[Enregistrement électronique]
Le mardi 28 mai 1996
[Traduction]
Le président: Je déclare la séance ouverte.
Le Comité des finances, conformément à son mandat, poursuit son examen des biens canadiens imposables. Nous accueillons aujourd'hui le groupe qui a, si on peut dire, mis en évidence cette question, le vérificateur général, M. Desautels, accompagné de M. Minto et de M. Elkin.
Nous sommes particulièrement préoccupés parce que dans votre rapport, vous faites ressortir que les opérations visées peuvent avoir frustré l'intention du législateur en ce qui concerne l'imposition des gains en capital et que Revenu Canada peut avoir porté atteinte à l'assiette fiscale en renonçant au droit de recouvrer à l'avenir des millions de dollars en impôt. Ce sont là de graves accusations. Nous sommes donc heureux que vous soyez là pour nous en parler. Merci.
M. Denis Desautels (vérificateur général du Canada): Monsieur le président, je suis heureux d'être ici cet après-midi pour discuter de l'une des observations de vérification contenues dans le chapitre 1 de mon rapport de mai 1996. Cette observation soulève de sérieux motifs d'inquiétude au sujet de l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu. Je veux souligner que mes principales préoccupations portent sur la façon dont la loi a été appliquée par Revenu Canada dans le cas que nous avons signalé et non pas sur la loi elle-même.
Le fait que la ministre du Revenu ait annoncé des initiatives pour régler nos préoccupations m'encourage.
Je suis heureux que le Comité ait accepté d'examiner les principes fondamentaux de la politique à l'égard de l'imposition des gains en capital, particulièrement en ce qui a trait au changement de statut de résident.
J'espère que le comité sera en mesure de clarifier les ambiguïtés de la Loi et de son intention de sorte que la Loi et son application continuent de refléter entièrement l'intention du Parlement.
Le rôle premier de mon bureau est de servir le Parlement. Je le mentionne pour souligner la nature indépendante de nos vérifications et examens. Nous faisons ce travail pour fournir au Parlement de l'information, une assurance et des avis objectifs. Conformément au Règlement de la Chambre des communes, nos rapports sont renvoyés au Comité des comptes publics, mais nous sommes heureux de répondre aux demandes d'information des autres comités parlementaires.
[Français]
Monsieur le président, nos vérifications portent avant tout sur l'application des politiques et l'exécution des programmes. Nous ne formulons pas d'opinion sur les questions de politiques connexes. Nous vérifions l'application de la politique en vigueur. Par ailleurs, il peut arriver, comme dans le cas qui nous intéresse aujourd'hui, que nous soulevions des questions qui influent sur la politique ou le débat politique y afférent.
Comme je l'ai dit dans mon rapport de 1993, l'objet des décisions anticipées est de promouvoir l'observation volontaire, l'uniformité et l'autocotisation en garantissant les conséquences fiscales des opérations qu'envisagent les contribuables. En supprimant le doute quant aux conséquences d'une opération particulière, les décisions anticipées fournissent une certitude au contribuable. Nous continuons de croire qu'un service de décisions anticipées justes et équitables demeure un volet important du mécanisme d'administration fiscale.
Cette observation de vérification soulève trois préoccupations: premièrement, les intentions du législateur concernant l'imposition des biens en capital peuvent avoir été frustrées; deuxièmement, l'absence de documentation et d'analyse des décisions clés; et troisièmement, le traitement juste et équitable de tous les contribuables. Permettez-moi de vous parler brièvement de chacune des trois.
[Traduction]
Permettez-moi de parler de la question des biens canadiens imposables. Monsieur le président, je cite la page 5 de la déclaration du commentaire fait par M. Dodge, le 16 mai 1996, devant le Comité permanent des comptes publics.
Le ministère des Finances fonde son point de vue, selon lequel l'intention de la loi était de permettre à des résidents du Canada de détenir des biens canadiens imposables, sur les règles concernant les sociétés de personnes canadiennes énoncées à l'alinéa 97(2)c) de la loi de l'impôt sur le revenu.
À notre avis, comme nous le mentionnons dans le paragraphe 1.46 de notre rapport, il existe plusieurs dispositions dans la Loi de l'impôt sur le revenu pour appuyer le point de vue contraire, mais ce paragraphe qui porte sur les sociétés de personnes canadiennes a été utilisé pour accepter les opérations dont nous parlons dans notre observation. Sans entrer dans les détails, nous sommes d'avis que l'intention de la loi n'est pas de traiter les actions de la société publique dont il est question dans l'observation comme des biens canadiens imposables.
Les règles que M. Dodge a invoquées peuvent se résumer comme suit. Si un résident du Canada détient une participation dans une société de personnes, cette participation est habituellement un bien en immobilisation qui est assujetti au traitement des gains en capital au Canada lors de sa disposition. Si le contribuable devient un non-résident du Canada, l'impôt devient exigible sur tout gain en capital accumulé relativement à la participation dans la société de personnes au moment où il quitte le pays. Si, cependant, la participation dans la société de personnes est désignée comme bien canadien imposable quand le contribuable quitte le pays, la participation dans la société de personnes continue d'être assujettie au traitement des gains en capital au Canada. Cependant, si la composition de l'actif ou la composition de la société de personnes change après que le contribuable est devenu un non-résident, le non-résident peut ne plus être assujetti au traitement des gains en capital au Canada parce que la participation dans la société de personnes peut ne plus être un bien imposable.
M. Dodge a indiqué qu'il craignait que si un résident du Canada ne pouvait détenir des biens canadiens imposables, il puisse se soustraire du régime fiscal canadien. Cette possibilité de se soustraire du régime fiscal canadien était et est prévue par la loi au sous-alinéa 115(1)b)v), puisque le non-résident continue d'être assujetti au traitement fiscal canadien 12 mois après le changement de la composition de l'actif.
Il nous semble que, si le Canada voulait que la participation dans la société de personnes demeure assujettie à l'impôt canadien pour une période de plus de 12 mois, il faudrait alors étendre la période indiquée au sous-alinéa 115(1)a)(v). Il existe une disposition semblable au sous-alinéa 115(1)b)(iv) qui porte sur les actions d'une société publique. Dans cet alinéa, cinq ans est utilisé au lieu de 12 mois.
En résumé, le sous-alinéa 115(1)b)(v) prévoyait déjà la possibilité d'un changement de la composition de l'actif d'une société de personnes et une clause de 12 mois pour le couvrir. La participation dans la société de personnes pourrait, lors d'une disposition, toujours être imposable au moment de la disposition en raison de la règle relative aux 12 mois.
Il ne nous semble pas que l'alinéa 97(2)c) ait été adopté en vue de modifier un principe fondamental sous-tendant tout l'esprit de la loi. Nous ne sommes pas convaincus que le libellé de cet alinéa vise à permettre tant à des résidents du Canada qu'à des non-résidents de posséder des biens canadiens imposables.
[Français]
Maintenant, monsieur le président, nous craignons que les opérations qui ont fait l'objet d'une décision en 1991 aient possiblement frustré l'intention du législateur, toujours selon notre propre opinion.
Voici les faits. Il existait deux fiducies, toutes deux résidentes du Canada. Nous avons appelé la première Fiducie familiale et l'autre Fiducie protectrice. Fiducie familiale existait depuis plus de 10 ans, tandis que Fiducie protectrice existait depuis moins de 10 ans. Fiducie familiale possédait des actions d'une société publique. Avant 1991, Fiducie familiale a reçu les actions de la société publique en échange d'actions d'une société privée. À la suite de cet échange, Revenu Canada a conclu que ces actions de la société publique étaient des biens canadiens imposables. Fiducie protectrice a quitté le Canada pour résider aux États-Unis. Immédiatement après que Fiducie protectrice fut devenue résidente des États-Unis, Fiducie familiale, qui est demeurée une résidente du Canada, a transféré les actions de la société publique à celle-ci. La conclusion de Revenu Canada, à savoir que les actions de la société publique étaient des biens canadiens imposables pour Fiducie familiale, voulait dire que les actions pouvaient quitter le Canada en franchise d'impôt.
Revenu Canada s'est servi d'une lettre de principe du ministère des Finances pour appuyer sa conclusion. La lettre dit que, et je cite:
- L'objectif politique d'ordre sous-jacent était que les gains afférents à un tel bien (c'est-à-dire
les biens canadiens imposables) demeurent assujettis à l'impôt canadien, sauf dispositions
contraires d'une convention fiscale, indépendamment du lieu de résidence du contribuable au
moment où ce dernier dispose d'un tel bien.
Cependant, Fiducie protectrice n'avait pas été résidente du Canada pendant au moins 10 ans et ne possédait pas les actions de la société publique quand elle a quitté le Canada. Ce que je comprends, c'est que l'un ou l'autre de ces faits permettrait à Fiducie protectrice, qui possède maintenant les actions de la société publique, de réclamer une exonération de l'impôt canadien en vertu de la convention fiscale entre le Canada et les États-Unis. Par conséquent, en traversant la frontière, ces actions ne seraient plus assujetties à l'impôt canadien.
[Traduction]
Il nous semble que Revenu Canada s'est servi de l'engagement et de la renonciation pour contourner ce problème. Il est important de se rappeler que la décision a été rendue sous réserve d'un engagement et d'une renonciation. Je pense que cela leur donne encore plus d'importance qu'une simple assurance que la transaction n'était pas envisagée pour éviter l'impôt.
Selon l'engagement, Fiducie Protectrice renonce à son droit, pendant 10 ans, de réclamer une exonération de l'impôt canadien en vertu de la Convention fiscale entre le Canada et les États-Unis. Cependant, les dossiers de Revenu Canada montrent que le ministère savait que l'engagement n'était pas applicable. Revenu Canada savait également que si Fiducie Protectrice ne respectait pas l'engagement et que si elle était cotisée de nouveau, elle pourrait réclamer une exonération de l'impôt canadien en vertu de la Convention fiscale entre le Canada et les États-Unis.
Pour contourner ce problème, Fiducie Familiale a fourni une renonciation limitée. Cependant, pour faire appliquer la renonciation, Revenu Canada devrait établir une nouvelle cotisation en s'appuyant sur la position que les actions n'étaient pas des biens canadiens imposables. Or, la décision indiquait qu'elles l'étaient.
S'il existe des arguments légitimes prouvant que les actions ne sont pas des biens canadiens imposables, ces arguments existaient au moment où la décision a été rendue.
