fois embauchés dans nos installations canadiennes, ils ont tendance à rester chez nous, mais il faut d'abord nous battre contre la concurrence très lourde - et ma collègue de Corel vous en a déjà parlé - de recruteurs de l'extérieur, de recruteurs américains, de compagnies qui offrent à nos nouveaux diplômés et à certains de nos travailleurs expérimentés des salaires plus élevés, des primes à l'embauche et toutes sortes d'incitatifs comme le merveilleux climat de la Californie pour attirer nos gens dans le Sud.
Importer des travailleurs étrangers nous aide donc à équilibrer l'équation, tout au moins à court terme et nous considérons cela comme une solution à court terme. Ce n'est pas une solution à long terme.
La solution à plus long terme dépend d'un partenariat entre le secteur public et le secteur privé commençant au niveau du secondaire, voire de l'élémentaire, pour encourager un plus grand nombre de nos élèves à s'orienter beaucoup plus vers les sciences et les mathématiques qu'ils ne le font à l'heure actuelle. En fait, on constate même en ce moment un déclin d'intérêt pour les sciences et les mathématiques. On pourrait ainsi avoir un plus grand bassin de professionnels dans les domaines du génie, de la recherche, de l'informatique, etc., ce qui nous permettrait d'éviter les pénuries qui nous attendent au XXIe siècle. Certains des chiffres que j'ai vus et qui ont été discutés pendant les deux jours de la tribune sur les innovations qui s'est tenue ici à Ottawa, sont effrayants.
Cependant, tant que cette solution à long terme ne sera pas en place, nous aurons toujours ce besoin - et c'est à ce sujet que nous demandons l'aide du ministère de l'Immigration - de combler le fossé avec des travailleurs étrangers pour que nous puissions continuer à alimenter l'économie, à multiplier nos activités au Canada et nos exportations.
Nos ressources humaines sont notre principal atout. C'est un point très important. Ce sont nos ressources humaines qui font la différence avec nos concurrents.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Nunez.
[Français]
M. Osvaldo Nunez: Je suis étonné qu'il y ait 2 000 postes vacants dans votre entreprise. Je vois tellement de gens qui veulent travailler.
M. Mauril Bélanger: C'est 10 p. 100 de la compagnie.
M. Osvaldo Nunez: D'accord, ça va. Je vois tellement de gens qui cherchent un emploi, des jeunes particulièrement. J'aimerais vous poser une question concernant votre politique salariale. De quel pourcentage les salaires sont-ils plus bas ici, au Canada, qu'aux États-Unis ou en Europe? Si vous ne solutionnez pas le problème des salaires et des conditions de travail, les Canadiens vont s'en aller aux États-Unis et en Europe et ce sont les gens d'autres pays qui viendront travailler ici, ce qui n'est pas normal.
De plus, êtes-vous en contact avec les universités et les collèges? Quelle sorte de relations avez-vous avec ces institutions d'enseignement? Pourquoi les salaires sont-ils si bas au Canada par rapport à ce qu'ils sont aux États-Unis et en Europe?
[Traduction]
M. Ghent Mallett: Merci. Deux cents de nos postes sont vacants et non pas 2 000; 2 000 c'est pour la région. Pour ce qui est de nos salaires, ils sont très compétitifs dans la réalité canadienne. Autrement dit, il ne serait pas très intelligent de notre part d'offrir des salaires inférieurs à ceux offerts par Northern Telecom. Il importe que nous offrions des salaires compétitifs, mais par rapport aux États-Unis... Je ne peux pas vous donner de pourcentage, mais j'ai été mêlé dernièrement à l'acquisition par Newbridge d'une compagnie en Californie et cette compagnie versait des salaires qui étaient deux ou trois fois supérieurs à ceux versés par Newbridge au Canada. Ils tiennent compte du standard de vie aux États-Unis. Le coût de la vie en Californie est aussi beaucoup plus élevé.
Nous rémunérons nos employés partiellement sous forme de salaires et partiellement sous forme d'actions avec option d'achat. Chacun de nos employés peut opter pour ce régime de participation et c'est la raison pour laquelle ils ont tendance à rester avec nous une fois entrés dans la compagnie car ils voient bien que plus longtemps ils restent, plus ce régime de participation leur rapporte.
Pour ce qui est de nos relations avec les universités, oui, nous entretenons d'étroites relations à la fois avec les universités locales et les autres universités canadiennes. Nous avons des liens, par exemple, avec le Département de génie de l'Université Carleton. Je crois que c'est un domaine dans lequel nous devons faire beaucoup plus. Je crois qu'il y a encore beaucoup à faire pour former des partenariats vraiment significatifs entre le secteur privé, le secteur public et le monde universitaire. Il nous faut faire beaucoup plus dans ce domaine.
Le président: Merci. Madame Meredith.
Mme Val Meredith: Merci, monsieur le président.
J'ai trouvé intéressant que vous parliez de vos excellentes relations avec l'Université Carleton car dans le journal d'aujourd'hui il y a un article disant que 22 diplômés d'un nouveau programme de génie en télécommunications n'ont été invités à une entrevue par aucune des compagnies d'Ottawa. Vous dites avoir 200 postes vacants et on nous parle de 22 diplômés dans le domaine qui vous intéresse et pourtant aucune de ces compagnies ne les a même invités à une entrevue. Je trouve cela assez étrange puisque vous dites avoir de bonnes relations avec l'Université Carleton.
Ma question est donc la suivante. Si je comprends bien, une des solutions réclamées par l'industrie et examinées par le ministère de l'Immigration est la suppression de cette nécessité pour l'industrie de s'assurer s'il y a des Canadiens, s'il y a 20 nouveaux diplômés pour remplir ces postes avant de recruter à l'étranger. Pensez-vous qu'avec 1,5 million de chômeurs dont nombre sont des diplômés universitaires, c'est une éventualité que notre pays devrait envisager plutôt que de consacrer nos ressources à la formation et au recyclage et à des stages pour que ces 22 diplômés aient l'expérience nécessaire pour travailler dans cette industrie en pleine expansion?
M. Ghent Mallett: Excellente question. Je n'ai pas vu cet article. J'ai entendu dire que c'était un article du Ottawa Citizen et personnellement je le trouve assez surprenant. Quelqu'un m'en a parlé avant que je n'entre dans la salle.
Ma seule explication est qu'il devait manquer à ces 22 diplômés certaines compétences ou qualifications spécifiques. En fait, si vous vérifiiez sur notre page Web, vous verriez la liste des 200 postes que nous offrons. Les qualifications que nous recherchons sont très précises. Par exemple, nous voulons des gens qui ont l'expérience de la technologie des modes de transfert asynchrones car c'est actuellement le support de pointe de notre compagnie. Il est donc possible que dans notre cas, comme dans d'autres, ces 22 personnes ne répondaient pas aux qualifications recherchées.
Je conviens avec vous de la nécessité de saisir toute possibilité de recruter nos diplômés et de nous assurer qu'ils aient la formation requise. Je crois que c'est là-dessus qu'il nous faut travailler le plus.
Le président: Merci. Monsieur Bélanger, s'il vous plaît.
M. Mauril Bélanger: Je crois que l'article signalait également qu'ils avaient tous fini par trouver un emploi. Ce n'est pas une question de... excusez-moi?
Mme Val Meredith: À Toronto et dans le sud de l'Ontario.
M. Mauril Bélanger: Je peux aussi dire mon mot?
Monsieur le président, cet article disait aussi qu'ils avaient tous fini par trouver du travail dans d'autres régions du pays. Cela montre que ce problème ne concerne pas simplement Ottawa, et c'est d'ailleurs la question que j'aimerais poser à notre témoin.
Je crois que vous êtes membre d'un certain nombre de conseils nationaux et d'associations nationales liés à l'industrie. Vous nous avez décrit la situation dans la région d'Ottawa-Carleton. Seriez-vous en mesure de nous donner une idée de la pénurie de travailleurs qualifiés à l'échelle du pays?
M. Ghent Mallett: Notre situation n'est certes pas unique. La région d'Ottawa-Carleton est la Silicon Valley du Nord et nous voulons devenir le centre de la technologie de pointe de tout le pays.
Newbridge a des installations à Vancouver et si nous nous sommes installés à Vancouver c'est en partie pour nous brancher sur une autre région du pays susceptible de nous offrir d'autres travailleurs qualifiés. La tâche s'est avérée difficile. À Vancouver, à certains égards, elle s'est avérée encore plus difficile à cause de la proximité encore plus grande de la Californie.
Nous avons une filiale à Halifax et je sais qu'à certains niveaux, ils n'ont pas de problèmes, mais à certains niveaux supérieurs ils en ont.
Cette situation n'est donc pas particulière à la région d'Ottawa-Carleton. Je crois qu'elle se retrouve dans toutes les régions du pays. Souvent, il n'y a pas compatibilité entre les qualifications que vous recherchez et les qualifications des diplômés qui sortent de l'université. C'est un très gros problème pour tout le Canada.
Le président: Pourriez-vous poser directement votre question, s'il vous plaît.
Mme Judy Bethel: Parce que je parle à de jeunes Albertains, à nos nouveaux diplômés, ils me disent que leur problème est le suivant: pas d'expérience, pas d'offres d'emploi; pas d'emploi, donc pas d'expérience. C'est le dilemme de ceux qui ont la formation et l'éducation requises. Je suppose que ce sont des Canadiens bien éduqués qui ont payé pour ça.
Que fait votre industrie pour leur offrir l'expérience dont ils ont besoin? Il me semble que c'est ça le problème.
J'aimerais aussi en savoir un peu plus sur votre recrutement. Est-ce que vous recrutez de manière agressive? Où recrutez-vous? Comment recrutez-vous? Intervenez-vous au niveau des programmes pour qu'ils aient la formation dont vous aurez besoin?
M. Ghent Mallett: Pour répondre à votre première question, je peux vous parler, comme mes collègues le pourraient eux aussi, de notre programme d'études en alternance. Personnellement, j'estime que c'est un des meilleurs moyens de fournir une expérience de travail immédiate aux étudiants. Nous embauchons à chaque session 100 étudiants en éducation alternée, ce qui fait300 par an.
Je parlais avant la réunion avec mes collègues de Corel. Ils font encore mieux que nous compte tenu du nombre d'employés chez Corel. Ils embauchent... Combien était-ce?
Mme Nicholson: Environ 75 par session.
M. Ghent Mallett: Oui, 75 par session, mais Corel compte beaucoup moins d'employés que nous n'en comptons. En fait, je ne connais pas la situation en Alberta, je ne sais pas si les universités albertaines offrent ce genre de programme, mais les programmes en alternance sont de loin la meilleure méthode pour offrir aux étudiants ce genre d'expérience si bien que lorsqu'ils ont fini leurs études, ils peuvent dire qu'ils ont travaillé chez Newbridge, chez Corel, etc.
Pour ce qui est du recrutement, votre deuxième question, nous recrutons d'une manière très agressive à l'échelle du pays. Nous avons un groupe qui ne s'occupe que du recrutement à Newbridge. Je crois qu'ils sont sept. Il y a une équipe de deux qui s'occupe uniquement de visiter les universités et les collèges. Ils en font le tour tous les ans et ils participent aux salons des carrières. Ils font tout ce qu'ils peuvent pour essayer d'attirer le maximum de jeunes chez Newbridge. Mais la concurrence est féroce. Dans ces salons des carrières, il y a aussi les compagnies américaines qui font exactement la même chose que nous.
Le président: Merci. Madame Minna.
Mme Maria Minna: Non merci.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Scott, soyez bref. Merci beaucoup.
M. Wayne Scott (directeur, Programmes gouvernementaux, IBM): Merci, monsieur le président.
Je suis très heureux de comparaître devant votre comité car le recrutement de ce personnel qualifié est crucial non seulement pour notre compagnie mais pour toute l'industrie. Je suis intimement convaincu que l'industrie du logiciel est une des clés de l'avenir du Canada.
