[Enregistrement électronique]
Le jeudi 26 septembre 1996
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte. Le Comité des finances de la Chambre des communes reprend ses audiences sur les propositions de modifications à la législation régissant les institutions financières.
Nous recevons ce matin quelqu'un que nous connaissons bien, qui a déjà comparu devant notre comité et que nous nous réjouissons d'entendre à nouveau, monsieur Duff Conacher de Démocratie en surveillance. Bienvenue, monsieur.
M. Duff Conacher (coordonnateur, Démocratie en surveillance): Merci beaucoup, monsieur le président et merci beaucoup de cette invitation à comparaître devant votre comité à cette occasion.
J'ai un bref exposé à faire et je serai ensuite heureux de répondre à vos questions sur ce sujet très important - important pour beaucoup de consommateurs de tout le pays.
L'examen de la législation régissant le secteur financier est important pour beaucoup de Canadiens car ils sont nombreux à transiger avec les institutions financières. Plus de 20 millions de Canadiens sont des déposants et beaucoup détiennent aussi une police d'assurances si bien que la Loi sur les banques, la Loi sur les sociétés de fiducie et la Loi sur les sociétés d'assurances les touchent directement.
Il existe diverses raisons pour lesquelles dans cet examen, les intérêts du consommateur devraient primer. Tout d'abord, sans l'argent et les économies des Canadiens, nombre d'institutions financières n'existeraient pas. En outre, les contribuables et l'État sont ceux qui depuis des décennies accordent protection et de nombreux privilèges - en particulier aux banques - si bien que les Canadiens ont le droit de savoir ce que les institutions financières font de leur argent et comment elles le gagnent, et ont également le droit d'être protégés par des lois vigoureuses sur la protection des consommateurs.
La concentration dans le secteur des services financiers a aussi été facilitée par les fonds des contribuables qui ont permis aux banques de prendre le contrôle de sociétés de fiducie en difficulté et de couvrir les pertes de ces sociétés.
À l'heure actuelle, les cinq grandes banques contrôlent environ 70 p. 100 de tous les actifs des institutions financières de dépôt du pays, 80 p. 100 des prêts aux PME, plus de 80 p. 100 des actifs de pratiquement toutes les grandes sociétés de courtage, toutes les grandes sociétés de fiducie sauf deux et la majorité des dépôts, du crédit à la consommation, des prêts aux PME et des prêts hypothécaires.
Elles pénètrent aussi dans le secteur des fonds mutuels et contrôlent maintenant déjà - simplement parce que ces neuf dernières années elles ont pu pénétrer ce secteur - plus de 30 p. 100 du total de ces actifs.
Si les grandes banques sont parvenues à obtenir un tel contrôle de ces marchés, c'est grâce aux subventions des contribuables et à la protection de l'État. En échange de ces privilèges et de ces protections, elles devraient être tenues de rendre quelque chose au Canada et assumer vis-à-vis de leurs clients des responsabilités supérieures à celles que l'on impose à d'autres sociétés.
Étant donné la protection et les privilèges dont elles jouissent depuis des décennies, nous estimons que les banques sont beaucoup plus des entreprises d'utilité publique que des sociétés privées. Les entreprises d'utilité publique telles que les compagnies d'hydro-électricité, d'eau et de téléphone se voient accorder le grand privilège d'une quasi-exclusivité dans la production et l'exploitation de richesses naturelles, qu'il s'agisse d'ondes ou d'eau.
De même, les banques ont reçu le privilège important de jouer le rôle principal dans la production et l'exploitation d'une richesse créée par l'homme - autrement dit, l'argent. Les services d'utilité publique et les banques jouissent de la confiance du public dans la gestion de ces richesses et devraient donc dans bien des domaines de leur activité satisfaire à des normes supérieures que d'autres sociétés.
Si l'on considère le document de travail qui a été préparé par le ministère des Finances à propos de l'examen de la législation régissant le secteur financier en 1997, on doit malheureusement constater que l'on ne demande rien de plus aux institutions financières. Surtout pour ce qui est de la protection des consommateurs, la plupart des propositions sont insuffisantes et montrent malheureusement que ces dernières années, l'État a préféré plutôt que d'imposer quoi que ce soit par règlement ou par voie législative, demander à ces institutions de s'autoréglementer ou d'accepter certaines règles facultatives.
On dira que cela coûte moins cher - parce que l'état n'a pas besoin de mécanisme coûteux de mise en application - mais cela n'a pas encore été prouvé. Le gouvernement étudie enfin, dans le cadre du projet d'Industrie Canada sur les codes d'autoréglementation, l'efficacité de l'observation volontaire. Nous estimons que d'autres études, telles que le sondage sur la gestion de l'environnement de KPMG en 1994 et une étude par le Centre de défense de l'intérêt public, ont démontré que ces codes sans caractère obligatoire ne sont efficaces que dans des circonstances très spéciales.
Malheureusement, nombre des propositions faites par le gouvernement en ce qui concerne la protection des consommateurs ne respectent pas ces critères d'application. Ceux-ci sont en effet les suivants: premièrement, la mise en application est-elle indépendante et le service dispose-t-il des ressources nécessaires? Deuxièmement, les institutions et l'organisme de mise en application sont-ils tenus responsables devant le grand public? Troisièmement, existe-t-il des mécanismes d'appel pour les clients insatisfaits? Quatrièmement, y a-t-il des sanctions en cas de non-respect du code? Cinquièmement, le gouvernement appuie-t-il la mesure?
Je vais rapidement passer en revue les mesures proposées dans le document de travail, en vous indiquant en quoi chacune d'elles ne satisfait pas à ces cinq critères. Il ne s'agit pas simplement de critères d'organismes extérieurs qui ont étudié l'efficacité de l'application sans caractère obligatoire. On peut également espérer qu'ils sont également considérés comme intrinsèques à tout système de réglementation envisagé par l'État dans le document de travail lui-même. Cela nous a un peu intrigués car à la page 21 de ce document, on lit:
- Une réglementation est indéniablement nécessaire dans le secteur financier. Non seulement
protège-t-elle le consommateur, mais elle énonce «les règles du jeu» grâce auxquelles le
secteur peut fonctionner de manière harmonieuse.
Le seul domaine dans lequel on propose des règlements est la protection des renseignements personnels. Mais, là encore, il n'y a pas d'organe de mise en application indépendant ni efficace ou tenu responsable de quoi que ce soit, avec un mécanisme d'appel et des sanctions en cas d'infraction. En fait, il est proposé que l'institution financière choisisse, paie et dirige quelqu'un qui représenterait «l'organe de mise en application» - et qui serait de ce fait en conflit d'intérêts évident - et totalement inefficace.
Même dans le seul domaine où le gouvernement déclare qu'il va réglementer les choses, la mise en application n'existera pas si bien que ces règlements ne serviront pratiquement à rien.
Deuxièmement, pour ce qui est du coût des services financiers, le gouvernement dit simplement que les consommateurs peuvent aller voir ailleurs si les choses sont expliquées plus clairement. Alors que nous trouvons encourageant que l'État reconnaisse qu'il n'est pas toujours facile de comparer les tarifs, nous estimons qu'il devrait être obligatoire, non seulement d'indiquer clairement à l'avance ce que coûtent les services et de le faire de façon uniforme, mais également de dévoiler le coût de revient de ces services, et non pas seulement le tarif demandé. C'est un domaine dans lequel les banques devraient faire plus que les autres sociétés.
À l'heure actuelle, les rapports sur leurs bénéfices ne permettent pas de déterminer si elles exploitent leurs clients en leur faisant payer des droits exorbitants ou si elles utilisent ces recettes pour compenser des pertes dans des secteurs comme leurs opérations étrangères qui ne profitent pas beaucoup aux consommateurs canadiens ni à l'économie canadienne. L'État devrait exiger que les banques, les sociétés de fiducie et les sociétés d'assurances divulguent ces renseignements.
Pour ce qui est de l'accessibilité aux services financiers de base, là encore, l'État déclare qu'il examinera cela avec les institutions financières. Plusieurs organismes à but non lucratif, dont un que vous entendrez dans la matinée - ACEF-Centre de Montréal - travaillent depuis des années à cette question avec des institutions financières et se sont toujours heurtés à un mur.
Il est évident que les banques et les sociétés de fiducie doivent être tenues d'ouvrir un compte à quiconque le demande, d'encaisser légitimement les chèques du gouvernement sans faire payer quoi que ce soit et de limiter la retenue de tous les fonds déposés. Cela est certes nécessaire si l'on veut veiller à ce que les gens à faible revenu - les consommateurs les plus vulnérables - puissent au moins recevoir des services bancaires élémentaires. Là encore, les banques et sociétés de fiducie devraient être tenues d'assurer ces services en échange des privilèges et protections dont elles jouissent. Elles devraient être appelées à offrir à leurs clients un service supérieur à celui qu'offrent d'autres sociétés.
Pour ce qui est du coût de crédit et de la divulgation de ce coût, elles devraient être tenues non seulement d'indiquer le coût du crédit clairement à l'avance et de façon uniforme - sachant que la Loi américaine de 1988 intitulée Fair Credit and Charge Card Disclosure Act offre un très bon modèle qu'il serait utile d'examiner. Encore une fois, les institutions financières devraient être tenues de divulguer le coût de leurs opérations de carte de crédit par rapport aux recettes qu'elles tirent de ces opérations afin que nous sachions si leurs taux d'intérêt sont justifiés, si les frais de carte sont justifiés et si elles offrent vraiment ce service de façon économique.
Les courtiers vous ont parlé de vente liée. Nous estimons qu'il serait bon d'examiner plus avant cette question, mais nous nous demandons s'il ne serait pas préférable de tout simplement interdire cela. Au moins les clients auraient-ils ainsi le droit de s'adresser à un organe d'exécution qui, nous l'espérons, serait indépendant, et de dire: «On m'a mis dans cette situation que je juge injuste et je demande que cela soit rectifié».
Mais le gouvernement devrait faire un véritable sondage, comme il l'a fait à d'autres sujets, et comme l'a fait l'ACEF à propos de l'accessibilité des services bancaires de base. Le Centre vous en reparlera dans la matinée, j'en suis certain. Le gouvernement pourrait faire quelque chose à partir de cette étude.
Nous estimons par ailleurs que des domaines ne sont pas abordés dans ce document de travail et que le point de vue des consommateurs devrait être pris davantage en considération. Tout d'abord, le gouvernement examine toujours l'incidence que pourrait avoir tel ou tel règlement ou loi proposé sur les entreprises et indique clairement quand il envoie un tel questionnaire aux entreprises: "Ce questionnaire vous permet" - vous, signifiant les entreprises "d'influer sur le processus d'élaboration des politiques du gouvernement". On peut se demander ce qu'il en est de questionnaires similaires destinés aux consommateurs? Pourquoi le gouvernement ne procède-t-il pas à ce genre de sondage auprès des consommateurs lorsqu'il se propose de présenter un projet de loi? Cela n'existe pas.
Cela montre que bien qu'il soit question des consommateurs dans ce document de travail, on ne leur accorde pas l'importance qu'ils méritent. J'espère que vous qui êtes élus comprendrez que vous avez davantage d'électeurs qui sont des déposants que des dirigeants d'institutions financières.
Nous estimons en outre que dans certains des autres domaines, on devrait exiger que soient divulguées les statistiques concernant les prêts, ce que le Comité de l'industrie examine mais que votre comité devrait également considérer; on devrait aussi exiger que soient réinvesties certaines sommes pour corriger toute discrimination dans les prêts qu'aurait révélée la divulgation des statistiques concernant les prêts; enfin, il faudrait examiner les dispositions dont je parle dans mon mémoire que l'on est en train de traduire. Nous disons également un mot sur les propositions touchant les restrictions aux opérations avec apparentés et les conflits d'intérêts au sein des institutions financières.
Il y a aussi un chapitre sur la situation du conseil et sur la composition des conseils d'administration des institutions financières. Nous estimons que la restriction concernant les conflits d'intérêts devrait être très stricte et que des conditions devraient être imposées pour garantir que les intérêts des consommateurs et de la collectivité sont bien représentés au sein des conseils des institutions financières et que les actionnaires puissent proposer des mesures de responsabilité sociale aux assemblées d'actionnaires.
Je reviens à l'instant aux mesures de protection des consommateurs pour dire que nous avons à l'heure actuelle dans les banques des ombudsmen qui, là encore, sont choisis, payés et dirigés par les banques. Ils se trouvent donc tous dans une situation de conflit d'intérêts fondamental qui les met au service des banques et les rend de ce fait parfaitement inefficaces pour protéger les consommateurs.
Nous aurions deux recommandations à faire à ce sujet. D'une part, il devrait exister un ombudsman nommé par l'État et indépendant pour l'ensemble des secteurs des services financiers. J'ai parlé des ombudsmen pour les services bancaires. Lorsque l'on parle des sociétés de fiducie et des sociétés d'assurances, ce recours n'existe même pas, les gens n'ont nulle part où aller lorsqu'ils veulent porter plainte, même si jusqu'ici de tels systèmes nous semblent inefficaces. Le gouvernement devrait donc nommer un ombudsman indépendant pour toutes les institutions financières. Il pourrait exiger que celles-ci financent un tel service. Il n'y a aucune raison que cela ne puisse marcher tout comme le Bureau du surintendant des institutions financières qui est lui-même financé par celles-ci.
Pour ce qui est de notre deuxième recommandation, ceux d'entre vous qui étaient à l'audience ou qui ont lu l'exposé que nous avions fait en août dernier savent... et j'espère que vous avez également tous, sinon le mémoire complet, du moins cette feuille de questions et réponses sur l'Organisation des clients de services financiers.
Je vais vous expliquer clairement comment pourrait être créée cette organisation. Ce serait le gouvernement fédéral qui exigerait que les banques, les sociétés de fiducie et les sociétés d'assurances relevant du gouvernement fédéral joignent un prospectus d'une page aux relevés de comptes, comptes de cartes de crédit et comptes d'assurances qu'elles envoient à leurs clients. Ce feuillet les inviterait à payer une cotisation minime pour adhérer à l'Organisation des clients de services financiers. C'est un mécanisme qui a bien marché pour constituer une organisation des clients des services d'utilité publique aux États-Unis et qui est nécessaire au Canada pour permettre aux consommateurs de s'associer pour se protéger en matière de services financiers.
À l'heure actuelle, nous sommes complètement écrasés par les lobbyistes et par les contributions que les institutions financières versent aux partis politiques. Environ 100 lobbyistes à plein temps travaillent pour les institutions financières au Canada et suivent chacun de vos mouvements et chacun des mouvements de l'administration. Ils donnent des millions de dollars aux partis politiques et ne représentent pas les consommateurs qui sont vos électeurs. C'est ce que nous et certains autres groupes essayons de faire mais, tous ensemble, si l'on ajoutait notre temps, cela représenterait environ deux personnes à plein temps qui essayent de représenter les intérêts de plus de 20 millions de consommateurs.
Je terminerai en vous donnant quelques exemples - que vous retrouverez à l'annexe B de notre mémoire - d'autres prospectus qui ont été envoyés par des institutions financières en même temps que leurs relevés habituels.
Celui-ci a été envoyé par l'Association canadienne des compagnies d'assurance mutuelles et expose sa position dans le débat sur la question de savoir si les banques devraient pouvoir vendre des services d'assurance dans leurs filiales. Cela a été envoyé à tous leurs clients dans leurs enveloppes de relevés. On y dit à la fin qu'il existe de bonnes raisons pour que l'État et les consommateurs refusent d'accorder d'autres pouvoirs aux banques à l'occasion de l'examen actuel de la législation sur les services financiers et l'Association invite les consommateurs à contacter le gouvernement.
Si je vous montre cela, c'est pour que vous compreniez que ce n'est pas une idée nouvelle, que l'on envoie déjà souvent ce genre d'information ou de sollicitation en même temps que les relevés ou autre correspondance.
Le gouvernement fédéral a envoyé un avis à propos du recensement dans les enveloppes de relevés de comptes de cartes de crédit des institutions financières.
La Banque Royale a envoyé cet avis pour indiquer qu'elle appuyait l'Association olympique canadienne, en annonçant un concours - encore une fois, une bonne cause, mais pourquoi ne devrait-il s'agir que d'envois qu'elle est prête à envoyer à ses déposants? Pourquoi ne pas permettre aux déposants qui recevraient un prospectus à cet effet de décider s'ils veulent ou non adhérer à une association de protection des consommateurs de services financiers qui pourrait défendre leurs intérêts sur les marchés financiers?
Enfin, la Banque Royale a également envoyé ce prospectus pour l'exposition du lion blanc au Zoo de Toronto - autre événement intéressant, autre chose qu'elle souhaite signaler à ses clients, quelque chose qu'elle décide et non pas quelque chose que ses actionnaires ou ses clients auraient décidé. Encore un autre exemple de prospectus utilisé pour informer et réunir des fonds ou pour organiser ou défendre une cause spéciale.
Nous demandons simplement la même chose, quelque chose en échange des privilèges et protections dont jouissent les institutions financières, en particulier les banques, depuis des décennies grâce à l'action de nombreux gouvernements fédéraux.
Je terminerai sur cette note en espérant que vous penserez aux consommateurs qui sont vos électeurs ainsi qu'à ce que l'on a fait pour les clients de la télédistribution cette dernière semaine et que vous inviterez le gouvernement à renforcer toutes les mesures de protection des consommateurs contenues dans ce document de travail et dans les règlements qu'il devrait proposer dans les prochains mois à l'occasion de l'examen de 1997 de la législation régissant le secteur financier. Que vous demanderez d'autre part que soit adoptée cette méthode très simple qui ne coûte rien au gouvernement ni aux institutions financières et qui donne aux consommateurs la possibilité d'adhérer à une association de défense des consommateurs de services financiers qui serait dirigée par eux-mêmes, financée également par eux et qui défendraient leurs intérêts sur le marché.
Je sais que lorsque les banques dans quelques mois annonceront qu'elles ont réalisé 6 milliards de dollars de bénéfices, beaucoup de consommateurs partout au pays vous écriront à la Chambre des communes, Ottawa, K1A 0A6, pour vous dire que vous feriez bien de faire quelque chose pour eux parce qu'ils savent qu'avant longtemps, vous viendrez frapper à leur porte et qu'ils vous demanderont pourquoi vous n'avez pas empêché les banques de vendre des services d'assurances ou du crédit-bail sur les automobiles, etc.; on a déjà fait ce genre de chose dans d'autres secteurs. Malheureusement, jusqu'ici, on a l'impression que chacun essaie de défendre ses intérêts et il est grand temps que l'État fasse quelque chose enfin pour le consommateur.
Merci beaucoup.
Le président: Merci, monsieur Conacher.
Pourrions-nous commencer les questions par M. Grubel ou M. Schmidt.
M. Grubel (Capilano - Howe Sound): Monsieur Conacher, c'est toujours un plaisir de vous voir. Votre exposé est encore mieux présenté et j'admire beaucoup votre idéalisme et le fait que vous souhaitiez aider les pauvres et les consommateurs.
J'ai étudié l'économie politique pendant longtemps et j'en suis arrivé à la conclusion qu'il y a deux façons de protéger le consommateur. L'histoire le prouve maintes et maintes fois et nous pourrions en parler pendant des heures. On peut adopter des règlements, entraver un peu la liberté d'entreprise - et je conviens que ce n'est pas absolument la libre entreprise dans ce secteur - d'une part, et on peut veiller à ce que règne une saine concurrence, d'autre part.
