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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 18 juin 1996

.1530

[Traduction]

La présidente: La séance est ouverte.

Je souhaite la bienvenue aux témoins. Avant de passer à l'ordre du jour de la séance, le comité a une question de régie interne à régler, ce qui ne prendra que quelques instants.

Les membres du comité ont reçu le deuxième rapport du sous-comité du programme et de la procédure. Avant de donner la parole aux témoins, nous devons adopter officiellement ce rapport. Quelqu'un peut-il proposer une motion à ce sujet?

M. Bertrand (Pontiac - Gatineau - Labelle): J'en fais la proposition.

La présidente: Merci, monsieur Bertrand.

Qui appuie la motion? Monsieur Frazer.

M. Frazer (Saanich - Les Îles-du-Golfe): J'appuie la motion.

Motion adoptée [Voir Procès-verbaux]

La présidente: Merci beaucoup. Passons maintenant à l'ordre du jour.

Nous accueillons aujourd'hui un représentant de l'Association canadienne de la marine marchande, en la personne de M. Broadfoot si je ne me trompe, et un représentant de l'Association des prisonniers de guerre de la marine marchande du Canada, en la personne de M. Olmstead. Nous accueillons aussi M. Griezic et Mme MacDonald.

Madame et messieurs, je vous souhaite la bienvenue. Je suppose que vous avez un mémoire à nous présenter, après quoi nous passerons aux questions.

M. Foster Griezic (Faculté d'histoire, Université Carleton): Avant de commencer, monsieur le président, j'aimerais rendre hommage à deux personnes. La première est George Hees, récemment décédé, qui avait pris l'initiative en 1988 de faire participer pour la première fois aux cérémonies du Jour du Souvenir, le 11 novembre, la mère d'un marin de la marine marchande ayant reçu la Croix d'argent. La deuxième est le commandant Ted Watt, décédé le 6 juin, qui avait appuyé les efforts déployés par la marine marchande pour obtenir l'égalité. Il avait joué un rôle particulièrement important puisqu'il avait travaillé pour la marine marchande pendant la guerre. Il avait fait partie de la Commission du personnel de la marine marchande qui avait été mise sur pied à l'époque et qui fonctionnait à partir de Halifax et de Saint John.

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Merci.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Griezic. Nous sommes très sensibles à ce que vous venez de dire. Vous pouvez maintenant faire votre déclaration liminaire.

M. Griezic: Nous allons d'abord donner la parole à M. Dave Broadfoot, qui est une célébrité au Canada anglais, comme vous le savez.

[Français]

En français, au Québec surtout, c'est un homme comme Yvan Ducharme. C'est avec plaisir que je vous présente M. Dave Broadfoot.

[Traduction]

M. Dave Broadfoot (Association canadienne de la marine marchande): Bonjour.

La présidente: Je dois dire que nous sommes particulièrement heureux d'accueillir aujourd'hui l'ancien député du col Kicking Horse.

M. Broadfoot: Quand je suis arrivé à la marine marchande, j'étais loin d'être un comédien. Je voulais entrer dans la marine régulière car je savais que je finirais par être conscrit. Comme je suis né et que j'ai été élevé dans un port de mer, Vancouver-Nord, je voulais entrer dans la marine. Je m'y suis pris très tôt mais j'ai constaté qu'il y avait 25 000 autres personnes avant moi et je me suis donc dit qu'il serait plus facile d'entrer dans la marine marchande. Je n'avais pas l'âge réglementaire mais j'ai quand même réussi.

Après ma période d'instruction, je suis parti en mer. J'ai fait mon premier voyage sur un pétrolier. J'ai eu beaucoup de chance car, lorsque j'en suis arrivé à faire ma première traversée de l'Atlantique, les flottilles allemandes de sous-marins avaient subi des dégâts considérables qui leur avaient cassé les reins. J'ai donc eu énormément de chance.

Vivre sur un pétrolier, c'était comme vivre en prison. On arrivait au port, on effectuait le chargement de pétrole et on repartait immédiatement. Nous n'avons pratiquement rien vu des pays où nous passions, à part le fleuve Orinoco au Venezuela.

Les pétroliers voyageaient en convoi. Il pouvait y avoir une cinquantaine de navires, dont 45 étaient des pétroliers, et voyager en plein brouillard était très dangereux. Je me souviens de m'être souvent trouvé sur la proue du navire et d'avoir vu apparaître soudainement la poupe de celui qui nous précédait. C'était très dangereux car toute collision aurait pu avoir des effets catastrophiques. Étant donné que les navires transportaient du carburant, une collision aurait inévitablement entraîné une explosion. C'était donc très dangereux mais j'ai toujours eu beaucoup de chance.

Comme je traversais l'Atlantique, j'ai fini par me retrouver sur des cargos. À New-York, j'ai été blessé dans la salle des machines et on m'a réglé ma solde. Je me suis finalement inscrit à une réserve de personnel de Montréal et je suis parti pour l'Inde en passant par Gibraltar et la Mer Rouge. Nous voyagions toujours en convoi, sauf après être entré dans le Canal de Suez. À partir de là, nous devions voyager seuls, jusqu'à Bombay, Calcutta et Colombo, puis pendant le voyage de retour par la Méditerranée. Les voyages vers l'Angleterre se faisaient également en convoi.

Comme je l'ai dit au début, les sous-marins allemands avaient déjà subi tellement de dégâts lorsque j'ai entrepris cette expérience que j'ai presque eu trop de chance. De temps à autre, nous pouvions voir des débris de sous-marins flotter sur la mer mais nous n'avons jamais été menacés. J'ai donc eu une chance exceptionnelle.

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Ce que j'ai trouvé paradoxal c'est que, même si je n'avais que 17 ans, on m'avait choisi comme délégué du Syndicat canadien des marins, dont je faisais partie. C'était un syndicat dirigé par des gens qui étaient incontestablement d'extrême gauche mais qui a joué un rôle extrêmement utile pendant la guerre étant donné qu'il n'y a jamais eu de grève pour interrompre le transport des marchandises importantes. Autrement dit, nous avons fait notre travail. Même aux heures les plus difficiles, aucun des marins avec qui j'ai dû voyager n'a jamais témoigné de la moindre velléité de lâcheté.

Finalement, lorsque je suis parti, autour de 1947... En fait, je crois que j'ai quitté la marine marchande en 1946, et il est alors arrivé quelque chose qui m'a rendu très amer. Notre gouvernement a fait venir un bandit, un véritable gangster de Brooklyn, pour casser notre syndicat afin de l'intégrer au syndicat international des marins, la Seafarers' International Union. Les gens avec qui j'avais navigué et qui voulaient rester dans la marine marchande se sont trouvés dans l'impossibilité de continuer leur métier parce que Hal Banks avait dressé une liste noire. Autrement dit, ces gens qui avaient fait partie du syndicat canadien et qui avaient assuré le transport des marchandises canadiennes pendant la guerre se sont trouvés du jour au lendemain exclus de nos navires marchands parce qu'ils ne faisaient pas partie du bon syndicat.

Je ne comprends toujours pas pourquoi on a fait cela. C'est sans doute parce qu'il y avait à l'époque une paranoïa incroyable au sujet du communisme et du marxisme. Pourtant, les seules discussions marxistes que j'ai jamais entendues sur un navire étaient purement intellectuelles. Il y avait une marge considérable entre cela et l'arrivée des gros bras du syndicat international, qui ne se distinguaient en rien, à l'époque, des Teamsters ou du syndicat des débardeurs à leurs pires moments. Voilà ce qui nous est arrivé.

Ces gros bras montaient sur les bateaux avec des battes de base-ball et des chaînes de moto. Voilà comment ils ont implanté leur syndicat au Canada.

J'ai donc toujours eu beaucoup de ressentiment en constatant que des gens qui avaient risqué leur vie et qui avaient fait leur travail se voyaient d'un seul coup dans l'impossibilité d'exercer leur profession en temps de paix.

Il est également paradoxal que, dans notre pays, des gens que l'on appelait les défenseurs de la liberté - et certains d'entre eux l'avaient été - n'ont reçu jusqu'à très récemment aucune indemnité de leur gouvernement, alors que celui-ci en a donné aux défenseurs de la liberté de pays étrangers, qui ont donc été traités avec plus d'égards que nos propres marins.

Je ne sais pas dans quel état se trouve aujourd'hui le syndicat international des marins mais je sais que je préférerais toujours un intellectuel marxiste à un gros bras armé d'une batte de base-ball.

En tant que Canadien, j'estime que ce qui est arrivé à nos marins de la marine marchande est une honte et que c'est une page noire de notre histoire qui n'a jamais été effacée. Ce qui est encore plus lamentable, c'est que ces gros bras sont venus ici sur demande de notre gouvernement fédéral, lequel était alors dirigé par l'un des premiers ministres les plus respectés que nous ayons jamais eus, Louis Saint-Laurent, et comprenait des ministres éminents comme Lionel Chevrier, Walter Harris et Jack Pickersgill.

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C'est ça qui me met le plus en colère. Ces hommes, qui ont risqué leur vie, non seulement n'ont pas été traités aussi bien que les combattants d'autres pays, mais n'ont même pas été autorisés à continuer leur travail.

C'est tout ce que j'avais à dire.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Broadfoot.

M. Griezic et M. Olmstead.

M. Gordon Olmstead (président, Canadian Merchant Navy Prisoner of War Association): Madame la présidente, membres du comité, je suis très heureux de pouvoir m'adresser à nouveau à votre comité. Comme vous avez de nouveaux membres, j'ai préparé une documentation qui leur sera utile. Je vais simplement résumer la première page de notre mémoire car je sais que votre temps est limité.

Pourriez-vous inclure dans le procès-verbal de la séance le mémoire que nous avons préparé à votre intention? Je crois que vous en avez tous reçu un exemplaire.

La présidente: Monsieur Olmstead, nous n'imprimons plus le procès-verbal des séances de comité mais nous allons intégrer votre rapport au compte-rendu de nos délibérations.

M. Olmstead: Merci.

Je parle d'abord, à la première page, de la discrimination dont ont fait l'objet les prisonniers de guerre de la marine marchande canadienne lors de leur rapatriement, et du fait que l'on nie aujourd'hui l'existence de cette discrimination. Je parle de la situation qui prévalait en 1962, lorsque ces prisonniers de guerre ont fait l'objet de discrimination par rapport aux autres civils, du fait de la Loi sur les pensions et allocations de guerre pour les civils. Je parle des différences concernant les indemnités versées aux prisonniers de guerre. Je cite également les remarques désobligeantes du sous-ministre Nicholson sur les sacrifices consentis par la marine marchande.

Je passe ensuite à la page 2. Il était temps de créer un comité. Le ministère des Anciens combattants a mis sur pied un énorme groupe de consultation composé de certains de ses membres et de représentants des organisations militaires, afin d'aller au fond de ce problème. Hélas, la marine marchande en a été totalement exclue.

Cela a abouti au projet de loi C-84, concernant le versement aux anciens combattants de la marine marchande de prestations de santé et de prestations dépendant du revenu, mais au prix d'une réduction de la durée de service prise en compte. En voici quelques exemples.

