[Enregistrement électronique]
Le mardi 14 mai 1996
[Français]
Le président: À l'ordre, s'il vous plaît. Nous avons le quorum. Nous avons avec nous cet après-midi M. Daniel Germain de l'Association coopérative d'économie familiale du Québec, qui témoignera sur le projet de loi C-31.
Vous êtes le bienvenu, monsieur Germain. Vous pouvez commencer.
M. Daniel Germain (analyste, Association coopérative d'économie familiale du Québec; porte-parole de la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec): La Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec constate avec regret qu'un processus d'érosion des programmes sociaux canadiens est en cours.
Nous considérons que le projet de loi C-12 et la partie III du projet de loi C-31 font partie intégrante de ce processus, mettant en péril les conditions de vie des clientèles que nous défendons.
Nous rappelons très respectueusement au gouvernement canadien que le régime d'assurance-chômage représente aux yeux de beaucoup de Canadiens un patrimoine constitué à force de luttes et de travail par leurs parents et leurs grand-parents, un héritage qui forme, avec l'ensemble des programmes sociaux canadiens, un rempart contre la barbarie du libre marché.
N'est-ce pas Sir William Beveridge qui affirmait, en 1942, que la fonction d'un système de sécurité sociale est de soutenir l'emploi afin d'éliminer le chômage, d'assurer la gratuité des services de santé et de favoriser le soutien à la famille? En d'autres termes, il s'agit pour l'état d'endiguer les effets les plus néfastes de conjonctures sociales et économiques adverses en adoptant des lois qui permettent d'assumer collectivement les risques inhérents aux fluctuations du système économique.
«La justice sociale n'est pas seulement juste, elle remplit une vraie fonction économique».
Quant au projet de loi C-12, il est pour le moins étrange que le gouvernement dépose un projet de loi qui appauvrit les exclus du marché de l'emploi à un moment où ils ont le plus besoin d'un régime qui leur offre une protection adéquate en période de turbulence et de restructuration économiques.
Le projet de loi C-12 devrait, selon ses architectes, valoriser le travail plutôt que le chômage en incitant les prestataires à retourner plus rapidement au travail. Les mesures préconisées pour motiver le retour à l'emploi vont du resserrement des conditions d'admission à la réduction des montants et de la durée réelle des prestations. Il est prévu également de pénaliser les chômeurs récurrents.
Comment de tels moyens peuvent-ils réellement encourager les chômeurs à réintégrer promptement le marché du travail lorsque sévit au Canada une crise de l'emploi qui semble bien loin de se résorber? Le gouvernement fédéral se soustrairait-il à ses responsabilités à l'égard des régions, des familles et des individus en abandonnant la bonne marche de l'économie à la dynamique naturelle du marché?
Lorsque l'État abandonne son rôle d'agent de développement, il fait porter aux régions le fardeau de la relance économique et de l'emploi, alors que dans bien des cas, les opérations de reconversion économique demanderont des années.
Lorsque l'État réduit les prestations d'assurance-chômage, il reconnaît que le chômage est avant tout une responsabilité individuelle et qu'un régime d'assurance trop généreux inhibe l'initiative des personnes.
N'est-ce pas l'ancien parrain de la réforme, M. Axworthy, qui a tenté de faire avaler aux Canadiens, en 1995, que ce n'est pas la pénurie d'emplois qui fait en sorte que le tiers des chômeurs le soient pendant plus de six mois et que les coûts du régime aient doublé depuis 1992? Selon lui, ce serait plutôt la facilité avec laquelle les gens ont recours aux prestations. N'est-ce pas scandaleux d'entendre pareils propos lorsque les emplois ne cessent de se volatiliser à travers le Canada?
Quels intérêts défend le projet de loi C-12 lorsqu'il fait assumer aux moins bien nantis de la société les coûts socio-économiques de la restructuration que traverse l'économie canadienne?