Je ne sais pas si les banques font payer trop cher leurs services, si elles se montrent frivoles dans les produits qu'elles offrent, si elles font de la discrimination envers les pauvres, etc., etc., mais l'histoire de l'humanité nous a prouvé que dans tous les pays, les plus pauvres s'en tirent mieux dans un régime de libre entreprise.
Je tiens autant que vous à ce que les pauvres et les consommateurs soient traités de façon équitable, mais il y a deux façons diamétralement opposées d'y arriver. L'une est d'aller demander à l'État d'exiger que les banques fassent certaines choses qu'elles ne veulent pas faire. L'autre est de s'assurer que les banques font face à une sérieuse concurrence.
Combien y a-t-il de nouvelles possibilités de cartes de crédit aujourd'hui au Canada par rapport à il y a 20 ans? Avez-vous jamais étudié cela? Vous devriez le faire. Il y a énormément de concurrence.
Nous avons entendu dire hier que MasterCard veut venir au Canada et veut diminuer le taux d'intérêt qui est en moyenne de 21 p. 100. On nous a expliqué que si ces taux sont tellement élevés c'est parce que les pertes sont également très élevées pour les banques. MasterCard a trouvé un moyen de réduire ces pertes. Aux États-Unis, ils ont ramené ces taux qui étaient supérieurs à 20 p. 100 à moins de 10 p. 100. C'est une bonne façon de protéger le consommateur: il suffit d'accroître la concurrence.
Pour les prêts, nous avons un témoin qui est venu nous expliquer comment les gens à qui ces méchantes banques ont refusé un prêt viennent s'adresser à lui et repartent très contents des conditions qui leur ont été offertes.
C'est par la concurrence que l'on obtient des résultats. Voilà la première chose que je voulais dire. Vous devriez vraiment examiner et comparer ces deux solutions.
Pour ce qui est de la solution que vous proposez, avez-vous jamais suivi un cours de comptabilité?
M. Conacher: Oui, monsieur.
M. Grubel: Avez-vous jamais étudié les problèmes que les services d'utilité publique et toutes les entreprises rencontrent lorsqu'il s'agit de faire la distinction entre coût marginal et coût moyen?
M. Conacher: Oui.
M. Grubel: Êtes-vous prêt à dire qu'il est possible pour les banques de donner des chiffres fiables sur le coût marginal réel de tel ou tel service qu'elles offrent sur tel ou tel compte, par exemple. Seriez-vous prêt à recommander qu'un service gouvernemental ou vous-même alliez dans chaque banque pour voir si elle a convenablement calculé son coût moyen par rapport au coût marginal avant d'établir son prix?
M. Conacher: Tout d'abord, pour ce qui est de la concurrence, si l'on considère la situation du point de vue de l'économie politique classique, on suppose toujours, qu'il s'agisse de laissez-faire ou d'intervention, que le consommateur est bien informé. La concurrence, parce qu'il est très difficile de comparer les tarifs pratiqués, n'existe pas dans bien des cas.
En 1987, un rapport du Comité des finances avait conclu que les prix et taux d'intérêt des cartes de crédit étaient indiqués de façon tellement variée que l'on n'y comprenait rien et que cela rendait le choix impossible.
M. Grubel: Je suis d'accord avec vous là-dessus.
M. Conacher: Tout ce que nous demandons, c'est que les choses soient simplifiées et que les coûts de revient soient connus afin qu'on puisse les comparer aux tarifs pratiqués.
M. Grubel: D'accord, mais pouvez-vous me dire si vous comprenez réellement la différence entre deux automobiles que l'on veut vous vendre. Voudriez-vous maintenant qu'on vous indique de façon simplifiée la différence d'épaisseur des câbles sur une Lincoln Continental et sur une Chevette? Voulez-vous savoir précisément si le consommateur se fait en fait avoir parce que la Chevette n'est pas suffisamment meilleur marché que la Lincoln alors que ses câbles sont 50 p. 100 moins épais? On peut dire la même chose à propos de produits alimentaires, des produits électroniques - de tout.
M. Conacher: J'en conviens.
M. Grubel: Avez-vous jamais considéré le coût social de ce genre de chose? Pourquoi le faire pour ceux-ci et non pas pour tous les autres produits au monde?
M. Conacher: Là encore, c'est simplement parce que vous parlez d'accroître la concurrence. Si nous pouvions remonter quelques décennies en arrière, la solution serait peut-être simplement d'ouvrir les frontières et de supprimer les obstacles à la concurrence, mais l'on ne peut pas revenir sur le contrôle que détiennent actuellement les banques. D'autre part, comme les banques...
M. Grubel: Puis-je vous interrompre à ce sujet?
M. Conacher: Permettez-moi simplement de dire une chose. Un témoin que vous avez entendu et que le Comité de l'industrie a également reçu, la Banque de Hongkong du Canada - a déclaré comme d'autres banques étrangères le feront et comme cela a déjà été dit dans un article de l'Association des banquiers canadiens, qu'ils ne peuvent assurer de services bancaires de détail tellement cela coûte cher. La seule raison pour laquelle la Banque de Hongkong du Canada a des succursales, c'est qu'elle a pris le contrôle de deux banques qui ont fait faillite.
M. Grubel: Mais vous voyez, vous exposez un problème de votre point de vue et je ne suis pas sûr que je dirais comme vous que les banques imposent des frais trop élevés.
M. Conacher: Je ne l'affirme pas non plus. Tout ce qu'il faut c'est que les renseignements soient divulgués.
M. Grubel: Il y a deux façons d'attaquer ce problème. Il y a la voie des gauchistes, la voie socialiste, la voie finalement communiste. Vous exigez que tout le monde révèle exactement le prix de revient de cette ampoule sur la voiture à vendre de sorte que l'on puisse estimer de façon exacte sa valeur et faire un choix rationnel. L'autre solution est de consacrer son énergie et ses ressources considérables à faire ce qui est bien et à déclarer qu'il n'est pas normal que le Canada ait des lois qui limitent la concurrence dans le secteur financier. C'est la voie que je vous inviterais à suivre.
Permettez-moi de vous poser une dernière question. Vous estimez qu'il est tout à fait évident que les banques devraient être tenues d'offrir des services spéciaux aux pauvres. Est-ce bien ce que vous dites? Je puis vous citer.
M. Conacher: Oui, en échange de...
M. Grubel: Donc, si quelqu'un est pauvre, pourquoi ne pas lui donner de l'argent? Si quelqu'un est vraiment pauvre, il mériterait d'avoir plus d'argent. Mais comprenez-vous ce qu'il en coûtera à la société si l'on demande aux concessionnaires automobiles, aux banques - qui sont tous protégés d'une façon ou d'une autre par l'État - pizzerias, à quiconque, de donner un bon prix aux pauvres? À quel genre de société aurons-nous alors affaire? Pourquoi demander cela aux banques? Pourquoi ne vous en prenez-vous pas également aux vendeurs de voitures ou de produits électroniques, de vêtements et de chaussures?
M. Conacher: Tout d'abord, nous sommes au Comité des finances et nous participons à des audiences sur la législation bancaire. C'est surtout pour cette raison que je parle des banques ce matin.
Deuxièmement, 95 p. 100 du capital des banques est constitué de l'argent des déposants et, compte tenu des protections et des privilèges dont elles bénéficient depuis des années, les banques devraient remettre quelque chose en retour. On devrait leur imposer des normes plus élevées, comme on le fait pour les services publics. À titre d'exemple, les services publics qui assurent le chauffage ne peuvent pas interrompre le service en hiver, même si les factures sont impayées. En effet, nous ne souhaitons pas que les personnes à faible revenu gèlent dans leur maison en hiver parce qu'elles manquent d'argent à un moment donné.
Troisièmement, c'est de concurrence qu'il s'agit. Les porte-parole des banques étrangères vont venir répéter qu'elles n'ont pas l'intention de se lancer dans les services bancaires au détail, de sorte que les consommateurs ne bénéficieront pas de la concurrence qui en résulterait. Ces banques se limitent aux créneaux des services de banque d'affaires à cause des coûts d'immobilisation élevés que nécessitent les services bancaires au détail. Nous ne demandons que la divulgation. Comme un sage l'a déjà dit, la lumière du soleil est le meilleur désinfectant. Il suffit d'exiger des banques qu'elles divulguent leurs coûts par rapport à leurs frais, et nous saurons très vite si oui ou non elles exploitent les consommateurs.
M. Grubel: Mais vous n'y êtes pas du tout, jeune homme. Où allez-vous obtenir les données sur les coûts? Si vous avez étudié l'économie, vous avez eu un très mauvais professeur en économie et en comptabilité.
J'ai une dernière chose à vous dire. Les secteurs de l'automobile et de l'électronique ont été protégés au Canada par le biais du Pacte commercial nord-américain. L'État leur a consenti des privilèges, pour une quelconque raison, bonne ou mauvaise, tout comme il l'a fait pour les banques. Il est tout simplement ahurissant d'appliquer ce que vous proposez à tous les secteurs auxquels l'État a consenti des avantages. Il est insensé, selon moi, de poser ce genre de question. Les coûts sont astronomiques. Les pays qui ont emprunté cette voie ont tous abandonné. Pourtant, vous nous poussez dans cette direction.
Je vous exhorte à vous pencher à nouveau sur la solution qui consiste à supprimer tout obstacle qui empêche les concurrents des banques de se manifester. Les banques ne devraient pas s'opposer à cela en principe étant donné que les concurrents ne viendront pas si les banques n'imposent pas de frais excessifs. C'est peut-être justement pourquoi les concurrents ne viennent pas. C'est peut-être parce que, de fait, les taux des banques sont concurrentiels. Je vous invite donc à employer vos énergies à approfondir cet aspect.
Voilà, monsieur le président. C'est tout ce que j'avais à dire. Merci beaucoup. Vous pouvez peut-être passer maintenant au prochain groupe.
M. Conacher: Si vous me permettez de réagir brièvement à ces propos, je dirai que, aux États-Unis, qui constituent pour bien des gens le coeur même du capitalisme, bon nombre des mesures dont j'ai parlé sont déjà en application: divulgation de statistiques sur le prêt; réinvestissement obligatoire si la divulgation permet de constater des pratiques de prêt discriminatoires; et divulgation uniforme des frais et des taux d'intérêt des cartes de crédit.
Enfin, je ne crois tout simplement pas que la concurrence parfaite existe lorsque les vendeurs sont organisés, mais que les acheteurs ne le sont pas. Je veux dire par là que tous les vendeurs s'emploient à représenter leurs intérêts, non seulement sur le marché mais aussi sur le plan politique. Toutes les associations, les sociétés d'assurances ou de fiducie et les banques qui vous ont fait valoir leurs points de vue l'ont fait grâce à l'argent des consommateurs. Elles refilent aux consommateurs les coûts de leurs activités de lobbying et de leurs dons aux partis politiques. La concurrence parfaite n'existera que lorsque les concurrents seront nombreux, lorsqu'ils seront tous organisés et lorsqu'ils représenteront les intérêts des divers secteurs, y compris les organisations de consommateurs.
Si vous souhaitez vraiment favoriser la concurrence, il me semble que vous devez appuyer la proposition d'une organisation de consommateurs de services financiers et inciter le gouvernement à imposer une telle exigence aux institutions financières qui relèvent d'une loi fédérale.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Grubel.
Trois députés libéraux m'ont signalé qu'ils souhaitaient poser des questions.
Monsieur Duhamel.
M. Duhamel (Saint-Boniface): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de votre exposé. Très brièvement, j'aurais deux questions à aborder.
Tout d'abord, à titre de député, je reçois un certain nombre de plaintes au sujet des banques de la part de citoyens et de petites entreprises. Or, j'ai pu constater que, depuis la création du poste d'ombudsman, un certain nombre de problèmes ont été résolus.
Je tenais donc à vous inviter à faire preuve de retenue dans le jugement assez sévère que vous portez sur les ombudsmen, disant que, puisqu'ils sont rémunérés par les banques, ils sont tout simplement à leur solde. Dans certains cas portés à ma connaissance, où je n'étais pas satisfait de la décision de l'ombudsman, j'ai demandé à certaines personnes d'étudier la question. Or, elles ont abouti à la même conclusion. Cela ne veut pas dire que le système ne peut pas être amélioré. Cependant, j'estime qu'il s'agit d'un service additionnel précieux et qu'il y aurait peut-être lieu de voir comment on peut l'améliorer.
Voici donc la question que je voulais poser. Vous intéressez-vous surtout aux pauvres, qui sont laissés pour compte à certains égards ou qui arrivent difficilement à obtenir des services, ou bien vous intéressez-vous à l'ensemble des consommateurs?
M. Conacher: Nous nous intéressons à l'ensemble des consommateurs. Tous les consommateurs qui reçoivent un état bancaire ou une facture de carte de crédit recevraient un feuillet au sujet d'une organisation de consommateurs de services financiers pouvant leur fournir certains renseignements. Évidemment, ceux qui n'ont pas suffisamment de ressources pour embaucher un planificateur financier ou pour confier leurs opérations bancaires à des intermédiaires sont les plus vulnérables sur le plan de l'accès à l'information ou même sur le plan plus fondamental de l'accès aux services financiers de base comme le fait de pouvoir encaisser un chèque du gouvernement, ouvrir un compte, etc.
Pour ce qui est de vos commentaires au sujet des ombudsmen des banques, ces dernières n'ont certainement pas transmis par la poste avec leurs envois un feuillet qui signalait l'existence de l'ombudsman, qui donnait son adresse, et qui décrivait les diverses étapes de la formulation d'une plainte.
M. Duhamel: J'ai fait parvenir cette information à tous mes électeurs par envoi postal.
M. Conacher: Oui, mais vous êtes un homme politique qui assume ses responsabilités sociales. Peut-on en dire autant des entreprises?
Le fait que personne ne soit au courant des mécanismes d'acheminement des plaintes aura tout d'abord pour effet de limiter le nombre de plaintes. Les banques sont très capables lorsque vient le moment de totaliser le nombre de transactions sur carte de débit - l'augmentation prouve évidemment que tout le monde doit adorer les cartes de débit - et de totaliser le nombre de transactions bancaires automatiques, ce qui prouve bien entendu que tout le monde doit adorer les guichets automatiques, puisque leur utilisation est à la hausse.
Pourtant, elles semblent incapables de totaliser le nombre de plaintes au sujet du fait qu'elles n'informent pas les consommateurs dans leurs envois postaux de l'existence des mécanismes de traitement des plaintes.
Ainsi avons-nous des ombudsmen bancaires choisis, rémunérés et dirigés par les banques. Ils sont en conflit d'intérêts. De plus, la plupart des consommateurs ne connaissent pas l'existence des mécanismes de traitement des plaintes.
Des enquêtes ont également montré que la plupart des caissiers ne sont même pas au courant. Je suis convaincu que l'ACEF pourra vous le confirmer.
Le président: Merci, monsieur Duhamel.
Monsieur Schmidt, s'il vous plaît.
M. Schmidt (Okanagan-Centre): Merci, monsieur le président. Mes questions devront être brèves; j'en ai plusieurs.
Voici la première. Vous souhaitiez interdire absolument la vente liée. Comment proposez-vous que cela se fasse?
M. Conacher: Je crois qu'il faut étudier la question davantage, mais on pourrait adopter une disposition à cet effet dès maintenant. Encore ici, il ne serait pas très difficile d'effectuer, en temps opportun, un sondage comme celui de l'ACEF.
M. Schmidt: Vous avez proposé...
M. Conacher: Oui.
M. Schmidt: ...que la vente liée soit interdite. Il doit bien y avoir une justification quelconque qui vous permet de proposer une telle chose. Comment pensez-vous l'interdire?
Tout d'abord, en quoi consiste la vente liée d'après vous? Moi, je le sais.
M. Conacher: Il y a vente liée lorsque l'acheteur ne peut obtenir un service de la banque sans également accepter un autre service.
Je dois dire que nous n'avons pas nous-mêmes reçu d'appels téléphoniques ou de plaintes au sujet de la vente liée. Voilà pourquoi nous estimons qu'il faut étudier la question davantage. Certains autres groupes de consommateurs pourront peut-être témoigner du fait que des consommateurs leur en ont parlé.
Je pense par exemple à la petite entreprise qui veut avoir un prêt et qui, pour cela, doit également consentir à confier toutes ses autres activités bancaires à cette même banque.
M. Schmidt: Interdiriez-vous également la coercition?
M. Conacher: Oui, la coercition est interdite dans les contrats.
M. Schmidt: Quel rapport existe-t-il entre la persuasion, la coercition et la vente liée? Seriez-vous en mesure d'établir la distinction entre les trois?
M. Conacher: La possibilité de choisir.
M. Schmidt: On a toujours la possibilité de choisir.
M. Conacher: On n'a pas nécessairement la possibilité de choisir si la banque nous oblige à faire telle ou telle chose.
Pour ce qui est de la persuasion, je n'ai pas apporté de feuillet. Cependant, plusieurs banques font parvenir avec l'envoi de la carte bancaire automatique un feuillet qui vante les avantages des transactions bancaires automatiques: économie de temps, absence de queues, moindres coûts, etc. Chaque banque ou société de fiducie a des arguments qui lui sont propres.
M. Schmidt: Est-ce une bonne chose?
M. Conacher: C'est très bien. Il s'agit d'informer le consommateur.
M. Schmidt: D'accord.
M. Conacher: Dans ce cas, on pourrait parler d'un effort en vue de persuader le consommateur d'utiliser les services. Évidemment, ce serait encore mieux si les banques nous disaient combien elles économisent lorsque les consommateurs utilisent ces services, combien de caissiers ont été mis à pied et de combien elles ont réduit leurs frais d'exploitation, mais on ne peut pas vraiment s'attendre à ce que les banques aillent si loin. Voilà pourquoi nous souhaitons la divulgation générale de leurs coûts et de leurs revenus.
La coercition va au-delà de la persuasion. Il y a coercition lorsqu'on profite de quelqu'un qui est en situation de vulnérabilité.
Il y a vente liée lorsque l'acheteur n'a pas la possibilité de choisir. Le fait d'accepter tel service implique qu'on doit accepter tel autre. Dans le cas d'une petite entreprise, un prêt serait consenti seulement si l'emprunteur acceptait également de s'assurer auprès de la filiale de la banque.
M. Schmidt: Ainsi, vous ne parlez pas du petit entrepreneur qui souhaite obtenir un prêt et qui se voit offrir un autre service, sans que ce service ne soit une condition d'obtention du prêt. Le fait d'avoir contracté un prêt à cette banque pourrait procurer à l'emprunteur des avantages qu'il n'aurait pas ailleurs. Dans ce cas, il ne s'agit pas de vente liée et il n'y a aucune forme de coercition.
M. Conacher: Non, si la possibilité de refuser les autres services existe.
M. Schmidt: D'accord. Ma dernière question porte sur les statistiques que vous souhaitez obtenir des banques en matière de coûts et sur divers autres sujets.
Je siégeais au Comité de l'industrie lorsque nous avons discuté de prêts bancaires à la petite entreprise.
