[Enregistrement électronique]
Le mardi 24 septembre 1996
[Traduction]
Le président: Le Comité permanent des finances de la Chambre des communes poursuit son examen du Livre blanc sur les institutions financières du Canada.
Cet après-midi, nous accueillons, de TelPay Bill Payment Service, une division de CTI-ComTel Inc., son président, M. William Loewen. Bienvenue, monsieur Loewen.
M. William H. Loewen (président, TelPay Bill Payment Service): Je vous remercie de me donner l'occasion de vous adresser la parole sur les préoccupations de notre société.
Dans un premier temps, j'aimerais vous expliquer ce que fait notre entreprise. Nous offrons un service de paiement de factures par téléphone semblable aux services bancaires en direct qu'offrent maintenant les banques. Nous avons lancé ce genre de service au Canada en 1985. En fait, notre service de paiement de factures par téléphone est le plus ancien, certainement au Canada. Nous offrons nos services d'un océan à l'autre. Parmi notre clientèle, nous comptons le grand public ainsi que bon nombre de petites institutions financières, surtout des coopératives de crédit, des fiducies et de petites banques.
Le but de mon exposé est de vous demander d'accorder une attention particulière à la participation...
Le président: Excusez-moi, monsieur Loewen. Avant que vous n'alliez plus loin, pouvez-vous m'expliquer ceci: pourquoi serait-il avantageux que j'utilise vos services plutôt que de payer ma facture directement à la compagnie de téléphone?
M. Loewen: Si vous payez par chèque, vous devez préparer le chèque, et le mettre à la poste. Il y a le coût du timbre et, évidemment, une période de temps...
Le président: Et les frais de service.
M. Loewen: Et les frais de service, oui. Nous percevons également des frais, mais de 50c. par paiement. Nous recevons les données aujourd'hui et, le jour ouvrable suivant, nous faisons parvenir l'information électroniquement à la banque, qui débite votre compte et crédite celui du bénéficiaire. En même temps nous transmettons les détails du paiement au bénéficiaire afin qu'il porte le crédit à votre compte.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Loewen.
M. Loewen: Je vous en prie.
Par services financiers, j'entends surtout le traitement des paiements électroniques; cependant, d'autres entreprises peuvent éventuellement souhaiter offrir différents types de services. Il n'est pas question de vouloir administrer l'argent des autres.
J'interprète comme un encouragement le commentaire suivant tiré du Livre blanc: «...nous donnons la garantie qu'une analyse en profondeur du système des paiements sera effectuée». Je ferai d'autres observations plus détaillées au ministère des Finances et à la Banque du Canada au sujet du système des paiements.
L'Association des banquiers canadiens déclare dans son mémoire que le ministère des Finances a indiqué que les objectifs de la politique concernant l'examen de 1997 seront les suivants: «assurer le maintien d'un sain degré de concurrence dans le secteur des services financiers». Nous participons certainement à cet effort dans ce nouveau domaine en plein essor.
L'objectif suivant serait de «rendre les lois régissant les institutions financières davantage axées sur les consommateurs». Justement, vous serez en mesure de constater que nous donnons un choix aux consommateurs, ce qui est essentiel à la concurrence.
Le troisième objectif est le suivant: «faire en sorte que les lois n'entravent pas la capacité d'innovation des institutions financières canadiennes ainsi que leur compétitivité». Avec une autre compagnie, Comcheq Payroll Services, qu'a achetée récemment la CIBC, nous étions les chefs de file sur le plan de l'innovation et de la compétition dans tout ce domaine. Aujourd'hui, nous sommes également les chefs de file, à bien des égards, dans le paiement des factures.
Grâce au traitement électronique des opérations, il est maintenant possible d'envisager la prestation de services financiers plus concurrentiels, plus pratiques et à moindres frais. En tant que législateurs, il vous incombe de déterminer si ces innovations sont transmises aux consommateurs ou si elles viennent gonfler les profits des banques.
Nos propositions ne concernent pas une activité qui ne soit déjà exercée aujourd'hui, par des organismes réglementés ou non. Elles visent simplement à augmenter la rapidité et l'efficacité du traitement, au moyen de l'accès direct aux comptes bancaires des clients, plutôt que d'avoir à passer par le système de compensation qui fonctionne la nuit. Nos propositions ne visent pas la gestion ni le placement des fonds de tiers, activités pour lesquelles les banques doivent maintenir un capital important, être réglementées par le Surintendant des institutions financières et être couvertes par une garantie, telle que celle qui est fournie par la Société d'assurance-dépôts du Canada. Nous n'avons aucune objection à la réglementation, mais, dans notre cas, ce sont différents aspects qui seraient réglementés.
La division TelPay de CTI-ComTel Inc. offre aux Canadiens un service de paiement de factures depuis 1985. D'un océan à l'autre, il s'agit d'un moyen pratique d'acquitter les factures de plus de 500 entreprises, surtout celles des services publics et des sociétés de cartes de crédit. Depuis l'année dernière, nous offrons également nos services sur support informatique. Le grand public ainsi que plus de cent coopératives de crédit, sociétés de fiducie et banques composent notre clientèle.
Nos services procurent trois avantages majeurs. Ils permettent à de petites institutions financières d'offrir à leurs clients un service de paiement de factures à frais réduits. Ces dernières peuvent ainsi mieux soutenir la concurrence exercée par leurs homologues de plus grande taille. Quant aux consommateurs, ils profitent d'un service de paiement de factures qui n'est pas lié à leur banque. De cette manière, ils peuvent décider de changer de comptes bancaires sans subir les inconvénients d'avoir à changer de service de paiement de factures. Dans une perspective à long terme, la mobilité de la clientèle est importante pour assurer l'établissement de prix concurrentiels. En troisième lieu, TelPay représente une solution de rechange, en ce qui a trait au paiement électronique de factures, pour les bénéficiaires qui sont autrement tenus de recevoir tous leurs paiements d'une seule banque principale, mesure inefficace et qui leur coûtera finalement plus cher.
À ce sujet, j'aimerais exposer un principe d'affaires qui ne semble pas, à première vue, aller de soi. En affaires, il n'est pas courant de chercher des moyens de réduire les revenus, surtout en baissant les prix. Les entreprises établies sont constamment à la recherche de moyens d'augmenter les prix, et non le contraire. En même temps, elles peuvent chercher des moyens de réduire les coûts, mais il s'agit là d'une autre question qui n'a pas souvent comme résultat de faire baisser les prix.
En fait, l'introduction d'un nouveau produit ou d'une nouvelle façon de procéder, habituellement par une société récemment établie, constitue souvent l'élément déclencheur d'une baisse de prix pour le consommateur. Les petites sociétés ont la souplesse et la volonté nécessaires pour y parvenir. Si la nouvelle société se taille une assez bonne place, et ce, assez rapidement, les entreprises dotées d'une technologie moins récente devront s'ajuster à une nouvelle structure de coûts, ce qui profitera aux consommateurs. Sans cela, les sociétés déjà établies pourraient tôt ou tard introduire le changement, mais en trouvant un moyen de préserver leurs rentrées de fonds.
Aujourd'hui, la plupart des gens reçoivent leur salaire directement dans leur compte bancaire par voie électronique. Les opérations effectuées par téléphone et par ordinateur ainsi que les réseaux Interac et Internet sont de nouveaux moyens d'accéder aux comptes bancaires et à l'information financière. Auparavant, cet accès n'était possible, dans la grande majorité des cas, que par des opérations sur support papier acheminées par le courrier ou effectuées au comptoir. Bien que le traitement électronique des opérations soit beaucoup moins coûteux que les opérations sur support papier, les banques ont non seulement gardé les économies réalisées dans leurs coffres, mais ont aussi fortement accru les frais de service imputés aux consommateurs.
Grâce à ces nouveaux moyens d'accès, il est maintenant possible de séparer les fonctions bancaires de crédit d'une part, qui comportent des risques importants, des fonctions relatives aux opérations quotidiennes des clients, d'autre part. Ces dernières fonctions comportent un risque de fraude et d'abus, mais les lois sur les fiducies et le droit criminel ont pour effet de réduire ce risque. Ces risques sont d'autant moins importants qu'il est plus facile de retracer des opérations électroniques, ce qui atténue, sinon élimine, les incitations à la fraude.
Ces modifications peuvent entraîner de réelles réductions de coûts. Les consommateurs ne bénéficieront jamais de ces réductions toutefois si les moyens mis en oeuvre à cette fin ne sont l'apanage que des grandes institutions dotées de systèmes technologiques plus anciens. Ces dernières sont enfermées dans un dilemme: comment maintenir la croissance constante de leurs bénéfices si la nouvelle technologie leur impose de réduire les prix?
Le paiement des comptes de téléphone est un exemple d'une situation à l'égard de laquelle les banques ont pris des mesures visant à protéger leurs sources de revenus. TelPay a été capable de traiter des volumes plutôt importants de prélèvements de comptes bancaires de clients, sous une forme assimilable par un ordinateur. TelPay paie environ 10c. par opération à sa banque pour chaque prélèvement. Les banques auraient imputé 50c. ou 60c. au client pour ces mêmes paiements s'ils avaient été effectués par chèque, et un dollar ou plus pour un règlement au comptoir. Ainsi, les paiements traités par TelPay ont réduit de 80 p. 100 le bénéfice de la banque découlant de chaque paiement.
Il est clair que les sociétés de traitement indépendantes représentent une menace pour les revenus des banques. Lorsque ces dernières se sont rendu compte des activités de TelPay, elles ont commencé à nous mettre des bâtons dans les roues. Comme nous avions déjà prouvé avec Comcheq que nous pouvions soutenir la concurrence des grandes banques, elles n'allaient certainement pas nous épargner une autre bataille par rapport à ce qu'elles considèrent comme leur chasse gardée.
Dans le cas des paiements de comptes de TelPay, les banques ont réagi de diverses façons. D'abord, en 1989, elles ont eu recours à la règle H4 de l'Association canadienne des paiements (ACP) pour restreindre les services offerts par TelPay. Selon cette règle, nous pouvions faire des paiements non variables, comme les factures de téléphone et d'électricité, au moyen d'une opération donnée, mais nous ne pouvions faire de paiements variables, comme les factures des cartes de crédit et de paiement, au moyen de la même opération, ce qui éliminait pratiquement les services que nous pouvions offrir aux consommateurs. Elles ne comprennent pas apparemment que les factures de téléphone et d'électricité peuvent être variables.
Ces restrictions ont par la suite été remplacées en 1996 par des règles de l'ACP qui sont tout simplement discriminatoires. Entre-temps les banques avaient eu le temps d'établir leurs propres systèmes pour le téléphone et avaient trouvé des moyens de rendre les produits TelPay moins attrayants.
Au départ, comme il est mentionné précédemment, le consommateur déboursait 50c. pour acquitter une facture par l'entremise de TelPay, et cette dernière payait 10c. aux banques pour effectuer le prélèvement du compte du client. Il s'agissait d'une bonne affaire pour le consommateur, qui devait auparavant verser entre 40 et 50c. pour l'affranchissement de son envoi par la poste, plus des frais pour la compensation de ses chèques. Il s'agit en outre d'un moyen très pratique d'acquitter des factures. Les banques en profitaient également, car les opérations étaient présentées en grand nombre, sur support électronique.
Les banques ont eu dix ans pour trouver des moyens de s'assurer que les consommateurs et les concurrents continueraient de contribuer à leurs revenus au même rythme que celui qui s'appliquait avec des méthodes de paiement désuètes et plus coûteuses. Ce procédé est désigné par l'expression «double facturation» et fait actuellement l'objet d'une enquête menée aux États-Unis par les défenseurs des intérêts des consommateurs et la gent politique. Ainsi, on impute des frais au consommateur pour amorcer l'opération et, une fois encore, pour effectuer le prélèvement du compte de ce dernier.
Les banques canadiennes sont même allées encore plus loin dans ce sens. Elles veulent également imputer des frais au bénéficiaire pour le versement du paiement. Ainsi, les banques peuvent instaurer trois paliers de frais pour une seule opération.
Dans le cas d'un concurrent comme TelPay, nos clients paient les frais habituels de 50c.. Nous payons 10c. à la banque pour le prélèvement, et, par la suite, la banque impute au client des frais de40 à 60c. pour le même prélèvement.
Les banques ont également imaginé une stratégie visant à s'attacher les bénéficiaires, soit les entreprises de services publics, les sociétés de cartes de crédit, etc.; ainsi, ces dernières seraient forcées de recevoir leurs paiements d'une seule banque. Ce serait là une occasion supplémentaire pour les banques d'imposer des frais accrus pour ce stade de l'opération. C'est ce qu'on appelle le «club des paiements». L'ACP a adopté un règlement à cet effet, voir page 6, qui rend ce procédé parfaitement légitime. Même, c'est presque un élément obligatoire pour se faire payer.
Pour que les technologies émergentes profitent aux consommateurs, y compris aux consommateurs commerciaux, il est évident que l'ACP doit être restructurée afin de permettre aux fournisseurs de services qui ne sont pas des institutions financières d'offrir à leurs clients le même accès à leurs comptes bancaires que celui qui est offert à ces institutions, et ce, sans discrimination.
Bien que cette proposition ait été qualifiée de «fondamentalement insoutenable» par l'ABC, dans le même paragraphe, il y est énoncé que «les consommateurs ont toujours insisté sur le fait qu'ils souhaitaient conserver le contrôle sur les opérations touchant les paiements faites à partir de leurs comptes bancaires».
Nous sommes d'avis que l'accès aux comptes par l'intermédiaire de fournisseurs de services comme TelPay est une possibilité qui devrait être offerte aux consommateurs. La question que vous devez vous poser, en tant que législateurs, c'est de savoir si, oui ou non, les consommateurs auront le choix du mode d'accès à leurs comptes ou s'il sera permis aux banques de maintenir leur monopole sur les déposants en continuant, par l'intermédiaire de l'ACP, à édicter les règles visant à exclure la concurrence.
Il ne fait aucun doute que nous allons nous buter à une opposition féroce de la part des banques, en réponse aux pressions que nous exerçons afin de fournir une égalité d'accès dans la prestation des services au public. Les banques veulent occuper les parts de marché de tous leurs concurrents, mais elles ne souffrent personne dans leurs champs de compétence. Néanmoins, si vous avez la volonté sincère de promouvoir la concurrence et l'innovation, vous pouvez et devez permettre aux sociétés non bancaires d'avoir un accès plus libre aux comptes de dépôt des consommateurs qui le souhaitent.
Considérons la situation où des fournisseurs de services, comme TelPay, ne peuvent fournir à leurs clients un accès direct à leurs comptes. Dans un tel cas, comme ce l'est bien entendu aujourd'hui, les clients ne peuvent obtenir des services en direct que de leur propre banque. Ils ne peuvent changer de services de paiement de factures qu'en changeant leur compte bancaire. Les consommateurs peuvent avoir de nombreuses raisons de ne pas vouloir effectuer ces changements; peut-être même n'y a-t-il pas d'autres banques dans les environs. Cette immobilité des clients crée en fait une situation de monopole pour les banques, qui en profitent pour appliquer la double et la triple facturation dont il a été question précédemment.
La question que vous devez vous poser est la suivante: «À qui appartient le compte?» La réponse doit être: «Au consommateur», lequel pourrait et devrait avoir le choix du mode d'accès à son compte.
Il existe un précédent à cet égard depuis quarante ans. Il n'y a pas de contraintes techniques. Interac offre un moyen d'accès logique. Évidemment, les banques invoqueront leurs responsabilités fiduciaires à l'égard des fonds confiés par leurs clients.
Cette affirmation est vraie, bien que les banques ne s'acquittent pas toujours de cette responsabilité avec le plus grand soin. Elles n'ont toutefois pas l'obligation fiduciaire de refuser aux consommateurs l'accès qu'ils jugent approprié à leur compte. En fait, cet accès est permis depuis de nombreuses années sous la forme de prélèvements automatiques. Ces prélèvements sont effectués par une tierce partie et sont traités le lendemain. Des millions de paiements de primes d'assurance, de versements hypothécaires et d'autres paiements - y compris les contributions politiques - sont traités de cette manière.
Le système Interac offre une possibilité intéressante d'élargir l'accès; il s'agit du type de service d'accès direct que les fournisseurs de services et les consommateurs désirent. Il est peu probable que les récents efforts déployés par le Bureau de la concurrence pour élargir le système Interac feront une grande différence. En fait, selon un article tiré du Globe and Mail, les frais d'Interac augmenteront par suite de l'audience - exactement l'effet contraire à celui qui est recherché par le Bureau de la concurrence.
Dans le cadre de cet exercice, d'excellentes solutions avaient été présentées pour un certain nombre de problèmes, mais le Bureau de la concurrence semblait plus vouloir trouver un règlement convenant aux banques plutôt qu'un moyen de remanier le système de compensation en profondeur.
Il n'en tient maintenant qu'aux législateurs de remédier à cette situation d'exclusivité d'accès aux comptes qui profite aux banques, afin de laisser libre cours à la concurrence et à l'innovation. Cela ne viendra pas des banques. Le Bureau de la concurrence a failli à cette tâche. Vous seuls y pouvez quelque chose.