La loi ne tient pas compte des voyages effectués sur ordre et avec rémunération à travers un port ou à l'autre bout du monde pour embarquer sur un navire.

En vertu de cette loi, on considère que le service rendu par un ancien combattant de la marine marchande s'arrêtait lorsqu'il était involontairement débarqué dans un port étranger, pour quelque raison que ce soit.

De même, on considère que le service d'un membre de la marine marchande canadienne qui a été fait prisonnier en mer s'arrêtait au moment où il sortait du camp de prisonniers ennemi.

On considère que le service d'un prisonnier de guerre de la marine marchande canadienne s'arrêtait au moment où il avait été fait prisonnier sur terre. Or, la moitié des prisonniers de guerre de la marine marchande détenus en Extrême-Orient faisaient partie de cette catégorie, et ils ont beaucoup souffert.

On ne tient pas compte des services rendus en eaux dangereuses par un membre d'une réserve de personnel rémunéré et à contrat.

Pourtant, il ne s'agissait pas ici de gens qui avaient une chance sur deux de rester au Canada et80 p. 100 de chances de ne jamais voir le feu. Il s'agissait de gens recrutés à contrat pour servir immédiatement dans des eaux dangereuses, sur des navires marchands qui étaient les cibles désignées de l'ennemi.

En contrepartie, les marins devaient revenir dans les 48 heures ou la police allait les chercher. On ne considérait pas qu'ils étaient en service tant qu'ils n'étaient pas remontés à bord pour leur prochaine affectation, au Canada ou à l'étranger. On ne tenait pas compte de leur période d'entraînement, même de l'entraînement à l'utilisation des canons.

Chacun de ces facteurs d'exclusion amène à réduire la période de service prise en compte selon le principe d'attribution ou d'assurance.

Les marins de la marine marchande morts à l'entraînement ou à bord d'un navire sont exclus du Livre du souvenir de la marine marchande.

Aucune entité civile ou militaire n'a fait l'objet d'un traitement aussi avilissant.

Le 17 juin 1992, le ministre des Anciens combattants, M. Merrithew, a comparu devant le comité plénier du Sénat au sujet du projet de loi C-84. Voici ce qu'il a dit à cette occasion:

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Je sais que David Nicholson, dans les divers postes qu'il a occupés au cours des années, a réussi un tour de force en préservant cette législation avilissante sous quatre ministres successifs. Il a même refusé une clause de transition pour préserver les droits antérieurs. Je comprends mal par contre que le premier secrétaire d'état Libéral n'ait pas voulu corriger certaines des absurdités du projet de loi C-84 adopté il y a quatre ans.

Examinons le témoignage du ministère des Anciens combattants devant le comité permanent. Le 21 juin 1991, il avait été convenu que le président adresserait une lettre au Ministre pour lui demander de faire participer au processus de consultation ministérielle tous les groupes véritablement représentatifs des anciens membres de la marine marchande du Canada. Près de cinq mois plus tard, le ministre annonçait que le général J.C. Smith avait été nommé conseiller spécial de David Nicholson sur les préoccupations de la marine marchande. Voici un extrait d'une lettre de la Coalition, du 23 mars 1992, concernant l'évolution de la situation:

David Nicholson n'a pas admis qu'il y avait un problème et il n'a pas répondu. Il a traité par le mépris la requête que lui a adressée votre comité permanent.

Dans son rapport du 19 octobre 1991, le comité permanent recommandait ceci:

Le comité avait également recommandé que «l'indemnisation selon la durée de service fasse l'objet d'une extrapolation au-delà de 30 mois de façon à mieux correspondre aux difficultés qu'ont connues les prisonniers de guerre de la marine marchande». Il s'agissait là d'indemnisation des prisonniers de guerre. Le ministère a répondu qu'il n'était aucunement tenu de répondre à cette recommandation puisqu'il ne s'agissait pas d'une recommandation numérotée. Voilà ce qu'a dit le ministère qui est censé défendre les anciens combattants!

En 1993, M. Nicholson a remis une notre d'information au comité permanent, pour son audience du 9 juin, contenant l'affirmation suivante:

Cette affirmation n'a aucun sens. Pendant la Deuxième guerre mondiale, seuls les navires enregistrés pilotés par des officiers certifiés étaient admissibles. C'est l'organisme qui est devenu plus tard le Tribunal d'appel des anciens combattants qui déterminait si des navires répondaient aux critères d'admissibilité, et il pouvait admettre des navires normalement non admissibles qui avaient effectué des missions spéciales.

M. Nicholson a déclaré que toutes les préoccupations de la Coalition étaient inexactes, improbables et hypothétiques. Nous avons découvert que «hypothétique» voulait dire «décédé». Mais David Nicholson refuse de discuter de ses catégories.

Lors d'une séance à huis clos du 8 mars 1994, le comité permanent a adopté deux motions. Celle concernant les témoignages des prisonniers de guerre disait ceci:

M. Nicholson a dit au comité que «les parlementaires ont incontestablement le droit de faire ce qu'ils veulent» au sujet des prestations mais «qu'il est peu probable que cela soit pris en considération à l'heure actuelle». Autrement dit, c'est M. Nicholson, pas le comité, qui déciderait de ce qui serait pris en considération.

De fait, M. Nicholson a tout fait pour que cette proposition ne soit pas prise en considération. Il a pris plus d'un an pour y répondre, a fourni des estimations à l'Association nationale des prisonniers de guerre et à la Légion pour la préparation de leurs mémoires, et a complètement ignoré votre demande.

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Dans ma lettre du 11 septembre 1995, je vous ai adressé des données sur mes hypothèses et mes estimations en ce qui concerne les informations manquantes. Déplacements compris, il ne m'a fallu qu'une demi-journée pour trouver les informations pertinentes. Cela fait maintenant deux ans que votre motion a été adressée au ministère. Qu'en a-t-il fait?

Le projet de consultation élaboré le 12 octobre 1993 par le sous-ministre des Anciens combattants, Hughes Anthony, puis rejeté aux oubliettes par le sous-ministre Nicholson, aurait constitué un bon point de départ pour cerner les problèmes et les concepts erronés du projet de loi C-84. Le comité n'a pas eu la possibilité d'examiner le projet de loi C-84. Comme le ministère des Anciens combattants refuse d'être consulté, c'est ce comité ou un sous-comité qui devrait se pencher sur le projet de loi, article par article, sur la base de l'avant-projet de consultation et de nos documents, en entreprenant avec nous les consultations que refuse le ministère.

Je voudrais aborder maintenant mon analyse de l'indemnisation des prisonniers de guerre, notamment la lettre adressée à M. William Rompkey le 11 septembre 1995. Je crois comprendre que vous en avez tous reçu un exemplaire. J'attire votre attention sur la page 4, où vous trouverez un tableau montrant en lettres ombrées les augmentations recommandées par l'Association des prisonniers de guerre de la marine marchande du Canada et ayant fait l'objet d'une motion favorable de votre comité.

La présidente: Merci beaucoup, M. Olmstead. Madame MacDonald.

Mme Muriel MacDonald (secrétaire, Merchant Navy Coalition for Equality): Merci, madame la présidente, de nous avoir invités devant votre comité.

Je vais vous donner un bref aperçu de mon mémoire, qui comprend deux parties. La première est le texte officiel destiné à votre procès-verbal. Je ne vais pas la lire. La deuxième contient les documents de référence évoqués dans la première partie. Il s'agit de documents émanant du gouvernement et d'analyses effectuées par la Coalition au sujet des lois pertinentes.

Depuis 1992, le ministère des Anciens combattants affirme que les marins marchands ayant servi pendant la guerre ont accès aux mêmes prestations que les anciens combattants militaires, du fait du projet de loi C-84. Après avoir comparé les textes de loi pertinents, la Coalition rejette cette affirmation.

Pendant un bref changement de sous-ministre, en 1993 - et M. Olmstead en a déjà parlé - on a dressé la liste des injustices figurant dans le projet de loi C-84, lesquelles ont été corrigées lors de consultations entre le ministère et la Coalition. Lors du changement de gouvernement, les hauts fonctionnaires qui avaient «conseillé» le gouvernement sur le projet de loi C-84, en 1991-1992, ont repris du service. Les changements qui avaient été envisagés pour faire bénéficier les marins marchands ayant servi pendant la guerre des prestations dépendant du revenu prévues dans la Loi sur les allocations aux anciens combattants, pour leur donner vraiment l'égalité, sont restés lettre morte.

Depuis 1992, la Coalition n'a pas réussi à obtenir de chiffres cohérents et fiables du ministère sur les sommes de contrepartie versées au titre des prestations reçues par les marins marchands. Sur le budget de 88 millions de dollars prévu à l'origine pour le projet de loi C-84, en 1992, combien a-t-on versé aux anciens combattants de la marine marchande, combien aux civils de la marine marchande canadienne et combien à d'autres groupes?

Le ministère affirme qu'il adoptera un autre projet de loi correctif si l'on peut prouver qu'il y a des carences ou des lacunes dans le projet de loi C-84. Ce n'est pas une bonne solution. Il suffit de revenir aux documents de consultation préparés par la Coalition en 1993.

Le 27 mars, l'honorable Lawrence MacAulay déclarait ceci devant votre comité:

Pourtant, si j'en crois la lettre que m'adressait M. MacAulay le 17 mai 1996, ce chiffre de 2 100, ou 70 p. 100, n'est qu'une estimation.

.1600

Le 18 novembre 1995, j'ai demandé par écrit une ventilation du nombre d'anciens combattants de la marine marchande recevant une pension d'invalidité, une pension de soutien du revenu et, en vertu du Programme pour l'autonomie des anciens combattants, des prestations d'hospitalisation ou de soins à domicile, des prestations d'aménagement d'une maison et une carte de santé. Je demandais également que l'on m'indique quels étaient les frais administratifs et s'ils avaient été inclus.

À part le budget total des programmes d'allocations aux anciens combattants, dont une partie est peut-être reliée à la Loi sur la marine marchande, nous n'avons reçu aucun chiffre cohérent. Nous n'avons obtenu que des totaux.

Je vais vous lire la réponse qui nous a été adressée:

Pourtant, le 27 mars, le sous-ministre David Nicholson déclarait devant votre comité que les frais administratifs globaux correspondaient à 7 p. 100 du total. Le ministère semble incapable de dire combien de membres des deux catégories de marins marchands ayant servi pendant la guerre touchent des prestations en vertu du projet de loi C-84, c'est-à-dire des anciens combattants de la marine marchande et des marins marchands civils du Canada.

Nous avions demandé combien de demandes de pension avaient été reçues, combien avaient été acceptées et rejetées, et combien il y avait eu d'appels. Le ministère est incapable de nous donner le nombre d'appels:

Cet aveu est inquiétant. Pendant les audiences de l'an dernier sur le projet de loi C-67, Loi sur les pensions, puis à nouveau le 27 mars, des membres du comité ont demandé si le ministère avait réglé le problème de l'ancien processus d'appel, qui aboutissait à accepter 70 p. 100 des décisions d'origine rejetées. Si l'on prenait de bonnes décisions dès le départ, cela permettrait de raccourcir le délai d'attente de deux à trois ans qui est actuellement imposé aux anciens combattants. Si les appels ne sont pas enregistrés en fonction de la date de la demande ou de la décision d'origine, comment le ministère peut-il espérer réduire de moitié ses délais de traitement des dossiers?