La partie III du projet de loi C-31 confirme que le gouvernement fédéral fait la sourde oreille aux appels de nombreux Canadiens et Canadiennes qui l'exhortent à retrouver le droit chemin de la justice et de l'équité sociale.
Nous déplorons que l'article 43 mette en vigueur, de façon rétroactive, la réduction des prestations maximales de 445$ à 413$. Nous rappelons aux membres du Comité permanent des finances que cette diminution des prestations maximales contribue à l'appauvrissement des prestataires. La réduction du plafond des gains assurables n'est pas une mesure équitable pour les travailleurs à faible et moyen revenus.
En effet, l'abaissement du plafond des gains assurables va profiter essentiellement aux hauts salariés, puisque ceux-ci verront leurs cotisations totales réduites. Par ailleurs, la réduction du plafond des gains assurables va inciter les employeurs à donner des heures supplémentaires de travail à leurs plus hauts salariés plutôt que d'engager de nouveaux travailleurs. Comme on le sait, l'employeur n'a plus de cotisations à verser sur la tranche de revenu qui dépasse le maximum des gains assurables. Enfin, le remplacement du maximum des gains assurables hebdomadaires par un maximum annuel va pénaliser, selon nous, les personnes qui ont des contrats de travail à durée indéterminée.
La rhétorique du gouvernement fédéral consiste à convaincre les Canadiens et les Canadiennes que le projet de loi C-12 est un bon projet de loi parce qu'il couvrirait davantage les travailleurs et faciliterait la création d'emplois. En réalité, une analyse attentive des articles 7, 10, 12, 14, 15, 17 et 145 nous porte à conclure que le projet de loi durcit les conditions d'admissibilité et réduit la durée ainsi que le montant des prestations.
Par ailleurs, les amendements proposés en avril dernier par le Comité permanent du développement des ressources humaines et portant sur les arrêts de rémunération durant la période de base servant à l'établissement de la moyenne de rémunération, sur la valeur numérique du dénominateur utilisé pour déterminer le niveau des prestations et sur la règle d'intensité, ne peuvent atténuer le caractère inique de cette loi pour les travailleurs canadiens.
La Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec rejette l'ensemble de la partie III du projet de loi C-31 parce que les articles 42 à 47 constituent l'exécution budgétaire d'une loi que les membres de notre fédération dénoncent.
En conséquence, nous recommandons:
- premièrement, le retrait complet du projet de loi C-12 sur l'assurance-emploi et l'abrogation de la partie III du projet de loi C-31;
- deuxièmement, le maintien de la Loi sur l'assurance-chômage qui était en vigueur jusqu'au 31 décembre 1995 et qui nous semble préférable.
Nous demeurons convaincus que les mesures en vigueur dans la Loi sur l'assurance-chômage demeurent nettement plus acceptables pour les travailleurs que les conditions proposées par les projets de loi C-12 et C-31.
Malheureusement, le gouvernement ne semble pas sensible aux appels des citoyens et des citoyennes. Les Canadiens et les Canadiennes pourront ainsi raconter à leurs enfants et leurs petits-enfants que les députés à la Chambre des communes auront adopté en majorité une loi qui contribue à l'appauvrissement des ménages à faible et moyen revenus.
Je remercie les membres du Comité permanent des finances d'avoir bien voulu nous entendre.
Le président: Nous allons commencer avec M. Bélisle.
M. Bélisle (La Prairie): Monsieur Germain, à la page 6 de votre mémoire, vous dites:
- En réalité, une analyse attentive des articles 7, 10, 12, 14, 15, 17 et 145 nous porte à conclure que
le projet de loi durcit les conditions d'admissibilité, réduit la durée ainsi que le montant des
prestations.
M. Germain: Comme on le sait, l'article 7 resserre les conditions d'admission. On citait un exemple. Dans l'ancien régime, on exigeait un nombre de semaines de travail variant entre 12 et 20 semaines d'au moins 15 heures, alors que le nouveau régime demande aux travailleurs d'accumuler entre 420 et 700 heures. En fait, c'est le transfert d'une base hebdomadaire à une base horaire qui, à notre avis, restreint considérablement les conditions d'admission.