La création de l'Association canadienne des paiements par le Parlement en 1980 est à l'origine de cette situation d'exclusivité. Ainsi, le traitement du système de compensation échappait aux mains de l'Association des banquiers canadiens pour passer à celles d'un organisme que l'on voulait plus représentatif du secteur des services financiers. Dans les faits, le système est tout de même demeuré sous la coupe des grandes banques. Toutefois, l'ACP est devenue même plus restrictive, car elle pouvait alors agir sous l'égide d'une loi du Parlement. Elle se considère comme dotée d'une compétence législative, ce qui est en fait peut-être vrai. Les mesures prises par les banques pourraient être considérées comme abusives par le Bureau de la concurrence, si ce n'était de la protection qui leur est accordée en vertu de la Loi sur l'Association canadienne des paiements.
Lorsque le Parlement a créé l'ACP en 1980, il a mis sur pied un organisme de réglementation que l'on pourrait comparer, par exemple, à un CRTC qui serait dirigé par Rogers Cablevision, Vidéotron, WIC, Shaw et CanWest. La seule façon d'amorcer un changement est de dissoudre l'Association canadienne des paiements, laquelle n'assure de toute façon qu'une fonction de réglementation. Cette exigence de réglementation pourrait être assumée par une commission distincte qui entendrait toutes les parties, ce qui éviterait de se retrouver dans la situation actuelle, où les organismes de réglementation sont les parties réglementées.
Il devrait être possible d'avoir deux ou plusieurs systèmes de compensation: un pour les opérations sur support papier, un pour les opérations électroniques, dont Interac, et éventuellement un autre pour les opérations de grande valeur. L'orientation d'une telle commission ne devrait pas provenir seulement de la Banque du Canada, ni même du ministère des Finances. Ces services relèvent beaucoup plus d'activités commerciales courantes. Leur responsabilité pourrait très bien être dévolue au ministère de l'Industrie, moins susceptible de se trouver en situation de conflit d'intérêts dans ses négociations avec les banques.
Le Livre blanc proposait la constitution d'un groupe de travail sur l'avenir du secteur canadien des services financiers. Nous vous recommandons vivement de ne pas laisser les questions relatives à l'ACP entre les mains de ce groupe de travail, dont les travaux ne toucheront à la législation que dans cinq ans. Les modifications à apporter à l'ACP sont nécessaires maintenant. Les changements touchant le système des paiements sont à nos portes: nous ne pouvons attendre la parution de ce rapport.
Je vous remercie de nous avoir donné l'occasion d'exprimer nos inquiétudes. Comme vous pouvez le constater, notre participation aux questions touchant la concurrence avec les banques et le système de compensation ne date pas d'hier, et les 25 dernières années ont été parsemées d'embûches. Notre contribution n'est pas négligeable dans le sens des objectifs énoncés par les divers paliers de gouvernement en ce qui touche la concurrence, l'efficience, la gestion responsable des fonds, les préoccupations du public relativement à la confidentialité, etc. Nous espérons que vous jugerez pertinent de nous permettre de poursuivre nos activités dans le domaine du paiement des factures.
En résumé, j'aimerais que l'on procède à une restructuration immédiate de la réglementation du système de compensation. J'aimerais que l'on reconnaisse le fait que la prestation de services peut être séparée des activités de crédit, de manière à ce que les risques inhérents aux fonctions de crédit ne viennent pas à l'encontre des possibilités de libre choix des consommateurs pour ce qui est des services. J'aimerais que l'on reconnaisse le rôle important, voire essentiel, que les petites sociétés sont appelées à jouer pour stimuler la concurrence et l'innovation et pour faire en sorte que les avantages qui en découlent soient transmis aux consommateurs. Je voudrais que les consommateurs puissent choisir les services qui leur conviennent, un choix que seul TelPay et d'autres entreprises similaires peuvent offrir.
Vous trouverez, en annexe à notre mémoire, de plus amples détails sur certains points que j'ai soulevés.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Loewen.
[Français]
Voudriez-vous commencer la période des questions, monsieur Bélisle?
M. Bélisle (La Prairie): J'ai une question rapide.
M. Loubier (Saint-Hyacinthe - Bagot): Il va falloir que vous attendiez un peu parce qu'il n'y a pas de traduction.
Le président: Pardon?
M. Loubier: Il n'y a pas encore de traduction simultanée.
Le président: Avons-nous un problème technique?
M. Loubier: Non, non, c'est le témoin qui n'a pas son petit appareil.
Le président: Oh, excusez-moi.
[Traduction]
Serait-ce que le système est contrôlé par l'Association canadienne des paiements?
[Français]
M. Bélisle: En vous écoutant et en lisant votre document, peut-on conclure que les institutions bancaires exigent des frais vraiment prohibitifs? Le coût de la facturation est-il prohibitif?
Dans votre document, on dit que la double et la triple facturations semblent assez répandues. Pourriez-vous expliciter? Est-ce que la double et la triple facturations sont vraiment répandues dans l'ensemble des banques canadiennes ou si cette pratique n'est le fait que de quelques-unes d'entre elles?
[Traduction]
M. Loewen: Je vais répondre à votre première question. Tout examen des frais d'administration perçus par les banques indiquerait que ces derniers ont augmenté à un rythme effarant. En 1968, quand nous avons lancé notre entreprise, et, j'en conviens, c'était il y a longtemps, les frais d'administration pour le règlement d'un gros volume de factures étaient d'à peine 5c. l'unité, alors que pour les entreprises, c'était de 10 à 12,5c. Aujourd'hui, notre compagnie doit verser 75c. la transaction. Ces frais ont dont grimpé, alors qu'ils auraient sans doute dû baisser, étant donné le recours aux technologies informatiques, qui auraient dû réduire les coûts.
Pour ce qui est de la double et de la triple facturation, il faut bien dire que la double facturation est tout à fait courante de la part des grandes banques. Les petites institutions ne la pratiquent pas. Même VanCity, au moment de l'annonce de son nouveau système, a fait allusion, par la bande, au fait que cette double facturation se pratiquait et qu'elle en tirait parti sans pour autant percevoir les frais doublement.
La triple facturation, quant à elle, est relativement récente. Elle est possible grâce à ce que l'ACP appelle la règle 86. Cette dernière est entrée en vigueur ce mois-ci. Elle n'est peut-être pas encore appliquée... c'était peut-être à la fin du mois dernier ou au début de ce mois-ci. Je n'en suis pas sûr.
Les bénéficiaires dans certains cas doivent verser une certaine somme à la banque pour obtenir les renseignements qu'on leur fournit. Les consommateurs, quant à eux, ont déjà dédommagé la banque pour qu'elle transmette ces renseignements aux bénéficiaires.
Le président: Merci, monsieur Bélisle.
Monsieur Grubel.
M. Grubel (Capilano - Howe Sound): Monsieur Loewen, la position que vous avez exposée vous vaut toute ma sympathie, et je vous félicite des succès de votre entreprise. Continue-t-elle de fonctionner malgré cette règle? Comment vous débrouillez-vous?
M. Loewen: Au départ, nous faisions le gros de notre publicité auprès du grand public, mais nous avons vite découvert que cela ne nous apportait pas grand-chose, puisque nous ne pouvions pas solliciter les clients de la Banque Royale ou de la Banque Toronto-Dominion. D'autres complications sont venues s'ajouter à cela, et c'est alors que nous nous en sommes tenus à fournir un service à d'autres institutions financières. De fait, jusqu'à ce qu'une des grandes banques commence à offrir ce service à l'interne, il y a un an, nous lui fournissions ce service pour le règlement des factures.
C'est là que nous avons fait porter nos efforts, et nous craignons très fort de perdre tous les clients des grandes banques. Si le système pouvait être réaménagé de sorte que nous puissions offrir un accès direct à nos clients, nous pourrions alors compter sur toute cette masse de clients potentiels.
M. Grubel: Vous voulez que le marché soit ouvert et concurrentiel, n'est-ce pas?
M. Loewen: C'est cela.
M. Grubel: Est-ce que je me trompe, ou étiez-vous vraiment le président du Parti national du Canada?
M. Loewen: Oui, je l'étais effectivement.
M. Grubel: Quelle était la principale plate-forme du Parti national du Canada?
M. Loewen: Essentiellement la souveraineté canadienne.
M. Grubel: Autrement dit, il n'était pas question d'offrir toute une gamme de choix aux consommateurs, d'ouvrir le marché, etc., n'est-ce pas?
M. Loewen: Non, ce n'était pas là notre principal cheval de bataille. Notre groupe s'opposait essentiellement à l'accord de libre-échange.
M. Grubel: Il est ironique de constater que, tout comme vous, je suis profondément convaincu que personne ne devrait être protégé de la concurrence des autres, mais que le Canada devrait se protéger. On dit que vous avez dépensé des millions de dollars pour que soit stimulée la concurrence au Canada pour le plus grand bien des consommateurs, et voilà que vous avez changé d'avis. N'est-ce pas contradictoire?
M. Loewen: Non. Nous ne nous sommes jamais opposés à une réduction des tarifs. Nous nous opposions à une renonciation à notre souveraineté en matière de ressources, en matière de débouchés commerciaux, et nous préconisions la défense de la souveraineté du Canada sans nous opposer à la concurrence. Nous n'avons jamais été contre les tarifs. De toute manière, les tarifs sont en train de baisser.
M. Grubel: Tout le monde savait que les tarifs étaient anormalement élevés. Le libre-échange était entravé à cause de toutes sortes de règlements, par ailleurs, et c'est un peu dans le même esprit que les banques réclament une plus grande concurrence. Vous auriez dû les entendre.
M. Loewen: Le libre-échange est un vaste sujet.
M. Grubel: Je trouve ironique que vous soyez comme tous les autres. Si pour votre argumentation il vous convient de réclamer plus de concurrence, vous le faites, en prétendant que c'est pour le consommateur, et, d'un autre côté, vous réclamez que le gouvernement interdise la concurrence, sauf en ce qui concerne vos petites affaires. C'est étrange.
Monsieur le président, merci beaucoup. J'ai dit ce que je voulais dire.
Le président: Pourriez-vous répéter? Je n'ai pas très bien compris, monsieur Grubel.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Y a-t-il d'autres questions?
Madame Brushett.
Mme Brushett (Cumberland - Colchester): Merci, monsieur le président.
Monsieur Loewen, y a-t-il d'autres compagnies qui offrent des services semblables aux vôtres et qui éprouveraient des problèmes semblables?
M. Loewen: Il n'y en a pas beaucoup. Il y avait deux compagnies dans le domaine des paiements, la nôtre et une autre. Cette dernière fonctionnait un peu différemment, et c'est la Banque Toronto-Dominion qui l'a rachetée. C'est tout.
Cela ne veut pas dire qu'il n'y avait pas de concurrence. Si vous reconnaissez que ce sont les banques qui vous font concurrence, vous savez que vous avez affaire à des concurrents de taille. Les banques ne sont pas toujours des concurrents loyaux.
Pour ce qui est du règlement des factures, je sais qu'il y a une autre compagnie qui voudrait pouvoir le faire. C'est tout actuellement. Toutefois...
Mme Brushett: C'est là que je veux en venir. Y a-t-il beaucoup de gens qui veulent s'implanter dans ce secteur? Connaissez-vous d'autres compagnies qui souhaiteraient le faire?
M. Loewen: Non. Mais je prétends qu'il y en aura d'autres. Beaucoup de compagnies s'adressent à nous, alors qu'elles ne le faisaient pas auparavant, pour voir si nous pourrions offrir un service de règlement de factures à leurs clients. Ces compagnies ne sont pas nécessairement des institutions financières avec des comptes clients. Si elles pouvaient se charger de la commercialisation auprès de leurs clients, il y aurait assurément une intensification de la concurrence dans le secteur.
Nous ne resterions pas seuls. Rien n'empêcherait une autre banque de s'adresser aux mêmes compagnies que nous pour offrir ses services aux clients de ces compagnies. Toutefois, pour que cela soit viable, il faudrait qu'une banque donnée puisse débiter les comptes d'autres banques, ce qui ne se fait pas actuellement.
Mme Brushett: Non, je sais, ce serait un débit croisé. Merci beaucoup.
Le président: Merci, madame Brushett.
Pourriez-vous vérifier avec moi une opération arithmétique très simple? Vous prenez aux usagers du téléphone 50c., dont 10c. sont versés à la banque. Comment y a-t-il ensuite triple facturation de la part de la banque? Expliquez-moi cela de nouveau.
M. Loewen: Nous avons versé à la banque 10c. débités sur le compte du client, mais quand la somme versée en règlement est tirée sur le compte du client, la banque prend encore 50c. En fait, cela varie de 40 à 60c. Pour notre part, nous avons payé les frais de débit, et le client les acquitte de nouveau.
Le président: Autrement dit, le client paie un dollar au bout du compte, alors qu'autrement il lui en coûterait un chèque et un timbre, n'est-ce pas? Ce n'est pas intéressant pour lui.
M. Loewen: C'est cela.
Le président: En ayant recours à vos services, votre client paie davantage que s'il réglait ses factures directement, n'est-ce pas?
M. Loewen: C'est cela.
Le président: Quelle motivation a-t-il alors? On se demande comment vous faites pour continuer d'exister.
M. Loewen: Ce service est très pratique. Il est très pratique de pouvoir prendre le combiné du téléphone pour régler ses factures plutôt que de libeller des chèques. À vrai dire, nous avons... J'hésite ici, car il se peut que l'ACP s'y oppose. En effet, si un client nous téléphone pour régler trois factures, nous n'en faisons qu'un débit sur son compte, ce qui signifie qu'il ne lui en coûte que 50c. Si le client avait recours à un service semblable offert par une banque pour régler trois factures au téléphone, la banque tirerait trois montants sur son compte et lui prendrait trois fois les frais.
Le président: Combien pensez-vous que les banques devraient avoir le droit de percevoir auprès de vous et de leurs clients pour ce genre de service? Après tout, je suppose qu'il en coûte quelque chose à une banque quand un compte est débité, n'est-ce pas?
M. Loewen: Il y a effectivement un coût, mais, selon moi, ce que la banque prend devrait - comme c'était le cas avant - être une somme équitable. Quand les compagnies d'assurance acceptaient des débits en paiement des primes d'assurance, ces débits étaient assortis des mêmes frais environ, et le client ne payait rien. Ce n'est que récemment que des frais supplémentaires ont commencé à être perçus.
Il me semble que l'on devrait dire au consommateur ce que les frais sont en totalité au moment de la transaction et qu'aucun autre frais ne devrait être perçu.
Le président: Monsieur Loewen, vous savez sans doute que le gouvernement a formé un comité consultatif au ministère des Finances pour examiner tout le système de paiements. Siégeront à ce comité des représentants du secteur, des universités, des consommateurs et d'autres gros usagers du système de paiements. Nous n'avons pas entendu de témoignage sur tous les enjeux que représentent nos systèmes de paiements. Je ne pense donc pas que nous puissions être compétents pour proposer quoi que ce soit, et c'est pourquoi nous comptons sur votre opinion.
M. Loewen: J'ai appris récemment l'existence du comité. J'étais au courant avant de demander à comparaître devant vous. En fait, nous essayons de faire accepter une idée qui est relativement nouvelle. Plus nous aurons d'interlocuteurs, mieux cela vaudra, d'après moi. Espérons que ce comité accueillera favorablement notre nouvelle idée, car nous allons certainement le contacter à ce sujet.
Le président: Monsieur Loewen, votre exposé a été des plus intéressants. Nous vous souhaitons bonne chance. Je suis sûr que M. Grubel va vous demander d'adhérer au Parti réformiste, et d'autres partis politiques canadiens voudront sans doute avoir votre participation.
Merci beaucoup d'avoir attiré notre attention sur cette situation.
M. Loewen: Merci.
Le président: Nous accueillons maintenant les représentants de la Centrale des caisses de crédit du Canada, M. Robert McVeigh, président du conseil d'administration, et M. Bill Knight, président et chef de la direction.
Bienvenue, messieurs.
M. Robert McVeigh (président, conseil d'administration, Centrale des caisses de crédit du Canada): Merci, monsieur le président. Bonjour, mesdames et messieurs. Je m'appelle Bobby McVeigh et je suis président du conseil d'administration de la Centrale des caisses de crédit du Canada. M. Bill Knight, président et chef de la direction de la centrale, m'accompagne.
Tout d'abord, je tiens à remercier les membres du comité de nous avoir invités aujourd'hui. Ce que nous avons à vous dire, M. Knight et moi, témoigne de préoccupations communes aux adhérents à la Centrale des caisses de crédit du Canada, que l'on appelle souvent la Centrale canadienne, et aux six centrales régionales homologuées en vertu des dispositions de la Loi sur les associations coopératives de crédit, la LACC.
Le groupe Desjardins du Québec, disons-le, n'adhère pas à notre centrale. Dans son cas, il adhère à un système coopératif financier totalement distinct avec lequel nous travaillons en étroite collaboration pour mener à bien un grand nombre d'initiatives.
La Centrale canadienne est homologuée en vertu des dispositions de la LACC, et il s'agit d'une association commerciale nationale et d'une institution financière centrale pour le système canadien de coopératives de crédit. Notre organisation est distincte, orientée vers les besoins des collectivités et des consommateurs et compte 4,5 millions de membres et plus de 44 milliards de dollars d'actif. Le système canadien compte plus de 1 900 points de service, et je dois rappeler que nous avons plus de succursales que la Banque canadienne impériale de commerce.
