[Enregistrement électronique]
Le lundi 29 juillet 1996
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte. Le Comité des finances de la Chambre des communes entame ses audiences sur le fardeau économique et administratif du régime canadien d'imposition des sociétés.
Nous entendons aujourd'hui neuf témoins: M. Ken Myers, de l'Association charbonnière canadienne; M. Sam Boutziouvis, du Conseil canadien des chefs d'entreprise; MM. Vern Krishna et Jean Précourt, de l'Association des comptables généraux agréés du Canada; M. Andrew Jackson, du Congrès du travail du Canada; M. Peter Woolford, du Conseil canadien du commerce de détail;M. Alan Macnaughton, de l'Université de Waterloo; M. Robert Keyes, de l'Association minière du Canada; M. David Manning, de l'Association canadienne des producteurs pétroliers; enfin,MM. Doug Shaw et Frank Dottori, du Comité consultatif du secteur des forêts.
Sur le plan des coûts économiques et administratifs du régime fiscal des sociétés, et considérant en premier lieu les coûts économiques, que paient les entreprises pour structurer leur activité de façon à réduire leur fardeau fiscal plutôt que d'opter pour le plan d'entreprise optimal? En quoi le régime fiscal les rend-elles moins productives, de par les décisions commerciales qu'il engendre? Pour ce qui est des frais administratifs, nous parlons là des ressources que les entreprises consacrent à la planification fiscale, à la production des déclarations, aux vérifications et aux contentieux fiscaux.
Un certain nombre des objectifs du comité technique mis sur pied par le ministre des Finances, sous la présidence de M. Jack Mintz et la direction de M. John Sargent, sont les suivants.
Premièrement, il s'agit de rechercher des façons de contribuer à la création d'emplois et à la croissance économique. Peut-on simplifier le régime fiscal d'ensemble? Peut-on rendre plus équitable le fardeau fiscal imposé à différentes entreprises et différentes industries du Canada?
Je propose que les témoins limitent leur intervention initiale à cinq minutes. Vous aurez amplement le temps, après ce premier tour, de préciser plus avant vos positions. Nous escomptons un débat animé. Je tiens à vous remercier tous d'être venus aujourd'hui.
Nous pourrions peut-être commencer par M. Ken Myers, de l'Association charbonnière canadienne.
M. Ken Myers (président, Comité des affaires économiques et fiscales, Association charbonnière canadienne): Je vous remercie, monsieur le président.
Je tiens à remercier le Comité des finances de la Chambre des communes, au nom de l'Association charbonnière, de cette invitation à exposer les vues de l'industrie houillère sur les coûts économiques et administratifs du régime fiscal des sociétés.
L'industrie houillère est un secteur important de l'économie canadienne. Nous contribuons5,8 milliards de dollars au PIB canadien et produisons un cinquième du fret total, en tonnage, exporté via les ports maritimes canadiens.
Pour répondre aux questions posées par le Comité des finances, nous avons structuré nos réponses selon trois rubriques: considérations économiques, multiplicité des paliers de gouvernement et compétitivité internationale. Certaines des recommandations peuvent concerner plus d'une rubrique, mais nous ne mentionnerons chacune qu'une fois.
Du point de vue économique, nous voulons signaler qu'un élément coûteux des régimes d'imposition fédéral et provinciaux est la non-déductibilité des crédits d'impôt inutilisés et des pertes d'entreprise à l'intérieur d'un groupe de sociétés apparentées. Les honoraires juridiques et autres liés à l'élaboration de plans fiscaux complexes, aux restructurations et à l'incorporation de sociétés nouvelles pourraient être évités si les sociétés étaient autorisées à présenter des déclarations d'impôt communes.
Deuxièmement, la législation fiscale doit garantir un certain degré de stabilité et de prévisibilité si l'on veut encourager la création d'emplois et l'investissement à long terme. Les entreprises ont besoin de connaître les règles qui s'appliqueront à long terme à leurs investissements. Les réaménagements continuels, la complexité excessive et les contentieux interminables engendrent un climat d'incertitude.
Troisièmement, les gouvernements fédéral et provinciaux doivent élaborer des déclarations d'impôt communes chaque fois que possible, par exemple les déclarations d'impôt fédérale et provinciales sur le revenu et les capitaux et les déclarations et versements de taxes de vente provinciales et fédérale.
Pour ce qui est de la coordination entre paliers de gouvernement, l'Association charbonnière, représentant une industrie à forte capitalisation, considère que les divers paliers de gouvernement - fédéral, provincial, municipal - doivent faire un effort concerté pour cerner le fardeau fiscal global imposé aux industries à forte intensité de capital telles que le secteur du charbon. Alors que les gouvernements donnent l'impression de réduire leurs dépenses et leurs coûts et de stabiliser l'impôt sur le revenu, la réalité est que le fardeau fiscal total est en hausse du fait de redevances d'usager nouvellement introduites.
Tous les paliers de gouvernement doivent réaliser qu'un fardeau fiscal excessif, quelle que soit la forme qu'il revêt, nuit à la compétitivité internationale et, par voie de conséquence, à la capacité de créer et de préserver des emplois au Canada.
Les gouvernements fédéral et provinciaux doivent mettre sur pied un organisme commun d'évaluation et de perception des impôts de façon à réduire le coût opérationnel de ces fonctions. Il en résulterait des économies tant pour l'industrie que les pouvoirs publics, tout en préservant la capacité des provinces individuelles de pratiquer des politiques fiscales différentes de celles du gouvernement fédéral.
Pour ce qui est de la compétitivité internationale, il conviendrait de minimiser les impôts calculés sur une base autre que le profit de façon à ne pas décourager le développement des entreprises et nuire à leur compétitivité internationale. Les taxes sur le capital, les taxes immobilières et les taxes de vente pèsent exclusivement sur l'investissement et découragent l'investissement et la création d'emplois.
Sur le plan de la compétitivité internationale du Canada, les gouvernements fédéral et provinciaux doivent examiner le fardeau fiscal qui pèse sur les compagnies ferroviaires canadiennes et les exploitants portuaires qui transportent le charbon. Au Canada, le transport représente le facteur de coût le plus important de la production et de l'exportation de charbon. Or, le fardeau fiscal supporté par les sociétés ferroviaires et portuaires est un élément des coûts de transport. Une diminution des taxes sur le carburant et des droits portuaires et l'alignement des taux d'amortissement ferroviaires canadiens sur les taux américains rendraient les coûts canadiens comparables, à condition que ces économies soient répercutées sur les producteurs de charbon.
En conclusion, monsieur le président, j'aimerais dire qu'une industrie houillère forte, dynamique et en expansion apporte au Canada les emplois hautement qualifiés et hautement rémunérés dont il a besoin et une contribution positive à sa balance commerciale. Il faut veiller à ne pas détruire à coup d'impôts la compétitivité de l'industrie du charbon et sa capacité à attirer des capitaux au Canada. Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Myers.
Monsieur Boutziouvis, du Conseil canadien des chefs d'entreprise, je vous prie.
M. Sam Boutziouvis (conseiller, politique principal, et économiste, Conseil canadien des chefs d'entreprise): Je vous remercie, monsieur le président.
Monsieur le président Peterson, mesdames et messieurs les membres du comité de la Chambre des communes, les perspectives d'emploi et de croissance économique figurent à l'heure actuelle en tête de la liste des priorités de virtuellement tous les Canadiens. Il en va de même de notre conseil, qui est heureux de cette occasion d'exprimer ses vues sur les possibilités d'améliorer le régime fiscal appliqué aux entreprises canadiennes de façon à ce qu'elles puissent contribuer davantage à la croissance économique et à l'emploi au Canada.
Je vais m'exprimer devant ce comité technique sur la fiscalité des entreprises dans le contexte des trois principaux objectifs.
Premièrement, améliorer le régime fiscal de manière à promouvoir l'emploi et la croissance économique. Assurément, cet examen reflète l'importance nouvelle accordée par le gouvernement au volet recettes du budget et repose sur le point de vue que des progrès ont été réalisés dans la lutte contre le déficit et que de nouveaux progrès sont à notre portée. Cela est vrai: le gouvernement fédéral s'est fixé des objectifs de réduction du déficit et les atteint; plusieurs provinces ont équilibré leurs comptes; enfin, le déficit combiné du gouvernement fédéral et des provinces a reculé de plus de 18 milliards de dollars au cours de ces dernières années.
Mais les gouvernements canadiens, tant fédéral que provinciaux, ploient encore sous le poids d'une énorme dette. Le gouvernement fédéral, à lui seul, accuse une dette de plus de 600 milliards de dollars, qui équivaut à 75 p. 100 du PIB, et lorsqu'on y ajoute l'endettement des provinces, la dette dépasse 100 p. 100 du PIB. En outre, et bien que les taux d'intérêt sur les emprunts de toute durée aient sensiblement baissé au cours des 18 derniers mois, les taux d'intérêt réels à long terme restent à un niveau inacceptable.
Je sais que le gouvernement fédéral a obtenu des résultats dans la lutte contre le déficit en comprimant quelque peu ses dépenses - je parle là des phases I et II de l'examen des programmes - mais cela reste insuffisant.
À notre sens, le gouvernement fédéral doit parvenir à l'équilibre budgétaire au moyen de nouvelles réductions de dépenses plutôt que de l'augmentation des recettes. La meilleure chose que les gouvernements puissent faire pour promouvoir la création d'emplois et la croissance économique est d'équilibrer leurs comptes. Ils peuvent alors commencer à songer à éponger la dette et, pour finir, baisser les impôts.
Des budgets équilibrés, un endettement moindre et des impôts allégés amélioreront grandement le climat pour l'épargne et l'investissement, tant de la part des entreprises que des particuliers, dans notre pays.
Sur le plan de l'imposition des sociétés, je pense qu'on est unanime dans le secteur privé à considérer que le gouvernement fédéral n'a pas encore réussi à établir un environnement optimal pour la création d'emplois et une croissance soutenue. La situation s'est considérablement améliorée, mais il reste encore beaucoup à faire.
Il convient de noter que les charges sociales ont considérablement augmenté au cours des sept dernières années. Les avis divergent sur l'effet ultime des hausses de charges sociales sur l'emploi et la croissance, mais je pense qu'il est clairement établi qu'à court et moyen terme les charges sociales des entreprises freinent l'embauche. Pourtant, le gouvernement fédéral continue à percevoir des cotisations d'assurance-chômage de niveau injustifié, vu le taux de chômage et l'excédent croissant du Compte d'assurance-chômage.
En outre, les cotisations au RPC et au RRQ vont devoir augmenter dans une très forte proportion à moyen terme. La majoration des charges sociales qui sera nécessaire pour financer dans une plus forte proportion le RPC pèsera à court terme sur la création d'emplois par les entreprises et à long terme sur les salaires des travailleurs, deux conséquences hautement néfastes.
Nous pensons que le gouvernement fédéral devrait, à tout le moins, réduire les cotisations d'assurance-chômage, sachant que les cotisations au RPC vont devoir augmenter d'ici la fin de la décennie.
Le Canada est une économie ouverte de taille moyenne, hautement tributaire du commerce et de l'investissement international, davantage aujourd'hui que jamais par le passé. Les exportations représentent 37 p. 100 du produit intérieur brut et, selon le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, les exportations assurent plus de deux millions d'emplois au Canada. La majorité des sociétés membres du Conseil des chefs d'entreprise livrent concurrence à l'échelle mondiale, en particulier contre des entreprises américaines. Les taux d'imposition des sociétés sont de ce fait un facteur important - non le seul, mais un facteur important - dans les décisions d'investissement et d'implantation futures des entreprises.
Les taux d'imposition des sociétés, et d'ailleurs l'ensemble de la fiscalité - impôt sur le revenu du particulier compris - doivent être compatibles et comparables, en gros, avec ceux des autres pays industrialisés, particulièrement ceux des États-Unis, notre principal partenaire commercial et financier. Par conséquent, toute modification fiscale au niveau fédéral doit tenir compte de cette réalité mondiale.
En second lieu, il s'agit d'accroître l'équité de façon à garantir que toutes les entreprises assument une part du coût des services gouvernementaux.
[Français]
Dans le passé, plusieurs personnes ont déploré l'iniquité de l'imposition des sociétés au Canada. Le déclin des recettes publiques provenant des revenus des sociétés est devenu un symbole d'injustice dans notre système fiscal. Ce déclin relatif des revenus gouvernementaux provenant des impôts sur les sociétés peut être attribuable à la diminution générale de la rentabilité des entreprises au cours des deux dernières décennies.
On a aussi entendu des commentaires à propos des profits record réalisés par les entreprises canadiennes en 1995. S'il est vrai que ces profits ont augmenté de façon remarquable, il faut toutefois se rappeler qu'en relation avec le produit intérieur brut, les profits avant l'impôt demeurent bien en deçà d'une moyenne à long terme de 10 p. 100 du PIB. Les profits avant impôt atteignaient environ 8 p. 100 du PIB en 1995, une hausse par rapport à leur niveau de 4,5 p. 100 pendant la récession qui a suivi la dernière dépression des années 1930.
Il faut également signaler qu'au cours des deux dernières années financières, les impôts sur les sociétés ont été pour le gouvernement fédéral la source de revenu qui a augmenté le plus rapidement, croissant de 32 p. 100 en 1994-1995 et de 24 p. 100 en 1995-1996.
[Traduction]
De façon plus générale, les autres taxes payées par les entreprises canadiennes ont suivi une ascension marquée au cours de dix dernières années, tant sur le plan de leur nombre que de leurs effets. Ainsi que Ken l'a mentionné tout à l'heure, ces prélèvements englobent les taxes sur le capital, les taxes immobilières et les charges sociales.
La complexité du système au niveau fédéral est encore accrue, par conséquent, par le fait que les gouvernements municipaux et provinciaux prélèvent également des taxes. Les trois paliers de gouvernement semblent rechercher des façons d'augmenter leurs recettes en puisant dans les caisses des sociétés. Aussi, lorsqu'il est question de l'équité de l'imposition des entreprises, il ne faut pas perdre de vue les autres taxes payées par les sociétés à tous les paliers de gouvernement, et ne pas se limiter au seul impôt sur le revenu.
L'équité exige également de déterminer qui, au Canada, paie le coût ultime des impôts pesant sur les entreprises. La Commission de l'équité fiscale ontarienne - et vous entendrez demain le professeur Allan Maslove - est parvenue à la conclusion que les impôts sur les sociétés tendent à être répercutés sur les employés sous forme de salaires moindres, sur les consommateurs sous forme de prix majorés et sur les investisseurs sous forme de dividendes réduits.
Ce n'est là que le dernier d'une série de rapports portés à l'attention du gouvernement au cours des 30 dernières années et qui tous aboutissent à la même conclusion. Qui donc est réellement pénalisé par l'impôt sur les sociétés?
Enfin, les recommandations de notre rapport de 1986 conservent toute leur valeur aujourd'hui. La plus importante, je pense, concerne le principe de neutralité, c'est-à-dire l'égalité de traitement fiscal pour tous les types d'investissements, et elle devrait à notre avis guider le comité technique et le comité permanent dans leurs délibérations.
L'égalisation des taux d'imposition réels pesant sur divers investissements et activités améliorerait la compétitivité d'ensemble du secteur privé canadien. À cet égard, nous sommes généralement partisans d'un réaménagement des taux réels d'imposition des sociétés de manière à introduire une plus grande équité dans le régime fiscal.
Enfin, pour ce qui est de la simplification... C'est un sujet trop vaste pour lui rendre justice ici. Ken a dit plusieurs choses à ce sujet et je suis sûr qu'il y aura quantité d'autres propositions détaillées de simplification du régime fiscal. Je me limiterai à dire que la TPS a marqué un important passage de l'imposition des intrants de fabrication vers l'imposition de la consommation.
C'est un changement que nous saluons. On n'a probablement pas assez souligné que cela a contribué à améliorer très sensiblement la compétitivité du secteur privé canadien.
Des modifications ont été apportées au cours des dernières années, dont une bonne partie sous l'impulsion de ce comité, qui ont contribué à améliorer et simplifier le système. Mais le dynamisme futur de certains secteurs de l'économie canadienne, et en particulier le secteur du commerce de détail, pourrait souffrir par suite de l'harmonisation avec les provinces atlantiques. La décision d'englober la taxe dans les prix des produits alourdira les coûts d'exploitation dans les Maritimes des sociétés d'envergure nationale. Votre comité devrait donc se pencher sur les problèmes liés à l'harmonisation que le nouveau régime de TPS fera apparaître.
Enfin, il importe d'harmoniser au niveau fédéral et provincial les charges sociales et autres taxes sur le capital. Suite à nos conférences sur l'unité tenues en mars et en mai, nous continuons à préconiser l'idée d'une commission nationale du revenu, dans l'espoir que celle-ci permettra de simplifier l'administration du régime fiscal et d'en réduire le coût. Nous avons conscience que certains obstacles majeurs devront être surmontés pour cela, mais nous restons généralement en faveur de cette idée.
Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie, monsieur Boutziouvis.
Monsieur Jean Précourt, de l'Association des comptables généraux agréés, s'il vous plaît.
M. Jean Précourt (président-directeur général, Association des comptables généraux agréés du Canada): Je vous remercie, monsieur le président.
Je suis accompagné de M. Vern Krishna qui est membre du conseil d'administration de l'Association. Il est également professeur de fiscalité à la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa et directeur du Centre de recherche fiscale de CGA-Canada.
En ma qualité de président du conseil et de chef de la direction de l'Association des comptables généraux agréés du Canada, je tiens à remercier le président et les membres du Comité des finances de nous avoir invités à participer à cette table ronde.
CGA-Canada est un organisme professionnel autoréglementé représentant quelque 50 000 comptables généraux agréés et étudiants CGA au Canada, aux Bermudes et dans les pays des Caraïbes et de la ceinture du Pacifique, y compris la République populaire de Chine.
Monsieur le président, CGA-Canada s'inquiète de voir qu'en dépit d'une croissance économique lente et de taux de chômage toujours élevés, le fardeau fiscal imposé aux entreprises ne diminue pas. De fait, c'est plutôt l'inverse qui se produit. Selon le ministère des Finances, les impôts directs - fédéraux, provinciaux et locaux réunis - perçus auprès des entreprises ont atteint un total de 51 milliards de dollars en 1993, soit presque 42 p. 100 de plus qu'en 1980, en dollars constants.
Plus important encore, exprimée en pourcentage des revenus avant impôts, la charge fiscale totale des entreprises a considérablement augmenté. Environ 70 p. 100 des impôts directs perçus auprès d'elles, y compris ceux, nombreux, prélevés au niveau provincial et local, ne sont pas proportionnels au revenu. Ils comprennent les charges sociales payées par l'employeur, les taxes foncières et l'impôt sur le capital. Étant donné qu'il faut les payer quels que soient les profits, ils se soldent par des taux d'imposition réels très élevés et grandissant dans les périodes de ralentissement économique.
[Français]
Il y a aussi des impôts indirects sur les intrants qui n'ont rien à voir avec les profits. Ces impôts sont perçus par les gouvernements fédéral et provincial, et les entreprises les paient lors de l'achat de biens et services. Mentionnons, à titre d'exemple, les taxes d'accise sur le carburant et les taxes provinciales de vente au détail.
Non seulement le fardeau fiscal qui incombe aux entreprises est lourd, mais le régime fiscal est complexe et entraîne d'importants frais économiques et administratifs.
Le régime fiscal canadien comporte trois et parfois quatre paliers, soit les niveaux fédéral, provincial, municipal et régional. Chacun a ses exigences que les entreprises doivent respecter. Cela coûte particulièrement cher aux petites et moyennes entreprises, qui ne disposent habituellement que de ressources internes limitées pour régler des questions fiscales complexes et tenir leurs livres conformément aux normes en vigueur.
Je vous donnerai quelques exemples de PME. Une petite entreprise qui administre son propre système de paye doit retenir à la source ses contributions au Régime de pensions du Canada ou au Régime de rentes du Québec, les cotisations d'assurance-chômage et l'impôt sur le revenu et faire des remises mensuelles en fonction de critères différents. Il lui incombe de rendre compte à chaque année tant à l'employé qu'au gouvernement.