M. Conacher: J'ose espérer que ces discussions vont se poursuivre.
M. Schmidt: Elles se poursuivent. Les banques comparaissent même trimestriellement devant le comité.
Il a surtout été difficile d'obtenir des statistiques fiables, pour une raison ou pour une autre.
M. Conacher: En effet.
M. Schmidt: De toute manière, il est très difficile et très coûteux d'obtenir ces chiffres. Je ne suis pas en train de proposer que nous ne devrions pas les exiger. Notre comité tient beaucoup à les obtenir et il tient à ce qu'ils soient fiables et clairs. J'abonde dans le même sens.
J'aimerais cependant vous demander si c'est ce que vous souhaitez pour l'ensemble des consommateurs. Prenons le consommateur canadien moyen. Serait-il en mesure de comprendre ces chiffres?
M. Conacher: De telles données statistiques existent pour le prêt hypothécaire aux États-Unis. À titre de membre du comité, vous en avez été informé, je l'espère, par un recherchiste ou quelqu'un d'autre.
Il existe des problèmes et nous croyons que la divulgation peut permettre de les régler. La lumière du soleil est le meilleur désinfectant.
M. Schmidt: Je ne suis pas du tout contre. Il faut cependant faire preuve de réalisme et de sens pratique en formulant une demande à cet effet.
M. Conacher: Évidemment, les propositions du genre sont difficiles à faire valoir puisque personne ne comptabilise les coûts sociaux de la discrimination qui existe peut-être. La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante fait un travail méritoire dont vous avez d'ailleurs entendu parler, mais personne ne comptabilise l'ensemble de ces coûts. Par contre, chaque fois que les banques comparaissent devant le Comité de l'industrie, elles ne ratent évidemment pas l'occasion de vous rappeler combien la collecte de données coûte cher.
Envisageons la chose en terme d'analyse coûts-avantages. Il se peut que ce soit difficile de quantifier en dollars les avantages de la divulgation que je propose. Par contre, les coûts sont très faciles à définir et il est possible de dire que la collecte des données va coûter 25 millions de dollars aux banques. Puisqu'on n'est pas en mesure de quantifier les avantages, on met l'accent sur les coûts.
M. Schmidt: Je crois que vous n'avez pas saisi ma question. Je vous ai demandé jusqu'où il faut aller dans l'analyse de ces chiffres si l'on veut que Joe Brown puisse les comprendre? Voilà où je veux en venir.
M. Conacher: C'est fort à propos que vous parliez de Joe Brown puisque, aux États-unis, la dimension du racisme n'est pas absente de la question des statistiques sur les prêts hypothécaires. Ces statistiques sont recueillies, corrigées et divulguées sans problème par le gouvernement, la Réserve fédérale et par les autres organismes de réglementation des États-Unis. Elles sont fournies aux médias et au grand public.
Elles se sont avérées très utiles aux États-Unis. Bon nombre de groupes de consommateurs l'ont constaté. Il faut dire qu'il n'est pas tellement difficile d'obtenir des données statistiques valables. Malheureusement, les banques ont réussi à retarder la publication de statistiques valables durant deux ans. Je suis convaincu qu'elles ont toujours eu ces statistiques, puisqu'elles s'en servent certainement pour la recherche de marchés.
M. Schmidt: J'espérais que vous alliez nous dire jusqu'à quel niveau vous souhaitiez aller. En matière de statistiques, les degrés de raffinement sont infinis.
M. Conacher: Pour les entreprises, il s'agirait de la taille et du type d'entreprise, de la taille et du type de prêt, des taux de perte sur prêts et de non-remboursement des prêts dans chaque cas. Pour la petite entreprise...
M. Schmidt: Nous parlons des consommateurs en ce moment. C'est beaucoup plus que...
M. Grubel: Par secteur ou pour l'ensemble du pays, par région,...
M. Conacher: Par code postal.
M. Grubel: Par code postal!
M. Conacher: En effet, par zone de tri postal. S'il est possible de le faire pour 11 000 banques aux États-Unis, nous devrions être en mesure de le faire pour nos six banques ici au Canada.
M. Schmidt: Si vous ventilez par code postal, j'aimerais savoir ce qu'il advient de l'exigence de protection des renseignements personnels. Si l'information est fournie par code postal, c'est pratiquement comme si on criait sur les toits le nom de la personne qui a contracté tel ou tel prêt.
M. Conacher: Non, tout serait fait conformément aux lignes directrices de Statistique Canada en matière de protection des renseignements personnels, soit les mêmes qu'applique l'organisme pour la collecte et la divulgation de renseignements concernant le recensement.
M. Schmidt: Évidemment, bien des gens soutiendraient qu'il y a menace à la vie privée dans ce cas-là également.
M. Grubel: Et la mesure de redressement viserait l'ensemble du pays ou un secteur postal?
M. Conacher: La mesure de redressement?
M. Grubel: En effet, la mesure de redressement. Supposons que l'on constate des frais excessifs et des bénéfices excessifs à un certain endroit. Souhaitez-vous voir corriger la situation dans cette région seulement ou dans l'ensemble du pays?
M. Conacher: Non, il ne s'agit pas déterminer s'il y a des frais ou des bénéfices excessifs. Il s'agit de savoir si, en matière de prêt, les banques agissent de façon discriminatoire, sans raison valable, à l'endroit de certains emprunteurs. La mesure de redressement serait le réinvestissement ciblé, qui est expliqué aux pages 9 et 10 de mon mémoire.
Je sais que c'est beaucoup plus pertinent à l'étude du comité mais nous estimons que la Loi sur les banques est un sujet très large. Cela devrait faire partie de la discussion et ne devrait pas faire l'objet de négociation à caractère facultatif.
M. Schmidt: Je suis d'accord sur le fait qu'il faut en discuter. Il faut simplement savoir jusqu'où vous voulez aller.
M. Conacher: En effet. N'hésitez pas à me contacter si mon mémoire ne contient pas suffisamment de détails.
Le président: Monsieur Conacher, il y a deux autres députés qui aimeraient vous poser des questions. Nous avons dépassé l'heure, mais verriez-vous un inconvénient à rester encore quelques minutes?
M. Conacher: Pas du tout.
Le président: Madame Brushett.
Mme Brushett (Cumberland - Colchester): Je voudrais applaudir M. Conacher d'être venu devant notre comité prendre la défense des consommateurs. Beaucoup de points qu'il a soulevés, comme la nécessité de divulguer tous les coûts, le coût du crédit, du remboursement anticipé des prêts hypothécaires, les ventes liées, le coût des transactions, l'achat de services financiers... autant de domaines dont on avait déjà entendu parler et son intervention vient confirmer combien il est important de défendre les consommateurs et d'assurer une certaine équité dans le domaine des produits financiers.
Cela dit, ce n'est pas simplement parce que certains secteurs particuliers de la société ou de l'économie ont demandé d'élargir les services offerts par les banques qu'on leur a permis de vendre des polices d'assurance dans leurs succursales et de faire du crédit-bail pour les concessionnaires automobiles. C'est parce que les consommateurs aussi l'ont demandé. Cela a permis aussi de créer quelques emplois dans les régions rurales. Je vous remercie toutefois de nous rappeler que nous devons rester vigilants car ce sont les consommateurs que nous devons servir avant tout.
Estimez-vous qu'il serait préférable de développer votre organisation des consommateurs de services financiers plutôt que d'élargir encore la concurrence afin que les consommateurs soient mieux renseignés, qu'ils connaissent mieux leurs options et qu'ils aient accès à davantage de services?
M. Conacher: Je ne crois pas que s'il y a plus de concurrents ou de nouveaux concurrents, on dévoilera nécessairement plus d'information. Cela n'aidera pas les consommateurs qu'il y ait cinq cartes de crédit de plus, sachant que le système de tarification est différent pour chaque carte, que les taux d'intérêt sont différents, ce serait simplement cinq cartes de plus à comparer pour essayer de voir quelle est l'option la plus économique.
Encore une fois, je dirais qu'il n'y aura de concurrence parfaite que lorsque non seulement les vendeurs seront organisés mais également les consommateurs. Il ne faut pas les laisser de côté. Cela ne coûterait rien au gouvernement et rien à nos institutions financières. Il suffirait d'envoyer ce feuillet une fois et de voir si les consommateurs répondent? Qu'on leur donne la possibilité. Le choix.
Mme Brushett: Je vous félicite encore une fois de votre jeunesse et de votre idéalisme. C'est grâce à vous que la démocratie peut marcher. Merci.
M. Conacher: Merci beaucoup.
Le président: Madame Chamberlain, s'il vous plaît.
Mme Chamberlain (Guelph - Wellington): Merci.
Tout d'abord, bienvenue. Je suis heureuse que vous soyez venu nous faire part de vos idées.
J'ai été très heureuse de vous entendre parler tout le temps des consommateurs. Si vous avez suivi nos audiences... vous avez constaté que nous en parlons beaucoup. Il est évident que les consommateurs sont nos électeurs. Nous en entendons beaucoup.
Ces consommateurs ou électeurs nous ont beaucoup parlé en effet des bénéfices records dont vous parliez aussi... c'est un thème constant. Les gens voudraient comprendre comment cela peut se justifier. Tout le monde en parle.
Il y a toutefois quelque chose qui m'a fait un peu sourciller dans votre exposé, c'est que vous disiez que les ombudsmen sont à la solde des banques. J'aimerais vous demander ce qui vous permet d'être si sévère. Comme vous le savez, le Comité de l'industrie s'est donné beaucoup de mal pour que nous en arrivions à un service national de défense du consommateur. Bien que la composition du conseil d'administration ne soit pas parfaite - j'y vois quelques problèmes - je crois vraiment que nous allons dans le bon sens avec un ombudsman. Les banques ont au moins reconnu que c'est un aspect important. J'aimerais donc que vous nous précisiez un petit peu pourquoi vous trouvez que l'ombudsman actuel n'est d'aucune utilité.
M. Conacher: Je répéterai rapidement ce que j'ai dit tout à l'heure. Tout d'abord, les consommateurs n'ont pas été informés de l'existence de cet ombudsman. Deuxièmement, beaucoup d'employés de banque ne sont pas non plus au courant. Troisièmement, ces ombudsmen sont tous choisis, payés et dirigés par les banques. Quatrièmement, ils ne peuvent prendre aucune décision qui soit exécutoire. Cinquièmement, au conseil de l'ombudsman national, siègent cinq représentants des banques; ce conseil prend ses décisions à la majorité; la seule décision qui ne peut être prise sans le consentement des trois administrateurs extérieurs au secteur est le renvoi de cette personne. C'est tout.
Un des administrateurs de l'extérieur vient d'un institut qui a reçu plus de 800 000 $ de dons et de contributions de la Banque Royale. On peut se demander aussi s'il est vraiment indépendant. Cela fait donc six sur huit.
L'ACEF vous en parlera également. Elle a étudié le système britannique et a préparé un rapport sur les ombudsmen des banques à l'intention du gouvernement. La structure actuelle ne répond à aucun des critères. Or, chacun de ces critères que j'ai énoncés - indépendance, imputabilité, mécanisme d'appel et sanctions - est essentiel. J'en ai énuméré cinq et l'ombudsman n'en satisfait aucun.
Là encore, le gouvernement aurait pu, sans que cela lui coûte un sou - puisque la question de coût était un des prétextes inventés par le gouvernement pour ne pas nommer d'ombudsman - demandé aux banques de financer la chose. C'est à tout le secteur des services financiers de financer la chose. Cela ne représenterait pas grand chose pour chacune des institutions si toutes les sociétés d'assurances, les sociétés de fiducie et les banques contribuaient à ce budget. Cela permettrait d'avoir quelqu'un qui soit vraiment indépendant.
Je ne veux pas trop m'attarder là-dessus, mais le gouvernement a aussi promis - et cela fait l'objet d'une de nos campagnes - un conseiller en déontologie qui serait indépendant, efficace et publierait des rapports. Vous vous en souvenez peut-être, c'était dans le Livre rouge, à la page 91. À la place, nous avons Howard Wilson, qui présente ses rapports confidentiellement au Premier ministre, qui ne peut faire enquête sans l'approbation du Premier ministre et qui est un laquais du gouvernement plutôt qu'un véritable conseiller en déontologie. Nous critiquons donc ces deux postes.
On pourrait faire des tas de choses pour les renforcer. Je suppose que les consommateurs à Toronto, Truro, Guelph, Winnipeg, Niagara Falls, Kelowna ainsi qu'à Vancouver ouest... ou partout ailleurs au pays, seront très intéressés lorsque vous irez frapper à leur porte dans un an ou deux et vous leur direz ce que vous avez fait pour les consommateurs.
Un complément parfait à un ombudsman qui permettrait de résoudre beaucoup de ces problèmes serait, encore une fois, l'Organisation des consommateurs des services financiers.
Donnez aux consommateurs un endroit où ils peuvent s'adresser lorsqu'ils veulent faire une plainte, lorsqu'ils ne savent pas comment s'y prendre pour présenter une plainte à un ombudsman et lorsqu'ils veulent essayer de comparer les tarifs qu'on leur offre pour différents services. Ce ne serait plus alors seulement moi qui serais ici, mais un représentant d'un groupe de quelques centaines de milliers de membres qui pourrait vraiment vous dire, à partir de sondages, ce qui inquiète et préoccupe les consommateurs. Nous aurions de cette façon des sondages sur les ventes liées; sur d'autres questions que le gouvernement veut examiner mais sur lesquelles il n'a pour le moment aucun renseignement. Cela, parce qu'aucun de ces groupes qui comparaissent devant vous et représentent des consommateurs n'ont les ressources voulues pour faire la même chose que le lobby des banques, le lobby des assurances et le lobby des sociétés de fiducie.
Mme Chamberlain: Je vous remercie d'avoir présenté votre point de vue. Certains des éléments que vous proposez méritent d'être examinés.
Il y a une chose toutefois qui me déçoit un petit peu c'est que vous ne semblez pas du tout reconnaître, lorsque vous parlez de toutes ces institutions, qu'elles offrent tout de même des services précieux aux consommateurs. On a l'impression qu'on ne peut pas imaginer pire situation et que vous avez une opinion très négative de tout, ce qui est dommage. J'estime que des progrès ont été réalisés et qu'il faut également les reconnaître. Si l'on se limite à une seule perspective, je ne crois pas non plus que ce soit très bon.
Je vous remercie, mais j'espère qu'à l'avenir vous considérerez également un petit peu les éléments positifs car je suis certaine qu'il y en a.
M. Conacher: Les institutions financières offrent certes des services essentiels aux Canadiens, aussi essentiels que tout service d'utilité publique. Nous reconnaissons qu'elles offrent en effet ces services et qu'elles le font bien dans bien des cas. C'est un système qui est stable et bon si l'on considère le secteur bancaire, bien que nous ayons connu dans le secteur des sociétés de fiducie une crise aussi sévère pour ce qui est de l'épargne et des prêts qu'aux États-Unis, toute proportion gardée.
Il y a des tas de problèmes et lorsque nous comparaissons devant votre comité, nous estimons que les institutions financières vous présentent continuellement leur point de vue. Elles sont là tous les jours. Je ne puis être ici tous les jours et aucun groupe de consommateurs ne le peut. Nous n'avons pas les ressources qui nous permettent d'être ici quotidiennement.
J'espère que vous en tiendrez compte à propos des observations que j'ai faites aujourd'hui au nom des consommateurs. Merci encore de m'avoir invité à comparaître.
Le président: Merci, madame Chamberlain.
Monsieur Conacher, vous nous avez présenté une liste de préoccupations très complète au nom des consommateurs canadiens. Je tiens à vous en remercier. Vous nous avez présenté les choses très clairement et dans les détails et cela nous sera très utile. Nous interrogerons certainement les banques sur tous ces points lorsqu'elles comparaîtront à la fin de nos audiences.
Merci encore de cet excellent travail.
M. Conacher: Merci beaucoup.
Le président: Pouvons-nous prendre une petite pause de deux minutes pendant que nos prochains témoins s'installent?
Le président: Notre prochain témoin est la Deutsche Bank - Canada: Stephen von Romberg Droste, président-directeur général; Barry Munholland, premier vice-président et directeur général; Marlene Buchanan, qui a comparu hier avec le groupe représentant les banques de l'annexe II.
Avant de débuter votre exposé, je vous signale que nous avons entendu hier des représentants des banques de l'annexe II. Est-ce que vous considérez la question des succursales étrangères dont on nous a parlé hier ou certaines des autres questions qui ont été abordées par Norwest Financial et Capital One à propos des transactions qu'elles font au Canada et du fait qu'elles ne sont pas considérées comme des banques dans la réglementation?
M. Stephen von Romberg Droste (président-directeur général, Deutsche Bank - Canada): Nous sommes tout à fait favorables à l'initiative de l'ABC en ce qui concerne les banques étrangères au Canada, mais je pense que l'on peut dire que nous devons également considérer les réalités du Livre blanc et c'est essentiellement ce dont nous sommes venus vous parler.
Le président: Très bien. Bienvenue. Nous nous réjouissons de vous entendre.
M. von Romberg Droste: Merci beaucoup. Tout d'abord, je tiens à vous remercier beaucoup de nous donner cette occasion de venir vous parler un petit peu de ce que nous pensons du Livre blanc tel qu'il a été présenté au public.
Je répète que nous appuyons totalement l'initiative de l'ABC visant à autoriser les banques étrangères à ouvrir des succursales au Canada. D'autre part, nous aimerions aussi considérer le Livre blanc lui-même parce que nous pensons que la question des succursales n'est pas la seule à être importante.
Je vais vous indiquer brièvement qui nous sommes, ici au Canada. Nous nous intéressons depuis longtemps au Canada et nous nous sommes lancés activement sur ce marché en 1981. Depuis lors, nous avons réellement mis sur pied trois entreprises distinctes: notre franchise bancaire, notre franchise de banque d'investissement et, bien sûr, notre franchise de financement reposant sur l'actif, qui sert principalement les petites et moyennes entreprises au Canada.
Tous ces secteurs d'activité sont touchés par le Livre blanc et c'est la raison pour laquelle nous avons pensé qu'il pourrait être utile que nous contribuions à ce processus.
Essentiellement, sauf pour ce qui est de la question des succursales, je crois qu'on peut dire que nous estimons que le Livre blanc est un très bon début si l'on veut modifier la Loi sur les banques au Canada et le régime de réglementation qui l'accompagne. Toutefois, nous estimons qu'une évolution rapide serait nécessaire si l'on veut préserver le marché financier au Canada et, pourquoi pas, le développer. Par contre, nous considérons également qu'il est nécessaire que le gouvernement se penche sur certaines incohérences qui se trouvent dans le Livre blanc et nous y arriverons dans un instant.
Ces incohérences nous ramènent essentiellement à deux ou trois grands principes. L'un d'eux concerne les établissements affiliés: il s'agit là des banques de l'annexe II qui ont des filiales au Canada par l'entremise d'entités étrangères. Il existe des problèmes qui méritent d'être étudiés au niveau de la fiscalité, des opérations avec apparentés, des capitaux et du regroupement d'activités. Pour ce qui est des quasi-banques, à notre avis les règles du jeu ne sont pas les mêmes pour les institutions sous régie fédérale et les institutions qui ne le sont pas. De plus, cette question nous préoccupe gravement parce que cela a un véritable impact sur votre capital de base. Quant à la désaffiliation de la SADC, nous avons étudié la question de près, et puisque nous n'oeuvrons pas dans le secteur du détail mais bien dans celui du gros, nous aimerions nous prévaloir de ce droit s'il nous était offert.