Nous constituons donc un des principaux employeurs au Canada, car les coopératives de crédit emploient plus de 18 000 Canadiens. Le système de coopératives de crédit détient plus de 7 p. 100 du marché national pour les opérations primaires, en l'occurrence l'épargne et les dépôts, les hypothèques et les prêts personnels. Le réseau de coopératives de crédit est de toute évidence un concurrent majeur du secteur financier canadien, particulièrement en Colombie-Britannique, où nous détenons 26 p. 100 du marché, et en Saskatchewan, où notre part du marché est de 30 p. 100.
Nous espérons que cet examen législatif va donner aux coopératives de crédit un fondement plus solide qui leur permettra de prendre de l'expansion et de continuer d'être une solution de rechange pour le consommateur canadien. Nous avons l'impression qu'un grand nombre de nos inquiétudes découlant du Livre blanc proviennent d'une apparente incompréhension de ce qu'est la structure du réseau des coopératives de crédit. Il n'y a pas de quoi s'en étonner, étant donné que notre structure est très différente de celle des banques à charte ou d'une société canadienne traditionnelle.
Contrairement aux banques et aux compagnies de fiducie, les coopératives de crédit sont des coopératives financières, ce qui signifie tout simplement qu'elles sont la propriété de leurs membres, de leurs clients, qui les contrôlent. Lors d'élections démocratiques, les membres de la coopérative choisissent un conseil d'administration qui élabore les politiques concernant les frais d'administration et le coût des transactions. Les bénéfices des coopératives de crédit sont distribués à leurs membres ou servent à améliorer les services aux consommateurs.
Le réseau de coopératives de crédit comporte trois paliers au Canada. Il y a tout d'abord les coopératives de crédit individuelles implantées dans chaque petite collectivité et qui regroupent au total 4,5 millions de Canadiens. Deuxièmement, il y a les centrales régionales auxquelles les coopératives de crédit individuelles adhèrent dans diverses régions du pays. Ensuite, mesdames et messieurs, il y a la Centrale canadienne, qui, avec le concours des centrales régionales, élabore et met en oeuvre des programmes financiers nationaux. À titre d'exemple, les cartes de crédit que nous fournissons aux membres des coopératives de crédit. La Centrale canadienne regroupe essentiellement des centrales régionales.
On constate donc que le contrôle et la propriété sont organisés chez nous à l'inverse de la structure traditionnelle société mère-filiale. Les coopératives de crédit sont la propriété de4,5 millions de Canadiens et, à leur tour, elles sont propriétaires des centrales.
Mesdames et messieurs, monsieur le président, je vais céder la parole à M. Knight, qui va vous décrire la structure particulière de notre réseau et qui abordera de façon plus précise certaines questions traitées dans le Livre blanc.
Monsieur Knight.
M. Bill Knight (président et chef de la direction, Centrale des caisses de crédit du Canada): Merci, monsieur McVeigh.
Monsieur le président, il est bon de vous retrouver encore une fois par un après-midi d'automne. Par le passé, nous avons travaillé ensemble à la réforme des institutions financières.
Ma tâche aujourd'hui est d'attirer votre attention sur quatre grandes questions qui touchent notre réseau de près et sur lesquelles la prochaine phase de la réforme des institutions financières aura une incidence.
Vous vous souviendrez qu'en 1992 on a procédé à un examen exhaustif non seulement de la loi qui nous régit, mais aussi de la Loi sur les banques, de la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt, et de la Loi sur les sociétés d'assurances. Au cours de cet examen-là, c'est la concurrence qui a retenu notre attention d'abord et avant tout. La concurrence constituait un élément important en vue de fournir aux Canadiens les services des marchés financiers.
Quant à nous, ce qui fait notre spécificité, c'est le fait que dans au moins 900 localités canadiennes, la coopérative de crédit est le fournisseur exclusif de services financiers au détail. Dans un climat de concurrence avec les banques et les sociétés de fiducie et de prêt, nous espérons pourvoir continuer d'offrir toute la gamme des services financiers à nos membres d'un océan à l'autre. Grâce à des projets de mise en valeur et à des partenariats avec les collectivités locales, nous avons pu offrir un soutien financier aux PME. Nous avons essayé d'être novateurs afin de garantir que ces partenariats - avec des Autochtones de la Saskatchewan ou des collectivités des Territoires du Nord-Ouest notamment - puissent donner aux Canadiens membres d'une coopérative de crédit dans ces localités la possibilité de faire de vrais choix sur les marchés financiers.
Nos structures sont uniques en leur genre. Il y a un instant, on a parlé de la coopérative de crédit VanCity et des services qu'elle offre. Je peux confirmer que VanCity offre dans la région de Vancouver des services tout à fait spéciaux, car elle ne dessert pas seulement les particuliers, mais également toute la collectivité. Très souvent, la plus grande part de ses bénéfices non répartis sont réinvestis dans des projets pour le bien de la collectivité.
Au cours de cette phase d'examen, nous souhaiterions que la Loi sur les associations coopératives de crédit soit modifiée afin que nous puissions continuer de faire ce que nous avons toujours fait, à savoir offrir de nouveaux services innovateurs aux consommateurs canadiens. Nous souhaiterions également que les coopératives de crédit puissent jouir, au même titre que les autres institutions financières, de débouchés favorisant l'efficacité. Nous souhaiterions notamment avoir la possibilité de participer à des projets de coentreprise et à des programmes nationaux. Par exemple, nous avons introduit certains services sur les marchés financiers canadiens qui en étonneront certains: les guichets automatiques, offerts pour la première fois par la coopérative de crédit Sherwood; les fonds de placement à caractère social, la banque virtuelle, de création récente, grâce à laquelle la Citizens Bank of Canada permet l'accès à l'échelle du pays aux services d'une de nos grandes coopératives de crédit.
Il y a quatre éléments clés tirés du Livre blanc dont nous voudrions parler aujourd'hui, et nous aimerions vous indiquer la façon dont on pourrait modifier la loi qui nous régit pour garantir que nous continuerons d'offrir une solution de rechange concurrentielle.
Monsieur le président, je vais d'abord aborder la question de la soustraction aux règlements fédéraux que l'on propose dans le cas de nos centrales régionales. Ensuite, j'aborderai la question de la restriction de la fourniture de services financiers au détail. Troisièmement, il y a l'exigence que les sociétés de services auxiliaires soient contrôlées par la même centrale. En outre, j'aborderai la question des règlements sur les investissements à participation minoritaire et la restriction des ententes de coentreprise dont traite le Livre blanc.
Premièrement, le Livre blanc propose que les centrales régionales de coopératives de crédit soient désormais soustraites à la réglementation fédérale, et cela vise essentiellement nos centrales provinciales. Nous nous opposons fermement à cette proposition, car nos centrales régionales ne pourraient plus désormais être constituées en sociétés en vertu des lois fédérales. Nous vous exhortons à maintenir la réglementation fédérale visant les centrales régionales, car autrement nous serions dans l'incapacité de faire des transactions d'une province à l'autre.
Nous soutenons que le système des coopératives de crédit a besoin de ce lien que constitue la réglementation fédérale dans notre monde où les frontières s'estompent de plus en plus. Nos préoccupations à ce sujet visent la compétence constitutionnelle des provinces pour ce qui est de réglementer les centrales régionales, étant donné que, d'après le paragraphe 91(15) de la Loi constitutionnelle de 1982, la plupart des activités bancaires sont de compétence fédérale. L'accès des centrales régionales au crédit de trésorerie de la Société d'assurance-dépôts du Canada demeure un élément important de notre activité. Nous espérons, grâce à nos centrales et grâce au pouvoir de réglementation fédéral, de maintenir notre participation sur un pied d'égalité avec les banques et les autres institutions financières fédérales.
Je tiens à vous le dire, monsieur le président, la centrale de la Colombie-Britannique a d'ailleurs réitéré dans les discussions qu'elle a eues aujourd'hui avec une de nos grandes centrales son désir de continuer à être soumise à la réglementation fédérale et à la loi fédérale.
Le double emploi dans le domaine de l'administration et de l'inspection est, comme nous le savons tous, une importante source de préoccupations, et, en tant que citoyens canadiens, nous voudrions, que nous soyons de la Colombie-Britannique ou de l'Ontario, qu'on y mette un terme. Malgré ces préoccupations, nous tenons toujours à être visés par la loi fédérale.
La deuxième question concerne les limites imposées à la fourniture de services financiers de détail. La loi actuelle, qui est le fruit des modifications de 1992, interdit à toutes fins utiles à la Centrale canadienne et aux centrales régionales de fournir des services financiers d'épargne en limitant leurs activités à la fourniture de services financiers à leurs membres, à savoir aux coopératives de crédit. Le Livre blanc propose de modifier la loi afin de mieux préciser quels sont les organismes visés par l'interdiction relative à la fourniture de services financiers de détail. La modification proposée étendrait cette interdiction aux sociétés de services auxiliaires dans lesquelles la Centrale canadienne ou les centrales régionales auraient un intérêt.
Nous vous demandons de ne pas modifier la disposition pertinente de la LACC. La Centrale canadienne et les centrales régionales devraient être autorisées en droit à fournir aux coopératives de crédit des services financiers de détail par l'entremise de sociétés de services auxiliaires.
À propos de cette deuxième question, je tiens à vous expliquer pourquoi elle est si importante pour nous. L'état du marché des services financiers est tel que beaucoup des petites et moyennes entreprises, les entreprises de l'intérieur de la Colombie-Britannique et de l'Alberta, par exemple, ou encore les entreprises de biotechnologie de la partie ouest de Saskatoon, sont en voie d'étendre leurs services et leurs activités de façon qu'elles sont actives sur plus d'un marché. Pour que nos centrales puissent fournir des services financiers de détail... services bancaires aux entreprises, par exemple. La souplesse accrue que nous vaudrait l'autorisation de fournir ces services financiers de détail nous permettrait, dans le cas de certaines entreprises et de prêts d'une certaine valeur, de soutenir la coopérative de crédit locale en collaboration avec la centrale provinciale concernée. Voilà pourquoi la deuxième question est importante pour nous quand il s'agit de mettre la loi actuelle à jour.
La troisième question qui nous préoccupe est l'obligation selon laquelle les sociétés de services auxiliaires doivent être contrôlées soit par la Centrale canadienne, soit par les centrales régionales. Nous demandons que les règles sur l'investissement qui sont énoncées à l'article 390 de notre loi soient modifiées afin que la Centrale canadienne, les centrales régionales et les coopératives de crédit individuelles puissent être collectivement, en tant que système, propriétaires de sociétés de services auxiliaires, aux termes de la loi.
La loi exige que toute société de services auxiliaires, même celles qui sont créées en vue de l'exécution d'un programme national, soient contrôlées - c'est-à-dire que 50 p. 100 de l'avoir soit détenu - soit par la Centrale canadienne, soit par une centrale régionale. Cette obligation voulant que les sociétés de services auxiliaires qui assurent la prestation d'un programme national soient contrôlées soit par la Centrale canadienne, soit par une centrale régionale est difficilement compatible avec notre structure.
Le président: Pourriez-vous nous donner un exemple de société de services auxiliaires?
M. Knight: Oui, monsieur le président. Ni la Centrale canadienne ni aucune des centrales régionales n'ont le capital voulu pour maintenir un intérêt majoritaire dans une société de services auxiliaires qui assure la prestation d'un important programme national. C'est plutôt l'ensemble des coopératives de crédit qui a le capital voulu pour maintenir un intérêt majoritaire dans une société de ce genre.
Ainsi, nous avons une société de cartes de crédit, dont nous sommes en train de modifier les modalités de propriété à l'intérieur de notre système de coopératives de crédit. Nous avons donc une société émettrice de cartes de crédit pour pouvoir concurrencer les autres institutions financières. Nous avons une structure de capital telle, entre la centrale nationale et les centrales provinciales, qu'il nous est difficile de respecter la règle de 10-50, mais nous pourrions répondre au critère selon lequel la société émettrice de cartes doit nous appartenir en totalité si nous avions plus de souplesse pour ce qui est d'en répartir le contrôle entre les coopératives de crédit, les centrales provinciales et la Centrale canadienne. Ainsi, pour que la société puisse servir l'ensemble du pays, il faudrait qu'elle puisse être sous le contrôle, non pas d'une centrale, mais d'une ou de plusieurs centrales. La Centrale canadienne pourrait, par exemple, s'associer aux dix grandes coopératives de crédit canadiennes pour proposer un contrôle de ce genre. La règle de 10-50 nous cause des problèmes depuis qu'elle a été instituée en 1992.
J'espère que ces précisions vous seront utiles, monsieur le président.
Enfin, il est proposé dans le Livre blanc de modifier les règles sur l'investissement minoritaire afin d'en supprimer la règle voulant que la société dans laquelle on acquiert un intérêt soit contrôlée par une institution financière. Nous verrions d'un bon oeil pareille modification. D'après les discussions que nous avons eues avec des représentants du BSIF, il semble qu'il soit également question d'augmenter le montant maximal de l'investissement, le faisant passer de 25 p. 100 à50 p. 100 du capital des investisseurs. Pareille modification aux règles ne ferait pas disparaître complètement nos préoccupations. Nous demandons que le paragraphe 4(2) du règlement soit modifié afin que le montant prêté par une centrale à la société dans laquelle on acquiert un intérêt ne soit pas compté aux fins du calcul du montant total de l'investissement ou qu'il n'y ait aucune limite au montant de l'investissement, qui pourrait donc dépasser la limite actuelle fixée à 25 p. 100 du capital des investisseurs, dans la mesure où la société participante serait contrôlée par une institution financière soumise à la réglementation fédérale.
C'est par souci d'équité que nous demandons que le règlement soit modifié dans un sens ou dans l'autre, puisque le fait de limiter le montant de l'investissement à 25 p. 100 ou à 50 p. 100 n'est pas aussi contraignant pour les banques que pour la Centrale canadienne ou les centrales régionales.
Encore là, la difficulté vient du fait que le système des coopératives de crédit a une structure unique en son genre, la majeure partie de nos capitaux étant répartis entre l'ensemble des coopératives de crédit, c'est-à-dire les quelque 960 qui font partie du système.
J'ai porté diverses questions à votre attention, monsieur le président, et, pour conclure, je voudrais vous en signaler une dernière, qui concerne les entreprises en coparticipation et les restrictions qui s'appliquent à ces entreprises.
La concurrence exerce des pressions très fortes, comme vous avez pu le constater l'été dernier dans le cas des banques soumises à la réglementation fédérale, trois d'entre elles puis deux d'entre elles ayant pris des dispositions et présenté des propositions relativement aux services de fournisseurs pour leurs opérations papier. Il s'agit là de changements considérables sur ce marché. À chaque semaine ou presque, une prise de contrôle est effectuée ou une entente conclue pour assurer aux consommateurs canadiens divers types de services. Nous voulons que les règles régissant la fourniture de ces services financiers soient plus souples pour nous permettre de continuer à soutenir la concurrence.
Monsieur le président, certains de vos collègues de l'Ouest savent déjà que, sur des marchés comme celui de la Colombie-Britannique, nous avons bien plus de 20 p. 100 du marché et que notre part du marché s'élève à bien plus que 34 p. 100 en Saskatchewan. Nous sommes donc un acteur important. Pour que nous puissions avoir une présence aussi considérable à l'échelle canadienne, il faudrait que la loi qui régit nos activités depuis 1992, et même avant, soit modifiée dans le sens des propositions que nous vous avons faites.
Je termine, monsieur le président, en récapitulant les principaux points que nous avons soulevés. Nous en avons soulevé au moins quatre. Premièrement, nous espérons que les centrales régionales ne seront pas soustraites à la réglementation fédérale comme il est proposé de le faire. Deuxièmement, les restrictions qui s'appliquent à la fourniture de services financiers de détail... nous soutenons depuis 1992 que ces restrictions doivent être assouplies et nous estimons que, dans le contexte actuel, elles doivent être mises à jour pour nous assurer une plus grande souplesse. Il faudrait notamment assouplir la règle voulant que les sociétés de services auxiliaires soient contrôlées par une seule centrale. Dernier point, mais pas le moindre, les règles sur l'investissement minoritaire et les restrictions s'appliquant aux entreprises en coparticipation devraient être assouplies pour nous permettre d'être compétitifs.
En 1992, monsieur le président - je conclurai là-dessus - , nous mettions beaucoup d'espoir dans le Comité des finances, qui était alors présidé par M. Blenkarn, en raison du grand intérêt qu'il portait, comme vous d'ailleurs, au marché des services financiers. Les changements qui ont été apportés et qui ont permis une nouvelle répartition des capitaux, de sorte que les banques pouvaient contrôler des sociétés de fiducie, les sociétés de fiducie pouvaient contrôler des banques, les sociétés de prêt et les maisons de courtage en valeurs mobilières, etc., pouvaient étendre leur contrôle de manière à assurer aux consommateurs canadiens un marché compétitif... ces changements sont toujours à l'étude, comme l'atteste le groupe de travail créé récemment par le gouvernement, et ils devraient l'être. Avec la nouvelle donne compétitive, le nombre de sociétés de fiducie a toutefois baissé de beaucoup, et le secteur des valeurs mobilières se trouve entre les mains d'un petit nombre de compétiteurs sur le marché des services financiers. Ces compétiteurs, à savoir les banques, ont veillé à leurs intérêts en ce sens qu'elles se sont taillé une place dans le secteur des assurances, dans celui des sociétés de fiducie et dans celui des valeurs mobilières.