J'aimerais dire trois choses à propos de l'industrie du logiciel et du personnel qualifié qu'elle nécessite. Pour commencer, dans ce domaine, le travail va où les travailleurs se trouvent. Deuxièmement, l'immigration n'est qu'un élément, un élément relativement minime et, même dans les meilleures circonstances, elle ne saurait résoudre tout le problème. Troisièmement, toute personne qualifiée et expérimentée qui vient s'ajouter au bassin de main-d'oeuvre informatique canadien crée à son tour d'autres emplois pour les Canadiens au fur et à mesure que l'industrie croît.
Permettez-moi de commenter brièvement ces points dans l'ordre.
Le travail va où les travailleurs se trouvent. Permettez-moi d'illustrer cet axiome avec deux genres d'exemples, pour commencer avec les nouvelles compagnies, les nouvelles compagnies de logiciels.
L'industrie du logiciel est une industrie véritablement mondiale. Elle connaît une croissance et des bouleversements explosifs. De nouvelles compagnies naissent tous les jours au Canada et dans le monde. En même temps, d'autres disparaissent aussi tous les jours. La mise au point de logiciels est une activité très pointue.
Si nous voulons que les compagnies canadiennes soient compétitives sur ce marché dynamique, il faut qu'elles aient accès à la main-d'oeuvre nécessaire à leur croissance et il faut qu'elles y aient accès maintenant. Il y a de grandes chances que quelqu'un, quelque part, soit déjà en train de travailler sur une meilleure idée et s'il a un meilleur accès au personnel qualifié dont il a besoin c'est lui qui emportera ce marché. L'occasion sera perdue pour le Canada.
C'est la perspective des nouvelles compagnies dans ce domaine d'activités, domaine extrêmement compétitif et à progression rapide.
Mon deuxième exemple est celui des compagnies plus importantes qui mettent déjà au point des logiciels dans plusieurs pays. IBM est l'exemple dont je peux vous parler d'expérience.
Dans le domaine des logiciels, chez IBM, nous créons de nouveaux produits en plus d'améliorer ceux que nous avons déjà. Nous devons décider chaque semaine, sinon tous les jours, où seront élaborés nos logiciels. Pour prendre ces décisions, nous nous demandons surtout où se trouvent les gens qui possèdent les compétences nécessaires à ce travail.
Notre laboratoire de logiciels de Toronto jouit d'une excellente réputation chez IBM pour ce qui est de livrer à temps des produits de qualité. C'est pour cette raison qu'un grand nombre de gestionnaires des produits d'IBM veulent faire le travail à Toronto. La seule chose qui limite la création d'un plus grand nombre d'emplois à Toronto, pour l'élaboration des logiciels d'IBM, c'est un manque de confiance quant à la possibilité d'obtenir suffisamment de personnel qualifié.
Deuxièmement, nous ne disons pas que l'immigration peut résoudre à elle seule ce problème, ni même qu'elle le devrait. Tout au mieux, ce n'est qu'une partie de la solution.
Chez IBM, comme dans d'autres compagnies canadiennes, nous cherchons assidûment des candidats canadiens qualifiés, tant sur les campus que sur le marché - et c'est également ce que vous ont dit mes collègues. Nous faisons d'énormes investissements dans la formation, non seulement celle de nos nouveaux employés, mais aussi celle de tous nos autres employés. Nous travaillons dans un domaine qui évolue rapidement et il est absolument essentiel que l'apprentissage soit permanent.
Nous avons toujours embauché des diplômés des programmes d'informatique pour l'élaboration de logiciels, mais nous cherchons maintenant d'autres sources de recrutement, par exemple les collèges communautaires et les entreprises comme ITI. ITI est un organisme privé de formation qui offre des cours d'informatique à des diplômés en sciences autres que l'informatique.
Chez IBM, en 1990, nous avons créé un centre de perfectionnement à notre laboratoire de logiciels. C'est là que les étudiants diplômés et des professeurs d'informatique viennent faire des recherches tout en travaillant pour l'industrie. Par le truchement de ce centre, nous finançons également des recherches réalisées dans des universités canadiennes. Ces activités visent à accroître le nombre et la qualité des diplômés canadiens en informatique.
Également, au cours des deux dernières années, nous avons entrepris de collaborer avec des conseils scolaires, aux niveaux primaire et secondaire, car nous croyons que c'est à ces niveaux que l'on doit régler à long terme la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée.
Ces programmes sont et continueront d'être d'une importance cruciale. Mais ce n'est pas suffisant. Au Canada, nous perdons tous les jours des occasions de développement de logiciels parce que nous n'avons pas suffisamment de travailleurs qualifiés. Ces débouchés s'ouvrent et se ferment tous les jours dans ce domaine. Et quand je dis tous les jours, c'est vraiment tous les jours.
L'immigration n'est qu'une solution partielle, mais cela aide néanmoins. Nous sommes très satisfaits du programme pilote visant à accélérer l'octroi de permis de travail aux spécialistes de l'élaboration de logiciels et nous encourageons votre comité à en préconiser l'expansion. Dans certains pays, un effort concerté pour accélérer le processus d'approbation pourrait être très profitable pour le Canada. Nous vous exhortons à agir rapidement.
Enfin, revenons aux emplois pour les Canadiens. Le tableau que j'ai dépeint, c'est celui d'une industrie dotée d'un énorme potentiel de croissance au Canada. Pour que cette croissance puisse se produire, il est absolument nécessaire de disposer d'une main-d'oeuvre hautement qualifiée. Sinon, ce n'est pas possible.
Mais la croissance de ce secteur n'est pas limitée seulement par les emplois qualifiés dans le domaine du logiciel. Pour que les sociétés de logiciels puissent croître et prospérer, elles ont aussi besoin de travailleurs dotés d'autres compétences. Elles ont besoin d'employés dans les domaines des finances, de la vente, de l'administration, etc. Elles ont également besoin de bâtiments et de fournitures. Elles ont besoin de services. Elles paient des impôts. La croissance de cette industrie permettra de créer de nombreux emplois pour les Canadiens, dans de nombreux domaines. Tout cela peut devenir une réalité grâce à l'ajout opportun de travailleurs étrangers hautement qualifiés à notre main-d'oeuvre. À titre de travailleurs du logiciel et de Canadiens, nous demandons à votre comité de nous appuyer.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Scott.
Monsieur Nunez.
[Français]
M. Osvaldo Nunez: Je vous remercie de votre exposé.
IBM est une société transnationale qui a beaucoup de ressources, beaucoup de moyens et qui est installée dans plusieurs pays.
J'aimerais savoir quel nombre de travailleurs étrangers vous employez ici, au Canada. D'où viennent-ils? Est-ce que votre société est d'accord, par exemple, sur la loi du Québec qui demande de consacrer 1 p. 100 de la masse salariale à la formation?
Enfin, j'aimerais savoir à quels problèmes vous êtes confrontés quand vous faites affaire avec les services de l'Immigration ou le ministère du Développement des ressources humaines, lorsque vous faites venir des travailleurs étrangers. Est-ce que le processus de validation des offres vous paraît utile? Quelles sont vos critiques à cet égard?
[Traduction]
M. Scott: Eh bien, parlons d'abord du nombre d'étrangers à notre service. IBM emploie deux catégories de travailleurs étrangers au Canada. Il y a d'abord les employés d'IBM d'autres pays qui viennent ici dans le cadre d'affectations temporaires ou de projets spéciaux, ou encore pour leur perfectionnement professionnel. Les employés canadiens d'IBM peuvent aussi être mutés de façon temporaire dans d'autres pays à des fins de perfectionnement professionnel, puis ils reviennent au Canada. Voilà pour la première catégorie.
L'autre catégorie, celle qui vous intéresse peut-être davantage, ce sont les gens qui arrivent au Canada et sont engagés ici par IBM. En fait, leur nombre est relativement faible. Je ne connais pas le nombre absolu. Je sais toutefois qu'en 1996, nous n'avons engagé que 16 personnes récemment diplômées d'autres pays. Je suppose qu'au total, le nombre des travailleurs étrangers serait du double. Cela ne représente donc pas la majeure partie de notre recrutement. Mais aujourd'hui, je ne représente pas seulement notre entreprise, mais aussi l'industrie. On peut prévoir que la croissance rapide de ce secteur entraînera une augmentation des exigences et peut-être aussi, à mon avis, un besoin plus grand de personnel qualifié venant de l'étranger.
Quant aux investissements au titre de la formation, IBM a toujours beaucoup investi dans ses employés. En 1996, nous avons investi 44 millions de dollars pour la formation de nos employés canadiens. Cela représente près de 2 p. 100 du produit de nos ventes au Canada. En 1997, nous avons accru de 30 p. 100 nos projets d'investissement dans la formation et l'éducation des employés d'IBM. Le nombre de nos employés n'a certes pas augmenté de 30 p. 100. Cela montre donc que pour nous, cet investissement est un objectif prioritaire.
Le président: Merci. Madame Meredith.
Mme Val Meredith: Merci, monsieur le président.
Si vous n'embauchez pas autant de travailleurs étrangers, c'est donc que vous pouvez trouver des Canadiens pour combler tous vos postes. Pourquoi estimez-vous nécessaire de modifier l'exigence voulant que les entreprises doivent d'abord essayer d'embaucher des Canadiens avant d'aller en chercher à l'étranger? Pourquoi est-il nécessaire de changer ce règlement?
M. Scott: Je vous répondrai par deux observations. Nous avons eu la chance de pouvoir embaucher un grand nombre de gens au cours des deux dernières années et nous continuons à en recruter. En 1997, jusqu'à présent, nous avons embauché plus de 300 personnes au Canada. Nous avons pu le faire grâce à un investissement important dans le recrutement au Canada, un investissement constant, qui est notre principal objectif. C'est également grâce aux relations étroites que nous entretenons avec les universités canadiennes, du moins pour ce qui est des nouveaux diplômés que nous avons embauchés. En 1996, ces diplômés représentaient 25 p. 100 de tout notre recrutement. Mais au cours des deux dernières années, nous avons constaté qu'il en coûte de plus en plus cher d'embaucher au Canada. Il est de plus en plus difficile pour nous de satisfaire nos besoins.
À l'heure actuelle, ce ne sont pas des dizaines de postes que nous devons doter partout au pays, mais des centaines. Bien que nous n'ayons jamais appliqué une stratégie délibérée de recrutement à l'extérieur du Canada, les étrangers que nous avons embauchés l'ont été parce qu'ils nous ont offert leurs services, et non le contraire. D'après ce que je peux prévoir de l'avenir de ce secteur au Canada, la pénurie de main-d'oeuvre ne fera que s'accroître. Il est donc important pour le Canada d'avoir accès à une main-d'oeuvre qualifiée étrangère.
Le président: Monsieur Bélanger.
M. Mauril Bélanger: Monsieur Scott, je vous remercie de votre témoignage. J'ai peut-être mal compris l'une de vos observations et, si c'est le cas, veuillez m'en excuser. Vous semblez dire qu'il vaut mieux recruter dans certains pays que dans d'autres. S'agit-il d'un énoncé général ou connaissez-vous des pays dans lesquels il est plus difficile ou plus facile de faire du recrutement?
Pouvez-vous répondre aisément à cette question?
M. Scott: Aisément, je ne sais pas, mais je répondrai de toute façon.
Il faut tenir compte également de ce que cette observation vient d'une entreprise qui n'a jamais appliqué une stratégie délibérée de recrutement à l'étranger. C'est ce que j'appellerais une déduction non vérifiée. Je crois comprendre qu'à l'heure actuelle, d'après ce que m'ont dit mes collègues de l'industrie, c'est dans des pays comme l'Inde, la Chine, la Russie et l'Europe de l'Est, plus particulièrement la République tchèque, que l'on trouve des travailleurs hautement qualifiés très intéressés à venir au Canada. Comme vous le savez peut-être, la présence canadienne dans ces pays, du moins dans certains cas, est relativement récente. Nous ne disposons pas d'une infrastructure bien établie pour traiter rapidement les demandes de toutes les personnes intéressées à venir ici. C'est ce que j'entendais par cette observation.
Le président: Madame Bethel.
Mme Judy Bethel: Je ne comprends pas très bien votre relation avec l'industrie. Vous êtes avocat, et je ne comprends pas exactement cette relation. Vous dites que vous représentez l'industrie; j'aimerais savoir à quel titre.