Cela fait quatre ans que le projet de loi C-86, loi générale correctrice touchant 21 groupes, a été adopté. La raison pour laquelle le ministère semble incapable de dire combien de personnes reçoivent des prestations, par rapport à son estimation totale des dépenses, est qu'il y a toujours deux catégories de marins marchands ayant servi en temps de guerre, comme je l'ai dit plus tôt. En effet, le groupe des marins civils canadiens englobe un groupe secondaire de «non-Canadiens ayant servi sur des navires marchands canadiens pendant la Première ou la Deuxième guerre mondiale ou pendant la Guerre de Corée et qui ne sont pas admissibles comme anciens combattants de la marine marchande».

En vertu de cette loi, on n'accorde pas la même reconnaissance ni les mêmes droits aux différentes catégories de service, alors qu'il peut y avoir des chevauchements entre les deux. Se peut-il que certains marins marchands ayant servi pendant la guerre ne soient admissibles à aucune des deux catégories? Deux pages d'une brochure actuelle du ministère intitulée «Demande d'allocation pour les anciens combattants» et dressant la liste des critères d'admissibilité en vertu du projet de loi C-84, pour les deux catégories de marins marchands ayant servi pendant la guerre, montrent des carences non pas théoriques mais inhérentes. Vous en avez reçu des exemplaires.

J'ajoute en passant que l'on a éliminé, par rapport à la version de 1994, les mots «ancien combattant, anciens combattants de la marine marchande, civils». De même, on a éliminé une liste de programmes et de prestations du ministère, par exemple les prestations de soins de santé, le fonds d'assistance, les primes spéciales, les subventions de dépenses funéraires et d'enterrement et le Programme pour l'autonomie des anciens combattants. Évidemment, si les gens ne savent pas ce qui existe, ils ne peuvent pas demander d'informations à ce sujet.

Sur les 2 100 personnes recevant des prestations, selon la lettre du 27 mars, combien sont des anciens combattants de la marine marchande? Combien sont des marins marchands civils canadiens? Ces Canadiens reçoivent-ils des prestations en vertu du projet de loi C-84 ou du projet de loi précédent, C-64, de 1962? Il n'y avait pas de clause de transition dans le projet de loi C-84.

Pour revenir à mai 1990, le ministre de l'époque, Gerald Merrithew a dit au comité permanent qu'il y avait 3 126 marins marchands de la Première et de la Deuxième guerre mondiale qui touchaient des allocations de guerre de civils, du fait du projet de loi C-64. Le Programme d'allocations de guerre pour les civils ne donne pas accès au Programme pour l'autonomie des anciens combattants, alors que l'allocation versée aux anciens combattants donne automatiquement le droit au Programme pour l'autonomie, aux soins à domicile, à l'hospitalisation dans un foyer communautaire pour malades chroniques et à l'hospitalisation dans un établissement ministériel ou à contrat.

En juin 1991, on avait demandé au sous-ministre adjoint David Nicholson pourquoi le statut d'ancien combattant n'avait pas été accordé aux membres de la marine marchande et pourquoi ces derniers étaient-ils toujours touchés par un projet de loi général concernant 20 autres groupes de gens qui n'étaient pas allés en mer. Voici sa réponse:

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Lors de cette séance de comité, un haut fonctionnaire a dit qu'il y avait à son avis 6 000 marins marchands concernés. Selon la Coalition, il y en aurait environ 3 500. En janvier 1992, les services statistiques du ministère disaient que le nombre de marins marchands touchant l'allocation pour ancien combattant était de 3 016.

Vous vous souviendrez qu'il n'y avait pas de clause de transition dans le projet de loi C-84 adopté en juillet 1992. Considérant un décès tous les trois jours, comment le ministère est-il arrivé au chiffre de 3 016? Après juillet 1992, combien de marins marchands ont été exclus? Dans les Comptes publics, on trouve seulement des dépenses totales combinant l'allocation pour ancien combattant et l'allocation pour les civils.

En 1992, on avait prévu 88 millions de dollars sur cinq ans pour la mise en oeuvre du projet de loi C-84, soit 17 millions par an. Cette somme concerne-t-elle les 21 groupes ou seulement les deux groupes de marins marchands ayant servi pendant la guerre? Dans une lettre-type du ministère datée du 31 août 1995 et devant être utilisée par les députés pour répondre aux plaintes des marins marchands, on dit que plus de 22 millions de dollars ont été consacrés au paiement de prestations aux anciens combattants de la marine marchande depuis 1992. Si tel est le cas, cela fait 7 millions de dollars par an et non pas 17 millions comme prévu.

En revanche, le ministère dit avoir dépensé moins d'un million de dollars pendant la première année. En outre, on trouve dans une lettre du 17 mai 1996 un tableau des dépenses totales consacrées aux marins de la marine marchande, donnant le chiffre de 19,8 millions de dollars. Mais, comme l'affirme le ministère, ce n'est là qu'une estimation pure et simple.

Le 17 mars, le secrétaire d'état Lawrence MacAulay disait devant votre comité que certains d'entre nous, membres de la Coalition, «continuent de prétendre qu'il y a des carences dans la loi. Pourtant, aucun cas concret n'a été avancé pour justifier cette affirmation.»

Le secrétaire et ses hauts fonctionnaires ont refusé de rencontrer la Coalition pour discuter des demandes rejetées. Ils continuent d'exiger que nous envoyions simplement le nom des personnes concernées afin que des décisions soient prises cas par cas. Si l'on constate qu'une demande a été rejetée à cause d'une carence de la loi, on envisagera peut-être d'apporter des amendements dans le cadre d'un autre projet de loi correctif.

Des lettres de la Coalition datées respectivement du 30 juin 1995, du 19 novembre 1995 et du28 avril 1996 et donnant les noms de personnes dont la demande a été rejetée n'ont fait l'objet d'aucun accusé de réception.

L'examen des dossiers cas par cas semble tellement raisonnable! Pourquoi la Coalition s'y oppose-t-elle? Les demandes de tous les anciens combattants ne sont-elles pas traitées cas par cas ou, comme dit la Banque de Montréal, «un client à la fois»? Mais nous savons bien que les règles régissant l'octroi des prêts aux clients d'une banque varient d'un client à l'autre. De même, il semble que les règles varient d'un marin marchand à l'autre, ancien combattant ou civil, alors que certains attendent depuis 50 ans.

Vous avez déjà reçu des tableaux montrant les différences qu'il y a entre les deux catégories de marins marchands ayant servi pendant la guerre, du point de vue des années et des domaines de service, par rapport aux autres groupes touchés par le projet de loi C-84 et par rapport à ceux qui bénéficient de la Loi sur les allocations aux anciens combattants et de la Loi sur les pensions. Ces informations figurent à la deuxième partie de la documentation que je vous ai remise. Il ne s'agit pas là de différences théoriques ou hypothétiques. Il s'agit de différences prouvées par la comparaison des textes de loi.

Quelques marins marchands ont gagné leur appel après avoir persisté pendant des années. Ils ont obtenu une indemnisation partielle. En revanche, ils n'ont pas obtenu de rétroactivité jusqu'à la date du préjudice, ni aucune excuse. Cela montre néanmoins qu'il est possible d'obtenir une compensation individuelle, mais cela ne change rien aux injustices résultant de la loi.

Cela décourage les autres d'interjeter appel. Aujourd'hui, les facteurs les plus décourageants sont l'âge, l'infirmité et l'insensibilité obtuse du gouvernement. La volonté d'agir de manière discriminatoire ressort clairement d'une note du 2 décembre 1991 émanant d'un membre du groupe de consultation nommé par le ministre Gerald Merrithew. M. Olmstead en a déjà parlé. Il s'agit du groupe qui allait formuler la législation concernant la marine marchande et qui allait donc agir en notre nom. Ce groupe était présidé par Jack Jolleys, président du haut-commandement de la Légion, et comprenait des représentants des anciens combattants de terre, de mer et de l'air, ainsi que du conseil national de l'Association des anciens combattants.

Dans cette note, M. Cliff Chadderton explique aux autres membres du groupe de consultation pourquoi il a déclaré au rédacteur en chef du Ottawa Citizen qu'il allait intenter une plainte en discrimination, en vertu du programme de contestation judiciaire, au nom des marins marchands. Il y dit que le groupe n'a reçu aucune indication du ministre, du sous-ministre et du lieutenant-général Jim Smith que le ministère allait au moins envisager d'adopter un texte de loi correcteur. À son avis, leur réponse était totalement négative. À l'époque, la Coalition contestait le fait qu'elle ait été exclue des consultations. Il dit aussi dans sa note qu'il a agi de cette manière pour empêcher la Coalition de la marine marchande de faire des déclarations critiques au sujet du ministre, des organisations d'anciens combattants et, en particulier, de lui-même.

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L'affaire n'est pas passée en justice. Jusqu'à ce jour, la Coalition n'a aucun désaccord avec la base de la Légion, dont les membres se sont efforcés individuellement, ces dernières années, d'aider les marins marchands à obtenir satisfaction et ont appuyé leurs résolutions en faveur de l'égalité, lesquelles ont cependant été rejetées par le haut-commandement. La lettre dont je parle figure dans la deuxième partie de ma documentation.

Le projet de loi C-84 légalise la discrimination. Si vous lisez le procès-verbal des réunions du comité permanent du 6 et du 7 mai 1992, vous y verrez que le ministre Gerald Merrithew défend l'absence de consultations de la marine marchande lors du recrutement du lieutenant-général Smith, qui n'a eu qu'une expérience limitée du combat et qui n'a aucune connaissance de la chose maritime pour, comme dit le Ministre, le conseiller:

En parlant de «haute mer», on élimine d'office les marins marchands qui ont été blessés ou qui sont disparus dans les eaux côtières ou dans les ports sauf, bien sûr, s'ils peuvent faire la preuve qu'ils ont participé à la Guerre de Corée ou qu'ils se sont évadés d'un camp de prisonniers, en invoquant l'une des 40 exemptions figurant dans la loi. Autrement dit, le gouvernement a rejeté le recours à ses propres dossiers pour la mise en oeuvre de la loi.

Le comité a demandé à voir le rapport du général Jim Smith. Le ministre lui a dit qu'il n'y en avait pas, seulement des notes. Le 27 mars 1996, M. MacAulay a déclaré au comité que lui-même et ses hauts fonctionnaires comprenaient les frustrations et les nombreux obstacles auxquels ont fait face les marins marchands ayant servi pendant la guerre, pendant leurs 47 années d'efforts, pour obtenir finalement:

Nous avons souvent entendu cela. Considérant l'historique de cette situation, cette remarque est condescendante et n'est pas digne d'un parlementaire.

Dans son analyse des lois touchant les marins marchands, Gordon Olmstead a clairement montré que ceux-ci ne jouissent pas d'un accès égal aux prestations. L'histoire révisionniste écrite par le sous-ministre en 1990, 1991 et 1992 a été démentie par le professeur Griezic et par Gordon Olmstead dans leur analyse des propres documents du gouvernement. En 1991, la Chambre et le Sénat recommandaient tous deux l'égalité pour les marins marchands ayant servi pendant la guerre, comme l'indique le hansard, «sans aucune forme de discrimination».