Fait intéressant, avant 1992, notre structure était telle que nous avions plusieurs sociétés en activité qui offraient toute une gamme de services aux Canadiens. L'actuel président du conseil d'administration de la Centrale canadienne était président du conseil d'administration de la Co-operative Trust Company of Canada, une de nos filiales. Nous avons déjà eu deux compagnies d'assurance.
Depuis 1992, nous avons mis sur pied une société nationale de fonds de placement à caractère social, qui, soit dit en passant, offre des taux très compétitifs. Je vous invite à y investir. Par ailleurs, nous avons mis sur pied une société de courtage qui a son siège en Colombie-Britannique, mais qui, aujourd'hui même, entreprend d'étendre son activité à l'ensemble du pays. Grâce à VanCity, nous donnons aux Canadiens un aperçu de la banque virtuelle du 21e siècle, banque qui sera toutefois sous le contrôle du système des coopératives de crédit canadiennes.
Si votre comité, de même que le gouvernement, le ministère des Finances et tous les intervenants jugent bon de nous donner une plus grande marge de manoeuvre sur ces quatre questions, monsieur le président, je crois que nous pouvons continuer, de concert avec nos collègues du Mouvement Desjardins au Québec, à édifier dans l'intérêt du consommateur une véritable institution financière coopérative de rechange et à assurer la compétitivité du marché dont il a été question plus tôt.
Monsieur le président, je vous remercie.
Le président: Merci à vous, monsieur Knight et monsieur McVeigh.
Je veux être sûr de bien comprendre la situation; vous n'avez pas de centrale régionale au Québec, n'est-ce pas?
M. Knight: Non.
Le président: Le Mouvement Desjardins forme donc une entité distincte. Votre activité s'étend à l'ensemble du Canada, mais pas au Québec.
M. Knight: C'est juste.
Le président: Le Mouvement Desjardins a-t-il les mêmes préoccupations que vous en ce qui concerne ce projet de loi?
M. Knight: Je crois, monsieur le président, qu'il est très important d'entendre les vues du Mouvement Desjardins dès qu'il s'agit de modifier la législation sur les institutions financières. Ses préoccupations sont peut-être semblables aux nôtres, mais nous sommes réglementés par une loi fédérale, tandis que le Mouvement Desjardins ne l'est pas - il est soumis à une loi du Québec, et son activité ne dépasse pas les frontières du Québec. Étant donné la nature de son activité... il a notamment acheté un intérêt dans la Laurentienne. Il est très important d'obtenir directement les vues du Mouvement Desjardins sur les grandes questions d'orientation politique. Il ne se prononce généralement pas sur notre loi, et nous ne nous prononçons généralement pas sur la sienne, mais nous travaillons en étroite collaboration.
Le président: Si je comprends bien, donc, aucune des 960 coopératives de crédit qui forment la base de votre pyramide inversée ne se trouve au Québec?
M. Knight: C'est bien cela, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Knight.
Monsieur Solberg.
M. Solberg (Medicine Hat): Vous me prenez un peu au dépourvu. Si vous voulez bien permettre à quelqu'un d'autre de poser une question pendant que je relis le texte de l'exposé, monsieur le président, je serai mieux préparé.
Le président: Puis-je vous poser des questions?
Avez-vous discuté de ces quatre préoccupations avec les représentants du ministère des Finances?
M. Knight: Monsieur le président, nous en discutons actuellement avec le ministère des Finances et avec le BSIF. Le mois prochain, nous passerons...
Le président: Vous ont-ils dit avoir des réserves quelconques au sujet de l'une ou l'autre de vos quatre propositions de modifications au Livre blanc?
M. Knight: Leur réaction initiale a été de prendre nos préoccupations en délibéré, mais c'est une réaction qui en dit long sur la souplesse avec laquelle ils sont prêts à examiner les modifications proposées. Ils ne nous ont répondu ni par un oui ni par un non catégorique. Nous en sommes toujours à l'étape des échanges.
Le président: Ils ont tout de même accueilli vos propositions et les examinent attentivement.
M. Knight: Tout à fait, monsieur le président. Nous avons une excellente relation de travail - je tiens à le faire savoir au comité - avec le ministère et le BSIF.
Le président: Le Livre blanc vise notamment à permettre à l'industrie et aux autres personnes intéressées d'y réagir - de le lire, de l'étudier, de faire des observations et de proposer des changements. Nous avons constaté que le processus avait bien marcher l'été dernier quand nous avons étudié certains aspects de la réglementation financière. Nous nous sommes tous assis à la table - législateurs, administrateurs, représentants de l'industrie, représentants des consommateurs et fonctionnaires - afin d'en arriver à des propositions de modifications, tout en étant conscients que, dans un domaine aussi complexe, il est très difficile de faire exactement ce qu'il faut faire pour chaque secteur dès la première tentative.
Madame Brushett.
Mme Brushett: Merci, monsieur le président.
Vous avez beaucoup de membres dans toutes les provinces, sauf au Québec, qui a son propre système des caisses Desjardins et des caisses populaires. Je m'interroge au sujet de votre clientèle. Vous avez indiqué qu'un Canadien sur trois fait affaire avec une coopérative de crédit. Votre clientèle est-elle plutôt rurale qu'urbaine? Votre croissance se fait-elle dans les milieux ruraux plutôt qu'urbains? Je voudrais pouvoir me faire une idée de la géographie de votre croissance et de la nature de votre clientèle.
M. McVeigh: Merci pour votre question.
Notre clientèle est pour le moins très diversifiée. Si nous prenons la Saskatchewan, où nous avons 30 p. 100 du marché, nous sommes présents tant en milieu urbain qu'en milieu rural. Dans ma ville natale de Dominion, dans l'île du Cap-Breton, où une bonne part de la population vit en milieu rural, nous avons beaucoup de membres ruraux. Dans la ville de Canso, qui a perdu son établissement financier il y a deux ans, la coopérative de crédit a mis sur pied un service financier qu'elle exploite à partir de son siège de Port Hawkesbury. La clientèle est donc très variée. Je crois que nous avons des membres dans tous les secteurs. Il se peut que, dans certaines régions, la clientèle soit plus homogène dans un sens ou dans l'autre, mais s'agissant de l'ensemble de nos 4,5 millions de membres, elle est très variée.
Mme Brushett: Selon vous, les besoins de ceux qui soutiennent les coopératives de crédit sont-ils à peu près les mêmes que les besoins de ceux qui soutiennent les grandes banques et institutions financières, ou offrez-vous à vos membres des services différents qui les attirent chez vous?
M. McVeigh: Nous aimons penser que nous offrons à nos membres une gamme complète de services financiers. Il se peut que, dans certaines régions du pays, que ce soit en Saskatchewan ou en Nouvelle-Écosse, nous ayons une certaine clientèle à qui plaît bien l'idée d'être propriétaire et sociétaire, d'exercer un certain contrôle et de faire partie d'une institution financière dont elle peut influencer directement les activités. C'est le cas de certains de nos membres, mais nous avons aussi des membres dans les régions urbaines qui veulent simplement adhérer à la caisse pour en obtenir les services financiers dont ils ont besoin. Il y a aussi cet aspect-là.
Mme Brushett: Serait-il raisonnable de dire à ce moment-là que les fonds des coopératives retournent à la collectivité en ligne plus directe que ce n'est le cas pour les autres institutions financières?
M. McVeigh: Il serait tout à fait raisonnable de penser cela. Nous en avons d'ailleurs d'excellents exemples, notamment VanCity, la première coopérative de crédit canadienne, où l'an dernier - et M. Knight pourra me corriger si je me trompe - , quelque 8 p. 100 des fonds sont retournés à la collectivité et à ses membres pour être utilisés à des fins communautaires.
Le président: Nous avons une courte question de M. Solberg.
M. Solberg: Il s'agit plutôt d'une courte observation. Je veux simplement dire qu'il est très important à mon avis que le ministère des Finances examine très attentivement vos demandes de modifications. Nous parlons depuis quelque temps de la nécessité d'accroître la concurrence dans les secteurs qui constituent les piliers du milieu financier canadien, et je veux simplement encourager les représentants du ministère des Finances qui examineront vos propositions à être bien conscients de la nécessité d'appuyer les coopératives de crédit et d'encourager de manière générale la concurrence.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Solberg.
Je crois que nous avons tous à coeur comme M. Solberg que vos propositions soient bien prises en considération et que vous ayez la possibilité de travailler avec les représentants du ministère des Finances, comme vous l'avez fait par le passé, afin de résoudre les questions sur lesquelles vous ne seriez pas d'accord. Si le ministère des Finances n'accepte pas vos recommandations, nous voudrons certainement savoir pourquoi, et nous espérons que vous continuerez à nous tenir au courant de vos discussions à cet égard.
Nous savons que le mouvement coopératif, le mouvement des associations de crédit, a joué un rôle très important tout au long de l'histoire du Canada, venant en aide à bien des gens qui autrement n'auraient pas eu accès à un certain type de services et de biens. Nous vous félicitons pour les efforts que vous déployez afin d'étendre votre activité et de vous préparer à entrer de plain-pied dans le XXIe siècle et à relever les défis technologiques de l'ère moderne. Vous êtes une structure financière canadienne très prisée et très précieuse. Merci beaucoup d'être venus nous rencontrer.
M. McVeigh: Merci à vous, monsieur le président, et aux membres du comité d'avoir bien voulu nous entendre. Nous vous en sommes reconnaissants.
Le président: Nous interrompons la séance pendant cinq minutes.
Le président: Nous reprenons maintenant nos travaux.
Le témoin suivant est l'Institut canadien des comptables agréés. L'ICCA a déjà témoigné devant nous à de nombreuses reprises et nous a aidés dans presque toutes nos délibérations.
Les représentants de l'ICCA sont Graeme Rutledge, président du Groupe d'étude de l'ICCA sur la réforme des institutions financières; William Broadhurst, président du Groupe de travail sur la responsabilité juridique; et Douglas Derry, membre du Groupe d'étude sur la réforme des institutions financières - et un de mes voisins.
Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Derry. Je suis heureux de vous voir.
M. Douglas Derry (membre, Groupe d'étude sur la réforme des institutions financières, Institut canadien des comptables agréés): Merci beaucoup.
Le président: Je regrette d'avoir porté atteinte à votre réputation.
Nous accueillons aussi Diana Hillier, directrice des normes de vérification.
Nous vous souhaitons la bienvenue et vous remercions d'être ici aujourd'hui.
Qui va commencer? Monsieur Rutledge.
M. Graeme Rutledge (président, Groupe d'étude sur la réforme des institutions financières, Institut canadien des comptables agréés): Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, nous vous sommes reconnaissants de nous avoir donné l'occasion de comparaître aujourd'hui afin de discuter du document de consultation du gouvernement sur l'examen de 1997 de la législation régissant les institutions financières.
Monsieur le président, je ferai d'abord une déclaration, après quoi Bill Broadhurst fera également une déclaration sur la question de la responsabilité proportionnelle.
Le mémoire écrit que nous vous avons remis aujourd'hui a été rédigé à partir d'autres exposés que nous avons faits devant ce comité par le passé, de remarques que nous faisons au sujet des modifications proposées à la Loi sur les sociétés par actions ainsi que des propositions contenues dans le Livre blanc.
Notre mémoire reflète également la mission et la vision les plus récentes de la profession de comptable agréé au Canada telles que définies par le Inter-Institute Vision Task Force, un groupe de travail composé de comptables agréés chevronnés qui fut créé dans le but de se pencher sur les défis de notre profession au cours de la prochaine décennie.
L'Institut canadien des comptables agréés appuie de façon générale les changements proposés dans le Livre blanc. Cependant, il y a certains domaines où nous estimons que des améliorations pourraient être apportées. Je n'ai pas l'intention de revoir nos recommandations dans les détails. Cependant, il y a trois questions sur lesquelles j'aimerais insister dans mon exposé d'aujourd'hui.
Premièrement, nous croyons qu'il faudrait améliorer la définition des obligations fiduciaires des administrateurs. Le modèle classique de régie interne met actuellement l'accent sur la protection des droits des propriétaires de l'entreprise. Cependant, le degré de protection pour les déposants et les détenteurs de polices non participantes est moins bien défini.
Les réformes proposées à la Loi sur les sociétés par actions recommandent qu'on ne fasse aucun changement à la définition des obligations fiduciaires des administrateurs et que la question de définir les «meilleurs intérêts de la société» soit laissée à l'interprétation des tribunaux.
Nous croyons que dans le cas d'institutions financières il serait important de clarifier les obligations des administrateurs concernant les déposants et les détenteurs de polices non participantes. Nous estimons qu'il serait utile de déclarer explicitement que les administrateurs, en plus de leur devoir de représenter les intérêts des actionnaires, ont aussi la responsabilité de voir aux intérêts des déposants et des détenteurs de polices non participantes.
Deuxièmement, les obligations du conseil d'administration et du comité de vérification concernant les systèmes de contrôle et d'information doivent être clarifiées. On s'est penché sur la question des obligations des conseils d'administration dans la réforme de la Loi sur les sociétés par actions. L'ICCA appuie les efforts déployés dans le Livre blanc pour clarifier les obligations statutaires des comités de vérification des institutions financières pour ce qui est des contrôles internes. Cependant, afin de composer avec les tendances qui se dessinent à l'horizon, nous estimons que la loi devrait aller plus loin que les propositions formulées dans les réformes de la Loi sur les sociétés par actions et le Livre blanc.
L'ICCA appuie le point de vue exprimé par le comité de régie interne de la Bourse de Toronto voulant que le conseil d'administration ait une responsabilité assez large pour les systèmes de contrôle et d'information et recommande que la loi soit modifiée pour inclure une disposition demandant que le conseil d'administration revoie et évalue si la société possède des systèmes de contrôle et d'information efficaces pour gérer l'entreprise et assister le conseil d'administration dans ses fonctions.
Cette recommandation reflète les courants de pensée actuels concernant le rôle du conseil d'administration. L'ICCA a consacré des ressources importantes à la mise au point de lignes directrices sur la conception, l'évaluation et les rapports visant les systèmes de contrôle des organismes. Notre publication, intitulée Recommandations à l'intention des administrateurs - Processus de gouvernement d'entreprise liés au contrôle se veut un guide pratique pour les administrateurs concernant la façon dont ils peuvent s'acquitter des responsabilités qu'ils ont en matière de contrôle au sein d'un organisme. Nous avons annexé cette publication à notre mémoire pour votre gouverne.
La Loi sur les sociétés par actions ne traite pas des responsabilités des comités de vérification. Tandis que la législation sur les institutions financières précise bien les responsabilités du comité de vérification, nous croyons que les fonctions du comité de vérification définies dans la réforme de la législation sur les institutions financières devraient se conformer à la disposition recommandée - que je viens de mentionner - concernant les obligations des administrateurs.
En particulier, la législation sur les institutions financières devrait préciser que le comité de vérification doit revoir et évaluer si la société possède des systèmes de contrôle et d'information efficaces pour l'information financière et s'assurer que la gestion a pris les mesures nécessaires lorsque des lacunes ont été décelées.
En conclusion, j'aimerais me pencher sur la question des rapports faits aux parties intéressées. L'ICCA appuie les efforts du gouvernement visant à faciliter la divulgation d'information aux parties intéressées. Cependant, nous avons certaines inquiétudes.
Comme je vous l'ai expliqué plus tôt, le modèle actuel de régie interne met l'accent sur la protection des droits des propriétaires de la société. Les exigences d'information contenues dans la législation sont également conçues pour une époque technologiquement moins avancée. Au fur et à mesure que la technologie évolue, les besoins des parties intéressées changent aussi.
En outre, le rapport sur le gouvernement d'entreprise reconnaît le besoin de communiquer avec une plus vaste gamme de parties intéressées, telles que les déposants, les détenteurs de polices non participantes, etc., ainsi que le besoin de trouver de nouveaux moyens de communiquer avec les parties intéressées qui vont au-delà des états financiers annuels. Bien que le BSIF et d'autres s'efforcent d'améliorer l'information fournie à ces parties intéressées, les obligations de divulgation évoluent à la pièce dans le système existant. Nous craignons que cette approche ne donne lieu à un système inefficace et coûteux.
Quels sont les besoins d'information financière et non financière des parties intéressées? À quel intervalle en ont-ils besoin et sous quelle forme? La vision de la profession de comptable agréé est de fournir des conseils et un certain leadership dans l'évolution des rapports des sociétés dans un monde électronique. On a déjà déployé des efforts qui aideront à trouver les réponses à certaines de ces questions très difficiles.
L'Institut canadien des comptables agréés a récemment entrepris une étude de recherche pour faire enquête sur l'impact qu'ont et qu'auront les systèmes d'information électroniques sur les rapports financiers et commerciaux. L'ICCA entreprend également des recherches pour mettre au point de nouvelles mesures de la performance non financière et financière élargie nécessaires pour faire le suivi du comportement de l'organisme dans la nouvelle économie, ainsi que des cadres de comptes rendus permettant aux comptables agréés de faire rapport aux cadres supérieurs, aux conseils d'administration et finalement aux parties intéressées sur cette base élargie. L'institut a également l'intention de mettre au point des lignes directrices sur le rôle du vérificateur afin de pouvoir fournir une certaine assurance relativement au système de divulgation permanent des sociétés.
