[Enregistrement électronique]
Le jeudi 24 octobre 1996
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte.
Le Comité permanent des finances est heureux d'accueillir aujourd'hui, dans le cadre de ses consultations prébudgétaires, un groupe de personnes représentant tous les secteurs du système de la santé. Il s'agit du Dr Richard Murphy, directeur de l'Institut neurologique de Montréal, représentant le Conseil de recherche sur la santé du Canada; Bill Tholl, directeur général de la Fondation du coeur du Canada; Russell Armstrong, de la Société canadienne du SIDA; Kenneth Kyle, directeur des affaires publiques de la Société canadienne du cancer; Darrell Brown et William Anderson, de MEBCO; Hugh Scott, du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada; Barry McLennan, de la Coalition pour la recherche biomédicale et en santé; Michael McBane, de la Coalition canadienne pour la santé; Judith Kazimirski, de l'Association médicale du Canada; et Cal Gutkin, du Collège des médecins de famille du Canada.
Ai-je oublié quelqu'un? Oui, M. Léo-Paul Landry. Veuillez m'excuser, votre nom ne figure pas sur ma liste.
Voilà, les présentations sont terminées. Je m'excuse si j'ai oublié quelqu'un d'autre.
Si je comprends bien, chacun va faire un exposé liminaire de trois à quatre minutes, après quoi nous ouvrirons la période des questions, ce qui vous permettra d'ajouter éventuellement des précisions à votre exposé. Je vous inviterai ensuite à résumer très brièvement votre position avant de conclure la séance.
Je vous remercie d'être avec nous. Je crois comprendre que c'est Judith Kazimirski qui va commencer.
Mme Judith C. Kazimirski (présidente, Association médicale canadienne): Merci, monsieur le président.
À titre de porte-parole de la profession médicale au Canada, l'Association médicale canadienne est heureuse de pouvoir participer à ces consultations.
[Français]
En tant que porte-parole de la profession médicale au Canada, l'Association médicale canadienne est heureuse d'avoir l'occasion de vous rencontrer aujourd'hui.
[Traduction]
L'AMC préconise un système de soins de santé solide et financé par l'État. Sa mission consiste avant tout à promouvoir les normes de santé les plus élevées possibles pour les Canadiens. Voilà pourquoi elle tient à sonner l'alarme au sujet du bilan du gouvernement dans ce secteur. En effet, elle estime que ce bilan est essentiellement un bilan d'échec. Qu'il s'agisse de l'inaction du gouvernement dans la lutte contre le tabagisme ou des compressions budgétaires dans le secteur de la santé, il est clair que le gouvernement actuel a complètement perdu de vue les valeurs humanitaires qui le distinguaient autrefois des autres partis.
Nous parlerons surtout aujourd'hui du financement des services de santé. La vérité est que le système canadien des soins de santé connaît une période de déclin, la raison la plus importante en étant la baisse constante et importante des budgets fédéraux consacrés à la santé. Après la déstabilisation chronique causée par l'élimination de 30 milliards de dollars de paiements de transferts fédéraux au secteur de la santé depuis 1982, on constate que les coupures continuent. Le1er avril 1996, le gouvernement a réduit de 2,5 milliards de dollars le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Il a par ailleurs prévu de le réduire de 4,5 milliards de dollars de plus l'an prochain, puis de 1,4 milliard de dollars d'ici à l'exercice 1999-2000. Cela veut dire que le niveau des transferts fédéraux en espèces pour les programmes de santé et les programmes sociaux aura à toutes fins pratiques été réduit de moitié entre le 1er avril 1995 et le 1er avril 1996. Le message des Canadiens, et c'est le nôtre aussi, est que ça suffit.
Nous avons sondé la population sur cette question et cela nous a montré que les Canadiens sont parfaitement conscients des problèmes que connaît actuellement le système de soins de santé. Près du tiers estiment que les coupures budgétaires ont eu un effet néfaste sur la qualité des soins dans leur localité. Nos membres - les médecins - qui constituent le point de contact entre le patient et le système sont découragés de constater qu'il leur est de plus en plus difficile de garantir des soins de qualité à la population.