Pourriez-vous me dire également en quoi notre processus de validation diffère de celui appliqué au Japon, par exemple, ou aux États-Unis. Pourriez-vous faire une analyse comparative de notre processus de validation et de celui d'autres pays?
M. Scott: Je vous ai peut-être trompé quant à mon rôle, et je ne peux donc pas répondre à votre question. Je suis un employé d'IBM et, jusqu'à il y a deux mois, j'étais directeur des ressources humaines dans notre laboratoire d'élaboration de logiciels de Toronto, laboratoire qui compte quelque 1 200 employés.
Mme Judy Bethel: Je retire donc ma question. En voici une nouvelle...
M. Scott: D'accord.
Mme Judy Bethel: Eh bien, puisque vous vous occupez de ressources humaines, voici ma question. Pour ce qui est d'identifier le besoin, on nous a surtout fourni des anecdotes ou ce que vous avez appelé des déductions non vérifiées. Pourriez-vous me dire s'il existe des recherches et des études claires et valables dans lesquelles ce besoin est identifié?
M. Scott: Lorsque vous parlez de besoin, il s'agit, je suppose, du besoin de travailleurs qualifiés en développement de logiciels au Canada.
Je ne puis parler qu'au nom d'IBM, pour ce qui est des chiffres.
Mme Judy Bethel: C'est donc que l'industrie n'a pas réalisé d'étude qui définisse les besoins en main-d'oeuvre dans ce secteur. Cette tâche incombe-t-elle à l'industrie elle-même ou relève-t-elle plutôt d'Industrie Canada?
M. Scott: Je crois savoir que le Conseil des ressources humaines de logiciel, dont nous sommes un participant actif, tant à titre d'industrie que d'entreprise, a réalisé une étude de ce genre il y a18 mois environ. On y rapportait divers chiffres, mais on y constatait qu'il y a à l'heure actuelle une pénurie de 20 000 travailleurs dans notre secteur partout au pays.
Le président: Madame Minna, avez-vous une question à poser?
Mme Maria Minna: Pas maintenant. J'en aurai sans doute plus tard.
Le président: D'accord.
Je tiens à remercier nos témoins. Vous nous avez fourni énormément de renseignements. Vous avez abordé plusieurs sujets dans différents domaines qui nous intéressent.
Nous allons faire une pause de trois minutes et suspendre les travaux du comité, le temps que nos témoins quittent la table et que nos trois prochains témoins s'installent. Nous reprendrons ensuite nos délibérations.
Merci.
Mme Val Meredith: Monsieur le président, aurons-nous l'occasion de poser d'autres questions à ces témoins?
Le président: Non, puisque nous avons perdu beaucoup de temps au début de la séance et que nous sommes limités du fait qu'il y a un vote à 17 h 30. J'aimerais que nous puissions entendre les trois ou quatre prochains témoins.
Il n'y a pas de vote? Je suis désolé, j'ai été mal informé. On m'avait dit qu'il y avait un vote à 17 h 30, mais il semble que ce ne soit pas le cas. Si vous avez des questions, je demanderais aux témoins de rester là et nous continuerons - un rapide tour de table.
[Français]
M. Osvaldo Nunez: Concernant la validation des offres d'emploi, j'aimerais avoir plus de détails sur les problèmes que vous rencontrez auprès du ministère fédéral de l'Immigration et du ministère du Développement des ressources humaines. Est-ce que la durée du traitement de la demande est trop longue? Qu'est-ce que vous pensez du processus actuel?
[Traduction]
Le président: Votre question s'adresse-t-elle à quelqu'un en particulier, monsieur Nunez?
M. Osvaldo Nunez: Elle s'adresse à Mme Nicholson.
Mme Nicholson: Nous avons constaté que Développement des ressources humaines avait grandement amélioré son processus de validation des offres. Par son intermédiaire, nous avons réussi à obtenir des permis de travail et à faire valider des offres d'emploi de permanent. Il y a un an environ, les délais étaient très longs, à tel point qu'il arrivait que le permis de travail de quelqu'un soit sur le point d'expirer et que nous devions téléphoner au ministère pour obtenir des réponses. Mais maintenant, il faut moins d'une semaine et nous sommes très satisfaits de ce changement.
Le président: Madame Meredith.
Mme Val Meredith: Je ne comprends plus très bien, alors. Si, sous le régime du règlement actuel, vous êtes maintenant satisfaits de ce que fait le ministère de l'Immigration pour vous aider à l'égard des travailleurs étrangers, pourquoi pensez-vous que nous devrions changer ce règlement? Si le simple fait que le ministère soit plus efficace dans ce que vous lui demandez répond à vos besoins, pourquoi notre comité ou même le gouvernement entreprendraient-ils de changer un règlement dont le but est de protéger les travailleurs canadiens?
Mme Nicholson: Il y a eu des améliorations, bien sûr, mais ce sont des cas isolés. Nous présentons entre 10 et 15 demandes par année, et ce n'est pas suffisant pour combler tous nos postes. Il reste encore un grand nombre de postes vacants. Je ne saurais dire ce qui se produirait si nous présentions 20, 30 ou 40 demandes de validation d'offre d'emploi dans un délai d'une semaine, de deux semaines ou de deux mois. Cela pourrait poser des problèmes.
Il y a également une autre question importante, c'est-à-dire l'octroi de permis de travail au conjoint. Bien des gens qui décident de venir au Canada souhaitent que leur conjoint travaille, mais ce n'est pas vraiment possible. Nous aimerions que ces gens viennent au Canada et qu'il soit possible à leur conjoint d'obtenir un permis de travail de façon à pouvoir trouver de l'emploi. Nous aimerions beaucoup que ce soit possible.
Le président: Monsieur Bélanger.
M. Mauril Bélanger: Merci, monsieur le président. C'est toujours très instructif d'observer l'Opposition officielle. J'ai appris quelque chose de M. Nunez, aujourd'hui, et j'essayerai moi aussi de poser deux ou trois questions en une.
La recommandation relative aux permis de travail pour les conjoints est très délicate pour la simple raison que le taux de chômage au Canada est élevé - il est encore trop élevé. Ce taux diminue, mais il est encore trop élevé. L'industrie devra faire valoir... L'un des témoins que nous avons entendus mardi, qui représentait le West Island Business Development Council, a essayé d'expliquer que cela rendrait le pays plus concurrentiel. Si l'industrie veut faire valoir cet argument, elle devra apporter des preuves. C'est un argument intéressant, qui offre un certain potentiel, mais il faudra le développer.
Ma question s'adresse aux trois témoins. Auriez-vous des recommandations très précises à formuler, même si elles sont minimes, en vue d'améliorer le processus appliqué par l'immigration aux personnes qui viennent vivre au Canada, pour y immigrer ou pour y travailler sous le régime de permis spéciaux? Auriez-vous des recommandations que nous pourrions à notre tour transmettre au gouvernement? Si c'est le cas, nous apprécierions qu'aujourd'hui ou dans les jours qui viennent, vous nous fassiez des propositions très précises qui nous aideraient à répondre aux besoins de l'industrie. Vous pouvez même nous en signaler certaines aujourd'hui, si vous le voulez.
M. Scott: Permettez-moi de revenir à ce que j'ai dit précédemment en réponse à une de vos questions. Il existe à l'heure actuelle certaines sources possibles de candidats qualifiés qui ne sont pas suffisamment exploitées maintenant dans leur pays. L'arrivée possible de ces candidats au Canada n'est pas limitée par le processus de validation, mais par la capacité générale des fonctionnaires canadiens à traiter les demandes, à traiter les résultats des examens médicaux et, enfin, à aider l'ensemble de l'industrie à examiner leurs candidatures.
Je ne sais pas si cela est suffisamment précis, mais c'est une des recommandations.
Mme Judy Bethel: Permettez-moi de m'écarter un peu de l'informatique pour parler des technologies de pointe. Nous savons tous qu'il existe le même type de pénurie de main-d'oeuvre dans les technologies de pointe, qu'il s'agisse de l'agriculture, de l'exploitation pétrolière et gazière, de l'exploitation minière, de la fabrication, de la biotechnologie, etc. La liste est fort longue. Compte tenu de ces besoins, j'aimerais que chacun d'entre vous me dise quels ministères devraient se charger de définir les pénuries de main-d'oeuvre au Canada, afin que nous puissions avoir une stratégie plus ciblée et plus scientifique.
M. Ghent Mallett: Comme j'ai des antécédents au gouvernement - avant de me joindre au conseil exécutif de Newbridge, j'ai travaillé pendant 15 ans dans l'administration fédérale - je recommande fortement ce que l'on pourrait appeler des «partenariats sectoriels». Prenons la technologie de pointe dans le domaine agricole. Ce serait un mariage du ministère de l'Agriculture, de DRHC et d'Industrie Canada. Chacun apporterait au partenariat un élément distinct. DRHC est un ministère clé dans tout cela. Industrie Canada l'est également. Je travaillais à Industrie Canada et je peux donc l'affirmer.
Il est tout à fait essentiel qu'ils travaillent ensemble. On constate parfois dans le monde que les gens travaillent de façon cloisonnée. Je pense qu'il serait très utile d'amener les ministères gouvernementaux à travailler ensemble dans ces domaines précis.
Mme Maria Minna: Vous avez tous évoqué des postes vacants que vous n'arrivez pas à combler, en plus du personnel que vous avez, et il y a donc des postes vacants actuellement. Si l'on trouvait le moyen de vous aider à combler ces postes le plus vite possible, pourrions-nous demander en même temps si, parallèlement à cela, vous envisageriez un programme, ou si votre secteur a envisagé un programme visant à recycler les gens - Carleton dispose d'un programme de recyclage des gens qui possèdent des compétences, qui ne font pas tout à fait l'affaire, mais que l'on peut recycler rapidement - afin de trouver le plus vite possible des Canadiens pour occuper la prochaine série de postes? On aurait désormais deux programmes parallèles, avec la participation du secteur. À un moment donné, vous devez travailler avec nous pour essayer de trouver des moyens d'amener des Canadiens qui ne travaillent pas à occuper ces postes.
M. Ghent Mallett: Il y a un programme qui pourrait à mon avis servir de modèle. Il s'appelle O-Vitesse. C'est un partenariat entre les universités de la région d'Ottawa, Mitel et le Conseil national de recherches. Dans le cadre de ce programme, on forme des gens qui ont de la difficulté à trouver un emploi dans leur propre domaine, disons la biotechnologie. Il faut quelqu'un qui a un bagage en sciences ou en mathématiques. Nous leur donnons la formation voulue pour devenir concepteurs de logiciels ou pour occuper d'autres postes dont a besoin le secteur de l'informatique. Voilà le genre de partenariat que je trouve vraiment important, un partenariat entre l'industrie, les milieux universitaires et, dans ce cas précis, le gouvernement fédéral, par l'entremise du Conseil national de recherches.
Le président: Merci encore une fois d'avoir comparu devant notre comité.
Nous allons faire une pause de trois minutes. Cela nous donnera le temps de ramasser les papiers et d'inviter les autres témoins à venir prendre place.
Le président: Le comité reprend sa séance pour la deuxième partie, la deuxième table ronde.
Merci beaucoup. Vous avez été patients en restant écouter les autres témoins. Vous connaissez la façon de procéder. Nous allons commencer de ce côté-ci de la table et je donne la parole à Elda Paliga.
Mme Elda Paliga (présidente, Cross Border Management Inc.): Je représente CBM, Cross Border Management Inc. C'est une firme de formation et de conseillers en matière d'immigration.
Vous aimeriez peut-être connaître mes antécédents et je vous dis tout de suite que j'étais auparavant directrice au ministère de l'Immigration.
Ce que notre compagnie propose aujourd'hui est un régime simplifié et moins coûteux que ce qu'on a proposé jusqu'à maintenant.
En réalité, il y a trois moyens principaux d'entrer au Canada comme travailleur étranger temporaire. Le premier est d'obtenir une dispense à titre de visiteur; j'appelle cela l'autoroute mondiale parce que c'est rapide; il n'est pas nécessaire d'avoir un permis de travail pour travailler au Canada.
