[Enregistrement électronique]
Le mercredi 23 octobre 1996
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte. Le Comité des finances de la Chambre des communes est très heureux de recevoir un si grand nombre de groupes importants et connus, de partout au pays, venus aujourd'hui commenter le budget.
Nous recevons M. Dale Orr, de la Chambre de commerce du Canada; M. David Ross, du Conseil canadien de développement social; MM. David Thibaudeau et Bill Strain, de l'Association des assureurs-vie du Canada; MM. George Anderson et Paul Kovacs, du Bureau d'assurance du Canada; MM. Thomas d'Aquino et Sam Boutziouvis du Conseil canadien des chefs d'entreprises; Mme Betty Plewes, du Centre canadien pour la coopération internationale; MM. Jerry Roehr et John Kenward, de l'Association canadienne des constructeurs d'habitations; M. Garth Whyte, de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, M. Barry Dolman de l'Association dentaire canadienne ainsi que M. Andrew Jackson du Congrès du travail du Canada.
Je serais bien étonné s'il y a un seul Canadien qui n'est pas représenté ici à cette table. Nous sommes heureux de vous accueillir. Merci d'être venus.
Chacun d'entre vous disposera de trois ou quatre minutes pour faire son introduction, après quoi nous passerons aux échanges de vues et aux questions des membres du comité.
Puis-je vous demander de commencer, monsieur d'Aquino?
M. Thomas d'Aquino (président et premier dirigeant, Conseil canadien des chefs d'entreprises): Merci, monsieur le président. Je suis ravi de comparaître à nouveau devant votre éminent comité, à un moment critique pour le gouvernement, qui est en train de préparer le prochain budget.
Comme nous n'avons que trois ou quatre minutes, je dirai seulement que nous avons eu une avalanche de bonnes nouvelles au Canada depuis deux ou trois ans. Elles sont l'aboutissement d'une vaste opération de restructuration. Le secteur privé canadien voit sa compétitivité s'améliorer sans cesse grâce à une faible inflation et, bien sûr, grâce à la dépréciation de notre devise amorcée au début des années 90.
J'ai le plaisir de vous dire que l'état financier des entreprises est en train de se raffermir, même si je m'empresse d'ajouter que les bénéfices n'atteignent toujours pas leur record historique. Notre excédent sur marchandises ne cesse de progresser, situation sans doute attribuable en grande partie à l'excellent accord de libre-échange avec les États-Unis et, je le précise avec plaisir, la plus grande partie de ces exportations viennent du secteur manufacturier.
Les mesures que le gouvernement a commencé à prendre sont elles aussi porteuses de bonnes nouvelles. Le déficit recule et le gouvernement fédéral fait sa part.
Malgré cela, il reste de sérieuses sources d'inquiétude. Même si le secteur privé canadien a créé près d'un million d'emplois depuis 1992, et un peu plus de 200 000 rien que dans les 12 derniers mois, vous savez comme moi que le chômage reste élevé. Certaines régions du pays ne se tirent pas aussi bien d'affaire que les autres. Le revenu réel des consommateurs après impôt, de fait, est en déclin et se situe toujours à son niveau prérécession; de plus, le taux d'épargne des particuliers est tombé en chute libre. Si l'on ajoute à cela le fait que la dette publique canadienne, à l'heure actuelle, continue d'augmenter au lieu de baisser, et qu'il existe toujours une menace séparatiste grave au Québec, tous ces facteurs combinés nous rappellent durement à la réalité lorsque l'on parle du bon et du mauvais.
Pour ce qui est des priorités que le Conseil canadien des chefs d'entreprises vous conseille de fixer en préparation de ce qui sera sans doute le dernier budget avant les prochaines élections fédérales, je dirai d'abord qu'il est de toute première importance non seulement d'équilibrer le budget, de réduire à zéro les besoins d'emprunt, mais qu'il faut encore équilibrer le budget et, avant l'an 2000, verser notre premier acompte majeur en vue du remboursement de la dette nationale.
C'est ici que nous divergeons d'avis avec le ministre des Finances. Nous avons toujours dit que ce n'est pas le sens de sa démarche que nous contestons; nous voulons seulement atteindre le chiffre de zéro plus rapidement que lui. Nous disons que nous devrions y parvenir d'ici à l'an 1998-1999.
Deuxièmement, le problème, c'est la dette, comme M. Martin l'a dit à juste titre devant le comité le 9 octobre. Il est essentiel de nous donner une stratégie nationale de réduction de la dette à laquelle doivent y souscrire les provinces et le gouvernement fédéral puisque c'est cela qu'il faut régler. Je rappelle à ceux d'entre vous qui seraient tentés d'encaisser ce que l'on a appelé le dividende que, de dividende, il n'y en a pas. La dette s'alourdit au lieu de s'alléger et le cycle économique est déjà très avancé.
Troisièmement, évitez pour le moment les grandes baisses d'impôt. Je sais qu'il se trouve des gens, certains dans le milieu des affaires, qui réclament d'importantes réductions d'impôt. Aucune association ne réclame depuis plus longtemps et avec plus d'intensité que nous des réductions générales d'impôt, monsieur le président, mais ce serait une erreur terrible de le faire aujourd'hui parce que, comme j'ai dit, il n'y a pas de dividende. Les gens me demandent toujours si je suis contre M. Harris. Je réponds que non, je suis pour M. Klein. Ce qu'il faut, c'est amorcer le remboursement de la dette et maîtriser le problème parce que les déficits et la dette ne sont qu'une forme d'impôt reporté.
Nous vous recommandons aussi vigoureusement de gérer de façon responsable l'excédent de l'assurance-emploi. Vous constaterez peut-être ici des divergences de vue dans le monde des affaires. Pour notre part, nous estimons que le ministre des Finances devrait à tout le moins réduire les primes de 15c. Je sais que certains réclament davantage. Non seulement la prime devrait être abaissée de 15c. à notre avis - et je sais que le ministre des Finances hésitera peut-être à aller jusque là, monsieur le président - mais nous voudrions également qu'il s'engage fermement dans le prochain budget à réduire les primes d'assurance-chômage.
Nous sommes réalistes et nous savons que M. Martin n'aurait jamais atteint ses objectifs de réduction de déficit n'eût été de l'excédent de ce compte imaginaire appelé assurance-emploi. S'il est appelé à réduire les primes, ce que nous souhaitons, je ne doute pas un seul instant qu'il créera un impôt de substitution - sans quoi le déficit s'alourdira - ou qu'il devra effectuer d'autres compressions dans les dépenses. Comme vous le savez, nous sommes toujours en faveur de la réduction des dépenses.
Si l'on voulait stabiliser l'excédent du compte de l'assurance-emploi, nous estimons que le chiffre devrait varier entre cinq et sept milliards de dollars. Lors de la dernière récession, au pire moment de la crise, le déficit était d'environ 5,8 milliards de dollars. Absolument rien ne justifie un excédent de dix, 12 ou 15 milliards. Cet argent devrait être rendu aux travailleurs et aux travailleuses du Canada; du coup, le ministre des Finances pourra également créer de nouveaux emplois.
Avant dernière chose, j'estime qu'il est très important de procéder à la réforme du Régime de pensions du Canada. Nous sommes très déçus - sans que le ministre Martin y soit pour quoi que ce soit - des querelles et des lenteurs qui ont présidé aux rencontres intergouvernementales consacrées à cette réforme essentielle de notre régime national de retraite.
Notre point de vue à ce sujet est très simple et ce que nous avons à proposer ici est un compromis. Je sais que certaines provinces s'insurgent à bon droit du coût élevé des primes d'assurance-emploi. Nous suggérons de réduire les primes de 15c. et de convaincre le trésorier de l'Ontario de collaborer à la réforme du Régime de pensions du Canada. Si la Colombie-Britannique et la Saskatchewan refusent d'emboîter le pas, nous suggérons que les autres provinces et le gouvernement fédéral procèdent néanmoins à la réforme parce que cette décision ne peut plus attendre.
Pour conclure, monsieur le président, je parlerai de l'emploi. Je sais qu'on s'est beaucoup laissé aller à parler du prétendu dividende. Je le répète: il n'y en a pas. Le pays est endetté jusqu'au cou. Le ratio de la dette au PIB ici est le pire de tous les pays du G-7. Le cycle économique est très avancé.
Ce n'est pas en alourdissant les impôts ou en finançant davantage l'infrastructure ou la création d'emplois que l'on parviendra à en créer. Nous bénéficions en cela de l'appui de la vaste majorité des économistes classiques; les conférences du G-7 consacrées à l'emploi, à Détroit et à Lille, confirment que la meilleure façon de procéder, celle de l'OCDE, est d'abaisser les taux d'intérêt et d'instaurer un climat propice aux investissements.
Je vais m'arrêter ici, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur d'Aquino. Vous n'avez pris qu'à peine moins de trois minutes. Je vous remercie beaucoup.
Nous entendrons maintenant M. David Ross du Conseil canadien de développement social. Je vous cède la parole.
M. David P. Ross (directeur général, Conseil canadien de développement social): Merci beaucoup, monsieur le président. Je vais prendre exactement trois minutes, comme M. d'Aquino l'a fait, parce que nous nous sentons diserts aujourd'hui.
Je suis heureux de prendre la parole au nom de nos 700 membres au pays, dont le seul attachement est la promotion du progrès social et du développement social. Pendant longtemps, les associations et les citoyens que représente notre conseil se sont désintéressés de l'économie parce que celle-ci a affiché d'excellents résultats dans l'après-guerre. Ce n'est qu'au cours des dernières années qu'elle a connu des ratés et nous avons cru pouvoir aider les économistes à y voir plus clair. De plus en plus de gens dans le secteur social aujourd'hui - je suis moi-même économiste - se tournent vers l'économie et le monde des affaires. Je suis ici aujourd'hui pour mettre le milieu des affaires au défi de nous aider à réaliser de plus grands progrès sociaux.
Le budget est un élément important, évidemment, parce que c'est le document qui donne le ton à l'ensemble du pays. C'est lui qui trace le cadre économique à l'intérieur duquel se fera le progrès social. Ces dernières années, et c'est une source de préoccupation pour la plupart des gens dans notre secteur, il y a eu un transfert de responsabilité en matière de sécurité économique de la famille. Je dirais que c'est le principal problème pour nos membres et que c'est sans doute le problème primordial de notre époque. Le problème, c'est la précarité accrue d'un nombre croissant de familles.
Je crois qu'on a délibérément cherché au Canada à transférer la responsabilité de la sécurité économique de l'État au secteur privé. Ce n'est pas de cela que je vais discuter. C'est une réalité. C'est un choix que les Canadiens ont fait, j'imagine, et nous sommes engagés dans cette voie. Ce qui m'inquiète, c'est ce qui nous attend au bout du chemin et ce que nous pouvons faire pour éviter les échecs.
Parallèlement, les pouvoirs publics, à tous les niveaux, se sont mis à réduire les programmes et à resserrer leur accès. Le transfert a également été réalisé, comme M. d'Aquino l'a dit, grâce au climat plus favorable créé par les gouvernements fédéral et provinciaux. Il y a eu les accords de libre-échange, la réglementation est moins lourde, surtout en Ontario. L'inflation est faible, les taux d'intérêt plus bas, ce qui fait baisser le coût des emprunts. Tout cela s'exprime par l'envol des indices boursiers, la multiplication des cotations en bourse et des bénéfices records, peut-être pas pour toutes les entreprises, mais pour un certain nombre d'entre elles.
Où tout cela va-t-il nous mener? C'est cela qui m'inquiète. Où va aboutir cette confiance accrue dans le marché? Cela aboutit à l'inégalité des revenus. Nous faisons beaucoup de travail de ce genre dans une section du conseil qui réalise des études de mesure. J'ai ici un tableau qui montre qu'il y a eu des changements dans la situation des familles. Nous avons retenu la période de 1984 à 1994 parce que ce sont les années qui correspondent au cycle économique. Il y a eu un transfert d'environ 4 milliards de dollars en termes relatifs entre la couche inférieure de 60 p. 100 de la population en faveur de la couche supérieure de 40 p. 100 de la population, ce qui est une très mauvaise façon de redistribuer les revenus ou d'arriver à un partage plus équitable. C'est ce qui est arrivé.
Voilà pour le marché. Nous tâchons de voir ce qui se passe quand on s'en tient strictement aux revenus du marché ou aux revenus émanant du marché, et non pas ce qui se passe après que le gouvernement intervient, parce que c'est la voie dans laquelle nous nous engageons.
Vous allez me demander, au sujet de l'inégalité croissante des revenus, qu'est-ce que ça peut bien faire? Il y a trois choses.
Premièrement, comme vous l'avez peut-être lu dans le journal récemment, plusieurs nouvelles font état de ce que nous savons depuis des années, à savoir qu'il y a un lien entre l'inégalité de revenu et la santé. Les gens à revenu plus élevé sont en meilleure santé que les gens à revenu plus modeste, et il en va de même pour leurs enfants.
Le manque de scolarisation, le taux de décrochage et le mauvais rendement scolaire sont plus élevés dans les familles à faible revenu. L'exclusion sociale, une cohésion et une civilité réduites, la délinquance et le désordre sont tous liés à la détérioration du revenu et à l'inégalité de revenu.
Au Forum économique mondial, auquel certains d'entre vous ont probablement assisté, on avait raison d'affirmer l'an dernier: «Une société compétitive est une société qui a réalisé un équilibre dynamique entre la création de la richesse, d'une part, et la cohésion sociale, d'autre part». Ce que je dis aujourd'hui, c'est que la cohésion sociale est menacée par le libre marché et l'effritement du secteur public.
Je m'abstiens de critiquer cette approche. J'admets qu'on a pris une décision et que les gens en sont heureux. Ce que je dis, c'est que les gouvernements ne peuvent pas faire le travail. Ils limitent le rôle. Le gouvernement ne peut pas être soutenu par le secteur communautaire uniquement. C'est une tâche trop grande, donc les entreprises devront s'intéresser davantage à la cohésion sociale et à la question de la sécurité du revenu pour les familles.
Je ne veux pas entrer dans les détails, mais les entreprises peuvent faire leur part en rendant le lieu de travail plus convivial et en facilitant la vie des parents qui doivent travailler et s'acquitter de leurs responsabilités familiales. Chose certaine, les entreprises peuvent faciliter grandement les choses en créant davantage d'emplois, surtout pour les jeunes et les jeunes familles, où la pauvreté et la dispersion des revenus sont des plus aigus.
En terminant, j'aimerais citer Ted Newall qui, comme bon nombre de vous le savent, est le PDG de la société NOVA, l'ancien président du CCCE et PDG de l'année 1993:
- Notre défi, à nous les dirigeants d'entreprises canadiennes, consiste à donner la qualité de vie la
plus élevée qui soit au plus grand nombre dans notre pays... Mais comment mesurer la qualité de
la vie?... [par] la qualité de la vie dont jouissent les 25 p. 100 de notre société qui sont les moins
favorisés.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Ross. Nous serons heureux d'entendre une réponse à ce que vous avez dit.