Il est temps de mettre un terme aux coupures budgétaires et de renverser la vapeur en réinjectant des fonds dans le système de soins de santé. Trois provinces ont déjà convenu qu'elles étaient allées trop loin dans cette voie et elles ont commencé à réinjecter des fonds dans le système. Il est temps que tous les gouvernements se penchent sérieusement sur le financement des soins de santé. Les Canadiens attendent de vous, députés fédéraux, que vous protégiez leur système de soins de santé, pas que vous le détruisiez.
Afin de rétablir l'accès à des soins de santé de qualité pour tous les Canadiens, l'Association médicale canadienne recommande que le gouvernement fédéral s'abstienne de mettre en vigueur les coupures prévues au volet en espèces du TCSPS; que le gouvernement fédéral indexe complètement le TCSPS au taux de croissance de l'économie à partir du 1er avril 1997; et que le gouvernement fédéral convoque une réunion des ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux de la santé et des finances pour analyser les effets sur le système de santé des coupures budgétaires déjà appliquées.
[Français]
Monsieur le président, nous vous remercions, ainsi que les membres du comité, de nous avoir permis de participer à ce processus budgétaire.
[Traduction]
Merci, monsieur le président, de nous permettre de contribuer à ces consultations prébudgétaires.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, docteur Kazimirski.
Je donne maintenant la parole au Dr Richard Murphy, du Conseil canadien de recherche pour la santé.
M. Richard Murphy (directeur, Institut neurologique de Montréal; représentant le Conseil canadien de recherche pour la santé): Monsieur le président, membres du comité, je suis directeur de l'Institut neurologique de Montréal, à l'Université McGill. Je m'adresse à vous aujourd'hui à titre de représentant du Conseil canadien de recherche pour la santé, qui est une coalition d'organismes de santé bénévoles et d'instituts de recherche médicale de tout le Canada représentant des milliers de scientifiques du secteur de la médecine, de bénévoles et de donateurs soucieux d'appuyer la recherche médicale pour améliorer le traitement des maladies.
Nous nous adressons à vous aujourd'hui parce que le gouvernement a sensiblement réduit les fonds consacrés à la recherche fondamentale universitaire non seulement en médecine mais aussi dans les autres disciplines scientifiques. Cette réduction, corrigée du taux d'inflation, aura atteint25 p. 100 en quatre ans. Certes, cette décision a été prise pour lutter contre le déficit, mais il faut savoir que des coupures budgétaires d'une telle ampleur pénaliseront le Canada pendant des années en limitant gravement son potentiel d'innovation et de découverte technologique. En guise d'illustration, je peux vous dire que, si le secteur de la recherche universitaire était un cheval, ce serait comme si on l'avait amputé de toute une jambe.
Comparez les coupures budgétaires canadiennes dans le secteur de la recherche scientifique à ce qui se fait à l'échelle internationale. À l'heure actuelle, tous les autres pays du G-7 augmentent les fonds qu'ils consacrent à la recherche scientifique universitaire. Le Canada est le seul pays à aller dans l'autre sens. Aucun autre pays de l'OCDE, à part l'Italie, n'investit aussi peu que le Canada dans ce domaine. À une époque où le financement canadien de la recherche médicale est amputé de25 p. 100, on constate une hausse de 20 p. 100 des budgets correspondants aux États-Unis. Le Japon, qui traverse actuellement une récession économique et qui a un déficit par habitant plus élevé que le Canada, va investir au cours des cinq prochaines années 175 milliards de dollars US dans la recherche universitaire. Pourquoi? Parce qu'il a compris que la technologie d'aujourd'hui est dépassée et que les percées technologiques importantes de demain viendront de la recherche scientifique en université.
En bref, au moment où le Canada s'attaque à la recherche universitaire, le reste du monde la renforce. Cela est d'autant plus paradoxal que la recherche universitaire a été un excellent investissement pour notre pays. Elle a produit des technologies novatrices dont nous bénéficions. Elle a permis de former des étudiants pour des emplois de haute technologie. Elle a permis de relier les Canadiens au réseau mondial de la recherche scientifique. Elle a produit des retombées pour les entreprises et les travailleurs canadiens et, plus important encore, elle a permis d'établir l'infrastructure scientifique qui sera essentielle pour l'économie du savoir du siècle prochain.