Ce même rapport annuel pourrait former le fondement du calcul des charges sociales provinciales ou de l'indemnité pour accident de travail. Mais encore ici, les critères risquent de varier, entraînant de nouveaux frais administratifs.
Il y a aussi d'énormes frais de conformité qui vont de pair avec les avantages imposables, tout particulièrement l'indemnité d'utilisation d'un véhicule automobile qu'il faut calculer à l'égard de chaque employé.
Nous aimerions proposer que l'imposition des avantages versés à chaque employé soit éliminée et remplacée par un impôt uniforme imputable à l'employeur. Ainsi, une entreprise qui verse 100 000$ en avantages imposables à 40 employés, montant qu'elle peut diviser et attribuer de 40 façons différentes parmi ses employés, pourrait remettre au gouvernement le même montant d'impôt, un montant d'impôt uniforme, et serait soulagée d'un fardeau administratif et des frais de conformité. Chaque fois que l'employeur passe une heure à remplir des formulaires pour se conformer à des exigences bureaucratiques, il ne contribue pas à stimuler la croissance économique ou à créer des emplois; il dispose d'une heure de moins qu'il aurait pu consacrer à des activités qui engendrent des bénéfices et des emplois.
[Traduction]
Monsieur le président, CGA-Canada estime que le gouvernement fédéral doit enrayer d'abord et inverser ensuite l'escalade des impôts qui sont indépendants des profits. Il doit accroître la déduction de 200 000$ des petites entreprises, qui est inchangée depuis 1981 pour les sociétés qui souhaitent prendre de l'expansion et créer des emplois dans l'économie canadienne. L'introduction progressive de taux d'imposition se rapprochant graduellement du taux général constituerait une mesure incitative. En effet, ces sociétés seraient plus disposées à payer les impôts dus et s'efforceraient d'utiliser de façon productive leurs bénéfices non répartis au lieu de consacrer leur temps, leur argent et leur énergie à faire de la planification fiscale pour ne pas dépasser le seuil des 200 000$.
Nous préconisons d'augmenter le taux d'imposition et la limite applicable aux PME de 5 p. 100 par tranche de 50 000$ de bénéfice imposable en sus de la limite actuelle, et ce jusqu'à ce que le taux d'imposition général soit atteint. Vu les taux d'inflation enregistrés depuis 1981, la valeur actuelle de cette limite de 200 000$ est d'environ 375 000$, ce qui est proche des 400 000$ auxquels le taux d'imposition général actuel s'appliquerait.
Améliorer la coordination entre Ottawa et les provinces, de manière à simplifier le régime fiscal; poursuivre les négociations avec les provinces qui n'ont pas encore harmonisé leur taxe de vente avec la taxe sur les produits et services, harmonisation qui autorise des économies provinciales; enfin, consulter les milieux d'affaires avant d'apporter des changements au régime fiscal, de manière que les entreprises comprennent bien les conséquences économiques des changements et les frais administratifs de conformité qu'ils entraîneront.
Monsieur le président, je m'en tiendrai là pour le moment. J'ai hâte de participer à la discussion qui suivra cet après-midi.
Je vous remercie.
Le président: Merci, monsieur Précourt.
Nous entendons maintenant M. Andrew Jackson, du Congrès du travail du Canada.
M. Andrew Jackson (économiste principal, Congrès du travail du Canada): Je vous remercie, monsieur le président.
J'aimerais faire quelques remarques générales sur le coût économique du régime d'imposition des sociétés, dans le contexte de l'examen du comité technique.
Je pense que l'un des axes principaux du travail du comité... J'ai lu les propos tenus par le professeur Mintz devant votre comité. Il a également prononcé un autre discours sur les effets de la mondialisation sur le régime fiscal applicable aux entreprises. Je pense que la préoccupation exprimée par le professeur Mintz ici était que nos taux d'imposition sont supérieurs à ceux des États- Unis. Le professeur Mintz a dit que le Canada doit veiller à ce que son régime fiscal soit adapté à une plus grande ouverture de l'économie, de façon à promouvoir l'investissement et la création d'emplois.
Je pense qu'il y a une préoccupation générale, exprimée par le professeur Mintz et par les porte-parole patronaux, concernant la compétitivité de la fiscalité d'ensemble canadienne, notre façon de taxer les entreprises, ce qui revient à établir un lien de cause à effet entre notre fiscalité et la perte d'emplois potentielle. Je dois m'inscrire en faux contre cette équation qui a été tirée entre la compétitivité du régime fiscal et la création d'emplois. En fait, il faut distinguer entre deux aspects clés du coût économique de l'imposition des entreprises.
Le premier est la perte de nouveaux investissements potentiels, d'investissements productifs au Canada, et des emplois qu'ils engendreraient. Le deuxième est la perte potentielle de recettes fiscales qui peut survenir lorsque des sociétés profitables sont actives dans plus d'une juridiction, aucun des deux éléments n'ayant d'effet sur les revenus des entreprises, manifestement.
Je pense que la deuxième question - en particulier, la perte de recettes fiscales pour cause de facturation interne etc. - doit être prise très au sérieux. Mais pour ce qui est de la première, la notion selon laquelle des taux d'imposition élevés et un fardeau fiscal croissant tueraient l'investissement et l'emploi, je pense qu'il faut faire remarquer tout d'abord que les entreprises dérivent des avantages substantiels des impôts qu'elles paient, sous forme d'éducation de la main d'oeuvre, d'infrastructures et d'autres programmes publics. Il n'est nullement démontré, je pense, qu'une fiscalité plus légère soit bonne pour les entreprises, si l'on fait entrer en ligne de compte la perte de services correspondante.
Je pense que les Canadiens, dans l'ensemble, s'inquiètent de voir les impôts payés par les sociétés diminuer en pourcentage des recettes fédérales. Je signale que l'impôt sur le revenu des sociétés, en pourcentage des profits des entreprises, est en recul.
Je pense que les Canadiens restent préoccupés de voir que nombre de sociétés profitables, et même hautement profitables, ne paient pas d'impôt ou des taux réels très bas. Ces recettes fiscales perdues font défaut pour le financement non seulement des services mais également d'investissements publics potentiels susceptibles de créer des emplois.
Y a-t-il donc lieu de craindre que le fardeau fiscal canadien supporté par les entreprises soit devenu trop lourd et que nous perdions de ce fait des investissements et des emplois?
Je signale brièvement qu'un certain nombre d'études empiriques à ce sujet ont été effectuées récemment par Pat Grady, le Conference Board, et Ernst & Young pour la Commission de l'équité fiscale ontarienne. Toutes sont parvenues à la conclusion que la différence globale entre les taux d'impôt marginaux sur le revenu des sociétés au Canada et aux États-Unis est très modeste et même que nos taux sont légèrement inférieurs dans le secteur manufacturier.
Dans ce contexte, je pense que si nous décidions une baisse générale des taux au Canada, il en résulterait probablement une baisse correspondante aux États-Unis et une course vers le fond. Je ne pense pas que les recherches établissent que l'écart entre nos taux d'imposition et ceux des États-Unis présente un bien grand problème. En outre, l'idée selon laquelle une réduction des impôts des sociétés, et particulièrement des impôts sur les revenus, entraîne une hausse des investissements, et, par ce biais, de la création d'emplois, n'est pas démontrée dans la littérature.
Une importante étude générale a été publiée il y a trois ans environ dans la Revue fiscale canadienne. Son auteur, M. Rushton, a recensé les études à ce sujet et n'a découvert aucune preuve solide que la diminution des taux d'imposition des sociétés engendre davantage d'investissements ou plus d'emplois au Canada. Même les économistes qui croient en l'existence d'un tel effet concèdent généralement que l'impact en est marginal et que d'autres facteurs prédominent, tels que le coût des terrains, etc.
Il est tout à fait frappant, je pense, qu'un recensement des principales études économiques - et j'attire votre attention en particulier sur une grande étude de l'OCDE qui a été publiée dans la Revue économique de l'OCDE en 1991 - il est difficile d'établir un lien entre les écarts des niveaux d'investissement ou les tendances de l'investissement entre pays et le coût du capital et les taux d'imposition des sociétés.
Les porte-parole patronaux affirment qu'en abaissant les impôts il en résultera une majoration de l'investissement, cette thèse étant présentée plus ou moins comme une vérité avérée. Or, les économistes ont énormément de difficulté à en démontrer la véracité. Je pense que l'une des principales raisons en est que le premier moteur de l'investissement est la demande au sein de l'économie, c'est-à-dire les perspectives de vente, plutôt que le coût du capital, lequel apparaît comme un facteur relativement mineur.
À ce propos, si vous considérez différents pays, il est frappant de voir que le fardeau fiscal sur les sociétés tend à être aujourd'hui et a été par le passé relativement plus fort au Japon et en Allemagne, pays qui ne se signalent pas par une faiblesse de l'investissement. Si vous comparez le Canada et les États-Unis au cours des dix à 15 dernières années, l'investissement commercial chez nous a été légèrement supérieur à celui des États-Unis, bien que notre fardeau fiscal soit comparable ou peut-être un peu supérieur.
Ce que je veux faire ressortir, c'est que si l'on considère l'effet du niveau d'imposition sur le niveau d'investissement et donc celui de l'emploi, les économistes sont loin d'admettre que la thèse couramment avancée par le patronat soit fondée.
Cela dit, je pense qu'une crainte réelle est que l'existence de taux d'imposition supérieurs au Canada amène les sociétés à s'implanter des deux côtés de la frontière canado-américaine et à allouer les profits au pays où ils seront les moins imposés. Je pense que c'est essentiellement là un problème de conformité qui exige un contrôle très strict. Je sais que le comité est familier de cette question de l'absence de divulgation à Revenu Canada de la part des sociétés de leurs transactions internationales, et c'est donc un aspect qui mérite d'être étudié plus avant.
Je pense que toute la question de la coopération et de la coordination internationales en matière d'imposition des sociétés est tout à fait d'actualité. Je sais que le ministère des Finances est très actif à ce sujet.
Je signale qu'une recommandation très ferme a été présentée récemment à la Commission européenne, qui malheureusement ne sera pas suivie, voulant qu'un niveau minimal d'imposition des sociétés soit établi à l'échelle européenne de façon à éviter une harmonisation à la baisse, une spirale vers le bas. Diverses propositions sont émises en vue d'une imposition unitaire des sociétés afin d'enrayer cette attribution des profits des sociétés aux pays à faible imposition.
Je pense donc que la question de savoir où les profits sont déclarés aux fins de l'impôt est importante, mais il s'agit essentiellement d'un problème de conformité et je pense que c'est une erreur que d'y réagir par un mouvement général de réduction des taux.
Enfin, je veux parler de toute la question de l'efficacité des abattements fiscaux consentis aux entreprises et des incitations fiscales comme moyen de stimuler l'investissement et l'emploi.
Je ne veux pas dire par là que tous les allégements fiscaux sont inefficaces et condamnables, mais je pense que les études faites montrent, dans l'ensemble, que le coût, sous forme de recettes fiscales perdues, de bon nombre d'allégements consentis aux sociétés est excessif comparé aux résultats sur le plan de l'accroissement des investissements.
Il suffit pour s'en convaincre de remonter au début des années 1970 et au budget du ministre des Finances Turner, qui est à l'origine de la prolifération des abattements fiscaux consentis aux entreprises dans le but de stimuler l'investissement. Les résultats en ont été très décevants, alors que ces mesures ont eu un coût énorme sous forme de recettes perdues, lesquelles sont à bien des égards à l'origine du déficit et de l'endettement actuels.
J'attire votre attention sur le rapport relatif au Canada de la direction du Fonds monétaire international publié l'année dernière, qui signalait que les préférences fiscales accordées aux sociétés sont relativement généreuses au Canada, en particulier le crédit d'impôt de recherche-développement. J'ai remarqué également le soutien croissant accordé au crédit d'impôt des petites entreprises. Il est généreux dans le contexte international. Le FMI a conclu que «l'efficacité de ces mesures sur le plan de l'investissement ne paraît pas avoir été grande». Je pense qu'il y a beaucoup d'études qui vont dans le même sens.
Je pense donc qu'il s'impose réellement de se pencher sur l'efficacité des allégements fiscaux pour les sociétés, telles que l'amortissement accéléré, le taux spécial des petites entreprises et les déductions pour épuisement des ressources, étant donné le manque à gagner très important associé à ces concessions et le manque d'efficacité avéré de bon nombre d'entre elles.
Pour conclure, je pense que le comité devrait se montrer très prudent avant de suivre les appels patronaux à un abaissement des taux d'imposition et à un accroissement des stimulants fiscaux pour les sociétés. Ces éléments exigent une analyse très serrée. Je pense qu'il faut se montrer sceptique face à l'argumentation voulant que notre régime fiscal rend les entreprises canadiennes non concurrentielles. Je pense qu'il faut également être très sensible au côté recettes de cette équation.
Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie, Andrew Jackson.
Nous entendons ensuite M. Peter Woolford, du Conseil canadien du commerce de détail.
M. Peter Woolford (vice-président principal, Conseil canadien du commerce de détail): Je vous remercie, monsieur le président.
Tout d'abord, je veux vous remercier de votre invitation. Je tiens à remercier tout particulièrement votre greffière qui a pris des dispositions spéciales afin de me permettre de venir aujourd'hui plutôt que demain. Je lui sais gré de ses efforts.
Je voudrais prendre un peu de recul. Vous avez parlé au début, monsieur le président, de la quête d'un régime fiscal qui à la fois réduise les coûts d'observation et minimise les freins à l'efficience des entreprises qui accompagnent la perception des impôts. Je pense qu'il faut reconnaître, au départ, que dans un État fédéral il y aura toujours un certain degré de double emploi et de chevauchement, par le seul fait qu'un certain nombre d'entités lèvent des impôts. Manifestement, par la force des choses, cela signifie qu'il y existera toujours une plus grande marge d'inefficience et de coûts, coûts d'observation et coûts de perception.
En revanche, il faut reconnaître aussi que cela autorise un certain degré d'expérimentation, de mise à l'essai d'approches et d'idées nouvelles, ce que le Canada a mis à profit au fil des ans. Face aux problèmes des déficits publics, divers gouvernements du Canada ont déployé des approches différentes, ce qui a conduit à un dialogue des plus sains.
Toujours sur le plan de la fiscalité, les gouvernements ont trouvé des formules de collaboration dans certains domaines fiscaux de façon à en réduire le fardeau et les inconvénients. À l'inverse, dans d'autres domaines, ils ont décidé de se concurrencer les uns les autres, au grand détriment tant des entreprises que des Canadiens en général.
J'aimerais prendre une étude de cas aujourd'hui et voir dans quelles conditions une taxe peut fonctionner bien et dans lesquelles elle peut dérailler. Il s'agit d'une taxe à la consommation. Mon exemple favori, comme toujours, est la taxe sur les produits et services. Ce type de taxe est de loin celle qui touche le plus le commerce de détail car les commerçants sont les principaux percepteurs et administrateurs des taxes à la consommation.
L'avantage de la TPS est qu'elle représente une taxe plus propre, plus efficiente et internationalement et économiquement plus compétitive que celle qu'elle a remplacée. Grâce aux efforts du gouvernement antérieur et du gouvernement actuel en vue d'harmoniser cette taxe avec les taxes de vente provinciales, nous avons assisté à une tentative opportune de limiter le nombre des taxes à la consommation différentes que les détaillants et d'autres entreprises doivent percevoir et de mettre en place un cadre unique à l'intérieur duquel ce système pourra fonctionner.
Comme les membres du comité le savent, notre organisation est une partisane fervente de l'harmonisation de la TPS depuis de nombreuses années. Nous avons sillonné le pays à plusieurs reprises pour tenter de persuader les gouvernements provinciaux d'adhérer à ce que nous estimons être un système d'imposition rationnel.
Initialement, nous avons été ravis lorsque trois provinces atlantiques ont annoncé qu'elles allaient harmoniser leur taxe de vente au détail avec la TPS. Tous les éléments d'un comportement fiscal rationnel étaient rassemblés. Nous avons vu une taxe relativement inefficiente et désuète, une taxe de vente au détail, remplacée par une taxe à la valeur ajoutée, semblable à l'instrument pour lequel la plupart des pays du monde ont opté pour des motifs économiques très solides.
Nous avons vu ces quatre gouvernements, le gouvernement fédéral et les trois provinces, opter pour une assiette unique, un taux unique, une administration unique, une formule de répartition des recettes. Cela avait l'air d'être exactement ce que les commerçants espéraient, une harmonisation rationnelle, une rationalisation des régimes fiscaux. Voilà pour le volet positif du bilan.
Le volet négatif est le fait d'englober la taxe dans les prix affichés. D'un trait de plume, du moins pour les commerces de détail, on a ainsi annulé complètement, et même plus, tout avantage pour les détaillants du passage à un système plus rationnel, un système plus conforme aux besoins de la deuxième moitié du XXe siècle.
J'aimerais explorer cet aspect plus avant. Le prix est l'instrument fondamental de chaque commerce de détail. Je suis reconnaissant à l'un de nos membres de m'avoir expliqué cela. Le prix est le moteur de tous les systèmes de tous les commerces: systèmes financiers, systèmes de planification, commandes, étalages, publicités, même la rémunération des ressources humaines lorsque les employés sont payés au rendement. Les gestionnaires et cadres sont souvent rémunérés en fonction de leur chiffre d'affaires. Dans ces conditions, le prix joue un rôle d'une importance énorme.
Ainsi, l'inclusion de la taxe dans le prix dans une partie du pays a pour effet de contraindre les commerces à se doter de deux systèmes parallèles complètement distincts. Ils vont maintenant devoir manier deux prix différents pour chaque article qu'ils vendent, l'un taxe comprise et l'autre hors taxe. Cela entraîne des coûts supplémentaires et des fardeaux énormes. Cela introduit des inefficiences considérables dans leurs systèmes de commande, dans leurs systèmes de suivi financier et dans tous les autres systèmes de gestion de l'entreprise.
Pour en revenir à l'axe de discussion esquissé par M. Peterson ce matin, c'est-à-dire la recherche de façons de minimiser les inefficiences et de réduire les coûts d'observation, l'harmonisation de la TPS est une excellente chose, jusqu'à ce que l'on arrive au point où l'on exige que la taxe soit englobée dans les prix dans trois provinces seulement du Canada.
Je signale que c'est là un problème non seulement pour les grosses compagnies nationales, mais aussi pour les détaillants indépendants de la région Atlantique. Ils s'approvisionnent auprès de grossistes en dehors de leur province. Ils reçoivent une marchandise préétiquetée, qu'ils vont devoir réétiqueter dans leur magasin, à un coût supplémentaire considérable. Ils vont devoir acquérir de nouveaux systèmes informatiques. Ils vont devoir mettre en service de nouveaux logiciels. Ils vont devoir reformer leurs employés tout autant que les grandes entreprises. Ce sont tous là des coûts supplémentaires inutiles qui font obstacle à une distribution de détail efficiente.
Les mêmes considérations énoncées au comité dans certaines des études s'appliquent à cette taxe. Les commerçants sont placés devant un choix douloureux. Ils peuvent majorer leurs prix. Je leur souhaite bonne chance dans la conjoncture actuelle. Ils peuvent réduire les heures de travail des employés. Ils peuvent licencier. Ils peuvent réduire l'éventail des articles vendus dans leur magasin ou ils peuvent faire faillite. Vous remarquerez que je n'ai pas dit qu'ils peuvent réduire leurs profits, car ils n'ont guère de profits à réduire - du moins au Canada atlantique dont l'économie est déjà mal en point, comme chacun sait.
S'il est une chose que le comité pourrait faire pour favoriser l'emploi dans le secteur du détail, qui donne du travail à près de un huitième de la main-d'oeuvre canadienne, ce serait d'exhorter le gouvernement à ne pas mettre en oeuvre l'inclusion de la taxe dans les prix tant que toutes les provinces ne s'y seront pas ralliées. Pour notre part, nous continuerons, bien entendu, à appuyer le gouvernement fédéral de toutes nos forces pour persuader les provinces encore réfractaires à se rallier à un système fiscal rationnel.
J'aimerais aborder un autre sujet encore avant de passer le relais.