Cela ne s'est pas produit. Les arguments invalidés en 1991 sont aujourd'hui recyclés dans les discours et les lettres du ministre et devant votre comité.

On ne résoudra pas cette injustice en noyant le problème dans un autre projet de loi général. Les documents de consultation préparés par le ministère avec l'aide de la Coalition contenaient une liste de correctifs pour les injustices du projet de loi C-84 et prévoyaient l'application de la Loi sur les allocations aux anciens combattants, dépendant du revenu, aux membres de la marine marchande. Nous nous sommes laissés dire qu'une demi-journée suffirait pour préparer les textes de loi pertinents. Nous vous implorons donc d'envisager la recommandation de M. Olmstead. Votre comité pourrait peut-être constituer un sous-comité pour étudier les documents de consultation de 1993.

Le dernier document que je vais vous remettre est une liste des fonds inutilisés du ministère des Anciens combattants pendant les exercices budgétaires allant de 1982 à 1994-1995. Vous constaterez que 154,7 millions de dollars n'ont pas été utilisés en 1993-1994 et 113 millions de dollars en 1994-1995. Pour ce qui est du compte pour imprévus du ministère, il est inconnu.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup, madame MacDonald.

Y a-t-il d'autres remarques des témoins?

M. Griezic: Si vous me le permettez, j'aimerais donner une sorte de conclusion. Il y a un vrai problème dans la manière dont le ministère traite les préoccupations de la marine marchande...

Je dois dire tout d'abord que je suis ravi que votre comité nous ait à nouveau autorisé à venir témoigner devant lui en nous faisant accompagner de M. Broadfoot, qui n'a clairement pas eu accès à des choses telles que les études universitaires, les prêts aux entreprises, les prêts fonciers ou les prestations de santé dont ont bénéficié les militaires. Lorsqu'il relatait les dangers auxquels étaient exposés les convois de navires, la blessure qui l'a obligé à être hospitalisé à New-York où il a obtenu des soins non pas du gouvernement canadien mais des Américains, et l'attitude dont a fait preuve le gouvernement - pas celui d'aujourd'hui ni ceux dont ont pu faire partie les membres de ce comité mais certainement ceux que représentaient les bureaucrates...

.1615

On ne peut s'empêcher de parler de M. David Nicholson parce que c'est lui qui était chargé du dossier en 1991.

Nous avons obtenu une réponse favorable en 1993, ce dont témoigne clairement la correspondance que nous avons eue avec Kim Campbell lorsqu'elle est devenue la première femme ministre de la Défense nationale et des Anciens combattants. D'ailleurs, la première femme sous-ministre de ce portefeuille, qui comprenait fort bien le dossier, fut tout à fait surprise d'apprendre que le ministère ne pouvait régler ce problème et ne pouvait même pas inclure dans ses ordinateurs la liste des nouvelles personnes qui allaient obtenir accès aux prestations.

Ce n'était pas difficile à faire. Pourtant, le ministère ne l'a pas encore fait, bien que la sous-ministre de l'époque le lui ait demandé.

À l'époque également, le ministère avait préparé des documents de consultation, sous la responsabilité de cette sous-ministre qui appuyait clairement la position des représentants de la marine marchande, lesquels lui avaient montré les carences de la législation. Je parle ici d'octobre 1993. Cela avait été confirmé lors d'une rencontre avec le secrétaire et le sous-ministre de l'époque.

Ensuite, le 18 octobre 1994, on a explicitement déclaré que des changements pourraient être effectués en une demi-journée pour résoudre les problèmes en instance. Il n'y avait que trois choses à faire. Premièrement, reconnaître officiellement les anciens combattants; deuxièmement, donner un accès égal aux prestations; troisièmement, fixer les prestations elles-mêmes. Dans ce contexte, il y avait une question d'indemnisation, dont M. Broadfoot nous a parlé, parce que les marins marchands avaient vécu sans les prestations qu'ont eues les militaires pendant cinquante ans.

Le gouvernement a déposé le projet de loi C-67, qui était censé accélérer les choses. Vous, membres du comité, avez entendu ces bureaucrates et les secrétaires dire que la situation s'était apparemment améliorée. Ils vous ont également dit - même si vous n'étiez pas tous là à l'époque - que la situation continuerait à s'améliorer et que les demandes seraient traitées en15 jours. Je ne sais pas s'ils rêvaient en couleurs mais nous n'en sommes manifestement pas là.

Les marins marchands sont toujours privés de ce à quoi ils ont droit. Pourtant, les bureaucrates ne cessent de vous dire qu'ils ne reçoivent jamais de plaintes.

Je pourrais vous en donner toute une liste. Je pourrais commencer avec Jim Kelley, ou avecM. McGladdery, qui est un exemple idéal de quelqu'un qui ne correspond pas parfaitement aux dispositions de la loi puisqu'il a été blessé en cours de service, lors de son entraînement à l'utilisation des canons. J'ai demandé au ministère de m'expliquer comment la loi correspondait à ce cas particulier. C'est impossible car il n'y a rien dans le texte qui prévoit son cas.

Je pourrais citer également Cliff Craig, Art Brown, Bill Hutcherson; je pourrais citer William Black, John Ford, Elmer Parlee - des gens qui ont dû payer eux-mêmes leur fauteuil roulant parce que ce gouvernement et cette bureaucratie refusent de s'occuper des Canadiens démunis et sans ressources.

À mon avis, leur cas est une honte nationale.

Comment remédier au problème?

On a presque l'impression que le ministère refuse d'enlever ses oeillères étant donné qu'il refuse de consulter M. Olmstead, de consulter la Coalition, d'examiner ses propres documents. Pourtant, ceux-ci sont dans les archives. Je suis prêt à donner tous les détails aux bureaucrates, n'importe quand, parce que j'ai vu les documents. Ils sont là. Comme l'a dit M. Broadfoot tout à l'heure, j'en ai d'ailleurs un grand nombre dans mon bureau, où ils prennent beaucoup de place.

.1620

S'il ne s'agit pas d'ignorance délibérée du ministère, on est obligé de se demander s'il s'agit de méchanceté envers les marins marchands.

Je me demande si ce n'est pas la Légion qui est responsable de tout cela. Le 3 mai 1991, la Légion a reconnu que les marins marchands avaient été explicitement exclus du processus de consultation visant à élaborer le projet de loi qui allait les concerner.

Aujourd'hui, la Légion va prétendre - comme elle va le faire à son prochain congrès - qu'elle représente les marins marchands et que ceux-ci ne sont pas représentés par leurs propres associations ou par leur Coalition.

Toute cette situation est complètement absurde. Vous-mêmes, députés, n'autoriseriez personne à parler en votre nom si vous saviez mieux que quiconque quels sont vos problèmes. Voilà pourtant ce que prétend le haut-commandement de la Légion.

Un autre problème se pose quand on dit qu'on ne peut pas verser d'indemnités aux marins marchands. Pourtant, il ne s'agit pas d'une question d'argent. Vraiment pas. Il s'agit d'autre chose. Demandez vous-mêmes au ministère ce qui est en jeu car il est évident qu'il ne s'agit pas d'une question d'argent.

Les sommes en jeu sont minimes. Voyez les indemnités qui seraient payées pour s'occuper de ces marins, ou ne serait-ce que pour indemniser quelqu'un comme Jim Kelley. Sa blessure a été documentée en 1994. Il n'obtient que 15 p. 100 de sa pension, pas 100 p. 100. Et seulement depuis 1992. Au départ, on ne lui avait donné que 5 p. 100 et il a dû faire appel. Deux ans plus tard, générosité extrême, il a obtenu 15 p. 100. Mais cela fait 15 ans qu'il paye lui-même ses souliers compensateurs.

Et c'est la même chose avec Sam McGladdery, qui doit s'acheter des chaussures spéciales depuis 1944 pour pouvoir marcher normalement.

Je me demande s'il n'y a pas en outre au sein du ministère une sorte d'antipathie à l'égard de la province du Québec, qui a subi 40 p. 100 des pertes humaines pendant la Deuxième guerre mondiale. Vous n'êtes pas obligés de me croire sur parole à ce sujet, C.D. Howe lui-même l'a dit.

Je vous remercie à nouveau de votre attention. Si vous avez des questions à me poser, je serai ravi d'y répondre. Merci beaucoup.

La présidente: Merci beaucoup.

[Français]

Monsieur Leroux.

M. Leroux (Shefford): Madame, messieurs, il me fait plaisir de vous accueillir au comité. Évidemment, ce n'est pas facile pour nous de déterminer ce qui doit être fait. Vous avez vécu ces événements lorsque vous étiez très jeunes. Vous êtes entrés dans la marine marchande et probablement qu'à ce moment-là, les personnes qui vous ont embauchés ne pensaient pas qu'un jour vous vieilliriez. Hélas, c'est ce qui nous arrive à tous tôt ou tard et, à cette époque-là, il n'y avait probablement pas d'enregistrement complexe et bien organisé comme aujourd'hui.

Je pense que c'est cela, le problème. On vous a reconnu des droits. Si je me trompe, vous pourrez me reprendre. J'essaie de comprendre et cela m'apparaît assez complexe à première vue. En 1992, par la Loi sur les avantages liés à la guerre pour les anciens combattants de la marine marchande et les civils, on vous a reconnu des droits, n'est-ce pas?

.1625

Une partie des anciens combattants de la marine marchande, qui sont appelés marins marchands civils, n'ont pas les mêmes droits, si j'ai bien compris. Donc, on a fait deux catégories de personnes qui ont fait partie de la marine marchande. Est-ce bien cela?

[Traduction]

Vous pouvez répondre en anglais car je comprends cette langue, même si mon français est meilleur.

[Français]

Je pense que c'est cela, le problème. Certaines personnes ont des droits reconnus depuis 1992, et ces droits sont à peu près les mêmes que ceux des autres anciens combattants. Est-ce bien cela? Le groupe des anciens combattants de la marine marchande a sensiblement les mêmes droits depuis 1992, n'est-ce pas?

[Traduction]

M. Griezic: Il n'y a en fait que quelques personnes dans cette catégorie car on n'a pas reconnu dans la loi toutes les périodes de service des marins marchands. De ce fait, il n'y a qu'un petit nombre de personnes qui sont touchées.

Autrement dit, un pourcentage élevé de personnes n'a pas accès aux prestations à cause de cette exclusion. Au lieu d'adopter une loi générale on a prévu des exclusions, ce qui veut dire que certaines personnes n'obtiennent pas de prestations. Voilà pourquoi il y a un taux de refus aussi élevé de la part... C'est du moins ce que nous supposons. Le ministère ne nous donne que des estimations. Pour des raisons que j'ignore, il semble incapable de nous donner des chiffres exacts. C'est ce qu'il nous dit.

[Français]

M. Leroux: L'individu, lorsqu'il se présente devant la Commission, doit prouver qu'il faisait partie de la marine marchande, qu'il est allé dans des eaux dangereuses, qu'il a dû faire face à des bombardements potentiels, etc., afin d'être admissible, n'est-ce pas?