Nos prochains témoins sont MM. George Anderson et Paul Kovacs du Bureau d'assurance du Canada.
M. George Anderson (président, Bureau d'assurance du Canada): Merci, monsieur le président.
M. Kovacs, qui m'accompagne, est l'économiste en chef de notre entreprise. Je vous dirai d'emblée que c'est la cinquième ou la sixième fois que je témoigne devant votre comité. De manière générale, nos conseils rejoignent ce que disent tous les autres, et vous allez constater qu'il en est encore de même aujourd'hui.
À notre avis, nous devons poursuivre notre lutte contre le déficit et le réduire à zéro le plus vite possible. Nous devons rembourser graduellement la dette et créer des conditions dans notre pays qui inspireront aux gens une plus grande confiance qu'aujourd'hui.
À mon avis, le consensus sur la dette et le déficit est chose faite aujourd'hui au Canada. Ce n'était pas le cas il y a quelques années. Mais je pense qu'il sera de plus en plus difficile de dire que nous avons réussi à créer une meilleure économie si nous ne créons pas davantage d'emplois. Si on ne crée pas d'emplois de manière à abaisser le taux général de chômage, on éprouvera de plus en plus de mal à convaincre les Canadiens que tout le monde profite de taux d'intérêt faibles. Contrairement à bon nombre de témoins aujourd'hui, nous vous proposons dans notre texte quelques initiatives bien définies qui encourageront la croissance de l'emploi.
Il est important de maintenir dans notre pays une infrastructure capable de créer des emplois et de nous rendre compétitifs. On se trompe à mon avis lorsqu'on dit que les investissements dans les infrastructures ne sont pas importants ou que le secteur public n'a aucun rôle à jouer ici.
Mais comme je viens de le dire, sur les grands problèmes nous n'allons pas vous donner de conseils qui s'éloignent beaucoup de ce que vous entendrez aujourd'hui ou de ce que vous avez entendu d'un grand nombre de gens. Je vais donc faire ce que j'ai soigneusement évité de faire par le passé, et je vais m'en tenir à une seule question: l'état de préparation de notre pays et de notre économie face à d'éventuels désastres naturels. Plus précisément, je parlerai de l'état de préparation de notre pays advenant un grand tremblement de terre ou, pour être franc, de notre absence presque complète de préparation face à une telle éventualité.
J'ai remis aux membres du comité des cartes où l'on fait état des désastres naturels au Canada, de leur fréquence, et il serait peut-être bon que vous y jetiez un coup d'oeil lorsque vous aurez plus de temps. Ces cartes en disent très long sur ce qui attend les Canadiens avec le climat et la géographie que nous avons.
Les désastres naturels sont une réalité de la vie au Canada et ailleurs dans le monde, et chacun voit bien qu'il y en a de plus en plus. Nous sommes entrés dans une époque où ces désastres vont augmenter: tempêtes de grêle, inondations, tempêtes de vent, tornades, ouragans et tremblements de terre. Les Canadiens semblent penser que les tremblements de terre s'arrêtent à la frontière américaine. Mais ce n'est pas le cas.
Juste pour vous donner une idée, si l'on tient compte aussi des pertes tragiques que nous avons subies au Saguenay, les assureurs ont versé plus de 600 millions de dollars en réclamations rien que l'été dernier pour des accidents de ce genre. Les gouvernements, dans le cas du Saguenay, ont versé environ 700 millions de dollars, et je pense que la note finale sera probablement plus élevée que ça. Nous ne savons pas encore combien.
Ce que je veux vous faire comprendre, c'est qu'il s'agit-là d'un montant élevé. C'est-à-dire 1,3 milliard de dollars et plus. Mais ce sont des chiffres acceptables pour les gouvernements et notre industrie. Nous pouvons absorber périodiquement des réclamations aussi élevées. Mais la situation serait totalement différente s'il se produisait un grand tremblement de terre dans un centre urbain de la Vallée du Saint-Laurent, et je songe particulièrement à Montréal, où au district continental sud de la Colombie-Britannique. Il va se produire un grand tremblement de terre, particulièrement dans le district continental sud de la Colombie-Britannique. Ce n'est qu'une question de temps.
Nos modèles montrent que si cela se produit, les pertes économiques à Montréal ou à Vancouver totaliseront environ 30 milliards de dollars. Mais on ne tient jamais compte de cela dans nos plans lorsque nous parlons budget, déficit ou dette nationale.
Il me semble évident, du moins à moi, que l'intérêt public doit obliger les gouvernements, les assureurs et les autres à se préparer à de telles pertes. Mais le fait est que nous ne sommes pas prêts. Nous ne sommes pas du tout prêts. Au contraire, le régime actuel pose des obstacles incroyables à la préparation. Je vous implore donc de supprimer certains de ces obstacles.
Le régime fiscal et réglementaire actuel du Canada nous empêche de nous préparer un tremblement de terre et empêche le secteur privé de jouer un rôle beaucoup plus dynamique dans la protection du gouvernement contre la responsabilité civile éventuelle à laquelle il s'expose tous les jours en ne faisant rien. Par exemple pour chaque année où il n'y a pas de tremblement de terre, les revenus que nous percevons pour les tremblements de terre doivent être considérés comme des revenus nets, sont imposés et remis à nos actionnaires sous forme de dividendes. On ne nous permet pas d'accumuler des réserves. On n'accumule rien en vue d'un tel désastre.
Le BAC propose que l'on mette de côté des primes d'assurance en vue d'un tremblement de terre, que le gouvernement nous permette d'accumuler des réserves à partir de ces primes. Si nous faisions cela, nous pourrions faire beaucoup pour mieux protéger les Canadiens dans une telle éventualité. Ces deux dernières années, nous avons travaillé en étroite collaboration avec les gouvernements. On s'entend pour dire que nos chiffres sont exacts, que la menace est réelle, et nous croyons que l'heure est venue d'agir. Les budgets traitent davantage des grandes questions économiques, et nous vous demandons de tenir compte de cette réalité dans le prochain budget. Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Anderson. J'ai la certitude que vos suggestions susciteront beaucoup d'intérêt au sein de notre comité.
Notre prochain témoin est M. Garth Whyte, directeur national de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Bienvenue.
M. Garth Whyte (directeur national, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante): Merci, monsieur le président. Je tiens à remercier le comité qui a invité la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante à participer à ces audiences prébudgétaires.
Comme vous le savez, la FCEI représente 87 000 petites et moyennes entreprises des quatre coins du pays et de tous les secteurs, l'agriculture étant celui qui connaît la croissance la plus rapide. Nous sommes une organisation non sectaire et sans but lucratif qu'a pour principe d'accorder une voix à chacun de ses membres. Nous effectuons 3 000 entrevues personnelles par semaine auprès des petites entreprises du pays. Nous sondons constamment nos membres. Au cours des quelques jours, semaines et mois, nous allons publier des informations qui seront utiles au comité dans le cadre de ces consultations prébudgétaires.
Monsieur le président, demain à 10 heures, dans la salle de conférence Charles Lynch, dans cet édifice-ci, la FCEI rendra publique l'étude la plus exhaustive sur la création d'emplois jamais entreprise dans les 25 ans d'existence de notre organisation. Cette étude se fonde sur 18 000 réponses, et vous allez entendre ici les créateurs d'emplois parler de création d'emplois.
La semaine prochaine, monsieur le président, nous enverrons les données de notre étude sur la fiscalité et les coûts d'observation au comité de Jack Mintz, qui examine le système d'imposition des sociétés. Il se servira de ces données pour effectuer une partie de son étude sur les coûts d'observation pour l'entreprise. Il nous a demandé notre collaboration, et nous avons réalisé pour lui un sondage qui contient les réponses d'environ 9 000 membres.
En décembre, nous allons rendre public notre baromètre de la petite entreprise, qui indiquera les attentes des entrepreneurs pour leurs entreprises et l'économie en 1997.
Aujourd'hui, comme la plupart d'entre vous le savent, le document technique sur l'harmonisation de la taxe de vente entre le Canada, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve a été rendu public. Je pense que nous l'avons manqué, mais j'ai la certitude que bon nombre d'entre vous sont au courant. Nous attendions cette étude parce que nous voulions voir sur quelle méthodologie elle s'appuyait. Nous sommes en train de réaliser un sondage pour tous nos membres, et nous vous en transmettrons les résultats en décembre.
Nous avons également coprésidé, avec la chambre de commerce, le comité de travail de la petite entreprise qui a adressé son rapport au ministre des Finances Martin et au ministre de l'Industrie John Manley. Il y a presque un an, le comité a remis à ces deux ministres son rapport intitulé Breaking Through Barriers: Forging a Future. On y trouvait des recommandations des entrepreneurs pour la création d'entreprises et d'emplois. Le texte contenait plus de 30 recommandations, dont la plupart n'ont toujours pas été adoptées par le gouvernement. Nous recommandons donc fortement à votre comité de se pencher sur ce rapport et d'adopter certaines de ces recommandations.
Comme Tom d'Aquino l'a dit, nous nous sommes également préoccupés du Régime de pensions du Canada. Nous vous avons communiqué nos 10 principes à ce sujet, qui se fondaient encore là sur 10 000 réponses, dont nous avons dégagé des principes d'action future - et nous sommes d'accord pour dire qu'il faut faire quelque chose pour le Régime de pensions du Canada. Nous avons commandé des tas d'autres rapports qui ont été adressés non seulement à votre gouvernement mais à tous les gouvernements. Nous essayons de vous faire comprendre les priorités et les besoins de la petite entreprise, et notre objectif ne consiste pas seulement à influencer le processus budgétaire, mais aussi à sensibiliser les gens à notre secteur et à la création d'emplois.
Notre démarche est très importante. Elle est importante pour votre comité parce que les petits entrepreneurs jouent un grand rôle dans l'économie canadienne. Contrairement à il y a dix ans, la petite entreprise connaît une croissance soutenue, 99 p. 100 de toutes les entreprises canadiennes employant moins de 100 personnes. Plus de deux millions de Canadiens sont des travailleurs autonomes. Le secteur de la petite entreprise compte pour 40 p. 100 du PIB du Canada, et plus de la moitié de tous les emplois du secteur privé se situent dans la petite et moyenne entreprise. Mais le véritable problème ici est la création d'emplois, et chacun sait qui crée le plus grand nombre d'emplois nouveaux depuis dix ans.
Notre message est important également du fait qu'il a une influence directe sur le programme de travaux de votre comité, qui ne consiste pas seulement à étudier divers problèmes en vue du prochain budget fédéral mais aussi à recommander des solutions qui favoriseront la croissance économique et la création d'emplois. Nous vous communiquerons des informations plus détaillées sur cette dernière question demain, mais aujourd'hui, je peux vous dire en quoi consistent les priorités de nos petits entrepreneurs, selon les dizaines de milliers de réponses que nous avons reçues. Voici ces priorités: premièrement, la fiscalité générale; deuxièmement, la réduction de la dette et du déficit; troisièmement, la réglementation et la paperasserie; quatrièmement, l'assurance-emploi; et cinquièmement, l'accès aux capitaux. Ce sont là depuis toujours nos cinq priorités.
Nous sommes parfaitement d'accord avec le gouvernement pour dire qu'il faut équilibrer la réduction du déficit et la création d'emplois. Le message de la petite entreprise est clair:
- Premièrement, poursuivre la lutte pour résorber le déficit et éventuellement réduire la dette fédérale.
- Deuxièmement, réduire les charges sociales qui n'augmentent en rien nos profits et nuisent à la création d'emploi et à la consommation. Au niveau fédéral, cela veut dire réduire sensiblement les cotisations à l'assurance-emploi.
- Troisièmement, n'alourdissez pas le fardeau fiscal. Mettez un terme à cette prolifération de droits, pénalités et permis. N'éliminez pas arbitrairement les mesures d'allégement fiscal ou, ce que le gouvernement appelle les dépenses fiscales.
- Quatrièmement, n'augmentez pas le déficit pour créer des emplois à court terme dans le cadre d'un autre programme d'infrastructure ou de subventions à l'entreprise.
Pour ce qui est de la dette et du déficit, nous tenons premièrement à féliciter le ministre des Finances, qui a établi un processus ouvert et honnête. Rappelez-vous qu'il y a cinq ou six ans, nous discutions de projections et d'illusions. Nous ne faisons plus cela. Nous ne nous disputons plus sur les chiffres. Nous pouvons nous concentrer sur les mesures, et c'est une étape importante.
Le ministre a choisi des cibles pour réduire le déficit et il s'y est tenu, mais il faut faire d'avantage. Le déficit a baissé, mais c'est encore un déficit. Comme Tom le disait, la dette totale du gouvernement fédéral continue de croître. L'an dernier, elle atteignait 575 milliards de dollars, ce qui est effarant. C'est presque 20 000 $ par Canadien. Pour ma famille qui compte cinq personnes, c'est 100 000 $.
Le fardeau fiscal n'a pas diminué, il a même augmenté dans certains cas. On a éliminé des revenus d'entreprise reportés, des droits, des permis et des pénalités. On a réduit les déductions pour les repas et les distractions. On a plafonné les REER.
Je poursuivrai au cours de la période des questions. Je m'apprête à conclure, mais je tiens à dire quelque chose au sujet des cotisations à l'assurance-emploi. Nous pensons que nous pouvons gagner sur les deux tableaux. Nous avons proposé notre solution. Un taux de rentabilité de 2,20 $, comparativement au taux de 2,95 $. Le gouvernement touche le pactole en obtenant des revenus de quatre mois sur trois mois. C'est un milliard de dollars, c'est donc 5c. Le gouvernement empoche d'autres rentrées inattendues parce qu'il passe à un système horaire. C'est encore 10 à 15c., ça fait donc 25c. qui ne résorbent pas le déficit. Le ministre a également dit lors du budget de 1995 que le surplus continuera de croître pour dépasser 5 milliards de dollars à la fin de 1996. On est en 1996, l'excédent atteint 5 milliards de dollars, et on peut encore l'augmenter avec une baisse modeste d'au moins 25c.
Je crois que votre comité a recommandé la dernière fois - mais vous pouvez réitérer cette recommandation - une suspension des cotisations d'assurance-chômage pour les nouveaux employés. C'était une mesure très populaire en 1993. Nous avons interrogé 18 000 membres, et80 p. 100 d'entre eux ont dit que c'était une bonne initiative pour leur entreprise.
Il faut également parler de ce qu'on appelle les dépenses fiscales. Nous ne sommes pas d'accord avec cette notion, qui part du principe que le gouvernement a le droit de s'emparer de tous les revenus mais, dans sa bienveillance, il permet aux Canadiens d'en conserver une partie sous forme de dépenses fiscales. Deuxièmement, une étude des régimes fiscaux du monde entier révèle que les dépenses fiscales ne figurent que dans les régimes dont les taux généraux d'imposition sont tellement élevés qu'il faut créer de telles mesures pour compenser les distorsions créées par des impôts très élevés.