Dans certains de ses discours, M. Martin a qualifié les charges salariales de tueuses d'emploi. Il a tout à fait raison. Lorsque vous taxez quelque chose, lorsque vous majorez le prix de quelque chose, la demande de cette chose diminue, comme nous l'enseigne la science économique la plus élémentaire. Or, le protocole d'entente que le gouvernement fédéral et les trois provinces ont signé au sujet de la TPS et de l'harmonisation, autorise le prélèvement de charges sociales et de taxes sur le capital additionnelles.
Nous pensons que c'est là une décision très déplorable et rétrograde. Cela signifie que les provinces reçoivent le feu vert pour imposer des taxes nouvelles frappant précisément le bien le moins en demande dans la région Atlantique, l'emploi. Nous pensons que c'est là une décision des plus regrettables. Elle pénalisera tant les employeurs que les employés de toute la région Atlantique. En dehors de l'inclusion de la taxe dans le prix, je ne puis concevoir aucune mesure gouvernementale plus néfaste à l'emploi dans la région Atlantique.
Voilà mes remarques liminaires, monsieur le président. Je me ferai un plaisir de participer à la discussion.
Le président: Je vous remercie, monsieur Woolford.
Nous passons à M. Alan Macnaughton, de l'Université de Waterloo.
Le professeur Alan Macnaughton (École de comptabilité, Université de Waterloo): Monsieur le président Peterson, membres du comité de la Chambre des communes, je suis venu parler des coûts d'observation, principalement ceux intéressant l'impôt sur le revenu des sociétés, car c'est le sujet sur lequel j'ai mené des recherches ces dernières années et continuerai à en faire.
Premièrement, je ne pense pas que les coûts d'observation représentent un problème aussi gros au Canada que dans certains autres pays, tels que les États-Unis. Je songe à une étude effectuée en 1993 pour la U.S. Tax Foundation par deux universitaires, Slemrod et Blumenthal, dans laquelle ils ont effectué un sondage auprès de grandes sociétés, leur demandant quels éléments du régime fiscal leur occasionnaient les plus gros frais de conformité.
L'élément le plus cité était les règles d'amortissement, qui sont beaucoup plus simples au Canada qu'aux États-Unis. En effet, aux États-Unis, il faut suivre et amortir chaque élément d'actif séparément. Au Canada, depuis 1948, nous avons un système de déduction globale pour amortissement, avec une trentaine de catégories de biens, qui simplifie beaucoup les calculs.
Par ailleurs, aux États-Unis, il existe un impôt sur les sociétés minimal qui est beaucoup plus complexe que notre équivalent, l'impôt des grandes sociétés ou IGS. Je dois dire que ces calculs sont pas mal cauchemardesques aux États-Unis.
En outre, nous bénéficions d'une coopération fédérale- provinciale étonnante sur le plan de l'impôt sur le revenu des sociétés, comparé aux États-Unis. Les provinces, avec seulement quelques écarts mineurs, prélèvent leur impôt sur la base du revenu imposable tel que calculé aux fins de l'impôt fédéral. Toutes les provinces utilisent pratiquement la même assiette, avec des différences sensibles seulement au Québec, alors qu'aux États-Unis il n'y a aucune entente à ce sujet. C'est un gros problème là-bas.
Il se pose donc trois problèmes aux États-Unis que nous ne connaissons pas ici.
J'ai effectué quelques recherches sur le niveau des coûts de conformité au Canada en rapport avec un programme particulier, les crédits d'impôt de recherche-développement. Nous avons choisi ce domaine car nous considérions que s'il devait exister des coûts de conformité élevés au Canada, c'est là qu'ils se situeraient. En effet, il faut justifier aux yeux de Revenu Canada que le projet considéré est novateur, qu'il s'agit réellement de recherche- développement, et cela est difficile à faire. Il faut recevoir l'aval de ses conseillers scientifiques et il y a toute la comptabilité financière pour établir que les frais encourus sont réellement liés à la recherche-développement. Et la proportion des entreprises faisant l'objet de vérifications fiscales est élevée. Près des trois quarts de toutes les sociétés ayant des frais de recherche-développement font l'objet de vérifications chaque année, soit un taux bien supérieur à ce que l'on voit ailleurs. Nous pensons donc que s'il existait des frais de conformité élevés, c'est là qu'ils se situeraient.
Nous avons mené une enquête auprès des sociétés responsables, globalement, d'un tiers de la recherche-développement effectuée dans le pays. Nos résultats sont que les frais de conformité représentent moins de 1 p. 100 des crédits demandés, et même moins dans le cas des grandes sociétés.
Il y a, certes, quelques problèmes. Il y a des frais de démarrage. La première année où une entreprise demande le crédit, il y a un problème. L'entreprise doit se familiariser avec les règles et c'était signalé comme une difficulté. Mais les coûts des vérifications ne sont pas un problème, même avec tous ces contrôles qui sont effectués et malgré toutes les doléances exprimées quant à leur fréquence. Nous avons calculé combien cela coûte aux entreprises et, selon les répondants à notre sondage, c'est de l'ordre de un sixième du coût annuel de conformité concernant le crédit. Les vérifications fiscales ne se sont donc pas avérées être un gros problème.
Je ne veux pas dire par là qu'il n'y a pas au Canada de frais d'observation susceptibles d'être réduits, mais ce n'est peut-être pas un si gros problème.
Sur la question de savoir ce que l'on pourrait faire pour les réduire encore davantage, mon impression est que la meilleure solution serait de réduire le taux d'imposition des sociétés tout en élargissant l'assiette de façon à... Je ne parle pas de diminuer les prélèvements; il s'agirait de maintenir le niveau des recettes, mais en combinant une réduction des taux et un élargissement de l'assiette.
C'est exactement ce qu'envisageait le budget de 1985. Un document a été publié, intitulé Le régime fiscal des sociétés: un axe de changement, qui s'engageait dans cette direction mais sans aller très loin. Je pense que les arguments qui y sont développés tiennent encore la route aujourd'hui. Je vais essayer de vous expliquer pourquoi.
La première intéresse les pertes d'exploitation déductibles d'impôt. Bon nombre de sociétés ont des pertes déductibles. Le problème est qu'elles doivent consacrer beaucoup d'énergie à les utiliser. Au sein d'un groupe, il s'agit de transférer ces pertes à une compagnie ayant des revenus imposables. Cela exige beaucoup de planification et des gros honoraires de comptables pour y parvenir. En outre, lorsqu'une société est reprise par une autre, pour éviter la prise de contrôle stricte et pouvoir utiliser les pertes fiscales, il faut appliquer des règles de prise de contrôle très complexes.
Je ne recommanderais pas un système de déclaration commune comme aux États-Unis. Bien que cette solution puisse sembler attrayante à première vue, lorsqu'on examine de près ces règles et ce qu'il en coûte de les observer, ce n'est pas intéressant du tout. C'est pourquoi je préférerais un élargissement de l'assiette de façon à avoir moins de pertes fiscales déductibles qu'à l'heure actuelle.
Une autre raison de réduire le taux d'imposition des sociétés est que le Canada applique un taux supérieur à celui des États- Unis. La difficulté est que cela crée une grosse incitation à transférer les profits vers les États-Unis plutôt que de les déclarer au Canada. La facturation interne, la localisation du financement au Canada plutôt qu'aux États-Unis - c'est une grosse industrie chez les fiscalistes que de faire passer les revenus aux États-Unis. Je ne pense pas que ce soit une activité réellement productive.
De façon générale, et même lorsque des sociétés n'ont pas d'activité à l'étranger, les avantages de la planification fiscale sont fonction du taux d'imposition. Plus le taux est élevé, et plus il est rentable de payer un comptable pour passer la Loi de l'impôt sur le revenu à la loupe et tenter de mettre à profit la moindre petite déduction possible.
Pour toutes ces raisons, et dans le souci de déformer le moins possible les décisions commerciales, je recommande de baisser le taux d'imposition et d'élargir l'assiette fiscale.
Je n'ai pas beaucoup d'idées à formuler sur la façon de procéder à cet élargissement de l'assiette. On pourrait envisager de réduire les taux de la DPA, de resserrer la définition de recherche-développement, ainsi que le gouvernement fédéral l'avait proposé à l'automne, en spécifiant qu'il doit y avoir au moins une vente sans relation de dépendance du produit pour qu'une dépense soit reconnue comme étant de la recherche-développement. Mais c'est essentiellement quelque chose qui incombe au ministère des Finances. Les gens de l'extérieur ne disposent pas des données voulues pour déterminer la meilleure façon d'élargir l'assiette.
Je dirais que la petite entreprise a effectivement un problème de coûts de conformité. Toutes les études faites dans le monde vous le diront, et la nôtre a fait apparaître la même chose. Malheureusement, nous n'avons guère de solution à proposer. Pour autant que je puisse voir, nous faisons déjà tout le possible pour minimiser ces coûts d'observation.
Enfin, je dirais que certains formulaires de Revenu Canada semblent inutiles, particulièrement les formulaires de type statistique sur lesquels aucun calcul n'est effectué... le formulaire T-661 pour le crédit de recherche-développement et le formulaire T-106 pour les opérations entre apparentés.
Le président: Je vous remercie, monsieur Alan Macnaughton.
La parole est à Robert Keyes, de l'Association minière du Canada.
M. Robert Keyes (vice-président, affaires économiques, Association minière du Canada): Je vous remercie, monsieur le président. Je tiens à vous remercier, au nom de l'Association minière du Canada, de nous avoir invités.
Avant de rédiger mes notes pour cette comparution, j'ai consulté également l'une de nos organisations apparentées du secteur minier, l'Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs. Mes propos reflètent également en partie ses vues.
J'ai structuré mes propos selon six rubriques et je serais ravi d'apporter de plus amples précisions ultérieurement, si les membres du comité ont des questions.
La première rubrique est ce que j'appellerais les complexités du secteur minier. La plupart des secteurs industriels du Canada paient des impôts à trois paliers de gouvernement. Il y a l'impôt sur les sociétés versé aux gouvernements fédéral et provinciaux, et il y a en sus des taxes prélevées par les municipalités.
Nous avons un troisième volet de taxe, l'impôt sur les mines et les redevances d'exploitation que nous payons aux provinces et territoires. Bien que ces prélèvements soient fonction du profit, ils sont perçus sur une assiette différente. En outre, ils sont un facteur dans le calcul de l'impôt sur le revenu des sociétés, et un niveau supplémentaire de taxes gonfle inévitablement les frais d'observation.
Étant donné la façon dont les compétences à l'égard des richesses naturelles sont structurées au Canada, il semble probable que ce système perdure. Je pense que tout ce que nous pouvons souhaiter, c'est que les gouvernements fédéral et provinciaux collaborent dans toute la mesure du possible.
La fiscalité applicable aux industries des ressources est tellement complexe qu'il est très difficile de l'expliquer à un étranger. Mais en dépit de cette complexité, je souligne que nous ne recherchons pas une simplification juste pour le plaisir de faire plus simple. La Loi de l'impôt sur le revenu et les divers régimes fiscaux applicables aux mines contiennent tous des caractéristiques importantes qui, tout en ajoutant à la complexité, reflètent également la nature particulière du secteur. Ces éléments fiscaux sont là pour une excellente raison, notamment le niveau de risque associé à cette activité. Étant donné la concurrence qui règne à l'échelle internationale, il pourrait être très néfaste pour nous que divers éléments du régime fiscal soient supprimés dans le seul intérêt de la simplification et de l'harmonisation.
Permettez-moi de passer aux impôts sur le capital. Je suis sûr que le comité n'ignore pas qu'ils sont un élément d'importance croissante dans la fiscalité canadienne. Chaque province, de même que le gouvernement fédéral, perçoit une forme d'impôt sur le capital, mais toutes sont calculées sur des assiettes différentes. Inutile de le dire, cette variation contraint à faire des calculs distincts pour chaque gouvernement. Il serait utile que les diverses autorités fiscales s'accordent sur une assiette commune, de telle façon que le taux soit la seule variable à appliquer.
Indépendamment des questions de conformité, qui sont le sujet sur lequel ce comité se penche en ce moment, je voudrais seulement signaler notre préoccupation persistante au sujet des impôts sur le capital, préoccupation d'autant plus forte que nous sommes une industrie à forte capitalisation.
J'ai inscrit le troisième point sous la rubrique «Perception des recettes et conformité». La politique fiscale est déterminée essentiellement par le ministère des Finances, mais l'observation de la loi exige que les contribuables aient des relations de travail étroites avec Revenu Canada. Dans l'ensemble, je pense que nos sociétés ont de bonnes relations avec ce ministère, mais des difficultés se font jour dans certains cas particuliers. Certaines compagnies font état de problèmes avec le nouveau système de numéro d'entreprise dans le cas des sociétés en nom collectif. Apparemment, le système est peu adapté aux ententes d'association qui sont très courantes dans notre secteur.
Les compagnies signalent que les vérifications fiscales sont un processus fastidieux et long. Elles exigent que le personnel de Revenu Canada, dans le cas des grosses sociétés, ait des bureaux pratiquement permanents dans les locaux de l'entreprise. Il en résulte des coûts accrus tant pour le fisc que pour l'industrie. Dans certains cas, les comptes de l'année fiscale restent ouverts pendant très longtemps. Cela aussi comporte des conséquences pécuniaires.
À l'évidence, une meilleure coordination entre les gouvernements fédéral et provinciaux au sujet des vérifications serait utile. C'est particulièrement vrai compte tenu des transactions complexes que l'on rencontre dans notre secteur.
Par exemple, s'agissant des opérations de couverture, des emprunts or, des échanges d'actions, du financement par instruments dérivés etc., il serait très utile qu'une seule et même vérification puisse répondre aux exigences des deux paliers de gouvernement. Il peut être difficile pour les vérificateurs du fisc de se familiariser avec la nature de ces opérations, mais il serait bon que les compagnies n'aient pas à expliquer ces choses plusieurs fois.
Le quatrième élément que j'aborderai est l'existence d'un coût de conformité potentiel supplémentaire en ce qui concerne les filiales étrangères. Le gouvernement fédéral est sur le point d'accroître la complexité et le coût de conformité en introduisant des règles nouvelles intéressant les déclarations relatives aux filiales étrangères. Il semble bien que ces règles vont alourdir considérablement le fardeau administratif, de même que le temps de personnel requis et les coûts y afférents.
Nous estimons que le fardeau potentiel imposé par ces exigences serait considérablement réduit si ces règles étaient applicables uniquement aux filiales étrangères contrôlées par la société, et non à toutes les filiales étrangères. Nous pensons que, dans certains cas, le rassemblement des données requises sera très difficile et très long. Nos membres semblent penser également, à tort ou à raison, que les vérificateurs soupçonnent presque automatiquement chaque transaction internationale, même lorsque celles-ci ne présente aucun caractère répréhensible. Nous espérons donc que ces règles seront revues dans l'optique des coûts d'observation potentiels.
Le cinquième élément, que diverses personnes ont déjà abordé, est celui des taxes et prélèvements indépendants des profits. C'est certainement un élément d'importance croissante de la fiscalité canadienne, et la liste de ces prélèvements est fort longue. Une autre forme de coût gagne rapidement en ampleur, à savoir les redevances de recouvrement des coûts, comme celles pour les évaluations environnementales, les frais de justice, les droits de services maritimes etc.
Certains de ces prélèvements concernent un service ou un bien fourni par le gouvernement, mais lorsque l'industrie n'a que peu ou pas de contrôle sur leur montant ou leur répartition, ils peuvent devenir un impôt déguisé. Là encore, il en résulte aussi bien des coûts de conformité que des conséquences sur la compétitivité, surtout dans une industrie comme celle des minéraux et métaux qui ne peut répercuter ces frais sur les prix.
En outre, n'étant fonction ni du profit ni de l'encaisse, ces prélèvements peuvent devenir économiquement régressifs et donc néfastes. De fait, cet aspect est au coeur de toute la discussion d'aujourd'hui sur les coûts de conformité. Dans notre secteur, nous ne pouvons les répercuter sur les prix, car ce n'est pas nous qui fixons les prix de nos produits.
Ma dernière remarque intéresse le projet de commission du revenu. Nous pensons que cette idée offre la promesse d'un régime plus rationnel et plus simple. Nous ne sous-estimons pas les difficultés de démarrage d'une telle commission, ni celles de la mise au point des paramètres opérationnels, mais je pense qu'un tel mécanisme permettrait de réduire les efforts déployés pour la conformité tant par les gouvernements que l'industrie. Nous sommes donc certainement en faveur de cette idée, qui vaut la peine d'être mise à l'essai, surtout si elle peut contribuer à une coopération fédérale-provinciale plus étroite.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Keyes.
Monsieur David Manning, de l'Association des producteurs pétroliers.
M. David Manning (président, Association canadienne des producteurs pétroliers): Je vous remercie, monsieur le président et membres du comité. J'apprécie l'intérêt porté par le comité au sujet qui nous occupe et l'invitation qu'il a adressée à l'Association canadienne des producteurs pétroliers. J'apprécie également ma position à cette table, qui me permet d'être bref et de laisser du temps à la période de discussion que nous souhaitons tous avoir avec les membres de ce comité.
Cependant, je saisis brièvement cette occasion pour rappeler que l'industrie d'amont, qui est la partie de l'industrie du pétrole et du gaz que je représente, fournit environ les deux tiers de l'énergie consommée au Canada. En outre, elle exporte pour près de 12 milliards de dollars par an, c'est-à-dire qu'elle contribue très largement à notre balance internationale des paiements, juste après l'exploitation forestière et avant l'industrie automobile. Nous employons pas loin de 120 000 Canadiens, ou 190 000 si vous y englobez les emplois indirects et dérivés. Nous sommes l'un des très gros employeurs de ce pays.
Mais surtout, collectivement, nous réinvestissons près de 100 p. 100 de notre encaisse après impôt. Du fait que nous sommes une industrie à si forte intensité de capital et parce que nous sommes tributaires des prix du secteur minier, ainsi que mon ami M. Keyes l'a signalé, les coûts et variables qui influent sur la compétitivité ont un effet profond sur l'industrie pétrolière et gazière d'amont. C'est évidemment là le coeur du sujet dont vous traitez en ce moment. Nous sommes très dépendants de l'investissement étranger, en raison du réinvestissement qui a lieu, et parce qu'il s'agit d'une ressource en voie de diminution dont l'exploitation exige un fort apport de capitaux. C'est là un élément stratégique et critique de notre exploitation.
Comme dans la plupart des industries, on a assisté ces dernières années à une profonde restructuration dans le secteur amont. Cependant, nous ne sommes pas convaincus que cette restructuration soit déterminée de façon disproportionnée par le régime fiscal. Nous ne sommes pas du tout convaincus que ces décisions soient déterminées par la fiscalité, dirais-je.
Je me ferai l'écho du professeur Macnaughton; nous ne sommes pas convaincus que les coûts de conformité soient dans notre industrie un élément majeur des plans d'entreprise et de l'évolution du secteur pétrolier et gazier. Cependant, nous clamons haut et fort que la viabilité de cette industrie dépend de la compétitivité des gisements du Canada par rapport aux autres régions productrices du monde.
Les tentatives, que d'autres sont portés à encourager, pour égaliser le terrain de jeu entre industries canadiennes ou niveler l'impact des coûts au Canada n'ont guère d'attrait pour notre secteur qui est tributaire des cours mondiaux et qui doit se mesurer sur le marché international. Par conséquent, plutôt qu'une analyse complexe de certains de ces coûts, nous préconisons plutôt un abaissement général des impôts, considérant que cela contribuerait davantage à la compétitivité de cette industrie.
Le rendement du capital dans notre secteur est légèrement inférieur à 4 p. 100, si l'on en croit l'analyse récente du Globe and Mail. Ce chiffre est à comparer à 13 p. 100 pour les producteurs d'électricité et 16 p. 100 pour les distributeurs de gaz, ces autres branches de l'industrie énergétique. Cela montre que nous n'avons guère de marge de manoeuvre dans le secteur amont, étant donné à quel point nous sommes tributaires des cours mondiaux.