Combien de personnes qui se qualifient comme anciens combattants de la marine marchande et qui ont effectué des voyages en haute mer durant la guerre n'ont pas obtenu de prestations du ministère des Anciens combattants? Quel est le pourcentage de ceux qui n'ont pas obtenu de prestations? Le savez-vous?

[Traduction]

M. Griezic: J'aimerais pouvoir vous donner une réponse simple mais je ne le peux pas. Comme je l'ai dit plus tôt, nous avons du mal à obtenir les chiffres exacts du ministère quant au nombre de personnes qui ont obtenu des droits par le truchement de cette loi. Nous ne savons pas combien touchent effectivement des prestations, ni combien en touchaient en vertu de l'ancienne loi. Nous n'en avons aucune idée et le ministère prétend ne pas pouvoir nous le dire. Il est donc difficile de faire le point.

Je trouve absolument fascinant que le ministère dise que 2 000 des 3 000 personnes touchent des prestations. En 1992, c'est exactement le même chiffre - 2 016 - qu'avait cité M. Merrithew. Autrement dit, 4 ans plus tard, le ministère utilise toujours le même chiffre. Que s'est-il passé? Comment en arrive-t-il à ce chiffre?

[Français]

Monsieur Leroux, je ne comprends pas du tout. Je ne suis pas un économiste, mais je sais qu'on joue avec les chiffres.

[Traduction]

Je ne comprends tout simplement pas. Considérant le nombre de gens qui ont demandé des prestations, selon les propres chiffres du ministère, on peut estimer qu'au moins 80 p. 100 des demandes sont rejetées.

M. Olmstead: J'attire votre attention sur la feuille verte qui se trouve à la fin de ma documentation. Vous y trouverez deux colonnes: pensions et allocations de guerre pour les civils et pensions et allocations de la marine marchande. Essayez de vous mettre à la place de M. Broadfoot lorsqu'il a été débarqué à New-York. Avec la nouvelle loi, il ne serait pas admissible.

Je n'ai pas le temps de vous lire tout le document mais je voudrais simplement vous lire la note qui figure en bas de page. La première colonne contient des extraits de l'ancienne et de la nouvelle lois concernant les marins marchands «civils». Le premier tableau, à gauche, s'applique à l'ancienne et à la nouvelle lois. Il est clair et concis et prévoit une reconnaissance particulière des périodes de service, mais pour des prestations très limitées. La deuxième colonne, concernant les anciens combattants de la marine marchande, concerne un éventail élargi de prestations. La prise en compte des périodes de service est irrationnelle et, comme je l'ai dit, il faudrait un avocat de Philadelphie pour l'interpréter. Je vous invite à essayer de le faire en utilisant quelques cas concrets.

.1630

Au lieu d'assurer l'égalité avec les militaires, pour ce qui est de la prise en compte des périodes de service, on a décidé de rabaisser les civils. De fait, en matière de reconnaissance des périodes de service, l'ancienne loi était préférable à la nouvelle.

[Français]

M. Leroux: J'ai une dernière question à vous poser.

L'an passé, on a modifié la loi et on nous a assuré par la suite que les demandes de prestations seraient traitées plus rapidement.

Si j'ai bien compris, vous nous avez dit qu'on mettait encore beaucoup de temps à étudier les données. Le secrétaire d'État, M. MacAulay, disait, lorsqu'il a présenté son projet de loi, qu'on voulait accélérer les choses. On le comprend, car les personnes qui font les demandes ont un certain âge et doivent obtenir des soins le plus rapidement possible.

Selon vous, répond-on plus rapidement aux demandes ou s'il faut autant de temps qu'auparavant?

[Traduction]

M. Olmstead: Quand nous avons posé des questions lors de l'examen du projet de loi C-67, on nous a dit qu'on ne pouvait pas y répondre tant qu'on en n'aurait pas fini avec le projet de loi, lequel nous ferait gagner beaucoup de temps ensuite.

M. Griezic: Si j'en crois l'expérience personnelle des marins marchands qui m'ont écrit, le traitement des dossiers ne s'est aucunement accéléré. Nous avons demandé, comme le prévoit la loi, l'intervention personnelle du secrétaire, mais celui-ci a répondu qu'il ne peut intervenir. Il n'y a eu non plus aucune intervention de M. Nicholson.

En conséquence, la seule conclusion que l'on peut tirer est que, contrairement aux réponses dilatoires de ces deux messieurs, l'honorable secrétaire et M. Nicholson, devant votre comité, rien n'a été fait pour accélérer le traitement des dossiers des marins marchands. C'est ce que nous avions dit lors du dépôt du projet de loi, lorsque nous avons comparu devant les comités et devant le Sénat. Il n'y a eu aucune accélération des procédures. Il suffit pour s'en convaincre de lire ce qu'ont ditM. Nicholson et M. MacAulay, qui en ont virtuellement convenu. Ils ne cessent de dire que le processus va s'accélérer à l'avenir. Cela veut dire que rien n'a encore changé.

La présidente: Monsieur Wood.

M. Wood (Nipissing): Monsieur Griezic, vous avez fait un exposé très convaincant et très passionné. Vous nous avez mis au défi de demander au ministère ce qui est en jeu dans cette affaire car, selon vous, ce n'est pas une question d'argent. Comme je suis relativement nouveau au sein de ce comité, j'aimerais vous demander ce qui est en jeu, d'après vous.

M. Griezic: Me demandez-vous ce qui est en jeu pour quelqu'un comme M...

M. Wood: Vous nous avez dit de demander au ministère de quoi il s'agit. À votre avis, qu'est-ce qui bloque les choses? Qu'est-ce qui est en jeu ici?

M. Griezic: Cela vous paraîtra peut-être simpliste, et ma réponse n'est peut-être pas exhaustive, mais ce qui est en jeu, c'est de faire entrer quelqu'un dans le club, comme M. Nicholson et ses secrétaires n'ont cessé de le répéter. Il s'agit au fond de traiter ces gens comme des égaux, comme on l'a fait en Australie où les marins marchands bénéficient de la même législation que les autres et jouissant du même accès aux mêmes prestations. L'Australie a aboli la loi particulière qui concernait les marins marchands, lesquels sont donc aujourd'hui considérés comme des anciens combattants au même titre que leurs collègues militaires.

.1635

La Légion s'oppose à cela au Canada. M. Cliff Chadderton s'y oppose. Les associations de terre, de mer et de l'air s'y opposent. Je n'aime pas être aussi brutal mais c'est la réalité.

C'est une situation regrettable étant donné les pertes qui en découlent pour les personnes concernées. M. Broadfoot vous a parlé brièvement des dangers auxquels il s'est exposé. Il aurait pu vous parler tout aussi facilement de ce qui est arrivé lorsque les convois ont été attaqués. C'est lui qui a vécu cela. Pas moi.

Nous faisons face ici à un vrai problème de discrimination - même si c'est un mot que je n'aime pas utiliser non plus. Et c'est une discrimination qui n'existe pas seulement depuis 1992. Il y a bien des documents pour le prouver, et j'en ai cité quelques-uns, dans les archives de la Légion. La Légion est prête à ce que l'on donne des prestations aux marins marchands mais pas à ce qu'on leur confère le statut d'anciens combattants. Vous en trouverez la preuve dans une correspondance de mai, juin et juillet 1947 entre le secrétaire d'état et le lieutenant-colonel E.L.M. Burns.

M. Wood: J'ai du mal à comprendre cela car je ne vois pas pourquoi la Légion et d'autres personnes voudraient faire preuve de discrimination à l'égard de gens qui ont exposé leur vie pour défendre leur pays, dans la marine marchande ou ailleurs. J'ai beaucoup de mal à comprendre cela. Quelle est la raison? Est-ce simplement une question de contrôle? Je ne comprends pas cette logique.

Je suis peut-être borné mais je ne comprends tout simplement pas pourquoi des gens qui se sont battus pendant la guerre affirment que d'autres, qui ont essentiellement fait la même chose, ne méritent pas les mêmes égards. J'ai beaucoup de mal à comprendre que cette situation puisse exister aujourd'hui au Canada. Mais il est évident qu'elle existe.

M. Griezic: J'aimerais bien vous répondre, M. Wood, mais c'est aussi incompréhensible à mes yeux. Évidemment, je n'ai pas l'esprit militaire. Et je vous dis cela sérieusement. Peut-être queM. Broadfoot pourrait vous répondre?

M. Broadfoot: Je crois que cela procède de la mentalité tout à fait particulière des militaires à l'égard de la tradition. C'est la même mentalité qui a amené des personnes à dire qu'il était criminel de démanteler le Régiment aéroporté, quoi qu'il ait pu faire. Il n'aurait jamais fallu le démanteler à cause de ses traditions. C'est la même mentalité qui dit qu'il ne faut pas autoriser le port du turban dans les réunions de la Légion, parce que ce n'est pas la tradition.

C'est toujours la même chose. C'est la même mentalité qui amène à mépriser des civils qui ont fait partie d'équipages de navires transportant des marchandises pendant la guerre. Ces gens-là ne sont pas comme nous parce que nous, nous sommes des militaires - nous de l'armée de l'air, nous de la marine, nous de l'armée de terre. C'est une mentalité qui est quasiment impénétrable.

Une voix: [Inaudible]

La présidente: C'est stupide qu'il faut dire.

M. Wood: J'ai une autre question à poser mais vous vouliez ajouter quelque chose.

M. Olmstead: Il y a un autre aspect à cette situation. Vous avez peut-être entendu dire à la radio que les généraux qui sont à la tête de la Défense nationale ne font pas particulièrement un bon travail. Eh bien, c'est la même chose au ministère des Anciens combattants, où ce sont les bureaucrates qui dirigent. On voit sortir les mêmes paroles, les mêmes phrases et les mêmes réponses des mêmes ordinateurs depuis huit ans. Rien n'a changé.

M. Wood: Voici ma dernière question. Nous savons tous que vous avez eu beaucoup de difficultés dans vos relations avec le ministère des Anciens combattants. Vous n'avez pas eu beaucoup de succès jusqu'à présent, sinon vous ne seriez pas ici aujourd'hui. Il est clair qu'il y a beaucoup de questions en litige. Cela dit, s'il y avait un message que nous devrions adresser au secrétaire d'état des Anciens combattants, quel serait-il? Quel est le problème le plus urgent qu'il faudrait résoudre, d'après vous?

.1640

M. Olmstead: Nous aimerions que la loi soit reformulée pour qu'on y trouve exactement ce qu'elle est censée contenir. Je reviens à ce que je disais tout à l'heure au sujet de la comparution du ministre Merrithew devant le comité plénier du Sénat au sujet du projet de loi C-84. Il a notamment dit ceci:

Cela soulève une question: M. Merrithew a-t-il délibérément induit le Sénat en erreur - lors de son examen du projet de loi - ou a-t-il été lui-même induit en erreur par la bureaucratie? Il y a encore dans la bureaucratie des gens qui devraient être capables de répondre à cette question car il exprimait alors la position du ministère. Nous n'avons pas eu la chance de suivre toute l'élaboration du projet de loi. Il y a eu beaucoup de débats absurdes au sujet de la différence qui existe entre la haute mer et les eaux dangereuses. On ne nous a jamais expliqué pourquoi on a apporté un changement. Certes, nous savons pourquoi on l'a fait mais on ne nous en a jamais donné d'explication logique.