Nous trouvons que l'article 15 est le plus épouvantable du projet de loi, même en dépit du fait qu'on ait proposé d'étendre à 26 semaines de calendrier la période pour le calcul moyen. On s'est amusés, entre autres, à faire le calcul pour quelqu'un qui a travaillé, qui a eu une interruption de travail pendant un certain temps et qui a recommencé à travailler. On a fait le calcul sur une base de 20 semaines.
Cette personne-là gagnait normalement 300$ par semaine et, à cause de la règle des20 dernières semaines de calendrier, l'interruption de travail fait nécessairement baisser la moyenne. Cette personne-là a vécu une interruption de huit semaines avant d'être réembauchée, ce qui lui donne, à toutes fins utiles, une prestation de 99$ par semaine, ce qui est moindre que la sécurité du revenu.
Comment quelqu'un peut-il être motivé à retourner au travail, à se chercher du travail, alors que l'envoi d'un curriculum vitae coûte en moyenne 3$? Une personne peut, assez rapidement, envoyer 200 à 300 C.V. Comment voulez-vous, avec 100$ par semaine, vous habiller convenablement, vous déplacer pour chercher de l'emploi et faire toutes sortes de démarches?
Certaines de ces mesures appauvrissent et limitent la capacité de quelqu'un de choisir un emploi de qualité.
M. Bélisle: À la page 4 de votre mémoire, vous dites:
- «La justice sociale n'est pas seulement juste, elle remplit une vraie fonction économique.»
M. Germain: Au risque de paraître démodé, disons qu'on a plus une perspective keynésienne; c'est-à-dire qu'on pense que l'État doit encore intervenir. La tendance actuelle est au retrait graduel de l'État, alors qu'on pense que l'État doit intervenir concrètement pour favoriser le plein emploi.
On ne pense pas nécessairement que l'État doive donner des jobs aux gens, mais qu'il devrait créer le climat nécessaire pour favoriser la relance. Quand je parle d'une politique de plein emploi, il ne s'agit pas seulement de créer de l'emploi. Il faut aussi élargir l'assiette fiscale et donc augmenter les revenus, ce qui devient un incitatif pour le gouvernement à ne plus sabrer dans les dépenses qu'on considère essentielles, notamment du côté des programmes sociaux.
De plus en plus, on voit le rôle de l'État comme étant celui d'un rassembleur. Il est là pour faire rencontrer les gens, mais il n'y a plus d'interventions concrètes. Selon moi, on a une leçon à tirer de l'histoire, mesdames et messieurs. Dans les années 1940, Mackenzie King a mis en place la Loi sur l'assurance-chômage parce qu'on avait vécu une grande période de dépression. Il y a eu le boom de la guerre: l'économie tournait à plein, toute la force de travail canadienne était au boulot et déjà, en 1943, on craignait le retour à une économie de paix et à la Grande dépression des années 1930.
Curieusement, l'engagement de l'État a très bien fonctionné à ce moment-là et, aujourd'hui, on fait fi de cette histoire canadienne. On nous dit qu'intervenir, c'est mauvais, que cela rend les gens paresseux, que cela rend l'économie paresseuse. Je pense que l'État, tout en respectant les rôles de chacun, peut être malgré tout un acteur important.
Le président: Merci, monsieur Bélisle. Monsieur Solberg.
[Traduction]
M. Solberg (Medicine Hat): Vous avez dit que le gouvernement devait créer un climat propice à la création d'emplois. Pouvez-vous me réexpliquer ce que le gouvernement doit faire, d'après vous, pour instaurer ce climat?
[Français]
M. Germain: Vous m'excuserez de répondre en français, puisque mon anglais est laborieux.
Au départ, en période de restructuration économique et de récession, les citoyens ont besoin de leur gouvernement, notamment en ce qui a trait aux prestations sociales. Je vous dirais que, selon nous, le fait de comprimer les dépenses sociales, notamment en ce qui a trait à l'assurance-chômage, amplifie le ralentissement de l'économie intérieure.