Cela, bien entendu, soulève la question de nos coûts. Une partie de la difficulté tient au fait que, lorsque le gouvernement fédéral se décharge sur l'industrie du coût des services gouvernementaux au Canada, cela a des effets énormes qui se répercutent de loin en loin. Bob Keyes y a fait allusion également.
Les redevances et impôts que le secteur amont paye à tous les paliers de gouvernement, sous toutes les diverses formes, représentent un gros montant. Nous ne savons même pas, nous-mêmes, combien exactement nous versons aux gouvernements. Nous savons que l'industrie a payé près de 5 milliards de dollars en 1995 en taxes et redevances aux gouvernements, mais nous n'avons pu chiffrer tous les coûts divers et répercussions sur nous, du haut en bas de la ligne.
Cela m'amène à la question de l'harmonisation fédérale- provinciale, un sujet important à nos yeux. Nous craignons parfois que l'on ne mette trop l'accent sur le volet administratif, l'idée d'une espèce d'administration centrale de la fiscalité au Canada. C'est moins intéressant à nos yeux qu'une harmonisation des règles fiscales elles-mêmes.
Nous sommes d'accord avec les intervenants précédents pour dire que les coûts de conformité sont souvent plus lourds aux États-Unis. Nous n'avons pas beaucoup de doléances au sujet des coûts de conformité au Canada, comparés à d'autres pays. Cependant, nous pensons qu'il y a une possibilité... Peut-être l'instauration d'un régime national d'harmonisation dans le cadre fédéral- provincial serait-il trop difficile. Nous irions même jusqu'à préconiser une espèce de revue régionale pour voir si des mesures ponctuelles ne pourraient être prises, au lieu de s'attaquer à un morceau trop gros.
Le volet international de notre industrie est très important. J'ai une mesure précise à proposer. Une bonne partie des emplois nouveaux créés dans le secteur énergétique concernent la commercialisation du savoir-faire et de la technologie mis au point au Canada. Ainsi, lorsqu'une société basée au Canada ou détenue par des Canadiens est active dans un pays étranger ou un gisement concurrent, elle emploie souvent des Canadiens qui ont leur résidence et leur famille au Canada et payent leurs impôts ici. Très souvent, ces entreprises utilisent une technologie située au Canada.
Par exemple, une bonne partie des analyses géophysiques effectuées en Asie et au Mexique sont traitées ici, au Canada. Les relevés sont effectués sur le terrain, mais une bonne partie du traitement est faite ici. Donc, lorsqu'on parle de l'expansion internationale des entreprises canadiennes, il ne faut pas considérer cela comme un départ du Canada, loin de là.
À ce sujet, nous avons un petit reproche à faire, si vous le permettez, et qui découle de certains des régimes de redevances des pays en développement. Ce n'est pas tant un facteur s'agissant des pays développés avec lesquels nous avons des conventions fiscales, mais bon nombre des pays en développement dans lesquels nous avons des activités de prospection et de mise en valeur appliquent des ententes de partage de la production - des redevances en nature, plus ou moins. Celles-ci ne sont pas toujours reconnues par le gouvernement canadien comme dépense à l'étranger.
C'est une doléance que nous avons exprimée par le passé et que nous continuerons à faire valoir. Si le gouvernement canadien faisait un effort pour reconnaître et analyser ces dépenses, qui sont déductibles dans certains pays et non dans d'autres, il pourrait en résulter un meilleur rapatriement du capital canadien. Cela est dû au fait que l'industrie est en expansion à l'étranger, comme je l'ai indiqué.
Mais surtout, les capitaux qui alimentent notre industrie sont mobiles. Ils iront s'investir dans le gisement le plus compétitif. Il suffit parfois d'une légère variation pour qu'ils se déplacent. Comme je l'ai dit, cet élément particulier de l'industrie canadienne est tributaire de l'investissement. Il n'y a pas suffisamment de capitaux au Canada, et les capitaux étrangers sont mobiles et vont se placer là où le régime fiscal est le plus compétitif. Voilà donc le défi pour le Canada. Ces décisions sont fonction du fardeau fiscal global. La prévisibilité et la stabilité sont tout aussi importantes, bien entendu. La géologie est peut- être le premier facteur, et certainement le deuxième par ordre d'importance, mais le coût vient au troisième rang dans ces décisions d'investissement.
Je vous remercie, monsieur le président.
Le président: Je vous remercie, monsieur Manning.
Monsieur Shaw.
M. Doug Shaw (directeur suppléant, Direction des industries forestières et des matériaux de construction, ministère de l'Industrie): En fait, c'est M. Dottori qui va parler.
Le président: Oh, merci. Monsieur Dottori, du Conseil consultatif du secteur des forêts.
M. Frank Dottori (coprésident, Secrétariat du Conseil consultatif du secteur des forêts): Je vous remercie, monsieur le président.
Nous avons entendu toutes les interventions et je dirais simplement que notre industrie est très similaire à celle de M. Manning, si bien que nous partageons certaines préoccupations identiques. Avant de venir ici, j'ai décidé de suivre une approche différente - et je suis heureux de l'avoir fait étant donné ce qui a été dit ici - une approche plutôt simpliste du problème, d'un point de vue commercial.
Permettez-moi de vous donner un peu de contexte. Je suis le président d'une société qui a démarré en reprenant une usine de pâtes à papier désaffectée et nous en avons fait une entreprise dont le chiffre d'affaires atteint 1 milliard de dollars. Nous sommes probablement la compagnie la plus internationale du Canada, dans le secteur des pâtes et papier. Nous vendons à plus de 50 compagnies et nous avons donc une bonne idée de la vivacité de la concurrence dans le monde. Nous avons créé plus de 4 000 emplois.
Je suis également le coprésident du CCSF, le Conseil consultatif du secteur des forêts. Je suis venu ici en tant que représentant du secteur des pâtes et papier et des produits forestiers, le principal créateur de richesse du Canada. L'année dernière, il a fait rentrer 35 milliards de dollars dans le pays. S'agissant de la fiscalité, il importe de voir ses effets sur notre industrie, le premier fournisseur d'emplois et le premier créateur de richesse du Canada.
Comme d'autres l'ont mentionné, je pense que le coût de conformité, bien qu'il soit important, n'est pas fondamental. Je suis parti d'une approche différente, à savoir les facteurs qui influent sur notre activité, afin de vous donner une perspective différente.
Bien entendu, la première chose dont nous sommes convaincus est que notre pays a besoin d'investissements. Il a besoin d'investissements pour protéger les emplois existants et il a besoin d'investissements pour créer les emplois futurs et développer dans notre pays la production à valeur ajoutée. C'est dans cette perspective que j'inscris mes propos.
Nous avons besoin d'exporter. Les pays du monde se livrent aujourd'hui, littéralement, une guerre économique, qu'ils l'avouent ou non. Tous les pays sont en concurrence pour l'emploi et le Canada n'est pas différent. C'est pourquoi nous avons un taux de chômage élevé. C'est donc dans cette perspective que nous nous plaçons.
N'oubliez pas que le CCSF représente toutes les industries des produits forestiers, syndicats compris. Je copréside le comité avec M. Stoney, qui est le président de l'IWA. Les positions que j'exprime aujourd'hui sont tempérées par ce que nous pensons être également les points de vue des syndicats.
La question qui se pose toujours est de savoir comment aborder ces problèmes. Nous les envisageons très simplement. Tout d'abord, en tant qu'exportateurs canadiens, il nous faut l'accès aux marchés. Je veux couvrir certaines de ces questions que l'on tend à éviter. Elles sont indissociables de la fiscalité, indissociables du coût. Bon nombre de gouvernements du Canada et une bonne partie des médias réclament de la valeur ajoutée et davantage d'investissements chez nous.
Le problème est que les autres pays opposent des barrières douanières à nos produits à valeur ajoutée. Par exemple, nous ne pouvons vendre de produits à valeur ajoutée canadiens en Europe parce que celle-ci frappe le papier couché de droits de douane de 9 p. 100, mais elle achète notre pâte à papier sans droits de douane. Nous voyons apparaître la même chose en Indonésie, en Corée, au Japon etc. Ils imposent des tarifs très élevés, jusqu'à 34 p. 100, pour empêcher nos produits de pénétrer ces pays.
Nous disons que le gouvernement canadien devrait promouvoir le libre-échange et la suppression des droits de douane, mais qu'il devrait également augmenter la mise, répliquer coup pour coup lorsque cela ne marche pas. Les États-Unis l'ont très bien compris et nous pensons qu'il est temps que les Canadiens en fassent autant, au lieu de toujours se laisser faire. Si vous voulez que nous construisions, créions, et faisions de la valeur ajoutée, nous avons besoin de l'accès aux marchés.
Le deuxième élément est le coût. Encore une fois, nous aimerions bien payer des impôts, mais à l'échelle internationale, les marges sont faibles et déterminées par quantité de facteurs, en fin de compte. Par exemple, notre industrie paye plus de 5 milliards de dollars, directement ou indirectement, au gouvernement canadien, bien que certains disent que nous ne payons pas d'impôts sur les sociétés. Beaucoup d'autres personnes ici ont fait état des redevances et taxes d'usager qui sont des impôts déguisés et non englobés dans l'impôt sur les sociétés.
Par exemple, le bois représente 40 p. 100 du coût de production dans notre industrie. Nous payons des droits de coupe, nous payons des taxes sur le carburant, nous avons des taxes de voirie et toutes sortes de taxes invisibles qui sont englobées dans ce coût. Ensuite les États-Unis nous attaquent, disant que nous sommes subventionnés. Pourtant, il nous en coûte 45$ le mètre cube de bois livré à notre usine. Chez eux, il coûte 20$ et ils prétendent payer 23$ de droits de coupe. À moins qu'ils aient des petits lutins qui coupent le bois, je ne vois pas comment ils font.
Aux États-Unis, toutes les routes sont payées par l'État et toute l'infrastructure est fournie par l'État. Ici, il se décharge sur nous. Nous devons fournir ces services à cause de la géographie de notre pays. Nous devons en sus payer des droits de coupe, si bien que nous sommes défavorisés.
La question suivante est celle de l'énergie. Jadis, l'abondance de l'énergie au Canada était souvent un avantage. Aujourd'hui, si vous n'êtes pas propriétaire de votre propre barrage hydro-électrique, vous êtes désavantagé. En Ontario, par exemple, l'électricité coûte 5,8 c. par kilowatt-heure. On pourrait obtenir de l'énergie aujourd'hui à un prix marginal de 2,2 c., en utilisant notre propre gaz naturel. On peut acheter le gaz aux États-Unis, mais nous n'y avons pas accès car le Canada n'autorise pas le transport par route.
Encore une fois, cela montre l'influence omniprésente du gouvernement sur les coûts de production, si l'on veut rester concurrentiel. Aux États-Unis, ils ont le PURPA, qui autorise un transfert d'énergie et subventionne la cogénération. Au Canada, particulièrement au Québec, vous ne pouvez même pas construire d'usine de cogénération sans demander la permission.
Pour ce qui est des produits chimiques, un secteur plus international, nous n'avons pas de problème. Nous avons au Canada une industrie chimique concurrentielle et des coûts compétitifs.
Ensuite il y a la main-d'oeuvre, les charges sociales. J'ai fait un calcul, pour notre compagnie en particulier, en englobant les taxes de vente provinciales et fédérales. Les déductions salariales nous coûtent 53,85 p. 100. L'assurance-chômage est de 7,2 p. 100, le régime de pension est de5,4 p. 100, l'impôt fédéral est de 16,8 p. 100, impôt sur le revenu compris, etc. C'est là un élément qui réduit la compétitivité et qui doit être examiné.
Une baisse de quelques points de l'impôt sur le revenu fait une grosse différence pour le travailleur moyen. Il voit son salaire net augmenter. Nous pensons que les individus sont les mieux à même de gérer leur argent. Évidemment, nous avons conscience que cela prendra un peu de temps, vu que le gouvernement doit éliminer en premier lieu son déficit, mais c'est quelque chose à envisager.
Le coût du transport a été évoqué - il représente 15 p. 100 de nos coûts de production. Pour ce qui est des taxes sur le carburant, la réglementation canadienne est un bric-à-brac. Bien que, là encore, des mesures soient prises pour y remédier, nous pensons que ce sont là des problèmes fondamentaux qui influent sur notre compétitivité ou notre marge de profit. Nous avons été heureux d'entendre M. Mintz dire qu'il a conscience de la complexité et se penchera sur certaines de ces questions dans le contexte d'ensemble.
Un autre facteur important dans notre secteur est le coût du capital. Encore une fois, j'entends dire que le coût du capital n'est pas important. Je vous le demande, lorsque vous construisez une maison... Je ne suis pas économiste, mais j'ai signé pour plus de 1 milliard de dollars de créances pour des projets. Si vous y réfléchissez - et je ne pense pas que ce soit très différent de la construction d'une maison - si l'argent vous coûte 10 p. 100, et qu'ailleurs vous pouvez l'avoir à 5 p. 100... je vais vous donner un exemple. Si c'est 10 p. 100 à Toronto et 5 p. 100 à Oshawa, et que vous avez le choix de l'endroit où construire, où allez-vous aller?
Le coût du capital est donc très important. Au bout du compte, ce n'est pas plus compliqué que cela, même si je sais que le chemin lui-même est compliqué.
Nos usines ne peuvent déménager. Lorsque nous investissons du capital, des centaines de milliards de dollars, dans ce pays, nous ne pouvons charger les usines sur un camion et les déménager, comme peuvent le faire les industries de haute technologie. Nous sommes coincés ici, et c'est pourquoi nous prenons grand soin - et nous avons besoin de sécurité - de faire une planification à long terme avant d'investir. Nous ne voulons pas de changements rapides. Je vais vous donner un exemple précis.
Notre compagnie a construit une machine de 300 millions de dollars. À l'époque, je payais... Vous souvenez-vous de l'époque où les taux d'intérêt ont grimpé à 14,75 p. 100, plus 0,5 p. 100 en sus? Au Japon, dans le même temps, l'un de nos concurrents construisait une machine à 3,2 p. 100. Si vous multipliez cette différence par 300 millions de dollars, vous voyez à quel écart vous aboutissez. Ensuite, les gens nous disent que nous ne sommes pas aussi malins que les Japonais. Donnez-moi de l'argent à 3,2 p. 100 et vous verrez ce que je fais des Japonais.
Bon nombre des études faites par le gouvernement, par exemple - il y en a une qui est épaisse comme ça - montrent que le coût du capital au Canada, indépendamment de la disponibilité, est supérieur de 1,3 à 1,7 p. 100, depuis au moins 1978, les six derniers mois exceptés. Je ne soulignerai donc jamais assez l'importance du coût du capital au Canada pour une industrie à forte intensité de capital. Si vous voulez réinvestir pour protéger les emplois, réinvestir pour créer des emplois, vous avez besoin de taux d'intérêt concurrentiels. Voilà l'avenir. Je postule que nous avons une bonne marge de profit et de bons débouchés pour commencer, mais si vous voulez construire et développer, voilà ce qu'il vous faut.
Nous avons certaines recommandations précises en ce qui concerne le coût du capital. Nous pensons qu'un lourd impôt sur le capital dissuade l'investissement. Si le gouvernement veut un impôt minimum sur les sociétés, qu'il impose l'encaisse. Je trouve incroyable que nous ayons un projet de 300 millions de dollars et que je me fasse ponctionner d'une taxe sur le capital de 2 millions de dollars alors que je suis presque en faillite et que je dois lancer des actions privilégiées à terme.
Je dis que cela n'a pas de sens. Il faut se débarrasser de cela. Lorsque j'aurai 10 millions,15 millions, 20 millions d'encaisse positive, alors très bien, prélevez 10 p. 100 d'impôt. Si vous voulez un impôt minimum, très bien, mais il faut se débarrasser du lourd impôt sur le capital si vous voulez promouvoir l'investissement dans ce pays. Si vous voulez faire payer les banques, trouvez une autre façon, sans pénaliser les industries à forte capitalisation.
Nous pensons que vous avez besoin d'une taxe sur les transactions commerciales d'une sorte ou d'une autre. Nous dépensons beaucoup d'argent. C'est probablement l'un des facteurs des fusions. Il y a des moyens de contourner cela. Nous le faisons tous, pourquoi donc ne pas reconnaître le fait et éliminer le problème?
Nous pensons qu'il faut des stimulants fiscaux qui soient équitables et applicables à tous. Les gens rétorqueront que nous entonnons toujours le même refrain, mais je peux vous dire que nous avons une usine en France et que, dans n'importe quel pays de la CEE, on nous offre des incitations de 17 à 22 p. 100. Vous pouvez aller en Thaïlande, vous pouvez aller en Inde, vous pouvez aller en Chine, on vous y offrira de deux ans et demi à trois ans d'exonération d'impôt sur le revenu - aucun impôt. Ils paient même vos impôts personnels. Vous pouvez vous implanter là et obtenir toutes ces incitations.
Je pense que le gouvernement doit en tenir compte. Que cela vous plaise ou non, vous devez regarder la réalité en face. C'est une guerre économique qui se livre dans le monde. Vous devez mettre en place quelque chose de juste et d'équitable. Il ne s'agit pas d'enrichir les riches et d'appauvrir les pauvres, il faut que ce soit équitable pour tous.
Vous devez vous attaquer à ce problème. Pour apporter quelque stabilité, nous préconisons un mécanisme similaire au REER. Ce peut être très simple. Par exemple, on pourrait placer des fonds dans des investissements prescrits, qu'il s'agisse du domaine de l'environnement ou de la recherche-développement. Les entreprises de notre secteur très volatil pourraient ainsi protéger des fonds, comme cela se fait en Suède et ailleurs, afin d'y puiser pendant les périodes difficiles et pouvoir continuer à investir.
L'autre mesure que je proposerais... Je suis réticent à prononcer les mots «taxe sur les gains en capital», car ils tendent à susciter une réaction chez tout le monde. Appelez cela comme vous voulez, mais il faut créer quelque chose pour stimuler l'esprit d'entreprise dans notre pays. Que cela nous plaise ou non, les gens sont motivés par l'appât du gain. L'appât du gain est ce qui pousse les gens à prendre des risques dans le but de jouir d'une vie meilleure. Voilà la réalité, au-delà de toutes les considérations philosophiques.
Il faut trouver des façons pour que les gens qui risquent leur argent pour investir et créer des emplois - et je souligne la création d'emplois. Mes homologues syndicaux m'ont demandé de bien faire ressortir que ces mesures viseraient uniquement la création d'emplois.
Il existe des moyens d'encourager la création de bassins de capitaux, d'amener les gens à prendre des risques, à se lancer et à monter des entreprises, et je pense qu'il nous en faudrait davantage au Canada. Voilà le climat qu'il nous faut instaurer. En le faisant, je pense que l'on va faire rentrer davantage de recettes fiscales, que nous allons équilibrer le budget et avoir un pays meilleur. Nous avons certainement tous les outils voulus. Nous avons l'infrastructure, nous avons les cerveaux, nous avons la main-d'oeuvre. Je pense qu'il nous faut quelques petits coups de pouce financiers et alors, dans un climat de confiance, je pense que vous verrez ce pays aller de l'avant et occuper la place qui lui revient dans le monde.
Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie, monsieur Dottori.
Pouvons-nous passer maintenant aux questions des députés?
[Français]
Nous allons commencer par vous, monsieur Loubier.
M. Loubier (Saint-Hyacinthe - Bagot): Merci, messieurs, pour vos brillants exposés.
Permettez-moi d'abord de vous rappeler que c'est avec une grande déception que nous avons pris connaissance de l'orientation que vous avez donnée à l'introduction de nos travaux sur la révision de la fiscalité des entreprises.
Lorsque le ministre des Finances avait présenté son dernier budget, dont le discours était d'ailleurs rediffusé aujourd'hui sur CPAC, nous avions compris que nous entreprenions cette révision dans l'optique de la recherche d'une plus grande équité dans le système fiscal canadien.
Il y a des entreprises qui payent leurs impôts, comme le mentionnait M. Dottori tout à l'heure. Par contre, certaines autres, grâce à différents mécanismes ou à la conjonction de deux ou plusieurs mécanismes ou à des mesures du système fiscal canadien, arrivent à ne pas payer leur dû au fisc fédéral.