Nous risquons aujourd'hui sérieusement de perdre nos meilleurs chercheurs et étudiants au profit des États-Unis, où l'on investit intelligemment dans le secteur de l'innovation scientifique, et cela nous fera prendre très rapidement du retard dans les technologies naissantes, comme la biotechnologie qui est déjà aujourd'hui une industrie de croissance de 50 milliards de dollars. Il est donc important que le gouvernement fédéral comprenne bien, en préparant le prochain budget, que la recherche scientifique universitaire n'est pas une dépense mais un investissement. Il faut cesser d'amputer les budgets des conseils de recherche scientifique du Canada et il faut rétablir au minimum au niveau de 1994 les budgets consacrés à la recherche scientifique universitaire.
Le public tient à la survie de la recherche universitaire. Les Canadiens sont très bien informés des questions scientifiques et ils tiennent à ce que leurs universités restent compétitives à l'ère de la technologie, ère qui ne va certainement faire de pause pour permettre au Canada de rattraper son retard. Ce n'est pas sur un cheval à trois jambes que le Canada doit entrer dans le XXIe siècle.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, M. Murphy.
Bill Tholl, de la Fondation des maladies du coeur.
M. Bill Tholl (directeur général, Fondation des maladies du coeur du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président. Bonjour, mesdames et messieurs. Je m'adresse à vous à titre de directeur général national de la Fondation des maladies du coeur du Canada.
La Fondation des maladies du coeur du Canada est le deuxième organisme caritatif au pays après la Société canadienne du cancer. L'an dernier, elle a recueilli en tout près de 65 millions de dollars, dont 80 p. 100 ont été consacrés à la recherche biomédicale, à la promotion de la santé et à des programmes d'éducation.
La Fondation des maladies du coeur fête cette année son 40e anniversaire. Parmi ses membres les plus célèbres, vous connaissez sans doute le Dr Fraser Mustard et le sénateur Wilbert Keon. À l'aube de notre 41e année, j'aimerais que le comité sache bien que nous ne recevons strictement aucune somme du gouvernement fédéral à titre de soutien financier direct. Toutes nos ressources proviennent de nos activités de collecte de fonds, qu'il s'agisse de concours de saut à la corde par des enfants - j'y reviendrai dans un instant - ou de campagnes de collecte porte-à-porte ou auprès des entreprises.
J'aimerais vous adresser trois messages fondamentaux, l'un d'entre eux à titre de membre de la coalition qui vient de me précéder et qui souhaite stabiliser les budgets fédéraux consacrés à la recherche fondamentale. Je tiens cependant à vous donner une idée concrète de ce que sont à nos yeux les répercussions des décisions prises dans le passé. Je sais bien que je m'adresse dans un certain sens à des convertis puisque votre comité a déjà recommandé à au moins deux reprises qu'on ne réduise plus les budgets de la recherche biomédicale et de la recherche fondamentale.
Cela dit, je dois vous dire que les demandes qui nous sont adressées ont augmenté de 20 p. 100 au cours des deux dernières années. De fait, je crois que la Société canadienne du cancer et notre Fondation des maladies du coeur font partie des rares organismes qui ont réussi à préserver leurs recettes totales, voire à les accroître - en ce qui nous concerne, nous avons enregistré une hausse de un pour cent l'an dernier. Cela dit, il faut comparer cette hausse de un pour cent des ressources que nous avons recueillies à une augmentation de 20 p. 100 des demandes qui nous sont adressées. Je me permets d'ajouter que le Canada est probablement le meilleur pays au monde dans ce domaine, si l'on en juge d'après les indicateurs directs ou indirects disponibles.
Je n'ai pas de recommandations particulières à vous adresser car nous n'avons pas eu assez de temps pour en formuler. Je tiens cependant à féliciter le gouvernement pour l'initiative qu'il a prise en ce qui concerne le Fonds de recherche sur les services de santé, et j'invite M. Dingwall et les autres à poursuivre leurs efforts en ce sens. Je leur dis d'aller de l'avant avec les 65 millions de dollars. Je tiens également à rendre hommage au gouvernement pour ce qui est de certaines décisions, même si leur importance reste mineure, qu'il a prises l'an dernier dans le cadre du budget pour encourager les Canadiens à faire des dons aux organismes de charité.