Monsieur le président, c'est l'un ou l'autre. Si la loi indique assez clairement quelles actions sont des biens canadiens imposables, la renonciation n'a pas de valeur réelle. Par contre, si la loi indique assez clairement que les actions ne sont pas des biens canadiens imposables, alors la décision n'aurait probablement jamais dû être rendue.
En résumé, nous ne comprenons pas comment l'engagement et la renonciation peuvent permettre d'atteindre l'objectif de la politique, à savoir continuer d'assujettir Fiducie Protectrice à l'impôt canadien pendant 10 ans après qu'elle a reçu les actions de la société publique.
À notre avis, les preuves montrent clairement que jusqu'au 23 décembre 1991, Revenu Canada a considéré que les opérations sur lesquelles il avait rendu une décision étaient, à tout le moins, discutables.
Bien que l'engagement et la renonciation aient été utilisés pour contourner ce problème, ils ne changent en rien les opérations. Ils constituent de fait une entente particulière.
Cela nous inquiète beaucoup.
La Loi de l'impôt sur le revenu est une loi d'application générale, c'est-à-dire qu'elle est censée s'appliquer à tous et à chacun de façon juste et équitable. Une entente particulière ne s'applique qu'aux parties à l'entente. À notre avis, cette entente particulière a donc pour effet de permettre au contribuable de frustrer l'intention du législateur et de remplacer les règles d'application générale de la Loi par une série de règles spéciales visant à faciliter l'opération d'un contribuable. L'entente particulière supprime la notion «d'application générale». Nous pensons que cela porte atteinte aux principes fondamentaux qui régissent le régime fiscal canadien.
Il est intéressant de noter que la version de la décision de 1991, qui a été rendue publique le 21 mars 1996, ne fait pas mention du fait que la décision a été rendue à condition que les contribuables fournissent un engagement et une renonciation. À notre avis, il s'agit d'une grave omission. Cela donne aussi l'impression que les décisions futures de cette nature seront rendues sans engagement et sans renonciation.
[Français]
J'aimerais aussi faire des commentaires sur la règle de la Loi de l'impôt sur le revenu qui fait que les actions reçues en contrepartie sont réputées être des biens canadiens imposables. Quelques années avant la décision de 1991, Fiducie familiale avait reçu les actions d'une société publique en contrepartie d'actions d'une société privée. La disposition de la Loi de l'impôt sur le revenu, à l'alinéa 85(1)i), en vertu de laquelle les actions de sociétés publiques constituent des biens canadiens imposables lorsqu'elles sont reçues en contrepartie d'actions de sociétés privées visait à empêcher un non-résident de se soustraire à l'impôt canadien.
Monsieur le président, je cite l'avis juridique du 13 janvier 1992. L'avis contient une note à la fin qui dit en partie que:
- ...l'alinéa 85(1)i) est une disposition anti-évitement dont l'objet est d'empêcher un
non-résident qui a un bien canadien imposable de se servir des dispositions de l'article 85 pour
le transformer en un autre bien qu'un bien canadien imposable (et éviter ainsi l'application du
paragraphe 115(1) à cette disposition du bien substitué).
- C'était le point de vue du directeur général de la Division des décisions de Revenu Canada, et
nous le partageons.
Je crois que nous avons présenté des preuves des plus évidentes qui montrent que les opérations visées par la décision de 1991 peuvent avoir frustré l'intention du législateur. On a eu recours à une renonciation et à un engagement pour tenter de contourner le problème; un alinéa de la loi qui porte sur les sociétés de personnes a été utilisé pour accepter cette opération à la lumière de nombreuses autres dispositions de la loi montrant que l'intention du législateur était que seuls les non-résidents puissent détenir des biens canadiens imposables et la règle de la présomption a été renversée.
[Traduction]
Permettez-moi de vous parler maintenant de notre préoccupation au sujet de l'absence de documentation. Comme nous le soulignons dans notre observation, le ministère des Finances a donné à Revenu Canada un avis sur la question de savoir si la politique fiscale visait à permettre à des résidents de détenir des biens canadiens imposables.
Les preuves montrent que la question était loin d'être simple. En 1985, Revenu Canada a donné une opinion qui dit le contraire et sa position est étayée par un argument convaincant. Les notes des réunions tenues au début de décembre 1991 montrent que Revenu Canada n'était pas certain de la position à tenir. Le projet d'avis juridique reçu à la mi-décembre ne contient pas d'engagement et indique qu'il existe des arguments juridiques en faveur des deux côtés.
Le fait que le contribuable ait même demandé une décision porte à croire que la question n'est pas claire, et si elle l'était, pourquoi Revenu Canada a-t-il mis près de deux mois pour prendre une décision?
Enfin, nous remarquons que Revenu Canada a reçu une demande d'opinion sur cette même question en juillet 1994 et qu'il n'y a pas répondu avant juillet 1995, ce qui laisse croire que la question n'était toujours pas claire pour Revenu Canada.
À la lumière de tout cela, nous nous attendions à trouver de la documentation et une analyse appuyant le point de vue voulant que les résidents puissent détenir des biens canadiens imposables. L'analyse que nous avons trouvée appuyait une décision non favorable. Comme nous l'indiquons dans le paragraphe 1.49 de notre rapport, nous n'avons pas trouvé d'analyse appuyant le changement de position survenu le 23 décembre 1991. Les deux seuls documents appuyant ce changement était la lettre du ministère des Finances et l'avis juridique définitif.
Nous remarquons que la différence fondamentale entre l'avis juridique du 19 décembre 1991 et l'avis définitif du 13 janvier 1992 est que l'avis définitif tient compte de la position prise par le ministère des Finances dans sa lettre. Après avoir cité la lettre, l'avis juridique définitif conclut en ces termes:
- «Dans les circonstances, la meilleure analyse, à mon avis, est qu'un résident peut disposer d'un
«bien canadien imposable» aux fins des dispositions déterminatives de l'alinéa 85(1)i) de la
Loi».
Nous avons également été informés que les dossiers de Revenu Canada ne contenaient pas d'analyse de l'incidence éventuelle sur les autres articles de la Loi de l'impôt sur le revenu ou de l'incidence sur le cadre fiscal de l'acceptation de l'avis du ministère des Finances.
Nous pensons que sans une analyse appropriée et documentée comme il se doit, la reddition de comptes à l'égard de décisions de ce genre est compromise. Dans le cas de la décision de 1991, en raison de la contradiction entre la décision et l'opinion de 1985, de l'incohérence entre la décision de 1991 et d'une renonciation qui ne peut être appliquée qu'en allant à l'encontre de la décision et de l'absence de la documentation, nous ne comprenons pas les motifs sur lesquels la décision est fondée.
En outre, nous continuons de nous préoccuper de l'absence d'analyse du risque posé par des opérations qui semblent avoir une incidence aussi importante sur l'assiette fiscale.
[Français]
Notre troisième préoccupation a trait au traitement juste et équitable de tous les contribuables. Comme nous le soulignons dans l'observation, la décision de 1985 n'était pas du domaine public, alors que l'opinion de 1985, qui exprimait un point de vue différent, était du domaine public depuis quelque temps. Comme la décision de 1991 a finalement été publiée en mars 1996 et que les détails de cet arrangement fiscal sont maintenant du domaine public, je crois qu'il est encore plus urgent de corriger la situation. De plus, comme je l'ai dit plus tôt, l'omission de l'engagement et de la renonciation dans la version publiée de la décision pourrait bien entraîner une plus forte érosion de l'assiette fiscale canadienne.
Pour ce qui est de l'opération examinée, la loi applicable est la Loi de l'impôt sur le revenu et la convention fiscale entre le Canada et les États-Unis. Cependant, le recours à la renonciation et à l'engagement a influencé la façon dont on a appliqué la loi. Il n'est pas certain que tous les contribuables pourraient utiliser ces moyens. Par conséquent, cette affaire soulève ici le principe de l'obligation de rendre compte. La question qui se pose est de savoir si Revenu Canada devrait pouvoir conclure des ententes particulières dont les répercussions pourraient être fondamentalement différentes de celles qui découleraient de l'application stricte de la loi et comment Revenu Canada devrait être tenu responsable de telles ententes.
[Traduction]
Monsieur le président, pour conclure, l'observation de vérification qui a servi de catalyseur à notre discussion d'aujourd'hui soulève de sérieux motifs d'inquiétude au sujet de certains aspects de l'administration de notre régime fiscal et au sujet de l'interprétation de la politique concernant l'imposition de certains gains en capital.
J'espère que le comité sera en mesure de clarifier toute ambiguïté au sujet de la loi et de son intention de sorte que la loi et son application puissent continuer de refléter entièrement l'intention du Parlement. J'espère également que le Comité permanent des comptes publics examinera le processus décisionnel.
Avant de terminer, j'aimerais faire un dernier commentaire au sujet de l'incidence fiscale de la décision de 1994. Dans notre observation, nous avons dit qu'il:
- est peu probable que si la décision demandée n'avait pas été rendue, les opérations envisagées
auraient été effectuées et auraient immédiatement entraîné un impôt à payer.
Merci, monsieur le président. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
Le président: J'aimerais vous demander brièvement d'apporter une précision. Quand vous dites que les opérations qui ont fait l'objet d'une décision frustraient l'esprit de la loi en ce qui concerne l'imposition des gains en capital, voulez-vous parler des mesures contenues dans la Loi de l'impôt sur le revenu ou de la mesure dans la Loi de l'impôt sur le revenu modifiée par la convention fiscale canado-américaine?
M. Desautels: Je veux parler de ces deux lois, oui.
Le président: Vous soutenez donc qu'on a violé l'esprit de la Loi de l'impôt sur le revenu telle que modifiée par la convention fiscale canado-américaine.
M. Desautels: Monsieur le président, c'est...
Le président: La mesure législative régissant les gains en capital est énoncée dans les deux, n'est-ce pas? J'essaie simplement de comprendre votre point de vue.
M. Desautels: Notre position de départ, monsieur le président, c'est la mesure régissant l'imposition des gains en capital telle qu'elle figure dans la Loi de l'impôt sur le revenu.
Le président: D'accord.
M. Desautels: C'est la définition de bien canadien imposable contenue dans la loi.
La convention fiscale canado-américaine est, pour ainsi dire, un texte législatif secondaire...
Le président: Qu'entendez-vous par secondaire?
M. Desautels: Eh bien, elle a été conclue indépendamment de la Loi de l'impôt sur le revenu et elle est modifiée de temps à autre, au besoin, tandis que la Loi de l'impôt sur le revenu...