Toutefois, ces études ne fourniront pas toutes les réponses voulues. L'ICCA est certainement prêt à travailler conjointement avec les organismes de réglementation et autres pour améliorer la pertinence, l'à-propos et la fiabilité de l'information financière et non financière que l'on communique aux parties intéressées.
Monsieur le président, j'aimerais maintenant demander à Bill Broadhurst de prendre la parole sur la question de la responsabilité proportionnelle, après quoi nous serons heureux de répondre à vos questions.
M. William Broadhurst (président, Groupe de travail sur la responsabilité juridique, Institut canadien des comptables agréés): Monsieur le président, membres du comité, je comparais devant vous aujourd'hui au sujet d'un commentaire très bref que l'on retrouve dans le Livre blanc. Je cite la page 33:
- Certains ont également demandé que soit modifiée la responsabilité des vérificateurs et des
actuaires de manière que la responsabilité solidaire fasse place à une responsabilité
proportionnelle du défendeur dans le préjudice causé. Même si ces demandes de changement
sont peut-être fondées, aucune modification ne devrait être apportée aux règles applicables aux
institutions financières avant que ne soit élaborée la politique applicable de façon générale aux
sociétés par actions.
Le comité du Sénat a dit au sujet de cette question dans son rapport du mois d'août 1996, et je cite:
- Enfin, le ministre a suggéré que le comité étudie également la question de la responsabilité des
vérificateurs... Les divers témoignages entendus lors des audiences ont clairement montré que
la question de la responsabilité solidaire qui touche tous les conseillers professionnels justifie
un complément d'investigation. Le comité tiendra très bientôt une série d'audiences sur cette
question.
Nous vous avons également distribué aujourd'hui un document d'information sur cette question, et mon intention est de m'arrêter sur certains des points qu'il contient.
La profession comptable, qui a pour rôle essentiel d'assurer au public l'accès à des renseignements financiers fiables, est soumise à des pressions juridiques de plus en plus lourdes. Ces pressions commencent à miner sérieusement les capacités de la profession de remplir sa fonction, fonction indispensable au bon déroulement des opérations sur le marché canadien. S'il n'y est pas mis fin, elles pourraient finir par menacer l'existence même de la profession comptable sous la forme que nous lui connaissons.
Les causes des problèmes juridiques de la profession incluent: l'augmentation spectaculaire du nombre et de l'importance des faillites, le principe juridique de responsabilité solidaire, le quasi-effondrement du marché de l'assurance de la responsabilité commerciale, et la tentation procédurière croissante de la société en général.
Au Canada, actuellement, il y a quatre poursuites importantes impliquant des cabinets de vérification et d'autres professions. Il s'agit des affaires Castor Holdings, Standard Trust, Confederation Life et Royal Trust. Le total des montants réclamés dépasse les trois milliards de dollars.
Les principaux cabinets canadiens, en fait, les principaux cabinets mondiaux, doivent pour l'essentiel assurer leur propre couverture, puisque le marché international de l'assurance-responsabilité a pratiquement cessé d'exister. Ce manque de couverture, combiné à la manière dont la règle de responsabilité solidaire est appliquée dans les affaires juridiques impliquant des demandes de dédommagement pour négligence contre des vérificateurs et d'autres défendeurs menace à terme la viabilité de la profession de vérificateur.
Il importe de comprendre la signification de responsabilité solidaire. Cela signifie simplement que le vérificateur court le risque de devoir payer 100 p. 100 du total adjugé au plaignant même si les faits exposés montrent à la cour que le vérificateur ne peut être tenu responsable que, disons, des5 p. 100 de l'ensemble des pertes. Dans un tel exemple, les 95 autres p. 100 sont imputables aux autres défendeurs qui sont, malheureusement, dans l'incapacité de payer.
Nous aimerions que vous compreniez que le rapport de vérification est le produit final d'un processus complexe impliquant jugement et discrétion de la part du vérificateur à chaque étape. Il est certain qu'en utilisant des hypothèses et des approches initiales différentes, des techniques d'échantillonnage différentes et la sagacité facile du recul peu de vérifications seraient à l'abri de toute critique.
Presque toutes les affaires impliquant des vérificateurs aboutissent à un règlement, car la menace de responsabilité solidaire et le caractère capricieux et imprévisible des règles et de la procédure juridiques incitent les vérificateurs défendeurs à en arriver à un règlement même s'ils ont de bons arguments de défense. Le cabinet de vérification ne peut tout simplement pas courir le risque d'être jugé responsable à 5 p. 100 et en conséquence de courir celui, quasi mortel, d'assumer100 p. 100 des dommages.
À bien des égards, non seulement le vérificateur ne peut se défendre, mais en plus il devient l'assureur de tous les défendeurs. Il est devenu la victime de son soi-disant statut de défendeur ayant les moyens.
Aux États-Unis, à la fin de 1995, le Congrès a adopté un nouveau texte réformant la loi sur les garanties qui incluait le remplacement de la responsabilité solidaire par la responsabilité proportionnelle, en vertu de laquelle la part de dommages du défendeur est évaluée proportionnellement au degré de responsabilité.
En Australie, en juillet de cette année, le gouvernement fédéral et le gouvernement de la Nouvelle-Galles du Sud ont proposé à l'avis du public un nouveau texte législatif remplaçant la responsabilité solidaire par la responsabilité proportionnelle dans les cas de dommages économiques et de pertes financières.
Au Royaume-Uni, le gouvernement est en train d'étudier les propositions de la profession et d'autres intéressés sur cette question.
Aux Bermudes, dont l'institut des comptables agréés est affilié à l'Institut canadien des comptables agréés, le gouvernement a promulgué, en juillet, un amendement sur la responsabilité proportionnelle à sa loi sur les compagnies.
Notre proposition, qui est présentée dans le rapport Estey, pour la législation fédérale visant les sociétés et les institutions financières est la suivante:
- Le tribunal, en adjugeant des dommages pour négligence liée à la diffusion de renseignements
financiers par un organisme, doit répartir ces dommages conformément à la faute de chaque
défendeur, dont la responsabilité ne doit pas excéder la proportion de faute.
Il faudrait que vous compreniez à ce propos que, premièrement, notre proposition ne s'applique pas dans les cas où les défendeurs sont coupables d'avoir participé en toute connaissance de cause à une fraude.
Deuxièmement, les vérificateurs sont entièrement disposés à assumer la responsabilité des pertes dues à leur propre négligence, mais ne croient pas qu'ils devraient avoir à assumer la responsabilité financière de la négligence d'autres personnes.
Troisièmement, la profession comptable propose que chaque province adopte une législation analogue pour les organismes relevant de la compétence provinciale.
Quatrièmement, notre proposition s'appliquerait à tous les défendeurs impliqués dans la préparation et la distribution de renseignements financiers. Ils seraient également responsables des dommages adjugés conformément à leur degré respectif de faute déterminé par le tribunal.
Cinquièmement, notre proposition d'amendement n'a, bien entendu, aucun effet rétroactif sur les affaires actuellement devant les tribunaux.
Cela dit, que vous demandons-nous? Nous vous demandons de convaincre Industrie Canada d'inclure un amendement de responsabilité proportionnelle dans ses propositions d'amendements à la Loi sur les sociétés par actions.
Deuxièmement, pour faire suite au Livre blanc, nous demandons qu'un amendement analogue concernant la responsabilité proportionnelle soit envisagé dans la législation sur les institutions financières, qui fait l'objet de vos audiences actuelles.
Nous ne pouvons nous permettre de laisser cette question dériver au-delà du cycle actuel d'amendements à la législation sur les sociétés et les institutions financières. Ce problème mine la confiance que nous avons toujours eue dans le rôle et l'avenir de notre profession, qui joue un rôle important au niveau de la production de renseignements financiers fiables tant dans le secteur privé que dans le secteur public. Nous commençons à nous demander sérieusement si cette question de responsabilité ne finira pas par décourager les vocations.
Merci.
M. Rutledge: Monsieur le président, nous sommes prêts à répondre à vos questions.
[Français]
Le président: Monsieur Bélisle.
M. Bélisle: Vous avez parlé avec force détails de mesures recommandées en vue d'éviter des poursuites déraisonnables pouvant porter atteinte à la profession. Vous parliez aussi à la fin de votre document de permettre à la profession de continuer à retenir les meilleurs éléments, les jeunes qui sont compétents et qui voudraient travailler dans le domaine de la vérification comptable, un domaine très important.
Pourriez-vous préciser le genre de mesures que vous recommandez? Est-ce qu'en substituant le principe de la responsabilité proportionnelle à celui de la responsabilité solidaire actuellement en vigueur, que vous décrivez dans votre document, on réglera tout le problème du risque de poursuites déraisonnables? Est-ce qu'à elle seule cette mesure ferait en sorte qu'il y aurait moins de poursuites déraisonnables? Éliminerait-elle tout risque de poursuites déraisonnables? Y aurait-il encore des poursuites déraisonnables contre lesquelles les membres de la profession auraient de la difficulté à se défendre? Merci.
[Traduction]
M. Broadhurst: Je crois que la meilleure manière de répondre à votre question, c'est de considérer ce qui se passe aux États-Unis, où la Securities Act a été modifiée en décembre 1995 dans le sens que nous suggérons pour la LSPA et pour la loi régissant les institutions financières. En gros, la Securities Exchange Act a pratiquement mis fin aux poursuites contre les vérificateurs.
C'est l'enseignement tiré aux États-Unis. La responsabilité proportionnelle n'était qu'une des nombreuses questions liées à la nécessité générale de réformer la procédure. Donc, la loi dont je vous parle englobe toute une série de réformes de la procédure, dont la responsabilité proportionnelle. Certains des abus dénoncés dans le système sont absents du système canadien: en fait, la majorité de ces abus est absente de ce système canadien.
Il y a eu diminution considérable des poursuites depuis l'adoption de cette réforme. Il continuera à y avoir des poursuites. Il arrivera encore que des vérificateurs n'ayant pas fait correctement leur travail devront assumer les coûts adjugés et déterminés par le tribunal. J'espère que cela répond à votre question.
[Français]
M. Bélisle: Merci.
[Traduction]
Le président: Monsieur Grubel.
M. Grubel: Merci, monsieur le président.
Je suis content de vous revoir, messieurs.
Je me demande d'où vient l'opposition à cette règle de responsabilité proportionnelle.
M. Broadhurst: Je ne peux répondre à cette question, car nous n'en savons pas encore assez au Canada. Nous rencontrons un certain nombre d'organismes pour essayer de comprendre leur point de vue - et cela fait déjà six mois que nous avons commencé. Aux États-Unis, il est clair que ce sont les organismes de consommateurs qui ne sont pas d'accord. Nous les avons rencontrés au Canada, et bien que je ne puisse parler en leur nom - et je ne le souhaite pas - ils semblent parfaitement comprendre le problème et l'étudient. Ils ne nous ont absolument pas dit qu'ils s'y opposeraient, mais ils étudient la question.
L'autre opposition venait de ce que l'on appelle le barreau des plaignants, à un palier subalterne du système juridique aux États-Unis. Ils se chargent des poursuites contre les comptables, avec succès. Ce sont presque toujours des poursuites collectives, et ils travaillent au pourcentage. Une des critiques aux États-Unis, c'est qu'une trop grande partie des sommes récupérées se retrouvait dans les poches des avocats de ce barreau des plaignants.
C'était les deux pôles de résistance. Permettez-moi de vous dire cependant qu'au Sénat et à la Chambre des représentants, en 1995, ils ont bénéficié d'une majorité écrasante pour le texte de compromis qui a fini par être adopté et qui réglait un certain nombre de problèmes, y compris celui de la responsabilité proportionnelle.
M. Grubel: Je ne suis pas juriste et je ne connais pas bien cette question, mais mon bon sens et mon sens de la justice me suggèrent que l'idée qu'un vérificateur soit jugé responsable à ce point est en complète contradiction avec ce que nous considérons comme étant notre norme culturelle. Comment cette loi a-t-elle abouti dans notre droit pour commencer?
M. Broadhurst: Je ne suis pas juriste, mais le juge Estey aborde brièvement cette question dans le mémoire que nous vous avons communiqué. Cela remonte certainement à l'époque où il était possible, par exemple, de se protéger contre ce genre de risque.
La théorie voulait que dans tous les cas il ne fallait pas qu'un plaignant soit perdant. En conséquence, si un défendeur pouvait payer et un autre ne pouvait pas payer, on s'en prenait à celui qui pouvait payer. C'était une protection. Je ne pense pas que c'était forcément pour autant plus juste à l'époque, mais c'était une protection. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous avons fini pratiquement par nous assurer nous-mêmes.
M. Grubel: J'écouterai ce que mes éminents collègues, les professeurs de droit et les avocats auront à dire pour essayer de comprendre. Pourquoi ce programme a-t-il refait surface ces dernières années? J'aimerais lier cet incident à une question un peu politique.
Il me semble que la cause est tout à fait claire, compte tenu tout spécialement de ce qui s'est passé aux États-Unis. Pourquoi n'en est-il pas question dans le Livre blanc et pourquoi a-t-il fallu attendre encore deux ans pour que la commission suivante l'étudie? Il me semble que la cause est tellement claire que cette question aurait dû être réglée maintenant, et non pas reportée à plus tard. Est-ce que vous savez pourquoi?
M. Broadhurst: Vous me demandez pourquoi cette question est maintenant à l'ordre du jour. C'est probablement parce que le Canada, du milieu à la fin des années 80, a connu un plus grand nombre de faillites touchant plus particulièrement les institutions financières. Dans les poursuites qui ont suivi, les vérificateurs ont toujours été inclus.
Il y a aussi un deuxième événement qui a servi de détonateur. Jusqu'à tout dernièrement, les vérificateurs étaient parvenus à régler en partie ce problème grâce aux assurances. En 1991, le septième cabinet de comptables des États-Unis, Laventhol & Horwarth, a fait faillite. Il a sombré corps et biens. Les membres associés de ce cabinet, en plus de perdre leurs investissements, leurs emplois, de tout perdre, ont dû verser quelque 50 millions de dollars américains pour régler les diverses poursuites. Cela nous a fait comprendre au Canada que ça pouvait vraiment arriver, qu'un cabinet de comptables pouvait faire faillite. La multiplication des poursuites, l'expérience américaine et la perte de couverture d'assurance ont fini par nous faire comprendre en quelque sorte la réalité du danger.
M. Grubel: Au sujet de ma deuxième question, avez-vous tout fait au cours des dernières années pour que le ministère des Finances règle la question? Pourquoi n'ont-ils pas accédé à votre demande?
M. Broadhurst: Non, il faut être juste et dire que nous avons commencé à aborder cette question à la fin de l'automne 1994 et que nous en avons d'abord discuté avec les fonctionnaires d'Industrie Canada. Ce n'est que plus tard, en 1995, que nous avons commencé à en parler aux responsables du ministère des Finances. Il avait été convenu entre les deux ministères, en toute logique, je crois, qu'un seul des deux se chargerait de cette question et que, quelle que soit la solution, elle serait reflétée dans les deux domaines de législation. La paternité de la législation a donc été laissée à Industrie Canada. Comme je l'ai dit tout à l'heure, les premières audiences devant le comité du Sénat ont eu lieu en février.
Je ne dirais pas qu'il y a eu des retards indus. Par contre, nous espérons que la question pourra être résolue rapidement, car, avec le temps, le potentiel de poursuites supplémentaires demeure, et ceux qui embrassent notre profession, s'ils sont intelligents - et c'est de ceux-là que nous avons besoin - ont d'autres choses plus intéressantes à faire que de se livrer à la merci d'un climat juridique de ce genre.
M. Grubel: Je n'embrasserais certainement pas votre profession dans ces circonstances, même si je ne suis pas assez intelligent.
Merci, monsieur le président.
Le président: Vous êtes l'intelligence et le savoir mêmes, monsieur Grubel. Je suis certain qu'il y a beaucoup de professions qui ont souhaité bénéficier de vos services.
Nous avons l'honneur de compter parmi nous M. Graham, le distingué président du comité des relations extérieures.
M. Graham (Rosedale): Merci, monsieur le président.
Je vais peut-être immédiatement donner la preuve de mon manque de connaissances en matière financière, mais pourrais-je poser à M. Rutledge une question soulevée dans son rapport sur la responsabilité des administrateurs, et tout particulièrement sur celle des comités de vérification des institutions financières.
Je crois savoir que les comités de vérification des banques des annexes I et II présentent actuellement des rapports spéciaux au directeur général des institutions financières. En fait, ils ont l'obligation de faire directement des rapports au gouvernement après avoir mené une enquête assez approfondie sur les pratiques de vérification des banques et après avoir consulté indépendamment les deux vérificateurs nommés pour s'occuper spécialement des banques. Est-ce que vous recommandez que cela soit la procédure à suivre aussi dans ce cas? Recommandez-vous des relations plus étroites entre les comités de vérification et les organismes gouvernementaux qui réglementent les institutions financières? Est-ce suffisant, ou voyez-vous vraiment la nécessité d'énoncer législativement la responsabilité des comités de vérification?