J'aimerais dire quelques mots sur l'impact qu'aura à notre avis le régime réglementaire sur le marché financier canadien. Tout d'abord, nous croyons que cette réglementation a permis aux institutions financières canadiennes d'avoir une position solide dans leurs régions; cependant, cela a nui à leur croissance sur le marché international. De plus, il est juste de dire que cette réglementation a empêché les banques étrangères de jouer un rôle sérieux sur le marché canadien. C'est tout à fait le contraire qui se passe sur les marchés financiers internationaux. Trois grandes tendances s'y dessinent: la mondialisation, qui fait fi des limites géographiques et politiques; la libéralisation qui favorise les institutions financières nationales... car elles ne sont pas en position de désavantage par rapport aux autres institutions financières; et la poussée technologique ainsi que les regroupements qui caractérisent le secteur des services financiers.
L'impact de la réglementation au Canada représente en fait une application étrange des normes reconnues à l'échelle internationale. Nous avons également décelé une migration des marchés financiers canadiens vers l'étranger, ce qui est une tendance que nous n'appuyons pas. Parallèlement, il y a une diminution de la présence des banques étrangères au Canada. Il faut modifier le régime réglementaire très rapidement si nous voulons éviter une érosion plus marquée de notre marché.
Il existe plusieurs solutions à ces problèmes. La question des succursales a été examinée en profondeur hier, et nous appuyons ce qui a été dit. Il existe cependant d'autres problèmes auxquels nous devons nous attaquer. Par exemple, le critère de levier qui nous est imposé doit être revu. Il faudrait également revoir les dispositions sur les opérations avec apparentés ainsi que les dispositions relatives aux retenues fiscales et d'autres mesures fiscales. Nous appuierions toute mesure visant à assurer des règles du jeu uniformes pour tous les intervenants.
Quels sont les avantages? Ces modifications encourageraient la migration de services financiers vers le Canada plutôt que la situation contraire. Nous voulons que le Canada demeure un chef de file du secteur du développement financier, et c'est là une façon d'y parvenir.
Enfin, je crois également que lorsque les circonstances le justifient, nous créerons un meilleur milieu professionnel pour les institutions financières étrangères. Nous aurons accès à une technologie plus moderne et nous importerons l'infrastructure correspondante. Nous créerons ainsi une assiette fiscale intéressante. Enfin, et c'est l'aspect le plus important, la réputation du Canada comme pays où il fait bon faire des affaires sera encore meilleure. Nous croyons que le Canada est prêt et qu'il devrait être un intervenant à part entière sur les marchés internationaux.
Nous sommes disposés à participer pleinement à la mise au point du livre blanc. Je serai maintenant heureux de répondre aux questions que vous voudrez me poser sur ce document.
Je vous remercie de votre attention.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Romberg.
Monsieur Schmidt.
M. Schmidt: Merci beaucoup.
Bienvenue. Je suis heureux de vous rencontrer. Vous nous avez présenté un excellent exposé qui bien que bref comporte toutes sortes de détails fort intéressants.
J'aimerais m'attarder sur un de vos commentaires: vous avez dit qu'il fallait encourager la migration d'institutions financières vers le Canada plutôt que la situation contraire. Comment cela pourrait-il se produire? Si j'ai bien compris ce que vous avez dit - et je n'ai pas eu l'occasion de lire votre mémoire avant la réunion - , les banques canadiennes ont une position bien solide sur le marché canadien. Cependant, leur position n'est pas tout à fait aussi certaine sur le marché international. En fait, c'est tout le contraire.
À votre avis, cette migration d'institutions financières étrangères vers le Canada serait équilibrée par la présence de notre système bancaire sur le marché international?
M. von Romberg Droste: Tout au moins j'espère que c'est ce qui se produirait. Je lisais hier qu'une grande banque a annoncé qu'elle voulait accroître sa présence sur les marchés internationaux. Je crois que ça ne devrait pas être à sens unique et que les banques étrangères devraient pouvoir faire affaire au Canada.
M. Schmidt: C'est peut-être ce qui devrait se produire, mais est-ce là ce qui se produira? C'est là le problème.
M. von Romberg Droste: J'espère que c'est ce qui se produira.
M. Schmidt: Ma question suivante porte sur le nombre de banques canadiennes. Si on faisait ce genre d'effort pour se créer un créneau sur le marché international, pensez-vous que cela entraînerait la fusion de certaines des banques canadiennes?
M. von Romberg Droste: Comme je l'ai dit plus tôt, je crois qu'il existe une tendance à l'échelle internationale vers l'amalgamation des banques. Je ne crois pas que le Canada puisse résister à tout jamais à cette tendance.
M. Schmidt: Vous pensez donc que cela se produira au Canada également.
M. von Romberg Droste: Je ne sais pas, mais je crois que cela sera inévitable.
M. Schmidt: Vous vous attendez donc à ce que cela se produise.
M. von Romberg Droste: Probablement.
M. Schmidt: Très bien.
Ma question suivante porte sur les règles du jeu que doivent respecter les diverses institutions financières au Canada. Pouvez-vous nous dire quels changements il faudrait apporter pour que tous les intervenants soient tenus de respecter les mêmes règles?
M. von Romberg Droste: Barry, voulez-vous répondre à cette question?
M. Barry Munholland (vice-président principal et directeur, Deutsche Bank - Canada): La question des règles du jeu et du manque d'uniformité à cet égard touche tout le secteur des institutions financières.
Nous avons employé l'exemple des secteurs sous régie fédérale par opposition aux secteurs qui ne sont pas sous régie fédérale.
Nous avons une institution financière qui offre ses services aux petites et moyennes entreprises. En raison de son affiliation avec la banque, elle ne peut oeuvrer dans le secteur au même titre que les autres institutions qui ne sont pas affiliées à la banque. Notre courtier en placements, en raison de ses liens avec nous, ne peut livrer concurrence au même niveau que les autres maisons d'investissement qui ne sont pas affiliées à une banque. Ainsi, nous sommes dans une position de désavantage par rapport à ces autres intervenants parce que nous sommes assujettis aux règlements de la Loi sur les banques qui ne sont pas nécessairement compatibles avec les autres règlements auxquels sont assujettis les autres intervenants du secteur financier.
M. Schmidt: Vous avez probablement entendu les témoins qui se sont adressés à nous hier; pour placer les choses dans leur contexte, permettez-moi de vous demander si vous livrez directement concurrence à d'autres intervenants comme Capital One?
M. Munholland: Dans une certaine mesure. Nous voudrions livrer directement concurrence aux divers intervenants du secteur financier. Actuellement, nous devons leur livrer concurrence à titre de banque, mais nous voudrions le faire sous une forme différente.
M. Schmidt: Soit qu'ils vous livrent concurrence comme banque ou qu'on vous permette de leur livrer concurrence à leur niveau.
M. Munholland: C'est exact. Nous serions très heureux si chaque intervenant pouvait concurrencer à armes égales sur son propre marché.
M. Schmidt: Vous oeuvrez principalement en ce moment dans le secteur des services bancaires de gros. S'il vous était possible d'établir des succursales, offririez-vous des services bancaires au détail?
M. von Romberg Droste: Pas pour l'instant. Nous avons divers projets en Europe et nous attendons d'analyser les résultats obtenus dans cette région. Il se pourrait que nous nous orientions vers les services de détail, mais nous n'y songeons pas pour l'instant.
M. Schmidt: Très bien.
Je n'ai plus de questions pour l'instant, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Schmidt.
Y a-t-il d'autres questions? Madame Brushett.
Mme Brushett: D'autres témoins nous ont signalé que des pays membres du G-7, seuls le Canada et le Mexique ont des restrictions sur les activités des banques étrangères et affichent une attitude protectionniste. Êtes-vous d'accord? Accusons-nous un retard sur les marchés internationaux?
M. von Romberg Droste: Je crains que oui.
M. Munholland: Ce n'est pas que le Canada accuse un retard - c'est plutôt, comme l'a dit M. von Romberg Droste, que ces restrictions sont un peu étranges. Nous ne sommes pas tout à fait au même pas que les autres pays. Notre orientation et notre façon de procéder diffèrent peut-être légèrement de celles des autres pays. Je suis canadien et je n'aime pas qu'on me dise que le Canada est en retard, et je ne suis pas très très heureux qu'on nous compare en quelque sorte au Mexique. Mais, enfin, dans certains cas, on a raison de le faire.
Mme Brushett: Pour ce qui est de l'établissement des succursales, je crois que la majorité des banques étrangères ont indiqué qu'elles s'intéressent tout particulièrement aux activités bancaires de gros. Dans nos régions rurales, nous constatons que les banques canadiennes offrent de moins en moins de services et que les banques étrangères ne sont pas intéressées à les remplacer à cet égard. Si personne ne s'intéresse aux services de détail parce que cela coûte trop cher, qui offrira des services dans les régions rurales?
M. Munholland: Votre question est bien sentie et c'est un problème qui mérite l'attention des députés. Je peux simplement dire que les banques étrangères, quand elles viennent au Canada, ont des ressources limitées, un peu comme les banques canadiennes qui s'orientent vers le marché international; elles doivent donc distribuer des ressources limitées. Dans une certaine mesure, d'importants segments du marché doivent être laissés aux banques nationales parce qu'elles sont les seules qui ont été en mesure de réunir les ressources nécessaires au Canada pour offrir toute une gamme de services. Les banques canadiennes auraient des problèmes semblables si on leur demandait d'offrir les services dans les régions rurales de l'Allemagne. Elles n'auraient pas les ressources nécessaires. Elles auraient cependant un rôle fort utile en ayant un créneau sur les marchés étrangers et en offrant une porte d'accès aux entreprises canadiennes et étrangères. C'est justement ce que nous essayons de faire au Canada.
Je dois dire franchement que nous ne pourrions pas répondre de façon aussi efficace que les banques canadiennes aux besoins des régions rurales. Je ne crois pas que nous puissions obtenir les ressources nécessaires pour offrir ces services au Canada. Nous essayons d'offrir ces services dans les pays où nous avons un réseau de succursales, dans notre pays d'origine l'Allemagne.
Mme Brushett: Merci.
Le président: Merci, madame Brushett.
Dans quelle mesure vos problèmes seraient-ils réglés si l'on vous permettait dès maintenant d'ouvrir des succursales au Canada?
M. von Romberg Droste: Oh je dirais entre 50 et 60 p. 100 de nos problèmes. On aurait cependant tort de dire que l'établissement de succursales est notre seul problème. Je sais que...
Le président: Vous êtes le premier témoin qui nous ait parlé des différences au niveau des retenues fiscales, les différences à l'égard du traitement fiscal des capitaux. Avez-vous eu l'occasion de discuter de la question avec les représentants du ministère des Finances?
M. von Romberg Droste: Oui.
Le président: Ces discussions se déroulent-elles encore ou sont-elles terminées?
M. Munholland: La semaine dernière nous avons discuté de ces questions avec la Banque du Canada et avec le ministère des Finances. Ils sont conscients de nos préoccupations à cet égard. Nous avons consacré beaucoup de temps et d'efforts pour trouver des solutions à ces problèmes dans le cadre du système réglementaire canadien. Ces discussions se déroulent encore. Nous avons encore beaucoup de pain sur la planche.
Le président: Êtes-vous la seule banque de l'annexe II au Canada qui éprouve ces problèmes? C'est la première fois que nous en entendons parler. Il n'en était pas question dans le mémoire que nous a présenté hier un groupe de travail de l'ABC.
M. von Romberg Droste: On ne vous en a pas parlé hier car il semble y avoir actuellement un courant de pensée selon lequel l'impôt sur le capital de même, sans doute, que la retenue fiscale disparaîtront si l'on autorise le statut de succursale. Je n'ai encore rien vu d'officiel à ce sujet, on ne peut donc pas savoir. Mais si le régime actuel devait être maintenu, ce sont là des questions que nous devrons considérer de très près.
M. Munholland: Je pense qu'une bonne partie des banques de l'annexe II qui ont répondu ont tendance à considérer le passage au statut de succursale comme la panacée à tous leurs problèmes. En fait, nous voyons les choses différemment. Indépendamment du statut de succursale, nous pensons qu'il existe un certain nombre de problèmes qu'il faut régler et pour lesquels le statut de succursale n'apporte pas nécessairement de solution. Ce que nous voulons, c'est que l'on règle directement ces problèmes. Le statut de succursale deviendra une question secondaire si les autres problèmes sont abordés différemment. Peut-être même n'en sera-t-il plus du tout question.
Le président: Puis-je vous demander de nous expliquer très brièvement ce qu'est le problème de la retenue fiscale et comment on pourrait le résoudre?
M. Munholland: La retenue fiscale s'applique essentiellement aux transactions entre nous-mêmes et les autres établissements de la Deutsche Bank dans le monde entier. Nous sommes en mesure d'aller chercher des fonds dans d'autres pays à des taux souvent très intéressants, qui pourraient nous donner l'occasion de proposer des taux inférieurs ici au Canada. Nous ne pouvons pas emprunter aux autres établissements de la Deutsche Bank à cause des retenues fiscales qui s'appliquent à tout versement d'intérêts entre nos établissements, qui rendent ce genre d'opération non rentable, quel que soit...
Le président: Quel est le taux actuellement en vigueur au Canada en vertu des traités?
M. Munholland: Entre le Canada et les États-Unis, il est actuellement de 10 p. 100. Entre le Canada et l'Allemagne, il est de 15 p. 100. Évidemment, si j'économise 20 points de base, les 10 p. 100 les effacent très rapidement. Nous ne considérons même pas cette possibilité.
Le président: Vous voulez dire qu'à cause de ce régime fiscal, vous ne pouvez pas obtenir des capitaux à meilleur marché qui pourraient être employés au Canada.
M. Munholland: C'est tout à fait cela.
Le président: Je crois que c'est la première fois que nous entendons parler de cette question. J'aimerais bien qu'on l'étudie sérieusement.
M. Grubel: Puis-je demander un renseignement, monsieur le président?
Le président: Je vous en prie.
M. Grubel: On prélève la retenue fiscale, mais lorsque vous payez vos impôts, on vous la rembourse. Où est le problème? Est-ce que c'est la retenue ou le taux d'imposition? Est-ce l'existence même de cette forme d'imposition?
M. Munholland: Pour entrer dans les détails et les considérations économiques, c'est en réalité le coût de l'application de cette mesure, car nous devons payer immédiatement la retenue fiscale, puis attendre un certain temps avant de la récupérer. Le taux de la retenue fiscale n'est pertinent que dans la mesure où il détermine le montant que nous allons devoir payer sous forme de retenue fiscale. Ensuite, le gouvernement conserve cet argent jusqu'au moment où il nous le rembourse. Le fait que l'argent soit transmis au gouvernement et qu'il ne nous soit remboursé que plus tard nous occasionne des coûts. À cause de ces coûts, les transactions entre nous ne sont pas rentables.
M. Grubel: Si la retenue fiscale est à 10 p. 100, par exemple, combien allez-vous récupérer par la suite?
M. Munholland: C'est une question que je vais devoir transmettre à notre service fiscal.
M. Grubel: J'essaie de voir si le problème tient à l'existence de la retenue fiscale ou à cette forme d'imposition proprement dite. Vous voyez que la différence est importante.
M. Munholland: En effet, la différence est importante. Je ne suis pas expert en fiscalité, mais le problème, pour autant que je puisse le définir, tient au fait que le montant doit être remis immédiatement alors que le remboursement n'intervient que plus tard. Évidemment, lorsque nous ne l'avons plus, nous ne pouvons plus l'utiliser et les revenus ainsi perdus anéantissent les gains que nous pourrions réaliser en empruntant à d'autres établissements de la Deutsche Bank.
M. Grubel: Comment se présentent nos taux d'imposition et nos dispositions concernant cette retenue fiscale par rapport à ce qu'on impose aux succursales aux États-Unis ou en Grande-Bretagne?
M. Munholland: Encore une fois, je ne suis pas expert en fiscalité comparée, mais aux États-Unis comme à Londres, nous avons le statut de succursale et nos établissements dans ces pays sont considérés comme des extensions de la Deutsche Bank AG. Par conséquent, ce genre de transaction n'est pas considéré comme un prêt entre deux établissements et n'est donc pas soumis à la retenue fiscale. Comme notre établissement canadien est une filiale, nous sommes considérés comme une entité distincte, et donc assujettis à la retenue fiscale.
M. Grubel: De ce point de vue, nos témoins d'hier ont mis l'accent sur la question principale. Si vous aviez le statut de succursale, cette retenue fiscale disparaîtrait.
M. Munholland: C'est un bon argument, et je suppose que l'hypothèse est juste. Nous pensons que si nous obtenons le statut de succursale et que la législation fiscale n'est pas modifiée, il n'y aura plus de problèmes, mais il se pourrait que dans ce cas, la retenue fiscale continue effectivement de s'appliquer. Nous voulons bien faire comprendre que c'est la retenue fiscale qui pose problème, et non pas nécessairement la reconnaissance du statut de succursale.
M. Grubel: Une dernière question importante: est-ce que cette retenue fiscale s'applique également aux transactions entre banques canadiennes?
M. Munholland: Oui. Si une banque canadienne emprunte à un établissement bancaire situé à l'étranger et avec lequel elle a un lien de parenté, elle sera également assujettie à la retenue fiscale. Mais la situation ne se pose pas pour les banques canadiennes, parce qu'elles vont chercher l'essentiel de leurs fonds au Canada pour les distribuer à l'extérieur. Mais elles sont assujetties comme nous à la retenue fiscale.
M. Grubel: Mais il est vrai que si cette retenue fiscale n'existait pas, elles iraient peut-être chercher plus d'argent à l'étranger.
M. Munholland: C'est fort possible.
M. Grubel: Ces retenues fiscales constituent un obstacle sérieux à l'entrée de capitaux bon marché au Canada par l'intermédiaire des succursales des banques étrangères au Canada... et pour les banques canadiennes, c'est aussi un obstacle à surmonter.
M. Munholland: C'est juste.
M. Grubel: On peut donc dire que le montant de cette taxe est presque entièrement transmis aux consommateurs. C'est pour cela que nous avons des taux d'imposition supérieurs au Canada par rapport à nos concurrents aux États-Unis, en Angleterre ou ailleurs.
M. Munholland: Je n'ai malheureusement pas d'étude pour le confirmer, mais je crois que c'est tout à fait vrai.
M. Grubel: Merci.
Le président: Sauf tout le respect que je vous dois, je ne pense pas qu'il y ait de grosses différences dans les retenues fiscales appliquées dans les pays du G-7. En effet, ce domaine est réglementé par des conventions fiscales qui respectent le modèle de l'OCDE.
M. Munholland: Je ne prétends nullement que le taux de la retenue fiscale appliqué au Canada soit exorbitant. Seulement, malheureusement pour nous, il s'applique à ces transactions...