Le président: Afin que je comprenne bien votre point de vue, si le gouvernement devait apporter une modification à la Loi de l'impôt sur le revenu qui porterait le taux d'imposition à 40 p. 100 sur les dividendes, qu'est-ce qui prévaudrait: la Loi de l'impôt sur le revenu ou la convention fiscale canado-américaine?
M. Desautels: Je pense que le Canada est signataire de la convention fiscale canado-américaine...
Le président: Bien sûr.
M. Desautels: ...et par conséquent il doit honorer tout engagement qu'il a pris.
Le président: Ainsi donc, même si vous dites que la convention fiscale a une importance secondaire, elle prévaudrait sur les modifications à la Loi de l'impôt sur le revenu.
M. Desautels: Ce que j'essaie de dire, monsieur le président, c'est qu'il y avait certains...
Le président: Je vous pose une question bien précise. Quand vous prétendez qu'on viole ici l'esprit de la loi régissant l'imposition des gains en capital, parlez-vous de la Loi de l'impôt sur le revenu ou de la Loi de l'impôt sur le revenu modifiée par les dispositions primordiales - et non pas secondaires - de la convention fiscale canado-américaine?
M. Desautels: Quand nous parlons de l'esprit de la loi, nous devons tenir compte de la convention fiscale canado-américaine.
Le président: D'accord. Alors vous soutenez donc que l'esprit de la loi, c'est-à-dire tel qu'exprimé dans la Loi de l'impôt sur le revenu et modifiée par la convention fiscale canado-américaine, a été enfreint. L'esprit de la loi, tel que modifié par le traité fiscal, consistait à dire qu'il y aurait dû y avoir des impôts perçus au Canada.
J'essaie simplement de m'y retrouver. Je ne remets pas en question ce que vous dites; je veux simplement savoir ce que vous dites.
M. Shahid Minto (vérificateur général adjoint, Bureau du vérificateur général du Canada): Monsieur le président, ce que nous soutenons, c'est que l'esprit de la loi dont nous parlons est énoncé et dans la convention et dans la Loi de l'impôt sur le revenu.
Quand on signe des conventions de ce genre ou qu'on apporte des modifications à la loi, on prend les mesures voulues pour s'assurer de leur compatibilité. Nous disons que l'intention à laquelle on en est arrivé, le produit final, a été violée.
Le président: Afin que je comprenne parfaitement bien, vous soutenez que la loi visait en l'occurrence à percevoir des impôts sur des gains en capital. Cette mesure est contenue dans la Loi de l'impôt sur le revenu et est modifiée et supplantée par la convention fiscale canado-américaine. Quelle est la disposition de la convention fiscale qui permet en l'occurrence de parer à l'imposition?
M. Minto: Ce qui importe dans la situation présente, c'est qu'on a affaire à une fiducie. La partie de la convention qui nous occupe ici prévoit que si la fiducie est restée au Canada pendant moins de 10 ans avant de partir aux États-Unis, on ne peut pas l'imposer. Voilà la partie pertinente de la convention qui nous intéresse. La convention entre en jeu...
Le président: Est-ce bien là l'intention des auteurs de la convention? Ont-ils voulu qu'on applique une règle de 10 ans?
M. Minto: La convention indique clairement que si la fiducie passe moins de 10 ans au Canada, on ne peut pas l'imposer.
Le président: C'est donc l'intention de la loi telle qu'elle apparaît dans la convention fiscale canado-américaine?
M. Minto: Monsieur le président, c'est le sens de la convention.
Le président: Dans ce cas, c'est la loi applicable, et la convention a préséance sur la Loi canadienne de l'impôt sur le revenu.
M. Minto: Oui.
Le président: D'après l'esprit de la loi applicable, la fiducie n'est pas imposable.
M. Minto: Monsieur le président, je voudrais revenir au fait que si le ministère a obtenu une renonciation et un engagement, c'est précisément pour contourner cette difficulté. C'est pour essayer de résoudre ce problème que le ministère a obtenu la renonciation et l'engagement.
Le président: Je voudrais simplement savoir quelle est l'intention de la loi. Vous nous avez dit quelle est, à votre avis, la mesure applicable; c'est la Loi de l'impôt sur le revenu modifiée par la convention fiscale qui a préséance. Vous dites que cette convention fiscale, avec sa règle des 10 ans, a pour effet de ne pas imposer ces transactions.
M. Minto: Monsieur le président, je voudrais revenir un peu en arrière; l'intention de la loi au Canada veut que les gains en capital soient versés en fonction du lieu de résidence, et lorsqu'on dispose...
Le président: Que voulez-vous dire par «au Canada»? Est-ce que la Loi de l'impôt sur le revenu s'applique ou non?
M. Minto: La structure de la Loi de l'impôt sur le revenu...
Le président: C'est la loi proprement dite, et le traité n'y change rien?
M. Minto: Non, monsieur. Je voudrais tout d'abord parler de la loi.
Le président: C'est parfait.
M. Minto: La structure de la loi est la suivante: les résidents canadiens paient un impôt sur les gains en capital lorsqu'ils disposent de leurs biens, lorsqu'ils meurent - il existe une disposition déterminative - ou lorsqu'ils quittent le pays - c'est encore une disposition déterminative. Ensuite, la loi prévoit certaines exceptions.
Le président: Oui, nous le savons.
M. Minto: Ces exceptions visent, d'une part, à rendre la loi compatible avec la convention et, d'autre part, à répondre à d'autres motifs.
C'est là que la convention entre en jeu...
Le président: Un instant. Ces dispositions n'ont pas été ajoutées à la loi après l'entrée en vigueur de la convention. Elles datent de 1970 ou 1971, soit avant que la convention n'ait eu de dispositions concernant les gains en capital.
M. Minto: Vous ne m'interrogez pas sur un point particulier...
Le président: Non, je reprends ce que vous avez dit. Vous dites que ces exceptions ont été ajoutées à la loi pour la rendre compatible avec la convention. Moi, je vous dis que vous ne présentez pas correctement les faits; la loi est antérieure à la convention.
M. Minto: Je voulais vous faire remarquer que la loi et la convention ne sont pas incompatibles, qu'il y a des gens qui s'efforcent de les faire coïncider, j'essayais de vous en donner un exemple.
Le président: Je ne comprends pas cela.
[Français]
Merci beaucoup. Passons aux questions. Je n'y comprends rien.
Monsieur Loubier.
M. Loubier (Saint-Hyacinthe - Bagot): Bienvenue, messieurs Desautels, Minto et Elkin au Comité permanent des finances.
Ce qui transpire vraiment de votre rapport, lorsque vous faites allusion à certains articles de la Loi de l'impôt sur le revenu - et cela m'apparaît clair lorsque je les lis - , est qu'un Canadien ne peut pas posséder de biens canadiens imposables. Ainsi, un Canadien ne peut pas posséder des biens canadiens imposables à l'intérieur d'une fiducie et ne peut donc pas bénéficier d'un traitement de faveur comme celui qui a été accordé le 31 décembre 1991, n'est-ce pas?
Ce matin, j'ai posé la question au sous-ministre des Finances et au sous-ministre du Revenu. Je leur ai demandé sur quoi ils avaient basé leur décision et quel était leur rempart, au niveau de la fiscalité, pour affirmer qu'un résident canadien pouvait avoir, dans sa fiducie, des biens canadiens imposables et transférer deux milliards de dollars d'actifs aux États-Unis sans qu'aucun gain en capital ne soit imposé. Les sous-ministres n'ont fait allusion d'aucune façon à l'alinéa 97(2)c) dont vous avez fait mention, alors qu'ils l'avaient fait auprès du Comité permanent des comptes publics. Ils ont mentionné l'article 48, mais sans en préciser le contenu, bien que j'y sois revenu à plusieurs reprises.
J'aimerais que vous nous éclairiez sur ces deux aspects. En premier lieu, pourriez-vous définir la notion de biens canadiens imposables? Pourquoi l'esprit de la Loi de l'impôt sur le revenu, et même la lettre de certains articles comme vous le mentionnez dans votre rapport, est-il que les résidents canadiens ne peuvent avoir de biens canadiens imposables? Deuxièmement, pourriez-vous nous expliquer pourquoi, ce matin, M. Dodge ou M. Farber s'est référé à l'article 48 sans jamais expliquer de quoi il s'agissait?
J'aurai d'autres questions, monsieur le président.
[Traduction]
M. Barry Elkin (directeur principal, Opérations de vérification, Bureau du vérificateur général du Canada): Le député a posé une question concernant les biens canadiens imposables.
Tout d'abord, je ne pense pas qu'on puisse invoquer une disposition de la Loi de l'impôt sur le revenu ou de la convention qui établirait clairement qu'un bien particulier constitue un bien canadien imposable. Il faut considérer un certain nombre de dispositions avant d'en venir à une conclusion.
Je peux vous dire comment Revenu Canada en est venu à cette conclusion.
C'est parce que précédemment, les actions d'une société privée ont été échangées contre des actions d'une société publique. Il y avait une disposition déterminative - je crois que c'est l'alinéa 85(1)i) d'après laquelle ces actions constituaient un bien canadien imposable de la fiducie canadienne. Si vous acceptez cet argument, à savoir qu'elles constituaient un bien canadien imposable d'une fiducie canadienne, lorsque la fiducie canadienne transmet ces actions à la fiducie qui a quitté le pays et qui se trouve désormais aux États-Unis, les actions sont exonérées d'impôt, étant entendu qu'en vertu de la convention, le Canada a préservé son droit de les imposer.
Le problème, c'est que d'après la réponse que nous a fait parvenir Revenu Canada et d'après l'avis juridique, ces dispositions ont amené tout le monde à conclure qu'il s'agissait de biens canadiens imposables de la fiducie canadienne. N'oublions pas que ces actions sont passées d'une fiducie canadienne à une fiducie étrangère, et à mon avis, elles n'ont pas conservé leurs caractéristiques initiales dans la fiducie étrangère. Le bien canadien imposable d'une fiducie canadienne ne conserve pas ses caractéristiques de bien canadien imposable s'il appartient à une fiducie étrangère.
En outre, d'après la politique énoncée par le ministère des Finances, ce ministère était disposé à reporter l'impôt, c'est-à-dire de ne pas imposer les biens lorsqu'ils ont quitté le Canada, étant entendu qu'en vertu de la convention canado-américaine, il préservait son droit de les imposer à une date ultérieure. En fait, le ministère n'a pas réussi à préserver son droit de les imposer à une date ultérieure, si bien que les objectifs de cette politique ont été battus en brèche.