Si vous voulez vous débarrasser des dépenses fiscales, la solution consisterait à abaisser le taux général d'imposition ainsi que la réglementation de telle sorte que ces mesures ne seraient plus nécessaires. N'y allez pas par bribes. Je sais que c'est important, mais nous devons en parler. Nous ne voulons pas que l'on réduise davantage les exemptions pour les repas et les distractions. Nous ne voulons pas qu'on élimine l'exemption de 500 000 $ pour les gains en capitaux. Nous nous préoccupons de l'imposition des avantages sociaux relatifs à la santé et aux soins dentaires. Et nous pensons en fait qu'il faudrait accorder une déduction fiscale pour les entreprises non constituées en société, chose que votre comité pourrait recommander. Finalement, pour ce qui concerne les REER, à l'heure où l'on dit aux gens qu'ils doivent s'attendre à une réforme des pensions, nous ne voulons pas être menacés année après année d'un nouveau plafonnement ou d'une réduction des REER, et le ministre l'a dit.
Je vais m'arrêter ici avant qu'on ne me coupe la parole, monsieur le président. Mais j'ai encore beaucoup à dire.
Le président: Vous aurez amplement l'occasion d'intervenir de nouveau, monsieur Whyte. Je tiens seulement à donner à toutes les personnes ici présentes la possibilité de faire valoir leurs points de vue. Je peux vous assurer que vous aurez tous amplement l'occasion de nous dire tout ce que vous pensez. Merci beaucoup.
Notre prochain témoin est Barry Dolman, président de l'Association dentaire canadienne.
M. Barry Dolman (président, Association dentaire canadienne): Monsieur le président, puisque nous avons peu de temps, comme vous l'avez dit, je ne prendrai que quelques minutes pour faire ressortir les principaux éléments du mémoire que j'ai déjà remis au comité.
Je suis le président de l'Association dentaire canadienne et dentiste à plein temps à Montréal, où je reçois des patients tous les jours.
[Français]
L'Association dentaire canadienne représente 16 000 dentistes au Canada. C'est au nom de ces membres et pour le bien de la population canadienne que nous présentons ce mémoire.
[Traduction]
Nous croyons que toute décision visant à imposer comme revenu les cotisations relatives à la santé et aux soins dentaires fournis par l'employeur nuirait à l'hygiène dentaire des Canadiens. Nous sommes très heureux du fait qu'on n'ait imposé aucune taxe en ce sens jusqu'à ce jour, et nous remercions le comité et le ministre de nous permettre une fois de plus de faire valoir notre opposition à une telle taxe. Nous sommes particulièrement reconnaissants au comité d'avoir recommandé au gouvernement d'étendre l'exemption fiscale aux travailleurs canadiens autonomes qui ne sont pas constitués en entreprise. Si cette exemption est accordée, ces personnes et leur famille auront un accès plus équitable au régime de soins de santé du Canada.
Ce que nous voulons, c'est qu'on fasse un effort spécial pour donner aux travailleurs canadiens autonomes qui ne sont pas constitués en entreprise les moyens d'avoir accès à des soins dentaires de qualité. Une telle mesure ferait clairement comprendre aux Canadiens que leur gouvernement national ne compte pas imposer la santé, aujourd'hui ou dans un avenir prévisible. Ce serait une étape importante en vue de l'accès universel aux soins de santé.
Les incitatifs fiscaux encouragent les Canadiens à se faire soigner sans délai. Plus de 25 millions de Canadiens, grâce à cet avantage social, ont vu leur hygiène dentaire s'améliorer de beaucoup. Nous pensons que les travailleurs autonomes qui ne sont pas constitués en entreprise et leur famille devraient aussi avoir cette chance. En tant que chefs de file en matière de prévention, les membres de l'ADC croient qu'il faut une vision à long terme si l'on veut que l'hygiène dentaire et la santé économique soient fondées sur la prévention. Tous les partenaires ont contribué en ce sens. La profession dentaire a fait beaucoup pour contrôler l'augmentation des coûts. Depuis dix ans, les augmentations d'honoraires pour les soins préventifs d'hygiène dentaire sont moindres que les augmentations annuelles de l'indice des prix à la consommation.
En ma qualité de dentiste exerçant sa profession à Montréal, je vois ces problèmes dans leur réalité quotidienne. Il serait tout à fait indiqué pour le ministre et le gouvernement, avec le soutien de votre comité, d'étendre cette exemption fiscale au million de travailleurs autonomes canadiens qui ne sont pas constitués en entreprise. Ce serait un grand progrès pour tous les Canadiens et leur famille.
[Français]
L'Association dentaire canadienne recommande de conserver l'exonération fiscale des régimes d'assurance médicale et dentaire parrainés par les employeurs et d'attendre cette disposition pour inclure les régimes pour les travailleurs autonomes du Canada et les constituer en société.
[Traduction]
Le mémoire que nous vous avons remis contient beaucoup d'autres informations. Mais comme nous manquons de temps, je pense qu'il vaut mieux en discuter en comité. Merci beaucoup.
Le président: Merci, docteur Dolman. Je ne crois pas que les membres de notre comité aient changé d'avis depuis l'an dernier. C'est pourquoi votre présence ici est opportune.
Notre prochain témoin est M. Dale Orr, de la Chambre de commerce du Canada.
M. Dale Orr (président, Comité de politique économique, Chambre de commerce du Canada): Monsieur le président, je vous remercie de nous avoir invités à témoigner devant votre comité.
À notre dernier congrès annuel, la Chambre de commerce du Canada a adopté une résolution faisant état des opinions de nos membres sur la politique financière. Le texte de cette résolution a été remis aux membres de votre comité pour faciliter la discussion d'aujourd'hui. Ces recommandations sur la dette et le déficit représentent les vues d'un segment important et représentatif du monde canadien des affaires. L'essentiel de notre message cette année s'inspire de la position que nous avons prise l'an dernier. Même si les membres de votre comité n'apprendront rien de neuf aujourd'hui, j'espère que vous allez nous écouter tout de même parce que nous tenons à répondre à quelques observations qu'a faites M. Martin dans son énoncé économique du 9 octobre.
Dans mon allocution liminaire, je m'en tiendrai à deux thèmes. Premièrement, à l'idée que nous nous faisons de l'état des finances publiques, et nous nous appuyons ici sur les informations que contenait le récent énoncé de M. Martin. Deuxièmement, la réduction des charges sociales que nous préconisons.
Premièrement, au sujet de l'état de nos finances publiques, je félicite votre comité et M. Martin, vous qui avez reconnu sans ambages l'année dernière que l'indicateur le plus important de notre santé financière est le ratio de la dette au PIB. Comme le voient la plupart des Canadiens, notre principale difficulté en matière de finances publiques tient au fait que le gouvernement n'a pas la marge de manoeuvre voulue pour venir en aide aux Canadiens qui ont besoin de programmes élargis ou d'allégements fiscaux. Le gouvernement ne peut pas satisfaire ces besoins simplement parce qu'une trop forte part de nos recettes fiscales est grugée par les intérêts sur la dette.
Je cite M. Martin: «Le défi aujourd'hui et demain consiste à réduire massivement le ratio de la dette au PIB.» Maintenant que votre comité et M. Martin avez reconnu sans ambages la nature du problème, le défi qui vous attend est double. Votre première difficulté tient au fait que les gens qui vont préparer le budget de 1997 ne partagent pas tous notre compréhension de l'état des finances publiques.
Hier, le premier ministre a dit: «En 1997, de tous les pays du G-7, le Canada sera celui dont les finances publiques se porteront le mieux.» Et il s'est engagé à faire des dépenses qui s'inspirent de cette illusion. L'énoncé économique de M. Martin a clairement démontré que le ratio de notre dette par rapport au PIB dépasse de loin celui de tous les pays du G-7 sauf l'Italie. Aucun pays du G-7, sauf l'Italie, n'envie l'état de nos finances publiques. Le budget de 1997 sera un signe précurseur des prochaines élections. Il faut faire comprendre à plusieurs collègues de M. Martin au Cabinet en quoi consiste vraiment l'état de nos finances publiques, comme l'indique fort bien notre ratio de la dette au PIB.
Si l'on extrapole les données que contenait l'énoncé économique de M. Martin, on en conclut que nous ne retrouverons pas une marge de manoeuvre raisonnable en matière financière avant les premières années du siècle prochain. Même si M. Martin réussit à réduire son déficit, même si l'on abaisse les dépenses de programme en dessous de leur niveau actuel pendant cinq ans, et même si les taux d'intérêt demeurent favorables, il faudra attendre l'an 2002 avant que le ratio de la dette au PIB s'abaisse à un niveau tel que le gouvernement disposera d'une marge de manoeuvre raisonnable. Tant et aussi longtemps que le ratio de la dette par rapport au PIB n'aura pas baissé au-dessous de la barre de 60 p. 100, nous devrons privilégier les mesures visant à réduire ce ratio.
Quelques observations maintenant sur les charges sociales. On a dit, avec raison d'ailleurs, que les charges sociales étouffent l'emploi. Il faut réduire les cotisations à l'assurance-chômage. Même si la réduction de la dette est nécessaire, la Chambre de commerce du Canada ne recommande pas que l'on réduise la dette en augmentant les impôts. Au contraire, on ne facilitera l'introduction d'incitatifs, la compétitivité et l'équité que par les réductions d'impôt que nous pourrons nous permettre.
Inspirée du souci d'aider à la création d'emplois et de mener une politique d'assurance-emploi saine et équitable, la Chambre de commerce recommande, pour 1997, une réduction des cotisations d'assurance-emploi. Pour que l'excédent du fonds d'assurance-emploi atteigne le niveau nécessaire pour résister à un ralentissement raisonnable de l'économie, il faut que M. Martin impose à l'économie actuelle l'équivalent d'une augmentation des impôts. Aussi les charges sociales devraient-elles être réduites, lorsqu'à la fin de l'année le fonds d'assurance-emploi aura atteint les cinq milliards, pour maintenir l'équilibre de ce fonds malgré les fluctuations du cycle économique.
Ceci met fin à mes observations. Je suis à votre disposition pour répondre aux questions, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Orr.
Notre prochain témoin est Betty Plewes, du Conseil canadien pour la coopération internationale.
Mme Betty Plewes (présidente-directrice générale, Conseil canadien pour la coopération internationale): Bonjour, mesdames et messieurs.
Comme vous le savez pour la plupart, le Conseil canadien pour la coopération internationale représente plus d'une centaine d'organisations de secours et de développement, et englobe toute la gamme de celles-ci, depuis OXFAM-Québec à Vision mondiale Canada, en passant par le Comité central Mennonite Canada.
[Français]
C'est la troisième année que je suis invitée à témoigner devant ce comité au nom du Conseil. Malheureusement, j'ai peu de chose à ajouter à mes deux dernières présentations. Je dis malheureusement parce que ces deux dernières années, malgré la chaleureuse réception que vous m'avez réservée, j'ai dû, la journée du budget, rapporter à nos commettants la même mauvaise nouvelle, à savoir que le Canada avait de nouveau réduit son budget d'aide extérieure, que le Canada ne pouvait tout simplement plus se permettre de dépenser ce qu'il dépensait par le passé en matière d'aide.
[Traduction]
Certains de ceux qui sont assis à cette table aujourd'hui s'attendent peut-être de nous à un plaidoyer passionné et sentimental en faveur d'une augmentation - déraisonnable, bougonnerez-vous - pour envoyer plus d'argent à de lointains pays qui sont dans la misère. Je ne voudrais pas vous décevoir, et je vais donc évoquer quelques arguments de simple morale pour demander au Canada d'augmenter son APD aux pays déshérités.
Voici donc les faits. Plus d'une centaine de pays sont dans une situation pire qu'ils ne l'étaient il y a 15 ans, et concurremment, l'écart entre les pays riches et les pays pauvres, ainsi qu'entre les riches et les pauvres d'un même pays, n'a fait que se creuser de façon inquiétante.
Il est fort possible que les investissements privés soient une source beaucoup plus efficace de capitaux étrangers que ne l'est l'assistance à ces pays, mais les investissements étrangers ne sont pas la solution.
Dans le monde en voie de développement plus de 80 p. 100 de tous les investissements étrangers directs ne sont destinés qu'à une douzaine de pays dont tous, à l'exception de la Chine, ont des revenus moyens. C'est peut-être de bonne politique commerciale à court terme, mais c'est également la raison pour laquelle l'APD continue à jouer un rôle aussi vital. Mais ces dernières années, l'APD du Canada a subi des coupes sombres et disproportionnées, à savoir plus de 40 p. 100 depuis 1991.
En outre, plus de 1 p. 100 des investissements étrangers vont aux 48 pays les moins développés, et ces capitaux ne sont pas utilisés pour financer des écoles, ou des dispensaires de soins de santé primaires, ou des coopératives agricoles démocratiquement administrées. Seuls les organismes publics s'en chargent. C'est pourquoi nous rappelons instamment au Canada que, en dépit de la pauvreté qui se répand dans le pays, nous n'en avons pas moins une obligation morale à partager notre richesse relative avec ceux qui n'ont rien.
Mais l'aide étrangère va aussi dans le sens de nos propres intérêts, ce qui m'amène à parler de mondialisation, la mondialisation d'une époque en bouleversement. Nul d'entre nous ne devrait rester indifférent à un monde où il y a de moins en moins de justice, de plus en plus de pauvreté et de chômage, des pressions démographiques, une compression des dépenses en matière de santé et d'éducation et l'érosion des ressources environnementales. Il ne peut en résulter que le désespoir, la frustration et une instabilité qui fait tache d'huile. D'ores et déjà nous en discernons les conséquences: tensions ethniques et religieuses, dégradation de l'environnement, travail des enfants, drogues, maladies, etc.
Il est reconnu partout que depuis la fin de la guerre froide, la plus grande menace à la sécurité, tant canadienne que mondiale, c'est le développement économique démesuré, la dégradation de l'environnement et le fossé entre les riches et les pauvres. Ce sont là les causes profondes des conflits et de l'instabilité, et l'aide publique au développement est en mesure de jouer un rôle réel en inversant ces tendances destructrices.
Permettez-moi de conclure en citant les paroles que M. Jacques Chirac, président de la République française, a récemment prononcées devant le Congrès des États-Unis:
- Parmi tous ces dangers [mondiaux], le plus grave... c'est le sous-développement. Continuer
d'aider ceux qui sont dans le besoin constitue une obligation morale pour nous tous. C'est
également la meilleure façon de désamorcer une bombe à retardement qui constitue une menace
pour tous.
Le président: Je vous remercie, madame Plewes.
Notre prochain témoin est M. Andrew Jackson, du Congrès du travail du Canada. Je vous souhaite la bienvenue.
M. Andrew Jackson (économiste en chef, Congrès du travail du Canada): Je m'excuse de n'avoir pas apporté de mémoire, mais jusqu'à lundi je ne savais pas que j'allais venir; nous vous ferons néanmoins parvenir un mémoire en son temps. Cette année nous participons également à l'élaboration d'une contre proposition de budget par le biais du CCPA, le Centre canadien de politiques alternatives et nous vous ferons également parvenir le document qui en résultera.
Le président: Je vous remercie.