Le président: Je dirais, pour préciser la nature de votre problème, que même si nous pouvions éliminer la retenue fiscale, qui subit déjà une réduction en vertu des conventions par rapport à son taux canadien de base, en vous reconnaissant le statut de succursale par opposition au statut de filiale que vous avez actuellement, il y aurait toujours une retenue fiscale sur les profits résultant de vos activités au Canada puisque vous êtes un établissement étranger. Est-ce précisément cette retenue fiscale qui vous préoccupe? Même si on vous accorde le statut de succursale, les bénéfices de la succursale seront toujours imposés, n'est-ce pas?
M. Munholland: Non, ce serait les bénéfices issus des activités ici au Canada qui seraient imposés. C'est une forme d'impôt sur le revenu. Des paiements sous forme de dividendes, par exemple, sont assujettis à une retenue fiscale, mais c'est le cas pour tous les établissements financiers, y compris les banques canadiennes. Ce n'est pas ce qui nous préoccupe.
Ce qui nous intéresse, c'est surtout le financement de la banque. Lorsque nous utilisons des fonds pour financer l'exploitation au Canada, un impôt est retenu que nous devons verser pour ce genre d'emprunt.
Le président: Uniquement sur l'intérêt?
M. Munholland: Oui.
Le président: Dans le cas d'une succursale, donc, vous n'avez pas à le payer.
M. Munholland: C'est bien ça. C'est-à-dire que si nous sommes une succursale et que la structure reste la même. Dans ce cas, nous n'aurions pas à payer d'intérêt sur cet impôt. Il y aurait quand même à verser la retenue fiscale sur les dividendes.
M. Schmidt: J'ai une brève question, monsieur le président, qui a trait aux petites entreprises.
Vous faites surtout du prêt de gros. Avez-vous un faible, si vous voulez, pour la petite entreprise puisque c'est elle qui crée les emplois au Canada?
M. von Romberg Droste: Cela dépend.
D'un côté, nous avons beaucoup investi dans ce domaine puisque nous nous sommes portés acquéreurs d'un service de financement reposant sur l'actif, ici au Canada, qui se spécialise dans le financement des PME. Il s'occupe surtout de financement sur les stocks. Normalement, les transactions se situent à hauteur de 90 p. 100, c'est-à-dire un million de dollars ou moins. Cela signifie donc qu'il s'agit d'une entreprise de taille moyenne.
De l'autre côté, nous finançons aussi des filiales européennes et asiatiques au Canada qui, par rapport aux grandes entreprises canadiennes, sont des petites entreprises ou des entreprises de taille moyenne. Il y a donc un problème ici.
M. Schmidt: Quelle proportion de vos prêts s'effectue de cette façon, en passant par la filiale ou directement? En passant par une filiale, je vois.
M. von Romberg Droste: Je dirais entre 15 et 20 p. 100 de notre actif total à l'heure actuelle.
M. Schmidt: Merci.
Le président: Je vais recommander que vous poursuiviez vos entretiens avec le ministère des Finances sur ce point. Comme vous êtes le premier témoin à avoir soulevé ces questions fiscales fort intéressantes, il serait bon, je crois, que vous nous teniez au courant de la suite des événements. Je ne veux pas que cette question reste en plan. Je vous remercie de nous en avoir parlé. J'espère que nous aurons des échos positifs de vos discussions avec les fonctionnaires. Je vous remercie d'être venus.
Nous entendrons maintenant l'Association coopérative d'économie familiale du Centre de Montréal.
[Français]
Puis-je demander aux prochains témoins de s'asseoir à la table?
Voici les témoins de l'Association coopérative d'économie familiale du Centre de Montréal: Louise Rozon, directrice générale; Éric Fraser, responsable du service de l'aide aux consommateurs; Jacques St-Amant, avocat-recherchiste; et Sidney Ribaux, coordonnateur de projet. Vous êtes les bienvenus et nous attendons avec impatience votre présentation.
Mme Louise Rozon (directrice, Association coopérative d'économie familiale du Centre de Montréal): Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames, messieurs les députés. Nous vous remercions d'abord de l'occasion que vous nous donnez aujourd'hui de vous faire part de nos préoccupations concernant les propositions de modifications aux lois bancaires qui ont été présentées par le secrétaire d'État aux Institutions financières, M. Peters, en juin dernier.
Ces propositions indiquent, et à juste titre, l'importance que le gouvernement accorde à certaines questions, par exemple l'accès aux services bancaires, la protection des consommateurs et la protection des renseignements personnels.
Il faut d'abord rappeler que l'ACEF-Centre est une association de consommateurs dont le siège est à Montréal et qui n'est affiliée à aucun autre mouvement. Nous nous intéressons à une vaste gamme de questions. Par exemple, hier, nous avons dévoilé en conférence de presse les résultats d'une enquête que nous avions pratiquée concernant un groupe de croissance personnelle. Nous nous préoccupons depuis de nombreuses années, en fait depuis 1989, des questions qui touchent les services bancaires.
Tout en étant sensibles aux besoins de l'ensemble des consommateurs, nous connaissons mieux les besoins des consommateurs à faible revenu vivant dans des régions urbaines.
Ce matin, nous aborderons surtout des questions qui touchent à l'activité bancaire proprement dite, qu'elle soit exercée par des banques ou des sociétés de fiducie.
Nous savons que vos travaux se concentrent sur les propositions de modifications déposées par le gouvernement. Il nous apparaît cependant important de rappeler qu'on ne peut étudier ces propositions sans prendre en compte les profondes mutations qui toucheront le secteur bancaire dans les prochaines années.
Évoquons seulement, par exemple, la concentration des entreprises, la diversification des groupes financiers, la venue de nouveaux acteurs dans des activités qui étaient jadis la chasse gardée des banques, le commerce électronique et la multiplication des transferts électroniques de fonds. Tout cela, évidemment, change l'activité bancaire et transforme profondément les relations entre les consommateurs et leur banquier.
Il s'agit, après tout, de remplacer les caissiers dans des succursales par des guichets sur l'Internet. Tout le monde ne s'y adaptera pas facilement.
Il faut garder le cap sur les besoins essentiels des consommateurs. Les consommateurs veulent avoir accès à des services bancaires, notamment à des services de dépôt et des mécanismes de paiement qui soient sûrs, efficaces et peu coûteux. Ils désirent évidemment des services de qualité. Ils désirent avoir le choix des services et être bien informés.
Il est aussi essentiel que nos institutions financières conservent la confiance des consommateurs et qu'elles évoluent en tenant compte des intérêts de leurs actionnaires, mais aussi des intérêts de leurs clients, de leurs employés et de l'ensemble de la collectivité.
La commande peut sembler lourde. Nos institutions financières jouent toutefois depuis 150 ans un rôle capital dans le développement du Canada et, à ces grandes responsabilités, ont correspondu des avantages substantiels. Ces avantages et ces responsabilités vont de pair.
Les consommateurs doutent parfois de la capacité des banques de relever le défi. Des sondages réalisés par la firme CROP pour le compte de l'ACEF-Centre en 1994 et 1995 révèlent par exemple que plus de 55 p. 100 des Québécois se méfient des retraits préautorisés comme des débits préautorisés.
On a réalisé beaucoup d'enquêtes auprès des institutions financières, et il y avait même parfois des caissiers et des caissières dans les succursales qui nous déconseillaient d'utiliser ce mode de paiement parce qu'il ne s'avérait pas assez sécuritaire et qu'il comportait trop de problèmes. Ce sont des renseignements importants dont les institutions financières et le gouvernement doivent tenir compte.
Nos sondages ont également révélé que 11 p. 100 des consommateurs québécois ont déjà porté plainte auprès de leur institution financière et que près de la moitié d'entre eux ont estimé que leur problème n'avait pas été réglé à leur satisfaction.
Un autre sondage a indiqué que près de 20 p. 100 des Canadiens manifestent un degré de préoccupation extrême à l'égard du traitement des renseignements personnels par les banques.
C'est dans cette perspective que nous examinerons très sommairement certaines des propositions formulées par le gouvernement du Canada, en mettant l'accent sur celles qui touchent plus directement les consommateurs à faible revenu.
Nous parlerons notamment des questions relatives à l'accès aux services bancaires et aux frais de service, et des questions concernant la protection des renseignements personnels.
Nous conclurons en abordant rapidement une question essentielle: Quel est le rôle du Parlement dans les mutations qui s'opèrent?
L'accès aux services bancaires: Selon un sondage pancanadien réalisé durant l'été 1995, 8 p. 100 des ménages ayant un revenu annuel de moins de 25 000 $ n'ont pas de compte bancaire. La proportion est encore plus importante hors du Québec. C'est au total plus de 660 000 Canadiens, soit 3 p. 100 de la population majeure, qui n'a accès à aucun service bancaire. C'est dans la région de l'Atlantique et en Colombie-Britannique que la situation est la plus sérieuse.
Vous trouverez des données plus précises à ce sujet dans les observations écrites que nous avons fait parvenir au comité, et surtout dans un rapport que nous avons fait parvenir au gouvernement et publié en juin 1996 qui s'intitule: Les hauts et les bas de l'accès aux services bancaires au Canada. Nous vous avons remis une copie en français et en anglais de ce rapport et nous en avons apporté aujourd'hui des exemplaires supplémentaires.
On reçoit régulièrement des plaintes de consommateurs qui ont de la difficulté à ouvrir un compte bancaire. Par exemple, cet été, une caissière qui travaille à la Banque Nationale a communiqué avec nous pour savoir si on pouvait encaisser un chèque pour une personne qui reçoit des prestations d'aide sociale.
Ce qui est très étonnant, c'est que la Banque Nationale est la banque, au Québec, qui a le contrat avec le gouvernement pour l'émission des chèques des prestataires de la sécurité du revenu. Cette personne avait tout de même deux cartes d'identité qui avaient été jugées suffisantes par le siège social de la Banque Nationale pour encaisser les chèques. Nous avons donc dû informer la caissière de la politique de la banque pour que, finalement, la dame puisse encaisser son chèque. Mais combien de personnes n'auront pas le réflexe de nous contacter ou de contacter un organisme pour les aider à obtenir des services auxquels elles ont droit?
On constate plusieurs pratiques qui rendent difficile l'accès aux services bancaires. On pense par exemple aux trois pièces d'identité qui sont souvent exigées pour ouvrir un compte ou encore encaisser un chèque. On exige parfois des pièces avec photo alors que tous les Canadiens, surtout les personnes à faible revenu, n'ont pas toujours toutes ces pièces d'identité.
Les institutions financières imposent aussi des gels de fonds qui sont extrêmement importants lors du dépôt d'un chèque. Une personne à faible revenu ne peut pas attendre 5, 10 ou 15 jours avant de pouvoir bénéficier des fonds qui lui sont dus.
On a même vu, dans certaines succursales où des personnes désiraient déposer leurs chèques d'aide sociale, qu'on imposait un gel de 30 jours. Évidemment, il n'y a pas beaucoup de succursales qui ont cette politique, et c'est heureux, mais c'est une politique qui est, à notre avis, inacceptable.
On a vu, dans les dernières semaines, d'autres consommateurs qui nous ont contactés pour porter plainte parce que leur institution financière avait opéré compensation sur des sommes qui étaient déposées directement, soit par le gouvernement du Canada, soit par le gouvernement du Québec. Il s'agissait de rentes de retraite ou d'invalidité. On avait opéré compensation pour une dette qui était due. Dans un cas, il s'agissait d'une carte de crédit Master Card. De telles pratiques incitent évidemment les personnes à faible revenu à ne pas faire affaire avec les banques.
La fermeture de succursales dans des quartiers défavorisés et leur apparente rareté dans certaines régions rurales compliquent aussi la situation des consommateurs.
On a de plus en plus besoin des services bancaires. Les transactions électroniques se multiplient et les gouvernements veulent aussi verser, avec raison, l'essentiel des prestations par dépôt direct, parce que c'est moins coûteux pour l'ensemble des contribuables.
Sans les services bancaires, les consommateurs doivent payer très cher pour encaisser des chèques dans des centres d'encaissement. Par exemple, pour encaisser un chèque de 500 $, un prestataire de la sécurité du revenu doit payer $14.50 auprès d'une entreprise comme Insta-Chèques.
Les institutions financières peuvent changer certaines de leurs pratiques, et nous menons d'ailleurs plusieurs consultations financières depuis quelques années. Les progrès sont par contre très lents. Nous sommes d'avis qu'on ne réglera les problèmes d'accès qu'en encadrant les exigences d'identification bancaire et les pratiques de gel des fonds et qu'en établissant une obligation de desservir l'ensemble de la population, comme on l'a fait en France et dans plusieurs États des États-Unis.
Nous estimons, par conséquent, que les propositions gouvernementales vont dans le bon sens, mais qu'elles ne vont pas assez loin.
Je vais maintenant parler des frais bancaires. Évidemment, les frais constituent également une limite à l'accès aux services. Les Canadiens sont nombreux à les trouver trop élevés. Nous avons réalisé une enquête, l'été dernier, concernant les frais bancaires, et avons constaté que pour des services de base, il peut en coûter de 10 à 22 $ par mois pour les mêmes services, selon l'institution financière.
Cette enquête a révélé que la grille tarifaire des institutions était très complexe. Je dois même dire que certains sièges sociaux ont eu de la difficulté à nous expliquer adéquatement comment bien comprendre ce que ça pouvait coûter à un consommateur utilisant l'ensemble des services offerts.
On ne peut donc qu'appuyer la volonté du gouvernement de favoriser la simplification de ces grilles tarifaires. Pour pouvoir magasiner, les consommateurs ont besoin d'avoir une information claire et simple, sans avoir à déchiffrer 12 notes en bas de page sur un dépliant.
On peut toutefois se poser une autre question, à savoir si ces frais sont vraiment raisonnables. Les institutions en retirent des bénéfices considérables sans qu'on sache quelle part vient des consommateurs et sans qu'on sache quel profit ils en tirent. Il faudrait, à notre avis, beaucoup plus de transparence dans ce domaine.
En ce qui concerne la protection des renseignements personnels, les consommateurs se préoccupent de cette question. Les concurrents des banques s'inquiètent de l'usage que ces dernières peuvent faire des renseignements qu'elles détiennent sur les transactions de leurs clients.
Le ministre de l'Industrie et le ministre de la Justice ont annoncé que le Canada se doterait d'une loi assurant la protection des renseignements personnels dans le secteur privé de compétence fédérale.
Il y a une semaine, le ministre de la Justice promettait que cette loi serait adoptée d'ici l'an 2000. Il faut donc aborder la protection des renseignements personnels et, dans ce contexte, il ne suffira pas de renforcer les mesures très insuffisantes qu'on retrouve déjà dans la Loi sur les banques et la réglementation.
Il faudra adopter dès que possible une loi d'application générale, inspirée des principes reconnus de façon internationale dans ce domaine et qu'on a récemment reformulés au Canada dans le code type sur la protection des renseignements personnels élaboré sous les auspices de CAN-CSA.
D'autres questions sont importantes. Pensons aux modifications suggérées au régime d'assurance-dépôts qui ne nous paraissent pas souhaitables, au développement des mécanismes de traitement des plaintes des banques qui demeurent, à notre avis, insatisfaisants.
D'autres questions ont été remises pour étude par des comités consultatifs, comme celle de l'évolution du système de paiements. Ce dernier domaine comporte de nombreux volets. On pense aux diverses formes de transfert électronique de fonds, comme les débits et les dépôts directs ou les cartes de débit, qui remplacent graduellement les chèques mais ne font pas l'objet actuellement d'une réglementation adéquate.
Bref, nous n'en sommes qu'au début d'une réflexion sur l'avenir des services bancaires.
Dans ce contexte, le rôle du gouvernement est très important. Le Parlement devra écouter puis il devra agir. Votre comité et d'autres instances parlementaires donnent à tous les intéressés l'occasion de faire valoir leur point de vue. C'est une contribution essentielle à la définition des règles donc nous devrons nous doter.
Nous souhaitons vivement que vous poursuiviez votre travail attentif dans ce domaine et que vous donniez à nouveau dans les prochains mois l'occasion aux Canadiens de s'exprimer sur les orientations qui se dessineront.
Nous sommes, d'autre part, d'avis que le Parlement devra légiférer. On parle beaucoup présentement d'autoréglementation ou de code de conduite. Notre expérience est celle de plusieurs autres intervenants. On arrive à une conclusion claire, à savoir que l'autoréglementation ne fonctionne que dans des cas particuliers.
Dans le secteur bancaire canadien, elle donne pour l'instant peu de résultats. Il s'agit donc de définir les droits et les obligations des consommateurs, mais aussi de tiers qui ne sont pas nécessairement liés par un code donné. Seule la loi peut s'appliquer universellement. Nous sommes par ailleurs d'avis que la mise en oeuvre de droits fondamentaux, comme le droit à la vie privée, requiert une intervention législative.
Enfin, seul le processus parlementaire peut assurer qu'on balisera l'évolution du secteur bancaire canadien en tenant compte des avis de tous les intéressés. Vous serez donc invités à agir.
Bien sûr, on sait que les lois ne règlent pas tout. Dans certaines situations, les codes de conduite peuvent s'avérer utiles et jouer un rôle complémentaire. C'est toutefois le Parlement qui devra donner le ton.
Le gouvernement a indiqué que le groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers devrait proposer des modifications qui seraient mises en place au plus tard en l'an 2002. On ne fait donc que commencer à débattre des questions bancaires.
Nous croyons toutefois qu'on ne saurait attendre cinq ans pour établir les orientations que doit prendre l'industrie bancaire canadienne en matière de réglementation de l'accès aux services bancaires, des transferts électroniques de fonds ou de la protection de renseignements personnels.
Ni l'industrie ni les consommateurs ne gagnent à voir durer la situation actuelle, où l'incertitude réduit la confiance à l'égard de la qualité des services dont les Canadiens peuvent et pourront disposer.
Dans ce contexte, nous vous recommandons d'inviter le gouvernement à poursuivre la réflexion qu'il a entamée à l'égard de ces questions et à rechercher des solutions qui seront véritablement efficaces à long terme.
Nous recommandons entre autres que le Parlement légifère pour régler les problèmes d'accès aux services bancaires, pour protéger les renseignements personnels adéquatement et pour encadrer les transferts électroniques de fonds.
Nous invitons ensemble le gouvernement du Canada a faire preuve de leadership à l'égard des questions que nous avons abordées et nous souhaitons que vos travaux l'incitent à agir afin d'assurer une protection adéquate aux droits des consommateurs.
Nous serons heureux de répondre à vos questions maintenant. Merci.
Le président: Merci beaucoup. Nous allons commencer la période de questions par M. Duhamel.
M. Duhamel: Je vous remercie, madame, pour votre présentation que j'ai d'ailleurs trouvée fort intéressante, profonde et assez étendue.
Je voudrais vous poser deux questions. Tout d'abord, vous nous avez fait part d'un grand nombre de préoccupations. Vous avez parlé de la protection du consommateur, mais y a-t-il une préoccupation tout à fait spéciale concernant les gens à faible revenu? J'aimerais que vous précisiez davantage.
Ma deuxième question est la suivante. Si vous étiez le gouvernement, quel genre de loi, de code de conduite ou autre mesure adopteriez-vous pour changer les situations préoccupantes que vous avez signalées? Vous en avez déjà donné plusieurs, mais je voudrais un petit résumé des priorités. Imaginons que vous ne puissiez tout faire d'un seul coup. Quelles sont les choses que vous voudriez faire en premier? J'aimerais quelques éclaircissements.