Le deuxième moyen est ce que l'on appelle les dispenses de la validation, et j'appelle cela l'autoroute «firebird».
Le dernier moyen est très lent. Pourquoi? Parce que le ministère des Ressources humaines n'a pas de normes de service.
La suggestion que je vais faire aujourd'hui porte sur la dispense de la validation. Actuellement, il existe plus de 40 catégories de dispenses de la validation pour venir au Canada à titre de travailleur étranger. Pour créer une nouvelle catégorie de dispense de la validation, il n'est pas nécessaire de changer le règlement. Les autorités disposent déjà des pouvoirs voulus.
Ce que je propose, c'est de créer une catégorie de dispense de la validation au titre du critère des avantages importants. Cela peut se faire en un jour; il y a des précédents. Et comme on peut le créer en un jour, on peut aussi l'abroger en un jour.
Un code unique pour les travailleurs de la technologie de l'information serait préférable, parce qu'on pourrait les contrôler. On pourrait faire un contrôle tous les trois mois, tous les six mois, ou une fois par année, au choix.
Pour que vous compreniez les validations qui relèvent de ce critère des avantages importants, je vais en énumérer quelques-uns et vous pourrez juger vous-mêmes si les professionnels de l'informatique visés par cette proposition sont moins importants.
Je vais donc énumérer les catégories de travailleurs qui peuvent entrer au Canada et qui sont dispensés de la validation au titre du critère des avantages importants: les exploitants de kiosques aux foires et expositions; les distributeurs Amway; les propriétaires ou directeurs de camps; les collectionneurs professionnels et amateurs qui vendent des objets de collection ailleurs qu'à des congrès; les entraîneurs; les personnes mutées d'une compagnie à l'autre; les travailleurs étrangers spécialisés dans un domaine donné; et les joueurs et entraîneurs de la Ligue canadienne de football, ainsi que leurs conjoints.
Mais ce qu'il y a de bien, dans le système d'immigration canadien, c'est la souplesse, et l'on prévoit une autre catégorie. Elle vise toute autre personne à laquelle il serait justifié d'accorder une dispense à cause des avantages importants.
Qu'en est-il du volume? En 1994, il y a eu 83 725 dispenses de validation permettant l'entrée au Canada. Cette même année, 36 463 personnes sont entrées au Canada dans le cadre du processus de validation de DRHC.
Pourquoi donc la proposition que je fais est-elle simple et peu coûteuse? Parce que cela pourrait se faire en un seul jour, pourvu qu'on le veuille. Il ne serait pas nécessaire pour le secteur de créer des descriptions de tâches génériques, ce qui est un exercice exigeant beaucoup de ressources. Il ne serait pas nécessaire de mettre sur pied un projet pilote de DRHC-CIC. Ce serait facile à contrôler et à analyser. On pourrait l'abroger.
Cette proposition est également globale. Elle permettrait de faire entrer non seulement les professionnels de l'informatique qui travaillent à titre de développeurs de logiciels, mais aussi les professionnels de l'informatique qui travaillent dans d'autres secteurs.
Je voudrais faire une observation sur la question de l'emploi des conjoints. Les compagnies peuvent conclure des ententes réciproques dans les pays étrangers où elles sont présentes. Par exemple, si Newbridge et Corel possèdent des compagnies - et c'est effectivement le cas - dans d'autres pays, elles peuvent conclure une entente avec l'Immigration pour que les compagnies elles-mêmes puissent s'entendre avec le gouvernement étranger pour permettre aux conjoints des employés canadiens de travailler dans ces pays. Cela se fait. C'est possible. L'Aluminium Alcan a conclu une telle entente.
Je voudrais maintenant parler des délais. Actuellement, le centre de traitement des dossiers de Végréville, en Alberta, annonce un délai de traitement de 25 jours. Il n'y a aucune raison de ne pas avoir un tel délai publiquement annoncé à l'étranger. Je ne propose pas un nombre de jours quelconque. Je dis simplement qu'il faudrait annoncer un délai fixe et le respecter. Les gens doivent pouvoir planifier. Quand on planifie un déménagement, il faut savoir si cela va prendre deux semaines, trois mois, un an.
Mon dernier point porte sur l'accessibilité. Dimanche dernier, une femme m'a téléphoné chez moi. Sa soeur venait de l'appeler parce qu'elle était en situation de crise. Ils avaient essayé de communiquer avec une ambassade, avec un bureau des visas. Ils avaient perdu les examens médicaux. Ce sont des choses qui arrivent. Cela arrive dans toutes les entreprises; il y a parfois des anicroches. Mais, que faire quand un problème surgit? Elle n'avait personne à qui parler. Quand elle s'est décidée à téléphoner quelque part, on lui a dit de ne pas prendre la peine de rappeler et d'attendre.
Ces gens-là ne devraient pas avoir à venir consulter de gens comme moi. Ce sont des clients qui paient pour les services. Il y a des droits d'immigration. Elle avait payé le droit de traitement de sa demande. Elle avait payé les honoraires médicaux. Mesdames et messieurs, je crois que les clients qui paient méritent un meilleur sort.
Le président: Monsieur Nunez.
[Français]
M. Osvaldo Nunez: Vous venez de dire quelque chose que j'ai dit il y a longtemps, soit que le centre de traitement des demandes à Vegreville a été un échec. On l'a vu un peu partout, particulièrement au Québec.
Deuxièmement, vous êtes la première personne à faire des propositions concrètes que nous allons pouvoir étudier. On voit que vous connaissez bien la matière en tant qu'ancien fonctionnaire du ministère de l'Immigration. Puisque vous étiez directeur à ce ministère, pourquoi n'avez-vous pas déjà fait des propositions et mis en pratique la suggestion que vous faites aujourd'hui concernant cette catégorie de permis, d'offres de validation qui seraient faites le même jour? Je pense que c'est intéressant. Pourquoi ne pas être intervenu auparavant et pourquoi le ministère de l'Immigration n'a-t-il pas mis en pratique votre recommandation?
[Traduction]
Mme Paliga: À ce moment-là, je n'étais plus au service du gouvernement.
Le président: Merci. Mme Meredith est la suivante.
Mme Val Meredith: À l'instar de mon collègue, je tiens à vous remercier de nous avoir fait une proposition concrète que nous pouvons étudier.
J'ai demandé aux témoins précédents pourquoi, à leur avis, il faut changer le règlement, au lieu de chercher des Canadiens qui pourraient occuper ces emplois, pourquoi on ne peut pas simplement laisser l'immigration faire ce qu'elle est censée faire. C'est essentiellement ce qu'il me semble vous avoir entendu dire.
D'après votre expérience à l'immigration... Combien d'années y avez-vous travaillé? Assez longtemps?
Mme Paliga: Quinze ans.
Mme Val Meredith: Donc, pendant ces quinze années, vous avez vu comment ce processus fonctionne pour d'autres compagnies, d'autres secteurs qui ont senti le besoin de faire venir des travailleurs étrangers et vous estimez qu'il n'y aurait pas de problème et que ce processus de dispense de la validation serait satisfaisant pour le secteur de la technologie de pointe.
Mme Paliga: Oui, c'est bien cela.
Vous devriez être rassurés en sachant que l'Immigration pourrait contrôler et faire rapport. Ce n'est pas comme si l'on faisait cela d'un coup de baguette magique sans plus jamais y revenir par la suite. Si vous voulez avoir certains renseignements, savoir comment cela se passe, quels métiers sont visés, quelle est la répartition par sexe, etc., vous pouvez les obtenir. En passant, si vous voulez des statistiques sur l'immigration, elles sont disponibles. Cela coûte 100$ pour dix minutes de temps d'ordinateur, mais il suffit de les demander.
Le président: Monsieur Bélanger.
M. Mauril Bélanger: Je me joins à mes collègues pour vous féliciter de cet excellent document et je vous remercie beaucoup d'avoir pris la peine de venir nous présenter cela.
Je voudrais revenir aux ententes réciproques pour les permis de travail des conjoints. Prenons Newbridge, par exemple. Vous avez dit que cette compagnie a des bureaux partout dans le monde. Si j'ai bien compris, vous dites que Newbridge pourrait s'adresser, disons, au gouvernement de la République tchèque, si la compagnie a un bureau là-bas - je l'ignore, je devrai vérifier - et conclure une entente selon laquelle les Canadiens qui vont travailler chez Newbridge en République tchèque pourraient amener avec eux leurs conjoints qui bénéficieraient d'un permis de travail, tout comme les Tchèques qui viendraient travailler au Canada bénéficieraient de la contrepartie. Est-ce essentiellement ce que vous proposez?
Mme Paliga: C'est exactement ce que je propose.
M. Mauril Bélanger: Auriez-vous une suggestion à faire pour les compagnies qui commencent et qui n'ont peut-être pas encore ouvert de bureaux partout dans le monde? Vous semblez bien connaître ces règlements. Est-il possible de conclure une entente en prévision de l'ouverture d'un bureau, ou bien en passant par une autre compagnie ou une filiale, quelque chose du genre? Des compagnies pourraient-elles se regrouper dans un conglomérat, lequel conclurait une entente avec un pays?
J'essaie simplement de trouver une manière, si elle existe...
Mme Paliga: Voilà qui est excellent. Vous faites preuve de créativité. Et c'est exactement l'objet de cette proposition.
L'objectif principal de cette proposition des ententes réciproques, c'est d'aider les conjoints de travailleurs canadiens. Si c'est ce que la compagnie peut conclure comme entente... mais elles s'aperçoivent que ce n'est pas facile, parce que dans certains pays, c'est très difficile. Mais je le répète, il y a des pays qui veulent obtenir le même avantage pour leurs ressortissants dans notre pays.
Le président: Je crois comprendre, monsieur Trister, que vous êtes ici à titre de personne-ressource. Est-ce bien cela?
M. Benjamin J. Trister (Greenberg Trister Turner): Je suis venu pour offrir mon aide sur les questions relatives au traitement des demandes, mais mon associé, M. Greenberg, traitera des questions portant spécifiquement sur la technologie de pointe.
Le président: Très bien, merci. Monsieur Greenberg.
M. Howard D. Greenberg (Greenberg Trister Turner): Je suis avocat spécialisé en immigration. Je ne travaille pas pour les entreprises d'informatique. Je ne comprends pas les aspects techniques spécialisés de l'informatique.
Ce que je comprends, c'est ce qui concerne les déplacements des gens. Au cours des 12 derniers mois, notre firme a aidé plus de 400 professionnels de l'informatique à venir s'installer au Canada et aux États-Unis, en provenance de partout dans le monde, et c'est donc un problème qui nous préoccupe quotidiennement. Voilà l'expérience concrète dont je veux vous faire part ici aujourd'hui.
Je crois que cette question comporte deux aspects qui sont pertinents au débat. Premièrement, comment cela a-t-il vu le jour, ce processus de validation, du point de vue du praticien? Les spécialistes du logiciel entraient au Canada de deux manières: par un processus de validation géré par Ressources humaines Canada ou un centre de placement du Canada, au cas par cas, ou bien grâce à ce que l'on appelle une dispense E-19 au titre des avantages importants pour le Canada. C'était les deux moyens d'entrer au Canada.
À mesure que le nombre de demandes augmentait et que des pressions s'exerçaient sur le ministère de l'Immigration, ce dernier s'est vu dans l'obligation, vers le mois de décembre, de trouver une solution pratique à ce problème. Ce n'était pas seulement une compagnie ou même une région qui éprouvait un problème, mais bien tout le secteur. Les responsables du ministère ont donc rencontré leurs homologues d'Industrie Canada et de DRHC et ils ont fait une sorte de remue-méninges pour trouver une solution. La solution qu'ils ont trouvée à ce problème, c'est la validation nationale. Cette solution vient de DRHC. Ce que la validation veut dire, c'est qu'il n'y a pas d'incidence négative sur le marché du travail canadien.
Mon ami parle de la dispense accordée aux termes de la Loi sur l'immigration. Tout cela découle de l'article 20 du règlement, qui stipule qu'il y a des avantages importants pour le Canada.