Je vais vous dire pourquoi je vous pose ces questions. Il me semble que très souvent, quand nous surlégiférons sur ce genre de choses, les résultats voulus ne se produisent pas, et beaucoup de règles sont créées et observées pour la forme, mais, pour finir, l'objectif de responsabilité réelle recherché n'est pas atteint.
J'aimerais que vous nous expliquiez un peu mieux vos propositions à la lumière de la responsabilité actuelle des comités de vérification bancaire, qu'il se trouve que je connais un peu.
M. Rutledge: Je vous remercie infiniment de m'avoir posé cette question.
Notre position, pour l'essentiel, est la suivante. En 1992, une loi a été déposée qui a largement renforcé, je crois, les relations entre les vérificateurs, les conseils d'administration et les comités de vérification des institutions financières. J'inclus les comités de vérification, car les comités de vérification sont intégrés à la loi, contrairement à ce que fait la Loi sur les sociétés par actions, qui, elle, ne les inclut pas. C'était une excellente initiative, et, d'après ce que nous en savons, cela marche très bien.
Ce dont il s'agit ici, par contre, est un peu plus délicat. Les comités de vérification ou les conseils d'administration n'ont pas de responsabilité directe de gestion, mais une responsabilité de surveillance. Nous souhaitons donc avoir un libellé plus précis concernant les systèmes d'information, l'adéquation de ces systèmes d'information, afin de permettre au conseil et au comité de vérification de remplir leur responsabilité. Nous parlons plus précisément de la procédure qu'ils devraient suivre. Nous proposons donc ce qui se trouvait dans la loi de 1992.
Pour ce qui est de votre référence aux responsables de la réglementation, oui, ils assujettissent les institutions financières à un examen, ils travaillent avec les vérificateurs externes, ils travaillent avec les vérificateurs internes et ils se servent d'une partie de ce travail. Mais ce n'est pas le but recherché dans notre cas.
M. Graham: Je peux continuer, monsieur le président?
Auriez-vous justement peur du problème évoqué par M. Broadhurst au niveau de la responsabilité? On ne cesse de nous parler du problème de la responsabilité des administrateurs et de la difficulté pour les sociétés de recruter des administrateurs. Vous avez parlé de Confederation Life. C'est un exemple typique, à Toronto, où dans les poursuites tout le monde est cité, tous les administrateurs sont cités.
Si vous imposez des obligations supplémentaires aux comités de vérification, n'allez-vous pas créer une nouvelle catégorie de responsabilité qui découragera la participation à ces comités de vérification?
M. Rutledge: Je dirai un mot, et Bill Broadhurst voudra peut-être ajouter quelque chose.
Je ne crois pas que cela augmentera la responsabilité des administrateurs. Il s'agit ici d'aider les administrateurs à remplir leurs responsabilités. Ils devraient ainsi mieux comprendre le genre de diligence raisonnable à exercer. Les administrateurs de grosses sociétés, ou de grosses institutions financières, ne peuvent examiner dans le détail toutes les transactions. Ils doivent compter sur le système. Nous leur demandons de se concentrer sur les aspects de régie de l'organisme et sur les moyens qui permettent à l'organisme de s'assurer que tout est contrôlé et surveillé correctement. C'est ce qui nous intéresse.
M. Broadhurst: Monsieur Graham, nous constatons que la responsabilité des administrateurs croît proportionnellement à l'augmentation des attentes de la régie d'entreprise. En cas de défense de diligence raisonnable, s'ils ont l'autorisation de faire appel à un expert, il est vraisemblable qu'ils s'adresseront au vérificateur et à d'autres professionnels - mais dans la majorité des cas au vérificateur - pour qu'il joue ce rôle. Pour citer une phrase de M. Estey: «Dans le climat juridique actuel, les vérificateurs répugnent à offrir des renseignements ou des assurances dépassant les minimums statutaires.»
Simplement pour la raison que vous avez évoquée, dans le climat actuel de responsabilité nous n'essayons pas de multiplier les situations donnant naissance au problème de responsabilité que j'ai mentionné. Mais il y a des domaines dans lesquels les vérificateurs pourraient probablement utilement aider, à titre d'experts, les administrateurs quand on leur demande de se prononcer, par exemple sur la qualité des contrôles internes.
M. Graham: Monsieur Broadhurst, j'ai une suggestion à faire. Les vérificateurs devraient peut-être demander aux juristes d'appuyer leurs opinions par des avis juridiques. De cette manière ils ne seraient pas aussi poursuivis, car ils pourraient impliquer les juristes et leur faire assumer certaines responsabilités. De cette manière ils seraient soutenus par la profession qui semble prendre le plus de plaisir à ces poursuites.
M. Broadhurst: Il y a eu un plus grand nombre de cas aux États-Unis, et maintenant au Canada, d'avocats impliqués dans certaines de ces poursuites. Je crois que les associations d'avocats et les groupes de juristes commencent à s'intéresser plus à cet autre aspect de la question, à notre aspect de la question.
M. Graham: Cela pourrait peut-être un peu calmer leurs ardeurs. C'est la suggestion?
M. Broadhurst: C'est ce que nous espérons.
M. Graham: Dites-vous dans votre rapport que cette question pourrait être confiée à la responsabilité provinciale? Il me semble que limiter la responsabilité dans une poursuite civile relève normalement de la compétence des provinces plutôt que de celle du fédéral.
M. Broadhurst: Si j'ai bien compris le mémoire de M. Estey, il nous faudrait à la fois une loi fédérale et des lois provinciales pour couvrir toute la situation. Donc, oui, il nous faudrait aussi des lois provinciales.
M. Graham: Merci beaucoup.
Le président: Merci, monsieur Graham. Bien aimable à vous d'être avec nous.
Monsieur Campbell.
M. Campbell (St. Paul's): Merci, monsieur le président.
J'aimerais poursuivre sur ce dernier point. Il me semble que cette question de coordination des changements à la fois aux paliers fédéral et provincial nous ramène à la question de tout à l'heure de M. Grubel sur les retards dans ce dossier. Pourquoi ce délai? Comme vous-même et vos collègues l'avez dit, monsieur Broadhurst, cela ne cache rien, mais je crois qu'on a pensé que procéder immédiatement plutôt que de le faire en coordination avec les provinces ou après que d'autres lois ont été examinées ou révisées, pourrait aboutir à ce que les acteurs d'une transaction particulière, ou de certaines transactions, soient assujettis à une série de règles, alors que d'autres transactions et d'autres participants restent assujettis aux anciennes règles. Est-ce que ce pourrait être une explication rationnelle de ces délais?
M. Broadhurst: C'est un problème qui nous préoccupe, car il s'agit de savoir qui doit passer en premier dans ce genre de question. Il est clair qu'il vous serait virtuellement impossible de vous organiser de manière à ce que les parlements provinciaux et le Parlement fédéral procèdent de concert sur ce genre de question, et c'est la raison pour laquelle on nous a conseillé de commencer par la loi fédérale, puis de suivre immédiatement avec les lois provinciales.
Nous avons consulté chaque province. L'institut a des comités locaux de comptables agréés dans chaque province qui s'occupent des problèmes particuliers à ce niveau. Il est évident qu'ils attendent que l'action commence au centre. Il n'y a pas de plaintes d'invasion en matière de compétence. En gros, ils disent: «Que le gouvernement fédéral commence, et ensuite nous verrons, mais nous ne voulons pas être les premiers.»
Pour faire démarrer les choses, c'est un peu la quadrature du cercle.
M. Campbell: C'est, semble-t-il, souvent le cas dans notre pays. Je m'inquiétais plus de la possibilité que certaines mesures législatives fédérales soient modifiées avant que d'autres mesures législatives fédérales ne le soient... que certaines entités relevant de la compétence fédérale soient assujetties à une série de règles pendant que d'autres sont assujetties à une autre série de règles. Un traitement plus favorable pour les institutions financières que pour les sociétés réglementées par le gouvernement fédéral - ce pourrait être le résultat malheureux d'une application échelonnée.
M. Broadhurst: Si je considère le genre de poursuites qui nous sont intentées, trois des quatre institutions dont j'ai mentionné le nom à propos de ces grosses poursuites relèvent en réalité de la législation fédérale sur les institutions financières. Nous avons commencé par la Loi sur les sociétés par actions parce que d'une certaine manière les deux lois qui nous intéressaient le plus - la législation sur les institutions financières et la loi sur les sociétés - relevaient de deux ministères différents. C'est compréhensible. Industrie Canada était sur le point d'entamer des audiences. On nous a conseillé de prendre le train déjà en marche. Si cela avait été le train des institutions financières, nous aurions commencé par les Finances et continué plus tard par Industrie.
Nous sommes d'accord avec vous: il faudrait que les changements interviennent aux deux paliers, et nous croyons savoir que l'intention du Livre blanc, c'est de transposer quelques changements apportés à la LSPA dans la législation sur les institutions financières. Nous espérons que ce sera un de ceux-là.
Quant aux problèmes potentiels à court terme, nous ne faisons pas l'objet de poursuites en vertu de la LSPA, et c'est un bon endroit pour commencer.
M. Campbell: C'est un bon endroit pour commencer. J'ai l'impression en vous écoutant que vous craignez que si cette question n'est pas révisée maintenant elle ne risque d'être reportée de cinq ou dix ans, jusqu'à la prochaine révision. Je ne pense pas que cela soit forcément le cas. Quand cette question aura été résolue dans la LSPA, elle pourra ensuite être résolue dans la législation sur le secteur des services financiers. Il n'y a pas forcément de délai de cinq ou dix ans, ce qui serait malheureux, car je comprends très bien votre position.
M. Broadhurst: C'est notre plus grande crainte... quand nous considérons l'historique des amendements apportés à ces lois et quand nous considérons la proposition de révision au bout de cinq ans. Je ne sais pas où nous serons dans cinq ans. Si l'histoire se répète, nous aurons vécu en cours de route une récession. C'est durant ces périodes que ces institutions connaissent des problèmes juridiques auxquels nous finissons par être mêlés.
M. Campbell: Je comprends. C'est un problème croissant. Je crois que tout à l'heure quelqu'un a demandé quelle est la raison pour laquelle il semble que cela soit tout d'un coup devenu un tel problème, alors que cette notion de responsabilité solidaire est une notion de common law depuis des années. Je crois que c'est le caractère de plus en plus procédurier de notre société qui en fait un problème.
J'aimerais ajouter une autre chose, monsieur le président.
Je comprends fort bien tout ce que vous proposez pour toutes les raisons que vous avancez, mais il ne manquera pas de gens pour dire - vous avez peut-être une réponse à leur donner ou vous voudrez peut-être répéter ce que vous avez déjà dit tout à l'heure - que ce que vous proposez pourrait avoir pour résultat que les plaignants ne soient pas dédommagés à 100 p. 100. Si les dommages sont répartis entre les défendeurs et que certains défendeurs ne soient pas jugeables, le plaignant serait dans l'incapacité de toucher l'intégralité de ses dommages. Cela ne plaira pas à certains, surtout ceux qui croient qu'il doit toujours y avoir un responsable. C'est en partie la justification originelle de la notion de responsabilité solidaire dans le common law.
Que diriez-vous à ceux qui avancent que si l'on compare votre intérêt à vous à celui du plaignant s'estimant lésé, mais qui aurait eu gain de cause, vous devriez payer, plutôt que l'on s'attende à ce que le plaignant, ou le demandeur, ne reçoive aucun dommage-intérêt?
M. Broadhurst: Monsieur Campbell, cette proposition a en effet été avancée. D'abord, sachez que lorsqu'il n'y a qu'un seul défendeur et que ce défendeur est un failli, la loi n'a aucun intérêt à laisser le demandeur en question intact. C'est tout simplement parce qu'il y a plus d'un cas de ce genre qu'on se pose maintenant la question.
Deuxièmement, cela pourrait devenir une question de politique: en effet, si le demandeur ne récupère pas le plein montant, est-il dans l'intérêt public d'affaiblir une profession qui est versée dans l'attestation d'informations financières pour les marchés de capitaux et dans d'autres activités de ce genre? Aux États-Unis, c'est en effet ce que l'on a décidé. On a jugé que le risque de perdre des services précieux était plus élevé que le risque qu'une demande soit, à l'occasion, regroupée avec d'autres. Le jeu n'en valant pas la chandelle, les États-Unis ont choisi de légiférer. De plus, dans la plupart des cas, et dans la plupart des domaines dans lesquels nous oeuvrons, les demandeurs reconnaissent l'existence de risques associés au fait de faire des affaires.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Campbell.
Monsieur Rutledge, puisque vous avez soulevé avec nous la question de la régie interne, j'imagine que vous avez entamé des discussions avec les représentants du ministère des Finances.
M. Rutledge: En effet.
Le président: J'imagine également que ces discussions se font sur une base permanente et que vous n'avez pas essuyé de rebuffades.
M. Rutledge: C'est exact.
Le président: Je vous encourage à maintenir la communication. Si vous vous heurtez à des difficultés, n'hésitez pas à nous le faire savoir. Mais nous tiendrons pour acquis que ces discussions aboutiront sans doute à des modifications, à défaut de quoi les gens du ministère des Finances nous expliqueront pourquoi, et nous recommuniquerons avec vous.
M. Rutledge: Merci.
Le président: Je crois que les Canadiens devraient comprendre l'exemple que vous avez soulevé, monsieur Broadhurst. Je tenterai de l'expliquer clairement. Prenons une institution financière telle que la Confederation Life. À combien se chiffrerait la perte?
M. Broadhurst: Malheureusement, je n'ai pas les chiffres.
Le président: À environ 100 millions de dollars?
M. Broadhurst: Je dirais beaucoup plus.
Le président: Parlons donc d'une perte de 600 millions de dollars. La Confederation Life avait un vérificateur.
Prenons l'hypothèse suivante. Supposons que la direction avait menti au vérificateur de façon telle qu'un tribunal pourrait établir que la direction avait tort à 99 p. 100, alors que le vérificateur avait tort à 1 p. 100 seulement. Cela signifierait que le vérificateur pourrait être tout de même poursuivi jusqu'à concurrence de 600 millions de dollars aux termes de la loi actuelle, même si votre responsabilité ne s'étendait qu'à 1 p. 100 de la somme.
M. Broadhurst: C'est exact.
Le président: Autrement dit, si vous représentez un petit cabinet de comptables, vous pourriez être obligé de vous départir de deux ou trois associés, et vous perdriez leur mise de fonds dans l'entreprise. Les comptables ne peuvent avoir une responsabilité limitée au même titre que les gens d'affaires. Le plombier d'un édifice qui s'effondre et tue 500 personnes ou l'entrepreneur ayant construit l'édifice n'ont qu'une responsabilité limitée, de sorte qu'ils ne peuvent être actionnés individuellement. C'est la société qui les représente qui est actionnée, n'est-ce pas?
M. Broadhurst: Il est possible toutefois d'intenter des poursuites individuelles, contre des administrateurs par exemple.
Le président: En effet, mais les cabinets de comptables n'ont pas de responsabilité limitée.
M. Broadhurst: En effet.
Le président: La responsabilité ne s'étend pas uniquement au bureau de Toronto, par exemple, qui aurait fait la vérification. Si vous avez des associés à l'échelle internationale, la responsabilité s'étend à ces associés, je suppose.
M. Broadhurst: Cela dépend de la structure de votre entité à l'échelle internationale. Il est plus que probable que la responsabilité sera confinée à un seul pays. Mais dans le cas de poursuites contre des multinationales, on a déjà vu les autorités intenter des poursuites dans un pays, puis étendre la responsabilité à d'autres pays.
Mais en gros, les poursuites sont limitées à un pays. Si c'est à Vancouver que sont intentées des poursuites, les associés d'Halifax sont tout aussi responsables.
Le président: Puisque nous sommes télévisés dans tout le pays, j'en profite pour inviter les Canadiens qui ne seraient pas d'accord avec les modifications proposées à la loi, telles que celles que vous avez suggérées, à entrer en contact avec nous le plus rapidement possible, par le truchement de notre greffière.
Pour ma part, j'ai trouvé votre témoignage très convaincant. Pour avoir lu votre rapport et d'autres études encore, je recommande que nous agissions très rapidement pour être équitable envers vous et pour que nous vous donnions les outils qu'il vous faut pour bien faire votre travail, outils qui correspondent aux réalités d'aujourd'hui.
En tant que parlementaires, nous ne pouvons invoquer comme excuse pour ne rien faire nous-mêmes le fait que d'autres paliers de gouvernement ou d'autres ministères fédéraux doivent agir. Nous devrions au contraire agir de notre propre chef pour recommander des modifications en ce sens aux lois qui régissent les institutions financières.
Au nom de tous les membres du comité, je vous remercie de votre témoignage et du rôle que joue sans relâche l'ICCA. Vous êtes en effet des experts de questions très importantes dans le domaine de la fiscalité, de la réglementation et dans d'autres domaines encore, et votre profession a acquis son expérience de première main.
À nouveau, nous vous remercions de votre témoignage.
Nous suspendons la séance jusqu'à la comparution des témoins suivants.
Le président: (Difficultés techniques - La rédaction)... président-directeur général; et William Babcock, vice-président des affaires publiques.
Messieurs, merci d'être venus, et nous avons hâte de vous entendre.