Mme Rozon: Je vais essayer de répondre aux questions concernant les recommandations précises. Je ne sais pas, cependant, si j'ai bien saisi votre première intervention concernant les personnes à faible revenu.
M. Duhamel: Cette question est tout à fait spéciale. Les gens à faible revenu semblent avoir moins d'accès aux services bancaires, et je voudrais comprendre pourquoi.
Mme Rozon: Dans les interventions faites concernant les services bancaires, on touche en général l'ensemble des clients des institutions financières, mais nous nous sommes toujours préoccupés des problèmes spécifiques que pouvaient rencontrer les personnes à faible revenu.
Nous avons donc abordé la question de l'accès aux services bancaires, problème qui touche uniquement les personnes à faible revenu ou qui ont peu de cartes d'identité. C'est évidemment une préoccupation qui a guidé l'ensemble des enquêtes qu'on a réalisées concernant les différentes pratiques bancaires.
M. Duhamel: Est-ce que certaines banques ou institutions financières ont fait des progrès dans ce domaine-là ? Est-ce que vous pouvez nous donner des exemples?
Mme Rozon: Oui. Depuis qu'on s'occupe de ces questions, les institutions financières ont quand même fait des progrès. Au départ, très peu de gens dans le domaine bancaire reconnaissaient qu'il y avait là un problème, mais je pense qu'aujourd'hui, on en est arrivé à une étape où on reconnaît au moins qu'il y a certains problèmes et qu'il y a lieu de modifier des pratiques.
Il y a des institutions financières qui ont même commencé à élaborer des comptes répondant davantage aux besoins des personnes à faible revenu.
M. Duhamel: Donc, des mesures concrètes ont été prises.
Mme Rozon: Oui. La CIBC nous a d'ailleurs consultés l'année dernière sur un projet de compte qu'elle voulait mettre sur pied. Elle nous a demandé notre avis sur ce nouveau compte et sur les tarifs qu'elle comptait imposer afin de mieux répondre aux besoins des consommateurs à faible revenu.
Il y a, au Québec, le Mouvement Desjardins qui a une politique, notamment à l'égard de l'identification des clients, qui fait en sorte que la plupart des personnes à faible revenu peuvent ouvrir un compte dans une caisse parce qu'on exige uniquement deux cartes d'identité. Cela n'est pas le cas dans l'ensemble des autres succursales bancaires.
À partir du moment où on exige trois cartes et qu'en plus, on demande une photo, on exclut une partie de la population. Mais on voit qu'il y a quand même des changements qui s'opèrent.
Me Jacques St-Amant (avocat-recherchiste, Association coopérative d'économie familiale du Centre de Montréal): J'ajouterais, cependant, que si les politiques élaborées par les sièges sociaux des institutions financières évoluent, on constate malheureusement que, dans la pratique, ces politiques-là ne sont pas toujours suivies.
En fait, on a réalisé au cours de l'hiver dernier une petite enquête téléphonique auprès de succursales bancaires à Toronto et Vancouver pour voir ce qu'étaient leurs politiques ou leurs pratiques en matière d'accès et d'ouverture de comptes. On a constaté que dans la plupart des cas, les gens qui nous répondaient nous donnaient des réponses qui ne correspondaient pas à la politique officielle.
M. Duhamel: Je voudrais comprendre. Il y a donc un écart entre la politique de l'organisme même, la banque, l'institution financière, et ce qui se passe sur le terrain, c'est-à-dire au niveau de la caisse, peut-être.
Me St-Amant: Exact. Pour revenir à votre deuxième question, qui est immense, je vais essayer simplement de prendre trois ou quatre éléments.
En matière de protection des renseignements personnels, on mentionnait, et le gouvernement s'en préoccupe déjà, que la meilleure façon d'agir pour le gouvernement du Canada et le Parlement serait d'adopter une loi qui régirait l'ensemble du secteur privé.
On commence à agir de façon sectorielle avec une loi pour les banques, une loi pour les sociétés de transport, par exemple, ce qui peut devenir incompréhensible pour tout le monde.
Donc, il y a là une piste à explorer. Il y a, au sein du gouvernement, des gens qui réfléchissent actuellement à la façon dont on pourrait arrimer une loi d'application générale qui pourrait ressembler, par exemple, à la loi québécoise actuelle, avec des codes de pratiques dans des secteurs donnés qui viendraient préciser les modalités d'application.
En matière d'accès aux services bancaires, il y a une réflexion à poursuivre. En France, par exemple, on a carrément adopté une disposition législative qui fait en sorte qu'une personne qui essuie un refus d'ouverture de compte dans deux banques peut s'adresser à la Banque de France, qui oblige alors une autre banque à ouvrir un compte.
Il y a aux États-Unis certains États qui ont adopté des règles qui font en sorte que si une banque veut avoir des activités hors État, elle doit s'engager à offrir à l'ensemble de la population des comptes à très faible coût.
Donc, il y a des choses qui peuvent être explorées à cet égard-là.
En matière de réglementation du commerce électronique, des transferts électroniques de fonds, on sait que ça se développe de plus en plus. Les statistiques de l'Association canadienne des paiements le démontrent amplement.
On sait également qu'il n'y a pas d'encadrement précis actuellement et que de plus en plus de gens se demandent quels sont leurs droits et leurs responsabilités. On pourrait sans doute s'inspirer de la loi qui existe aux États-Unis depuis déjà plusieurs années ou de la loi qui existe au Danemark en matière de réglementation du transfert électronique de fonds pour former une trame qui réglerait des choses comme la validité des signatures électroniques, le partage des responsabilités et ainsi de suite.
À cet égard, vous savez sans doute qu'il existe déjà au Canada, depuis quelques années, un code de pratique sur les cartes de débit qui a été adopté avec l'accord de l'Association des banquiers canadiens notamment. Malheureusement, nous avons constaté que ce code n'était pas toujours respecté. Il reste des contrats bancaires d'émission de carte qui ne sont pas conformes aux codes. Il faut peut-être conclure que seule une loi assurera une uniformité des règles dont tout le monde a besoin.
En matière de traitement des plaintes, on sait que les banquiers ont fait des efforts depuis quelques années. Ils ont créé leurs ombudsmans.
Ils viennent de créer une structure générale pour encadrer l'ensemble de l'industrie. Il est regrettable cependant qu'on aille actuellement beaucoup moins loin au Canada qu'on ne l'a fait au Royaume-Uni, où l'ombudsman des banques a plus de pouvoirs et une structure plus intéressante qu'au Canada. En Grande-Bretagne, on a légiféré carrément pour obliger les building societies à se doter d'un ombudsman. Au cours des prochains mois, on verra peut-être comment l'expérience canadienne évoluera et on pourra éventuellement envisager de légiférer, si besoin est.
M. Duhamel: Tout ce que vous avez proposé existe ailleurs dans les autres démocraties...
Me St-Amant: Oui.
M. Duhamel: ...avec lesquelles on transige de façon régulière. Il n'y a donc rien de nouveau. Il n'y a que des adaptations à faire. C'est bien ce que vous nous nous dites?
Me St-Amant: Oui. On peut se mettre au niveau des autres États. Évidemment, si nous avons assez d'imagination pour innover, tant mieux!
M. Duhamel: D'accord. Merci.
Le président: Merci, monsieur Duhamel.
Monsieur Bélisle s'il vous plaît.
M. Bélisle (La Prairie): J'ai une question qui est un peu plus large. Hier, nous avons rencontré deux représentants de compagnies de financement au Comité des finances. L'un représentait une compagnie canadienne et l'autre, une filiale canadienne d'une compagnie américaine.
L'un de ces deux représentants nous a dit que sa compagnie avait ouvert, il y a quelques années, quatre succursales pour, non pas délaisser le secteur du crédit, mais aller chercher de l'épargne auprès de sa clientèle, c'est-à-dire pour voir si elle ne pouvait pas placer des REER et des certificats de dépôt et amener sa clientèle à épargner.
Au bout de quelque temps, on a dû fermer les quatre succursales-pilotes parce très peu de gens achetaient des REER ou plaçaient des certificats de dépôt. Ils ont vu à ce moment-là que leur clientèle était essentiellement une clientèle qui empruntait et qui faisait appel aux services de crédit, que ce n'était pas une clientèle qui épargnait.
Je pense que le profil de cette clientèle est semblable à celui des gens dont vous parlez, des gens qui ont de faibles revenus. Personnellement, je trouvais cela assez inquiétant. Évidemment, il y a des gens qui n'effectuent aucune épargne parce qu'ils ont de trop faibles revenus, mais il y a aussi d'autres gens dans notre société qui, même avec de très bons revenus, dépensent deux dollars quand ils en gagnent un.
En ce qui concerne strictement la clientèle des gens à faible revenu auxquels vous avez fait allusion, quel rôle le gouvernement pourrait-il jouer pour leur permettre d'obtenir des taux d'emprunt non prohibitifs?
Justement, le représentant auquel je faisais allusion me disait que sa firme avait l'intention d'émettre une carte de crédit. À une question d'un des membres du comité, hier après-midi, il a répondu que le taux de base débuterait à 19,6 p. 100. Je me dis que c'est très inquiétant car c'est une clientèle à faible revenu qui a déjà beaucoup de difficulté à joindre les deux bouts. Je me demande comment ces gens pourront emprunter à 19,6 p. 100 et plus dans une compagnie de financement.
D'après vous, quel pourrait être le rôle du gouvernement fédéral à ce niveau-là, pour faciliter le crédit à des taux plus normaux pour cette clientèle-là?
Me St-Amant: La question est vaste. Je suis tenté de dire que nous avons déjà au Canada des réservoirs de capitaux importants, notamment les banques. Dans la mesure où les personnes ont accès aux services bancaires, on va déjà régler une partie importante du problème en donnant aux gens l'accès à du crédit à peu près abordable.
On parlait tantôt des problèmes d'accès. Si une personne ne peut pas ouvrir un compte en banque, par exemple un prestataire d'assurance-emploi, elle prend l'habitude d'aller déposer son chèque toutes les deux semaines ou tous les mois dans un établissement comme Insta-Chèques. Cette personne ne sera pas portée à aller voir un banquier pour éventuellement ouvrir un compte, parce que les banques se sont fait une mauvaise image.
Le jour où elle aura besoin de crédit, elle ne sera pas portée à aller voir un banquier qui, de toute façon, lui dira qu'il ne la connaît pas. Donc, elle va acquérir une carte de crédit de chez Sears ou s'adressera à une société de financement. Pourquoi? Parce qu'au départ, ceux qui auraient le mieux pu répondre à ses besoins ne lui auront pas ouvert la porte, cela au moment où elle s'attendait à un peu de soutien et de compréhension.
En plus, on sait que le secteur du crédit se diversifie considérablement actuellement, en tout cas celui du crédit aux entreprises. C'est peut-être un peu plus lent à l'égard du crédit consenti aux consommateurs.
La question que vous posez ouvre la porte à un immense débat quant à savoir à qui on ouvre le marché bancaire ou quasi bancaire au Canada. Est-ce que, par exemple, on veut que des banques étrangères occupent une plus grande place sur le marché et exercent une concurrence? Là-dessus, au moment où on se parle, nous ne sommes pas en mesure de vous éclairer autant que nous le souhaiterions, mais nous y réfléchissons.
Merci.
Mme Rozon: Pourrais-je ajouter que la question que vous avez soulevée pose le problème de l'endettement et des difficultés qui en découlent, parce qu'évidemment, les institutions financières ou les autres créanciers vont prêter en tenant compte du risque qu'ils encourent. S'ils encourent un plus grand risque, ils vont prêter à un taux d'intérêt plus élevé. En pratique, on se rend compte que ce sont les consommateurs à faible revenu qui empruntent à des taux d'intérêt parfois beaucoup plus élevés que 19 p. 100. On peut penser aux sociétés de crédit qui prêtent à des taux de 25 ou de 30 p. 100, et parfois même plus.
Qu'est-ce que le gouvernement pourrait faire? Je pense qu'il y aurait peut-être moyen d'intervenir sur le niveau d'imposition des taux d'intérêt. Le taux d'intérêt usuraire est à 60 p. 100. Est-ce que c'est normal? Est-ce qu'il y aurait lieu que le gouvernement intervienne sur ce plan? Devrions-nous avoir un meilleur encadrement par rapport aux taux d'intérêt que les consommateurs à faible revenu se trouvent à payer sans nécessairement ouvrir la porte toute grande au crédit, ce qui ferait en sorte que les gens feraient face à un problème d'endettement extrêmement important et seraient ensuite obligés de faire faillite? Donc, il y a un équilibre à maintenir dans ce domaine, mais qui n'est pas facile à établir.
Me St-Amant: Permettez-moi simplement de rappeler que jusqu'au début des années 1980, la loi fédérale sur les petits prêts plafonnait les taux d'intérêt pour les prêts de faible importance.
D'autre part, les personnes surendettées risquent tôt ou tard de consulter quelqu'un pour se renseigner sur l'application de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. Or, on constate que certains mécanismes qui ont été insérés dans les dernières réformes de la loi, par exemple sur les propositions concordataires, les propositions de consommateurs, pour justement permettre à ces gens-là de réorganiser leurs affaires sans faire faillite, ne fonctionnent pas tout à fait. Il y aurait là des modifications à apporter qui pourraient permettre à des gens qui sont en mauvaise posture de s'en sortir sans passer par une faillite.
Le président: Merci, monsieur Bélisle.
[Traduction]
Monsieur Schmidt.
M. Schmidt: Merci, monsieur le président.
Je vous remercie d'être venus à nos audiences. Je suis heureux de vous voir. Votre document couvre beaucoup de matière et je vous félicite en particulier d'avoir défendu les intérêts du consommateur. J'aimerais toutefois avoir des précisions à propos de certaines de vos recommandations.
Tout d'abord, dans votre recommandation 13, vous demandez que le gouvernement examine dans quelle mesure les institutions financières desservent adéquatement toutes les régions du Canada et envisagent au besoin de mettre en place des mesures garantissant qu'elles réinvestissent équitablement leurs fonds dans diverses communautés. Qu'entendez-vous par «équitablement» ici?
M. St-Amant: C'est une question intéressante.
M. Schmidt: C'est une question très importante.
Le président: Libérale.
M. St-Amant: Dans le cadre de l'étude que nous avons faite l'année dernière sur l'accessibilité des services bancaires au Canada - financée, je le signale, par Industrie Canada - , nous avons eu des discussions, par exemple, avec des gens en Nouvelle-Écosse, avec des fonctionnaires, qui nous ont dit que les gens n'ont même pas accès aux services bancaires parce qu'il n'y a pas de succursale dans leur localité. Nous avons aussi constaté, dans certains quartiers de Montréal, par exemple, et c'est la même chose ailleurs, que les succursales dans les quartiers à faible revenu ont tendance à disparaître ou à devenir moins nombreuses. Pour nous, ça représente un problème grave.
M. Schmidt: Désolez, mais est-ce que l'équité ça signifie une succursale dans chaque localité?
M. St-Amant: Pas nécessairement. Avec l'arrivée des services bancaires électroniques, c'est peut-être une voie dans laquelle on peut s'engager, dans l'hypothèse où les gens ont vraiment accès aux services téléphoniques, ce qui est de moins en moins évident, ainsi qu'aux ordinateurs.
Ce qui a inspiré notre réflexion - et nous y réfléchissons toujours - c'est la loi américaine appelée Community Reinvestment Act et d'autres mesures qui forcent les banques à investir de diverses façons dans leur quartier. Ça ne signifie pas nécessairement d'ouvrir une succursale, mais ça peut se faire de cette façon.
Pour déterminer si les institutions desservent adéquatement un endroit, il faut voir quels sont les besoins d'une couche donnée de la population, mais il me semble que si quelqu'un veut faire un dépôt ou un emprunt, celui-ci devrait pouvoir le faire soit en s'adressant à une succursale soit en contactant son représentant ou...
M. Schmidt: Bien sûr. Je n'ai rien contre cette idée, celle de l'accès. Ce qui m'ennuie, c'est le mot «équitablement».
Prenez le cas du Yukon où il y a un problème aujourd'hui. On s'attend à un essor considérable dans le secteur minier. Si l'on considère l'ampleur des capitaux qui seront nécessaires pour ouvrir ces mines - et ce seront des capitaux d'emprunt dans une grande mesure - et si vous comparez cela avec ce qui a été fait là par le passé, il n'est plus du tout question d'équité.
Voulez-vous dire que le gouvernement devrait décider quel secteur devrait obtenir l'argent des banques et que la banque se fasse dire que c'est là qu'elle devra prêter son argent?
M. St-Amant: Nous ne pensons pas en termes sectoriels mais plutôt géographiques.
M. Schmidt: Oh, les mines, c'est bien géographique. On parle du Yukon. Vous avez dit que vous devez dépenser 2 milliards de dollars dans le Yukon au cours des cinq prochaines années. C'est ce que vous voulez que nous fassions?
M. St-Amant: De fait, c'est plus ou moins ce qui se passe aux États-Unis.
M. Schmidt: La réponse à la question est donc oui. C'est ce que vous voulez.
M. St-Amant: Peut-être.
M. Schmidt: Très bien, merci.
M. Sidney Ribaux (coordonnateur de projet, Association coopérative d'économie familiale du Centre de Montréal): J'aimerais ajouter quelque chose à cela.
C'est surtout l'accès aux services bancaires de base que nous avons examiné. C'est dans ce contexte que nous avons parlé d'équité, c'est-à-dire l'accès pour tous aux services bancaires dont tout le monde a besoin, c'est-à-dire un compte de banque et la possibilité d'encaisser son chèque.
Dans de nombreuses régions du pays, même si nous n'avons pas regardé partout, les groupes nous disent que dans leur quartier les banques ferment leurs portes. Dans beaucoup de ces quartiers, des agences d'encaissement de chèques, comme Money Mart, vont s'installer. Elles occupent le marché. Elles encaissent pour plus d'un milliard de dollars de chèques au Canada par année. C'est beaucoup.
Le travailleur à faible revenu qui gagne 500 $ par mois en tout devra payer une quinzaine de dollars uniquement pour encaisser son chèque. Pourquoi? En partie peut-être parce qu'il n'y a pas de banque dans son quartier et aussi parce que s'il va dans un autre quartier, on lui répondra que seuls ceux qui habitent à proximité peuvent ouvrir un compte là. C'est dans ce contexte que nous avons étudié la question du réinvestissement dans la communauté.
Il y en a d'autres formes. Par exemple, veiller à ce que des prêts soient accordés aux petites entreprises du quartier. C'est le genre de chose qui pourrait être examiné avant de voter une loi de ce genre. La situation n'a pas atteint ce qui existe à beaucoup d'endroits aux États-Unis où il n'y a plus de services bancaires dans certains quartiers, mais cela commence à se produire au Canada.
M. Schmidt: J'aimerais changer de propos si vous me le permettez, monsieur le président. Je veux aborder cette question concernant une loi qui interdirait aux institutions financières d'accorder du crédit à des personnes qui ne l'ont pas demandé.
Je pense en particulier ici aux compagnies d'assurance qui avancent les fonds pour le paiement des primes sans prévenir le souscripteur. La personne n'a rien demandé, mais la police a une valeur en espèces, ou alors il y a des dividendes, peu importe, et c'est vraiment une forme de crédit. Vous préféreriez dans ce cas que la police soit résiliée plutôt que d'accorder au souscripteur le crédit nécessaire pour qu'il puisse payer la prime s'il est en retard.