Pour leur part, la majorité des particuliers payent leurs impôts. Par contre, ce n'est pas le cas de certains parmi les plus riches, comme celui dont faisait mention le vérificateur général qui avait pu transférer aux États-Unis deux milliards de dollars d'actifs de fiducies familiales sans payer d'impôts. Il y a des gens qui ne payent pas leurs impôts au Canada.
Nous aurions normalement pu nous attendre à ce que cette révision de la fiscalité ait comme premier objectif cette recherche d'une plus grande équité. Nous constatons malheureusement que depuis 1960, en l'espace de quelque 30 années, la contribution des entreprises à l'impôt fédéral sur le revenu est passée de 20 p. 100 à 10 p. 100.
Si nous regardons l'ensemble des impôts et taxes que les entreprises canadiennes déboursent à tous les paliers de gouvernement, tant fédéral que provincial et municipal, nous constatons que depuis que l'OCDE fait ce genre d'études, ses chiffres démontrent clairement que parmi les pays membres de l'OCDE, les entreprises canadiennes sont celles qui contribuent le moins aux coffres des gouvernements. Cela dure depuis 25 ans.
Au lieu de tenter de réviser la fiscalité et de nous pencher sur les nombreuses dépenses fiscales, dont les impôts reportés par les entreprises qui, en 1994, totalisaient quelque 34,6 milliards de dollars, nous parlons de coûts d'observation et de l'interaction, au niveau de l'administration, entre les impôts fédéraux et les impôts provinciaux.
Je suis obligé de constater, monsieur le président, que puisque vous avez choisi d'orienter ainsi les travaux du comité, vous poursuivez finalement deux objectifs.
Premièrement, vous voulez justifier le mandat de la nouvelle commission sur le revenu qui pourrait éventuellement remplacer les gouvernements provinciaux au niveau de la perception des taxes et des impôts. Plusieurs intervenants ont relevé ce sujet tout à l'heure. Ceci fait partie des trois balises que vous imposiez au comité.
En deuxième lieu, le gouvernement libéral vise à écarter une vraie révision de la fiscalité qui ferait en sorte que les entreprises qui ne payent présentement pas d'impôts seraient peut-être appelées à le faire à l'avenir. Les nombreuses exonérations dont elles bénéficient seraient peut-être appelées à être examinées de près et à faire l'objet d'une évaluation critique à l'orée de l'an 2000.
Bref, monsieur le président, tout comme dans le cas du transfert d'actifs de deux milliards de dollars aux États-Unis sans impôt, le gouvernement libéral tente de noyer le poisson et d'éviter une révision nécessaire de la fiscalité des entreprises.
J'ai entendu quelques bonnes suggestions plus tôt, entre autres celles de M. Macnaughton relativement à l'amortissement et au report d'impôt, que je trouve vraiment intéressantes.
Ceci semble concorder avec le message dont nous faisait part le ministre des Finances lors du dépôt de son dernier budget et entrer de plein pied, avec une justesse certaine, dans les vrais problèmes qu'on éprouve au niveau de la fiscalité des entreprises et de la fiscalité fédérale en général et par rapport à la situation précaire des finances publiques.
La première de mes trois questions porte sur la contribution des entreprises. Pourrait-on m'expliquer pourquoi depuis 1965, depuis une trentaine d'années, la contribution des entreprises en matière d'impôt sur le revenu aux coffres fédéraux a diminué de moitié? Pourrait-on me donner une bonne explication sur cet effritement de la contribution des entreprises?
Le président: Est-ce que l'un d'entre vous pourrait répondre à M. Loubier?
[Traduction]
M. Boutziouvis.
M. Boutziouvis: Je vous remercie, monsieur le président.
Il y a plusieurs raisons expliquant cette tendance à la baisse des impôts des sociétés en pourcentage des recettes totales du Canada au cours des trois dernières décennies.
Premièrement, il faut signaler - et je voulais d'ailleurs le faire suite aux propos d'Andrew - que virtuellement tous les pays industrialisés de l'OCDE ont connu un déclin similaire de la contribution du secteur privé aux recettes totales de l'impôt sur le revenu. Ce n'est pas une caractéristique propre au Canada. On retrouve le phénomène dans tous les pays de l'OCDE.
Deuxièmement, la principale raison de cette tendance est que les profits des sociétés sont en recul depuis trois décennies, particulièrement au Canada. Les profits des entreprises avant impôt ont chuté d'un sommet de 14 p. 100 environ du PIB dans les années 1970 et la fin des années 1960 pour tomber au niveau le plus bas enregistré depuis la dépression, soit 4,5 p. 100 en 1993, la période de restructuration intense.
La moyenne à long terme des profits des sociétés avant impôt en pourcentage du PIB se situe un peu au-dessus de 10 p. 100, mais nous restons en deçà de ce niveau, bien que certaines entreprises aient affiché des profits assez élevés en 1995. Dans l'ensemble, le secteur privé n'a toujours pas retrouvé son niveau de profit moyen des 30 dernières années.
Monsieur Loubier, ce n'est pas que les gouvernements ignorent cette réalité. Au contraire, ils ont reconnu cette baisse des recettes de l'impôt sur le revenu des sociétés et ont tenté de combler le manque à gagner par toutes sortes d'autres taxes comme celles dont nous avons déjà parlé, telles que les charges sociales et l'impôt sur le capital. Ils se sont efforcés par toutes sortes de moyens de déplacer le fardeau fiscal des revenus vers des éléments plus fixes tels que les salaires, le capital etc. et vers des redevances de type recouvrement des coûts.
Deuxièmement, un autre phénomène est que l'impôt sur le revenu des particuliers, en pourcentage des recettes fiscales totales, a considérablement augmenté au cours des 30 dernières années, et c'était destiné principalement à financer le filet de sécurité sociale en puisant dans les revenus des personnes. Il y a eu une énorme augmentation de l'impôt sur le revenu des personnes.
Troisièmement, en dépit de la stagnation des revenus personnels au cours des dix dernières années, au fil des trois dernières décennies on a assisté à une augmentation énorme des revenus personnels au Canada. De ce fait, les recettes de l'impôt sur le revenu des personnes ont grimpé en flèche. Donc, si l'on considère l'évolution au cours des 30 dernières années, il y a plusieurs raisons à ce déclin, et à notre sens, et bien que vos remarques soient très justes, il faudrait...
[Français]
M. Loubier: Monsieur Boutziouvis, vous parliez de la diminution des profits réalisés par les entreprises. Nous observions cet effritement de la contribution des entreprises aux coffres fédéraux même au cours des années 1970 à 1981, période au cours de laquelle les profits étaient en hausse continuelle, presque année après année, dites-vous. On constatait alors que, toutes proportions gardées, les entreprises contribuaient de moins en moins aux impôts et aux recettes fédérales.
Je vous accorde qu'en 1981, 1982 et une partie de 1983, à cause de la récession, les profits ont chuté. On peut expliquer une diminution des rentrées fiscales par ce facteur conjoncturel. Mais par la suite, pendant les années 1980 et jusqu'en 1990-1991, les profits ont continué d'augmenter, tandis que la part des impôts payés par les entreprises au gouvernement fédéral a constamment diminué.
Je me demande si le nombre de mesures fiscales, d'exonérations et de mécanismes, tels les impôts reportés et l'amortissement accéléré dont parlait M. Macnaughton, qui existent à l'heure actuelle dans le régime fiscal fédéral et qui s'adressent aux entreprises, ne serait pas ce qui expliquerait cette réduction relative de la contribution des entreprises aux coffres fédéraux et l'augmentation de l'impôt des particuliers. Si ma mémoire est bonne, c'est à partir du début des années 1980 que les entreprises canadiennes ont tout particulièrement eu recours à l'amortissement accéléré et au report d'impôts.
[Traduction]
Le président: Monsieur Macnaughton.
Le professeur Macnaughton: J'ajouterai simplement qu'il existe un document qui apporte quantité de renseignements utiles. Le ministère des Finances a publié un document intitulé Gouvernement du Canada: dépenses fiscales, en 1994, qui dresse une liste des déductions fiscales et crédits d'impôt à la disposition des entreprises, en indiquant combien ils coûtent au gouvernement fédéral. Je pense que si vous cherchez à dresser un catalogue des dispositions du régime fiscal des entreprises que l'on pourrait modifier, ce serait un bon endroit où chercher.
Cependant, je dois dire que l'information reste insuffisante. L'un des problèmes qui se posent aux chercheurs non gouvernementaux est que le ministère des Finances ne communique que très peu de données sur le fonctionnement du régime fiscal.
Par exemple, il serait bon de savoir exactement quel pourcentage des entreprises paient des impôts chaque année. Je ne le connais pas. Les dernières données dont je dispose remontent à plus de huit ans. Disséminer davantage l'information, voilà une chose que l'on pourrait faire pour améliorer le fonctionnement du régime fiscal.
[Français]
M. Loubier: Monsieur Macnaughton, nous avons réclamé cette révision en profondeur dès 1993, puisque nous observons, même à partir du document que vous mentionniez et que j'ai lu religieusement, que les renseignements dont nous disposons ne sont pas suffisantes. Nous avons de la chance d'avoir des chercheurs comme vous pour creuser davantage ces questions.
[Traduction]
Le président: Merci. Monsieur Jackson.
M. Jackson: Juste quelques mots. En ce qui concerne la tendance globale des profits des sociétés en pourcentage du revenu national, je pense que ce qui s'est réellement passé est que nous avons connu deux profondes récessions récemment, une au début des années 1980 et une au début des années 1990, avec une chute très sensible des profits des entreprises. En réalité, je pense que si l'on faisait abstraction de ces deux périodes, les profits des sociétés en pourcentage du revenu national total n'ont pas réellement diminué. On se trouve en face d'une courbe avec quelques creux et il s'agit de déterminer s'il y a une tendance à la baisse ou si c'est une ligne horizontale.
Je ne pense pas qu'il y ait une tendance à la baisse marquée. Si une tendance se fait jour, c'est plutôt un déplacement des revenus de la catégorie profits vers cette catégorie des comptes nationaux intitulée «revenus d'intérêt». La raison en est en partie, je pense, que les frais d'intérêt sont déductibles aux fins de l'impôt sur le revenu des sociétés.
Le régime fiscal contient une incitation pour les sociétés à se financer par l'emprunt plutôt que par l'émission d'actions. En d'autres termes, la composition des revenus du patrimoine a changé, au détriment des profits d'entreprise et en faveur des revenus d'intérêt. La part des salaires dans le revenu national n'a pas augmenté.
Pour ce qui est de la question de M. Loubier concernant la raison de cette baisse de la contribution de l'impôt sur le revenu des sociétés aux recettes totales, ces deux récessions ont eu un effet si ample à cause des dispositions très généreuses de report prospectif des pertes dans notre régime fiscal. Je pense qu'on y a déjà fait allusion... beaucoup de sociétés se livrent à quantité de contorsions pour en bénéficier. Le fait est que beaucoup d'entreprises ont perdu énormément d'argent, de 1981 à 1983 et au début des années 1990, et cela continuera à exercer un effet sensible aussi longtemps qu'il existera cette règle du report sur sept ans.
Nous sommes maintenant entrés dans une période où beaucoup d'entreprises, mais certainement pas toutes, ont retrouvé leur rentabilité. Il y a des pans entiers de notre économie où le rendement du capital est aussi élevé qu'il l'a jamais été, mais ces pertes antérieures et la possibilité de les reporter sur les années suivantes signifient qu'il y a un décalage substantiel dans les rentrées fiscales.
Juste une petite précision. Statistique Canada avait coutume de publier chaque année des statistiques sur les impôts payés par les sociétés qui permettaient de comparer les profits et les impôts et de suivre le rapport des uns aux autres. Elles indiquaient le nombre de sociétés qui ne payaient pas d'impôt. Mais ce catalogue n'est plus publié. Il serait utile de disposer au moins d'une source d'information lorsqu'on tente de cerner ces aspects.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Loubier. Nous allons maintenant passer à M. Grubel.
[Traduction]
M. Grubel (Capilano - Howe Sound): Je vous remercie, monsieur le président.
Je suis toujours ravi de voir M. Jackson citer des chiffres et des études qui sont contredits non seulement par la sagesse conventionnelle mais par les autres témoins etc.
J'attire simplement de nouveau l'attention de l'auditoire sur le fait qu'il a affirmé que les taux d'imposition des revenus sont les mêmes aux États-Unis et au Canada. M. Macnaughton, un spécialiste de l'Université de Waterloo, a dit que les taux américains sont inférieurs, et que c'est une des raisons pour lesquelles beaucoup de fiscalistes déclarent les revenus aux États- Unis. Cependant, j'aimerais prendre son raisonnement et voir quelles conclusions logiques il en tire qui contredisent mes propres positions.
Sa position A concerne la conformité lorsqu'un pays a des taux supérieurs à ceux d'un voisin ou partenaire commercial. Il n'y aura pas d'effet à la baisse sur l'investissement. Cet effet sera très mineur. L'inconvénient principal sera le fait que ces fiscalistes déclarent les profits à l'étranger. Voilà sa position A.
Sa position B est que les Européens se sont mis d'accord et vont avoir une entente pour ne pas baisser les taux en concurrence les uns avec les autres, de façon à ce que davantage d'argent soit déclaré.
La position C - c'est toujours ce que dit M. Jackson - est que si un pays a des taux inférieurs à ceux du Canada, c'est là que l'argent sera déclaré. C'est l'une des raisons pour lesquelles notre assiette fiscale rétrécit.
La conclusion de M. Jackson est qu'il faut donc embaucher davantage de vérificateurs à Revenu Canada pour s'assurer que de l'argent n'est pas transféré pour être déclaré comme profit aux États-Unis.
Je tire, pour ma part, une conclusion différente de ces trois thèses, à savoir que le Canada devrait réduire son taux d'imposition. Puisque nous sommes un petit pays, nous verrions tellement de versements de transfert affluer d'Europe et des États- Unis, coincés avec leurs taux élevés, que nous verrions probablement une majoration énorme de nos recettes fiscales. Pourquoi n'en serait-il pas ainsi? Cela découle de votre thèse.
Deuxièmement, même s'il n'y a pas une forte réaction sur le plan de l'investissement à la majoration du revenu après impôt découlant de taux d'imposition moindres, nous bénéficierions néanmoins d'un investissement direct accru. La direction de ce changement serait positive.
Je ne comprends donc pas. Prenons vos conclusions empiriques. Il me semble découler de vos positions qu'il faudrait réduire le taux d'imposition des sociétés pour amener les compagnies étrangères à utiliser les mécanismes de facturation interne de façon à déclarer une plus grande de leurs profits chez nous. En d'autres termes, faisons du Canada la Suisse de l'Amérique du Nord et nous engrangerions des recettes fiscales énormément supérieures. Qu'est-ce qui cloche dans ce raisonnement?
M. Jackson: Si nous sommes d'accord, c'est que je me suis mal exprimé.
Des voix: Oh, oh!
M. Jackson: Pour ce qui est du taux d'imposition, leurs niveaux relatifs varient selon que l'on parle d'une petite entreprise ou d'une société de fabrication. Il y a tout un éventail de taux d'imposition. Tout dépend également de l'État d'Amérique ou de la province dont vous parlez.
On ne peut donc affirmer de façon générale que les taux d'imposition sont supérieurs ou inférieurs. Je suppose que les taux américains sont quelque peu inférieurs si vous parlez du taux général d'un État moyen. Cela, je le concède.
Ce que je veux faire ressortir, c'est que les études que j'ai lues montrent que l'incidence globale du régime d'imposition sur le revenu et le capital des sociétés sur le taux de rendement est à peu près comparable, que l'écart est très faible. Nous avons peut- être même un léger avantage pour ce qui est du secteur de la fabrication. Je pense que c'est un élément important qu'il convient de faire ressortir, face à ceux qui disent que notre régime fiscal n'est pas compétitif.
En ce qui concerne votre argument voulant qu'en abaissant nos taux d'imposition nous mettrons fin à l'évitement fiscal et verrons affluer des recettes fiscales nouvelles, cela sonne un peu comme l'économie de l'offre: en baissant les impôts, on verrait exploser le niveau d'activité et les recettes fiscales augmenter. Mais cette théorie n'a pas marché dans la pratique, lorsqu'on l'a essayée aux États-Unis, n'est-ce pas?
M. Grubel: Non, mais je prends simplement votre...
M. Jackson: Mais l'autre conclusion est tout de même... J'ai trouvé que vous vous contredisiez vous-même un peu.
Si nous réduisons notre taux d'imposition, il est à présumer que cela posera un problème dans les autres juridictions. Supposons que vous soyez l'État de l'Ohio. Vous vous dites, en voyant l'avantage fiscal que s'est donné l'Ontario, que vous devez vous aussi baisser vos taux. J'en viens donc à la solution rationnelle, qui est d'avoir une sorte de coordination ou d'entente internationale pour éviter ce détournement purement artificiel des profits vers les pays où ils sont moins imposés.
Voyez jusqu'où va la Communauté européenne dans l'exploration d'un certain nombre de règles communes pour prévenir la désescalade des taux d'imposition. Cela me paraît être la direction à suivre. Je ne pensais pas qu'elle était aussi avancée dans cette voie.
M. Grubel: Votre thèse était qu'il y a une forte élasticité des flux de profits déclarés, vers les juridictions à faible taux d'imposition.
M. Jackson: Je dis que l'effet est plus sensible du côté des déclarations de revenu que du côté de l'investissement...
M. Grubel: Cette élasticité serait si forte que, en moyenne, une série d'États américains seraient poussés par cette fuite des profits vers le Canada à abaisser eux-mêmes leurs taux d'imposition. C'est ce que vous avez dit; je l'ai noté.
C'est l'un ou l'autre, vous ne pouvez jouer sur les deux tableaux. Si cette élasticité est très grande, la meilleure chose que le Canada puisse faire est de se doter du taux d'imposition le moins élevé de l'Amérique du Nord. Si l'élasticité n'est pas aussi grande, alors peu importe et les États-Unis ne nous emboîteront pas le pas. Lequel des deux est vrai? Quelle est votre position? L'élasticité est-elle très forte, si bien qu'il nous faut baisser les taux, ou bien ne l'est-elle pas?
M. Jackson: À l'évidence, si vous avez des entreprises implantées des deux côtés de la frontière et s'il y a un avantage fiscal à déclarer les profits d'un côté plutôt que de l'autre, les entreprises auront tendance à le faire, avec quelques pertes de recettes par voie de conséquence.
J'essayais de montrer que l'effet du régime fiscal s'exerce beaucoup plus sur le choix du pays dans lequel les profits sont déclarés que sur l'investissement lui-même. Face à ce problème, j'essayais de montrer que ce serait une erreur que de réagir en réduisant simplement les taux, car aussitôt que vous baissez les taux, vos concurrents vont en faire autant. Vous n'obtenez donc, au mieux, qu'un avantage temporaire.
M. Grubel: Mais vous avez défendu l'argument empirique voulant que, vu la taille du Canada et le nombre d'entreprises enjambant la frontière, si nous baissions notre taux d'imposition, nous mettrions tant de pression sur les États-Unis qu'ils réduiraient eux-mêmes leur taux d'imposition. Maintenez-vous cet argument?
M. Jackson: Les compagnies forestières aux États-Unis, par exemple, semblent être très sensibles à toutes sortes de facteurs au Canada. Je pense que ce serait le cas, sur une base sectorielle.
M. Grubel: Je vous remercie, monsieur le président.
Le président: Monsieur Campbell, je vous prie.
M. Campbell (St. Paul's): Je vous remercie, monsieur le président.
Il est parfaitement approprié que j'aie M. Grubel à ma droite et M. Jackson à ma gauche.
J'aimerais aborder un certain nombre d'autres questions qui n'ont pas encore été soulevées. Mais auparavant, chaque fois que l'on entre dans ce débat sur les taux d'imposition comparatifs des sociétés, on finit toujours par se disputer sur la question de savoir quelle est la comparaison appropriée. Est-ce avec les taux américains, aux États-Unis? Est-ce avec les taux de l'OCDE?