M. Wood: Votre première priorité est donc que la loi soit modifiée?

M. Olmstead: Oui.

M. Wood: Bien.

M. Griezic: Autrement dit, s'il y avait un nouveau projet de loi, comme nous l'avons recommandé et comme nous pensions qu'il y en aurait, nous devrions avoir la possibilité d'en examiner l'ébauche, comme le ministère l'avait d'ailleurs annoncé. Lorsque le gouvernement propose un texte de loi concernant les anciens combattants, les associations ont la possibilité d'en voir l'ébauche.

On nous avait dit que ce serait la même chose dans notre cas, puis on nous a dit le contraire. À mon avis, il suffirait de reformuler la loi pour régler uniquement cette question de la marine marchande, en faisant en sorte que les marins marchands bénéficient tout simplement de la Loi sur les allocations aux anciens combattants. Autrement dit, il suffit d'assurer l'égalité.

Vous savez, les marins marchands ne veulent pas être considérés comme des soldats car ils n'en étaient pas. Ce qu'ils veulent, c'est être considérés comme des égaux, comme cela se fait en Australie et aux États-Unis.

Pourquoi le Canada s'y oppose-t-il? Si l'on pouvait corriger la situation avec un simple projet de loi qui serait adopté en une demi-journée, nous ne serions pas ici aujourd'hui. La situation aurait dû être corrigée avec le projet de loi C-84.

M. Wood: Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci, monsieur Wood. Monsieur Frazer.

M. Frazer: Merci, madame la présidente.

Je me trouve aujourd'hui dans une position un peu exceptionnelle car il est rare que je sois d'accord avec le gouvernement. En fait, je ne suis pas complètement d'accord avec lui sur cette question mais je partage certaines de ses préoccupations.

Vous savez peut-être que j'ai l'intention de déposer un projet de loi d'initiative privée pour résoudre la plupart des problèmes que vous avez soulevés aujourd'hui, c'est-à-dire le problème des voyages en haute mer par rapport aux voyages en eaux dangereuses, le problème des marins en transit pour rejoindre leur navire après leur période d'entraînement, le problème des voyages interrompus involontairement, etc.

Ce qui m'inquiète, c'est que je perçois une attitude de confrontation entre votre organisation et le ministère. Certes, je peux comprendre vos frustrations, mais je vais vous expliquer les miennes.

Monsieur Griezic et monsieur Olmstead, vous êtes venus me voir en novembre dernier, dans mon bureau, pour discuter de cette situation. Je vous ai dit que le secrétaire d'état aux anciens combattants m'avait assuré qu'il n'y avait fondamentalement aucune différence en ce qui concerne les marins marchands anciens combattants et les anciens combattants militaires. S'il y en avait, il voulait le savoir.

.1645

À ce moment-là, je vous ai demandé de me donner des exemples précis de discrimination. Nous sommes maintenant en juin et je n'ai toujours rien reçu. C'est seulement aujourd'hui que j'ai pris connaissance, pour la première fois, de vos exemples.

Je vous avais proposé d'intervenir en votre nom auprès du secrétaire d'état et du ministère mais je ne peux rien faire si je n'ai pas les informations requises.

Je fais partie d'une section de la Légion à Saltspring Island, où j'habite. Nous avons dans notre section des marins marchands qui ont participé à la guerre et qui sont membres à part entière de la Légion, ce qui veut dire que celle-ci les appuie dans leurs demandes d'allocations.

Il m'est donc difficile de croire que vous faites tout votre possible pour obtenir gain de cause. Il est d'ailleurs rare que l'on obtienne gain de cause par la confrontation.

Le secrétaire d'état aux Anciens combattants a dit qu'il envisage de proposer un texte de loi correctif pour que les marins marchands puissent bénéficier des dispositions de la Loi sur les allocations aux anciens combattants. J'aimerais bien qu'il le fasse sans tarder.

Si vous ne me donnez pas d'exemples précis de discrimination, je ne peux rien pour vous. Je voudrais bien vous aider mais je ne peux pas le faire sans vous.

En ce qui concerne l'exemple que vous avez mentionné plus tôt, d'un marin marchand qui avait présenté une demande et qui a dû faire appel, la même chose arrive souvent à des anciens combattants militaires. Généralement, les allocations sont accordées à partir de la date de la première demande, pas à partir de la guerre.

Je le répète, je ne vois pas en quoi la marine marchande fait l'objet de discrimination.

Pouvez-vous m'éclairer?

M. Griezic: Très simplement, monsieur Frazer, je pense que vous abordez le problème d'un point de vue tout à fait différent.

Je n'ai pas une attitude de confrontation. C'est moi qui ai demandé en 1994 que le comité invite la Légion à tenir une réunion avec la Coalition, comme nous le réclamons depuis des années. La Légion a toujours refusé. Je parle ici du haut-commandement. Comme l'a dit Mme MacDonald, nous n'avons pas de problème avec les groupes locaux. Nous savons bien que ceux-ci nous appuient. Le problème vient du haut-commandement de la Légion, à Ottawa.

M. Frazer: [inaudible]

M. Griezic: C'est exact.

À ce moment-là, la Légion avait accepté une réunion, qui s'est tenue le 22 avril. Je n'ai pas pu y assister à cause de problèmes de santé. Lors de cette réunion, ils ont dit aux représentants qu'il ne servirait à rien d'en tenir une autre.

Je ne sais pas ce que l'on peut faire face à cette situation, monsieur Frazer, car nous avons demandé à nouveau à les rencontrer et ils ont encore refusé. Nous avons tenu des réunions avec le ministère. Depuis le 18 août 1994, le ministre refuse de rencontrer les représentants de la Coalition et je vois mal ce que l'on peut y faire.

M. Frazer: Vous pourriez commencer par me donner des informations précises pour que je puisse intercéder en votre faveur.

M. Griezic: Laissez-moi poursuivre. Vous nous demandez une étude cas par cas. C'est précisément ce que veut la Légion car elle conseille le ministère. Mon problème avec cela...

M. Frazer: Je ne parle pas au ministère mais au ministre.

M. Griezic: Si nous agissons comme cela, le ministère va examiner le cas de M. McGladdery, par exemple, en acceptant sa demande même s'il n'est pas touché par la loi, et en lui demandant ensuite pourquoi il n'est pas heureux. Mais voilà quelqu'un qui attend depuis 50 ans et qui devrait soudainement être heureux qu'on lui donne 5 p. 100?

Je vous ai donné des noms mais j'en ai beaucoup d'autres, monsieur Frazer. Croyez bien que j'aimerais les donner mais, si c'est comme cela qu'on va les traiter, à quoi bon? Pourquoi devrais-je infliger cela à quelqu'un qui doit aller sur une décharge publique à Saint John pour trouver un fauteuil roulant?

Si je donne son nom au ministère, quelle sera la réponse? Vous ne méritez rien et retournez donc voir dans votre décharge publique.

Je regrette mais je ne peux pas faire cela, monsieur Frazer. Il y a peut-être quelque chose qui ne va pas avec moi mais je peux vous dire qu'il y a certainement quelque chose qui ne va pas avec un ministère qui fait preuve d'une telle insensibilité et qui refuse de discuter franchement du problème global.

.1650

C'est pour cela que je me suis adressé à la Légion et que nous nous sommes adressés collectivement au ministère et au secrétaire. Il est clair cependant que ses conseillers ne prennent pas la chose au sérieux. Ils veulent qu'on leur communique des cas individuels mais ce n'est pas cela qui va régler le problème général. Ce n'est pas cela qui fera modifier la loi. Et voilà pourquoi, monsieur Frazer, nous en sommes toujours au même point quatre ans plus tard.

Même si je respecte votre compétence sur cette question, il est clair que les réponses que le ministère vous a données et qu'il a données aux députés du Bloc, aux députés du NPD et même à certains députés Libéraux sont des réponses typiques de la bureaucratie. Si vous examinez ces réponses, vous verrez que ce sont toujours des réponses partielles. Moi, ce qui m'intéresse, c'est de régler le problème global dans l'intérêt de gens qui sont aux derniers jours de leur vie, afin qu'ils puissent obtenir un minimum de respect pour ce qu'ils nous ont donné.

Malgré cela, vous nous recommandez d'aborder la question cas par cas. Si nous nous y prenons de cette manière, considérant le nombre de personnes en jeu, nous y serons encore en l'an 3000.

M. Frazer: Je ne représente pas ici la Légion royale canadienne mais le Parlement. Je vous ai demandé de me permettre d'intervenir en votre nom. Vous avez refusé en ne me donnant pas les renseignements dont j'ai besoin.

Écoutez, si M. MacAulay affirme qu'il n'y a aucune différence de traitement entre les marins marchands et les militaires, la seule manière de prouver le contraire est de lui donner des exemples précis. C'est seulement comme cela que je peux intervenir. En ne me donnant pas ces renseignements, professeur Griezic, vous m'empêchez d'agir en votre nom.

Je suis très sensible à votre cause et je dois reconnaître que mon principal objectif à l'heure actuelle est d'obtenir immédiatement satisfaction pour les marins marchands qui ont participé à la guerre plutôt que des indemnités pouvant remonter loin dans le temps. Ce qui importe, c'est de les aider dans l'immédiat. Je ne peux cependant rien faire si je n'ai pas d'informations concrètes. Je ne peux pas dire au secrétaire d'état qu'il y a manifestement des divergences entre telle personne et telle autre, car je n'ai aucun exemple concret.

La présidente: Je voudrais vous dire, monsieur Frazer, que si nous étions à la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse, feu le juge en chef Cowan serait déjà intervenu pour vous dire de ne pas argumenter avec le témoin. Cela dit, je comprends votre position.

Pourrions-nous laisser cette question pendant une minute? Je sais que vous voulez répondre, professeur Griezic, mais pourriez-vous attendre une seconde?

Je comprends l'argument du professeur Griezic et je peux deviner la réponse qu'il va faire. Cependant, je comprends aussi la position de M. Frazer. Essayons donc de passer à autre chose pour le moment afin de voir si nous ne pourrions pas trouver une solution satisfaisante à la fin de la période des questions, sans partisanerie politique.

Monsieur Bertrand.

M. Bertrand: Je voudrais poser une question à Mme MacDonald.

Dans la lettre que vous a adressée le secrétaire d'état le 17 mai 1996 - je suppose qu'elle émane de M. MacAulay car je n'en ai que la première page...

Mme MacDonald: Veuillez m'excuser, la suite est au verso.

M. Bertrand: Ça n'a pas d'importance.

Au dernier paragraphe, vous parlez de 260 demandes reçues... ou plutôt, c'est lui qui dit cela. Excusez-moi.

Mme MacDonald: D'accord.

M. Bertrand: Il parle de 260 demandes. Savez-vous pourquoi 209 ont fait l'objet d'une réponse négative? Savez-vous s'il y avait un thème commun à ce sujet? D'ailleurs, vous a-t-on donné une raison pour justifier un nombre aussi élevé de refus?