M. St-Amant: Non...
M. Schmidt: Eh bien, que voulez-vous dire?
M. St-Amant: Nous avons dit dès le début que nos recommandations portent sur les services bancaires.
M. Schmidt: Ce n'est pas ce que ça dit ici. Vous parlez d'«institutions financières». Cela comprend les caisses populaires, les banques, les compagnies de crédit, tout le bataclan.
M. St-Amant: En fait, la loi est ainsi au Québec. Le but des dispositions de ce genre est d'empêcher une banque ou un autre émetteur de carte de crédit, par exemple, d'augmenter le crédit offert à un consommateur.
Le libellé de nos recommandations ne le dit peut-être pas clairement, mais nous savons très bien que dans certains cas il peut être utile pour le consommateur d'obtenir une légère augmentation de crédit, en cas de découvert, par exemple. C'est évident.
M. Schmidt: C'est plus clair. J'étais certain que ce n'était pas ce que vous vouliez dire, mais c'est ce que ça disait.
M. St-Amant: Non.
M. Schmidt: Je vais m'arrêter ici, monsieur le président, à moins que... J'ai un tas d'autres questions.
Le président: Je m'en remets tout à fait aux membres du comité. Nous avons dépassé l'heure prévue, mais c'est aux députés de décider s'ils veulent continuer. Cela dépend aussi des témoins.
M. Schmidt: J'aimerais poser une autre question, et ce sera sans doute au tour de quelqu'un d'autre. Il s'agit de la recommandation 26, concernant la protection des renseignements personnels. Les banques affirment que les lois provinciales ne s'appliquent pas à elles et l'on voudrait qu'elles accordent un niveau de protection comparable à ce qu'offrent les autres institutions financières.
À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral a en charge pour ainsi dire les institutions provinciales, ou pourrait le faire. Je pense en particulier aux caisses de crédit et aux caisses populaires. Est-ce que le gouvernement fédéral devrait réglementer la protection des renseignements personnels détenus par ces institutions, qui la plupart du temps ont une charte provinciale?
M. St-Amant: Je dirais d'abord qu'il n'y a probablement pas de justification constitutionnelle concernant la réglementation des renseignements personnels dans les caisses populaires.
Voici ce qui nous préoccupe. Prenez le cas du Québec. L'Association des banquiers canadiens nous a clairement fait savoir qu'à son avis la Loi sur la protection de la vie privée au Québec ne s'applique pas aux banques. Animées par leur conscience sociale, elles se plient néanmoins à la loi pour autant que cela leur convient. Mais leur position est claire et est étayée par un avis juridique: la loi ne s'applique pas à elles.
Nous voyons que le même genre...
M. Schmidt: Vous pensez qu'elle devrait s'appliquer à elles?
M. St-Amant: Oui, à mon avis et de l'avis d'un comité de l'Association du Barreau canadien, elle s'applique à elles. Les banques réagissent de la même façon lorsqu'il s'agit de protéger le consommateur.
C'est très complexe sur le plan constitutionnel. Nous le savons. Nous voulons seulement vous signaler que tout le monde n'est pas sur le même pied. Les banques, dans certains cas, invoquent la Constitution pour ne pas avoir à se plier à la loi provinciale.
Comment régler le problème? C'est une question juridique fort intéressante. Je pense qu'il faudrait se pencher dessus sérieusement.
M. Schmidt: Merci, monsieur le président.
[Français]
Le président: Oh, la Constitution encore une fois.
Me St-Amant: On n'y échappe pas, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Monsieur Fewchuk.
M. Fewchuk (Selkirk - Red River): Toute la matinée, vous n'avez parlé que des banques. Ma question est la suivante: qu'est-ce qu'il y a au Québec? Qu'est ce que font les caisses de crédit pour aider les pauvres?
M. St-Amant: En général, pour ce qui est de l'accès, les caisses populaires du Québec jouent un rôle très important.
Pour commencer, on les retrouve dans presque toutes les régions. Il y a plus de 1200 caisses populaires au Québec; presque autant que le nombre de succursales de la Banque Royale d'un bout à l'autre du pays.
Deuxièmement, les politiques et les pratiques de Desjardins sont généralement plus favorables aux personnes à faible revenu. Cela ne signifie pas que Desjardins est sans tare, mais les caisses sont généralement plus ouvertes que les banques.
M. Fewchuk: Elles accordent un taux plus bas?
M. Ribaux: Je vais vous donner un exemple concret. En 1992, nous avons fait une enquête auprès de 200 points de services bancaires dans la région montréalaise. Nous avons téléphoné trois fois, la première fois disant que nous étions des travailleurs, la deuxième, que nous étions prestataires d'assurance-chômage, et la troisième, prestataire d'aide sociale. Tous les autres renseignements concernant cette personne fictive étaient les mêmes.
Dans le cas des banques, 84 p. 100 des succursales contactées ont accepté d'ouvrir un compte de banque pour le travailleur. À peine 33 p. 100 des mêmes succursales auraient accepté d'ouvrir un compte pour le prestataire d'aide sociale même si tous les autres facteurs étaient les mêmes: revenu, nombre de pièces d'identité, etc. Dans le cas des caisses populaires, toutefois, elles auraient accepté d'ouvrir un compte de banque à 95 p. 100 des prestataires d'aide sociale après enquête.
M. Fewchuk: Ma prochaine question suivante porte sur ce que vous avez dit à propos de vos déplacements à la grandeur du pays. Vous êtes allé en Colombie-Britannique et je me demande si vous avez employé le même questionnaire auprès des caisses du crédit ailleurs au Canada que celui que vous avez utilisé au Québec.
M. Ribaux: Oui, et il semble y avoir une différence de vocation pour les caisses de crédit à l'extérieur du Québec. Leurs politiques sont beaucoup plus semblables aux banques en ce qui concerne le nombre de pièces d'identité requises. Dans notre enquête, nous avons téléphoné à 44 établissements à Toronto et à Vancouver et leur réaction était à peu près la même que celle des banques. Un des problèmes, c'est que la part sociale était beaucoup plus élevée. Normalement, cela coûte environ 25 $ pour devenir sociétaire, ce qui est beaucoup pour une personne à faible revenu, tandis qu'au Québec, c'est 5 $.
M. Fewchuk: Avez-vous communiqué avec le même nombre de gens à Toronto et à Vancouver avec votre questionnaire que vous l'avez fait au Québec?
M. St-Amant: Non.
M. Fewchuk: Pourquoi?
M. Ribaux: Nous avons constaté que lors de notre première enquête, nous étions allés trop loin. Nous avons contacté 200 succursales et nous nous sommes rendu compte que, du point de vue statistique, on arrive aux résultats souhaités après en avoir consulté une vingtaine ou une quarantaine. Et puis, les enquêtes que nous avons menées à Toronto et à Vancouver ont surtout été faites dans les quartiers à faible revenu, ce qui n'avait pas été le cas à Montréal.
M. Fewchuk: Cela fait donc planer un certain doute sur votre consultation puisque vous n'avez pas contacté le même nombre de gens que vous l'aviez fait au Québec.
Merci. Cela me satisfait.
M. St-Amant: Il est bon d'ajouter que nous avons contacté beaucoup d'intervenants à Halifax ou à Vancouver. Nous avons aussi discuté de la méthode avec des fonctionnaires de Colombie-Britannique, de l'Ontario et de la Nouvelle-Écosse, et ils ont essentiellement confirmé nos conclusions.
M. Fewchuk: Merci.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Fewchuk. Est-ce qu'il y a d'autres questions?
Puis-je vous en poser une? Est-il vrai que les personnes surendettées ne veulent jamais utiliser les banques parce que ce serait alors trop facile pour le créancier de saisir leurs fonds?
Me St-Amant: C'est effectivement une situation que nous constatons parfois. D'ailleurs, dans les dernières semaines, nous avons eu deux cas dont mes collègues pourraient vous parler plus en détail parce qu'ils ont eu à intervenir. Des clients avaient une dette de quelques centaines de dollars contractée par une carte de crédit émise par la banque et la banque, sans préavis, sans avertissement, a tout simplement retiré les fonds provenant d'un chèque de prestations gouvernementales qu'ils venaient de déposer. Dans les deux cas, nous sommes intervenus auprès des banques, auprès de l'Association des banquiers canadiens à Montréal, et au moins un de ces cas s'est réglé. Le deuxième, je crois, est à peu près réglé ou en voie de l'être.
M. Éric Fraser (responsable du Service de l'aide aux consommateurs, Association coopérative d'économie familiale du Centre de Montréal): Il est exact que les gens qui ont un faible revenu et qui reçoivent des prestations gouvernementales sont plus réticents à utiliser le dépôt direct, solution que favorise l'Association des banquiers pour régler plusieurs des problèmes d'accès, notamment à cause du problème de compensation. La compensation, c'est évidemment être capable de saisir techniquement une somme qui, par ailleurs, est insaisissable en vertu des lois.
Un autre problème qu'on a constaté à cet égard, c'est que lorsque le gouvernement du Québec a négocié une entente pour le dépôt direct des prestations d'aide sociale, le Mouvement Desjardins s'est engagé à ne jamais saisir par compensation les prestations d'aide sociale des bénéficiaires. L'ABC n'a jamais voulu prendre un engagement de la sorte par écrit.
Le président: C'est une loi ou c'est seulement la partie...
M. Fraser: C'est un contrat.
Le président: C'est une bonne idée pour aider les pauvres.
M. Fraser: Oui, tout à fait. C'est essentiel que dans le cadre des paiements électroniques, il y ait une garantie à cet égard.
Le président: Oui, oui.
Mme Rozon: Peut-on ajouter que l'Association des banquiers canadiens, dans le cadre des négociations avec le gouvernement du Québec concernant le dépôt direct, ne s'est pas engagée par écrit mais s'est engagée verbalement en disant: «Écoutez, ayez confiance! Nous ne procéderions pas ainsi. On ne procédera jamais à une opération de compensation sur les sommes qui seront déposées directement dans un compte.» Dans un des cas que nous avons traités, où on avait procédé à une opération de compensation, il s'agissait d'une banque. L'Association des banquiers canadiens était tout à fait d'accord avec nous pour dire que la banque n'aurait pas dû le faire.
Le président: Et d'après vous, ce système fonctionne bien présentement?
Mme Rozon: Pardon?
Le président: Ce système fonctionne bien présentement?
Mme Rozon: Non, il ne fonctionne pas bien, justement. Il faut des engagements plus formels, des engagements par écrit afin de s'assurer que les choses se passent bien ainsi dans la pratique. C'est un exemple, dans le fond, de l'écart qui peut exister entre ce qu'on dit et ce qu'on fait.
Le président: D'accord.
M. Fraser: Et les dispositions législatives pourraient être très simples à cet égard.
Le président: Je ne peux accepter votre suggestion que les institutions financières ne puissent se retirer du régime d'assurance-dépôts lorsqu'elles n'ont pas de dépôts.
Cela dit, vous nous avez présenté beaucoup de choses très importantes. Vos recherches vont nous aider à faire des recommandations et nous attendons avec grande impatience la réponse de l'Association des banquiers canadiens à vos suggestions.
J'aimerais, au nom de tous les députés, vous remercier pour vos travaux et votre présentation devant nous aujourd'hui. Merci.
[Traduction]
Le président: Nous entendrons maintenant la présidente de la maison Round Top Window Products Inc., Mme Dianne Waterhouse. Je vous en prie.
Mme Dianne Waterhouse (témoigne à titre personnel): Avant de commencer mon exposé, sachez que je trouve incroyable qu'un simple citoyen, parlant en son propre nom, puisse venir ici et s'adresser au gouvernement. C'est encore plus incroyable d'obtenir une invitation de vous, monsieur le président, et des membres du comité. Cela montre combien notre pays est extraordinaire et je tiens à vous en remercier.
Si je suis venue aujourd'hui, c'est parce que j'ai une petite entreprise et que depuis dix ans, on me refuse le crédit nécessaire pour que je puisse créer des emplois; j'ai essuyé un refus pas seulement une fois, mais plusieurs fois depuis dix ans. Tout récemment, on m'a refusé près de 1,4 millions de dollars qui m'auraient permis d'acheter un immeuble et de l'équipement pour employer 58 personnes, au-delà des 41 employés que j'ai actuellement. Or, j'avais déjà dix ans d'expérience dans mon entreprise, dix ans de profit et trois usines que j'avais financées à même la trésorerie.
Je craignais en venant ici de ne pouvoir vous expliquer toute l'incertitude et l'insécurité que ressentent les Canadiens face aux institutions financières canadiennes vers lesquelles ils se tournent pour leurs besoins personnels ou leurs besoins d'affaires. Et pourtant, j'ai beaucoup d'expérience auprès des institutions de deux provinces canadiennes, et je peux comparer la situation avec ce qui se fait aux États-Unis.
Vous vous doutez bien, je l'imagine, que les intéressés ont dépensé des millions de dollars pour préparer leurs témoignages au comité, et ce afin de réorienter les politiques financières du Canada. Sachez que lorsque l'on a su que je devais venir témoigner, j'ai reçu un appel téléphonique d'une compagnie prétendant être l'agence conseillère du gouvernement au nom de ses institutions financières clientes. On m'appelait pour savoir exactement ce que j'allais vous dire aujourd'hui. J'imagine que les enjeux entourant toute modification à la Loi sur les banques sont très élevés, puisque quelqu'un se donne la peine financièrement de m'appeler pour me poser une question que mon gérant de banque local ou mon agent d'assurance aurait pu me demander gratuitement.
J'ai fait beaucoup de recherche sur cette question. Comme je n'ai pu profiter des services de recherchistes, je me suis collé des tas de petites notes un peu partout; mais j'ai aussi appris des choses incroyables en cours de route. Saviez-vous que si le gouvernement canadien a adopté une loi sur les banques, c'était pour édifier une économie nationale? Nous y sommes parvenus en protégeant certaines institutions de la concurrence. Nous y sommes parvenus aussi en subventionnant des allégements fiscaux - c'est une expression difficile à prononcer, car elle est inconnue aux petites entreprises comme la mienne - en donnant des subventions à la recherche et au développement et en créant une assurance-dépôts à même les coffres de l'État. Nous avons en effet réussi, car nous avons certaines des institutions financières les plus puissantes au monde. Toutefois, ces dernières n'ont pas réussi, au cours des dernières années, à édifier une économie nationale.
À mon avis, pour pouvoir édifier une économie nationale, il faut que les entreprises et les citoyens aient accès à des capitaux à des taux d'intérêt raisonnables et moyennant des garanties raisonnables. Les Canadiens doivent pouvoir obtenir des prêts qui leur soient consentis non pas selon les caprices des banquiers, ni en fonction de l'écart des taux d'intérêt ou du type d'industrie qu'ils représentent, mais plutôt en fonction de la force de leur garantie, de la viabilité de leur entreprise et de leur solvabilité comme citoyen. Les critères de consentement des prêts et les critères de garantie doivent être normalisés et publiés, de même que les pratiques de prêt, qui doivent être non discriminatoires; de plus, il faut imposer aux institutions financières certaines responsabilités afin qu'elles reconnaissent que c'est grâce aux privilèges qui leur ont été conférés qu'elles ont pu s'épanouir et grandir.
Or, ce n'est pas ce que l'on peut constater au Canada, contrairement à ce qu'ont affirmé plusieurs témoins. C'est tout le contraire. Mais le livre blanc ne s'attarde pas sur ces problèmes. Il aborde beaucoup d'autres questions, mais ne dit pas comment les Canadiens ou les petites entreprises peuvent avoir accès à des capitaux. Je crains que même si le Parlement est celui qui dicte les règles, ce sont d'autres gens, non élus par les Canadiens, qui modifient à leur gré la politique financière du Canada.
Il reste que dans tous les communiqués économiques émis par les banques et dans toutes les déclarations de leurs PDG, on blâme le déficit gouvernemental pour l'état lamentable de notre économie. M. Barrett, PDG de la Banque de Montréal, a même affirmé dans une entrevue que c'était dû à un manque de vision de la part de nos dirigeants.
À mon avis, le blâme doit être assumé en grande partie par les institutions prêteuses du Canada. Mais j'imagine que le gouvernement est un bouc émissaire idéal lorsqu'il faut détourner l'attention de ses propres pratiques. Pour parler franchement, c'est exactement ce qui se passe.
Aujourd'hui, je tiens à vous dire que le déficit gouvernemental inquiète les entreprises canadiennes et les citoyens du Canada. Toutefois, son incidence sur ces derniers est secondaire par rapport à l'impossibilité pour eux d'avoir accès à des capitaux.
Il existe plus de 930 petites entreprises au Canada qui emploient plus de 5 millions de Canadiens. Si elles n'ont pas accès à d'autres capitaux, elles ne peuvent plus embaucher, ce qui n'aide en rien l'économie et ne fait pas chuter non plus le taux de chômage. Étant donné que la plus grande partie des recettes gouvernementales provient des taxes sur le revenu des particuliers, le déficit pourrait être réduit si des lois garantissaient aux Canadiens l'accès aux capitaux nécessaires pour monter leurs propres entreprises, pour embaucher des Canadiens et pour améliorer leur niveau de vie.
Il semblerait que la discrimination soit généralisée dans le monde des banques. La discrimination à l'égard des petites entreprises se fonde sur l'équilibre entre le risque et le rendement et se concrétise par un rajustement à volonté des critères imposés en matière de garantie et de rendement.
La discrimination s'exerce à l'égard des femmes à qui l'on prête moins volontiers de l'argent. Les femmes se voient refuser les prêts jusqu'à 20 p. 100 de plus que les hommes et payent des taux d'intérêt plus élevés de 0,5 à 1 p. 100.
Les citoyens canadiens sont eux aussi l'objet de discrimination puisqu'ils ne peuvent avoir accès à des prêts personnels à des taux d'intérêt raisonnables; on leur propose plutôt des cartes de crédit à des taux d'intérêt de 13,5 p. 100 au-delà du taux préférentiel.
Les députés comme vous devraient aller rendre visite à leur institution financière en leur cachant que vous faites partie du comité et demander un prêt personnel de 2 000 $. On vous le refusera et on vous proposera plutôt une carte de crédit avec une limite d'emprunt de 2 000 $. Vous verrez: on ne vous prêtera pas vos 2 000 $.
Les banques ont exercé de la discrimination à l'égard des cabinets de courtage concurrents en leur refusant les capitaux dont ils avaient besoin pour honorer uniquement leur garantie fédérale. Aujourd'hui, la discrimination s'exerce à l'égard du petit investisseur. Depuis que les banques ont mis la main sur les cabinets de courtage, le petit acheteur canadien d'actions doit débourser 6 p. 100 à l'achat et 6 p. 100 à la vente, soit 12 p. 100. Vous connaissez des actions qui rapportent autant?
Il s'exerce énormément de discrimination à l'encontre des Canadiens à faible revenu, car on leur demande comme preuve d'identité des documents que la plupart d'entre eux ne possèdent pas, ne serait-ce que pour obtenir des services de base. Mais d'autres témoins vous en ont déjà parlé.