Je trouve aussi qu'en ce qui a trait à l'économie nationale, on semble moins motivé à créer un climat propice et on est plus branché sur la mondialisation des marchés, etc. On sent qu'on délaisse l'économie intérieure, mais on ne peut raisonnablement penser vivre uniquement de l'exportation. Certains citoyens canadiens ont besoin de travailler. Donc, l'État doit demeurer présent, mais pas en coupant. Certaines coupures sont nécessaires, mais quand on va trop loin, cela devient un coquille vide et cela n'en vaut plus la peine.
[Traduction]
M. Solberg: D'accord, mais si nous ne sabrons pas ce programme social... Vous reconnaissez vous-même la nécessité d'imposer des compressions, et si vous ne ciblez pas l'enveloppe sociale qui représente la grande majorité des dépenses... Nous avons déjà vu le gouvernement sabrer des dépenses d'exploitation à hauteur de quelque 10 milliards de dollars. Qui devra absorber les compressions d'après vous?
M. Germain: Je suggère que le Canada modifie sa politique monétaire.
[Français]
Même si depuis un certain temps, les taux d'intérêts sont relativement bas, depuis de nombreuses années, la Banque du Canada pratique une politique anti-inflationniste. Comme on le sait, on arrive à bien contrôler la masse monétaire, mais en bout de ligne, cela fait une politique anti-inflationniste et génératrice de chômage.
Si on se dit qu'on ne peut rien y faire parce qu'on est obligés de suivre la politique monétaire américaine et celles des autres pays, une partie de la solution se trouve au plan international. On doit s'organiser pour avoir des politiques monétaires qui vont permettre aux États d'éviter de s'endetter de façon épouvantable, comme c'est le cas actuellement. Beaucoup des problèmes qu'on connaît actuellement disparaîtraient ou seraient réduits.
D'un autre côté, on dit que tout cela est fait dans la perspective de faire baisser la masse salariale moyenne au Canada parce qu'on veut être concurrentiel sur les marchés internationaux. Raisonnablement, entre vous et moi, comment peut-on penser concurrencer avec un pays comme le Mexique dans des secteurs secondaires de l'industrie alors que là-bas, les travailleurs spécialisés travaillent à 2$ l'heure? Même avec les coupures que l'on fait actuellement, nous ne nous remettrons pas suffisamment à flot.
Actuellement, le Canada et beaucoup d'autres pays industrialisés alignent leurs politiques sur celles de pays dont les pratiques industrielles datent de l'âge de pierre. On doit plutôt mettre en valeur les pratiques qu'on a eues pendant de nombreuses années.
[Traduction]
M. Solberg: Si je vous comprends bien, le libre-échange est un des problèmes?
M. Germain: Oui, c'en est un.
M. Solberg: Je vois que vous n'êtes pas pour la libéralisation des échanges.
M. Germain: Pas de la façon dont elle se fait aujourd'hui.
M. Solberg: De façon plus spécifique, en ce qui concerne toute la question de l'assurance-chômage, on entend dire un peu partout que c'est parce que les prestations d'assurance-chômage sont plutôt généreuses en échange de bien peu de travail dans certaines régions du Canada, que cela dissuade les gens de se trouver un travail. C'est d'ailleurs, à mon avis, la plus grande critique des Canadiens à l'égard de l'assurance-chômage.
Depuis 25 ans, le régime d'assurance-chômage du Canada est très généreux par rapport à celui d'autres pays et il distribue régionalement des prestations de prolongation. Puisque, depuis 25 ans, on a constaté une augmentation continue du chômage, ne croyez-vous pas que ce soit dû notamment à la générosité des prestations d'assurance-chômage?