M. Jackson: Je voudrais, pour commencer, me placer dans le contexte des perspectives économiques et financières qui vous ont été communiquées par le ministre des Finances. Comme vous le savez, il est prévu qu'à la fin du prochain exercice financier, pour lequel vous préparez le budget, le déficit aura atteint 17 milliards de dollars, soit 2 p. 100 du PIB, ce qui revient à dire que nous aurons atteint notre objectif.
Il convient toutefois de faire remarquer que dans cette projection il existe un fonds de réserve de 3,5 milliards de dollars. Ces prévisions sont également basées sur des hypothèses de recettes et de taux d'intérêt délibérément prudentes. Je voudrais également vous faire remarquer - et nous pourrions apporter des preuves à l'appui - que les coupures au régime d'assurance-chômage sont plus radicales que ne le laissent entendre les projections fiscales. Autrement dit, si vous examinez les chiffres, il y a là une marge de manoeuvre d'environ 4 à 5 milliards de dollars pour l'ensemble du plan.
Je vous fais également remarquer, à examiner les perspectives économiques présentées par le ministre des Finances, que nous envisageons une reprise de la croissance, mais qui sera seulement, en 1997, de l'ordre de 3 p. 100. Cela revient à dire que le nombre d'emplois créés n'augmentera que lentement et que, selon toute probabilité, le taux de chômage restera, au cours de 1997, supérieur à9 p. 100, ce qui fait que les années 90 auront été la décennie de 9 p. 100 de chômage.
J'ajouterai que je m'élève contre la remarque de M. d'Aquino, selon laquelle nous serions à un stade avancé du cycle commercial, alors qu'au Canada nous sommes en réalité à la fin de six ou de sept années de croissance potentielle très faible et de niveaux constamment élevés de chômage. Nous ne discernons pas encore l'amorce d'une reprise et d'une tendance à la création d'emplois.
Ceci nous ramène à l'ordre du jour fondamental du gouvernement. Ce que nous avons fait, en effet, par opposition au plan de création d'emplois et de croissance, c'est équilibrer les comptes publics en tolérant une croissance très faible et un taux de chômage très élevé. Le coût de ce régime draconien d'austérité fiscale se traduit clairement par un ralentissement de la croissance et de la création des emplois. D'après les prévisions de Wood Gundy, entre autres, l'année 1997 verra probablement une diminution d'un point de pourcentage de la croissance, conséquence de l'austérité fiscale, qui nous fait sacrifier 140 000 emplois par an.
Nous continuons à subir des réductions des programmes sociaux. Une coupure de 3 milliards de dollars est déjà prévue dans les projections financières de l'an prochain, dont la plupart affecteront essentiellement les transferts aux provinces, et par conséquent aux soins de santé, à l'aide sociale et à l'éducation. On prévoit également, si je ne me trompe, des coupes sombres au régime de sécurité de la vieillesse.
Nous continuons donc dans la foulée d'un régime d'austérité financière très strict, dont l'objectif est d'équilibrer les comptes alors que l'économie est en perte de vitesse.
Quelles sont les solutions de rechange? Je dirais avant tout qu'en ce qui nous concerne nous avons accepté et continuons d'accepter les objectifs financiers, et la nécessité de les réaliser. Mais nous continuons également à insister sur la nécessité de se fixer des objectifs d'emploi et de les poursuivre résolument; autrement dit, nous voudrions que l'on rééquilibre vraiment les objectifs.
Quant à une autre formule, elle consiste partiellement à continuer de maintenir les taux d'intérêt très bas. Ceux-ci ont baissé, et dans les projections présentées par le ministre il est prévu, en fait, qu'ils augmentent. La question essentielle en matière de politique monétaire, c'est dans quelle mesure nos taux d'intérêt vont s'aligner à la hausse sur ceux des États-Unis. Je sais que le Comité s'est penché sur cette question et sur la latitude dont on dispose pour assouplir la politique monétaire. Je vous encourage vivement à examiner l'ouvrage récent de gens comme Paul Krugman et Pierre Fortin, qui affirment que si nous nous fixons un taux d'inflation inférieur à 3 p. 100 nous nous engageons effectivement dans la voie d'une augmentation du chômage.
Je suis d'avis que les objectifs en matière d'inflation, fixés entre 1 et 3 p. 100, reviennent à instruire la Banque du Canada de maintenir l'inflation au-dessous de 2 p. 100. Nous pourrions, en fait, résister à une augmentation des taux d'intérêt américains et maintenir de faibles taux d'intérêt et le faible dollar dont notre pays a désespérément besoin.
Le second argument en faveur duquel je plaiderais, c'est la nécessité d'augmenter, sélectivement tout au moins, les dépenses dans certains domaines clés. Comme je le faisais remarquer, avec le cadre même que nous a présenté le ministre nous disposons effectivement d'une certaine marge de manoeuvre de 4 à 5 milliards de dollars.
Nous insistons également sur la nécessité d'agir en matière fiscale, ce qui pourrait libérer des ressources supplémentaires pour des augmentations sélectives de dépenses. C'est ainsi que je plaiderais de nouveau énergiquement en faveur d'un impôt sur les successions dépassant 1 million de dollars, ce qui apporterait des recettes supplémentaires d'au moins 2 milliards de dollars.
Quelles seraient donc les dépenses prioritaires à faire? Tout d'abord, n'imposez pas, l'an prochain, les coupures supplémentaires prévues de 2,5 milliards de dollars au TCSPS, ce qui se répercutera inévitablement sur les programmes sociaux assumés par les gouvernements provinciaux.
En second lieu, et contrairement à ce que j'ai entendu dire par ceux ici présents, nous vous demandons instamment d'introduire un nouveau programme d'infrastructure, mais en l'assortissant d'un élément plus important d'infrastructure environnementale et sociale. C'est ainsi que nous vous demandons d'examiner sérieusement la possibilité de réaménager les logements et édifices publics pour en améliorer l'efficacité énergétique et l'utilisation de l'eau, et pour également investir dans des systèmes de transport public et une infrastructure environnementale.
Ce sont là des domaines qui nous paraissent négligés et qui sont intensément créateurs d'emplois et utilisateurs de matériaux canadiens. Il est également possible, dans ces domaines, de trouver de nouvelles sources de financement. Ainsi, dans le cas des réaménagements des logements, il est possible de faire appel au financement du secteur privé, et il en est de même pour l'investissement social.
En troisième lieu - et je m'achemine vers la conclusion - nous voudrions voir le gouvernement fédéral augmenter sélectivement ses dépenses dans certains domaines essentiels, indispensables à une économie plus productive et plus innovatrice. Je songe au Conseil national de la recherche, qui a été durement touché par les coupures, aux programmes de recherche et aux programmes de conservation de l'environnement que gère directement le gouvernement fédéral et dans lesquels on continue à taillader.
En conclusion, je suis persuadé que des augmentations avisées et ciblées d'investissements publics peuvent répondre à des besoins sociaux en matière d'environnement et peuvent également créer des emplois et augmenter ce potentiel. Cette solution me paraît de beaucoup supérieure à celle, basée uniquement sur des coupures généralisées que préconisent certains, ou l'option consternante de simplement tenir bon.
Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie, monsieur Jackson.
Le témoin suivant représente l'Association des assureurs-vie du Canada. M. Thibaudeau en est le président, et M. Bill Strain est membre du conseil, Congrès pour l'assurance vie avancée. Je vous souhaite la bienvenue.
M. David Thibaudeau (président, Association des assureurs-vie du Canada): Je vous remercie, monsieur le président, comme vous venez de le dire, nous représentons l'Association des assureurs-vie du Canada, et Bill Strain est notre directeur de la fiscalité au Congrès pour l'assurance-vie avancée, organisme qui relève de notre association.
Nos membres sont tous au service des Canadiens pour les aider, pour divers besoins et par divers moyens, à atteindre la sécurité financière. En tant qu'intermédiaires nous acquérons une connaissance intime des circonstances et besoins économiques de nos clients, qui appartiennent à toutes les couches économiques et sociales du pays.
La sécurité financière des familles et des particuliers repose sur la sécurité financière de la nation. Tant que la situation financière du pays demeurera incertaine, il serait vain de penser que le gouvernement peut aider les Canadiens à assurer leur propre avenir financier au moyen de programmes sociaux qui soient justes et équitables. C'est pourquoi, monsieur le président, nous continuons à penser, comme nous l'avons déclaré l'an dernier, que l'élimination du déficit et la réduction de la dette doivent constituer les priorités de premier ordre de tous les paliers de gouvernement.
Les Canadiens ont appris de bonnes nouvelles récemment. Toutefois, une crise de l'endettement n'a pas été complètement évitée. Le Canada doit encore consacrer le tiers environ de ses recettes fiscales au service de la dette fédérale. Il faut que les objectifs d'élimination du déficit et de réduction de la dette continuent d'avoir la priorité, si nous voulons que le Canada conserve son autonomie sur le plan économique et ses programmes sociaux progressifs.
Notre génération doit assumer la responsabilité de cette énorme dette et nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir afin de réduire le fardeau que nous laisserons à nos enfants et à nos petits enfants. Ce n'est pas le temps d'envisager d'importantes réductions d'impôt ni d'accroître les dépenses de programmes. Il faut plutôt continuer de déployer tous les efforts afin de ramener le rapport entre la dette et le PIB à un niveau acceptable dans une perspective à long terme.
Il faut que les programmes gouvernementaux soient évalués dans l'optique du vieillissement de la population canadienne et de notre capacité de financer ces programmes d'une manière responsable, tant aujourd'hui que dans l'avenir. Le système de revenus de retraite du Canada constitue un des principaux piliers de nos programmes sociaux. Il s'agit d'un système à trois volets, qui comprend des régimes de pensions publics, des régimes d'employeurs et des mécanismes d'épargne privée. Monsieur le président, il faut encourager tous les Canadiens à économiser en vue de leur retraite au moyen de régime d'employeurs ou de régimes privés et réduire le degré de dépendance à l'égard des régimes de l'État. Parallèlement, les impératifs de réduction de la dette et d'élimination du déficit exigent une évaluation critique de diverses formes d'aide fiscale à l'épargne retraite.
Toute réforme doit tenir compte de la nécessité pour les Canadiens d'avoir des chances équitables d'économiser en vue de leur retraite, et tenir compte aussi de la diversité des sources de revenus et des divers degrés de dépendance à l'égard des régimes publics, des régimes liés à l'emploi et des régimes privés.
De toute évidence, le système de l'épargne-retraite ne saurait être examiné et révisé à la pièce. L'AAVC et le CAVA avaient de grandes attentes à l'égard de l'examen exhaustif du système de retraite annoncé dans le budget de 1994. Nous avions commencé à nous préparer à participer à cet examen et nous sommes déçus de constater qu'il semble avoir été laissé de côté. Nous pressons le gouvernement de remettre ce projet essentiel en tête du programme d'action national.
Notre système de soins de santé constitue le deuxième pilier des programmes sociaux du Canada. Ce système comporte lui aussi trois volets. Conformément aux principes définis dans la loi fédérale, les provinces et les territoires administrent des régimes publics, qui sont complétés par des régimes de soins de santé et de soins dentaires privés. Au fur et à mesure que les gouvernements chercheront des moyens de réduire le coût des soins de santé dans le but de maintenir les programmes essentiels, le rôle du secteur privé s'élargira, notamment en ce qui concerne les régimes d'assurance maladie parrainés par les employeurs. On estime que près de 90 p. 100 des Canadiens bénéficient actuellement de régimes de soins de santé et de soins dentaires complémentaires. Nous continuons d'exhorter le gouvernement à rejeter les mesures, telle l'imposition des cotisations versées par les employeurs au titre de régimes de soins de santé et de soins dentaires, qui réduiraient la part du financement des soins de santé assuré par le secteur privé au Canada.
Monsieur le président, je tiens à vous remercier, ainsi que les membres de votre comité, de nous avoir donné l'occasion d'exprimer notre point de vue aujourd'hui. Nous allons présenter au comité un mémoire écrit qui explicitera ce point de vue.
Le président: Je vous remercie, monsieur Thibaudeau et monsieur Strain.
De l'Association des constructeurs d'habitations, M. Roehr et M. Kenward.
M. Jerry Roehr (président, Association canadienne des constructeurs d'habitations): Je vous remercie, monsieur le président.
Mesdames et messieurs, je suis constructeur et comme on vient de le dire, le président de l'Association des constructeurs d'habitation qui représente le secteur de la construction résidentielle au Canada.
L'année dernière mon prédécesseur, Bruce Clemmensen, a dit au Comité permanent des finances que nous en avons ras le bol. Eh bien, je suis ici aujourd'hui pour vous répéter ce message. En 1995 la construction résidentielle a atteint son niveau le plus bas depuis 35 ans et par rapport au nombre d'habitants, c'était le niveau le plus bas depuis la Deuxième Guerre mondiale.
La situation des mises en chantier résidentielles s'est légèrement améliorée cette année mais seulement par rapport à la situation catastrophique de l'année dernière. Il y a encore un décalage important si on tient compte de la demande potentielle du logement au Canada. L'analyse récente de la formation des ménages effectuée par la Société centrale d'hypothèque et de logement confirme ces piètres résultats, tout comme une étude semblable faite par la Banque de Montréal.
Par contre, certaines mesures prises au cours de l'an dernier nous ont fait grand plaisir. L'honorable ministre Diane Marleau a confirmé que le gouvernement fédéral s'engage à conserver un rôle important dans le domaine du logement et dans notre secteur, ce qui a été favorablement accueilli par notre industrie.
Le nouveau mandat de la Société canadienne d'hypothèques et de logement va mettre l'accent sur des aspects importants tels que la recherche, la diffusion d'informations, l'analyse du marché et les exportations de logements, le tout dans un contexte de partenariat entre les secteurs public et privé. La poursuite de partenariats entre l'Association des constructeurs d'habitations et les ministères et organismes du gouvernement fédéral, tels que la SCHL, le Conseil national de recherche, Ressources naturelles Canada et Développement des ressources humaines Canada et, à notre avis, très valorisante.
Nous sommes également très heureux de voir l'approche beaucoup plus agressive poursuivie par la ministre de Revenu Canada, l'honorable Jane Stewart, en ce qui concerne l'économie parallèle.
Nous appuyons le ministre des Finances quant aux mesures prises pour réduire le déficit. De plus, nous applaudissons tous les succès qu'il a remportés pour restaurer l'intégrité financière du Canada.
Et bien entendu, nous sommes très heureux de constater le progrès important de la Banque du Canada en ce qui concerne la diminution des taux.
Comment se fait-il que nous en avons toujours ras le bol? Nous en avons ras le bol parce que le gouvernement fédéral n'a pas travaillé de pair avec le secteur des constructeurs d'habitations dans le but d'élaborer une approche stratégique nous permettant de redynamiser le secteur du logement. En l'absence d'une stratégie nationale du logement, l'une des industries nationales les plus importantes du Canada donne un rendement qui est toujours au-dessous de sa capacité. Notre apport à l'économie canadienne est inférieur à celui du passé. Nous sommes capables de faire plus aujourd'hui. Le coût humain qui résulte des possibilités d'emploi perdues est toujours considérable.