À vrai dire, le gouvernement n'échappe pas lui non plus à une certaine discrimination, puisque les banques font constamment la promotion de leurs propres instruments d'épargne à meilleur rendement, au détriment des obligations canadiennes.
Il me faudrait une heure pour vous expliquer mes démêlés avec les banques, mais je voudrais vous faire part d'un point en particulier. Je veux parler des conditions qui s'appliquent pour qu'une institution financière canadienne prête 150 000 $ pour une ligne d'exploitation garantie par un certificat de placement garanti de 150 000 $ déposé chez elle. Ces conditions sont les suivantes: une garantie sur le solde de crédit liquide et sur les instruments de dépôt; une cession générale des comptes débiteurs de l'emprunteur enregistrée dans toutes les provinces dans lesquelles l'emprunteur fait des affaires; un accord de cautionnement général, des garanties personnelles de la part des directeurs pour une valeur satisfaisant la banque; une garantie collective de la part de la Round Top Window Corporation et de la Round Top Window Products B.C., Inc. pour une valeur satisfaisant la banque; la cession de l'assurance commerciale générale; un accusé de réception de tout créancier garanti; des certificats et des avis à l'appui que la banque juge raisonnable d'exiger; un état des prévisions de recettes préparé à l'interne, le bilan et les déclarations de trésorerie pour l'exercice à venir; les états financiers de la Round Top Window Products Org. et de la Round Top Window Products Inc.; la confirmation de l'actualisation de toutes les taxes applicables; les états financiers personnels de tous les directeurs, avec documents de garantie complets et, au besoin, documents enregistrés selon les voeux de la banque.
Les conditions suivantes doivent s'appliquer tant que l'emprunteur est endetté: les mandants de l'emprunteur accorderont à la banque le droit de premier refus pour toute offre éventuelle sur leurs besoins bancaires personnels; l'emprunteur devra fournir tous les ans, dans les 90 jours, un bilan revu par des comptables qu'il joindra à ses bilans vérifiés; il devra fournir des projections financières préparées à l'interne; et devra assumer des frais de 500 $ en cas de retard.
Ce sont les conditions sous lesquelles la banque me prêtera 150 000 $, et j'ai déjà d'ailleurs déposé 150 000 $ dans un CPG dans cet établissement - un prêt garanti par des fonds. Est-ce inhabituel? Non. Est-ce incroyable? Oui. Est-ce une pratique courante? Si on ne se plaint pas, oui, car, devinez quoi? Après avoir écrit une lettre au président et directeur général de cet établissement et 14 minutes plus tard, il ne restait plus que deux conditions.
À mon avis, il s'agit tout simplement de discrimination, un point c'est tout. Si l'argent canadien n'est pas une garantie suffisante, quel genre de garantie est alors suffisante?
Pendant dix ans, comme des dizaines de milliers de petites entreprises, je me suis adressée aux banques. Je me suis présentée le chapeau dans la main et la tête baissée, tout simplement pour avoir accès à des capitaux, prête à faire n'importe quoi. Vous pouvez donc vous imaginer jusqu'à quel point j'ai été choquée lorsque M. Robert Korthals de la Banque Toronto-Dominion, lors d'une entrevue avec The Toronto Star - il peut le dire, je suppose, maintenant qu'il est à la retraite - a admis que les banques canadiennes faisaient systématiquement de la discrimination à l'égard des gens d'affaires qui ont des petites entreprises et des prêts aux petites entreprises malgré la Loi sur les prêts aux petites entreprises qui leur garantit l'accès à des prêts et à l'appui des contribuables.
Selon les chiffres de la Banque du Canada, les banques ont enlevé 3,6 milliards de dollars des mains des petites entreprises au cours de la dernière récession.
On se demande pourquoi le taux de chômage est si élevé, pourquoi l'économie est au ralenti ou pourquoi la récession est si profonde. Je ne sais pas. Le secteur des petites entreprises crée huit nouveaux emplois sur dix. Combien d'emplois 3,6 milliards de dollars représentent-ils? Qu'arriverait-il si les banques devaient cesser d'exercer de la discrimination à l'égard des petites entreprises ou de toute autre personne au Canada? Je pense que les déficits du gouvernement deviendraient moins un problème, tout comme les pourcentages de faillites attribuables aux taux d'intérêt élevés. Le chômage serait moins un problème tout comme le contrôle ultime des institutions financières.
Je comprends que les banques sont des sociétés, qu'elles n'ont pas de coeur, qu'elles n'ont pas d'âme, qu'elles n'ont pas de conscience et que leur premier objectif consiste à faire fructifier l'argent des actionnaires. Je tiens à vous rappeler que ces banques rachètent leurs actions en nombres record. Peut-être n'ont-elles pas compris qu'à l'avenir il sera nécessaire d'avoir un actionnaire devant qui justifier leurs gestes. La position unique dont elles jouissent à cause de la protection dont elles ont bénéficié et dont elles bénéficient toujours leur impose la responsabilité de participer à la croissance économique de notre pays. Elles ont la responsabilité d'éliminer ces pratiques apparentes de discrimination, ou alors mon gouvernement a la responsabilité de le faire pour elles.
Ni les banques à charte ni les compagnies d'assurance n'ont fait un particulièrement bon travail pour desservir les Canadiens. Nous sommes obligés, en raison du manque de concurrence - et je veux parler d'un manque de concurrence loyale - de transiger avec ces institutions, en général. Vous rendez-vous compte qu'il y a des Canadiens qui n'ont pas d'assurance sur leurs biens, parce qu'ils ont déjà fait quelques demandes de règlement et qu'on refuse de les assurer? Vous rendez-vous compte qu'il y a des Canadiens qui ne conduisent pas de véhicule et dont les biens personnels qui se trouvent dans leur logement ne sont pas assurés parce que les taux d'assurance sont tout à fait inabordables? C'est peut-être une question de concurrence, mais la concurrence n'est pas loyale lorsqu'on permet aux banques d'offrir des services d'assurance avec 819 milliards de dollars d'éléments d'actifs, sur un marché où tous les intervenants combinés ont 179 milliards de dollars. Pour moi, c'est comme essayer de tuer une puce avec un marteau, et malheureusement nous, Canadiens, seront les prochains à être frappés.
Le livre blanc propose d'éliminer les exigences concernant les filiales pour permettre le financement interne spécialisé. Je ne sais pas exactement tout ce que cela comprend. Il y a une question que j'aimerais poser, car elle n'a été posée dans aucun des mémoires qui vous ont été présentés: à quel moment est-ce qu'on détermine que cela suffit?
Est-ce que cela suffit de laisser les banques vendre de l'assurance? Est-ce que cela suffit? Peut-être qu'après les services d'assurance, nous devrions les laisser offrir des services fiduciaires. Est-ce que cela suffira lorsqu'elles auront leurs propres privilèges hypothécaires et leurs droits de services juridiques, la location à bail d'appareils ménagers et de mobilier et peut-être même la location à bail d'automobiles? Vont-elles demander le domaine de la construction, de la vente au détail ou de la fabrication?
Quand allons-nous dire: «Arrêtez; vous ne pouvez pas faire concurrence aux gens que vous devez desservir selon les privilèges que le gouvernement fédéral vous a accordés par une charte»? Je pense que vous devez dire que ça suffit, et vous devez le dire précisément dans le projet de loi à l'étude.
Déjà, il semble que les banques ne respectent pas non seulement les conditions fixées par le gouvernement, mais aussi les dispositions concernant la protection des renseignements personnels.
Notre gouvernement a interdit aux banques d'utiliser les dossiers des clients de la banque pour transmettre des renseignements à des compagnies d'assurance qui sont leurs filiales. Voici ce que j'ai reçu de la CIBC Insurance Corporation, et je cite: «Cette protection a été élaborée spécifiquement pour les clients de la CIBC et leurs familles.»
On n'a pas respecté ma vie privée. Les conditions du gouvernement n'ont pas été respectées. Dès que la CIBC Insurance Corporation est mise au courant du fait que je suis cliente de la CIBC, on ne respecte pas ma vie privée. Ce n'est pas moi qui le leur ai dit, je peux vous l'assurer.
Comme toute autre loi, la Loi sur la protection des renseignements personnels doit prévoir des pénalités en cas de non-respect, sinon il n'y a aucune motivation à respecter la loi. Il y a d'autres cas documentés où des clients ou se sont fait dire par la banque de quelle compagnie d'assurance ils devaient obtenir leur assurance s'ils voulaient se voir accorder un prêt.
Nous, ici dans cette salle, savons tous que cela va à l'encontre du paragraphe 416(5) de la Loi sur les banques, mais combien de Canadiens connaissent en fait cet article de la loi ou savent même qu'il s'agit d'une violation? Le respect des renseignements personnels est une préoccupation des plus importantes, et le projet de loi devrait l'assurer.
Nous ne devrions pas dépendre des sociétés qui se basent sur les profits pour décider quelle protection est suffisante. Les ventes liées et la coercition semblent être devenues la norme dans le secteur des banques avec les frais pour services multiples et les conditions de prêt aux petites entreprises.
Vous avez entendu mon premier exemple tout à l'heure: «Les directeurs de l'entreprise emprunteuse - non pas l'entreprise emprunteuse - doivent accorder à la banque le droit de premier refus.» L'exemple suivant est encore plus flagrant: «Vous devez faire toutes vos transactions bancaires avec la Banque de Nouvelle-Écosse». Cela ne pourrait être plus coercitif, n'est-ce pas? On ne dit même pas: «Nous vous prions de faire toutes vos opérations bancaires avec la Banque de Nouvelle-Écosse».
Pour ce qui est de la façon dont les banques traitent avec leur personnel, elles récompensent et évaluent les membres de leur personnel selon le nombre de services et de services multiples qu'ils vendent aux clients. Nous sommes là à écouter ce qu'elles ont à dire au sujet des ventes liées et de tout le reste, de la coercition, et elles disent: «Non, nous ne faisons pas vraiment cela et cela va disparaître». Je vous dis que cela ne disparaîtra pas. Cela ne disparaîtra pas tant que leur personnel ne sera pas récompensé et évalué différemment.
Les ventes liées et les ventes coercitives, tout comme la protection des renseignements personnels, ne peuvent être laissées à l'autoréglementation. Les enjeux sont trop élevés.
En venant ici aujourd'hui, je savais que les observations que je ferais sur toutes ces questions risqueraient fort bien de m'empêcher d'obtenir du financement des banques canadiennes. Comme tous les autres Canadiens, je dois avoir accès à des services bancaires. Ce sont des services qui peuvent être refusés et qui sont souvent refusés dans des circonstances normales, mais je pense que peu importe les conséquences, les gens doivent parler franchement des questions qui affecteront notre génération et la prochaine, des questions comme les changements à la Loi sur les banques - et si on n'apporte pas de tels changements, cela affectera certainement la prochaine génération.
Je vous demande de ne pas oublier que les banques à charte dit clairement qu'elles voulaient aller chercher 50 p. 100 ou plus de leurs revenus à l'étranger. Prenez leurs acquisitions étrangères au cours des cinq dernières années. Cela a des conséquences pour le marché canadien pour ce qui est de générer suffisamment de recettes pour changer le principe des risques par rapport aux récompenses, sur lequel les banques se fondent pour approuver ou refuser un prêt, ou pour votre capacité à obtenir un service en particulier.
J'ai des opinions vraiment bien arrêtées sur le régime des opérations avec apparentés et l'obligation de passer par une filiale, sur la désaffiliation du régime d'assurance-dépôts et sur l'ouverture des frontières à la concurrence étrangère, et je serai très heureuse de répondre à vos questions à cet égard.
Je pense vraiment qu'il est important que vous sachiez - je le dis au nom de tous les Canadiens, non pas uniquement en mon nom personnel - que nous voulons améliorer notre sort dans la vie, mettre sur pied nos propres entreprises, assurer à nos enfants un avenir meilleur, nous assurer un revenu à la retraite et le protéger, améliorer notre niveau de vie. Je vais vous dire quelque chose? Nous ne pouvons faire ces choses simples que si la politique financière du Canada est établie, administrée et contrôlée par les gens que nous avons élus.
En tant que Canadienne, je vous donne le pouvoir de décider de l'avenir économique de notre grand pays. J'espère vraiment que vous ne légiférerez pas un avenir dans lequel six institutions contrôleront toutes les décisions financières prises par les Canadiens et que vous éliminerez la possibilité que ces six institutions puissent contrôler des décisions de notre gouvernement, les décisions en matière de politique financière, tout simplement parce qu'elles injectent 122 milliards de dollars dans notre économie. En tant que Canadiens, nous espérons sincèrement que vous nous écoutez, car contrairement à tous ces gens collectivement, nous ne vous donnons pas quoi que ce soit par écrit.
Merci beaucoup.
Le président: Si je peux résumer ce que je pense avoir entendu, à votre avis, vous n'avez pas eu de rapports satisfaisants avec les banquiers canadiens.
Mme Waterhouse: Moi et des millions de Canadiens.
Le président: Sans vouloir vous contredire, nous avons entendu qu'un aspect de la question. Vous n'avez pas parlé des circonstances dans lesquelles ce prêt vous a été refusé. Vous m'avez dit cependant que vous aviez lancé votre entreprise en 1987 avec 2 700 $ que vous aviez emprunté de votre famille.
Mme Waterhouse: Oui, et un garage que nous avons emprunté à un ami.
Le président: Vous avez maintenant une entreprise avec trois unités de production: une en Oregon, une à Vancouver et une en Ontario.
Mme Waterhouse: Oui.
Le président: Vous employez plus de 40 personnes.
Mme Waterhouse: C'est exact.
Le président: Récemment, vous avez voulu élargir votre entreprise et créer 58 nouveaux emplois au Canada.
Mme Waterhouse: Oui.
Le président: Vous n'avez pu obtenir de crédit. Quelles étaient les raisons pour lesquelles on vous a refusé ce crédit?
Mme Waterhouse: En fait, les institutions financières nous ont recommandé de nous adresser à des investisseurs en capital-risque car ce sont des financiers de capital-risque. J'ai déjà pris des risques. Ça fait dix ans que je prends des risques; ce n'est pas du capital-risque que je cherche.
Le président: De combien d'argent aviez-vous besoin pour élargir votre entreprise?
Mme Waterhouse: J'avais besoin de 1,4 million de dollars.
Le président: Quel type de garantie auriez-vous pu offrir?
Mme Waterhouse: Des immobilisations, un immeuble tout neuf et certainement les trois usines que nous avons à l'heure actuelle et tout le matériel qu'elles contiennent.
Le président: C'était donc toutes les garanties que vous pouviez donner pour cet emprunt de 1,4 million de dollars?
Mme Waterhouse: Je dirais que si l'on tient compte de tout l'avoir propre de la société et de tout le matériel, cela représente environ 3 millions de dollars.
Le président: C'est intéressant.
M. Fewchuk: [Inaudible - La rédaction]
Mme Waterhouse: Ce n'est absolument pas vrai. Non seulement les banques ne sont pas disposées à prêter de l'argent, mais elles ne sont certainement pas disposées à prêter à des taux d'intérêt raisonnables.
Lorsque je me suis lancée en affaires, tout était garanti aux termes de la Loi sur les petites entreprises. Le gouvernement a garanti 85 p. 100, je trouve le reste, soit 20 p. 100, et elle me demande une garantie de 200 p. 100. Je veux savoir d'où viennent leurs provisions pour prêts sur prêts. Comment peuvent-elles perdre alors qu'elles ont tout?
M. Fewchuk: J'ai fait la même expérience en tant que propriétaire d'une petite entreprise, et je peux vous dire que parfois j'étais très en colère contre certains directeurs de banques. Comme vous l'avez dit, on peut donner sa propriété, sa maison et tout en garantie, et ils refusent quand même de vous accorder un prêt. Je sympathise donc avec vous, mais les banquiers eux nous disent que c'est dans leur intérêt de vous prêter de l'argent et que si vous avez quelque chose à donner en garantie, ils vous en prêteront.
Je suis heureux que vous ayez accepté de parler franchement aujourd'hui, car c'est vraiment la première fois que des gens d'affaires viennent dire exactement comment les choses se passent. Merci.
Mme Waterhouse: C'est vraiment honteux, car ce n'est pas tant le fait qu'il n'existe pas de norme quant à la garantie qui est acceptée ou nécessaire. C'est plutôt que cela peut changer du jour au lendemain.
Lorsque j'ai lancé mon entreprise, j'ai obtenu six ou sept prêts de la Banque royale, et les taux d'intérêt variaient de 14 à 18 p. 100. Quand on achète une petite pièce de matériel, on a besoin d'un prêt à la petite entreprise. On essaie ensuite d'incorporer tous ces prêts de façon à ne faire qu'un seul paiement, un par mois, avec un seul taux d'intérêt, mais les banques refusent. Donc, en 1992, je me suis adressée à la Banque de développement du Canada qui m'a dit que selon la présente proposition, la Banque royale devait normaliser ses avances impayées avec les exigences normales en matière de garantie. Voilà donc une institution qui dit à une autre qu'elle ne respecte pas la règle. Ce n'est pas tout simplement moi qui vous dit cela; ce sont d'autres banques qui disent à d'autres qu'elles ne respectent pas la règle. Je pense qu'il faut les rappeler à l'ordre. Il n'y a qu'une façon de le faire, à mon avis.
La présidente suppléante (Mme Brushett): Merci, madame Waterhouse. Je vous remercie d'être venue ici ce matin pour faire part de vos préoccupations et nous expliquer pourquoi la banque a refusé de vous accorder le prêt aux taux d'intérêt que vous avez indiqué.
Moi aussi j'ai dirigé une petite entreprise dans la région de l'Atlantique et ces dernières années, je dirais que les femmes entrepreneurs ont eu beaucoup de succès et qu'elles vont donc avoir plus accès à des capitaux. Vous avez dit que vous avez dû payer entre 0,5 p. 100 et 1 p. 100 de plus parce que vous étiez une femme. Cependant, nous avons constaté que récemment dans l'Est, les femmes entrepreneurs avaient tant de succès qu'elles ont pu avoir accès à des capitaux à un taux d'intérêt de 0,5 p. 100 de moins. Je pense qu'il n'est que juste de présenter l'autre aspect de la question également.
Mme Waterhouse: Vous avez raison, mais savez-vous que si c'est le cas, c'est parce qu'une étude effectuée par le gouvernement en est arrivée à la conclusion qu'il y avait deux poids deux mesures? L'étude a été publiée en mars 1995. À l'automne 1995, les banques ont commencé à distribuer des petits dépliants qui étaient censés nous réconforter et qui s'intitulaient: «Pourquoi les banques font des femmes une priorité».
C'est très bien que les banques fassent ce genre de choses. C'est remarquable que depuis six mois tout à coup il y ait de l'argent à prêter aux petites entreprises, sauf que cela ne durera que le temps pour vous d'examiner les changements apportés à la loi. Dès que vous cesserez d'examiner les changements à apporter à la loi, et si rien n'est fait pour modifier leur comportement, elles reviendront à leurs anciennes habitudes.
La présidente suppléante (Mme Brushett): Je vous remercie de nous avoir présenté votre point de vue. Nous allons certainement tenir compte de vos préoccupations et des problèmes que vous avez eus à obtenir des capitaux lors de notre examen de la Loi sur les banques.
Puisqu'il n'y a pas d'autres questions, la séance est levée.