Donc, le ministère de l'Immigration étudie une demande de façon accélérée s'il y a des avantages importants pour le Canada et DRHC accorde la validation s'il n'y a aucune incidence négative sur le marché du travail. Est-ce la même chose? Je l'ignore. Je ne sais pas ce que cela veut dire.
Ce dossier illustre très bien les observations que nous ne cessons de faire depuis trois ans, à savoir qu'il faut absolument réexaminer la politique des travailleurs étrangers au Canada. Il faut récrire le règlement. Il faut redéfinir le rôle de DRHC. Le Canada doit s'interroger et établir comment et pourquoi les gens devraient être autorisés à venir au Canada.
Nous sommes en présence d'une industrie qui a des besoins et le ministère a donc trouvé une solution ponctuelle. En tant que praticien, je peux vous dire que je comprends très bien ce que l'on propose de faire et, en termes d'admissibilité au Canada, cette solution est tout aussi pratique qu'une dispense. Dans les deux cas, une personne sera admissible immédiatement, après avoir démontré qu'elle possède certaines connaissances et une certaine expérience.
Ce n'est pas tellement cet aspect de l'équation qui m'a poussé à venir témoigner aujourd'hui. D'une manière ou d'une autre, que ce soit DRHC ou le ministère, les gens vont venir rapidement. C'est ce que l'on vous a dit.
Ce qui me préoccupe, c'est le processus. C'est bien beau de dire aux gens qu'ils sont approuvés un lundi, mais il devrait en découler que les personnes visées arrivent au Canada le mercredi ou le vendredi ou, tout au moins, le lundi suivant.
Je représente bon nombre de compagnies multinationales et je peux vous dire que ces entreprises font des plans mettant en cause des employés dans cette situation à deux semaines, trois semaines ou quatre semaines de préavis. C'est à ce moment-là que l'on élabore les projets. On travaille à des projets très compliqués, par exemple dans les institutions financières et commerciales. Ces compagnies doivent pouvoir planifier. Elles doivent pouvoir planifier les ressources canadiennes, en tenant compte des gens qui viennent de l'étranger. Ces compagnies consacrent beaucoup d'argent et de temps à la planification. Quand une demande est acheminée dans le processus et qu'on dit aux gens qu'ils sont admissibles parce qu'il y a une dispense, mais qu'il est impossible de dire à quelle date la personne pourra venir au Canada, il y a quelque chose qui cloche.
Voici donc ma proposition, qui a d'ailleurs été présentée au ministre et qui a été présentée en détail au ministère. Premièrement, je crois que les demandes de ce genre devraient être traitées dans des centres d'immigration d'affaires. Il devrait y en avoir un en Amérique du Nord, un en Europe et un en Asie. Pourquoi? Parce que dans ces centres, du personnel spécialisé examinerait de façon accélérée les demandes, du personnel qui comprend les exigences informatiques établies par les associations du logiciel, qui sont capables d'évaluer les candidats et de les faire venir au Canada rapidement en ayant droit de regard sur tous les aspects de la demande.
Le personnel pourrait examiner la demande et l'évaluer selon les critères établis. Il pourrait établir les bilans de santé dans des pays comme l'Inde ou le Sri Lanka où il y a le problème de l'admissibilité au chapitre de la santé. Ces employés pourraient acheminer les rapports médicaux, rester en contact avec le demandeur et demander au candidat de venir chercher son visa.
Une des raisons pour lesquelles j'aime beaucoup l'idée d'un centre d'affaires aux États-Unis qui s'occuperait de ce genre de choses est le fait que toutes les entreprises sont ici au Canada. C'est une politique qui est en fait fondée sur des facteurs économiques. Il existe un besoin chez les entreprises. Ces sociétés ont toutes les connaissances.
Si vous demandiez à un travailleur de l'Inde de vous parler de Corel, il ne pourrait pas vous dire grand-chose. Tout ce qu'il peut vous dire est ce que sont ses compétences en informatique. Mais si un agent des visas voulait déterminer si une personne est compétente et quels sont les besoins de l'entreprise, il pourrait parler justement à cette dernière. La compagnie présenterait un exposé. Ainsi, des centres d'affaires installés dans des endroits stratégiques dans toutes les régions du monde, dotés d'un personnel compétent, pourraient certainement être avantagés par cette politique. Il s'agit là de l'une des recommandations.
De plus, nous proposons de réévaluer les formalités administratives du processus pour déterminer s'il serait possible de rationaliser tout cela. Par exemple, des rapports médicaux de Sri Lanka sont étudiés à Singapour, à l'autre bout du monde. Ce n'est pas logique. Des radiographies sont expédiées par messagerie, étudiées dans d'autres pays, et les résultats sont renvoyés à l'endroit pertinent. Ce n'est pas une façon efficace de procéder. Ça ne permet pas du tout d'assurer une certaine prévisibilité.
La politique est respectée. Si on encourage une telle façon de procéder, c'est parce qu'il existe un besoin pour le Canada. Nous voulons que l'employé arrive au Canada parce que lorsqu'il descendra de l'avion, il pourra faire quelque chose qui aidera de façon stratégique un employeur canadien.
Il faut donc étudier toute cette affaire.
Le président: Monsieur Nunez.
[Français]
M. Osvaldo Nunez: Merci, maître Greenberg. Vous avez formulé des recommandations intéressantes. J'ai vu en parcourant votre mémoire, que je lirai avec attention, que vous traitiez de l'ALÉNA. Vous savez qu'en vertu de ce traité, on a la liberté de faire du commerce et des investissements de capital de part et d'autre, mais qu'il y a beaucoup de restrictions au niveau de la mobilité de la main-d'oeuvre. Il n'y a pas la même mobilité de la main-d'oeuvre qu'en Europe. Malgré cela, il y a certaines dispositions dans l'ALÉNA ainsi que dans le Traité de l'Organisation mondiale du commerce. Comment voyez-vous ces dispositions? Sont-elles suffisantes? Comment sont-elles appliquées, particulièrement entre le Canada et les États-Unis?
[Traduction]
M. Greenberg: Nous offrons beaucoup de transferts vers le Canada et vers les États-Unis.
Avant de répondre directement à votre question, j'aimerais faire un commentaire qui porte sur la dernière phrase de cet article. Ce document a été présenté lors de la conférence de l'American Immigration Lawyers Association tenue à Phoenix l'année dernière; cela a permis de faire connaître aux avocats américains notre expérience.
Les frontières n'existent plus. C'est bien simple. Je peux vous assurer que si ce programmeur d'étude ne peut pas venir au Canada pour travailler chez un de mes clients, ce dernier fera faire le travail dans un autre pays et apportera le disque au Canada - pas les connaissances, seulement le disque. Les frontières, ça n'existe plus.
Nous venons de recevoir des États-Unis les chiffres sur l'ALÉNA. Ces données sont renversantes. Il y a plus de 300 000 mouvements de travailleurs. Je peux assurer en une demi-heure le traitement de la demande d'un analyste fonctionnel, un diplômé canadien de l'Université de Waterloo, pour son transfert aux États-Unis; une demi-heure et il s'en va chez son nouvel employeur américain. C'est une situation très grave pour le Canada.
En fait, une étude a été effectuée par l'Université Queen's - je l'avais mais malheureusement je l'ai remise au ministère du Développement des ressources humaines - où on décrit où aboutissent nos diplômés, et c'est très inquiétant. C'est effrayant combien de diplômés canadiens quittent le pays.
Cela touche en fait à la question que vous avez posée sur l'ALÉNA; la réponse est bien simple: l'ALÉNA est très efficace pour les échanges entre les pays. Si vous me donnez 100 citoyens canadiens qui ont des projets aux États-Unis comme analystes fonctionnels, comme techniciens en informatique, des technologues, des experts en gestion...
M. Osvaldo Nunez: Incluez-vous le Mexique?
M. Greenberg: La situation est un peu différente en ce qui a trait au Mexique. Il n'y a pas vraiment d'activités avec le Mexique, du moins pas que nous ayons constatées. L'équation mexicaine, en ce qui a trait aux transferts de compétences, n'existe tout simplement pas. Nous n'avons pas pu les identifier. Cependant, il existe un transfert très important entre le Canada et les États-Unis.
Les Américains n'interprètent pas les dispositions de l'ALÉNA de la même façon que nous. Même s'il s'agit de dispositions sosies, les Américains procèdent différemment. Mais dans l'ensemble, il y a un nombre très élevé de Canadiens qui se rendent aux États-Unis tous les jours, et il y a un bon nombre de Canadiens que nous invitons conformément aux dispositions de l'ALÉNA pour venir travailler. Le traitement des demandes se fait très très rapidement puisqu'il s'agit d'un traitement fait à la frontière.
Mme Val Meredith: Je n'aurais jamais cru qu'un jour je serais d'accord avec un avocat! Je m'intéresse à votre concept de meilleur examen à l'étranger, de l'accélération du processus grâce au travail de gens qui sont compétents pour procéder à ces sélections, si je peux m'exprimer ainsi; de cette façon, nous savons que les travailleurs étrangers qui viennent au Canada pourront s'acquitter des fonctions pour lesquelles ils sont recrutés.
La politique qu'adopte le Parti réformiste démontre bien que nous croyons que l'immigration devrait être fondée sur les facteurs économiques. Je ne m'inquiète donc pas à savoir si les immigrants viennent pour répondre à un besoin. Moi je m'intéresse plutôt à la modification d'une politique qui protège les Canadiens, qui dit que les employeurs doivent s'assurer qu'aucun Canadien n'est en mesure de répondre aux exigences du poste avant qu'ils ne recrutent des employés à l'étranger. Que pensez-vous de cette protection des travailleurs canadiens?
M. Greenberg: Il y a déjà quatre jours que j'attends d'avoir le plaisir de répondre à cette question. Vous ne m'avez pas déçu. Alors voici donc ma réponse.
La protection du marché du travail au Canada n'est qu'une illusion. C'est une réaction automatique lorsqu'on voit des étrangers venir travailler au Canada alors que le taux de chômage est de 10 p. 100. C'est une réaction fort naturelle. Mais c'est tout ce que je vois. Un très grand nombre d'employeurs préféreraient embaucher des Canadiens aux travailleurs étrangers. C'est un choix normal... Les travailleurs étrangers sont des travailleurs qu'il est difficile de recruter et de conserver. Aucun de mes clients ne préférerait embaucher des travailleurs étrangers s'il pouvait recruter un travailleur canadien. Les frais de réinstallation s'élèvent entre 5 000 et 15 000$ par travailleur.
Dans ce domaine, un travailleur est si compétent qu'on pourrait modifier sa situation au Consulat canadien à Buffalo en six mois pour qu'il devienne immigrant. Une fois que le travailleur est un immigrant, il peut travailler pour n'importe qui au Canada. Ainsi, la seule chose qui maintient l'employé en fonction chez son employeur c'est la bonne volonté qui existe entre lui et son employeur.
L'employeur dépense 10 000$ personnellement. Il fait venir un employé de l'autre bout du monde pour travailler à un projet pour lequel il existe déjà un contrat. Les ressources ont été affectées. Rien n'oblige ce travailleur à rester là; il est libre. C'est pourquoi l'employeur aimerait mieux faire affaire avec quelqu'un de Toronto ou de Montréal que de choisir quelqu'un de l'Inde ou de la France. Cependant, l'employeur n'a pas le choix.
La pénurie est si importante, les niveaux de compétence sont si uniques, l'industrie évolue si rapidement, que les désignations de fonction pour les entreprises dont je m'occupe n'existent pas. Il y a des désignations qui n'existent pas officiellement dans les documents du ministère de l'Immigration. En fait, ils les inventent. Il s'agit de la fine pointe.
N'est-il pas inusité que dans un pays comme le Canada, par exemple, le secteur de l'animation est le meilleur au monde - à tel point que la compagnie Walt Disney vient de la Californie pour ouvrir un service à Toronto, que Sheridan College jouit d'une renommée internationale comme le meilleur collège en matière d'animation dans le monde?