M. Germain: Je ne le crois pas, mais on peut toujours faire les calculs.
[Français]
On ne peut le mesurer réellement, mais on pourrait le faire pour un certain pourcentage de la population. On dit souvent qu'il y a 5 p. 100 de fraudeurs, en moyenne, dans n'importe quel système, mais une fois cela dépassé... Peut-on raisonnablement dire que la majorité des chômeurs canadiens veulent être au chômage?
Si le Canada pratiquait réellement une politique de plein emploi, je pourrais comprendre qu'on serre davantage la vis pour ce qui est de l'assurance-chômage, mais il n'y a aucune politique concrète de plein emploi. On l'a vu dans le budget de M. Martin, en mars. Au Québec, c'est la même chose avec le budget de M. Landry. Il n'y a aucune politique dans ce sens-là. Donc, on ne donne aucune issue au niveau de l'emploi. On prétend laisser cela à l'initiative individuelle et collective.
C'est un beau principe en soi, mais comment pouvez-vous raisonnablement demander à des provinces comme les Maritimes, qui depuis deux siècles ont une économie saisonnière - je dis bien saisonnière - de restructurer leur économie? Cela va prendre des années.
Pendant cette période-là, les gens se retrouvent dans des situations économiques épouvantables. On ne peut blâmer des individus qui dépendent d'une économie saisonnière. On est d'accord sur le principe qu'il faut peut-être changer des choses, mais si tout le monde travaillait, personne n'aurait besoin du chômage.
Avec la Loi sur l'assurance-chômage, on sent une tendance à faire porter le poids uniquement à l'individu. Cela devient alors pour lui un motif de culpabilité. Si un individu ne travaille pas, c'est de sa faute. Je veux bien qu'on incite les gens à travailler, mais on doit leur donner réellement les moyens de se trouver de l'emploi. Le projet de loi sur l'assurance-emploi ne nous convainc pas de cette réalité-là.
Qu'on pense, entre autres, à la chicane entre les provinces et le gouvernement central sur la question de la formation professionnelle. On pense peut-être qu'il y aura une solution de ce côté-là prochainement, mais en attendant, il y a des gens qui poireautent et qui voudraient parfaire leur formation pour se trouver un bon travail.
Cela veut-il dire qu'on devra fermer des régions au Canada dans l'éventualité où il n'y aurait pas de possibilité de se trouver du travail?
[Traduction]
M. Solberg: Je cède ma place...
[Français]
M. Pomerleau (Anjou - Rivière-des-Prairies): Quand je regarde l'évolution des marchés internationaux aujourd'hui, avec la robotisation, la mécanisation, l'informatisation, la mondialisation des marchés, l'usage abusif international des paradis fiscaux, l'endettement de la plupart des pays industrialisés, je me dis que les taux de chômage vont continuer à augmenter dramatiquement et qu'au niveau international, il va falloir revoir toutes les notions de travail, d'économie, de richesse, etc. On n'en est pas là, mais c'est ce qu'il va falloir faire à moyen terme.
Vous représentez une association qui a suivi de près toute l'évolution des projets de loi C-12 et C-31 et des modifications à l'assurance-chômage.
Que pensent actuellement les gens du milieu que vous représentez? Comment voient-ils cela?
M. Germain: Je vous dirai honnêtement qu'il y a beaucoup de gens qui ne se doutent pas, actuellement, de ce qui leur pend au bout du nez. À part les groupes de citoyens qui se sont levés, à qui on a vraiment expliqué comment allait s'appliquer la nouvelle loi sur l'assurance-emploi, les gens s'y perdent un peu là-dedans.
Quant à ceux qui sont conscients de ce qui se passe et qui comprennent assez bien les enjeux de l'assurance-emploi, ils ne le prennent pas très bien. Ce n'est pas très bien reçu et c'est perçu comme un stress et une inquiétude supplémentaires.
Nous rencontrons beaucoup de gens. On fait un service de première ligne. On offre de la consultation budgétaire. C'est, entre autres, ce qui nous a amenés à faire de la défense des droits et des représentations comme nous en faisons aujourd'hui.