Le ministère a essayé de considérer cette transaction comme celle d'un particulier qui quitte le pays avec les mêmes actions; celui-ci le fait par choix, et les actions sont donc réputées être des biens canadiens imposables. Ce particulier doit donner une garantie au Canada. En vertu de la convention canado-américaine et de la Loi de l'impôt sur le revenu, le Canada a le droit d'imposer ces actions dans certaines circonstances. Ce droit peut être écarté au bout d'un certain nombre d'années.
On a donc essayé d'appliquer la même analyse à une autre situation, mais pour cela, il faut une entente particulière, une renonciation et un engagement.
[Français]
M. Loubier: Cela voudrait donc dire que les fonctionnaires du ministère des Finances et de Revenu Canada auraient interprété selon leurs propres règles la façon d'administrer ce principe de biens canadiens imposables par opposition à ceux contenus dans les fiducies familiales.
Vous êtes aussi en train de dire qu'en raison de la convention fiscale qui existe entre le Canada et les États-Unis, on a travesti non seulement l'esprit, mais aussi en quelque sorte la lettre des différents articles de la Loi de l'impôt sur le revenu qui n'auraient normalement pas permis que de tels actifs de résidents canadiens soient considérés comme des biens canadiens imposables, et donc transférables aux États-Unis, sans qu'il y ait d'imposition sur les gains de capital. Est-ce bien ce que vous vous dites, monsieur Elkin?
[Traduction]
M. Elkin: Tout d'abord, nous ne comprenons pas vraiment le fondement de cette décision. Comme nous l'avons indiqué, la documentation justificative fait défaut. Je peux simplement vous dire comment nous considérons cette transaction et pourquoi, à notre avis, certaines mesures ont été prises. Mais sans les documents justificatifs qui sous-tendent cette conclusion, je ne peux pas vous dire...
[Français]
M. Loubier: Est-ce que vous avez demandé la documentation et qu'on vous a répondu qu'elle était inexistante, ou si on a refusé de vous la fournir?
[Traduction]
M. Elkin: Non. Il n'y avait aucune documentation justificative à l'appui de la lettre du ministère des Finances ni à l'appui du revirement d'opinion au moment où le ministère a choisi de rendre une décision.
Le seul document est intervenu après coup, le 13 janvier 1992, et c'était l'avis juridique, qui faisait référence à la lettre énonçant la directive des Finances. Nous avons demandé au ministère des Finances quel était le fondement de cette directive et nous n'avons pas obtenu de réponse. Nous ne savons pas même exactement qui en est venu à cette conclusion au ministère des Finances.
[Français]
M. Loubier: Comment expliquez-vous qu'un avis ait été émis en 1985 stipulant qu'il ne fallait pas considérer des actifs canadiens dans des fiducies ou ailleurs comme étant des biens canadiens imposables, et que quelques années plus tard on émette un avis renversant le premier?
J'ai posé cette question ce matin à M. Gravelle, sous-ministre de Revenu Canada. Il m'a répondu et, bien que je sois revenu à la charge, je n'ai pu obtenir de précisions supplémentaires. Il y avait une erreur technique dans l'avis de 1985. Est-ce qu'on vous a donné des raisons autres que l'erreur technique qui s'était glissée dans l'avis de 1985? J'aimerais savoir ce qu'elles sont.
[Traduction]
M. Minto: Monsieur le président, je voudrais attirer l'attention des membres du comité sur le paragraphe 1.36 de notre rapport, où nous disons que nous avons voulu examiner l'analyse sur laquelle s'appuie l'opinion donnée. On nous a dit qu'elle n'était peut-être pas techniquement exacte, et nous avons demandé au ministère comment il en était venu à cette conclusion.
On nous a dit que le dossier ne contenait que la demande d'opinion et l'opinion proprement dite. Le dossier ne contient aucune documentation qui puisse montrer le bien-fondé du suivi pour en arriver à opinion. À défaut d'une telle documentation, on ne peut pas déterminer si l'opinion est techniquement exacte ou non, ni si on s'est fondé sur un article réputé non applicable. Nous ne pouvons vraiment pas nous prononcer.
[Français]
M. Loubier: J'aimerais adresser une autre question à M. Minto ou à M. Desautels. Je suis heureux de souligner, tout comme l'indique votre rapport, monsieur Desautels, le caractère urgent de la situation, puisque la décision anticipée rendue en décembre 1991 a pu s'appliquer à d'autres cas de transfert d'actifs aux États-Unis ou ailleurs.
Puisque, lors des séances du Comité permanent des comptes publics, personne, tant de Revenu Canada que du ministère des Finances, n'avait daigné répondre à ma question, j'ai demandé à nouveau ce matin si la décision anticipée de 1991 avait pu servir de précédent pour d'autres fuites de capitaux à l'étranger.
M. Dodge a commencé par dire qu'il était difficile de répondre à ma question. J'ai alors posé la question à M. Gravelle qui a admis que, sans qu'on rende une nouvelle décision anticipée sur un autre cas, un précédent pouvait avoir été créé lors du cas de 1991 et que possiblement d'autres fuites de capitaux avaient pu avoir cours depuis cette date.
Puisqu'il semble présentement y avoir unanimité, sauf dans le cas de la ministre du Revenu national, pour dire qu'il y urgence, je vous demanderais, monsieur Desautels, de nous indiquer de quelle façon concrète nous pourrions en arriver à suspendre cette décision-là et à amener Revenu Canada à envoyer un avis d'interprétation stipulant que les cas futurs ne pourront être interprétés selon la décision anticipée de 1991 puisque cette décision est à l'étude et qu'une analyse très serrée est nécessaire.
Serait-il possible d'en arriver à une telle suspension et, le cas échéant, quelles en seraient les étapes?
M. Desautels: Il n'existe pas de réponse très facile à cette question. Je continue de signaler que c'est relativement urgent. Puisqu'une première décision anticipée a maintenant été rendue publique en 1996, d'autres contribuables connaissent la structure fiscale employée pour cette transaction et peuvent procéder à de telles transactions sans demander d'avis anticipé. Ils n'ont qu'à aller de l'avant. On ne saurait si d'autres contribuables ont tiré profit de cette approche que si Revenu Canada décidait d'attaquer ces transactions lors de ses vérifications ou cotisations éventuelles.
M. Loubier: Mais, monsieur Desautels, le gouvernement a à l'heure actuelle le devoir d'essayer d'enrayer l'hémorragie en suspendant l'application de la décision à d'autres cas.
Partagez-vous cet avis?
M. Desautels: C'est possible.
Je pense que Revenu Canada dispose de certains moyens pour envoyer un message clair et dire que la situation est en train d'être révisée et que la loi pourrait être changée. Je dois toutefois ajouter, comme je l'ai dit lors de ma déclaration d'ouverture, qu'en juillet 1995, Revenu Canada avait émis, en réponse à un autre contribuable, une opinion, et non pas une décision anticipée, à savoir que le contribuable pouvait aller de l'avant avec une telle transaction.
Il y a donc d'autres cas qui ont sans doute été mis en marche depuis.
M. Loubier: J'aimerais adresser une dernière petite question à M. Desautels.
Dans le cas des deux milliards de dollars qui nous intéressent, les fiduciaires ou leurs représentants savaient, depuis le 31 décembre 1991, qu'on pouvait faire de telles interprétations de la Loi de l'impôt sur le revenu et connaissaient l'existence d'une décision anticipée favorable à un transfert sans payer d'impôt.
Pourrait-on dire qu'en raison de la façon dont on a procédé dans ce dossier, on a en quelque sorte créé, depuis décembre 1991, des initiés de la décision anticipée qui auraient pu faire profiter d'autres détenteurs de fiducies familiales ou d'autres détenteurs de capital de leur expertise liée à cette décision particulière?
Autrement dit, des fiscalistes représentant la très riche famille canadienne qui a transféré ces deux milliards de dollars aux États-Unis auraient-ils pu profiter de leurs connaissances du dossier pour vendre cette expertise ailleurs, à d'autres fiduciaires?
M. Desautels: C'est possible.
C'est l'une des critiques que nous avons formulées. Le fait que la décision n'a pas été publiée avant 1996 crée une certaine iniquité entre contribuables. En 1993, nous avions suggéré dans un autre rapport que Revenu Canada publie toutes les décisions anticipées dans certains délais en vue d'être plus juste envers tous les contribuables.
Nous pouvons donc en principe parler d'une certaine iniquité dans ce cas précis puisque l'édition 1985 n'a jamais été publiée et que celle de 1991 n'a été publiée qu'en 1996.
Le président: Merci, monsieur Loubier.
[Traduction]
Monsieur Grubel, vous avez la parole.
M. Grubel (Capilano - Howe Sound): J'aimerais d'abord remercier M. Desautels et ses collaborateurs d'avoir attiré l'attention des parlementaires sur ce cas fort intéressant et potentiellement explosif.
À titre d'économiste, je me permets de faire remarquer que voici un exemple qui montre bien que l'impôt sur les gains en capital n'est pas vraiment une très bonne idée. L'Allemagne, pour sa part, s'en passe très bien. À mon avis, on peut répartir les revenus d'une autre façon que par ce moyen inefficace et inéquitable. Comme nous n'avons pas d'autre choix, il nous faut bien cependant composer avec cet impôt au Canada.
Si vous attirez notre attention sur cette question, c'est bien pour que nous prenions les moyens d'éviter que ce genre d'abus ne se reproduise dans l'avenir. Voilà bien pourquoi nous essayons de comprendre le problème. Voilà aussi pourquoi nous entrons dans tous ces détails si difficiles à comprendre pour ceux qui ne sont pas des avocats.
Je crains de vous paraître naïf en posant cette question, mais j'aimerais savoir s'il faut attribuer le problème aux lois actuelles ou à des décisions bureaucratiques et juridiques erronées ou contestables du point de vue éthique. Peut-être même que c'est les deux à la fois.
J'aimerais aussi savoir s'il est possible d'annuler la transaction conclue en 1993? Est-ce une possibilité? Dispose-t-on des pouvoirs - et je ne songe pas ici au comité, mais plutôt au ministère des Finances - pour imposer des mesures disciplinaires aux fonctionnaires visés ou même pour réprimander leurs patrons politiques?
Enfin, comme vous avez longuement réfléchi à la question, j'aimerais savoir... Si l'on vous demandait de proposer des changements à la loi ou aux procédures de manière à ce qu'un cas semblable ne se reproduise plus dans l'avenir, lesquels proposeriez-vous? M. Dodge nous a parlé ce matin des répercussions qu'entraîneraient ces changements. Y avez-vous songé? Étant économiste, je m'y intéresse beaucoup. L'élimination d'une échappatoire dans cette loi donnera-t-elle lieu à la création d'une autre échappatoire dans une autre loi?