Ce qui s'est produit c'est quelque chose d'absolument renversant. Le gouvernement sait que nous sommes à la fine pointe de la technologie. Les cinq ou six entreprises avec lesquelles je travaille nous permettent de fabriquer un produit qui est accepté à l'échelle internationale et vendu dans toutes les régions du monde. Notre réputation est sans pareille.
Permettez-moi de vous donner un exemple. J'ai fait venir un travailleur qui est un mathématicien. Il a découvert une simulation sur ordinateur dans le domaine de l'animation qui permet d'illustrer les plis dans les vêtements. Pour reproduire le pli, il faut procéder à une analyse vectorielle. C'est une opération mathématique. C'est l'union de deux points. Il a pu intégrer ce code dans un logiciel, un logiciel qui est devenu celui qui est le plus à l'avant-garde dans le monde de l'animation.
Personne au Canada ne pouvait le faire. Il n'existe aucune recherche canadienne dans le domaine. Ce travailleur vient et collabore avec une équipe de cinq Canadiens. Après trois mois, ces derniers ont acquis ses connaissances, et peuvent voir ce qu'il voit. J'ai maintenant six Canadiens à ce service, celui que j'ai fait venir de l'étranger et les cinq qui étaient déjà ici. Ces six personnes ont ces connaissances. Ainsi nous importons des connaissances de pointe.
Ces craintes sont justifiées pour les cols blancs. Avons-nous besoin de notre comptable? Avons-nous besoin d'un autre secrétaire? Il s'agit de bonnes questions. Lorsque vous avez des compétences de pointe de cette nature et que les entreprises en ont désespérément besoin, il s'agit de combler ces postes le plus rapidement possible pour que ces entreprises demeurent concurrentielles, car le marché évolue après tout.
Le président: Merci. Monsieur Bélanger.
M. Mauril Bélanger: J'ai suivi avec intérêt vos commentaires, monsieur Greenberg. Pouvez-vous m'en dire un peu plus long sur les centres d'affaires et la création de ces centres dans diverses régions comme l'Amérique du Nord et l'Europe?
M. Greenberg: Le service de l'immigration s'inquiète du bien-fondé de la demande du requérant. Ces gens sont convoqués à des entrevues dans toutes les régions du monde pour qu'on leur demande s'ils sont vraiment des programmeurs s'ils ont bien obtenu la note C++ en programmation. Je me demande si on croit que IBM offrirait un emploi à un particulier qui n'aurait pas les compétences nécessaires. Pensez-vous que IBM ou Corel auraient pu être trompés par ces travailleurs, après une entrevue et une étude détaillée de leurs compétences, et que la personne ne serait pas en mesure de s'acquitter de ses fonctions une fois arrivée au Canada?
Pourquoi affecter des ressources à l'enquête sur les requérants alors qu'ils ont déjà fait l'objet d'une enquête par le secteur privé? Pourquoi ne pas simplement demander aux intervenants du secteur privé comme Corel quels sont leurs besoins, pourquoi le travailleur doit avoir des connaissances spécialisées, pourquoi l'Institut de technologie DeVry ou l'Université de Waterloo ne peuvent pas fournir des diplômés dans ce domaine. On écoute ce que l'employeur a à dire et on accepte ses réponses. On lui demande ensuite qui il a choisi et comment il a choisi cette personne. Si le processus de sélection est crédible, nous faciliterons l'entrée de ces gens au Canada rapidement parce que c'est dans le meilleur intérêt du pays.
Il y a un aspect un peu ironique à ce que vous venez de dire. En effet, les compagnies d'informatique vous parlent de leurs besoins. Ces gens qui ont présenté une demande pour immigrer au Canada répondent facilement aux critères et aux normes établis, et ils viendront au Canada dans six ou douze mois de toute façon. L'objectif du programme spécial est de leur permettre de venir au Canada en quatre semaines parce que la compagnie a besoin d'eux maintenant, pas dans sept mois. Ces gens viendront de toute façon. Cette politique ne vise pas à faire venir au Canada des gens qui dans des circonstances normales ne seraient pas autorisées à le faire.
Le président: Merci. Madame Bethel.
Mme Judy Bethel: Pouvez-vous me décrire les normes de service qui d'après vous seraient appropriées au traitement des demandes des travailleurs étrangers? Comment s'assurer qu'elles seront respectées?
M. Greenberg: Dans un bureau des visas nous avons un service destiné aux non-immigrants ou aux visiteurs, qui s'occupe des permis de travail. La demande arrive le lundi. En 48 heures, si nécessaire, un rapport médical doit être présenté. Si ce n'est pas nécessaire, la seule décision qu'il faut prendre est s'il doit y avoir entrevue parce qu'on pense qu'il pourrait s'agir d'un dossier frauduleux. Si Corel a fourni suffisamment de preuves dans ses documents et que vous constatez que le travailleur a étudié à l'Institut de technologie de l'Inde, qui est une des huit meilleures écoles de ce pays, la décision est bien facile. Il n'y a aucune raison de ne pas préparer un document autorisant l'entrée au Canada de ce travailleur en quatre jours. Si c'est une question de ressources, trouvez-les. Si c'est une question de sélection, le problème est plus ou moins réglé une fois que Corel aura fourni les documents pertinents.
Je vous dis simplement que je pourrais établir sur-le-champ les paramètres temporels pour un bureau des visas. Je pourrais vous dire exactement en combien de temps on pourrait traiter la demande lorsqu'il faut un certificat médical, lorsqu'il n'en faut pas, lorsqu'il n'y a pas de problème au niveau de la criminalité. Dans aucun de ces cas, il ne faudrait pas prendre plus de cinq jours pour traiter la demande.
Mme Judy Bethel: Je dois me renseigner plus à fond sur cette question. La situation des centres de services m'inquiète. Nous proposons une prestation rentable des services. Nous avons des centres de service dans tous les pays du monde. Pourquoi pensez-vous qu'il nous faudrait un autre centre, comme l'a dit M. Nunez, non pas à Végréville mais ailleurs? Pourquoi ne pas améliorer les services offerts dans les centres actuels pour qu'on y applique des normes de service à l'égard des demandes de visas?
M. Greenberg: En réalité, c'est ainsi que vous allez sans doute procéder. Par exemple, si j'étais ministre, la première chose que je ferais c'est de transformer le consulat canadien à Buffalo en centre de services. Pourquoi? Parce que ce consulat se trouve à une heure du sud de l'Ontario et se trouve également à proximité du Québec. Les agents qui y travaillent sont ceux qui connaissent le mieux le secteur de l'informatique parce que c'est là où sont acheminées le plus grand nombre de demandes pour ce secteur. Ils repèrent une fraude en un clin d'oeil. Ça c'est le premier facteur.
Nous avons constaté dans les centres avec lesquels nous faisons affaire que le délai d'exécution est d'entre deux à sept jours, parce que nous savons qui est efficace, qui travaille rapidement, qui n'hésite pas à retrousser ses manches et à s'attaquer au problème.
Vous pouvez comprendre le dilemme. Je demande à quelqu'un d'accorder une exemption pour travailleur étranger pour un secteur des télécommunications, par exemple à Singapour, à Hong Kong ou en Afrique du Sud. Devrais-je avoir un expert dans chacun de ces bureaux qui comprenne vraiment comment évaluer la demande? Non. Voulez-vous savoir où se situe problème? Ils se grattent la tête, étudient de plus près la demande, ne comprennent pas vraiment ce qu'on veut dire, et lisent le curriculum vitae plus attentivement. Vous demandez à un agent de faire un travail qu'il n'est pas en mesure de faire. Il vaut mieux créer des spécialistes dans le domaine, qui peuvent évaluer en un clin d'oeil ce genre de demande.
Le président: Madame Minna.
Mme Maria Minna: Ma question porte justement sur le même domaine qu'a abordé mon collègue. Proposez-vous que votre centre de services aux entreprises n'étudie que les demandes qui viennent du secteur privé? Étudierait-il également les demandes provenant de travailleurs indépendants qui n'ont pas été recrutés par une compagnie ou un secteur particulier, des travailleurs qui, de toute façon, comme vous l'avez signalé tout à l'heure, viendraient au Canada parce qu'ils ont les compétences nécessaires? Proposez-vous la création d'un centre qui n'étudierait que les demandes provenant des compagnies? À ce moment-là, les autres requérants devraient-ils suivre la procédure habituelle?
M. Greenberg: J'envisage la création d'un système qui est fondé sur la demande de l'employé, c'est-à-dire où l'employé est celui qui communique avec le centre de services ou le centre spécialisé. Cet employé dispose de documents structurés, comme la documentation de l'employeur, le curriculum vitae, les antécédents professionnels, suffisamment de documents pour permettre à l'agent de savoir qui est l'employeur et de déterminer si l'employeur et le requérant disent la vérité.
En fin de compte, personne ne voudra poser à Corel des questions très détaillées. On croira que Corel dit la vérité. Tout ce qu'il faut déterminer, c'est s'il existe un rapport entre Corel et l'employé. Si Corel dit oui, et que les documents sont en règle, on peut régler la demande dans les centres de services qui se trouvent à proximité de l'employé.
Nous l'avons fait à maintes reprises. Parmi les centaines de personnes que nous avons interviewées, je serais fort étonné qu'il y en ait même une vingtaine qui ne répondent pas aux critères. Cela arrive très rarement. Un bon agent peut voir très rapidement si le dossier est authentique ou pas. On ne gaspille pas de ressources pour les entrevues. Les demandes de ces gens seront traitées rapidement. Cependant, s'il y a des questions médicales ou des questions de criminalité, l'agent des visas est en mesure de se procurer les documents pertinents, parce qu'il est à proximité; il ne s'agit pas nécessairement d'un agent de visas qui se trouve dans le pays d'origine.
Le président: Merci beaucoup.
Nous avons un autre témoin, M. Warren Creates. Vous avez la parole.
M. Warren L. Creates (avocat, Droit de l'Immigration, Beament Green Dust, Avocats): Je vois que j'ai cinq minutes.
Le président: C'est exact. Allez-y.
M. Creates: J'ai passé les deux dernières journées ici à Ottawa au forum sur l'innovation, avec des gens représentant des groupes comme Mitel, Corel et Newbridge. Cette réunion nous a permis de bien comprendre la nature de leurs problèmes en ce qui a trait justement à la question que vous étudiez.
Le ministre M. Manley, dans son commentaire liminaire, a dit à environ 350 personnes qu'il n'est pas toujours d'accord avec les critiques qui disent que l'immigration vole les emplois des Canadiens dans ce domaine; il a dit qu'il appuyait un programme d'immigration dynamique et bien administré. Il a donné en exemple un bon nombre de gens qui participaient à cette conférence, comme MM. Millard, Matthews, Cowpland and Carty. Ils sont des gens d'affaires et des penseurs qui avaient les compétences et le courage nécessaires pour créer nombre des grandes entreprises qui assurent un taux de 15 à 20 p. 100 de croissance dans leur secteur et qui y créent des emplois. Ces deux journées ont été fort enrichissantes.
J'ai préparé un texte écrit que vous avez tous reçu, j'espère. Je veux simplement vous en donner un aperçu et terminer par mes recommandations qui se trouvent à la fin.
À l'instar de quelques-uns des participants précédents, je veux parler des différentes incarnations du programme d'immigration. Les points que je tiens à souligner se trouvent à la première page de mon mémoire, 7 à 13 inclusivement.
Il est très coûteux et il faut énormément de temps pour acquérir les compétences dont mon collègue, qui vient de me précéder, vous a parlé. En termes relatifs, il est assez peu coûteux et assez rapide de recruter à l'étranger. Au cours des deux derniers jours de la conférence, les avis étaient partagés quant au cycle de vie d'un produit, à savoir si c'était 12 ou six mois. C'est très révélateur, cela signifie que les projets sur lesquels on travaille permettent de sortir des produits et de les mettre en vente, très très rapidement, pour ensuite passer au produit suivant. On ne peut pas attendre que les employés acquièrent les compétences voulues, soit à l'école ou ailleurs, ici au Canada.