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Mme MacDonald: Non, nous n'obtenons jamais de raisons. Cela dit, c'est la première fois qu'on nous a donné un chiffre précis - 260. Mais nous ne savons pas pourquoi il y a eu tant de refus.

M. Bertrand: Avez-vous le nom des personnes qui avaient présenté ces demandes?

Mme MacDonald: Non, nous ne le savons pas. Nous sommes toujours obligés de faire des recherches mais nous ne sommes que des bénévoles. Nous n'avons pas de secrétariat.

M. Bertrand: Dans les documents que vous nous avez donnés - mais quelqu'un vous a probablement déjà posé cette question - vous dites qu'il en reste à peu près 3 050. Avez-vous une liste?

Mme MacDonald: Au sein de la Coalition, la plus grosse partie sont des membres de l'Association canadienne de la marine marchande. Je crois qu'il y en a à peu près 2 050. Le taux de décès est d'environ un tous les trois jours. En ce qui concerne l'Association des prisonniers de guerre de la marine marchande du Canada, je pense que M. Olmstead pourrait répondre. La date de naissance...

M. Olmstead: L'année de naissance moyenne est 1910.

Mme MacDonald: En ce qui concerne la Company of Master Mariners, je ne sais pas combien de ses membres seraient admissibles. Pour ce qui est de l'Association de la marine marchande, il en reste très peu.

M. Bertrand: Pour revenir à ce que disaient M. Griezic et M. Frazer, je dois dire que je suis sensible à vos deux positions. Je sais que Jack a l'habitude de dire qu'il vaut mieux avoir mauvaise haleine que pas d'haleine du tout. Je me demande si certains des marins marchands, même s'ils obtenaient 25 p. 100 de leurs prestations...

M. Griezic: J'aimerais que ce soit 25 p. 100.

M. Bertrand: Dans ce cas, disons que 10 p. 100 ou 15 p. 100 seraient toujours mieux que rien du tout, en attendant de rectifier le problème général. Mais c'est juste une remarque personnelle.

M. Griezic: Je suis d'accord avec vous. Aborder la question au cas par cas paraît raisonnable mais ce ne l'est pas vraiment. Voyez les documents de consultation, dans lesquels le gouvernement convient qu'il y a des divergences... Et cela remonte à 1993. Si l'on nous avait consultés à ce moment-là, avant de déposer le projet de loi, nous n'aurions pas cette discussion aujourd'hui.

Les gens qui se battent, qui essaient d'obtenir des prestations, qui n'obtiennent jamais satisfaction... Vous avez demandé combien de marins marchands se trouvent dans cette situation et je pense que c'est très important.

Beaucoup d'entre eux ne veulent tout simplement plus entendre parler de cela - et vous le savez bien, monsieur Bertrand, car nous en avons déjà discuté. Pour eux, c'est une perte de temps. Je trouve cela extrêmement frustrant car, contrairement à ce que dit M. Frazer, je n'ai pas une attitude de confrontation. Je préfère discuter. C'est pour cela que je suis professeur. C'est seulement en discutant que l'on peut apprendre. Cela dit, quand on fait face à des gens qui refusent obstinément de discuter, que peut-on faire?

Voilà où nous en sommes aujourd'hui. Le secrétaire refuse de nous parler. La Légion refuse de nous parler. Moi-même, je me considère comme membre du groupe de la marine marchande, même si je suis trop jeune pour en avoir vraiment fait partie. Cela dit, je partage absolument le point de vue des marins marchands et, si vous receviez les lettres que je reçois, monsieur Bertrand, vous comprendriez sans doute ma position.

Je répète que je suis attristé de ne pas pouvoir entreprendre de démarches aussi fermes dans l'intérêt des Québécois. Je sais que bon nombre de marins marchands étaient québécois. Le père de Sylvain Simard, par exemple, en était un, ce que je ne savais pas. Je ne savais pas non plus que tel était le cas de M. Broadfoot et de Norman Jewison.

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Voilà des gens qui ne peuvent obtenir satisfaction. Évidemment, je suis un éternel optimiste, sinon je ne serais pas ici aujourd'hui. J'aimerais penser que tout le monde souhaite résoudre le problème. Or, la solution la plus facile est simplement de modifier la loi. Si on faisait cela, ce qui ne prendrait qu'une demi-journée, tout le monde serait content.

La présidente: D'accord, professeur Griezic.

Comme nous terminons le premier tour, je vais en profiter pour vous poser quelques brèves questions, après quoi nous entreprendrons le deuxième tour.

Ma première question concerne la définition des eaux dangereuses. Dans la loi, on parle de haute mer. Je suppose que cela veut dire que les eaux du port de Halifax ne correspondent pas à cette définition, alors que nous savons qu'un certain nombre de navires canadiens ont été coulés au large de Sambro Head. Cette zone n'est pas considérée comme une zone de haute mer car elle fait partie du port de Halifax.

M. Frazer: Je crois, madame la présidente, que dans le cas d'un navire coulé ou attaqué...

La présidente: Non, je ne parle pas d'un navire coulé ou attaqué. Je parle de quelqu'un qui a été blessé, peut-être pendant le transfert d'un marin vers le port. Il y a beaucoup de choses qui ont pu arriver lorsque les marins marchands revenaient au port. Quelqu'un aurait pu être blessé à ce moment-là et ne bénéficierait pas d'allocations, étant donné qu'il se trouvait dans les limites du port, n'est-ce pas?

M. Griezic: C'est cela.

La présidente: Bien.

Deuxièmement, M. Bertrand vous a demandé des chiffres. Avez-vous une idée des coûts? J'essayais de faire une estimation avec le greffier et j'ai dit que le maximum serait probablement de 5 millions de dollars. Je ne sais plus ce qu'a dit le greffier mais je pense que son chiffre était moins élevé.

L'un d'entre vous a-t-il une idée de ce que pourrait coûter le versement d'allocations à tout le monde? Auriez-vous une estimation globale?

M. Griezic: C'est difficile à dire.

La présidente: Je sais que c'est difficile mais...

M. Griezic: Ce serait purement hypothétique.

En ce qui concerne le versement d'indemnités à toutes les personnes concernées, j'ai déjà évoqué une somme globale de 75 millions de dollars. Je parle ici d'indemnisation pure et simple. En ce qui concerne les prestations que l'on pourrait verser, elles sont très difficiles à évaluer car nous n'avons pas de chiffres officiels du gouvernement. En fait, je ne devrais pas parler de gouvernement mais de ministère.

À mon avis, si l'on offrait toutes les prestations envisageables à ces personnes, le coût se situerait entre 3 millions et 8 millions de dollars par an. Cette estimation est conforme à celle de la Légion, qui a mentionné le chiffre supérieur, soit 8 millions de dollars, alors que je m'en tiens pour ma part au chiffre inférieur, 3 millions. Mon estimation repose sur le fait que si l'on accorde à un plus grand nombre de personnes l'accès au Programme pour l'autonomie des anciens combattants, on n'est plus obligé d'assumer d'autres dépenses, par exemple d'hospitalisation. Les services ne sont plus les mêmes. Voilà pourquoi j'ai avancé le chiffre inférieur alors que la Légion a avancé le chiffre supérieur. La réalité doit se situer entre les deux, madame la présidente.

La présidente: Merci beaucoup.

M. Richardson.

M. Richardson (Perth - Wellington - Waterloo): Je voudrais revenir sur les questions de M. Frazer.

Il est certain que, lorsqu'on analyse cette situation, dans un contexte comme le nôtre, elle paraît aussi absurde que celle qu'évoquait George Orwell dans ses romans. Il y a toute une hiérarchie dans les services militaires. Chaque arme a une association différente, et la même chose existait sans doute dans la marine. C'était le monde dans lequel nous vivions.

Ce n'était peut-être pas le monde réel mais c'était le monde des militaires. Lorsque ceux-ci ont quitté l'uniforme, il leur a parfois été difficile de s'adapter au monde réel et de considérer que tous ceux qui avaient participé à la guerre devraient être traités sur un pied d'égalité.

.1705

Les gens qui ont volontairement mis leur vie en danger pour servir leur pays avec honneur et courage devraient en être récompensés, qu'il s'agisse de membres de l'armée de l'air, comme des techniciens au sol ou des infirmiers, ou de membres de la marine marchande, comme des mécaniciens ou de simples matelots.

Hélas, il est parfois difficile de surmonter les distinctions hiérarchiques et de considérer les autres comme nos égaux. Nous voyons cela ici et je le vois depuis que je fais partie de ce comité. En fin de compte, la seule question à poser est de savoir si ces gens-là ont été volontaires, s'ils ont mis leur vie en danger et s'ils ont servi leur pays avec courage. À mon avis, la réponse est oui à chaque question.

Ce qu'il nous faut, monsieur Griezic, ce sont des preuves solides que ces personnes ont été privées de prestations, mais je n'ai jamais vu de preuves à ce sujet. Vous voyez bien que notre comité est sensible à votre cause, Nous tenons à faire ce qu'il faut dans l'intérêt de ces gens. Par contre, nous ne pouvons pas recommencer à chaque fois le débat de fond. C'est déjà fait. Nous comprenons parfaitement le ressentiment des marins marchands et le déni de justice dont ils ont fait l'objet. Vous dites que le ministère des Anciens combattants est dans l'erreur mais vous ne nous avez encore jamais donné d'exemple concret.

Je sais bien ce que vous ressentez. Vous ne voulez pas nous donner d'informations mais nous ne pouvons rien faire sans cela. Il nous faut des cas réels. Vous accusez les gens d'avoir fait certaines choses mais vous n'en donnez aucune preuve. Si vous nous donniez des cas concrets, nous pourrions défendre votre cause. C'est aussi simple que cela. C'est tout ce que je demande, madame la présidente.

Soyez certains que tous les membres du comité tiennent sincèrement à ce que justice soit faite, mais il faut absolument que vous nous aidiez. Donnez-nous des faits concrets pour que nous puissions en parler au ministre. Donnez-nous ce dont nous avons besoin pour prouver au ministre qu'il y a eu déni de justice.

Je crois comprendre que c'est ce que vous disiez, monsieur Frazer. J'espère ne pas vous avoir mal interprété. Nous-mêmes, qui avons participé à la guerre, savons parfaitement de quoi il s'agit. Il y a une certaine mystique de l'armée. Aujourd'hui, cependant, tout cela est terminé et il faut que tout le monde soit traité sur un pied d'égalité. Il n'y plus lieu de faire de différences entre la marine, l'armée, l'aviation ou la marine marchande. Dans tous les cas, il s'agit de gens qui ont voulu défendre leur pays. Si vous nous donnez des preuves solides, nous pourrons vous défendre.

La présidente: Avant de donner la parole à Mme MacDonald pour qu'elle vous réponde, je voudrais apporter une précision.

Lors de la discussion entre M. Frazer et le professeur Griezic, j'ai cru comprendre que votre crainte est que le ministère vous jette un os, si vous donnez des cas concrets, ce qui serait humiliant pour les personnes concernées.