Nous comprenons que l'approche du gouvernement fédéral face au renouveau économique se fonde sur deux aspects extrêmement, importants, c'est-à-dire, la réduction du déficit et la réforme du régime fiscal et réglementaire afin de permettre au secteur privé de créer des emplois. Le premier aspect connaît beaucoup de succès. Par contre, du point de vue du secteur d'habitation, le deuxième aspect n'a pas su attirer beaucoup d'attention.
L'habitation, qui représente l'une de nos industries nationales les plus importantes et l'un des indicateurs principaux de la santé économique du Canada, n'a pas fait l'objet d'une politique stratégique et systématique de la part du secteur public. Grâce aux taux d'intérêts plus bas, il est clair qu'on une voit amélioration modeste dans les secteurs d'habitation canadienne à l'heure actuelle. Cependant, cette amélioration est beaucoup trop lente et plus faible qu'elle ne devrait l'être.
Nous ne pouvons pas être d'accord avec le ministre des Finances lorsqu'il qualifie d'important le bilan de cette année pour ce qui est des mises en chantier. Cependant, nous sommes absolument d'accord avec lui lorsqu'il dit:
- ... la création d'un climat financier et monétaire sain est absolument essentielle si nous voulons
atteindre tous les autres objectifs. Cependant, se limiter à l'essentiel ne suffit pas.
L'Association des constructeurs d'habitations du Canada préconise ces idées depuis plus de 10 ans, bien avant l'ère où de telles idées étaient reçues favorablement par le public ou le milieu politique.
Nous transmettons un message très clair au gouvernement fédéral. Compte tenu de la politique du secteur public à l'heure actuelle, il est impossible de formuler de nouvelles stratégies relatives à l'industrie de la construction résidentielle. Un redressement du secteur de la construction d'habitations ne sera pas créé simplement par des taux d'intérêt plus bas. Ce qu'il nous faut, à l'heure actuelle, c'est une reforme du régime fiscal et réglementaire qui permettre à notre industrie de donner un bon rendement sur le marché et de créer de l'emploi.
On nous dit que le Canada est doté du meilleur système d'habitations au monde. Nous avons construit le meilleur système d'habitations. Notre secteur d'habitations constitue un atout national important et l'industrie produit des richesses considérables.
Le Canada a besoin d'une stratégie d'habitation qui va favoriser une industrie viable, aider les acheteurs de logement et permettre à...
Le président: Merci beaucoup, monsieur Roehr, de vos arguments. Je suis certain qu'on va vouloir vous poser des questions en ce qui concerne cette stratégie.
Je cède maintenant la parole aux membres du comité.
[Français]
Monsieur Bélisle, s'il vous plaît.
M. Bélisle (La Prairie): J'ai trouvé très intéressants tous les intervenants qui se sont exprimés cet après-midi. J'ai retenu certaines idées et certaines remarques de MM. d'Aquino, Roehr et Thibaudeau.
En ce qui a trait à la réduction du déficit et, éventuellement, de la dette, je trouve important que le ministre des Finances nous dise que le déficit, à la fin de l'année financière terminée le 31 mars, sera de l'ordre de 28 milliards de dollars et qu'on prévoit un déficit de 17 milliards de dollars l'année prochaine et de 9 milliards de dollars dans deux ans.
Cependant, si vous me permettez une comparaison, cela me fait un peu penser aux inondés du Saguenay - Lac-Saint-Jean, l'été dernier. C'est comme si on leur avait dit: «Messieurs, dames, on a de bonnes nouvelles. L'eau continue à monter, mais elle monte moins vite qu'elle ne montait antérieurement.»
On est à peu près dans cette situation-là face au déficit et à la dette du Canada. Évidemment, le déficit est en train d'être résorbé progressivement, à la suite des pressions de tous les partenaires, groupes de pression et corps intermédiaire comme le vôtre, mais la situation de la dette demeure très préoccupante, très inquiétante. On voit que, malgré tout, la dette continue de croître d'année en année.
Plusieurs d'entre vous l'ont mentionné dans leurs exposés et leurs documents. Je crois que c'est le document de M. Thibaudeau, de l'Association des assureurs-vie du Canada, qui traite de la dette qu'on va transmettre à la génération future, à nos enfants et petits-enfants.
Donc, à la lumière de ce qui a été dit cet après-midi, il faut faire preuve d'un peu de perspective. Il ne faut pas se préoccuper seulement du déficit, mais également de la dette totale.
Je pense qu'on en est maintenant rendu à planifier comment, dans deux ou trois ans, on va s'attaquer à la réduction de la dette au Canada et au Québec.
J'aimerais demander à M. d'Aquino, M. Roehr ou à d'autres qui voudraient intervenir s'ils ont une idée des principaux paramètres ou principes sur lesquels on devrait s'appuyer pour en venir à réduire systématiquement cette dette, qui a dépassé les 74 p. 100 du PIB. Dans certains documents, on parle de la ramener à 60 p. 100 ou même moins. Avez-vous une idée des principaux principes ou paramètres qui devraient nous guider à moyen terme?
M. d'Aquino: Monsieur le président, je peux répondre à cette question.
[Traduction]
La question de savoir comment réduire la dette est critique: en effet, je crains que dans les cercles gouvernementaux, l'on ait l'impression que la seule façon pour les gens d'affaires de s'attaquer la dette, c'est simplement en imposant des compressions et en utilisant l'argent pour rembourser la dette.
Pour ma part, je crois qu'il existe une stratégie globale qui permet de régler la question de la dette. Et à bien des égards, c'est la même stratégie que celle qui permet la création d'emplois et la croissance économique.
Après mon tour, j'ai noté quelques questions que j'aimerais vous poser en quelques mots, monsieur le président: Comment créer des emplois? Comment accélérer la croissance économique? Comment s'attaquer au problème de la dette au Canada?
Il faut d'abord apporter une valeur ajoutée au marché du travail en scolarisant et en formant mieux nos travailleurs. Mon ami Andrew Jackson serait sans doute le premier à dire que les travailleurs instruits ont plus de chances de trouver un emploi. Or, ce sont ceux qui ont des emplois qui payent des taxes. Plus l'emploi est bien rémunéré, et plus les taxes qu'ils payent sont élevées. Cela ne peut que contribuer au mieux-être.
En second lieu, et croyez-le ou non, nous pourrons nous attaquer au problème de la dette en instaurant un train de mesures sociales efficace au Canada. Cela pourrait surprendre certains autour de la table, mais nous avons toujours dit que des programmes sociaux et des mesures sociales efficaces constituent certains de nos avantages compétitifs les plus puissants. Le Canada compte de nombreux avantages compétitifs mais ceux-ci subissent actuellement et malheureusement une érosion en raison de l'orgie des dépenses que nous avons vécue depuis 20 ans. Il nous faut donc des programmes sociaux puissants.
Troisièmement, il nous faut des partenariats beaucoup plus efficaces entre le secteur privé et le secteur public.
Quatrièmement, il faut entretenir une culture plus axée sur l'entreprise. Ceux parmi nous aujourd'hui qui représentent les petites entreprises vous ont dit à quel point il était essentiel pour la grande majorité des petits entrepreneurs d'évoluer dans une culture qui les incitera à rester dans ce secteur de la petite entreprise, à y créer des emplois et à y investir.
Il faut réduire les taxes: en effet, si vous considérez la totalité des taxes qui sont imposées au Canada, vous constatez qu'elles constituent un fardeau écrasant. J'entends dire constamment que les taxes élevées font plus pour nuire aux investissements que presque tout autre facteur. Or, sans investissements il n'y a pas d'emplois, et les coûts ne font que croître.
On a parlé d'une inflation faible et M. Jackson a mentionné Krugman et Fortin. Il n'a pas pu vous citer beaucoup d'autres noms, car la grande majorité de ceux qui évoluent dans le milieu économique du monde entier vous diront, chiffres et réalités économiques en main, que de tout temps, ce sont les pays avec l'inflation la plus faible qui ont eu des taux de chômage les plus faibles.
Il est essentiel d'avoir des taux d'intérêt faibles, de même que d'avoir des capitaux qui soient abordables, un gouvernement qui soit efficace et des marchés qui soient ouverts. J'ajouterais aussi un autre élément à l'intention de mon ami du Québec. Pour s'attaquer au problème de la dette et créer des emplois, pour susciter la croissance et les investissements, il faut un autre ingrédient essentiel: la stabilité politique.
Mon ami ne sera pas étonné de m'entendre lui dire que les politiques de son parti et les politiques de l'actuel gouvernement du Québec font un tort inestimable et nuisent à la croissance, à la création d'emplois et à notre capacité en tant que Québécois et en tant que Canadiens à nous attaquer le problème le plus grave et le plus persistant du Canada, celui de la dette.
[Français]
Le président: Avez-vous autre chose à ajouter? Merci beaucoup, monsieur Bélisle.
[Traduction]
Monsieur Grubel, vous avez la parole.
M. Grubel (Capilano - Howe Sound): Merci, monsieur le président.
J'aimerais aborder une question de stratégie financière qui n'a pas été encore mentionnée par les témoins et qui touche la taille en général du gouvernement.
Le ministre des Finances et le premier ministre ont affirmé que c'en était fini des compressions de dépenses. Entendait-il par là que nous allons pouvoir réduire le déficit - 14 milliards de dollars l'année prochaine, soit 7 milliards de dollars par an - et que dans 2 ans, en étant optimiste, nous en serons sortis? Je crois, pour ma part, qu'il y a une autre façon de faire, c'est-à-dire de réduire encore plus la taille du monstre.
Qu'est-ce qui me fait dire cela? J'ai pris la peine récemment d'étudier ce qui avait été fait par le gouvernement actuel en vue d'éliminer le déficit. Voici quelques statistiques intéressantes.
Une grande partie de la réduction dans les dépenses de programmes provenait d'une réduction des paiements au titre de l'assurance-chômage, qui découlait simplement d'une amélioration de l'activité économique - quelle chance! Cela a donné quelque 4 à 5 milliards de dollars. Or, le gouvernement s'est également déchargé de 7 milliards de dollars sur les provinces.
Voilà le type de dépenses de programmes avec lesquelles joue le gouvernement et qui représentent une bureaucratie oppressive dont se plaignent tant de Canadiens, et qui représentent aussi toute la paperasse dont pourrait nous parler M. d'Aquino et dont se plaignent les petites entreprises.
On a versé de l'argent à des groupes d'intérêt spéciaux et à des programmes particuliers, de telle sorte que même les commissions indépendantes se plaignent aujourd'hui de ce que les programmes n'ont pas réussi à convaincre les Canadiens de leur raison d'être. Je pense au multiculturalisme, notamment. Savez-vous quel genre de compression le gouvernement actuel a imposé à ces programmes? Il leur a imposé des compressions de moins de 2 milliards de dollars par an. Sur100 milliards de dollars, ce n'est pas ce que j'appellerais une grosse réduction, pour le gouvernement.
Je suis surpris de constater que dans nos débats on n'a jamais abordé cet aspect. Sommes-nous d'accord avec des dépenses de programmes qui sont prévues à 109 milliards de dollars par le gouvernement libéral actuel ou voudrions-nous qu'elles se chiffrent à moins?
Je voudrais savoir ce que vous pensez de l'idée suivante: ne croyez-vous pas qu'il serait temps pour le Canada de se demander s'il ne devrait pas réduire ce fardeau opprimant que représente ce monstre appelé le gouvernement fédéral?
M. Jackson: Puis-je répondre?
Le président: Bien sûr.
M. Jackson: Vous me surprenez un peu. Je ne cherche certes pas à défendre la mise à jour économique et financière, mais prenez les chiffres qui s'y trouvent: à la page 22, si vous regardez les dépenses du gouvernement fédéral par ministère, vous constaterez que depuis 1994-1995, les dépenses ont été réduites de 11 milliards de dollars soit de 21,5 p. 100. Prenez le cas du ministère du Développement des ressources humaines, par exemple, qui comporte surtout des dépenses axées sur la formation: ce ministère a subi des compressions de 40 p. 100. Le ministère de l'Industrie a subi des compressions de dépenses de 30 p. 100, dont bon nombre touchaient à des programmes technologiques du Conseil de recherche national, notamment.
Même si je m'oppose à bon nombre des compressions qui ont été imposées, je reste sidéré que quelqu'un ose affirmer que le gouvernement fédéral n'a sabré dans ses dépenses qu'en réduisant les transferts. Vous avez raison, jusqu'à un certain point, de dire que les compressions touchaient les transferts et l'assurance-chômage, mais il y a eu beaucoup de programmes fédéraux directs qui ont été sérieusement touchés et qui continueront à l'être.
M. Grubel: Tandis que le déficit était réduit de 23 ou de 25 milliards de dollars, les recettes augmentaient exactement de 23 ou 25 milliards de dollars, selon ce qui arrivera l'année prochaine. Les dépenses de programmes ont chuté de 14 milliards, dans la mesure où on descend jusqu'à106 milliards de dollars, dont 7 milliards sont, d'après certaines évaluations, constitués de réductions dans les transferts aux provinces. J'ai interrogé le ministre des Finances là-dessus, et il m'a répondu par lettre. Les dépenses de programmes, autres que celles déjà mentionnées, n'ont chuté que de7 milliards de dollars.
M. Jackson: Si vous y regardez vraiment de près, vous constaterez qu'il y a eu certaines augmentations. Ainsi, les dépenses consacrées à la sécurité de vieillesse ont augmenté. Donc, certains ont augmenté et d'autres pas, mais dans l'ensemble, les dépenses ministérielles ont chuté considérablement.
Cinquante mille employés du gouvernement fédéral sont touchés directement car ils ont perdu ou vont perdre leur emploi. Vous attaquez la bureaucratie et la paperasse, mais il y a un nombre incroyable d'emplois qui ont été directement touchés. Vous n'avez qu'à regarder ce qui se passe directement à votre porte, dans la fonction publique. Je trouve curieux de vous entendre parler d'un monstre.
M. Grubel: Mais d'aucuns, à regarder ce qui se passe à leur porte, se demandent si, comme on l'a vu lors d'épisodes antérieurs d'excès de dépenses et de crise financière, les bureaucrates ne se seraient pas encore une fois emparé du gouvernement et ne l'auraient pas convaincu, ce qui était dans leur propre intérêt, que les compressions devaient être effectuées ailleurs que chez eux.
J'aimerais savoir si l'un ou l'autre de nos éminents témoins partage mes inquiétudes et si l'un ou l'autre d'entre eux pourrait me dire ce qui pourrait être la taille optimale pour le gouvernement, ici à Ottawa.
Le président: Monsieur Whyte.
M. Whyte: Il y a un ou deux ans, nous nous en sommes tenus à l'objectif de 9,1 milliards de dollars de Paul Martin et avons demandé à nos membres où devraient s'effectuer les compressions et quelles devraient être les priorités: subventions aux entreprises, mégaprojets, opérations gouvernementales, assurance-chômage ou défense. Nous avons l'impression que les compressions imposées au chômage ont poussé... Il y aurait plus à faire encore, mais c'est là qu'on a sabré, de même que dans la défense.