L'expérience que j'ai acquise en écoutant les témoins m'indique que ceux qui veulent démontrer que nos taux sont trop élevés tendent à citer les États-Unis comme exemple. Ceux qui considèrent que nos taux sont trop faibles se réfèrent à l'OCDE. Mais nous avons rarement devant nous, monsieur le président, un groupe de personnes de ce calibre qui ont étudié la question ou vivent le problème chaque jour dans leur travail.
Je ne veux pas faire ce que d'autres ont déjà fait, c'est-à- dire procéder à un vote, mais j'aimerais savoir ce que pensent les gens ici. Quelle est la comparaison appropriée?
Je ne perds pas de vue ce qu'a dit M. Jackson, et je pense que M. Macnaughton a dit la même chose, à savoir que les taux varient aux États-Unis selon les États, mais pour s'en tenir au taux général, est-ce que les États-Unis sont la meilleure référence, ou bien sont-ce les pays de l'OCDE? Quelle est la meilleure comparaison pour nos fins? Quelqu'un souhaite-t-il hasarder une réponse à cela? Monsieur Krishna?
Le président: Monsieur Krishna.
M. Vern Krishna (président sortant, Association des comptables généraux agréés de l'Ontario): Je vous remercie, monsieur le président. Je commencerai par traiter de cet aspect avant d'en venir à certaines autres remarques générales que je voulais faire.
J'ai été rassuré d'entendre dire que l'observation fiscale n'est pas un problème réel. En tant que comptable qui passe une bonne partie de sa vie professionnelle à structurer et restructurer des opérations, j'ai été très encouragé de l'entendre dire. Nous consacrons un temps excessif à structurer les transactions et à déplacer les revenus de juridictions à forte imposition vers des juridictions où la fiscalité est plus légère.
Je pense que la question de M. Campbell est pertinente et focalise le débat. À l'évidence, les États-Unis étant notre plus gros partenaire commercial, nous devons regarder de près ce qui s'y fait, car ses taux d'imposition détermineront où les industries, les activités, les biens et services et les transactions vont être localisés. Mais on ne peut pas non plus prendre les États-Unis comme un bloc car les taux d'imposition des États individuels varient sensiblement.
Je vous citerai deux exemples. Pourquoi BMW et Mercedes-Benz sont-ils allés s'implanter dans le sud des États-Unis? Je ne sais plus de quel État il s'agit, mais je crois que c'est l'Alabama ou l'une des Carolines. Ces constructeurs ont ouvert là des usines pour leur production américaine pour un certain nombre de raisons, qui ne se limitent pas seulement à des raisons fiscales, mais l'impôt était certainement une considération très importante. On sait bien que selon l'État américain que vous choisissez, votre taux d'imposition peut varier de 13 ou 15 points. C'est une différence considérable.
Mais, cela dit, l'OCDE et certains de ces pays deviennent de plus en plus importants et nous ne pouvons les ignorer. La meilleure illustration en est l'Irlande. L'Irlande est devenue un paradis fiscal très attrayant pour les entreprises de fabrication ces dernières années, en raison de sa fiscalité. Ce pays représente un point d'accès très utile à l'Union européenne. Pour toutes ces raisons, certains pays de l'OCDE acquièrent aujourd'hui une grande importance.
Je ne veux pas faire s'éterniser le débat, mais pour donner une réponse lapidaire, monsieur Campbell, les États-Unis sont probablement le point de référence le plus important, mais l'OCDE et certains pays membres de l'OCDE deviennent de plus en plus importants.
Je vous remercie.
Le président: Commençons avec M. Keyes.
M. Keyes: Juste une courte réponse à la question de M. Campbell. Je ne pense pas qu'il y ait de réponse catégorique et facile. À mon avis, il y a des variations sectorielles, et que cela dépend de votre secteur et de vos concurrents. Si vous êtes une entreprise de fabrication, dont l'usine est beaucoup plus mobile qu'une mine ou une forêt, la situation est très différente.
Dans notre cas, nous devons voir ce qui se fait aux États- Unis, mais également en Australie, au Pérou, au Chili, en Argentine, au Brésil, en Afrique du Sud, en Papouasie Nouvelle- Guinée, en Indonésie etc., etc., partout où il y a un potentiel minier, car c'est vers ces pays que les capitaux vont se diriger. À condition géologique équivalente, les capitaux vont aller là où le régime fiscal est le plus propice. La fiscalité est un élément de la compétitivité. Je pense que vous constaterez de très fortes variations sectorielles pour ce qui est de la réponse à votre question.
M. Boutziouvis: Je suis d'accord avec mon collègue. Je ferai simplement remarquer que les États-Unis restent la première source de capitaux d'investissement dans notre pays, suivis par le Royaume-Uni. La majorité écrasante des capitaux étrangers viennent des États-Unis.
Franchement, je suis d'accord avec Andrew. La compétitivité fiscale n'est qu'un facteur parmi beaucoup d'autres qui vont déterminer les décisions d'investissement d'une compagnie. Cela dit, nous devons néanmoins veiller à avoir une fiscalité à peu près compatible et comparable à celle de notre plus gros concurrent, non seulement en ce qui concerne l'imposition des sociétés mais aussi celle des personnes.
Je déplore qu'Andrew ait choisi le Japon et l'Allemagne comme éléments de comparaison, car l'Allemagne et l'Europe, par exemple, font beaucoup d'éloges à notre régime fiscal en particulier. Nous semblons avoir un marché du travail plus flexible que le leur et par conséquent des frais de main-d'oeuvre fixes moindres, et c'est pourquoi ils tendent à considérer notre système comme un modèle pour l'avenir.
En Allemagne, ainsi que mon collègue l'a dit, la conjoncture est actuellement très difficile pour le secteur privé. C'est manifestement lié au cours de la monnaie, mais ce n'est pas non plus étranger aux coûts fixes de main-d'oeuvre qui sont très élevés. Dans ce pays, le coût élevé de la main-d'oeuvre a manifestement un effet néfaste sur la création d'emplois future.
Enfin, monsieur Campbell, je dirais que plutôt que de considérer le Japon et l'Allemagne, particulièrement sur le plan d'une comparaison avec le Canada, vous devriez plutôt vous tourner vers Singapour et Hong Kong. Ce sont de petites économies ouvertes, peut-être même davantage comparables au Canada que le Japon et l'Allemagne. La fiscalité y est très légère et c'est là que l'esprit d'entreprise est vivace, ainsi que mon collègue l'a dit précédemment.
Le président: Monsieur Woolford.
M. Woolford: Je peux être très bref, monsieur le président.
Comme il le fait souvent, Sam m'a devancé. J'allais dire qu'une des régions clés queM. Campbell a omise est l'Extrême- Orient, qui émerge de plus en plus comme une source d'échanges économiques avec le Canada. Voilà l'une des comparaisons clés qu'il faudrait faire.
La deuxième chose que je veux signaler est que ce n'est pas seulement l'Allemagne, mais toute l'Europe, qui a ce problème sérieux d'une sclérose de l'économie. Quantité d'observateurs européens sont très inquiets de la stagnation de leurs économies, un legs de l'époque où l'Europe connaissait une croissance relativement forte avec virtuellement aucune croissance démographique. Ce n'est plus le cas et l'Europe en souffre.
Je dirais donc que, effectivement, les États-Unis sont le point de comparaison logique et le premier à considérer, mais qu'il faut jeter notre filet plus loin que simplement l'Europe et les États-Unis pour considérer également certaines des autres économies avec lesquelles nous traitons ou contre lesquelles nous allons être en concurrence à l'avenir.
M. Campbell: J'avais une autre question, monsieur le président, mais le temps file et je pense que mes collègues aimeraient poser leurs questions maintenant.
Le président: Nous reviendrons à vous plus tard, dans ce cas.
M. Campbell: Avec plaisir.
Le président: Je vous remercie de ce geste, monsieur Campbell.
[Français]
Monsieur Bélisle, s'il vous plaît.
M. Bélisle (La Prairie): Monsieur Macnaughton, vous disiez plus tôt qu'on pouvait baisser les impôts et élargir l'assiette, c'est-à-dire accorder moins de crédits, par exemple pour la recherche et le développement, et prévoir moins de mesures comme l'amortissement accéléré. Pourriez-vous expliquer l'approche que vous préconisez?
En deuxième lieu, comment expliquez-vous que le report d'impôt et d'autres mesures de ce type, tel l'amortissement accéléré, feront en sorte qu'à l'avenir, des entreprises ne paieront pas d'impôt pendant 10 ou 15 ans?
[Traduction]
Le professeur Macnaughton: Il est difficile de répondre à cette question. Nous, les observateurs extérieurs au ministère des Finances, n'avons pas beaucoup de renseignements fiables sur les meilleures façons d'élargir l'assiette fiscale.
L'amortissement accéléré est probablement l'abattement qui coûte le plus cher, mais j'hésite à nommer des dispositions en particulier car je ne suis pas assez renseigné pour vous répondre. Désolé.
[Français]
M. Loubier: J'aimerais poser une question complémentaire.
Monsieur Macnaughton, ailleurs dans le monde, dans les pays industrialisés, le régime d'amortissement accéléré ou de report d'impôts est-il aussi généreux qu'au Canada? Est-ce que les possibilités y sont aujourd'hui si grandes que des entreprises peuvent se vanter de ne jamais payer d'impôt à cause de combinaisons malencontreuses des dispositions fiscales?
[Traduction]
Le professeur Macnaughton: Absolument. Les régimes fiscaux étrangers un peu partout dans le monde comportent quantité de déductions spéciales, de crédits d'impôt spéciaux. Le nôtre n'est pas différent à cet égard. Il est difficile d'en être sûr, mais nous avons peut-être l'un des systèmes les plus nets à cet égard dans le monde, mais peut-être un peu moins que certains autres pays. Il est difficile d'en être sûr. Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de place pour une amélioration, cependant.
[Français]
M. Loubier: Oui, mais lorsqu'on regarde les données de l'OCDE, on voit qu'au Canada, par rapport au PIB, la proportion des recettes perçues auprès des entreprises par tous les paliers de gouvernement est la plus faible de tous les pays de l'OCDE. Ne convenez-vous pas qu'il y a peut-être ici un plus gros problème quant aux nombreuses exonérations dont peuvent bénéficier les entreprises et aux différents mécanismes de la fiscalité canadienne qui font en sorte que le gouvernement fédéral ne va pas chercher tout ce qu'il devrait aller chercher dans la poche des entreprises? Une grande proportion des entreprises paient, mais d'autres ne paient pas malgré des profits record.
[Traduction]
M. Dottori: Je dois vraiment objecter aux questions de M. Loubier, car une industrie à haute capitalisation qui rapporte 3,5 p. 100, comme on l'a mentionné - dans notre cas, c'est environ6 p. 100 - on gagnerait davantage en déposant son argent à la banque. Donc, toute cette notion qu'il faut taxer davantage les entreprises parce qu'elles nous voleraient, ou quel que soit l'objectif poursuivi ici, n'est tout simplement pas raisonnable. Je veux dire par là qu'il n'y aura plus d'industrie au Canada. Nous ne pouvons même pas songer à exister à l'avenir si nous n'avons pas une marge bénéficiaire plus élevée.
Je peux vous le dire, nous avons des investissements à l'étranger où il n'existe pas de déduction pour amortissement. J'ai, par exemple, un projet en Europe, qui vient d'être réalisé il y a deux ans, à l'égard duquel je ne payais pas d'impôt sur le revenu - pas du tout - pendant deux ans, tout en gagnant 100 millions de francs. Je peux vous le dire, supprimez la déduction pour amortissement et dites-moi que chaque fois que j'investis j'aurai deux années sans impôt, pas d'impôt à payer et que vous me ferez crédit à 1 p. 100 d'intérêt sur dix ans, et nous pourrons nous entendre. Il faut considérer...
[Français]
M. Loubier: Ce n'est pas une objection que vous mettez sur la table, monsieur Dottori. Je suis tout disposé à croire que ce n'est pas le cas dans votre secteur et dans les entreprises dont vous avez la charge et qui font leur part comme citoyennes corporatives, mais nous savons que certaines entreprises ne font pas et ne feront jamais leur part. En mettant ensemble différentes dispositions de la fiscalité fédérale,...
M. Dottori: C'est une autre chose.
M. Loubier: ...elles arrivent à reporter des impôts qu'elles devraient normalement payer non pas de six ans, mais plutôt de 10, 12 ou 15 ans. Des entreprises et chefs d'entreprises se vantent de ce qu'ils ne paieront jamais d'impôts.
M. Dottori: Je suis d'accord avec vous, mais...
M. Loubier: Je ne parle pas de votre secteur à vous.
M. Dottori: Dans notre secteur, nous ne payons pas beaucoup d'impôts parce que nous ne réalisons pas de profits et que nous faisons beaucoup d'investissements. Dans notre industrie, certains paient peut-être moins. Une industrie qui est basée sur l'investissement dans des ressources, par exemple, a normalement la marge de profit la plus basse. En réalité, nous payons un peu moins. De plus, grâce au tax carry-forward et au loss carry-forward, nous payons moins.
Comme un intervenant le mentionnait tout à l'heure, la question devrait peut-être porter sur le transfert de profits dans d'autres pays en vue de ne pas payer d'impôt. Ce problème est peut-être plus grave que celui du CCA et d'autres questions semblables.
M. Loubier: C'est pourquoi nous devons procéder à une vraie révision de la fiscalité. C'est pour cela que je critiquais tout à l'heure la direction que prend notre comité; ce n'est pas dans ce sens-là qu'on s'en va.
Nous devrions réviser l'ensemble de la fiscalité pour voir s'il est justifié que les entreprises qui oeuvrent dans votre secteur entre autres continuent d'utiliser les reports d'impôts et l'amortissement accéléré lorsqu'elles font des investissements productifs. À côté, cependant, il y a des entreprises qui ne font que jouer avec des règles de l'impôt fédéral sur le revenu et ces sociétés pourraient peut-être être identifiées si le ministère des Finances recueillait de bonnes données, ce qu'il a a cessé de publier il y a plusieurs années.
M. Dottori: Je suis d'accord. Il y a injustice. Il faut peut-être faire preuve d'équité. Ce n'est pas le cas au niveau de l'investissement.
M. Loubier: C'est l'essence de notre propos.
Le président: L'équité pour tous les autres.
[Traduction]
Monsieur Solberg.
M. Solberg (Medicine Hat): Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais revenir sur les propos de M. Woolford concernant l'harmonisation dans la région Atlantique. L'une des choses que j'aimerais passer en revue est la manière dont les décisions sont prises concernant la structure fiscale. Bien sûr, nous avons eu beaucoup de temps pour réfléchir à l'harmonisation depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement, et nous sommes actuellement dans une situation où vous dites que des emplois vont être perdus et que des entreprises envisagent de se retirer du Canada atlantique, certainement l'économie la plus vulnérable du pays.
Pouvez-vous me dire si le Conseil du commerce de détail a été consulté au sujet de l'inclusion de la taxe dans le prix et nous parler un peu de ce processus, la manière dont les décisions ont été prises. Manifestement, si vous avez eu votre mot à dire et que nous nous retrouvons néanmoins dans ce genre de situation, votre groupe est coupable. Sinon, il faut véritablement se demander comment tout cela a pu arriver.
M. Woolford: Nous avons travaillé de près avec le ministère des Finances sur les questions intéressant la TPS. Notre attention se portait principalement sur la question du taux de base et les problèmes d'administration. Nous pensions que la question de l'inclusion de la taxe dans le prix ne serait pas décidée à ce stade, et c'est pourquoi nous n'en avons pas beaucoup parlé. Vous avez en face de vous la personne qui est responsable de cette décision. Cela a été une surprise pour nous, comme je pense pour beaucoup d'observateurs, de voir cela surgir de nulle part.
Le deuxième facteur est que nous avions toujours espéré que davantage de provinces se joindraient à l'harmonisation. Nous nous retrouvons dans la situation regrettable où trois provinces ont décidé d'intégrer leurs taxes à la taxe sur les produits et services, mais elles ne représentent que5 p. 100 de l'économie nationale. Cela ne donne pas beaucoup de levier et nous nous retrouvons à apporter des ajustements pour une partie relativement restreinte des ventes au détail, une partie relativement restreinte des emplois, pour une région relativement petite du pays. Cela nous a plutôt pris par surprise.
Je dois dire, cependant - et il faut accorder le crédit lorsqu'il est dû - que sur les autres éléments nous avons été consultés de très près par le gouvernement. Nous avons comparu devant ce comité deux fois, je crois, pour parler du taux de base et des problèmes d'administration. Dans ces domaines, nous sommes très heureux du travail effectué par le gouvernement.
L'un des sujets dont nous pensions qu'il exigeait une décision politique de la part des gouvernements à l'époque était la question de savoir si la taxe serait incluse ou non dans les prix ou affichée séparément. C'était parce que nous pensions qu'il y aurait un accord national dans ce domaine auquel toutes les provinces souscriraient. Je pense que nos membres, en général, seraient tout à fait disposés à englober la taxe dans les prix si c'était fait dans toutes les provinces, ou dans la majorité écrasante des provinces. La difficulté surgit, pour nous, lorsque cela ne concerne que5 p. 100 de l'économie.
En bref, nous avons été surpris. J'en porte au moins une partie de la responsabilité. C'était fondé sur certaines hypothèses que nous avions formulées sur la manière dont les choses tourneraient.
M. Solberg: Je ne vais pas vous jeter la pierre. Je me demandais simplement pour quelle raison la décision d'englober la taxe dans les prix a été prise. Manifestement, vous ne le savez pas. Cela nous amène à la question de savoir comment la structure fiscale est décidée et comment la politique est déterminée. Si ces questions ne sont pas abordées lorsque les parties intéressées sont consultées, il faut se demander si ce genre de réunion présente la moindre valeur.
M. Woolford: Puis-je répondre à cela, monsieur le président? Je dois reconnaître que lorsque votre comité a tenu des audiences à travers le pays, les consommateurs et représentants des consommateurs ont réclamé l'inclusion de la taxe dans les prix. Le comité a entendu divers témoins exprimant ce souhait. Par exemple, c'est ce que demandait l'Association des consommateurs, comptant qu'il s'agirait d'une taxe de vente nationale. Tout le monde partait de ce principe. C'est peut-être de là que proviennent en partie les pressions auxquelles le gouvernement réagit.
M. Solberg: Je comprends très bien cela. Je suppose qu'aussi longtemps que trois provinces seulement sont concernées, cela amène des problèmes énormes pour l'économie la plus vulnérable du pays.
Pour rester sur ce sujet, avez-vous pris langue récemment avec vos membres? Quelles sont les répercussions de cette décision si le gouvernement ne change pas la politique?
M. Woolford: J'ai quelques données ici que je ferai parvenir au greffier du comité pour distribution. Notre estimation est que les commerces vont subir des coûts importants. Ceux-ci prennent diverses formes.
L'une, ce sont les modifications aux systèmes informatiques internes qu'utilisent les commerces de détail pour leur gestion. La deuxième est du côté des marchandises générales, c'est-à-dire tout ce qui est non alimentaire. Il y a dans ce domaine beaucoup d'étiquetage à la source, par le fabricant, dans l'intérêt de l'efficience, c'est-à-dire que le prix que vous voyez sur le produit est inscrit à l'usine. Le meilleur exemple en sont les cartes de voeux, où le prix est carrément imprimé au dos. Les livres de poche, les livres et beaucoup d'autres produits ont leur prix imprimé directement, à un coût pratiquement nul. C'est un cas extrême, si vous voulez, d'efficience pure.
Si nous allons passer, en pratique, à un système de double prix au Canada, tout cela est réduit à néant. Il va falloir réétiqueter les marchandises, soit au centre de distribution soit dans le magasin, à un coût additionnel considérable et au prix de quelque confusion pour le consommateur.
Voilà le genre de coûts que nous voyons se profiler. Il faudra également former le personnel. Pour les commerces qui font de la publicité interrégionale, il y aura le coût supplémentaire de la présentation des prix selon deux régimes différents.
Par ailleurs, il y aura un certain fractionnement de l'économie nationale, en ce sens que nous aurons dorénavant deux marchés en pratique, l'un où les prix comprennent la taxe et l'autre où elle est exclue. Les commerces auront davantage de latitude de modifier leurs politique de prix en jouant sur les deux marchés, car les prix seront déjà visiblement différents aux yeux du consommateur. Donc, ce système introduit un certain nombre de facteurs, tant de coût que d'inefficience.