M. Hal Couillard (président-directeur général, Association des assureurs-vie du Canada): Merci beaucoup, et bonjour. Il est malheureux que le comité ait pris du retard, mais nous serons relativement brefs, afin de mieux pouvoir discuter avec vous.
Je m'appelle donc Hal Couillard, et j'ai été élu président du conseil d'administration de l'Association des assureurs-vie du Canada. Je viens de Calgary et je suis dans le secteur des services financiers depuis quelque 21 ans.
Je suis accompagné de Dave Thibaudeau, président de l'AAVC, et de Bill Babcock, vice-président des affaires publiques.
Quelques mots sur l'AAVC: depuis 90 ans, l'Association des assureurs-vie du Canada constitue l'association professionnelle nationale qui regroupe les agents, courtiers, directeurs d'agences et planificateurs financiers en matière d'assurance-vie au Canada. Nous sommes une association volontaire qui compte plus de 17 500 membres dans tout le pays. Nos membres sont principalement des distributeurs de contrats de rentes, d'assurance-vie et d'assurance-maladie, de même que de régimes de pension, de REER, de fonds enregistrés de revenu de retraite et de fonds de placement administrés par des sociétés d'assurance-vie et des sociétés de fonds mutuels.
Nous servons la population canadienne en lui proposant des solutions à ses besoins financiers, c'est-à-dire en lui offrant de plus en plus de produits autres que l'assurance-vie. Comme nous sommes une association d'intermédiaires du marché, nos membres et nos services ont dû s'ajuster aux changements au fil des ans et s'ajuster aux nouvelles réalités du marché, en devançant dans bien des cas les changements à apporter. Nous offrons à nos membres et aux autres fournisseurs de services financiers une formation poussée et un programme de développement professionnel; enfin, nous avons adopté un code de déontologie très poussé qui s'applique à tous les membres de l'AAVC.
Nous avons une connaissance intime des besoins et des situations économiques de nos clients, qui appartiennent à toutes les couches de la société et catégories de revenu. Notre association a pour but de faire en sorte que le consommateur canadien continue à avoir accès à une vaste gamme de produits et de services d'assurance et d'autres produits financiers, dans un marché compétitif.
L'AAVC a participé activement aux consultations qui ont mené d'abord aux réformes de 1992 des lois régissant les institutions financières et, ensuite, aux réformes subséquentes, à la fois au palier fédéral et au palier provincial.
L'AAVC a voulu aujourd'hui participer à la dernière étape de cette démarche d'une dizaine d'années pour vous dire ce qu'elle pense du Livre blanc que le gouvernement publiait le 19 juin dernier sous le titre «Examen de 1997 de la législation régissant les institutions financières». Nous avons envoyé officiellement nos commentaires au Secrétaire d'État aux institutions financières internationales, mais nous vous en avons apporté des exemplaires.
J'aimerais aujourd'hui m'attarder à deux grandes questions que vous trouverez dans notre mémoire et qui sont au coeur même des activités que mes collègues et moi connaissons bien, c'est-à-dire le service au client consommateur de produits et services d'assurance-vie et de produits et services connexes. Ces deux grandes questions sont d'abord les garanties en matière de renseignements personnels pour les clients de services financiers, et, ensuite, la vente liée et la vente réciproque de produits par des institutions financières canadiennes.
En ce qui concerne la protection des renseignements personnels, nos membres ont l'habitude de recevoir de l'information personnelle très confidentielle sur des questions financières, médicales et familiales. Si nous avons besoin de ces renseignements, c'est pour mieux conseiller nos clients et pour permettre aux assureurs de bien évaluer le risque individuel et d'administrer les demandes de réclamation. Nous sommes toujours sensibles au fait que nos clients considèrent leurs renseignements personnels comme étant très précieux et s'attendent à ce que l'information qu'ils divulguent soit traitée équitablement et en toute confidentialité.
J'ai parlé plus tôt du code de déontologie qu'administre l'AAVC. Nos membres doivent adhérer à ce code pour pouvoir faire partie de notre organisme. Le premier article du code de déontologie exige de notre membre qu'il place l'intérêt de son client ou d'un client potentiel au-dessus du sien. Le second article porte sur l'information confidentielle et exige de notre membre qu'il respecte le caractère confidentiel de toute l'information concernant les affaires personnelles et commerciales qu'il reçoit lorsqu'il fournit ou souhaite fournir des services financiers. Monsieur le président, nos membres ont très à coeur ce critère de confidentialité.
D'une façon générale, la récente explosion dans la technologie de l'information et les préoccupations au sujet de grandes institutions impersonnelles ont suscité dans la population le désir de voir s'améliorer la protection de l'information personnelle. Le gouvernement a réagi en soumettant deux propositions visant à protéger les renseignements personnels. La première proposition se trouve dans le Livre blanc et annonce des règlements qui s'appliqueront spécifiquement aux institutions financières fédérales. Avant cette annonce, et dans la foulée des recommandations du Comité consultatif sur l'autoroute de l'information, le ministre de l'Industrie annonçait la nécessité de mettre au point une loi d'application générale pour protéger l'information personnelle. J'espère que le produit final n'aura pas pour conséquence un chevauchement législatif sur ces deux fronts.
Monsieur le président, si vous pouviez mettre la main sur mon compte de chèques, mon dossier Interac et mon relevé de cartes de crédit, vous pourriez établir mon profil détaillé de façon à me cibler en m'offrant différents produits. Toute cette information vous permet de savoir ce que je pourrais acheter ou ce que je serais disposé à acheter, parfois même avant que je ne le fasse. À Vancouver, le journal The Vancouver Province annonçait en mai dernier que la Banque Royale du Canada utilisait un programme de logiciel de 15 millions de dollars pour suivre tous les achats par cartes de crédit et par Interac effectués par ses neuf millions de clients. Cette information sert à mettre à jour le profil détaillé de chacun de ses clients. Le logiciel permet de confronter le profil et l'information qui se trouve dans les dossiers bancaires sur les comptes bancaires, les prêts, les cartes de crédit et les demandes de crédit. Le système sert à identifier les clients susceptibles d'accueillir favorablement les promotions de produits bancaires spécifiques.
Un des principes fondamentaux de la protection des renseignements privés du consommateur, c'est qu'il est nécessaire d'obtenir le consentement libre et éclairé de l'individu avant que le détenteur de cette information personnelle puisse l'utiliser pour une raison autre que celle pour laquelle l'individu l'a donnée au départ à l'institution. Le consentement est donc un facteur crucial, mais il semble que certaines institutions l'obtiennent par des moyens douteux. Laissez-moi vous donner un exemple.
En juillet dernier, un membre de notre personnel recevait de la Banque de Montréal une lettre que celle-ci avait envoyée aux détenteurs de sa carte de crédit MasterCard or. À première vue, cette lettre offrait au client la possibilité de réduire les frais d'intérêt de sa carte de crédit à 10,9 p. 100. Cela reste tout de même assez élevé si l'on pense que le taux préférentiel de la banque tourne autour de 6 p. 100, mais il reste que le nouveau taux serait plus faible que le taux d'intérêt précédent. Or, la lettre ne mentionne pas moins de 13 fois le nouveau taux offert. Cela semble être l'objectif principal de la lettre, mise à part l'annonce furtive que les frais annuels d'obtention de la carte passeront de 50 $ à95 $. Cela représente une augmentation de 60 p. 100, que la lettre décrit comme étant «une légère augmentation».
Mais la partie la plus importante de la lettre, monsieur le président, c'est le formulaire d'autorisation que vous devez découper au bas de la lettre. On demande au titulaire de la carte d'achat de signer afin que le nouveau taux d'intérêt puisse s'appliquer.
Ce qui nous semble curieux, c'est que l'émetteur d'une carte de crédit bancaire peut ajuster le taux d'intérêt ainsi que les frais annuels demandés à un détenteur de police ou à un titulaire de carte d'achat et les faire passer comme coûts découlant de ses affaires. Par conséquent, il est inutile de demander au détenteur de signer l'autorisation en vue de faire réduire les taux d'intérêt. Il est également inutile de faire signer par le titulaire l'autorisation d'augmenter les frais annuels. Le porteur de la carte paye les frais annuels ou refuse la carte.
Par contre, en faisant signer par le détenteur le formulaire d'acceptation d'une réduction du taux d'intérêt de sa carte MasterCard or, on lui fait accepter les conditions imprimées à l'endos du formulaire à retourner.
Voici comment cela fonctionne: ces conditions se trouvent sur une page autre que celle où il lui faut signer, et elles sont imprimées en tout petits caractères, encore plus petits que les avis de marque de commerce et les autres mentions que l'on trouve d'habitude au bas de la partie à renvoyer. Or, ces conditions traitent de l'utilisation par la banque de l'information sur le porteur. Ces conditions auxquelles agrée le porteur autorise la banque:
- ... à utiliser l'information qui se trouve sur le compte MasterCard pour déterminer quelles offres
de produits et services pourraient intéresser le porteur.
- ... que le porteur autorise la banque ou quelqu'un d'autre à lui envoyer de l'information et des
offres qui pourront l'intéresser, de l'avis de la banque.
Monsieur le président, peut-on vraiment parler de respect scrupuleusement observé des consommateurs et de leurs droits à la protection de leurs renseignements personnels?
Lorsque le gouvernement publiera, comme il l'a promis, les règlements sur la protection des renseignements personnels, l'AAVC espère que le texte empêchera ce type de pratique. Toutefois, tant qu'il sera possible de rentabiliser l'information-client, il est certain que l'on sera tenté de contourner les règlements.
Nous espérons participer à l'élaboration de règlements qui protégeront les renseignements personnels. Toutefois, sachez que dans notre monde à nous, celui de la vente au détail de l'assurance, les règlements en matière d'assurance qui s'appliquent aux banques et aux compagnies de fiducie fédérales ont réussi depuis 1992 à protéger suffisamment le consommateur.
Dans les règlements régissant le domaine de l'assurance, l'interdiction qui est faite aux institutions fédérales de dépôt de transmettre de l'information sur leurs clients à une compagnie, un agent ou un courtier d'assurance permet d'éviter exactement le type d'abus que je viens de vous décrire. Voilà pourquoi, en réponse au Livre blanc, nous recommandons dans notre mémoire que les règlements dans le domaine de l'assurance soient maintenus et appliqués et que les règlements parallèles régissant l'information sur le crédit au titre de la Loi sur les sociétés d'assurances soient mis en vigueur le plus rapidement possible et servent de fondement sur lequel reposeront tous les règlements futurs qui, une fois adoptés, protégeront les renseignements personnels du client acquis par une quelconque institution financière fédérale.
Passons maintenant au deuxième volet de notre recommandation, qui porte sur la nécessité de protéger le client et le consommateur de services financiers de toute coercition.
Le Livre blanc fait observer que:
- ... en raison de la nature particulière de la relation existant entre les institutions financières et
leurs clients, ces derniers (sont) particulièrement exposés à la coercition...
- ... le jeu du marché et la Loi sur la concurrence n'assurent peut-être pas une protection
suffisante à cet égard.
Donc nous ne visons pas seulement un secteur en particulier de services financiers; ce sont toutes les institutions financières.
Il est évident que moins on a de crédit, plus on est vulnérable. Il est moins évident que les plus vulnérables sont les consommateurs qui ont besoin de prêts relativement petits pour leur permettre de dormir la nuit.
C'est parce que si vous êtes un petit emprunteur, vous avez besoin de l'établissement de crédit plus qu'il n'a besoin de vous. Après tout, pour le créancier, un petit prêt représente un petit actif pour la compagnie. Mais le créancier peut avoir les mêmes coûts fixes pour administrer ce prêt qu'un prêt d'un montant beaucoup plus élevé.
Lorsque les établissements de crédit vous disent que dans le marché d'aujourd'hui, la coercition ne cause pas de problèmes parce que les institutions se livrent une âpre concurrence pour prêter, songez à tous ces Canadiens qui sont oubliés par les institutions prêteuses: ces gens qui travaillent fort et qui ont besoin de deux revenus pour faire vivre la famille, ou pensez aux familles dont l'un des deux gagne-pain a perdu son emploi, ou au propriétaire d'une petite entreprise dans une ville où la grosse usine du lieu vient de fermer ses portes. Dans ces situations, le prêteur n'a même pas besoin de savoir comment on écrit coercition. Il suffit de souffler à l'oreille de l'emprunteur qu'il a vraiment besoin d'une assurance plus importante pour couvrir son prêt, et il achète aussitôt, ou consent à ce que son dossier soit transmis à l'assureur affilié au prêteur.
C'est pourquoi nous recommandons aussi dans notre mémoire que l'on maintienne et que l'on mette en vigueur le règlement sur l'assurance, et que l'on adopte au plus tôt le règlement sur les renseignements relatifs au crédit, qui doit servir de base à toutes les garanties supplémentaires contre les ventes liées que prévoit la Loi sur la concurrence ou d'autres lois semblables.
Donc, pour résumer et conclure, monsieur le président, nous sommes d'accord avec le Livre blanc qui dit que le cadre législatif régissant les institutions financières, qui a été établi en 1992, fonctionne bien de manière générale et devrait rester intact pour l'essentiel. À notre avis, les changements graduels que propose le Livre blanc constituent l'approche souhaitable.
Pour ce qui est des initiatives à venir, l'AAVC comprend que le groupe de travail qui sera bientôt créé sur l'avenir du secteur financier au Canada examinera l'ensemble de la structure du secteur des services financiers et réfléchira aux changements qu'il faudrait apporter à ce cadre afin d'assurer la compétitivité du Canada au XXIe siècle.
La décision du gouvernement de créer ce groupe de travail reçoit l'aval de l'AAVC. Nous encourageons votre comité à user de son influence pour s'assurer que le groupe de travail consulte le plus grand nombre possible de Canadiens, particulièrement les consommateurs, et garde à l'esprit le fait que la concentration toujours plus forte du pouvoir financier de quelques institutions de dépôt exerce une influence considérable sur le consommateur canadien.
Chose encore plus importante, nous prions le comité de prendre tous les moyens possibles pour faire adopter ces modifications législatives avant le délai du 31 mars 1997. Nous serons heureux de vous faire part de notre point de vue et de témoigner de nouveau lorsque vous recevrez le projet de loi.
Monsieur le président, nous tenons à vous remercier, vous et les membres de votre comité, d'être restés si tard et de nous avoir permis de faire connaître nos réflexions sur cette question.
Nous savons qu'il est tard, mais si vous avez des questions ou des observations, nous serons heureux d'y répondre.
Le président: Merci, monsieur Couillard. Il n'est que 18 h 30. Ce n'est pas tard du tout pour nous, les députés, ni pour les gens de votre profession, dont beaucoup doivent travailler le soir pour réaliser ces ventes si importantes.
Pouvons-nous passer aux questions, s'il vous plaît, en commençant par M. Graham?
M. Graham: Monsieur Couillard, vous avez raison dans la mesure où nos facultés intellectuelles faiblissent au fur et à mesure qu'avance la soirée. Vous me pardonnerez si mes questions vous paraissent un peu confuses.
J'aimerais d'abord revenir à ce que vous disiez au sujet de la technologie de l'information. Votre principale préoccupation tient-elle au fait que la concurrence de ces autres institutions est injuste parce qu'elles disposent d'informations massives, ou a-t-elle trait à la protection du consommateur? Les deux éléments étaient présents dans ce que vous disiez.
M. Couillard: Il y a deux éléments ici. De toute évidence, si les divers secteurs ne sont pas sur un pied d'égalité ou si la concurrence est injuste, ce n'est pas dans l'intérêt du Canada.
Je crois que la vraie question qui se pose est celle-ci: qu'est-ce qui est dans l'intérêt du consommateur? C'est la seule question.
Si l'on revient un peu en arrière et que l'on s'en tient seulement à la question de la concentration du pouvoir financier... Je suis sûr que vous avez déjà entendu ces chiffres, mais rappelons que les cinq premières banques de l'annexe I contrôlent à peu près 85 p. 100 des actifs bancaires, 75 p. 100 des recettes du courtage en valeurs mobilières, 50 p. 100 des actifs des fiducies et 75 p. 100 des prêts consentis au Canada.
En 1992, on leur a permis de prendre pied dans notre secteur, soit en achetant des compagnies d'assurance-vie soit en en créant, mais il fallait que ces compagnies demeurent distinctes des banques mères. Nous croyons que c'est une bonne chose pour l'économie canadienne et pour la protection du consommateur.
Cependant, l'information qu'on obtient pour faire crédit ne doit pas être utilisée par une filiale que possède une banque dans ses rapports avec le consommateur.
Donc, oui, il y en a pour tous les goûts ici, mais la seule chose qui nous préoccupe, c'est l'intérêt à long terme du Canada et l'intérêt des consommateurs, des gens comme vous et moi.
M. Graham: Pour ma deuxième question, vous me permettrez de faire intervenir mon expérience au Comité des affaires étrangères et du commerce international. Ces questions y sont souvent soulevées du point de vue transfrontalier.
Voyez ce qui se fait dans plusieurs pays européens aujourd'hui, où l'on se préoccupe vivement de ces technologies de l'information de pointe qui permettent à des gens hors du pays d'intervenir... Puis on réunit ces informations et on les transmet à des intervenants multinationaux qui peuvent ainsi contourner la loi de tel ou tel pays.
Les Européens sont aux prises avec tout cela. Ils ont émis certaines directives dans ce domaine.