Je m'excuse d'avoir regroupé toutes ces questions, mais elles découlent logiquement les unes des autres.
Le président: Je vous accorde une heure et demie pour y répondre.
M. Grubel: Je m'excuse, monsieur le président.
M. Desautels: Monsieur le président, permettez-moi d'essayer de répondre aussi brièvement que possible à ces questions.
Pour ce qui est d'abord de l'intention de la loi, nous voulons éviter d'être trop dogmatiques en disant voici ce que prévoit la loi et voici ce que vous avez fait. Il nous apparaît que les fonctionnaires ont des avis très partagés au sujet de l'interprétation à donner à la loi et c'est ce qui nous a amenés à dire que nous craignions que les décisions rendues aient frustré l'intention du législateur. Nous ne pouvons cependant pas l'affirmer catégoriquement. Il faudra d'abord savoir si nous pouvons clarifier quelle était vraiment l'intention du législateur.
Le président: Excusez-moi. Permettez-moi de vous citer: «Nous craignons que les opérations qui ont fait l'objet d'une décision... aient frustré l'intention du législateur».
M. Desautels: Oui, «nous craignons qu'elles aient frustré l'intention du législateur».
Le président: Très bien.
M. Desautels: Monsieur le président, j'insiste sur le fait que nous craignons qu'elles aient frustré l'intention du législateur.
Mais pour revenir à la question...
M. Grubel: J'aimerais une précision. M. Loubier a aussi pris ce risque. J'ai cru comprendre ce matin qu'on nous disait que d'une part on voulait imposer les gains en capital réalisés par les Canadiens et que d'autre part, nous voulions faciliter les flux de capitaux.
En fait, en prenant les moyens pour faciliter les investissements étrangers au Canada, nous favorisons la mobilité des capitaux ainsi que la mobilité des personnes, ce qui est grandement avantageux pour notre pays.
Dans le but de favoriser le mouvement des capitaux - qui, dans l'ensemble, nous est bénéfique - , nous devons adopter certaines règles qui, à l'occasion, peuvent être en contradiction avec notre objectif premier qui est d'imposer tous ceux qui ont réalisé des gains en capital. Voilà, je crois, ce que dit M. Peterson.
L'intention du législateur, à laquelle vous faites allusion et qui vous inquiète, est de ne pas imposer pleinement les gains en capital réalisés par tous les résidents canadiens compte tenu du fait qu'il est dans l'intérêt de notre pays de favoriser les mouvements de capitaux à l'échelle internationale.
Avez-vous tenu compte de ces deux objectifs dont l'un consiste à assurer l'équité en matière fiscale et l'autre à favoriser les mouvements de capitaux à l'échelle internationale?
M. Desautels: À mon avis, vous abordez la question sous un angle différent comme on l'a déjà fait dans le cadre d'autres discussions sur les lois en matière fiscale. Si l'objectif du législateur était de favoriser les mouvements de capitaux, on serait en droit de s'attendre que les articles de la loi le reflètent. Ces articles établiraient un lien entre les politiques fiscales et les mouvements de capitaux.
Nous présumons que la loi reflète les intentions des parlementaires au moment où ils l'ont adoptée. Notre travail est de voir à ce que la loi soit appliquée de façon juste et uniforme. Nous ne pouvons pas décider de nous montrer plus souples ou de fermer les yeux sur ce genre de transaction parce qu'on veut atteindre un autre objectif.
Je ne pense pas personnellement qu'on puisse appliquer la Loi de l'impôt de cette façon. Nous devons tenir pour acquis que telle qu'elle se présente, elle reflète les souhaits des parlementaires.
Vous vous demandiez aussi si la loi n'était pas défectueuse.
Plusieurs personnes conviennent avec nous, dont des fonctionnaires de Revenu Canada, que la loi présente des ambiguïtés. Autrement, Revenu Canada aurait facilement pu trancher la question et n'aurait pas eu, pour le faire, à consulter tous les gens qui ont été consultés. Il semblerait que la loi présente des ambiguïtés auxquelles on pourrait remédier.
Vous avez fait allusion à des décisions bureaucratiques. Il n'est pas aussi facile de trancher cette question que les autres que vous m'avez soumises. Je crois cependant que Revenu Canada pourrait rendre la décision inverse ou refuser de rendre une décision anticipée sur cette question. En fait, le ministère pourrait permettre au contribuable de faire ce qu'il veut, ses transactions devant ensuite faire l'objet d'une évaluation et d'une vérification. À notre avis, d'autres décisions auraient pu être rendues dans cette affaire et c'est bien évident que quelqu'un a dû exercer son jugement.
Vous avez parlé de questions d'ordre éthique. Comme je l'ai dit, j'ai eu l'occasion de collaborer à maintes reprises avec Revenu Canada depuis que je suis vérificateur général, et je n'ai jamais été appelé à mettre en doute l'intégrité des hauts fonctionnaires de Revenu Canada.
Comme vous l'avez dit, M. Loubier a aussi posé une question au sujet de la possibilité de renverser la décision qui a été rendue. On me corrigera si j'ai tort car je ne suis pas avocat, mais je pense qu'il faut respecter une décision anticipée. On ne peut la renverser.
D'autres choix s'offrent sans doute au gouvernement s'il décide qu'il faut procéder autrement pour ce genre de transaction dans l'avenir.
Je crois avoir répondu à vos principales questions.
M. Grubel: Que pouvons-nous faire maintenant? Avez-vous des pistes à nous proposer? Comme vous avez fait un examen approfondi de la question, vous avez un immense avantage par rapport à nous. Nous voudrions par ailleurs avoir des conseils de quelqu'un qui est indépendant du ministère des Finances et de Revenu Canada.
M. Desautels: M. Minto peut peut-être vous dire ce qu'il serait possible d'envisager.
M. Minto: Le député a demandé: «Que pouvons-nous faire maintenant?» Je suppose qu'il veut parler, non pas de ces transactions en particulier, mais de ce qu'il faudrait faire de manière générale.
M. Grubel: Je voudrais savoir ce que nous pourrions faire pour l'avenir, pour empêcher que ce contre quoi vous vous êtes opposés puisse se reproduire.
M. Minto: Nous avons rédigé il y a deux ans un chapitre sur les décisions anticipées, et nous avons constaté que le processus est généralement valable. Nous avons constaté que ceux qui obtiennent ces décisions anticipées apprécient le processus et que ceux qui les donnent sont assez compétents et dévoués.
Ce n'est pas tout le processus de décisions anticipées qui est en cause ici, mais deux transactions en particulier.
M. Grubel: D'accord. En ce qui concerne donc ces deux transactions...
M. Minto: Je veux m'assurer d'être bien compris. Ce n'est pas tout le processus de décisions anticipées que nous condamnons, et nous ne disons pas qu'il ne faudrait pas pouvoir obtenir de décisions anticipées. Le processus est valable et apprécié.
Je crois toutefois que les deux transactions dont il est question ici soulèvent certaines questions de responsabilité. Comme l'a dit M. Desautels dans son exposé préliminaire, ce qui nous préoccupe surtout, ce n'est pas d'apporter des modifications importantes à la loi, mais de bien surveiller l'application de certaines de ses dispositions. Il n'y a vraiment aucune raison de modifier le processus de décisions anticipées de façon irréfléchie ou de le réformer en profondeur.
Nous pourrions sans doute prévoir certaines mesures. Je crois savoir que la ministre a annoncé qu'elle avait demandé certaines améliorations relativement au travail de documentation au ministère. Je crois savoir que certaines améliorations ont déjà été apportées. Il semble que le ministère dispose maintenant de bases de données électroniques qui permettraient de repérer et de signaler très rapidement toute opinion ou décision contradictoire. Je crois que le processus pourrait être amélioré par des mesures comme celle-là.
M. Grubel: Vous avez cependant parlé des processus bureaucratiques. Vous deviez avoir quelque chose en tête. Décisions bureaucratiques, lignes directrices - je ne sais pas ce que vous avez dit au juste. J'apprécie toutes les excellentes suggestions que vous avez faites quant au processus pour que ce genre de chose ne puisse pas se reproduire, mais étant donné que cela s'est produit, pourriez-vous mettre le doigt sur quelque chose qui s'est produit et qu'il faudrait surveiller dorénavant pour que la chose ne puisse pas se reproduire?
Le président: Merci, monsieur Grubel.
M. Grubel: Merci.
Le président: Madame Whelan, s'il vous plaît.
Mme Whelan (Essex - Windsor): Je veux obtenir un éclaircissement, car il me semble que deux situations différentes existent. Le particulier ou la société qui transfère des biens à l'étranger doit aussi quitter le Canada et s'installer à l'étranger pour que ces biens deviennent des biens canadiens imposables, n'est-ce pas? Le particulier ou la société doit cesser de résider au Canada?
M. Minto: Oui.
Mme Whelan: Les fiducies jouissent toutefois d'une exonération particulière, en ce sens qu'elles peuvent transférer des biens à l'étranger. Elles n'ont pas besoin de cesser elles-mêmes de résider au Canada.
M. Elkin: Si vous acceptez que l'intention de la politique est de faire en sorte que les Canadiens puissent posséder des biens canadiens imposables, vous obtenez exactement le résultat dont vous parlez: les fiducies canadiennes qui ont des biens canadiens imposables peuvent transférer ces biens canadiens imposables à l'étranger - c'est ce qui s'est produit dans le cas en question, les biens ayant été transférés à une fiducie ne résidant pas au Canada - sans avoir d'impôt à payer. La question qui se pose est la suivante: est-il possible d'imposer cette fiducie qui ne réside pas au Canada?
Alors, vous avez raison. Si vous acceptez que...
Mme Whelan: Non, si je me fie au paragraphe 1.30 de votre rapport, qui dit:
- 1.30 Dans le cas des fiducies qui résident au Canada et qui transfèrent des biens à l'étranger, la
règle générale est que les gains en capital accumulés depuis 1971 relativement aux biens ainsi
transférés sont réputés avoir été réalisés et sont imposés en conséquence. Font exception à cette
règle une catégorie de biens appelés «biens canadiens imposables».
Comment peut-on déterminer à quelle catégorie appartiennent les biens quand on sait que de toute façon le bénéficiaire de la fiducie ne réside pas au Canada? À qui donc appartient la fiducie à strictement parler?