Un aspect que j'ai oublié de mentionner est que toute la chaîne logistique vient de traverser le même type de processus de livraison juste à temps que nous avons vu dans le secteur de la fabrication au cours des dix dernières années, qui fait que les produits transitent très rapidement et très efficacement à travers la chaîne. L'existence de deux systèmes de prix va à l'encontre de l'efficience de ces systèmes. Encore une fois, les entreprises vont se trouver à la fois moins compétitives et confrontées à des coûts accrus. Voilà donc le genre de préoccupations que nourrissent nos membres à cet égard.
C'est très regrettable, car presque tout le reste de l'accord est très positif pour notre industrie. Lorsqu'on passe à une assiette unique, un taux unique, une administration unique, cela donne un très bon système. C'est exactement ce que demandaient les entreprises canadiennes et nous sommes tout à fait ravis de ces éléments. Ils forment la base d'un excellent système de perception d'une taxe de consommation au Canada. Le seul problème pour nous est l'obligation d'englober la taxe dans le prix.
M. Solberg: Je vous remercie, monsieur le président.
Le président: Monsieur St. Denis, s'il vous plaît.
M. St. Denis (Algoma): Je vous remercie, messieurs, d'être venus nous aider aujourd'hui. Ma première question allait être similaire à celle de M. Solberg, et je le remercie donc d'avoir permis que la situation soit éclaircie à ce sujet et d'avoir pris le risque que sa question tombe, peut-être, un peu à plat.
Si j'ai bien suivi, monsieur Woolford, le problème ici, l'inclusion de la taxe dans le prix, est que toutes les provinces n'en fassent pas encore autant, mais dès lors qu'une majorité claire des provinces se seront ralliées à l'harmonisation, ce ne sera pas un problème.
M. Woolford: C'est juste, mais en attendant, c'est un problème très sérieux. On ne peut procéder par petites étapes. Il faut attendre que...
M. St. Denis: C'est une remarque très judicieuse. Le fait est que l'harmonisation est la bonne solution. C'est ce que nous ont dit les chambres de commerce, c'est ce que nous a dit le conseil, les associations de consommateurs, beaucoup de gens, y compris Mike Harris, le premier ministre de l'Ontario, pendant la campagne, et aussi le Parti réformiste dans sa première réponse minoritaire au rapport du comité, au printemps 1994.
J'aimerais m'écarter un peu des grandes questions philosophiques et demander simplement quelques éclaircissements, avec votre permission, monsieur le président.
Tout d'abord, monsieur Précourt, vous avez indiqué qu'il y a eu une augmentation de 42 p. 100 en dollars constants, des impôts payés par les sociétés. Pourriez-vous nous donner quelques précisions sur ce chiffre de 42 p. 100? Est-ce en valeur absolue? Est-ce une hausse de 42 p. 100 des taux d'imposition, en pourcentage? Pourriez-vous nous préciser un peu ce chiffre? Je pense que c'est vous qui l'avez cité.
[Français]
M. Précourt: Si j'ai bien compris votre question, vous parlez de la...
[Traduction]
M. St. Denis: Entre 1980 et aujourd'hui, il y a eu une augmentation de 42 p. 100 des impôts. C'est ce que vous disiez.
[Français]
M. Précourt: Les impôts pour les petites entreprises n'ont pas bougé. Si nous les convertissions en dollars constants, nous aurions aujourd'hui une déduction de 400 000$ au lieu de 200 000$, pour ne pas avoir le taux des petites entreprises.
Nous suggérons que l'excédent, par tranches de 50 000$, fasse l'objet d'une augmentation de 5 p. 100 d'impôt. Peut-être que nous, comptables, ne prêchons pas pour notre paroisse, mais nous suggérons qu'au lieu de faire une planification fiscale faisant en sorte que les entreprises se retrouvent avec des profits toujours inférieurs à 200 000$, on impose à une entreprise qui déclare des profits de 250 000$ de débourser 5 p. 100 de plus par tranche de 50 000$, cela jusqu'à ce que l'entreprise atteigne des profits de 400 000$ et paie dès lors un taux d'impôt équivalent, ou presque, à celui que paient toutes les sociétés, y compris les grandes. Nous encouragerions ainsi les entreprises à avoir de plus grands bénéfices non répartis et à investir cet argent pour créer des emplois.
[Traduction]
M. St. Denis: Ce n'est pas tant qu'il y a eu une augmentation de cet ordre de l'impôt global payé par les entreprises depuis 1980. Vous dites plutôt que le taux préférentiel accordé aux petites entreprises a été... les abattements ont été grignotés de telle façon que les petites entreprises ont une déduction inférieure de 42 p. 100, comparé à ce qu'elle était en 1980. Est-ce là ce que...?
[Français]
M. Précourt: Non, cela veut dire que si nous avions converti ce montant de 200 000$ en 1981 pour tenir compte de l'inflation en 1996, par exemple, nous aurions dû en arriver à une déduction de quelque 375 000$ pour une petite entreprise. En somme, nous disons que 200 000$, ce n'est pas beaucoup.
Dès que l'entreprise dépasse des profits de 200 000$, elle est soumise à un taux plus élevé. Les petites entreprises sont le coeur de l'économie au Canada, tant au Québec que dans les autres provinces. Ce sont elles qui créent le plus d'emplois. Plutôt que d'égorger ces petites entreprises qui ne sont pas en mesure de se prévaloir de mesures pour reporter beaucoup d'impôts et d'exiger qu'elles payent leur dû, nous devrions leur permettre de réaliser de plus gros bénéfices et les taxer graduellement afin qu'elles puissent créer des emplois. Aujourd'hui, dans la plupart des cas, ce sont les grandes entreprises qui réduisent leur personnel, tandis que les petites créent des emplois. Donnez donc un coup de main aux petites entreprises pour qu'elles puissent grossir et payer éventuellement de l'impôt comme les grosses entreprises.
[Traduction]
M. St. Denis: Je vous remercie, monsieur le président.
Le président: Madame Brushett, s'il vous plaît.
Mme Brushett (Cumberland - Colchester): Je vous remercie, monsieur le président.
L'une des raisons pour lesquelles nous envisageons de modifier le régime d'imposition des sociétés est de rechercher de meilleures façons de créer des emplois. Nous n'avons pas beaucoup parlé encore aujourd'hui de création d'emplois et j'aimerais établir quelques liens entre l'imposition des sociétés et la création d'emplois dans notre pays.
Les modèles économiques traditionnels prédisent que des abattements fiscaux accordés aux entreprises amènent celles-ci à créer davantage d'emplois. Mais récemment - si la presse a ne serait-ce qu'à moitié raison - nous voyons que l'augmentation des profits s'accompagne de réduction d'emplois dans le secteur privé.
On nous a dit ici aujourd'hui que l'impôt sur le capital constitue une grosse dissuasion à l'emploi, et j'aimerais savoir quels autres éléments les témoins considèrent comme dissuasifs. J'aimerais entendre le point de vue de chacun sur la façon de restructurer l'impôt sur le revenu des sociétés de façon à stimuler l'emploi.
Le président: M. Manning a quelque chose à ajouter à cela, madame Brushett.
M. Manning: Oui. J'espère qu'il y aura plusieurs réponses à cette question, monsieur le président, mais je veux certainement tenter d'en donner une.
J'ai fait état dans ma déclaration, madame Brushett, de l'évolution de la structure de l'emploi dans l'industrie amont, il faut faire ressortir que ces changements peuvent donner l'impression qu'il y a une plus grande croissance de l'emploi au sein des petites entreprises... ce genre de choses.
Nous ne sommes pas certains qu'il en soit bien ainsi. Ce qui se passe, c'est que l'industrie traverse une restructuration de façon à rester compétitive. Cela donne naissance à des emplois de types différents, sous-tendus par des activités différentes.
Comme je l'ai indiqué, on constate que si beaucoup des entreprises du secteur amont réduisent leurs effectifs pour rester compétitives et soutenir la concurrence mondiale, bon nombre des travailleurs quittant ces postes montent un cabinet de consultant privé ou des petites entreprises ou des firmes internationales, et une bonne partie du savoir-faire technique développé au Canada est déployé à l'étranger, mais à partir d'une base canadienne.
Donc, il est faux de dire qu'il y a une réduction de l'effectif global au sein de l'ensemble du secteur des ressources. C'est plutôt la conception traditionnelle de quel type d'entreprise fait partir de ce secteur qui évolue.
Les noms des sociétés membres de notre association que nous aurions pu citer, vous et moi, il y a dix ans, ne sont plus du tout les mêmes. C'est une liste de noms très différente aujourd'hui. Ce sont des compagnies canadiennes très différentes qui sont les vrais moteurs de la croissance au Canada. Elles se dotent également d'une importante présence internationale et, ce faisant, elles emploient certainement des gens à l'étranger, mais elles emmènent avec elles nombre de leurs employés canadiens et le savoir-faire que ces derniers ont acquis ici.
C'est un élément du changement qui intervient dans la structure du secteur et dans l'emploi au sein de celui-ci. Ces changements n'ont pas encore été étudiés. En fait, nous sommes en train d'essayer de le faire pour votre comité et le gouvernement.
Il est très difficile de répondre aux affirmations de la presse concernant la reprise sans emploi, si vous voulez, qui fait que les entreprises restent compétitives avec un effectif plus réduit. Pour notre part, nous constatons que c'est un groupe très différent d'entreprises qui maintiennent ces niveaux de production dans notre secteur, et nous cherchons à faire le point de la situation.
Le président: Monsieur Jackson.
M. Jackson: J'ai une très brève remarque sur une facette de ce problème.
Je pense qu'un aspect sur lequel le comité devrait se pencher, en ce qui concerne l'impact de la fiscalité et la façon dont l'emploi est structuré, est que le taux d'imposition des petites entreprises signifie dans la pratique que le taux d'imposition d'une petite entreprise érigée en société est aujourd'hui sensiblement plus faible que l'impôt sur le revenu d'un emploi.
Si vous regardez les statistiques sur le nombre des salariés des trois ou quatre dernières années, vous voyez que le nombre d'emplois salariés a à peine augmenté. Une part très importante de la légère augmentation du nombre des actifs intéresse les travailleurs indépendants. À bien des égards, il ne fait pas de doute que certains travailleurs indépendants s'en tirent très bien, mais il y en a énormément qui gagnent très peu dans un travail précaire à leur propre compte.
Je pense que le régime fiscal contribue de diverses façons à cette absence d'embauche de la part des entreprises. Les entreprises sous-traitent à contrat à des personnes qui sont nominalement des indépendants mais sans être employées à leur compte au sens propre du terme. La qualité de l'emploi est inférieure. En outre, les recettes versées au fisc sont sensiblement inférieures dans ces conditions. C'est donc là un aspect de tout le régime fiscal appliqué aux petites entreprises qui n'est pas suffisamment pris en compte.
Le président: Quelqu'un d'autre souhaite-t-il dire un dernier mot sur la question de Mme Brushett?
M. Dottori: Une petite partie de ma croisade ici intéresse la création d'emplois, et je pense donc que c'est très important. Je pense que l'impôt sur les sociétés et certains de ces niveaux d'imposition ne sont pas un enjeu d'aussi grande importance que la création d'emplois au Canada. Je pense qu'il faut encourager l'esprit d'entreprise dans notre pays, que ce soit par le biais de l'imposition des plus-values ou au moyen de taux inférieurs pour les petites entreprises, afin d'inciter davantage les gens à courir des risques.
On peut procéder de deux façons. On peut recourir à l'emploi forcé, en contraignant les gens à chercher du travail, mais c'est mieux si on peut procéder par incitation positive. C'est une affaire de politique gouvernementale. Dans beaucoup de pays, c'est ce que font les gouvernements pour promouvoir l'emploi.
Chez nous, cela crée une certaine friction entre les possédants et les démunis. Il y a donc une dimension de justice dont il faut tenir compte.
Je pense que les gouvernements devraient mettre en place des incitations pour amener les petites gens à monter des affaires: prendre un risque et se lancer. Ce peut être par une forme d'incitation fiscale, que vous devrez mettre en place. Mais il faut veiller à ce que ces mesures soient équitables et axées sur la création d'emplois.
On a beaucoup critiqué, par exemple, l'exonération des plus- values, qui permettait à des promoteurs de se remplir les poches avec des opérations immobilières, sans rien créer, tout en évitant l'impôt. C'est le genre de choses que vous devez éviter avec la politique fiscale, sous peine de perdre votre crédibilité. Mais si vous le faites de manière à récompenser ceux qui prennent des risques et créent des emplois, je pense que vous aurez l'appui du public.
Dans les discussions que nous avons eues avec les syndicats membres de notre conseil, ces derniers ont dit que c'est une incitation légitime si vous pouvez la rendre égale et juste, c'est- à-dire qu'elle ne serve pas à enrichir les riches et à appauvrir les pauvres. Voilà le genre de choses que vous pouvez envisager, à mon avis.
Je pense que le Canada réunit les conditions voulues, mais il faut simplifier bon nombre des règlements. C'est important surtout pour le petit entrepreneur. Quelqu'un l'a déjà mentionné tout à l'heure. C'est certainement beaucoup plus important pour un petit entrepreneur que pour une grosse société comme la nôtre qui peut engager des fiscalistes et se débrouiller pour payer un taux d'impôt moindre.
Pour un petit entrepreneur qui crée cinq ou six emplois, c'est très important. C'est une situation différente. Je peux vous dire que pour une grande entreprise comme la nôtre, ce n'est pas une grosse affaire, mais pour un petit entrepreneur, la simplification et la déréglementation sont des facteurs extrêmement importants.
Mme Brushett: Si vous me permettez d'intervenir, nous traitons de la petite entreprise dans d'autres tribunes; nous parlons aujourd'hui de l'impôt sur les sociétés, des grosses sociétés. Il s'agit pour vous de nous dire ici ce que nous pouvons faire.
Nous connaissons tous les problèmes de la petite entreprise. Nous y sommes confrontés chaque jour. Ce sont elles les créatrices d'emplois aujourd'hui, du moins elles sont perçues comme telles. Mais notre sujet d'aujourd'hui sont les grandes sociétés et le régime d'imposition de celles-ci.
M. Dottori: Je suis dans une situation un peu différente. Nous avons commencé avec300 employés; aujourd'hui nous en avons 1 100. Nous n'avons jamais licencié personne au cours des cinq ou six dernières années.
Mme Brushett: Créez-vous des emplois?
M. Dottori: Oui, nous créons beaucoup d'emplois.
Mme Brushett: Que pouvons-nous faire mieux pour vous aider à créer davantage d'emplois?
M. Dottori: Comme je l'ai mentionné précédemment, je pense que le gouvernement doit nous donner accès aux marchés mondiaux, car nous vendons sur ces marchés. J'ai besoin d'un accès libre et équitable de nos produits aux marchés étrangers. Je pense qu'il nous faut une simplification du côté gouvernemental, avec toutes ces redevances d'usager qui deviennent plus lourdes que l'impôt sur les sociétés.
Je pense qu'il faut laisser le gouvernement fixer les règles indispensables pour protéger la société et satisfaire ses besoins, puis laisser les entreprises faire leur travail. Nous ne disons pas qu'il faut supprimer la réglementation et laisser les entreprises faire ce qu'elles veulent; nous disons qu'il faut établir les règlements et les appliquer de la façon la plus efficiente possible.
Je sais que beaucoup de gens sont préoccupés par les services sociaux, mais je pense que ce qui se déroule en ce moment en Ontario est un grand pas dans la bonne direction. Je pense que les autres provinces et d'autres régions vont devoir lui emboîter le pas. Nous ne disons pas qu'il faut faire comme à Hong Kong ou à Singapour où règne le laisser-faire complet, mais il faut aller dans ce sens, y compris pour les grosses compagnies.
Je pense que les gouvernements vont dans ce sens, et c'est un facteur très important. Cela se répercute sur nos coûts. Lorsque vous vendez à un prix donné, vous déduisez vos coûts. Plus ces derniers sont réduits, et plus vous faites de profits. Vous pouvez alors réinvestir. Lorsque vous réinvestissez, que recherchez-vous? C'est comme d'acheter une maison. Si vous allez risquer100 millions de dollars, vous voulez savoir quel est le coût du capital, ce que cela va vous coûter. Vous voulez être assuré de la stabilité. Vous voulez être assuré d'un ensemble de politiques établies pour le long terme, car c'est un gros investissement. C'est un domaine où, au Canada, nous devons en faire un peu plus.
Régler le déficit est un gros morceau, mais je pense que l'on voit la confiance réapparaître aujourd'hui au Canada. Je pense que nous allons dans la bonne direction. La confiance nécessaire pour que les gens investissent est un peu une affaire de psychologie, parfois. Je pense que nous sommes en voie de réussir, si nous poursuivons l'effort dans ces domaines... Personnellement, et du point de vue de notre société, je ne pense pas que le différentiel fiscal entre le Canada et les États-Unis soit un grand facteur.
Mme Brushett: Vous allez donc investir davantage au Canada et créer davantage d'emplois.
M. Dottori: Oui, nous le ferons.
Le président: Je sais que plusieurs autres souhaitent ajouter quelque chose. Si d'autres membres ont des questions, nous pourrions peut-être en faire le tour, et je donnerai ensuite aux témoins la possibilité d'ajouter quelques mots et de résumer, en une minute chacun. Cela vous convient-il? Je vous remercie.
Monsieur Campbell.
M. Campbell: Pour en revenir à la discussion entre M. Woolford et M. Solberg, puis mon collègue M. St. Denis, je sais que le gouvernement a salué la participation du Conseil du commerce de détail à la conception du système harmonisé. Contrairement à ce que dit M. Solberg, je tiens à préciser clairement que ce genre de choses n'est pas conçu entièrement dans le vide. Je suis quelque peu surpris de cette accusation, étant donné que M. Woolford a comparu deux fois devant ce comité et vu les consultations approfondies qui ont été menées et le degré avec lequel le système retenu reflète les témoignages mêmes que nous avons entendus à ce comité.
Je salue l'appui accordé par M. Woolford à l'harmonisation et l'encourage, lui et le conseil, à poursuivre l'effort en vue d'un système national harmonisé. Cependant, je suis surpris qu'en parlant des coûts, en passant en revue toute la litanie des coûts associés au démarrage de ce processus dans une seule région du pays, il n'ait pas fait état du tout des économies qui en résultent pour les commerces. C'était l'une des raisons pour lesquelles le Conseil du commerce de détail était si favorablement disposé envers l'harmonisation. Ces économies, monsieur le président, vont tout de même compenser les inconvénients temporaires d'un système qui se met en place graduellement.
Ma question - et les membres du panel voudront peut-être y répondre dans leurs remarques de conclusion - touche réellement le coeur du problème. Elle a été abordée de biais à plusieurs reprises et, étant donné que nous avons ici des représentants de divers secteurs et des tenants de divers points de vue, j'aimerais qu'ils nous disent, maintenant ou dans leur conclusion, si l'économie et les intérêts qu'ils représentent se porteraient mieux avec des taux moindres et une assiette plus large ou bien avec des taux plus élevés et quantité d'incitations spéciales. Je lâche peut-être le chat dans le pigeonnier, monsieur le président, mais c'est réellement le genre de questions dont nous devons débattre.
Donc, encore une fois, vaut-il mieux des taux inférieurs et une assiette élargie, ou bien des taux supérieurs et quantité d'incitations spéciales visant les industries exportatrices, les secteurs nouveaux et en expansion...? Pourrions-nous demander aux membres du panel de répondre, monsieur le président?
Le président: Qui aimerait répondre? Monsieur Myers.
M. Myers: La question met en lumière le problème. Vous demandez s'il vaut mieux avoir des taux moindres ou une assiette élargie. Mais le véritable problème, surtout dans le secteur du charbon, est la lourdeur de la fiscalité d'ensemble. Il ne s'agit pas seulement de l'impôt sur le revenu, mais aussi de l'impôt sur le capital, des charges sociales, des taxes de production, des taxes de transport. Vous ne pouvez résoudre le problème en vous limitant à un seul aspect.