Actuellement, la pression sur les ménages à faible et modeste revenus devient de plus en plus lourde.
On réduit les prestations de la sécurité du revenu et de l'assurance-chômage. Il y a des tarifications qui s'amènent peu à peu. En plus, peu à peu, on sent glisser une partie de la classe moyenne vers ce qu'on appelle la nouvelle pauvreté. On le constate de plus en plus. Déjà, avec 55 p. 100 de leur salaire comme prestation d'assurance-chômage, les gens trouvent cela difficile et, en plus, on les coince avec une période d'admissibilité restreinte. Les gens ont encore moins de marge de manoeuvre pour se trouver un emploi acceptable.
D'un côté, on dit que la loi actuelle stimule les gens parce que la période de prestations est plus courte mais, en même temps, il faut bien vivre avec la réalité du marché du travail.
Les gens sont inquiets. Tout le monde ici sent probablement qu'un climat de morosité s'installe dans la population. Les gens n'ont plus confiance en l'avenir. Ils s'aperçoivent qu'il faut repenser la façon de faire de l'État. Mais, en même temps, ils subissent de plus en plus les conséquences de ces retraits. Il y a des gens qui se demandent actuellement si c'est vraiment la bonne solution, le bon virage à prendre.
M. Pomerleau: Vous avez abordé le sujet du vidage possible des régions. L'un des problèmes fondamentaux au Canada, contrairement à beaucoup d'autres pays dans le monde, est que le Canada est l'un des pays les plus grands au monde, mais dont la population est proportionnellement la moins élevée. On doit occuper le territoire d'une façon ou d'une autre. On sait qu'il y a des régions condamnées à vivre d'un travail saisonnier. On ne peut pas tous vivre à Toronto, Montréal, Vancouver ou Winnipeg. Il y a des régions dans lesquelles les gens vivent, se développent, mais dont le travail est strictement saisonnier, que ce soit la pêche, la forêt, la culture, etc.
Dans vos discussions, dans le domaine où vous êtes, avez-vous abordé la question de l'effet possible d'une loi comme celle-là qui, en remettant la responsabilité entière et totale à l'individu, l'incite à quitter la région pour aller vivre là où théoriquement - et je dis bien «théoriquement» - devrait se trouver le travail, c'est-à-dire en ville, alors que ce n'est pas toujours le cas? N'est-ce pas inciter les gens à vider les régions?
M. Germain: On siège à un organisme qui s'appelle Solidarité rurale du Québec. Étant donné qu'on défend les dossiers dans le domaine agroalimentaire, on est en contact avec les producteurs agricoles et les gens qui habitent les milieux ruraux. J'ai une conjointe qui vient de Mont-Joli, un milieu rural. On y va souvent et, depuis 15 ans, je constate que la région se vide, que le tissu social et économique se désagrège peu à peu. La population vieillit, comme partout ailleurs, et le peu de jeunes qui restent quittent la région.
On augmente la pression avec une loi sur l'assurance-emploi comme celle qu'on nous propose. Je ne suis pas sûr que cela ne va pas inciter les gens à aller davantage vers les villes. Il y a des jeunes qui ne savent plus sur quel pied danser. Il y a eu un mouvement d'exode vers les grandes villes. Combien de Gaspésiens rencontre-t-on à Montréal? Il y en a un paquet qui reçoivent leur chèque de BS - vous m'excuserez l'expression - à Chandler et qui se ramassent finalement à Montréal avec un autre chèque de BS. Au bout de la ligne, ils se disent qu'ils sont loin de leurs parents, de leurs amis, et retournent dans l'espérance qu'une économie régionale va se développer.
C'est un coup dur parce qu'en région, vous le savez, l'assurance-chômage a permis à des industries de fonctionner. Cela faisait l'affaire de tout le monde à une certaine époque, politiquement et économiquement. Certaines entreprises ont fondé leur existence sur le fait qu'il y avait une assurance-chômage. Elles pouvaient garder à portée de main des travailleurs disponibles pendant la période forte et, après cela, ces gens-là allaient au chômage. Maintenant, avec le libre-échange, on parle de la mobilité des personnes.