Tout comme le représentant de IBM qui a comparu précédemment, je suis persuadé que le programme d'immigration, qu'il s'agisse de sa composante recrutement de travailleurs étrangers ou de sa composante augmentation des compétences, ne constitue qu'une solution partielle au problème global, mais il joue néanmoins un rôle très important.
En ce qui concerne mon point 8, par le passé, l'immigration était très passive. Cette époque est révolue. Je pense que nous en sommes à une époque où il faut un programme d'immigration très actif ou proactif dans le cadre duquel nous recrutons en fait des travailleurs qui possèdent les compétences dont nous avons besoin pour alimenter l'économie canadienne, et c'est ce qu'expliquait plus tôt Val... Je suis convaincu que ce programme peut jouer un rôle très important dans l'évolution de notre économie, pas uniquement sur le plan de la compétitivité, pas uniquement pour garder les 3 p. 100 de cette industrie qui vaut des trillions de dollars selon l'industrie de la haute technologie... On évalue à 3 p. 100 à peine notre part du marché mondial. Néanmoins, c'est une tâche énorme que de maintenir même ce pourcentage.
Je les écoutais parler l'autre jour... Si nous comptons uniquement sur nos établissements scolaires pour former les travailleurs du domaine de la technologie dont nous aurons besoin pour maintenir notre 3 p. 100 du gâteau à l'échelle mondiale, nous nous retrouverons à court de 300 000 à 500 000 travailleurs spécialisés, à l'échelle du pays, au cours des 10 prochaines années.
Jusqu'à présent, le Canada a profité de l'exode des cerveaux en provenance d'autres pays. Tout comme la migration des biens, des services, de l'information et de la technologie, la migration des compétences prendra encore plus d'importance. Bien que le Canada attire actuellement des compétences - et M. Greenberg, qui a fait son exposé juste avant moi, vous a beaucoup parlé de l'ALÉNA - , je peux vous dire à partir de ma propre expérience que les praticiens comme moi voient de plus en plus l'exode de travailleurs spécialisés car les entreprises, pas uniquement les entreprises canadiennes mais d'autres, recrutent au Canada et transfèrent leurs employés à l'étranger. Je pense qu'il nous faut accorder une attention toute particulière à cet aspect.
La population canadienne semble penser que l'immigration dans ce domaine peut nuire à l'économie canadienne parce que cela diminue le nombre d'emplois disponibles. Comme les autres conférenciers - ceux tout particulièrement de l'industrie - , je peux vous dire qu'il est très coûteux de recruter à l'étranger. Pourquoi se donner la peine de recruter à l'étranger si cela n'allait pas leur profiter, profiter à leurs entreprises et à l'économie en général?
Je pense que de plus en plus, la population canadienne comprendra que l'immigration et le recrutement de travailleurs étrangers ne peuvent que profiter à l'économie canadienne. L'effet multiplicateur représente de un à quatre emplois créés pour chaque travailleur en informatique.
À la page 2 de mon mémoire, on trouve l'hypothèse sur laquelle repose la politique canadienne en matière d'immigration, c'est-à-dire le développement économique et la prospérité pour toutes les régions. J'aimerais attirer votre attention sur deux aspects.
D'abord, le recrutement de travailleurs étrangers, selon la formule actuelle, ne fera venir au Canada qu'un petit nombre de personnes. Oui, c'est une solution à court terme. Oui, c'est une mesure administrative qui n'entraîne aucune modification de nos lois et règlements. Oui, c'est assez peu coûteux. Toutefois, permettez-moi de vous demander ceci: combien de travailleurs hautement spécialisés que nous souhaitons les plus brillants, les meilleurs, les plus recherchés, non seulement par les employeurs canadiens mais aussi par les employeurs à l'échelle mondiale, quitteront leur foyer, plieront armes et bagages pour s'amener avec leur famille, s'ils en ont une, au Canada, si un seul membre de la famille peut travailler et si les enfants doivent payer des frais de scolarité majorés? Ça ne fonctionnera pas. Nous n'allons pas recruter les meilleurs, les plus brillants, ceux que nous voulons.
Donc, très peu de travailleurs viendront ici dans les conditions actuelles.
Ralph Girard, le sous-ministre adjoint, votre premier témoin, a tout comme moi pris la parole à la conférence d'hier. Il a déclaré que le ministère traite deux demandes d'immigration pour chaque demande de travailleur étranger. Je prétends que le nombre de demandes de travailleurs étrangers dans le domaine de la technologie est encore moindre, à cause des problèmes que j'ai mentionnés.
Il y a également le programme d'immigration. C'est une mesure a court, à moyen et à long terme. C'est une mesure administrative. À mon avis, il ne serait pas nécessaire de modifier la loi ni les règlements. Il n'y a pas de coûts, pour ainsi dire. Plus de travailleurs viendront au Canada. Ils amèneront leur conjoint car il pourra travailler. Et ils amèneront leurs enfants qui pourront aller à l'école et payer les mêmes droits de scolarité que les résidants permanents et les citoyens. C'est une solution plus permanente que le recrutement de travailleurs étrangers qui ne donne accès qu'à un permis de travail pour 6 mois, un an, ou jusqu'à peut-être deux ans.
C'est moins coûteux pour l'employeur, car l'employeur recrute ses travailleurs ici. Comme M. Greenberg, je constate que les entreprises canadiennes veulent recruter des personnes qui sont déjà ici au Canada, à cause de la langue, de la culture, de l'expérience canadienne et du coût inférieur.
J'aimerais passer à mes recommandations qui se trouvent aux deux dernières pages de mes notes. Certaines relèvent de votre mandat, d'autres pas. Je pense que les recommandations 2, 3, 4, 5, 8 et 9 sont tout particulièrement pertinentes. Vous pouvez les encercler. Si l'on donnait suite à une seule de ces recommandations, je pense que nous serions beaucoup plus avancés.
Nous disposons de la liste des professions désignées, c'est un outil qu'il faut utiliser. La plupart des provinces du Canada ne s'en servent pas et dans la région ici on ne s'en sert pas du tout. C'est un outil oublié.
En ce qui concerne le personnel de DRH, comme M. Greenberg, je pense qu'il faut acquérir des compétences de développement des ressources humaines au ministère de l'Immigration. Cela commence à se faire, mais il reste beaucoup à faire.
J'ai parlé des obstacles à l'emploi des conjoints. C'est le no 5.
Au sujet du no 8, je pense qu'il faut faire comprendre clairement au ministère qu'il doit réduire le temps de traitement des demandes. Le ministère doit réagir en mettant l'accent sur la spécialisation et l'expertise maison afin de donner la priorité aux demandes dans ce domaine. Je pense aussi que les agents du ministère doivent être tenus responsables et que le processus doit être transparent. Il faut que les agents réagissent et soient proactifs dans une beaucoup plus grande mesure.
Voilà mes recommandations. Elles sont toutes administratives. Elles ne coûtent rien et n'entraînent aucune modification de la loi ni du règlement.
Le président: Merci. Nous allons passer à M. Nunez.
[Français]
M. Osvaldo Nunez: Merci de votre présentation. Je veux vous poser une question qui n'est pas nettement d'ordre juridique, bien que vous soyez avocat. Est-ce que les compagnies ne pourraient pas abuser d'un système trop libre où il n'y aurait pas de contrôle? Vous nous dites que le recrutement à l'étranger coûte cher aux compagnies, et c'est vrai, mais quand ces travailleurs étrangers sont ici, ils coûtent probablement moins cher que les travailleurs d'ici, puisqu'ils sont plus dociles et moins exigeants que les travailleurs nés au Canada; ils sont disposés à accepter des salaires moins élevés.
D'autre part, on constate que des travailleurs canadiens très qualifiés s'en vont aux États-Unis parce que les conditions de travail y sont meilleures. Comment allez-vous solutionner ces problèmes, d'une part face à des compagnies qui veulent faire venir des travailleurs pour payer de bas salaires, et d'autre part face aux travailleurs qui désirent des salaires plus élevés et qui doivent aller aux États-Unis pour les obtenir?
[Traduction]
M. Creates: Comme M. Greenberg, je pense qu'il n'y a plus d'obstacles, plus de frontières. Les compétences iront là où il y a des possibilités, perçues ou réelles. Oui, il y a des travailleurs au Canada qui ont l'impression que les prés sont plus verts ailleurs, que ce soit aux États-Unis ou dans d'autres pays. Il n'est pas possible par des lois ou des politiques de contrôler l'exode de travailleurs spécialisés et il ne faut pas tenter de le faire. Il nous faut plutôt rendre nos industries plus compétitives et les doter des outils qui leur permettront de trouver les travailleurs dont elles ont besoin.
Ce n'est pas uniquement une question de rémunération, monsieur. Il y a une question de mode de vie, de condition de travail, etc. À l'heure actuelle, on considère que le Canada possède une technologie à la fine pointe, et cela ne nuit pas que les Nations unies, depuis cinq ans, déclarent le Canada le meilleur pays où vivre au monde.
Mme Val Meredith: L'idée que vous nous présentez ne diffère pas vraiment des politiques d'immigration, sur lesquelles nous avons fondé notre pays. Lorsque nous avions besoin d'agriculteurs dans les Prairies, nous nous sommes tournés vers les régions du monde où les habitants comprenaient les conditions climatiques et agraires et pouvaient transformer nos prairies vierges en terres productives. Cette idée existait donc le passé.
J'ai toutefois quelques préoccupations au sujet de l'approche que vous et M. Greenberg préconisez. Vous voulez remettre la responsabilité du choix de nouveaux Canadiens à des entreprises plutôt qu'au gouvernement. Cela m'inquiète, car il peut venir un moment où ces personnes ne seront plus les employés des entreprises, mais seront toujours des Canadiens.
Deuxièmement, il y a des exigences qui touchent l'immigration, l'accueil des immigrants et l'approbation des dossiers. Il y a notamment des exigences en matière de santé. Il faut que les immigrants, qu'ils soient de Sri Lanka et de l'Inde mais aussi de la Grande-Bretagne ou de l'Allemagne ou d'ailleurs, répondent à des critères médicaux. Il faut également qu'ils ne présentent aucune menace pour la sécurité de la société ou la sécurité nationale. Je ne suis pas persuadée que les responsables des entreprises possèdent la compétence voulue pour comprendre que les futurs immigrants doivent répondre à ces critères de sélection et pour veiller à ce que ce soit le cas.
Voilà pourquoi je m'inquiète à l'idée qu'on réduise la procédure à une pure question commerciale. Je n'ai aucune difficulté à accepter que si le pays a besoin de ces travailleurs sur le plan économique, c'est le genre d'immigrants qu'il faut autoriser à venir. Ce sont les immigrants qui seront les citoyens productifs dont ont besoin nos industries et, par conséquent, ce sont les premiers que nous devrions choisir. Mais il faut néanmoins que ce soit le gouvernement qui fasse ce choix.
M. Creates: Je partage votre avis. Il ne s'agit pas de déléguer toutes ces questions aux entreprises pour qu'elles prennent ces décisions. Il s'agit plutôt de confier aux entreprises la responsabilité de recruter, de décider qui possède les compétences voulues. Qui est le plus en mesure de le faire, sinon elles? À ce niveau, je pense qu'il nous faut faire confiance à l'employeur, dans l'ensemble; il faut surveiller, mais il ne faut pas trop s'en inquiéter au point de retarder indûment le processus.
Vous avez raison, les entreprises n'ont pas les compétences voulues, elles n'ont peut-être pas l'intérêt, l'intérêt national de protéger le Canada des immigrants malades ou criminels. Les agents fédéraux devront toujours se charger de cette responsabilité, tout comme ceux du Québec. Ce sont les agents fédéraux qui prennent les décisions à l'étranger, en se fondant sur les antécédents médicaux et criminels et en considérant les risques pour la sécurité.
Je n'ai aucune difficulté à accepter ce que l'on fait actuellement, mais je considère que la myopie des agents responsables crée des problèmes. Ils sont cyclopes. Ils n'ont qu'un oeil et ne peuvent faire qu'une chose, et cela fait, le dossier retourne au classeur et attend trois semaines ou six mois ou un an jusqu'à ce qu'il y ait autre chose, un examen de santé... et voilà six mois d'écoulés; après une carte blanche de santé, on attend encore six mois. Dans bien des cas, toutes ces choses peuvent se faire en même temps.