Je me demandais seulement si votre organisation a situé son témoignage d'aujourd'hui dans le contexte de l'ALENA et même de l'Organisation mondiale du commerce, qui vont favoriser la pénétration de notre marché par les institutions financières étrangères, ce qui activera par conséquent la diffusion de ce type d'information hors de nos frontières.
Avez-vous des conseils à donner à notre comité et à nos législateurs qui nous permettraient de maîtriser cet aspect transnational des choses?
Je sais que cela nous préoccupe tous parce que c'est une réalité du monde moderne. Les technologies modernes permettent ce genre de choses, et la globalisation à laquelle nous assistons nous préoccupe tous.
Avez-vous songé à cela, et avez-vous des suggestions à nous faire?
M. Dave Thibaudeau (président, Association des assureurs-vie du Canada): Monsieur le président, on songe ici tout de suite à la facilité avec laquelle les informations franchissent les frontières des pays et des provinces.
Nous en sommes encore là. Nous sommes encore aux prises avec cette situation où les gens peuvent se servir de la technologie pour conclure des transactions dans d'autres provinces. C'est ce qui se fait entre états aux États-Unis.
J'ignore quels sont les progrès qu'on a pu réaliser dans ce domaine, comme les provinces n'arrivent pas à s'entendre sur un mécanisme, et les pays encore moins; on ne s'entend pas sur les règlements qui s'appliquent lorsque les gens de divers pays ou de diverses provinces font affaire ensemble.
M. Graham: Cette question porte sur l'économie interne du Canada qui fait couler tellement d'encre; c'est une question sur laquelle nous devrions nous pencher.
M. Couillard: Ici intervient également l'utilisation de l'Internet. Une compagnie d'assurance - ou une banque ou n'importe quelle autre institution - peut ouvrir un comptoir à l'étranger et offrir ses produits par l'entremise du World Wide Web.
Quel pays contrôlerait cette institution? Comment allons-nous réglementer cela? Comment allons-nous mettre en place les réserves qu'il faut? Comment allons-nous nous assurer que les représentants de commerce sont accrédités, qu'ils reçoivent l'éducation permanente voulue, les conseils qu'il faut, qu'on tient compte de la diligence raisonnable, et que tout se fait selon les règles?
C'est une question colossale. La protection des renseignements du consommateur, que vous mentionniez, est un élément de tout cela, mais dans le contexte de l'Internet, la question prend des proportions colossales.
M. Graham: La protection du consommateur serait aussi en cause du point de vue de la viabilité financière des institutions qui nous occupent. Il y aurait lieu de se demander si les produits que l'on offre sont soutenus par des réserves suffisantes.
M. Couillard: Oui, ce sont des préoccupations valables.
M. Graham: Merci beaucoup.
Le président: Merci, monsieur Graham.
Monsieur Campbell.
M. Campbell: Monsieur le président, j'ai d'abord une observation et ensuite une question.
Ce qui me frappe, c'est le fait que l'intérêt du consommateur, tel que vous le définissez, coïncide justement avec l'intérêt de votre propre secteur d'affaires, bien sûr. Et ce n'est pas surprenant étant donné que tous nos témoins font valoir les intérêts de leur propre secteur et réunissent les meilleurs arguments qu'ils peuvent trouver. Ce qui ne veut pas dire que je ne suis pas d'accord avec ce que vous avez dit.
Monsieur le président, mon observation se résume à dire que j'espère entendre des associations pour la défense du consommateur ou les consommateurs eux-mêmes lorsque nous tiendrons nos audiences sur le Livre blanc.
À mon avis, il est très important d'entendre ceux dont la principale activité est la défense des intérêts du consommateur et non ceux dont les clients sont des consommateurs.
Notre comité aurait intérêt à inviter ces groupes, si ce n'est déjà fait, et si j'en juge d'après l'expression du président, nous allons les entendre bientôt, ce qui sera une bonne chose.
Nous avons déjà vu cela dans le contexte de certains débats tenus par notre comité et même par nos caucus respectifs. Nous n'avons pas suffisamment entendu la voix du consommateur, telle qu'elle est exprimée par les associations de défense des consommateurs et les consommateurs eux-mêmes.
Ma question porte sur la protection du consommateur...
M. Couillard: Avant que vous n'alliez plus loin, me permettriez-vous de vous répondre?
M. Campbell: Absolument.
M. Couillard: Nous sommes d'accord avec vous à cent pour cent. Bien sûr, l'Association des assureurs-vie du Canada représente les vendeurs. Comme vous le savez, l'Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes représente les compagnies.
Il est évident que lorsque nous venons ici, nous venons dans une certaine mesure défendre notre territoire, pour ainsi dire, mais nous vivons dans les rues, les villages et les villes du Canada. Nous travaillons avec les gens ordinaires, nous les aidons à identifier leurs objectifs et leurs rêves, à les quantifier, à planifier et à concrétiser ces objectifs et ces rêves. Nous travaillons avec ces gens-là, avec les petits entrepreneurs et ceux qui n'ont pas d'entreprise. Ces gens-là doivent composer avec les pressions de la concurrence, la coercition et tout cela.
Donc en venant ici, nous admettons que, oui, nous devons défendre nos intérêts, mais nous tâchons aussi sincèrement de faire valoir les positions de nos clients.
Je sais bien que vous vous attendiez à entendre cela, mais moi je pratique ma profession à Calgary. C'est ce que je fais à plein temps et c'est ce que j'ai à dire. Je tenais seulement à clarifier les choses.
M. Campbell: Je ne vous comparerai pas au gérant de banque local qui croit être au diapason de son milieu et des besoins de ses clients.
Merci. La protection de la vie privée du consommateur et de la protection du consommateur nous préoccupent tous vivement. Vous nous avez lu le texte d'une demande d'obtention de carte Visa Gold, et vous avez bien fait ressortir certains problèmes qui se posent.
Que faites-vous quand vous estimez que certaines exigences pourraient contraindre ou induire en erreur le consommateur? À part le signaler à notre comité, est-ce que votre association ou organisation fait quoi que ce soit pour alerter les responsables provinciaux de la protection du consommateur lorsque vous voyiez des choses comme ça?
M. William T. Babcock (vice-président, affaires publiques, Association des assureurs-vie du Canada): Je peux peut-être répondre à cette question. Par le passé, lorsque nous avons été témoins de cas où nous considérions qu'il y avait infraction aux règlements sur les assurances, nous avons alerté la division de la conformité du BSIF. Ce qui, bien sûr, déclenche une enquête.
Dans un cas, une institution de dépôt a été obligée de faire marche arrière. Il s'agissait d'appareils de télécommunication dans les succursales bancaires... qui communiquaient directement avec leur filiale qui vend de l'assurance.
Normalement, c'est ce que nous faisons.
Si nous avons la conviction qu'il y a matière à intervention et que le client nous permet d'agir en son nom, nous agissons. Mais le plus souvent, le consommateur est quelque peu réticent parce qu'il peut s'agir d'une situation où il demande du crédit ou parce qu'il a d'autres bonnes raisons qu'il est le seul à connaître.
Mais dans les cas où nous estimons qu'il y a violation flagrante des règlements, nous prenons l'initiative d'alerter les autorités réglementaires.
M. Campbell: Je sais que mes collègues du comité seront heureux comme moi de vous voir participer, comme vous le proposez d'ailleurs, à l'établissement d'une meilleure protection pour le consommateur et à l'articulation d'un règlement sur la protection des renseignements personnels.
Étant donné que ces audiences sont télévisées, je tiens - et vous aussi sans doute - à rappeler aux gens qui ont des griefs qu'il existe des recours auprès des autorités réglementaires provinciales qui sont responsables de la protection du consommateur dans notre pays et qui interviennent dans des exemples comme celui que vous venez de mentionner, exemple que je trouve très troublant.
Le président: Merci, monsieur Campbell.
Ma question a trait à la protection de la vie privée et à la confidentialité des informations que l'on confie aux institutions financières. Si je comprends bien le règlement, aucun renseignement concernant ma situation financière ne peut être transmis par la banque dont je suis client à quiconque à l'intérieur ou à l'extérieur de la banque pour des fins autres que les rapports que j'ai avec cette banque. Est-ce que la banque peut puiser dans ses dossiers, y trouver mon nom et m'envoyer des prospectus relatifs aux REER?
M. Couillard: Oui.
Le président: Est-ce qu'elle peut faire cela sans mon consentement?
M. Couillard: Normalement, vous avez probablement donné votre consentement quelque part, consentement qui est caché sous toutes les signatures que vous avez données. Lorsque la banque vous envoie votre état de compte, elle peut y annexer toutes sortes de petits prospectus qui annoncent les taux qu'elle offre pour les REER, ses produits et ce genre de chose. Mais elle ne peut pas confier ces renseignements à une autre compagnie en aval. Il y a là une barrière quelque part.
Le président: D'accord. Donc la banque peut se servir de ces renseignements pour faire sa promotion, mais elle ne peut pas les communiquer à une filiale qui vend de l'assurance.
M. Couillard: C'est exact.
Le président: Et elle ne peut pas non plus les vendre à une tierce partie, qui pourrait vouloir les noms de certaines personnes afin de leur vendre des biens et des services.
M. Couillard: Si vous n'avez pas donné votre consentement, elle ne le peut pas.
Le président: Il faut avoir donné son consentement.
M. Couillard: Il vous faut signer pour que la banque ait votre consentement.
Le président: J'imagine que vous avez porté ce cas particulier à l'attention des autorités.
M. Couillard: Je ne suis pas sûr si cela a été fait, mais chose certaine, nous allons y donner suite comme le veut notre mandat. Il ne fait aucun doute qu'il s'agit là, à notre avis, d'une atteinte à la vie privée du consommateur.
Le président: Y a-t-il d'autres domaines où vous croyez que nos institutions financières, de manière générale, devraient resserrer leurs règles relatives à la protection de la vie privée, ou êtes-vous satisfaits, grosso modo, des dispositions que le gouvernement met de l'avant dans son Livre blanc?
M. Thibaudeau: Monsieur le président, nous sommes heureux du maintien du règlement sur les assurances. Nous pensons que ce règlement offre une bonne protection. Mais nous accueillerions avec enthousiasme toute mesure supplémentaire que le gouvernement proposerait pour améliorer la protection de la vie privée dans ce domaine.
Nous ne pensons pas qu'il faille modifier les règlements sur l'assurance. À la réponse que Hal a donnée à votre dernière question, j'ajoute qu'en vertu des règles actuelles, la banque ne pourrait pas vous cibler pour une promotion parce que votre profil présente une caractéristique qui l'intéresse. Si elle vous offre un produit ou un service, c'est parce qu'elle l'offre à tout le monde.
Ce genre de règlement est très bon pour le consommateur, et c'est pourquoi nous y avons toujours été très favorables depuis qu'il est entré en vigueur. Et chose certaine, nous accueillerons avec plaisir toute nouvelle mesure protégeant la vie privée et minimisant le danger de coercition.
Le président: Mais vous dites essentiellement que nous n'avons pas à changer quoi que ce soit à ce qui est déjà proposé dans le Livre blanc dans ces deux domaines.
M. Thibaudeau: C'est exact.
Le président: Autrement dit, ce processus de consultation a été bon, il a bien marché, et c'est le genre de chose que nous devons encourager à l'avenir pour les grandes réformes législatives.
M. Couillard: Oui, cette consultation a été très utile et très avisée, selon nous. Nous pensons que le Canada s'en porte mieux. Il faut féliciter le gouvernement.
Le président: Nous ne demandons pas de félicitations. Nous cherchons toujours des moyens d'améliorer les choses, nous voulons des lois qui soient mieux assorties aux besoins des Canadiens sans être trop lourdes, nous tâchons d'instaurer un équilibre délicat. Nous ne pouvons pas agir seuls, et c'est pourquoi il nous faut les avis des experts et des gens que cela touche.
Cela peut prendre un peu plus de temps, mais je suis heureux de vous entendre dire que ce processus, qui a largement mis à contribution le personnel de l'AAVC, qui vous a obligés à nous consacrer des tas d'heures non rémunérées, a porté fruit, du moins dans votre cas.
Monsieur Graham.
M. Graham: Merci, monsieur le président.
Étant donné qu'il nous reste encore une minute ou deux, je me demandais s'il n'y avait pas moyen de revenir à cette question des ventes liées. C'est une question très intéressante et très difficile. J'imagine que vous serez d'accord avec moi pour dire qu'il y a des moments où la vente liée profite au consommateur si les prix baissent.
Le problème que vous soulevez dans votre mémoire tient au fait que celui qui détient un avantage dans un secteur du marché le transmet et donne ainsi un avantage concurrentiel à la personne qui se trouve dans l'autre domaine, particulièrement, disons, dans le domaine de l'assurance. Dans ce domaine-ci, les banques, étant donné l'influence considérable qu'elles exercent sur le client, obtiennent ainsi un avantage injuste dans le domaine de l'assurance, et vous pensez qu'il faut resserrer les règles qui s'appliquent.
Je sais, d'après mes souvenirs d'avocat, que la Loi sur la concurrence complique un peu les choses pour qui veut intenter des poursuites lorsqu'il y a vente liée, et vous entrez donc dans un domaine qui exige que vous fassiez des distinctions très subtiles. Qu'en est-il de votre industrie? Un bon nombre de vos membres se livreraient aussi à d'autres activités, n'est-ce pas? Ils vendraient des fonds mutuels, des choses de ce genre, n'est-ce pas?
M. Couillard: Oui.
M. Graham: Est-ce qu'ils ne se buteraient pas eux aussi à des problèmes du fait qu'ils seraient engagés dans plus d'une activité, et ne pourraient-ils pas se retrouver pour ainsi dire pris au piège qu'ils ont tendu à d'autres si les règles deviennent trop compliquées?
M. Couillard: Non, je ne crois pas. On accorde des escomptes. C'est dans l'intérêt du consommateur, si vous pouvez obtenir un meilleur prix parce qu'il y a des choses que vous faites ensemble. On voit ça, si vous voulez, avec les voitures de fonction. Si vous achetez un certain nombre de voitures, on vous offre un rabais. C'est ce qui se fait. C'est une pratique commerciale normale.
La vente liée devient malsaine dans les cas où la marge de crédit de l'entrepreneur doit être renouvelée, ou si celui-ci veut prendre une hypothèque pour agrandir son entreprise, et la banque lui dit alors qu'elle lui donnera ce qu'il veut à condition qu'il fasse autre chose, par exemple lui confier tous ses REER, ce genre de choses. Lorsque toutes ces choses sont liées, c'est malsain. Ce que vous faites de ces autres produits et services ne devrait avoir rien à voir, rien de tout cela ne saurait être lié au crédit dont vous avez besoin pour agrandir votre entreprise, ou pour faire autre chose. C'est là où nous pensons que c'est destructeur. Si je peux offrir au consommateur des prix plus bas, comme cela se fait dans les autres industries, cela profite au consommateur. Mais le consommateur ne gagne rien lorsque cela devient malsain et qu'on met les gens dans des situations où ils n'ont plus le choix. Ils ont besoin de crédit, ils doivent obéir.
M. Graham: Vous mentionnez les banques parce que de toute évidence, elles jouissent d'un pouvoir énorme dans ce domaine. Est-ce qu'il y a d'autres institutions qui vous inquiètent, ou craignez-vous essentiellement que les banques étendent leur pouvoir?
M. Couillard: C'est le crédit qui compte avant toute chose. Ce sont les banques qui font crédit. Les cinq banques de l'annexe I contrôlent 75 p. 100 des prêts au Canada. Avec un pouvoir comme celui-là, elles peuvent faire beaucoup de mal aux consommateurs.
M. Babcock: Monsieur Graham, on peut en dire autant, bien sûr, des compagnies d'assurance-vie. Elles disposent d'information considérable sur les consommateurs ou les titulaires de police, mais les dispositions sur les ventes liées dans les lois provinciales régissant les assurances sont très fermes, contrairement à celles qu'on trouve dans la Loi sur la concurrence fédérale, et je pense que vous avez raison de dire qu'il y a peu de poursuites qui ont abouti à ce niveau. Si l'on veut resserrer les dispositions fédérales concernant la vente liée, je pense qu'il appartient à ceux qui vont procéder à cet exercice de consulter les provinces pour prendre connaissance des dispositions qui interdisent certains aspects de la vente liée, dispositions que l'on trouve dans les lois provinciales régissant l'assurance. C'est vrai, de manière générale, des provinces où la common law est de règle, ainsi que du Québec.
M. Graham: C'est un conseil très utile. Merci.
M. Babcock: C'était seulement pour rétablir un peu les choses...
M. Graham: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Graham. Je vous remercie de vous être joint à nous, vous qui êtes du Comité des affaires étrangères.
Au nom de tous mes collègues, je vous dis ma reconnaissance pour cet exposé très bien fait et très lucide sur ce que nous devons faire à l'avenir. Nous avons déjà collaboré avec vous par le passé. Vous avez été un témoin important pour le Comité des finances, et nous tenons à vous remercier pour les conseils et les renseignements que vous nous avez donnés, pas seulement aujourd'hui mais aussi par le passé. Nous serons heureux de collaborer avec vous de nouveau à l'avenir.
Merci beaucoup.
Le comité reprendra ses travaux demain après-midi, à 15 h 30.
La séance est levée.