Cela veut-il dire qu'on va devoir changer tout le temps de région pour se trouver du travail?
Quelqu'un qui a une famille est attaché à la région où il habite. Pourra-t-on raisonnablement déplacer les gens à Québec, à Sherbrooke, et les forcer à prendre encore plus de décisions cruelles qui vont compromettre l'équilibre de leurs familles? C'est cela qu'on sent dans les régions. Les gens ont le sentiment qu'en restant près les uns et des autres, ils conservent une solidarité. Si on s'éparpille à cause de mesures comme celles-là, on en mesurera les effets dans 20 ans. Je n'ai pas d'étude à l'appui, mais de telles mesures ne peuvent faire autrement que favoriser l'exode.
Le président: Monsieur Germain, au nom de tous les députés, je voudrais vous remercier. Vous avez très bien expliqué la situation des chômeurs, des pauvres, des gens qui ont beaucoup de problèmes, en somme le phénomène de la nouvelle pauvreté. C'est évident que vous avez beaucoup travaillé sur ce dossier. Nous vous en remercions beaucoup.
M. Germain: Je vous remercie tous et toutes de votre attention.
Le président: Les deux prochains témoins ne sont pas arrivés. On pourrait faire une petite pause de cinq minutes.
[Traduction]
Le président: À l'ordre. Nous passons maintenant à l'étude article par article du projet de loi C-31. Merci d'ailleurs à tous les membres du comité de la collaboration qu'ils ont montrée jusqu'à maintenant.
Les articles 1 à 8 sont adoptés à la majorité
Sur l'article 9 - Administration publique fédérale
Le président: Avez-vous tous reçu l'amendement à l'article 9? Quelqu'un voudrait-il le lire pour mémoire? Me dispensez-vous de le lire?
L'amendement est adopté à la majorité (Voir Procès-Verbaux)
L'article 9, modifié, est adopté à la majorité
Les articles 10 à 15 inclusivement sont adoptés à la majorité
Sur l'article 16
L'amendement est adopté à la majorité (Voir Procès-Verbaux)
L'article 16 est adopté à la majorité
Les articles 17 à 57 inclusivement sont adoptés à la majorité
M. Campbell (St. Paul's): Monsieur le président, je crois qu'il y a un amendement à l'article 16.
Le président: Trop tard.
Sur l'article 58 - Projet de loi C-11
L'amendement est adopté à la majorité (Voir Procès-Verbaux)
L'article 58, modifié, est adopté à la majorité
Les articles 59 à 64 inclusivement, sont adoptés à la majorité
Le président: Le titre est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: Puis-je avoir le consentement unanime du comité pour adopter le titre?
M. Loubier (Saint-Hyacinthe - Bagot): Non.
Le président: Faisons quelque chose de radicalement différent et modifions le titre!
Le projet de loi est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Des voix: À la majorité.
Le président: Dois-je faire rapport du projet de loi à la Chambre aussitôt que possible?
Des voix: Non.
Des voix: D'accord.
Le président: À la majorité?
Le projet de loi sera-t-il réimprimé?
Des voix: D'accord.
Le président: Je tiens à remercier les membres du comité d'avoir étudié avec le plus grand sérieux et la plus grande diligence les articles du projet de loi et de m'avoir offert leur remarquable collaboration.
Monsieur le secrétaire parlementaire.
M. Campbell: Monsieur le président, j'aimerais, au nom du gouvernement, remercier tous les membres du comité de leur participation à l'étude du projet de loi. Merci.
Le président: De rien. Nous l'avons tous fait avec plaisir. C'était pour moi un plaisir de travailler avec les membres du comité.
Merci à tous. Nous suspendons la séance jusqu'à 15 h 30 demain, lorsque nous entendrons le témoignage du gouverneur de la Banque du Canada.