Que faut-il pour qu'une compagnie canadienne soit compétitive à l'échelle internationale? Vous avez de ce côté-ci de la table aujourd'hui des représentants du secteur pétrolier et gazier, du secteur forestier, du secteur minier. Ce sont là des industries qui produisent des emplois réels et durables. Si l'on regarde des chiffres récemment publiés des revenus moyens de 1994, ce sont ces secteurs qui produisent les véritables emplois bien rémunérés et durables. Certes, ces salariés paient beaucoup d'impôts, mais ils ne peuvent le faire que dans un système où nous sommes compétitifs. Si nous ne sommes pas compétitifs, ces emplois disparaîtront. Il faut considérer le problème dans son entier, et non pas seulement le choix entre taux et assiette.
Le président: Y a-t-il quelqu'un d'autre? Monsieur Krishna.
M. Krishna: En réponse à la question de M. Campbell, l'expérience du passé montre que les incitations fiscales, si vous parlez de taux élevés assortis de nombreuses incitations - tendent à ne produire de résultats qu'à court terme, et seulement tant que la mesure est en place. Il est très difficile de les cibler et, pour cette raison, coûtent souvent énormément cher. Au Canada, nous avons vécu l'expérience du crédit d'impôt pour la recherche scientifique, qui a entraîné un manque à gagner énorme pour le gouvernement, avec seulement des gains minimes et un coût administratif énorme pour poursuivre les fraudeurs et récupérer les impôts perdus. L'expérience montre que ce n'est peut-être pas la façon la plus efficace de procéder.
Aujourd'hui, alors que nous nous concentrons sur deux éléments, les taux... il y a deux autres aspects très importants que j'exhorte le comité à étudier. Ils n'ont été évoqués que de façon superficielle aujourd'hui. L'un est le coût énorme - et par coût j'entends aussi bien les coûts économiques que les coûts de conformité - lié au traitement différentiel des revenus de dividendes et des revenus d'intérêts, ou des coûts de dividendes et des coûts d'intérêts. Une grosse somme de temps et d'énergie et de vie professionnelle est consacrée à restructurer et structurer les bilans en fonction de cette différence, et c'est une différence très inefficiente.
Un autre élément auquel il faut prêter attention si l'on veut faire un travail sérieux, et qui rend les comparaisons internationales extrêmement difficiles - et on a parlé tout à l'heure des taux de l'OCDE et de l'amortissement accéléré etc. - est la double imposition des revenus des sociétés et des actionnaires. Différents pays appliquent différents régimes. Certains pays ont un système de double imposition complète avec quelques aménagements, tels que les États-Unis. D'autres pays, comme le Canada, ont un système partiel de double imposition et un système intégré pour les petites entreprises, mais non les grosses. Au-dessus de 200 000$ de revenu, il y a double imposition. Certains pays n'ont pas de double imposition du tout, les revenus des sociétés étant exonérés et seuls ceux des actionnaires étant imposés.
Si l'on veut effectuer des comparaisons internationales, il ne faut pas perdre de vue qu'il ne suffit pas de considérer isolément le taux d'imposition des sociétés. Il faut voir ce qu'il advient de ce revenu une fois qu'il est passé entre les mains des actionnaires. C'est l'effet total de la fiscalité, tant au niveau des sociétés que des actionnaires, qui influe sur les décisions.
J'exhorte le comité à réfléchir plus avant à ces deux aspects dans ses délibérations. Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie, monsieur Krishna.
Monsieur Woolford. Ce sera la dernière intervention avant de conclure.
M. Woolford: Monsieur le président, nous sommes dans une période de mutations structurelles extraordinaires de notre économie. Il me semble, de façon générale, que ce n'est pas un bon moment pour introduire des rigidités ou essayer de deviner l'évolution future de notre économie. Je pense que, sur le plan des principes, il est préférable d'éviter les préférences spéciales, les mesures spéciales, tout ce qui impose au gouvernement d'anticiper ce que devraient être les résultats souhaitables, et qu'il vaut mieux opter pour un taux inférieur et une assiette plus large. Particulièrement dans une époque comme celle-ci, où nous sommes dans une conjoncture mouvante, sans savoir ce que devrait être la structure et l'orientation de notre économie, nous devrions laisser le marché et les entreprises individuelles frayer leur propre voie.
Comme je l'ai dit précédemment, l'un des points forts du Canada est que le système fédéral nous permet de faire des expériences de relativement petite envergure, et ce genre de structure fiscale l'autorisera également. Si vous cherchez à deviner ce qui va réussir et ce qui va échouer, vous pouvez laisser passer des occasions ou bien encourager des activités vouées à l'échec. Vous vous alourdissez également des préjugés d'aujourd'hui sur ce que sera l'avenir. Une chose dont nous pouvons être sûrs, c'est que ce que nous pensons aujourd'hui de l'avenir sera démenti par les faits. Nous allons pécher par excès d'optimisme ou de pessimisme ou nous tromper d'une façon ou d'une autre.
Donc, dans la mesure où nous pouvons laisser une multitude de décisions prises en réponse à un ensemble d'instruments fiscaux relativement neutres nous guider, nous nous en tirerons mieux et aurons plus de souplesse que si nous essayons de les anticiper.
Le président: Je vous remercie, monsieur Woolford, monsieur Campbell et madame Brushett.
Le moment est maintenant venu de faire des résumés très brefs. Peut-être pourrions-nous commencer par vous, monsieur Dottori.
M. Dottori: Je peux vous dire que je considère cette question comme très complexe. Ce que nous avons essayé de faire, c'est de la scinder en éléments simples. Je persiste à penser qu'il faut considérer les impôts comme une affaire d'accès aux marchés, sachant que les droits de douane sont un impôt à l'envers, et équivalent à un crédit d'impôt si vous taxez le concurrent.
Pour ce qui est des coûts de production, de la déréglementation et de la simplification, je pense que chacun autour de cette table vous a dressé une liste de tous ces éléments. La Loi sur la marine marchande est assortie, à elle seule, de 115 règlements et il y a plus de 30 ou 40 catégories de DPA. Gardez les choses simples et il sera alors plus facile d'éviter les échappatoires fiscales. Élargissez l'assiette et rendez le régime fiscal plus équitable et plus uniforme pour tout le monde.
Je pense que le coût et la disponibilité de capitaux de risque sont un élément très important auquel il faut s'attaquer. C'est là encore une question complexe. Il y a quelques bons exemples au Canada, comme le QSSP, d'instruments pour développer des bassins de capitaux-risque. Je pense qu'il est très important de stimuler l'esprit d'entreprise et là encore il y a diverses possibilités. Je suis sûr que les économistes pourraient vous trouver 50 façons et nous aurions chacun nos instruments favoris.
Je pense que c'est là-dessus que vous devez vous concentrer. Gardez les choses simples, élargissez l'assiette fiscale et baissez les taux et vous verrez que le système sera plus juste, plus égalitaire et meilleur pour tout le monde. Plus il sera facile à comprendre, et plus il sera facile de planifier.
Le président: Je vous remercie, monsieur Dottori.
Monsieur Manning.
M. Manning: Très brièvement, gardez le cap en ce qui concerne la bataille pour la maîtrise du déficit et la réduction de la dette. Ne perdez pas de vue que le régime doit être compétitif. Je sais que ces deux concepts ne sont pas contradictoires et il est naïf de ma part de le souligner.
Tenez compte des différences sectorielles et sachez reconnaître ce que le Canada sait faire bien, tout en sachant que ce que le Canada fera bien dans cinq ans n'est peut-être pas ce qu'il fait bien aujourd'hui. Reconnaissez que les choses que nous faisons bien et que nous avons historiquement bien su faire sont aussi les activités qui vont créer de bons emplois viables et durables.
Continuez à travailler sur les divers niveaux de coûts et de frais fiscaux à l'intérieur du système canadien, système qui dépasse de loin le seul palier fédéral, pour viser l'établissement d'une méthode d'imposition compréhensible, cohérente, uniforme et efficiente. N'oubliez pas qu'il n'y a qu'un seul contribuable face à une multitude d'administrations fiscales. Même si nous nous débrouillons mieux que beaucoup, il y a encore du pain sur la planche. C'est donc un très gros défi, monsieur le président, mais je pense qu'il vaut la peine de le relever, et cela doit être fait.
Le président: Je vous remercie, monsieur Manning.
Monsieur Keyes, s'il vous plaît.
M. Keyes: Je vous remercie, monsieur le président.
Je ferai valoir deux points. Premièrement, maximisez la coopération intergouvernementale de façon à minimiser l'effort, les chevauchements et le double emploi. Cela a été dit autour de cette table par plusieurs personnes. Le coût relatif, dans le tableau d'ensemble, des coûts de conformité n'est peut-être pas très important pour les grosses sociétés, mais pour les petites compagnies il l'est certainement et la complexité des règles fait que les gens ont bien du mal à les comprendre. Vu qu'elles changent continuellement, elles exigent beaucoup d'efforts pour se tenir au courant, tant de la part des grosses que des petites entreprises.
Le deuxième élément nous ramène à la concurrence internationale. Mon collègue vient de mentionner qu'il faut tenir compte de la spécificité des secteurs. Je suis absolument d'accord. Nous ne pouvons aller à contre-courant de nos principaux concurrents. La fiscalité n'est peut-être qu'un élément de la prise de décisions commerciales, mais c'est un élément important, et on ne peut ignorer la spécificité sectorielle. Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie, monsieur Keyes.
Professeur Macnaughton.
Le professeur Macnaughton: Je vous remercie, monsieur le président. Comme beaucoup d'autres membres du panel l'ont déjà dit, je pense réellement qu'une assiette plus large et un taux plus bas sont le chemin à suivre. Cela permet de maintenir le niveau des recettes fiscales provenant des sociétés tout en conférant l'avantage de taux inférieurs.
Par ailleurs, à plus long terme, le ministère des Finances doit publier davantage de statistiques afin que nous puissions répondre au genre de questions que le comité nous pose. Je songe à quelque chose comme la publication de Revenu Canada intitulée «Statistiques fiscales» pour l'impôt sur les revenus personnels. Nous avons besoin de l'équivalent pour les entreprises, comme ce qui est déjà publié aux États-Unis.
Le président: Je vous remercie, professeur Macnaughton.
Peter Woolford.
M. Woolford: Je vous remercie, monsieur le président.
Je souscris à plusieurs des choses déjà dites. Maintenez le cap sur la réduction du déficit. La réduction de la dette est la priorité.
Deuxièmement, continuez à comparer, continuez à regarder ce qui se fait à l'étranger, continuez à garder à l'oeil les États- Unis et la Communauté européenne pour voir ce qu'ils font et comment nous nous situons par rapport à eux, aussi difficile que cela puisse être.
Troisièmement, gardez le régime fiscal neutre à l'égard des différents types d'activités économiques.
Quatrièmement, évitez les taxes indépendantes des profits telles que les taxes sur le capital et les charges sociales.
Enfin, ne faites pas des choses qui vont à l'encontre du but recherché, telles que l'inclusion de la taxe dans les prix. Vous saviez que je ne pouvais faire autrement que de le mentionner.
Le président: Voilà votre conseil pour nous aujourd'hui.
Andrew Jackson.
M. Jackson: Je pense que le comité voit bien qu'il ne doit pas perdre de vue les objectifs d'ensemble de l'imposition des entreprises, en particulier de l'impôt sur le revenu des sociétés. C'est un outil important d'imposition des revenus du patrimoine et il n'en existe pas d'autres si l'on songe au très fort degré de propriété étrangère de notre économie. L'impôt sur le revenu des sociétés est pratiquement le seul instrument pour imposer les revenus du patrimoine allant à des non-résidents.
Si nous n'avons pas de régime adéquat d'impôt sur les sociétés, des personnes à haut revenu pourront échapper à l'impôt, ce qui ne va pas dans le sens de la justice fiscale.
Je pense que, de façon générale, le public est très préoccupé de voir à quel point les allégements fiscaux consentis aux sociétés peuvent être cumulés, à tel point que même des entreprises très profitables finissent par éviter l'impôt ou n'en payer que très peu. Je pense que c'est un sujet de préoccupation.
Pour ce qui est de toute la question de l'avenir de l'impôt des entreprises et de l'évolution de l'environnement international - pour conclure sur ce thème - on a beaucoup parlé de la nécessité de préserver un régime fiscal compétitif à l'échelle internationale. Je pense qu'il faut vraiment éviter une course vers le fond où la compétitivité serait assurée uniquement par une diminution des taux. Je pense que ces baisses de taux seraient inévitablement suivies des mêmes ailleurs.
Ce qui est réellement important, s'agissant de savoir comment notre fiscalité s'insère dans un environnement international en évolution, c'est de rechercher une coordination internationale, des négociations et des règlements internationaux pour empêcher les sociétés d'utiliser leur facturation interne et d'autres moyens pour minimiser l'impôt dans un pays donné.
Comme j'ai essayé de le montrer, le régime fiscal influe davantage sur le choix du pays où les profits sont déclarés que sur l'activité économique réelle, mais il y a certainement une préoccupation sur ce plan.
Le président: Je vous remercie, monsieur Jackson.
Monsieur Précourt.
[Français]
M. Précourt: Comme conclusion à mes commentaires et à ceux de M. Krishna, j'aimerais soulever à nouveau un élément de ma présentation initiale. Si nous voulons réduire le déficit et songeons à limiter à l'avenir les taxes sur le capital, il y aurait peut-être lieu de fixer, y compris pour les grandes entreprises, un maximum de taxes capitales et d'augmenter l'impôt des sociétés et des grandes entreprises.
Lorsque les grandes entreprises génèrent beaucoup de bénéfices, elles paient un peu plus d'impôt. Lorsqu'elles n'en génèrent pas, elles n'en paient pas. C'est un peu la même chose pour nous; il nous serait difficile de payer de l'impôt si nous ne travaillions pas. Puisque l'on vise à réduire les bénéfices, il y aurait peut-être lieu de fixer un plafond ou un maximum sur la taxe capitale pour les grandes entreprises et peut-être d'augmenter légèrement leur taux d'impôt.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Précourt. Monsieur Sam Boutziouvis.
[Traduction]
M. Boutziouvis: Quelle ouverture!
J'ai deux remarques. Premièrement, sur le plan général, les gouvernements doivent mettre en place un cadre macro-économique approprié, tel que les entreprises puissent croître et fonctionner. Cela englobe des finances publiques saines, la stabilité des prix, la consolidation financière et un environnement fiscal favorable au fonctionnement efficient de l'économie.
Je crains de devoir me dissocier de mon collègue qui vient de préconiser des impôts plus élevés pour les grosses entreprises et une réduction des impôts pour les petites et moyennes. De façon générale, je pense qu'il faut reconnaître le rôle essentiel des grandes entreprises dans la création d'emplois, la croissance économique à forte concentration de savoir et le progrès technologique.
En outre, les grosses entreprises, contrairement à ce que pensent probablement la plupart des gens des deux côtés de la table, jouent un rôle essentiel au sein de l'économie et de la société, ici au Canada. On ne peut leur réserver un traitement séparé. Augmenter leurs impôts aux fins d'une redistribution économique etc. va à l'encontre de facteurs critiques liés à la mondialisation actuelle, à mon avis.
Les petites entreprises sont évidemment importantes. De fait, les grandes et petites entreprises sont indissolublement liées entre elles. Les grosses entreprises alimentent les petites et inversement. Elles sont indissociables.
Enfin, un consensus mondial sur la création d'emplois s'est fait jour au cours de la dernière décennie à Détroit, à Halifax, à Lille, à Paris. La création d'emplois exige un secteur privé dynamique comprenant des entreprises de toutes tailles, une main- d'oeuvre qualifiée et motivée, des politiques sociales efficientes, une réglementation non envahissante, une croissance non inflationniste, de forts niveaux de productivité, des marchés du travail flexibles, des niveaux d'endettement gérables, des niveaux d'imposition compétitifs, des échanges internationaux plus libres et, dernier ingrédient, la stabilité politique.
Merci beaucoup.
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Myers.
M. Myers: Je pense que tout a été dit, à peu près. Sam s'en est chargé.
Les éléments critiques sont le contrôle du déficit, afin que les impôts que nous payons servent à quelque chose de constructif plutôt qu'au service de la dette; et la stabilité, de façon à pouvoir attirer des capitaux à plus long terme, sur 20 ans. Lorsque les financiers envisagent de gros investissements, ils veulent que le projet rapporte. La plupart des projets à long terme sont de cette durée.
Il faut davantage de communication entre les trois paliers de gouvernement. Nous avons parlé principalement des gouvernements fédéral et provinciaux. Mais les gouvernements municipaux aujourd'hui ont, eux aussi, un impact majeur sur la structure fiscale.
Enfin, l'impôt doit être prélevé principalement sur les profits, plutôt que sur le capital et l'investissement.
Merci beaucoup.
Le président: Je vous remercie, monsieur Myers.
Il serait présomptueux de ma part d'essayer de tirer un consensus de tout ce qui a été dit aujourd'hui. Je pense que les députés de tous les partis, cependant, ont parfaitement conscience du fait que nous sommes aujourd'hui en présence de certains des plus grands créateurs de richesse, employeurs, exportateurs et créateurs d'emplois du pays: les industries forestières, le pétrole, l'exploitation minière, le charbon et le Conseil canadien des chefs d'entreprise. Nous avons également les principaux porte- parole des syndicats, le Congrès du travail du Canada. En outre, nous avons le Conseil du commerce de détail, qui représente près de un huitième des emplois du pays; des experts de l'Association des comptables généraux agréés; enfin, le professeur Macnaughton.
Si je puis extraire quelques messages de ce que nous avons entendu, c'est qu'en concevant les politiques fiscales futures, l'imposition des sociétés signifie des choses différentes pour des industries différentes, des secteurs différents et des entreprises différentes. Deuxièmement, on semble s'accorder pour dire que l'impôt devrait être fondé sur le revenu ou l'encaisse, et non sur le capital ou d'autres éléments qui ne reflètent pas la santé ou la rentabilité d'une industrie.
Nous avons entendu des suppliques émanant de divers secteurs pour diverses formes de coordination et d'harmonisation fiscales et la fin des chevauchements et doubles emplois entre gouvernements. C'est quelque chose que nous, les politiciens, devrions être capables de faire. On nous a parlé du coût pour les contribuables et des inefficiences engendrées pour vous et vos entreprises, le manque de compétitivité, les coûts accrus qui résultent simplement du fait que nous ne parvenons pas à nous concerter sur l'impôt, qu'il s'agisse de l'impôt sur les sociétés, de l'impôt personnel ou des taxes de vente.
Nous avons entendu quelques idées intéressantes de changements individuels, ainsi qu'un argumentaire préconisant la suppression d'incitations spécifiques en faveur d'un taux moindre et d'une assiette élargie. Au fil des mois, je ne doute pas que nous entendrons des suggestions à cet égard, mais j'invite chacun d'entre vous, par le biais de vos industries, à nous dire quels allégements spécifiques nous pourrions supprimer en faveur d'un taux réduit et nous indiquer quel en serait l'effet sur votre industrie ou d'autres.
Je sais que nous, les députés, avons passé à la loupe le livre des dépenses fiscales avant chaque budget, pour chercher ces dollars magiques que nous semblons gaspiller ou laisser filer. Je vous invite donc à travailler avec nous pour déterminer où nous pouvons faire meilleur usage de l'argent de nos impôts, où nous pouvons le distribuer plus équitablement et où ces concessions fiscales ne sont pas efficaces.
En conclusion, permettez-moi de dire également que je suis pleinement d'accord avec une chose que Peter Woolford a dite. Dans sa déclaration liminaire, il a félicité notre greffière, Susan Baldwin, qui a sauté dans la brèche à la dernière minute lorsque notre greffier habituel a dû s'absenter.
Au nom de nous tous, Susan, je tiens à vous remercier, ainsi que tout le personnel qui a rendu possibles ces audiences estivales.
Enfin, au nom de tous les députés, je veux remercier les témoins de leurs interventions très convaincantes et très importantes. Vous avez rendu plus importante la tâche de chacun d'entre nous, même si vous ne l'avez pas tellement facilitée. Merci beaucoup.
Des voix: Bravo!
Le président: La séance est levée.