M. Elkin: Vous avez mis le doigt sur ce qui est important. On peut définir les biens considérés comme des biens canadiens imposables; il s'agit de quelque chose de latent. En fait, tout bien peut être considéré comme un bien canadien imposable s'il appartient à un non-résident. C'est tout simplement un terme que nous appliquons à certains biens pour pouvoir imposer les non-résidents.
Le président: C'est ridicule. Vous dites que tout bien peut être considéré comme un bien canadien imposable.
[Français]
M. Loubier: C'est la Loi de l'impôt...
[Traduction]
M. Elkin: Je parle de façon générale.
Le président: Il me semble qu'il vaudrait mieux que vous soyez un petit peu plus précis si vous vous attendez à ce que nous...
M. Elkin: De façon générale, certains types de biens peuvent être considérés comme des biens canadiens imposables, l'idée étant que les biens canadiens imposables sont des biens que nous pouvons ultimement imposer quand ils sont entre les mains de non-résidents. Si nous n'avons pas le droit de les imposer quand ils sont entre les mains de non-résidents, nous voulons pouvoir les imposer quand ils quittent le Canada.
Mme Whelan: À qui appartient la fiducie?
M. Elkin: Eh bien, les éléments d'actif appartiendraient...
Mme Whelan: Aux bénéficiaires?
M. Elkin: Les bénéficiaires auraient des droits. Je ne sais pas ce que vous voulez dire quand vous demandez à qui elle «appartient». Il y aurait des bénéficiaires qui auraient un revenu en capital.
Mme Whelan: À strictement parler, les éléments d'actif vont toutefois au bénéficiaire. Le bénéficiaire est non-résident.
M. Elkin: C'est ce qui s'est produit dans le cas qui nous occupe.
Mme Whelan: Il me semble qu'il y a donc un véritable problème technique pour ce qui est de ce type de biens, et j'essaie de trouver une solution dans la façon dont ils sont définis dans la loi. Quand il s'agit de fiducie, il ne semble pas exister de règle bien claire pour dire que les fiducies n'ont pas le droit de posséder des biens canadiens imposables.
Si c'est ce qui devrait se produire d'après ce que vous dites, quand il s'agit d'un particulier ou d'une société qui transfère des biens à l'étranger, pour que ces biens soient réputés être des biens canadiens imposables, le particulier ou la société doit fournir une sûreté. Les fiducies, par contre, ne sont soumises à aucune exigence semblable. Si c'est là la solution, dites-nous que c'est ce que vous recommandez parce que cette exigence ne semble pas exister dans la loi actuelle.
M. Elkin: Pour mettre les fiducies sur le même pied que les particuliers et les sociétés qui peuvent faire des choix, il faudrait essentiellement que la loi précise que les Canadiens ne peuvent pas posséder de biens canadiens imposables. Si la loi était claire à ce sujet...
Mme Whelan: Ce que vous dites là ne tient pas. Vous poursuivez en disant, au paragraphe 1.31, que les Canadiens ou les sociétés canadiennes qui quittent le pays ont le droit de considérer certains biens comme des biens canadiens imposables quand ils deviennent non-résidents.
M. Elkin: Ils ont le droit de considérer ces biens comme des biens canadiens imposables.
Mme Whelan: Cependant, tant qu'ils n'ont pas quitté le pays, ils en sont toujours résidents et la loi précise qu'ils doivent fournir une sûreté satisfaisante avant de quitter le pays. Au moment où ils fournissent cette sûreté, ils sont toujours résidents, mais vous considérez déjà qu'ils sont en possession de biens canadiens imposables. Ils ne sont pas encore des non-résidents, alors il me semble qu'il y a là un problème encore plus grave dans la façon dont la loi est formulée.
M. Elkin: Non, la formulation ne fait pas de problème. Car le libellé de la loi dit bien qu'il s'agit de biens canadiens imposables. Les biens sont considérés comme des biens canadiens imposables tout comme si le résident ne résidait pas au Canada. Ce que vous dites essentiellement, c'est que, dans le cas du particulier qui fait un choix et qui décide d'inclure ces biens dans la catégorie de biens canadiens imposables, nous ne perdons pas notre autorité sur ces biens quand il quitte le pays. Le fait que ces biens soient désignés comme des biens canadiens imposables nous permet de continuer à les imposer.
Ce que nous disons, c'est qu'il y a certains biens qu'il est difficile d'imposer quand ils sont à l'étranger, comme les actions de sociétés privées. Quand il s'agit de biens comme cela, nous voulons une sûreté quelconque pour avoir l'assurance que, quand le non-résident réalisera son bien, nous obtiendrons notre juste part, ou ce à quoi nous avons droit.
Mme Whelan: Mais la loi permet à un particulier ou à une société qui réside au Canada et qui quitte le Canada de choisir de transformer des actions de sociétés publiques en biens canadiens imposables sous réserve de fournir une sûreté satisfaisante. Vous dites que la fourniture de cette sûreté satisfaisante est postérieure à l'autorisation de départ?
M. Elkin: Non.
Mme Whelan: Ils doivent donc fournir cette sûreté satisfaisante avant de partir. Ils ne sont pas non-résidents lorsqu'ils fournissent cette sûreté mais c'est leur intention.
M. Elkin: Ce choix est conditionnel. Il faut que ce choix soit fait avant le départ et bien évidemment que la sûreté soit fournie avant le départ, mais tout repose sur ce statut de non-résident.
Mme Whelan: Est-ce que vous suggérez pour les fiducies une législation analogue quand des biens sont transférés d'une fiducie résidente à une fiducie non résidente?
M. Elkin: La législation interdit aux fiducies de se livrer à ce genre d'opération. La réforme fiscale de 1971 avait pour objectif la mobilité. On ne voulait plus que les Canadiens qui quittent le pays pendant une brève période, par exemple, soient fiscalement pénalisés. Il y a les Canadiens qui vont faire des études à l'étranger ou qui quittent le pays pour des contrats à l'étranger mais qui reviennent. Il existait donc certaines règles.
Mme Whelan: Je ne parle pas de cette possibilité de choix. À l'heure actuelle, les actions de sociétés privées qui sont transformées en actions de sociétés publiques sont considérées comme des biens canadiens imposables s'ils sont détenus par des non-résidents. Nous permettons aux Canadiens et aux étrangers de posséder des biens canadiens imposables ou des actions de sociétés publiques sous réserve de la fourniture d'une sûreté satisfaisante. Il y a des dispositions spéciales pour les fiducies qui ne rendent pas le départ obligatoire.
Je crois que le problème est beaucoup plus important. Les fiducies n'ont pas à quitter le pays et peuvent disposer des biens qu'elles possèdent à l'étranger. La seule exception entraînant un paiement est celle des biens canadiens imposables. Un article de la loi stipule qu'un actif est réputé être un bien canadien imposable s'il y a transfert d'une société privée à une société publique.
M. Elkin: Vous avez absolument raison. Pour Revenu Canada cette fiducie contenait des actifs qu'il considérait comme étant des biens canadiens imposables. Par conséquent ils pouvaient être transférés à l'étranger - et c'est exactement ce qui s'est passé - dans une autre fiducie. La fiducie aux États-Unis était la bénéficiaire de la fiducie au Canada. Il s'agit donc de répartition de capitaux et ce n'est pas imposable; vous avez absolument raison.
Si c'était un particulier, il faudrait que ce particulier dise: j'ai des actions de sociétés publiques et désormais elles seront considérées comme des biens canadiens imposables. Le gouvernement dit très bien, fournissez-moi une sûreté quelconque qui vous obligera à respecter la convention canado-américaine en cas de départ.
Il y a un autre problème. Supposez que la fiducie détienne des actions de sociétés publiques qui ne sont pas le résultat d'un échange, ces actions ne peuvent être exportées comme dans le cas qui nous intéresse. Il y a donc certaines contradictions. Supposez qu'une fiducie ait acquis des actions de sociétés publiques d'une autre manière, par exemple par l'intermédiaire d'un particulier...
Mme Whelan: Je ne vois pas la contradiction quand les actions d'une société privée sont réputées être...
M. Elkin: Au niveau des fiducies cette contradiction existe.
Mme Whelan: Comment peut-il y avoir contradiction quand la législation dit que les actions de sociétés publiques...
M. Elkin: Cela ne s'applique pas aux fiducies.
Mme Whelan: ... échangées contre des actions de sociétés privées sont censées être considérées de la même manière? C'est automatique, le transfert est décidé.
M. Elkin: J'essaie simplement de dire la chose suivante. Si vous avez des actions de sociétés privées et que vous les échangez contre des actions de sociétés publiques, c'est ce que nous disons dans notre note, ces actions de sociétés publiques deviennent des biens canadiens imposables du simple fait de cet échange.
Supposons qu'une fiducie achète des actions de sociétés publiques. Ces actions de sociétés publiques ne sont pas acquises dans le cadre d'un échange.
Mme Whelan: La situation n'est pas la même.
M. Elkin: Non, elles ne sont pas considérées comme étant des biens canadiens imposables.
Mme Whelan: Je n'ai jamais dit cela. La situation n'est pas du tout la même.
M. Elkin: Vous traitez des biens canadiens imposables...
Le président: Merci, madame Whelan.
Monsieur Dhaliwal, je vous en prie.
M. Dhaliwal (Vancouver-Sud): De toute évidence c'est une question complexe. Cela nous ramène à ce que je disais tout à l'heure: y a-t-il quelqu'un qui comprenne vraiment la Loi de l'impôt? Je finis par me le demander.
Avec votre permission, je vais essayer de reformuler le problème en termes simples, en termes que je comprends. Je suis peut-être naïf, mais je compte sur votre patience.
Commençons par les fiducies. Je suppose que les gens constituent des fiducies pour toutes sortes de raisons. L'une d'entre elles est la limitation des obligations fiscales. Est-ce que c'est un des principaux motifs de création de fiducies, dans la majorité des cas, la réduction de l'imposition?
M. Elkin: Il est très difficile de vous donner une seule réponse. Il est évident que les fiducies sont utilisées comme moyen de détention de biens parce que d'une manière générale elles offrent une grande souplesse au niveau des divers types de bénéficiaires, qu'il s'agisse de bénéficiaires de capitaux, de revenus ou de bénéficiaires discrétionnaires. Elles vous offrent une grande marge de manoeuvre au niveau de l'utilisation et du contrôle des actifs. Les fiducies sont également utilisées, ça c'est certain, pour répartir les revenus. Il peut y avoir des bénéficiaires discrétionnaires et ils permettent la répartition des revenus.