Si on se reporte au même rapport que celui qu'a cité M. Jackson et si l'on regarde les dépenses, on constatera que celles du ministère de l'Industrie et de certains organismes régionaux ont plutôt augmenté. De la même façon, au ministère du Développement des ressources humaines et au ministère des Affaires indiennes et du Nord il y a eu des hausses, même si les dépenses gouvernementales ont diminué. Si l'on regarde les subventions et subsides aux entreprises, voilà un autre secteur dans lequel il serait possible de sabrer considérablement. Voilà ma première observation.
En second lieu, en ce qui concerne les salaires versés par le gouvernement et la contribution équivalente des pensions, personne ne s'est penché sur cette question. On peut bien augmenter la contribution équivalente à 10 p. 100, ce qui est tout simplement scandaleux étant donné l'économie actuelle. On pourrait peut-être se tourner vers ce secteur-là.
Nous essayons de trouver des façons d'imposer des compressions sans toucher directement aux programmes. Nous vous disons de commencer d'abord par nous.
Nous nous inquiétons de voir 100 millions de dollars de subventions et de subsides de plus aller entre les mains des entreprises. Nous nous inquiétons de voir le gouvernement ouvrir à nouveau le robinet. Nous convenons avec vous que l'on doit être beaucoup plus vigilant dans les dépenses.
Le déficit n'est pas encore résorbé. Il est possible d'agir avec prudence et en ciblant mieux, et il est possible en même temps de faire plus.
M. Grubel: Les organismes typiques de développement reçoivent généralement presque un milliard de dollars chacun. N'oublions pas non plus les 97 millions de dollars qu'a reçus Bombardier, même si on se doute bien que cette entreprise disparaîtra à cause de l'accord de libre-échange.
Je ne comprends pas que les témoins d'aujourd'hui ne s'inquiètent pas de la taille du gouvernement. Bien avant que le déficit ne soit éliminé, on recommence à dépenser. On vient d'octroyer un million de dollars à la production cinématographique. Pouvons-nous nous le permettre à l'heure qu'il est? Est-ce vraiment ce que souhaitent les Canadiens?
Il faudrait en discuter franchement et je suis très déçu qu'aucun des témoins n'ait soulevé le problème.
M. d'Aquino: Monsieur le président, M. Grubel affirme qu'aucun d'entre nous n'a soulevé le problème. On nous a accordé trois minutes. De plus, je croyais que, à la lumière des propos tenus par les témoins, il était clair que la question nous préoccupait considérablement. M. Grubel et moi nous nous connaissons depuis longtemps, et il sait que notre organisme demande depuis longtemps au gouvernement de réduire ses dépenses.
Je ne voudrais pas monopoliser tout votre temps, mais laissez-moi vous donner quelques chiffres qui vous expliqueront la position de mes collègues là-dessus. Cela vous permettra de mieux comprendre où se situe le Canada. De plus, cela ne correspond pas au monde tel que veut le percevoir M. Jackson.
Si l'on regarde toutes les dépenses gouvernementales des pays du G-7, elles se chiffraient au Canada, en tant que pourcentage du PIB, à à peine plus de 51 p. 100, il y a quatre ans environ. Or, les dépenses ont aujourd'hui chuté à environ 45 ou 46 p. 100, ce qui nous laisse toujours parmi ceux qui dépensent le plus en pourcentage de leur PNB, dans le secteur public.
Nous avons toujours eu pour objectif d'être légèrement en deçà de la moyenne des pays du G-7, ce qui nous obligerait à diminuer nos dépenses à environ 35 p. 100. Or, pour pouvoir passer de 45 à35 p. 100, je crois que M. Grubel vous convaincra qu'il faut réduire la taille du gouvernement.
M. Grubel: Mais vous parlez, quant à vous, de l'ensemble des dépenses, alors que, pour ma part, je vous parle des dépenses de programmes que le gouvernement peut contrôler. Nous avons calculé que si le gouvernement réduisait ses dépenses de programmes à 94 milliards de dollars, en pourcentage du PNB, elles seraient à peu près au niveau où elles étaient avant l'explosion des années Trudeau dans les activités gouvernementales. On assistait alors à un retrait des activités du secteur privé pour des raisons idéologiques et historiques et au retrait des provinces, tout simplement parce que certains Libéraux à Ottawa se croyaient détenteurs de la vérité et croyaient savoir ce qui était le mieux pour la population.
Le président: Je vous remercie de nous donner un si haut rang, monsieur Grubel.
M. Grubel: C'est exact, monsieur le président.
Le président: Vous êtes probablement la seule personne au monde à avoir une telle opinion de moi, mais je vous en remercie beaucoup.
M. Grubel: Mais vous ne faisiez pas partie du gouvernement à ce moment-là.
Je voulais simplement ajouter cela à la discussion. J'espérais que vous auriez des commentaires à formuler pour m'aider à neutraliser un peu ce qu'a dit M. Jackson et renforcer mon propre argument à cet égard et j'aimerais que vous me répondiez par écrit, afin que je puisse en discuter avec mon parti.
Je vous remercie beaucoup de votre indulgence.
Le président: Y a-t-il d'autres commentaires sur cette question? Je sais qu'il y a accord entre Andrew Jackson et Herb Grubel, mais peut-être pas parmi la plupart des autres personnes présentes à la table.
M. Anderson: Je veux seulement ajouter que nous disons depuis longtemps que la taille du gouvernement concorde avec les fonctions qu'il remplit, comme vous le savez. À notre avis, l'absence d'harmonisation réglementaire, ainsi que le double emploi et les chevauchements, sont la cause de la prolifération inutile de la bureaucratie. Il serait préférable pour nous tous qu'il n'en soit pas ainsi.
Alors au lieu d'opter pour des compressions des dépenses de programmes à un niveau particulier, nous disons quelles sont les fonctions dont nous pourrions nous passer, qui pourraient être mieux remplies et d'une manière plus efficace par le secteur privé? Où avons-nous cette surcharge de réglementation?
M. Grubel: Vous avez certainement raison.
M. Anderson: Nous pensons que c'est un secteur où vous pourriez réaliser de grandes économies, mais la volonté politique nécessaire pour agir manque absolument. Si nous nous attaquons à cela et faisons des progrès, je pense que nous pouvons tous y gagner, mais les progrès sont très lents.
M. Ross: Je vais mordre à l'hameçon. Je trouve fascinant qu'on suggère ou qu'on propose de simplement réduire le gouvernement, sans que cela ait de répercussions sur la société. Vous semblez partir de l'hypothèse selon laquelle les 106 milliards de dollars que le gouvernement consacre aux programmes constituent un gaspillage total. Vous supposez essentiellement qu'en supprimant ces 106 milliards de dollars cela aurait très peu d'incidence sur la société.
Je me demande si vous pourriez me le prouver. Je vous lance un défi, à vous et à votre parti; si vous pouvez m'expliquer le type de compressions que vous voulez effectuer et me garantir ou garantir aux gens que je représente que cela n'aura pas de répercussions sociales, ni sur le plan de la santé ou de l'éducation, je serai alors peut-être enclin à prendre votre défi au sérieux.
M. Grubel: Prenez par exemple la Société Radio-Canada, les programmes de multiculturalisme ou de développement régional, et les prestations d'assurance-chômage trop généreuses.
M. Ross: Ce sont des suggestions.
M. Grubel: Il y a déjà là plusieurs milliards de dollars.
M. Ross: Une chose que nous n'avons pas au pays, et dont nous avons désespérément besoin, est une certaine préservation à long terme, une viabilité.
M. Grubel: Précisément.
M. Ross: Nous nous fions trop, comme le font généralement les entreprises, aux indicateurs économiques à court terme. Nous n'avons pas d'indicateurs à long terme. D'après le Forum économique mondial, il faut connaître d'avance les répercussions futures des types de mesures qu'on prend aujourd'hui.
Je suis préoccupé par le fait que vous fixiez un objectif de réduction du déficit et de la dette [Inaudible] et vous pouvez progresser vers cet objectif, mais quelles sont les répercussions sur la viabilité à long terme de la société? Vous transmettrez seulement une partie des coûts aux plus défavorisés de la société et à d'autres groupes. Vous pourrez vous retrouver sans économie. Sans une programme social solide, vous n'aurez pas d'économie sociale. Il est faux de penser que c'est le développement économique qui finance les programmes sociaux. Le développement social fournit aussi la base du développement économique. Les deux vont de pair.
Je n'ai donc pas d'objection, si vous pouvez trouver des moyens de réduire les dépenses du gouvernement sans nuire à certains de ces indicateurs à long terme. Je serais fort heureux de vous écouter.
M. Grubel: Il est clair, M. Ross, qu'il n'est pas question d'y échapper, mais plutôt de voir qui parmi les Canadiens s'en occupera. Les gouvernements provinciaux? Des citoyens? Des organismes de charité? Au lieu que tout vienne d'Ottawa, d'où c'est d'abord acheminé, une bonne part s'enlise dans la bureaucratie.
Prenons le cas du ministère des Affaires indiennes et du Développement du Nord. Chaque année, on dépense plus de 10 000 $ par Autochtone. Pour une famille de quatre, cela nous coûte40 000 $.
Le travailleur moyen employé à temps plein dans le secteur manufacturier gagne 30 000 $ par an au Canada. Quand on gagne 50 000 $ ou plus par an, on gagne plus que 90 p. 100 de ses concitoyens. Nous dépensons 40 000 $ par famille de quatre Autochtones. Pourquoi sont-ils si pauvres? Parce que tout s'envole en honoraires d'avocats et en toutes sortes de dépenses bureaucratiques, en gaspillage.
La question que nous devons nous poser est celle-ci: combien de dépenses de ce genre continuerons-nous d'engager au Canada à l'avenir? Je ne sais pas si vous pourriez m'écrire pour me dire ce que vous en pensez. Quelle serait à votre avis la participation optimale du gouvernement? Merci.
Le président: Monsieur Grubel, pourrions-nous donner le dernier mot à M. Jackson à ce propos?
M. Jackson: Très brièvement, au sujet de ce mythe de l'omniprésence du gouvernement au Canada, si on se reporte à la mise à jour économique et budgétaire, on trouve un tableau très utile, à la toute dernière page, qui est facile à consulter. Il porte sur le niveau des dépenses de programmes dans les pays du G-7.
On peut y voir que le Canada n'est que légèrement en avance sur les États-Unis. Si l'on examine les dépenses de programmes, nous en sommes à 34 p. 100 ou à 35 p. 100 comparativement à30 p. 100. Je dirais que cet écart est dû en grande partie, sinon en totalité, au fait que nous assurons des soins de santé par l'intermédiaire du secteur public plutôt que privé.
Si bien que quand vous me parlez du monstre qu'est le gouvernement du Canada, je répondrais que notre gouvernement n'est pas vraiment plus imposant que l'était celui des États-Unis à la fin de la période Reagan-Bush-Clinton quand on tient compte de ce simple fait. Nous avons un gouvernement de taille plus modeste que celui du Royaume-Uni après des années sous le règne conservateur Thatcher. L'idée que le Canada est suradministré n'est qu'un mythe sans fondement.
Le président: Herb, seriez-vous d'accord pour que je donne la parole à Dale Orr, et vous aurez le mot de la fin? Êtes-vous d'accord?
M. Grubel: Je répondrai brièvement. Je m'étonne que M. Jackson fasse une comparaison avec les États-Unis. Sur le plan des idées, cela ne se défend pas.
M. Jackson: Je pensais simplement qu'on pourrait...
M. Grubel: Deuxièmement, si les dépenses de programmes des pays européens sont si élevées c'est parce que la population y est beaucoup âgée et qu'on y dépense davantage au titre des régimes de pension et de l'assurance-maladie.
Le président: Monsieur Orr, s'il vous plaît.
M. Orr: Merci, monsieur le président.
Monsieur Grubel, je ne pense pas que l'on puisse définir de niveau optimal de dépenses pour les programmes. Je pense que chaque programme doit être jugé objectivement. Mais j'aimerais revenir sur ce que nous dit le monde des affaires. Quand on fait cela, même quand on réduit les dépenses de programmes à seulement 106 milliards de dollars alors qu'elles atteignaient 120 milliards de dollars il y a cinq ans, on reste sûrs malgré tout que nous aurions tout intérêt à effectuer de nouvelles réductions. Il est donc très important de noter que nous n'appuierions personne qui viendrait dire qu'à un niveau de 106 milliards de dollars nous avons tout dégraissé, qu'il n'y a plus moyen de couper.
J'aimerais faire quelques propositions bien spécifiques. Même à ce niveau, les subventions aux entreprises ne seraient pas réduites autant que l'a recommandé la Chambre de commerce. Le développement régional subsisterait toujours, ce qui a probablement pour effet d'entraver l'économie plutôt que de la stimuler. Il y aurait toujours les subventions à l'agriculture, qui elles aussi entravent probablement l'économie au lieu de l'encourager. Il subsisterait encore pas mal de subventions à la culture, ce qu'on peut aussi remettre en question.
À ce propos justement, la Chambre de commerce a recommandé que nous nous retirions des réseaux de télévision financés par les deniers publics. Étant donné la technologie dont nous disposons dans les années 90, on peut réaliser quelque objectif culturel qu'on se donne sans disposer d'un réseau de télévision financé par les deniers publics.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Grubel.
M. Grubel: Merci de votre générosité, monsieur le président.
Le président: Il est toujours agréable de travailler avec vous, monsieur Grubel.
Madame Brushett.
Mme Brushett (Cumberland - Colchester): Merci, monsieur le président. Effectivement, c'était intéressant.
Il y a deux choses au sujet desquelles j'aimerais entendre des recommandations précises. Une question a été soulevée par George Anderson au sujet d'un manque de volonté politique pour rationaliser le processus de réglementation. Je me demande s'il estime que si l'on ne s'y attaque pas c'est par manque de volonté politique.
Ma deuxième question s'adresse à Jerry à propos de l'Association canadienne des constructeurs d'habitations. Vous demandez une stratégie concernant le secteur de la construction résidentielle. En tant que gouvernement, nous nous sommes attachés à créer un climat économique propice et à laisser le secteur privé assurer la croissance et le développement. Que souhaiteriez-vous nous voir faire de plus?
M. Anderson: Nous pressentons en ce moment les gouvernements des provinces atlantiques pour qu'on s'efforce d'examiner le processus de réglementation en matière d'assurance. Pour une population inférieure à celle de l'agglomération torontoise, il existe quatre organismes de réglementation distincts - même cinq si l'on tient compte de l'organisme de réglementation fédéral - qui tentent de réglementer au fond les mêmes domaines à tous ces paliers de gouvernement.
Nous nous entendons sur le plan politique pour dire que c'est une chose qu'il faudrait faire. On pourrait faire réaliser d'importantes économies aux consommateurs des provinces atlantiques. On pourrait aussi faire gagner beaucoup de temps et faire économiser bien des dépenses à notre secteur au titre des coûts d'observation. Pourtant, quand on examine la situation, quand vient l'heure de vraiment mettre en place les mécanismes pour passer à l'action, rien ne se passe. Il ne se passe rien à cet égard dans les provinces atlantiques.