Je dois cependant préciser que ce n'est pas ce que vous demandent M. Richardson et M. Frazer. Nos n'avons pas l'intention de prendre des cas particuliers pour obtenir des solutions particulières. Notre objectif est simplement d'obtenir des preuves concrètes pour prouver au secrétaire et au ministre qu'il y a des gens qui méritent d'être indemnisés et qui ne sont pas pris en compte dans le système actuel.

Je crois pouvoir vous garantir que nous n'avons aucunement l'intention de faire quoi que ce soit qui puisse être humiliant pour les personnes concernées. À mon avis - même si je ne peux vous en donner l'assurance à l'heure actuelle - notre démarche consistera à reprendre contact avec vous, lorsque nous aurons eu des réponses du ministère au sujet des preuves que vous nous aurez données. Vous verrez à ce moment-là ce que vous pourrez faire d'autre. Toutefois, nous ne pouvons rien faire si vous ne nous donnez pas de preuves.

.1710

Je sais bien que les gens dont il s'agit estiment avoir assez souffert et qu'ils ne veulent pas recevoir l'aumône du gouvernement, c'est-à-dire recevoir 5 p. 100 alors qu'ils estiment mériter plus. Mais vous devez aussi comprendre notre position. Si nous voulons nous adresser au ministre, nous devons pouvoir lui dire que M. Untel, qui se trouvait dans telle ou telle situation pendant la guerre, a été privé de telle ou telle prestation. C'est tout.

Allez-y, madame MacDonald.

Mme MacDonald: Puis-je revenir à la lettre du 17 mai 1996? Votre comité a certainement plus de pouvoirs que nous, madame la présidente. Le ministre dit dans sa lettre que 209 personnes ont fait l'objet d'une décision négative. Si votre comité lui demandait pourquoi ces décisions ont été négatives, je suis sûre que vous obtiendriez des réponses. Nous avons essayé mais sans succès. Cela fait des années que nous essayons. Puis-je donc demander au comité permanent d'interroger le ministère au sujet des 209? C'était le chiffre le 31 mai 1994.

La présidente: Je comprends votre argument, madame MacDonald. Le comité va y réfléchir.

Professeur Griezic, vous aviez mentionné quelques noms.

M. Griezic: Oui, j'ai une liste.

La présidente: Pourriez-vous nous donner cette liste, étant bien entendu, si le comité est d'accord, que nous ne prendrons contact avec aucune de ces personnes mais uniquement avec le ministère? Nous reprendrons contact directement avec vous avant que quiconque s'adresse à ces personnes.

M. Griezic: Je crois que la meilleure chose serait d'entreprendre une démarche collective. C'est ce que nous recommandions et je suis heureux de voir que vous êtes d'accord.

J'ai ici le nom d'un prisonnier de guerre, et je crois qu'on pourrait fort bien l'inclure dans la liste, Gordon. C'est M. Ford, je crois.

La présidente: [Inaudible] mais si vous en avez qui... Je dis simplement que nous allons interroger le ministère au sujet de ces cas puis vous communiquer une réponse.

M. Richardson: Si vous me le permettez, madame la présidente, je voudrais ajouter que les marins marchands ont été les premiers à être faits prisonniers et qu'ils ont été incarcérés pendant fort longtemps. Nous avons recommandé qu'ils soient considérés comme prisonniers de guerre pendant la période complète et nous aimerions savoir pourquoi ils ne l'ont pas été. Un prisonnier de guerre est un prisonnier de guerre.

La présidente: Exact.

M. Richardson: On aurait dû leur donner des prestations complètes à partir du jour où ils ont été incarcérés.

M. Olmstead: Vous demandiez tout à l'heure combien cela pourrait coûter, madame la présidente. Si vous examinez la deuxième page de la lettre adressée à M. Rompkey, vous verrez le chiffre de 1 482 000 dollars pour quatre ans, soit à peu près 370 000 dollars par an.

En ce qui concerne les prisonniers de guerre, vous verrez à la page 2 de mon nouveau témoignage que quiconque a été séparé contre son gré de son navire, parce qu'il est devenu prisonnier de guerre, qu'il a été laissé à terre ou qu'il a perdu son navire, a constaté que sa période de service n'a pas été prise en considération. Cela n'a-t-il aucune importance? Je le demande àM. Frazer.

La présidente: Ce n'est pas ce que nous disons. Nous disons que, si vous nous donnez des cas concrets, nous pourrons en parler au ministre. En outre, personne ne prendra contact avec ces marins marchands avant que nous ne rediscutions de la question avec vous, soit lors d'une autre séance du comité, soit d'une autre manière. C'est notre engagement. Cela vous convient-il?

M. Olmstead: Cela me convient.

.1715

M. Griezic: Considérant votre suggestion, madame la présidente, puis-je recommander que l'on vous communique ces noms afin que vous puissiez en traiter collectivement, comme vous venez de le dire?

Deuxièmement, lorsque vous aurez consulté le ministère, pourriez-vous répondre...

La présidente: Nous allons consulter les ministres.

M. Griezic: D'accord. Ensuite, pourriez-vous communiquer la réponse à la Coalition?

Puis-je vous recommander par ailleurs d'examiner les documents de consultation, ainsi que les critiques dont ils ont fait l'objet, dans lesquels le ministère reconnaît qu'il y a des problèmes avec la législation, afin de vous faire une idée exacte de la situation? Je dis cela parce que rien n'a changé depuis la rédaction des ces documents de consultation, le 13 octobre 1993.

Si vous lisez ces documents, vous comprendrez les difficultés auxquelles nous faisons face.

Je voudrais maintenant soulever une autre question qui est toujours difficile. Je le sais parce que M. Wood l'a déjà soulevée. C'est aussi quelque chose dont a parlé M. Broadfoot au sujet des autres personnes qui sont venues au Canada, et je suppose que cela s'applique aux Japonais venus chez nous. Il s'agirait d'accorder des indemnités à ces personnes qui en sont privées depuis 50 ans.

Certes, beaucoup de ces personnes ont réussi au Canada, comme M. Broadfoot, mais elles ont été privées de choses telles l'accès à l'enseignement. Il ne s'agirait pas d'établir de nouveaux programmes à leur intention mais simplement de leur accorder une certaine indemnisation.

Le ministère dit qu'il ne peut corriger les injustices du passé, mais c'est pourtant ce qu'il a fait au sujet des Canadiens d'origine japonaise. C'est aussi ce qu'il a fait avec les Autochtones. C'est ce qu'il a fait avec -

La présidente: Je dois vous interrompre. Je citais tout à l'heure le juge en chef Cowan, je vais maintenant citer ma mère. Elle disait toujours que si on donne un pouce à quelqu'un, il demandera long comme le bras. Je sais que vous êtes ici pour défendre une cause mais n'allons pas trop vite.

Donnez-nous les informations concrètes que nous avons demandées et le comité interviendra en votre faveur. Je crois pouvoir dire que j'ai le consentement de mes collègues du gouvernement et de l'Opposition. M. Frazer. M. Leroux et mes collègues Libéraux sont d'accord. Allons-y par étapes.

Pour ce qui est des documents de consultation, je vais demander à notre recherchiste de nous préparer une note d'information à ce sujet.

En ce qui concerne le reste, ce sera une autre étape. Voyons d'abord ce que nous pouvons faire avec les informations que vous allez nous communiquer. Nous prenons l'engagement de nous informer à ce sujet et de reprendre contact avec vous avant de faire quoi que ce soit d'autre.

Cela vous convient-il? C'est mieux que rien, non?

M. Griezic: Absolument. Cela nous convient parfaitement. Toutefois, j'aimerais mentionner en même temps les documents de consultation car...

La présidente: Nous allons demander à notre recherchiste de nous préparer une note.

M. Griezic: D'accord. Dans ce cas, je pense que...

La présidente: Nous verrons ensuite ce qu'il y a d'autre à faire.

M. Griezic: Je crois qu'il s'agira alors de l'indemnisation.

La présidente: Ce sera l'étape suivante. Traitons une chose à la fois.

Y a-t-il d'autres questions ou d'autres remarques?

M. Frazer.

M. Frazer: Avez-vous toujours des problèmes à faire reconnaître qu'un marin marchand ayant participé à la guerre devrait être admissible aux prestations? Cette question a-t-elle été réglée? Avez-vous toujours des difficultés à obtenir les dossiers justifiant les revendications des marins marchands?

.1720

M. Griezic: Je n'ai eu aucune difficulté à trouver les dossiers. Le ministère a dit qu'il accepterait des attestations mais, en fait, il ne les accepte pas.

M. Frazer: Vous dites qu'il n'accepte pas les attestations?

M. Griezic: C'est cela.

M. Frazer: Ni même les déclarations sous serment?

M. Griezic: Exactement. Il y a plusieurs cas - parmi ceux dont j'ai parlé - à ce sujet.

M. Frazer: Je ne sais pas très bien... Savez-vous s'il y a eu des problèmes semblables avec l'application de la loi sur les allocations aux anciens combattants? Peut-être n'y a-t-il pas ce genre de problème avec les dossiers des anciens combattants?

M. Olmstead: La situation est différente pour les militaires, qui ont des dossiers médicaux ou autres.

J'aimerais citer une affirmation de Mary Hurley, de la division du Droit et du gouvernement, de la Bibliothèque du Parlement. Voici ce qu'elle dit en matière de discrimination dans le contexte de la loi sur les allocations aux anciens combattants: «un traitement identique risque de produire de graves inégalités». Je la cite mot pour mot.

M. Frazer: J'aimerais pouvoir lire le document complet pour connaître le contexte.

La présidente: Nous aurons peut-être le document quand on nous donnera la liste.

M. Frazer: En ce qui concerne la lettre adressée à M. Rompkey, madame la présidente, j'aimerais recommander officiellement au comité de demander quel a été le résultat de notre recommandation du 8 mars 1994 au sujet de la prorogation au-delà de 30 mois de la période d'indemnisation des prisonniers de guerre. Nous n'avons eu aucune réponse à ce sujet non plus. Pourtant, c'était une recommandation du 8 mars 1994.

La présidente: Très bien, nous écrirons au ministère à ce sujet. Merci beaucoup, monsieur Frazer.

Je voudrais remercier sincèrement nos témoins, au nom de tous les membres du comité, et dire au professeur Griezic que nous l'avons élu comme personne contact pour nous adresser la documentation dont nous avons besoin. Vous pourrez me l'envoyer ou l'envoyer à M. Rumas, le greffier. Merci.

Je crois comprendre que M. Frazer souhaite présenter une motion.

M. Frazer: Madame la présidente, étant donné que le comité mixte spécial sur la politique de défense du Canada a conclu dans son rapport de 1994, comme le gouvernement dans le Livre blanc sur la défense de décembre 1994, que l'achat de sous-marins serait (a) efficace considérant la longueur des côtes du Canada, (b) très efficient par rapport à nos frégates, et (c) une solution facile à intégrer aux éléments existants des Forces armées du Canada, je propose que le comité permanent de la Défense nationale et des Anciens combattants demande sans tarder au gouvernement de prendre des dispositions immédiates pour procéder à l'achat des quatre sous-marins britanniques actuellement disponibles pour les Forces canadiennes.

La présidente: Monsieur Richardson, avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

M. Richarson: Non. Je voudrais également qu'on les achète.

La motion est adoptée

La présidente: La séance est levée.

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