M. Mauril Bélanger: J'aimerais revenir sur la question des conjoints que vous avez soulevée en disant qu'il s'agissait de l'une de vos deux principales préoccupations. Vous avez plaidé de façon très éloquente la nécessité de permettre aux conjoints de ceux dont nous avons besoin pour des raisons économiques de travailler aussi. Certains membres du comité ont soulevé le revers de cette question. Il se peut que le conjoint n'apporte aucun avantage particulier parce qu'il ou elle ne possède pas la compétence technique que nous cherchons et parce que cette personne pourrait prendre l'emploi d'un chômeur canadien. Que cela nous plaise ou pas, il nous faut tenir compte de cette difficulté.
Un témoin nous a suggéré que dans le monde compétitif actuel, il faudrait que le Canada songe à la possibilité d'accorder des permis de travail aux conjoints afin de nous donner l'avantage. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
M. Creates: Le ministère a fait une étude de la question des critères de sélection dans le cadre du programme d'immigration et a constaté que les requérants principaux qui sont choisis pour leurs compétences, leurs connaissances très spécialisées, sont des personnes très instruites qui peuvent adapter leurs connaissances, des personnes ingénieuses et motivées... Et devinez? Ces personnes ont tendance à marier les personnes qui ont les mêmes qualités. Rien là de surprenant.
Nous avons donc essayé, en grande partie, de remanier le programme de travailleurs spécialisés et les critères de sélection. Cela n'a pas eu de suite.
Si vous regardez de près ce que nous cherchons, nous voulons les meilleurs. Nous recrutons partout au monde pour trouver les meilleurs. Les meilleurs ont tendance à avoir des conjoints qui sont également très instruits. Si nous ne recrutons pas les meilleurs, même ceux qui ont des familles, nous allons les perdre.
Voilà pourquoi je vous dis qu'avec le modèle actuel, nous n'obtenons pas les meilleurs. Nous n'obtenons que quelques personnes. Il s'agit de déterminer si quelques personnes peuvent aider l'industrie à régler le problème dont les témoins précédents vous ont parlé. Impossible. À mon avis, cela n'aura aucune incidence autre que l'histoire d'un travailleur ici ou là qui a fait une différence.
Il faut songer à l'effet multiplicateur dans l'industrie. Un travailleur crée entre un et quatre emplois. Ce sont les chiffres que j'ai lus qui me semblent crédibles. Que ce soit quatre ou que ce soit un emploi, qui sait? Nous jouons au devin. Mais c'est quelque chose, et cela ne se fera pas si nous ne laissons pas les conjoints travailler, parce que les travailleurs spécialisés se rendront dans des pays où leur conjoint peut travailler.
Mme Maria Minna: J'aimerais revenir à M. Creates, bien que d'autres aient dit la même chose. Lorsque que nous parlons du processus de sélection à l'immigration - je pense queMme Meredith a souligné, à juste titre, d'autres fonctions du ministère de l'Immigration - , il semble être question de l'interchangeabilité des permis de travail, des permis temporaires de travail et d'immigration. Vous avez parlé de trois jours par semaine ou que sais-je. En ce qui concerne les procédures d'immigration, même si l'administration est très directe et très facile, cela ne se fera toujours pas en cinq ou sept jours. C'est impossible, car il y a la vérification de l'aspect sécurité que fait le SCRS ou la GRC.
Je pense donc que nous parlons de deux choses différentes. Nous avons eu tendance au cours de la discussion cet après-midi à confondre les deux.
Si je comprends bien, lorsque vous parlez de cinq ou sept jours, vous parlez de permis de travail et de travailleurs temporaires, vous ne parlez pas d'immigrants reçus, n'est-ce pas?
M. Creates: C'est bien cela.
Mme Maria Minna: Je tenais à le préciser, car je ne pensais pas que nous parlions de la même chose.
Je comprends aussi que certains sont lents et que d'autres sont beaucoup plus efficaces, mais je n'aime pas du tout entendre qualifier les agents de cyclopes. Je pense que vos allez trop loin. Je n'aime pas que l'on caractérise ainsi les gens. C'était simplement un commentaire.
M. Creates: Que cela plaise ou non, c'est ce que je constate et cela se produit. Ceux d'entre nous qui travaillent sur le terrain quotidiennement le savent. Comme l'a dit quelqu'un d'autre dans son exposé, le secteur privé veut cela. Pourquoi devraient-ils embaucher des experts-conseils coûteux pour régler leurs problèmes? Je ne sers peut-être pas mes intérêts mais voilà 12 ans que je règle les problèmes du programme d'immigration soit pour l'immigration soit pour le recrutement de travailleurs étrangers.
C'est réel et cela ne peut être réglé du jour au lendemain. Je le reconnais. Mais il y a des problèmes structurels.
La solution du problème que vous avez examiné comporte deux volets. Nous parlons du recrutement de travailleurs étrangers. Je ne voudrais toutefois pas que vous oubliiez les possibilités du programme d'immigration qui existent. Je ne verrais aucun problème - le secteur privé vous l'a déjà dit - à ce qu'on augmente le nombre de travailleurs qualifiés qui immigrent au Canada dans les catégories d'occupation que requiert le secteur privé.
M. Mauril Bélanger: Si vous me permettez, j'aimerais dire un mot. Ce n'est pas directement pertinent. Je suis très heureux que le comité ait convenu d'examiner cette question. Cela nous a permis d'explorer certains sujets intéressants. Mais il y a une chose qui est ressortie, et c'est un thème qu'à titre de député de la région d'Ottawa-Carleton je veux signaler. Pour une fois, nous avons fait allusion au secteur privé dans la capitale nationale, nous avons dit que l'on avait du mal à recruter du monde plutôt que de dire que c'était une ville purement administrative. Je pense que cela méritait d'être signalé et je vous remercie de m'avoir permis de le faire.
Le président: Merci. Monsieur Trister.
M. Trister: Je n'ai pas eu la possibilité de répondre à Mme Meredith.
J'ai remis au comité quelques exemplaires d'un ouvrage que j'ai écrit sur les permis de travail et les visas. Au début, je présente un tableau sur la structure du système d'autorisation concernant l'emploi. Vous avez demandé pourquoi on devrait changer des règlements qui protègent les travailleurs canadiens d'abord et faire retomber la responsabilité sur l'entreprise. Je suppose que vous savez qu'en réalité, la plupart des autorisations d'emploi sont émises dans le contexte des exceptions à la règle générale et qu'il faut aller prouver au ministère du Développement des ressources humaines qu'il n'y a pas de Canadiens disponibles.
Il est très important que le gouvernement envisage de changer la formule qu'il utilise pour déterminer qui il veut et qui il ne veut pas. Les Américains ont un système où on attribue à chacun une lettre. S'il s'agit de quelqu'un qui est transféré au sein d'une entreprise, on porte la lettre L. Si c'est un représentant du monde du spectacle, c'est la lettre O, etc. Il n'y a pas là-bas de certificat ni de méthode de validation. Si vous êtes telle personne, nous vous voulons. Si votre employeur paie le salaire normal, nous vous prenons. Dans notre système, il y a des gens que nous voulons certainement.
Il a été question du fardeau de la preuve. Quelqu'un a dit que le secteur privé devait prouver qu'il y avait pénurie dans tel ou tel secteur et attendre ensuite une réaction du gouvernement. J'estime que le gouvernement devrait en fait cesser d'entraver les efforts du secteur privé dans les domaines où les entreprises, la population et les syndicats disent la même chose.
Si vous considérez les chiffres de l'ALÉNA, des dizaines de milliers d'informaticiens canadiens vont chaque année aux États-Unis. Quand on considère que le conseil du secteur des logiciels, que la question des travailleurs étrangers n'intéresse pas tellement, sinon pour répondre à sa propre demande, dit qu'il y a pénurie, nous devrions simplement faciliter les choses pour le secteur privé et dans l'intérêt économique du Canada.
Je dirais donc qu'il nous faut une catégorie semblable.
Je voulais insister sur la transparence. Si vous êtes employeur et que vous téléphonez à l'administration, on vous dit de vous présenter d'abord à Développement des ressources humaines Canada. Par contre, si l'entreprise me téléphone d'abord, je pourrais dire, non, ce n'est pas nécessaire.
Ils devraient savoir. S'ils ne le savent pas, c'est parce que notre système est fondé sur ce que nous appelons les exceptions à la règle qui font que les responsables des visas qui n'ont pas l'habitude de ces dossiers insistent pour qu'il y ait des preuves très fermes. Le fardeau de la preuve est plus léger dans un bureau d'émission des visas qui a plus d'expérience et plus lourd là où le bureau n'a pas une grande expérience des besoins du secteur privé. Il n'y a aucune transparence même d'un bureau à l'autre, et en tout cas pas d'une catégorie à l'autre.
Ce qu'il faut donc, c'est dire que nous n'allons plus procéder par voie d'exceptions. Si le conseil du secteur du logiciel présente ce projet pilote et si vous répondez aux conditions, vous l'emportez. Si vous êtes un cadre supérieur d'une entreprise multinationale que l'on transfert au Canada, ça marche. Mais si vous êtes un cuisinier qui vient travailler dans un restaurant à Toronto, peut-être un restaurant indien, vous vous inquiéterez peut-être plus que quelqu'un embauche un membre de sa famille. Il y a peut-être une raison supplémentaire pour aller chercher cette personne. Il faut donc examiner les choses dans certains cas et les accélérer dans d'autres et je crois que c'est le modèle qu'il faut poursuivre.
J'aurais un dernier commentaire à faire sur la question des conjoints. Nous disons depuis des années que les conjoints devraient être autorisés à travailler, mais nous n'avons réussi à rien. Le ministère nous répond que les Américains n'accordent pas cela aux Canadiens et que tant qu'ils ne le feront pas, nous ne serons pas prêts à le faire.
Alors que faisons-nous pour les conjoints? Nous avons recours au code E99 d'exemption pour validation d'offre d'emploi, possibilités d'emplois réciproques pour les Canadiens. Si l'on va à Londres et que Londres laisse un conjoint de Canadien travailler, on offre la même chose. On a même été jusqu'à utiliser E19, avantage important pour le Canada, disant que si le conjoint vient ici bénéficiant d'une exemption importante et ne serait pas venu si son conjoint n'avait pu travailler, on peut invoquer l'avantage important dérivé. Mais ce qu'il faut vraiment faire, c'est offrir cet avantage concurrentiel aux Canadiens.
La proposition de l'Association du Barreau canadien était qu'au minimum on essaie d'ouvrir un peu plus la porte et de laisser entrer les conjoints de gens qui viennent dans la catégorie que nous appelions «la crème de la crème», pour un transfert au sein d'une même entreprise, ou pour quelqu'un qui obtient un permis de travail parce qu'il apporterait un avantage important au Canada. Dans ce cas, le conjoint serait autorisé à travailler. Cela ne veut pas dire qu'il faut ouvrir la porte à tout le monde, mais on peut le faire pour les gens clés que l'on veut faire venir, et il faut alors laisser leurs conjoints travailler. On peut essayer et voir si cela présente des avantages. Je crois que oui. Les directeurs de ressources humaines et sociétés avec qui je traite espèrent beaucoup ce changement. Ils pensent que c'est très important.
Le président: Merci, monsieur Trister. Nous avons cinq exemplaires de votre publication, mais il en faudra davantage pour l'ensemble du comité.
M. Trister: Dites-moi combien et je me ferai un plaisir de vous les fournir.
Le président: La greffière prendra contact avec vous.
Merci beaucoup. Je pense que nous avons eu un après-midi extrêmement intéressant et utile. Les deux groupes nous ont fourni énormément de renseignements et je vois que cela a beaucoup intéressé les députés. Il est dommage que nous n'ayons pu passer quatre, cinq ou six heures avec vous, car vous avez beaucoup à nous offrir. Merci beaucoup.
Membres du comité, la prochaine réunion sera le mardi 15 avril à 15 h 30 à la salle 269 de l'édifice de l'Ouest.
La séance est levée.