Nous y travaillons maintenant depuis 18 mois ou deux ans. Il a été dit sur tous les tons que c'était la chose à faire. Rien n'aboutit.
Mme Brushett: Mais que pouvons-nous faire en tant que gouvernement fédéral?
M. Anderson: Nous nous apprêtons à présenter une série de recommandations sur la rationalisation de la réglementation des services financiers. Par exemple, notre secteur paie déjà environ 22 p. 100 des coûts de réglementation, et ses éléments d'actifs comparativement à ceux d'autres institutions financières sont inférieurs à 3 p. 100. Nous allons donc travailler avec l'organisme de réglementation fédéral pour essayer de rationaliser les processus d'observation dans le secteur des assurances, tout comme nous l'avons fait avec les organismes de réglementation des provinces de l'Atlantique.
Je suis pessimiste, en raison de l'expérience passée, face aux résultats qu'on pourrait obtenir. Malgré tout ce qui a été dit à ce propos, par tous les paliers de gouvernement pendant de nombreuses années, nous n'avons pas constaté de véritables progrès. Dans les provinces atlantiques, la seule fonction qui est harmonisée est la Commission sur les courses sous harnais.
Mme Brushett: C'est une question qui intéresse ma circonscription et je le comprends donc bien.
Le président: Monsieur Roehr.
M. Roehr: J'aimerais tout d'abord vous dire que depuis 18 mois on nous dit que les taux d'intérêt vont baisser et que le bâtiment va reprendre. Je ne peux parler que du secteur résidentiel; c'est notre domaine de compétence. Nous devons tenir compte de ce que nous appelons des «obstacles», des entraves qui empêchent notre secteur de bien se tirer d'affaire comme il le devrait et de contribuer à l'économie canadienne.
J'aimerais vous mentionner quatre choses. Il faut réformer le régime fiscal, ce qui mettrait fin à l'effet cumulatif des taxes, des droits, et des frais pour notre secteur et pour les consommateurs. Parallèlement, cela se répercute sur les permis, où l'on va continuer à exiger de nouveaux droits, des frais et des taxes par surcroît. Ensuite, il faudrait trouver une définition de ce qu'on appelle une «rénovation substantielle» afin qu'elle soit adéquatement visée par la loi actuelle sur la TPS. Puis il y a le problème de l'ensemble de notre régime fiscal et du plan actuel d'harmonisation dans les provinces atlantiques.
Voilà quatre domaines en particulier.
À notre avis, l'industrie de la construction domiciliaire peut contribuer considérablement, à long terme, à la création d'emplois. Toutefois, il faut réexaminer la politique et les mesures de réglementation de notre gouvernement pour y parvenir.
Nous ne recherchons pas de solutions à court terme. Nous avons toujours maintenu que nous ne voulions pas d'un programme de stimulants. Néanmoins, il nous faut examiner et remanier la structure fiscale canadienne qui constitue une entrave réelle à notre industrie, afin que les Canadiens aient l'espoir d'obtenir un emploi à l'avenir et ressentent une plus grande sécurité. Il faut comprendre qu'un domicile représente un atout très précieux de notre système social.
Le président: Monsieur St. Denis.
M. St. Denis (Algoma): Je vous remercie tous de votre présence ici. Tout cela est très utile.
Je me demande si ce n'est pas réduire le problème et la solution à son expression la plus simple que de prétendre que si le secteur de la construction domiciliaire ne reprend pas, c'est la faute du gouvernement. Comme nous avons entendu le premier ministre le mentionner chaque fois qu'il en a l'occasion, la baisse des taux d'intérêt, selon le montant de l'hypothèque, peut faire économiser des milliers de dollars à une famille. À moins qu'il ne s'agisse du coût des permis et des taxes qui s'élèvent à beaucoup plus, je me demande - votre organisme a-t-il fait des recherches à ce sujet - s'il existe des raisons structurelles qui expliquent l'absence de relance dans votre secteur; par exemple, des changements démographiques, un désir de la part des consommateurs de trouver des logements de types différents. Qu'est-ce qui explique ce marasme, simplement la politique gouvernementale ou des changements démographiques structurels que nous ne comprenons peut-être pas pleinement?
M. Roehr: D'après les données démographiques, entre 140 000 et 170 000 logements au Canada devraient être mis en chantier. Nous nous demandons qu'est-ce qui nous empêche d'atteindre ces chiffres. On nous le répète, c'est un problème de confiance chez le consommateur. Les gens ont tout simplement peur de ne pas trouver d'emploi ou de perdre le leur s'ils en ont un.
Il faut donc déterminer ce que nous pouvons faire dans le cadre du régime actuel en réaffectant des crédits afin de nous assurer que la création d'emplois inclut le secteur du logement. Si nous y parvenons, notre secteur sera en mesure de créer des emplois dans toutes les régions du pays, ce qui se traduira par une amélioration de la confiance chez le consommateur ce qui nous permettra d'obtenir les revenus nécessaires pour continuer à résorber le déficit et réduire la dette.
À notre avis, nous ne saurions nous en remettre aux seules exportations. Les derniers chiffres révèlent que notre excédent au niveau des exportations provient de la réduction de nos importations.
M. St. Denis: Permettez-moi de vous interrompre. Si je comprends bien, vous dites au fond que ce n'est pas entièrement la faute du gouvernement, que c'est une question de confiance du consommateur. Que le consommateur souhaite se porter acquéreur d'une voiture, d'une maison ou d'un moulin à café, c'est une question de confiance et votre industrie est touchée comme de nombreux autres secteurs.
La question de la confiance des consommateurs est très compliquée. On peut espérer qu'avec le temps, lorsque les mesures actuelles porteront fruit, cette confiance s'améliorera. Encore une fois, je vous le demande, l'industrie a-t-elle simplement besoin d'un allégement fiscal? Est-ce vraiment tout ce qu'il faudrait à votre avis ou faudrait-il autre chose en plus?
M. Roehr: Permettez-moi de demander à John Kenward de vous parler plus précisément des recommandations que nous avions faites qui portent justement sur tout ce problème de la confiance chez le consommateur.
M. John Kenward (administrateur en chef des opérations, Association canadienne des constructeurs d'habitations): Monsieur le président, je serai très bref.
Je ne pense pas qu'il s'agisse de rendre qui que ce soit responsable. La question aujourd'hui, comme l'a souligné M. Roehr, c'est que la seule chose que nous n'avons pas faite, c'est de rencontrer les représentants du gouvernement pour discuter sérieusement de la construction domiciliaire et de la façon d'élaborer une approche stratégique afin d'identifier les entraves fiscales et réglementaires actuelles et de trouver des solutions ensemble.
Nous avons fait beaucoup de recommandations. De fait, nous les avons présentées plusieurs fois à M. Peterson. Il est temps de se réunir et de s'attaquer à ces problèmes. Il ne s'agit pas de trouver un moyen d'esquiver le problème par une incitation fiscale artificielle.
On a affaire à un secteur très important pour l'économie nationale, que l'on veut tous voir prospérer. Son avenir est on ne peut plus prometteur. Il n'y a là aucun obstacle d'ordre structurel ou démographique. Les mises en chantier peuvent être beaucoup plus nombreuses qu'elles ne le sont aujourd'hui. Le marché de la rénovation est immense, celui de la location excellent et celui des exportations plein de promesses.
La construction domiciliaire peut être un agent économique beaucoup plus puissant à l'avenir, mais pour cela, il faut que le gouvernement collabore avec le secteur privé et le secteur du bâtiment pour s'entendre sur une stratégie. Cela n'a pas été fait et c'est cela notre message aujourd'hui. Il est temps de s'y mettre.
M. Roehr: Comme l'a fait Revenu Canada quand le ministère s'en est pris à l'économie parallèle en instituant les déclarations volontaires. Il ne s'agit pas d'un problème unique; c'est un ensemble de problèmes. Nous voudrions que l'on examine l'ensemble du dossier au lieu d'adopter une solution à la sauvette.
M. St. Denis: Merci.
Le président: Merci, monsieur St. Denis.
Monsieur Solberg.
M. Solberg (Medicine Hat): Merci, monsieur le président.
Excusez-moi d'abord d'avoir été absent une si grande partie de l'après-midi.
J'aimerais revenir sur ce qu'ont dit messieurs Orr et Kenward. Cela a peut-être déjà été dit, mais comme je n'y étais pas, je vais peut-être répéter. Le vrai problème, comme pour toutes les entreprises au pays, est-ce que ce n'est pas les impôts qui sont beaucoup trop lourds? Depuis trois ans, le pouvoir d'achat de la famille moyenne a baissé de 3 000 $. Est-ce que ce n'est pas ça le gros problème?
On a beau parler d'omissions et d'obstacles ou de difficultés d'observation des consignes, le vrai problème est-ce que ce n'est pas la lourdeur de la fiscalité et le déséquilibre budgétaire?
Le président: Je vois que Garth Whyte brûle de répondre.
M. Whyte: On m'a tendu une perche, et je vais m'en servir, monsieur le président.
Oui, la lourde fiscalité nous nuit beaucoup et ralentit les dépenses de consommation. Le défi, c'est d'arriver à réduire le déficit sans réduire les recettes fiscales. Nous pensons avoir trouvé la solution: les primes d'assurance-emploi.
Je répète ce que j'ai dit. La cotisation de l'employé est de 2,95 $. L'actuaire du programme vous dira que le seuil de rentabilité est 2,20 $. Nous savons bien que le gouvernement se sert de l'assurance-emploi pour les considérations budgétaires mais il y a largement place pour une réduction du taux et c'est ce que nous préconisons.
Cela freine la consommation. Cela réduit le revenu disponible des employés et des employeurs. Chaque année nos membres nous disent que si vous voulez plus d'emplois, il faut réduire les charges sociales. Il y a une stratégie sur la façon d'y parvenir, mais tout ce qui est prévu à l'heure actuelle, c'est une réduction de 5c. C'est inadmissible.
Si c'est le cas - et je l'ai dit dans une lettre que j'ai fait parvenir au ministre des Finances et que nous avons communiqué aux gens de votre parti - soyons honnêtes et appelons ça la taxe de réduction du déficit et non pas une prime d'assurance-emploi parce que si elle est trop lourde, ça devient une augmentation d'impôt. Rien qu'avec cette mesure, vous pourriez gagner sur les deux tableaux. Vous pourriez réduire le fardeau fiscal sans nuire aux recettes fiscales et à l'effort de réduction du déficit.
Le président: Une dernière personne.
Bill Strain.
M. Bill Strain (président, Fiscalité, Congrès pour l'assurance-vie avancée, Association des assureurs-vie du Canada): Monsieur le président, M. Solberg a dit que des impôts élevés étaient peut-être le plus grand problème auquel notre pays faisait face. Je reconnais que les impôts sont trop élevés, mais je reviens à ce que Garth a dit, à savoir que les impôts doivent être élevés. Nous n'appuyons pas une baisse des impôts, nous ne sommes pas en faveur d'une nouvelle dépense, tant que le niveau de la dette n'aura pas baissé.
Je crois que le plus important est de redonner la confiance dans l'économie aux consommateurs et aux investisseurs, et ça ne se fait pas rapidement. Il s'agit d'un processus long et je crois que nous en constatons les effets. Nous nous demandons tous pourquoi l'économie n'a pas repris. Cela ne se fait pas par enchantement. Cela prend beaucoup de temps. Il faut une direction, un engagement à long terme, et je crois que nous commençons à voir les effets positifs. Les taux d'intérêt commencent à baisser. L'écart entre les primes de risque du Canada et des États-Unis commence à se réduire.
Cela commence, mais il s'agit tout simplement du début et je crois qu'il faut s'engager à long terme et procéder de façon lente et mesurée et non pas en saccageant tout ce qui détruirait les programmes sociaux du pays ainsi que la confiance des Canadiens. Nous avons besoin d'une approche continue à très long terme et d'une orientation afin de pouvoir réaliser cet objectif.
Le président: David Ross.
M. Ross: J'aimerais dire un mot là-dessus parce que je ne crois pas qu'il faut être très intelligent ni qu'il faut avoir une grande base de données pour savoir pourquoi les gens ne réagissent pas au bas taux d'intérêt. On sera encore assis ici, quand le taux d'intérêt atteindra zéro, à se demander pourquoi les gens n'achètent pas. Je pense que tout ce qu'il faut faire c'est de parler aux jeunes et aux familles jeunes. C'est eux qui vont acheter vos maisons, acheter vos autos, vos climatiseurs et tout le reste. Les impôts y sont pour quelque chose peut-être, et on connaît peut-être un retard, mais la raison pour laquelle ces gens n'achètent pas est qu'ils ne se sentent pas sûrs de leurs sources de revenus.
Quand j'ai acheté ma première maison il y a 30 ans, les taux d'intérêt étaient beaucoup plus élevés qu'ils ne le sont maintenant, mais je savais que j'allais avoir un emploi l'année d'après et l'année suivante. Quand je parle à mes cinq enfants maintenant, même s'ils ont tous eu une éducation, ils ne savent pas s'ils auront un emploi l'année prochaine, alors pourquoi prendraient-ils une hypothèque même à 5 p. 100?
Voilà à mon avis où réside le véritable problème. J'ai dit tout à l'heure qu'il faut se pencher sur la question de l'insécurité économique. C'est vraiment le problème le plus important de nos jours. Vous pouvez faire baisser les taux d'intérêt à zéro si vous voulez, mais vous n'obtiendrez pas de très beaux résultats tant que vous n'aurez pas résolu ce dilemme d'insécurité économique.
Merci.
Le président: Merci.
Nous sommes maintenant rendus au moment où si les invités autour de la table n'ont pas eu l'occasion d'expliquer à fond ce qu'ils aimeraient qu'on comprenne, ils peuvent le faire maintenant. Je propose qu'après chacun de vous fasse un bref résumé avant que nous ne terminions. J'allais proposer un résumé de 30 secondes chacun. Est-ce que quelqu'un veut dire quelque chose avant que nous ne passions à cette étape?
Tom d'Aquino.
M. d'Aquino: Monsieur le président - je dis ceci parce que je sais que vous et vos collègues sont très pointilleux à propos des faits exacts - M. Jackson parlait des niveaux relatifs de la participation du gouvernement à l'économie et il vous a brièvement montré ce document. Ceux d'entre nous qui se trouvaient au bout de la table pensaient qu'il lisait un autre document très différent. C'était le cas, parce que si nous regardons le même document, on fait allusion au Canada. Il s'agit des dépenses totales des pays du G-7. Celui-ci provient de M. Martin. Les dépenses totales du G-7 pour le Canada en 1995 étaient de 46,2 p. 100. Les États-Unis étaient à 33,3 p. 100. Donc on est à peine au-dessus des Américains. Le Japon est à 37 p. 100; le Royaume-Uni à 43 p. 100.