M. Dhaliwal: Lorsque vous parlez de répartition des revenus, vous entendez division des revenus entre un plus grand nombre de personnes permettant ainsi de réduire le niveau d'imposition.
M. Elkin: Je ne sais pas si cela entraîne nécessairement une réduction des obligations fiscales. Les fiducies facilitent le versement de revenu aux bénéficiaires au contraire de ce qui se passe lorsqu'il s'agit d'actionnaires ou d'investisseurs. Elles autorisent des bénéficiaires discrétionnaires.
Elles sont donc utilisées à cette fin. Elles sont probablement utilisées à toutes sortes de fins.
M. Dhaliwal: Dans ce cas particulier, ou d'après ce que vous semblez dire, une exception a été faite, exception que votre lecture de la Loi de l'impôt ou ma lecture de la Loi sur l'impôt ne prévoit pas vraiment. C'est ce que je crois comprendre de vos propos et de ce que j'ai lu. À chaque exception en matière fiscale correspond un perdant et un gagnant. Qui est le gagnant et qui est le perdant dans ce cas-ci?
M. Minto: Nous prétendons que dans ce cas le perdant est l'assiette fiscale canadienne, que le Canada renonce à d'importantes recettes fiscales potentielles.
M. Dhaliwal: Vous ne pourriez pas nous donner une idée des pertes fiscales potentielles entraînées par cette décision?
M. Minto: Nous ne connaissons pas le détail de la situation fiscale de ce contribuable. Nous ne connaissons pas la base de coût de ce contribuable. Nous savons que depuis 20 ans ses actifs ont pris de la valeur et qu'ils se montent aujourd'hui à un total de 2 milliards de dollars.
M. Dhaliwal: Vous avez dit tout à l'heure qu'à la suite de cette décision, même si des arrangements ont été pris, le gouvernement ne pourra plus assujettir cette fiducie à aucun impôt, impôt qu'elle aurait dû payer si elle était résidente canadienne.
M. Minto: La question est de savoir comment Revenu Canada va contrôler les activités de cette fiducie maintenant qu'elle est aux États-Unis. Comment le ministère sera-t-il informé des transactions auxquelles elle se livrera?
Nous savons que le seul moyen de faire jouer la garantie est de renoncer à la décision initiale. Nous savons qu'en gros le contribuable s'est engagé à renoncer à ses droits juridiques et l'examen des propres dossiers de Revenu Canada nous indique qu'il est impossible de faire respecter ce genre d'engagement. Si les actions sont vendues, nous ne savons pas comment nous pourrons nous faire payer.
Nous ne savons pas ce qu'il adviendra de cette fiducie, si elle restera aux États-Unis ou si elle sera transplantée ailleurs.
Ce que nous disons, c'est que les mécanismes qui sont censés garantir le paiement de l'impôt ne fonctionnent pas, du moins à ce que nous avons constaté.
Revenu Canada peut peut-être vous donner une meilleure explication.
M. Dhaliwal: Ce qui vous préoccupe sans doute, c'est notamment qu'il s'agit là de sommes énormes. Quand on parle de fiducies de 1 ou de 2 milliards de dollars, cela représente des sommes énormes que le gouvernement ne pourra peut-être même pas recouvrer à un moment donné ou à un autre.
M. Minto: C'est justement ce que nous prétendons, à savoir que le Canada a abandonné au droit de recouvrer ultérieurement l'impôt.
Le président: Monsieur Pomerleau.
[Français]
M. Pomerleau (Anjou - Rivière-des-Prairies): Merci de votre rapport, monsieur Desautels.
Ma première question porte sur la compagnie qui a fait des transferts aux États-Unis. On nous disait ce matin que selon les ententes et traités, si cette compagnie vendait ses actions dans un délai de 10 ans, ces dernières seraient habituellement taxables au Canada. Vous semblez nous dire que nous pourrions en percevoir des impôts. Dans votre rapport, vous disiez qu'en vertu d'une clause de la convention fiscale entre le Canada et les États-Unis, si la Fiducie protectrice existait depuis moins de 10 ans, le Canada n'aurait pratiquement aucun droit.
Pourriez-vous préciser votre pensée? J'y vois un désaccord fondamental.
M. Desautels: Nous disions qu'en principe, puisque la Fiducie protectrice avait, en moins de 10 ans, été créée puis transférée aux États-Unis, elle n'était pas traitée comme résidente canadienne. C'est en raison de ce détail technique de la loi que Revenu Canada a exigé du contribuable les engagements dont nous parlions plus tôt, afin que si ce dernier dispose des actions en moins de 10 ans, il soit tenu de les rapporter. Cependant, le contribuable s'est engagé à ne pas en disposer à l'intérieur de la période de 10 ans.
La loi permettait un certain traitement, mais Revenu Canada a exigé que le contribuable s'engage à ne pas disposer des actions à l'intérieur de...
M. Pomerleau: Si le contribuable ne disposait pas de ses actions à l'intérieur de 10 ans, mais qu'il le faisait dans la onzième ou douzième année, serait-il alors assujetti à la Loi de l'impôt sur le revenu du Canada?
M. Desautels: Si les actions du contribuable étaient vendues aux États-Unis après 10 ans, elles ne seraient pas imposables au Canada, parce que selon la convention fiscale...
M. Pomerleau: Elles seraient imposables aux États-Unis. Donc, même si le contribuable se soumet à ses obligations et ne dispose pas de ses actions en deçà de dix ans, au bout du compte, s'il en dispose à la onzième année, on perd tout l'impôt canadien là-dessus.
M. Desautels: C'est le principe qui prévaut non seulement pour ces transactions-ci, mais pour l'ensemble des transactions de ce genre.
M. Pomerleau: Ce matin, le sous-ministre du Revenu, je crois, nous a dit qu'à sa connaissance, depuis la décision anticipée de 1991, il n'y avait pas eu d'autres décisions. Vous dites que Revenu Canada a reçu une demande d'opinion - ce n'était pas une décision - en juillet 1994 et qu'on n'y a répondu qu'en juillet 1995. Vous n'avez pas analysé à fond cet aspect de la chose. Vous avez seulement vu qu'il y avait eu une demande d'opinion. Cette transaction ne faisait pas partie de vos analyses.
M. Desautels: À cause de notre présence au ministère, nous savons que cette opinion a été émise. Cette opinion n'est pas une décision anticipée et n'a pas le même statut qu'une décision anticipée. Il serait presque impossible de faire un relevé de toutes les transactions de ce genre qui ont pu être effectuées.
Les transactions peuvent avoir été faites par des contribuables et simplement rapportées plus tard dans leur déclaration d'impôt. C'est seulement au moment où les déclarations d'impôt sont examinées qu'on sait si d'autres contribuables ont fait des transactions de ce genre.
M. Pomerleau: Vous citez cette demande d'opinion en particulier parce que c'est la seule que vous avez vue. Il n'y en a pas eu d'autres à part celle-là?
[Traduction]
M. Minto: Nous n'avons pas cherché à en trouver, depuis ce...
M. Pomerleau: Même si c'est le seul cas que vous ayez constaté, il pourrait bien y en avoir d'autres.
M. Minto: Monsieur le président, depuis que nous avons terminé cette vérification, nous n'avons pas essayé de trouver d'autres cas. Peut-être que nous essaierons de débusquer d'autres cas de ce genre lors de nos futures vérifications, mais pour l'instant, nous ne l'avons pas fait.
Le président: Madame Brushett.
Mme Brushett (Cumberland - Colchester): Merci, monsieur le président.
Merci d'avoir éclairé notre lanterne.
Il m'apparaît que cette affaire laisse une grande place à l'interprétation personnelle et que cette dernière donne lieu à des ambiguïtés et à des contradictions. On peut se demander s'il arrive souvent qu'il y ait autant de différences dans les diverses interprétations personnelles auxquelles donnent lieu ces décisions.
M. Desautels: La Loi de l'impôt sur le revenu est une loi complexe qui ne peut prévoir toutes les éventualités ni toutes les situations dans lesquelles les contribuables pourraient se trouver; je suis sûr qu'on demande régulièrement à Revenu Canada d'interpréter différents cas, qui peuvent parfois être inusités et que les législateurs n'avaient pas prévus au moment où ils avaient rédigé la loi. Je répète que c'est une loi complexe, et qu'il faut constamment l'interpréter, ce qui n'est pas inhabituel en soi. Comme nous l'avons signalé en 1993, il est prévu que le ministère peut émettre des décisions anticipées, justement parce que la Loi de l'impôt sur le revenu est une loi complexe que les contribuables ont du mal à interpréter sans l'aide de spécialistes.
Mme Brushett: Dans le même ordre d'idées, est-il normal de ne trouver aucun document relatif à ces interprétations et que celles-ci ne soient pas signées?
M. Minto: Si vous jetez un coup d'oeil aux transactions signalées dans notre rapport, vous constaterez que nous avons découvert que les dossiers étaient fort bien documentés jusqu'au moment où la décision a été renversée.
Dans un cas aussi complexe que celui-là, on fait appel à beaucoup de gens, on leur demande leur opinion et on en discute énormément. Il y a donc eu plusieurs réunions, pour lesquelles des procès-verbaux ont été rédigés, puis analysés.
Si j'étais à votre place, que l'affaire soit aussi complexe et d'une telle ampleur, je serais énormément perturbé et surpris de ne trouver aucun document relatif au renversement de la décision, surtout si toutes les étapes antérieures sont amplement documentées.
Le président: Une dernière question, madame Brushett.
Mme Brushett: Oui, et elle sera brève.
Puis-je vous renvoyer au paragraphe 1.36 de votre rapport dans lequel vous parlez de l'opinion. Vous affirmez que «Revenu Canada nous a signalé qu'il considère maintenant cette opinion comme inexacte sur le plan technique.» Or, ce n'est pas ce qu'a permis de déterminer votre vérification. Pourriez-vous nous donner des explications?
M. Minto: Monsieur le président, il s'agit d'une opinion rendue en 1985. Si vous regardez la chronologie des événements, le ministère a en effet donné une opinion en 1985. Une semaine après, le ministère recevait une demande d'opinion semblable au sujet d'un cas dont les faits étaient comparables. Or, cette deuxième opinion affirmait tout à fait le contraire, soit que les résidents ne peuvent détenir des biens canadiens imposables.
C'est à ce moment-là que, en cours de vérification, nous avons été sensibilisés à la question. Le ministère a donc affirmé que, d'après lui, l'opinion était inexacte sur le plan technique. Nous avons donc demandé au ministère comment il avait tiré cette conclusion, puisque la seule façon de tirer cette conclusion, c'était de revenir à la décision originale.