Je vous le répète, monsieur Grubel, pour que vous soyez au courant de notre position quant aux dépenses du gouvernement comme pourcentage du PNB, comparé à ce que votre propre ministre des Finances a dit tout récemment. Je voulais simplement apporter un éclaircissement.
Le président: Nous appelons ce document l'Évangile selon St. Paul, mais nous savons fort bien que les théologiens peuvent avoir des points de vue différents.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Monsieur Jackson.
M. Jackson: Je suis sûr que M. d'Aquino et moi pouvons être d'accord sur les chiffres et par la suite en discuter l'importance, mais je faisais allusion à la page 80 de la mise à jour sur la situation économique et financière selon la méthode des comptes nationaux.
Ce ne sont pas des chiffres qui ont été fabriqués. Il s'agit des chiffres de M. Martin. Si vous le lisez, vous y verrez les dépenses de programmes dans les pays du G-7, d'après la méthode des comptes nationaux. Il s'agit de 30 p. 100 pour les États-Unis, et les prévisions pour l'année 1997 pour le Canada sont à peu près à 34 ou 35 p. 100.
M. d'Aquino: Monsieur le président, nous ne faisions pas seulement allusion aux dépenses de programmes mais aussi au pourcentage total de dépenses du gouvernement dans l'économie. La raison pour laquelle vous devez inclure le service de la dette, monsieur Jackson, est qu'il s'agit de quelque chose que nous devons à nous-mêmes et aux créanciers. On m'avait dit de ne pas le dire, mais, comme votre grand chef l'a dit, on ne peut pas simplement mettre une croix là-dessus et dire que ça n'a aucune importance. C'est juste.
Le président: Merci.
Nous pourrions peut-être commencer les brefs résumés avec vous, monsieur Roehr.
M. Roehr: Nous avons la ferme conviction que l'industrie du logement n'est pas à la baisse et je crois qu'elle a un potentiel énorme. Nous voulons tout simplement pouvoir faire partie de la solution. Il faut donc que nous nous penchions sur quelques-uns des obstacles qui empêchent l'industrie du logement de tourner au rythme auquel elle le peut. Ces obstacles comprennent la réforme de la fiscalité et de la réglementation, y compris l'harmonisation de la TPS.
Le président: Merci, monsieur Roehr.
Monsieur Thibaudeau.
M. Thibaudeau: Je recommande que nous tenions bon en ce qui concerne la réduction du déficit et de la dette, et que nous exhortions le gouvernement à faire un examen exhaustif du système de la retraite, et qu'il refuse de taxer les cotisations pour l'assurance-santé et l'assurance-dentaire.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Thibaudeau.
Monsieur Jackson.
M. Jackson: Si j'avais une chose à vous dire ce serait ceci. Le gouvernement s'est fixé des cibles pour la réduction du déficit. Il s'en est fixé pour l'inflation. Un gouvernement qui s'inquiète vraiment de l'emploi en fixerait aussi pour la création d'emplois. Si vous le faisiez, alors vous devriez étudier les recommandations que nous vous avons soumises.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Jackson.
Madame Plewes.
Mme Plewes: J'aimerais simplement insister sur le fait que depuis 1991-1992, les dépenses de programmes ont baissé de 15 p. 100, les dépenses au titre de la défense de 28 p. 100, et de l'aide au développement de 42 p. 100. Il y a des coupures disproportionnées à l'aide au développement outre-mer. Nous aimerions que des cibles intérimaires soient fixées de nouveau pour que ce domaine reprenne de l'importance.
Deuxièmement, nous avons beaucoup parlé de la croissance du secteur public et du secteur privé. Nous aimerions aussi que le troisième secteur, le secteur bénévole soit encouragé. Nous ferons des recommandations dans cette optique lors de la table ronde sur le secteur bénévole qui aura lieu d'ici deux semaines. Merci.
Le président: Merci, madame Plewes.
Dale Orr.
M. Orr: J'ai trois choses à dire, monsieur le président. Premièrement, j'aimerais féliciter votre comité et M. Martin pour avoir reconnu que l'état de notre santé financière est reflété dans le ratio de la dette au PNB. J'aimerais ajouter que si on se fonde sur des prévisions économiques raisonnables, sinon optimistes, tant que ce ratio ne descendra pas en deçà de 60 p. 100, nous ne pourrons pas espérer modifier de façon significative notre politique budgétaire. Cela se passera dans l'an 2002, environ.
Je crois que votre défi est de communiquer ce message au-delà de M. Martin, au premier ministre et à ses collègues. Je vous souhaite bonne chance.
Le président: Merci, monsieur Orr.
Monsieur Dolman.
M. Dolman: Je voudrais simplement conclure avec les observations suivantes. Au Canada, la promotion de la santé a toujours fait l'objet d'un partenariat entre le gouvernement, le secteur privé et la profession médicale. Un million de travailleurs indépendants et leurs familles - le secteur de l'économie qui connaît la croissance la plus rapide, comme on l'a signalé tout à l'heure - ne peuvent pas déduire leurs primes d'assurance dentaire ou médicale. Chaque jour, dans ma pratique, je vois les conséquences de cette exclusion sur le plan humain. J'espère que votre comité reconnaîtra ce fait et prendra des mesures positives cette année pour essayer d'exempter ces personnes.
Le président: Je vous remercie, Dr Dolman.
Monsieur d'Aquino.
M. d'Aquino: Monsieur le président, j'ai trois messages brefs.
Le premier s'adresse à M. Ross et à Mme Plewes. Dans les discours que j'ai prononcés l'année dernière et lors de nos discussions avec le CCCE, nous avons dit clairement qu'à notre avis, la question centrale de notre époque - qui retiendra notre attention jusqu'au 21e siècle - est de savoir comment nous pouvons veiller à ce que les avantages de cette grande révolution économique soient distribués de façon plus équitable. Tant que nous ne serons pas en mesure de régler ce problème, nous assisterons à une contre-révolution et nous perdrons tout.
Monsieur le président, le deuxième message est que, au moment où tous les gouvernements font des compressions, la responsabilité et la contribution des entreprises, des dirigeants, du secteur privé et du secteur bénévole sont plus importantes que jamais.
En troisième lieu, monsieur le président, et je pense que je vous le dis tous les ans, je vous implore de ne pas encore crier victoire. Tenez bon. Je vais vous rappeler une chose... car je suis là depuis un certain temps. MM. MacEachen, Lalonde, Wilson, Mazankowski et Martin m'ont tous promis, et probablement à tout le monde autour de cette table, que le ratio de la dette au PIB allait s'améliorer et qu'ils allaient rétablir la santé financière et économique du Canada. Aujourd'hui,600 milliards de dollars plus tard, le service de la dette représente près de 35 p. 100 de chaque dollar. Et la dette ne cesse d'augmenter.
Ne criez pas victoire. De grâce continuez votre bon travail.
Le président: Merci, monsieur d'Aquino.
Monsieur Whyte.
M. Whyte: Quant à nous, nous vous invitons à poursuivre l'objectif d'équilibrer le budget et de réduire le déficit, mais sans oublier la création d'emplois et l'entreprenariat... c'est-à-dire que vous devez trouver le moyen d'accroître la confiance des entrepreneurs; je ne parle pas des entrepreneurs qui comptent sur les subventions ni des gens qui savent comment obtenir de l'argent du gouvernement; je parle de ceux qui créent des emplois. Nous allons réitérer ce message demain.
Vous pouvez recommander un certain nombre de choses. Tout d'abord, nous préconisons une réduction des cotisations d'assurance-chômage, mais le comité pourrait également annoncer, ou encourager le ministre à prévoir dans le budget, une suspension des cotisations d'assurance-chômage pour les nouveaux salariés. Une fois de plus, nous essayons de trouver des solutions qui ne sont pas préjudiciables à la situation financière du pays, mais qui pourraient stimuler la croissance économique et la création d'emplois.
En outre, nous collaborons actuellement avec l'Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes pour trouver des moyens d'améliorer la protection de nos membres. Nous relevons le défi social. Nos membres aussi. Ils travaillent dans toutes les collectivités. Ils se soucient de l'emploi. Nous essayons de trouver des solutions. Par conséquent, nous appuyons fortement l'idée d'une exemption fiscale des prestations relatives à la santé dans le cas des entreprises indépendantes non constituées en sociétés. C'est une bonne idée.
Troisièmement, essayons de stabiliser les REER. Cessons de les menacer constamment de coupures. Ne pouvons-nous pas annoncer une mesure qui les stabilisera pendant un bon bout de temps? La situation des REER est très incertaine, surtout en raison de la réforme des pensions.
Le président: Je vous remercie, Garth Whyte.
George Anderson.
M. Anderson: Merci, monsieur le président.
Comme je l'ai dit, monsieur le président, au fil des ans, nous avons réussi à faire un certain nombre de recommandations à ce comité sur le cadre global. Notre position n'est pas très différente de celle des autres témoins que vous avez entendus ici aujourd'hui. La différence de notre message tient au fait que nous avons essayé d'attirer votre attention sur la crise que provoquerait un tremblement de terre dans le sud de la partie continentale de la Colombie-Britannique, c'est une éventualité dont tout le monde évite de parler, mais qui risque de se produire un jour. Je pense qu'il est temps que nous nous y préparions sérieusement, car c'est un domaine où tous les gouvernements ont un passif éventuel de 30 milliards de dollars, et ils continuent à faire comme si cela ne se produira jamais.
Le président: Merci, George Anderson.
Enfin, David Ross.
M. Ross: Je vous remercie.
Je demanderais au comité, s'il le peut, de transmettre au ministre des Finances et plus particulièrement au ministère des Finances, de bien vouloir transmettre le voeu suivant de la part de l'organisme que je représente. Nous voudrions que les responsables de l'élaboration de la politique économique tiennent compte d'une gamme plus vaste d'indicateurs quand ils s'efforcent de déterminer l'efficacité et l'opportunité de tel ou tel changement.
J'en conviens, le PIB, l'IPC, les taux d'intérêt, le TSE 300, le taux de change sont tous importants. Si, toutefois, nous ne légitimons pas et ne normalisons pas certaines mesures de la santé des enfants et des adultes, de la répartition des revenus, du dynamisme de la vie civique et du niveau de scolarisation, si nous ne prenons pas en considération ces éléments au même titre que les autres indicateurs, nous ne pourrons pas avoir de prospérité à long terme. C'est aussi simple que cela.
Le président: Merci, David Ross.
Nous avons entendu aujourd'hui certains des groupes les plus importants de notre pays de même que leurs chefs. Je crois que c'est là un grand privilège, et le groupe de témoins que notre personnel a réuni est des plus éminents. Nous avons entendu des représentants de grandes entreprises, de petites entreprises et d'entreprises de taille moyenne. Nous avons entendu les défenseurs des plus indigents parmi nous, des plus indigents d'autres pays aussi; nous avons entendu les représentants des ouvriers syndiqués. Nous avons entendu les représentants du secteur des assurances, assurances générales, assurance-vie et assurance-santé. Nous avons entendu des représentants d'un secteur important, celui des constructeurs domiciliaires, de même que les représentants des dentistes qui parlaient aussi, j'en suis sûr, au nom de l'ensemble des professionnels de la santé quand ils ont soulevé les questions qui les préoccupaient. Il est difficile et périlleux pour un président de comité d'essayer de résumer les témoignages, mais permettez-moi de vous dire ce que j'ai retenu de tout cela, et ce que nous avons appris.
On s'entend généralement pour dire que la politique monétaire axée sur la réduction des taux d'intérêt a joué un rôle important. On s'entend aussi pour dire qu'il faut continuer à résorber le déficit, certains voulant que cela se fasse un peu plus rapidement et d'autres moins rapidement. Nous n'avons rien entendu qui nous permettrait de penser qu'il faudrait maintenant mettre la pédale douce dans nos efforts pour mater le déficit.
La question est de savoir ce qu'il faudra faire après, soit après que nous aurons ramené nos besoins financiers à zéro, soit après que nous aurons équilibré le budget, ou peut-être même avant cela. Il a été proposé que nous nous servions de l'argent pour payer la dette. Il a aussi été proposé que nous nous en servions pour réduire les impôts. Personne ne propose de réduire les impôts de manière générale, mais plusieurs personnes ont parlé de l'opportunité de réductions sélectives, notamment au chapitre de l'assurance-emploi.
Les Canadiens sont préoccupés par leur bien-être, par la situation de l'emploi et par l'incertitude économique. Nous avons entendu certaines personnes nous dire qu'il faudrait nous lancer dans de nouveaux programmes de dépenses; qu'il faudrait accroître les dépenses au titre de l'aide au développement à l'étranger, qui a été considérablement réduite; qu'il faudrait investir dans la recherche et le développement, ainsi que dans les sciences et la technologie; qu'il faudrait reconnaître que nous nous faisons face à une nouvelle dynamique, que nous avons maintenant bien des Canadiens qui vivent en deçà du seuil de pauvreté, le groupe le plus touché par la pauvreté étant les enfants; qu'il faudrait examiner à fond quels sont les besoins des Canadiens retraités pendant les décennies à venir et tâcher d'y répondre; et qu'il nous faut passer à l'action relativement au RPC, même si toutes les provinces n'arrivent pas à s'entendre.
Nous avons aussi entendu un éloquent plaidoyer en faveur d'une caisse de secours qui pourrait être utilisée en cas de tremblement de terre, par exemple, ou d'une catastrophe semblable qui pourrait modifier complètement la donne budgétaire pour ce qui est de nos efforts pour résorber le déficit. Nous avons entendu un fervent plaidoyer de la part d'un secteur très important de notre économie, celui des constructeurs domiciliaires, qui nous disent qu'il nous faut travailler en plus étroite collaboration avec eux afin de tenir compte de certaines de leurs préoccupations et d'en arriver à une meilleure stratégie pour favoriser la construction domiciliaire. Il faut faire bénéficier les travailleurs autonomes de régimes d'assurance-santé et d'assurance-dentaire. Notre comité s'est déjà prononcé en faveur de régimes de ce genre, et je crois qu'il continuera à le faire à l'avenir. Nous espérons que la formule des retenues salariales sera appliquée à ceux qui n'y sont pas soumis à l'heure actuelle, car ce serait le moyen d'assurer l'équité. Par ailleurs, le secteur bénévole est aussi très important pour nous.
Nous avons entendu un certain nombre d'entre vous nous supplier de mettre fin aux chevauchements et au double emploi. Vous nous avez dit qu'en notre qualité d'hommes et de femmes politiques, nous sommes en mesure de discuter de cela avec nos homologues des provinces et de mettre fin à la situation absurde qui a cours chez nous et qui fait en sorte qu'il peut y avoir jusqu'à 13 gouvernements et administrations qui interviennent sur le plan réglementaire. La situation actuelle est un véritable fouillis qui coûte cher aux contribuables canadiens et qui occasionne des dépenses de temps et d'énergie. Nous devons, en tant qu'hommes et femmes politiques, assumer nos responsabilités à cet égard.
Je le répète, je suis ravi des témoignages que nous avons entendus, à cause non seulement des points de concordance, mais aussi de la diversité des opinions. Au nom de tous les membres du comité, je tiens à vous remercier sincèrement.
La séance est levée.