C'est à ce moment-là que nous avons demandé au ministère de rouvrir ces dossiers pour essayer de trouver des documents afférents. Comme aucun document n'a été trouvé, malgré la vérification, nous ne pouvons vous dire si l'opinion était exacte ou inexacte sur le plan technique, puisque nous n'avons jamais pu mettre la main sur la décision originale.
Mme Brushett: Merci.
Le président: Merci, madame Brushett.
Monsieur Campbell, allez-y.
M. Campbell (St. Paul's): Merci, monsieur le président. Un ou deux commentaires d'abord, puis une ou deux questions.
M. Grubel a utilisé plus tôt des termes provocants quand il a parlé de cette affaire explosive et d'abus. Je voudrais signaler, monsieur le président, que notre comité n'a encore rien conclu de tel, et que M. Grubel parlait sans doute en son propre nom.
M. Grubel: Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. Je demandais si... Je veux corriger l'impression que j'ai laissée. Je ne voulais aucunement laisser entendre...
M. Campbell: Vous vous faites d'habitude des scrupules de dire quoi que ce soit d'injuste.
M. Grubel: Je demandais si c'était possible.
M. Campbell: Très bien.
Donc, notre comité n'a rien conclu de tel. Le vérificateur général a fait une observation, et d'autres se sont peut-être prononcés, mais notre comité ne l'a pas encore fait.
Monsieur le président, M. Loubier s'est inquiété des mesures qui avaient été prises à cause de toute la publicité engendrée.
C'est ironique, en effet. Nous nous réjouissons de la publicité qu'a attirée l'intervention du vérificateur général sur toute cette affaire, mais je ne suis pas sûr que ce soit ce genre de publicité en soi que... certaines gens suivent peut-être de près cette affaire et planifient leurs agissements en conséquence.
M. Loubier a demandé comment avait réagi le ministère et s'il était possible d'agir de toute urgence, mais il a omis de mentionner l'annonce faite par la ministre du Revenu national aujourd'hui même à la Chambre, en réponse justement à une de ces questions: la ministre a annoncé que toutes les décisions fiscales analogues sont suspendues et qu'elles ne seront rendues qu'à la fin des délibérations de notre comité. Je tenais à le préciser.
Passons maintenant à mes questions.
Je me reporte à l'alinéa 37 de la déclaration du vérificateur général, et je me demande s'il pourrait nous expliquer ce qu'il entend par la phrase qui y est citée:
- Il est peu probable que, si la décision demandée n'avait pas été rendue, les opérations
envisagées auraient été effectuées et auraient immédiatement entraîné un impôt à payer».
M. Minto: Monsieur le président, à la séance du Comité des comptes publics qui remonte à quelque temps et à laquelle le député n'a pas assisté, M. Dodge du ministère des Finances a affirmé qu'aucun impôt ne s'appliquait immédiatement et que, n'eut été cette décision, la transaction n'aurait pas eu lieu. Nous, nous disons que s'il n'y avait pas eu de transaction, les actifs seraient restés au Canada, qu'ils auraient été assujettis à de l'impôt canadien, et qu'ils auraient ultérieurement rapporté au Trésor.
M. Campbell: Donc, on ne peut pas dire que de l'impôt devait être payé immédiatement, et que cet impôt a échappé au Trésor, n'est-ce pas?
M. Minto: Pas si vous vous en tenez aux règles déterminatives. Toutefois, si vous vous en tenez à l'interprétation de la loi en vertu de laquelle, dès lors que les fiducies transfèrent aux États-Unis des actions publiques, l'actif est réputé avoir été réalisé, alors je me dois de répondre dans l'affirmative: les taxes auraient en effet abouti dans les coffres du Trésor.
Si vous revenez à la première interprétation, on aurait pu parler de report d'impôt.
M. Campbell: J'ai écouté votre témoignage qui me semble beaucoup moins intéressant et moins provocateur que celui que vous avez donné au Comité des comptes publics; d'ailleurs, il y a moins de journalistes pour en rendre compte. C'est un peu plus ennuyant aujourd'hui.
Vous n'êtes certainement pas responsable de ce que diffusent les médias, mais je suis sûr que, par inadvertance, certains des propos tenus en cours de route ont laissé de malheureuses impressions. L'une des impressions que vous avez laissées - comme l'a d'ailleurs relevé un de nos propres députés - c'est que le gouvernement a laissé échapper une énorme quantité d'impôt qu'il ne percevra jamais.
Ce n'est pas là l'impression que vous vouliez donner, n'est-ce pas?
M. Minto: Il est expressément dit, dans le chapitre et dans l'allocution d'ouverture deM. Desautels, que le Canada renonce...
M. Campbell: Aujourd'hui?
M. Minto: Non, dans son allocution devant le Comité des comptes publics, dans lequel il disait clairement que le Canada renonce ainsi à son droit de recouvrer l'impôt.
M. Campbell: Merci d'avoir mis les choses au point.
Vous déclarez, dans la phrase suivante:
- Cependant, le transfert d'actifs de plus de 2 milliards de dollars, ainsi que des gains non réalisés
d'une valeur inconnue,
- ... car vous n'avez pas la moindre idée de ce que sont ces gains, et par conséquent de ce que serait
l'impôt prélevé sur eux...
- à l'étranger en franchise d'impôt
- ... gains qui, en dernier ressort, seront peut-être exemptés d'impôt...
- donnant l'impression que l'impôt ne sera jamais prélevé sur ces actifs...
- Mais ce n'est pas votre témoignage d'aujourd'hui, n'est-ce pas?
Notre témoignage d'aujourd'hui porte sur le fait que le mécanisme mis en place pour nous assurer que le Canada percevra les impôts qui sont dus était l'engagement et la renonciation.
M. Campbell: Et vous n'êtes pas certains que cela donnera les résultats espérés.
M. Minto: Nous avons montré que nous ne savions pas comment la déclaration était possible.
M. Campbell: En ce cas-là votre déclaration n'est pas exacte.
- Mais quand plus de 2 milliards de dollars d'actifs sont transférés à l'étranger en franchise
d'impôt, avec des gains non réalisés d'une valeur inconnue
- ... et vous ne savez pas à combien ces actifs s'élèvent, vous ignorez donc quel serait l'impôt...
- le transfert à l'étranger en franchise d'impôt...
- Vous dites qu'il est peu probable que des impôts soient finalement perçus.
M. Minto: Le fait est que ces actifs ont été transférés à l'étranger en franchise d'impôt, et ils n'ont pas été considérés comme étant réalisés, de sorte que l'impôt n'a pas été payé là-dessus.
M. Campbell: Mais ce que donne à entendre une déclaration comme celle-ci, quand elle est lue par le public ou par les médias, c'est que l'impôt ne sera jamais perçu, ni par nous ni par qui que ce soit d'autre.
M. Minto: Nous parlons ici de l'assiette fiscale canadienne. Notre mandat n'est pas de renforcer l'assiette fiscale d'un autre pays.
M. Campbell: Je ne reviendrai pas sur le problème.
L'une des mes collègues, M. Dhaliwal, faisait remarquer que la Loi de l'impôt sur le revenu est difficile à comprendre, et je suis bien d'accord avec lui. J'en comprends toutefois certains principes de base dont l'un, comme le disait tout à l'heure le président, est que nous devons tenir compte de conventions fiscales. L'un des principes d'une loi issue d'une convention fiscale, c'est que quelqu'un perçoit l'impôt, et nous pouvons percevoir la différence, parce que les gens reçoivent un crédit pour l'impôt versé.
Cet aspect semble avoir été quelque peu perdu dans la discussion.
M. Minto: C'est contre ce principe même que l'engagement a été pris, d'après lequel on ne renoncerait pas à ce droit dans le cadre de la convention fiscale.
On n'y a donc pas renoncé, cela fait partie de la discussion.
M. Campbell: Permettez-moi de conclure avec quelques autres questions.
Je suis heureux que vous ayez fait référence - je ne sais plus si c'est dans l'autre comité ou dans des discussions avec des membres de la presse - à votre rapport de 1993, où vous avez examiné en profondeur la question des décisions anticipées en matière d'impôt sur le revenu. J'espère que vous avez également fait cela ailleurs.
Certains ont eu l'impression - erronée, je l'espère et je vous laisse le soin de rectifier, le cas échéant - qu'il ne sert à rien, pour les contribuables, d'obtenir une telle décision, ou que c'est peu fréquent, mais d'après votre témoignage d'aujourd'hui vous croyez toujours encore, comme vous le faisiez en 1993, dans l'utilité de ce système de décisions anticipées.
M. Desautels: Notre position sur ce point est très claire: c'est un excellent processus qui, dans l'ensemble, fonctionne de façon très satisfaisante.
M. Campbell: C'est important non seulement pour le contribuable individuel, mais également pour les autres qui suivent la question et peuvent agir en conséquence. Les fonctionnaires nous assurent également de l'importance, pour eux, de savoir quelles sont les transactions qui ont lieu et dont ils ne seraient autrement pas au courant.
M. Desautels: Nous sommes d'accord sur ce point.
M. Campbell: Il n'est sans doute pas rare - comme le disait quelqu'un - d'obtenir ces décisions anticipées en matière d'impôt sur le revenu à la fin de l'année civile. Est-ce rare, d'après vous, dans la révision de ces décisions?
M. Minto: Pas simplement à la fin de l'année civile, car cela dépend des contribuables, dont certains ont une autre année civile. Quand ils ont besoin d'une décision anticipée, ils peuvent la demander.
M. Campbell: Ces demandes ont-elles tendance à s'accumuler à la fin de l'année civile? Savez-vous pourquoi?
M. Minto: Je reconnais, monsieur, que pour un grand nombre de gens la fin de l'année civile et la fin de l'année fiscale coïncide, et qu'ils demandent alors...
M. Campbell: Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie, monsieur Campbell.
Je regrette, mais le temps que nous pouvions vous consacrer est écoulé, et nous devons vider les lieux. Il y avait d'autres députés qui avaient beaucoup de questions à poser et je voudrais vous demander s'il vous serait possible de revenir pour nous faire part de votre expérience? Puis-je vous proposer mardi prochain, à 9 h 30? Est-ce que cela vous conviendrait?
M. Desautels: Je pense que oui, monsieur le président.
Le président: Je vous remercie beaucoup.
En conclusion, je remercie nos témoins d'avoir bien voulu se pencher aujourd'hui avec nous sur cette question complexe et très difficile. La séance est levée.