Nous nous tournons maintenant vers M. Martin et le ministère des Finances. Nous faisons partie d'une autre coalition qui doit aussi s'adresser à votre comité, à l'occasion d'une table ronde sur les organismes de bénévolat. Il s'agit d'un organisme qui s'appelle le Groupe de travail sur l'examen des incitatifs de charité, et je crois savoir qu'il a déjà pris des contacts avec votre comité. Je vous invite donc à prendre ce processus de consultation très au sérieux, notamment la proposition d'extension que le groupe a l'intention de vous adresser et dont je crois savoir qu'il vous a déjà parlé.
Tout cela est très important pour nous aider à accroître les recettes mais, en dernière analyse, on ne peut pas attendre des organismes de charité qu'ils prennent purement et simplement la place du gouvernement fédéral. Les chiffres sont clairs: 7 milliards de dollars pour le TCSPS et une industrie représentant en tout 80 milliards de dollars, contre un organisme de charité, et je vous rappelle que c'est le deuxième au pays, qui ne pèse que 80 millions de dollars en tout. Autrement dit, l'enveloppe budgétaire des soins de santé est 1 000 fois supérieure à notre budget. Personne ne peut donc attendre des organismes de charité qu'ils assument toutes les responsabilités au nom de la réduction du déficit.
Finalement, monsieur le président, j'aimerais souligner la nécessité d'harmoniser d'autres taxes que les taxes de ventes. Nous avons entendu parler hier de l'harmonisation de la TPS, qui deviendrait une TPSH. Il est temps d'envisager aussi l'harmonisation Nord-Sud des taxes sur le tabac, et je suis sûr que mon collègue de la Société canadienne du cancer ne manquera pas de vous en parler. Laissez-moi vous dire pour le moment que nous appuyons sans réserve toute mesure qui sera prise pour compenser le manque à gagner qui est apparu au cours des dernières années.
Merci de votre attention. Nous avions l'intention de préparer un mémoire pour votre comité mais nous n'en avons tout simplement pas eu le temps. Nous n'avons eu que 48 heures de préavis.
Le président: Merci, M. Tholl.
J'accueille maintenant monsieur Kyle, de la Société canadienne du cancer.
M. Kenneth Kyle (directeur des affaires publiques, Société canadienne du cancer): Merci, monsieur le président.
La Société canadienne du cancer m'a envoyé vous adresser un message principal: si nous faisons plus attention au système de santé aujourd'hui, nous en recueillerons de nombreux fruits demain. Je vais vous en donner quelques exemples.
Je suis d'accord avec mon collègue de la Fondation des maladies du coeur. Si nous intégrons au budget des mesures visant à encourager les dons de charité, ce sera bénéfique au système de santé. Mon collègue a parlé du Groupe de travail d'examen des incitatifs de charité. Je crois comprendre qu'il y a déjà eu un excellent dialogue entre ce groupe de travail et les gens du ministère des Finances. Nous aussi sommes a priori favorables à la proposition de crédit d'extension.
Pour ce qui est de la recherche - et je vous rappelle que je représente aujourd'hui des néophytes en la matière, pas des scientifiques - le conseil d'administration de la Société canadienne du cancer, tout comme ses bénévoles d'un bout à l'autre du pays, dans les villes et les campagnes, est gravement préoccupé par la compression des budgets des divers conseils et programmes de recherche: PNDRS, CRM, CRSH et CRSNG. Ces compressions budgétaires auront pour effet de réduire l'efficacité des sommes recueillies par la Société canadienne du cancer pour la recherche médicale.
Je voudrais dire aussi que si nous investissions assez d'argent dans la recherche médicale, nous pourrions entreprendre des recherches pour savoir comment maîtriser les coûts de la santé. Si l'on faisait des recherches pour évaluer les nouvelles thérapies et les thérapies existantes, cela permettrait d'économiser de l'argent à terme.
La santé des femmes est une question fort préoccupante. Nous recommandons que Santé Canada continue de financer pendant cinq années supplémentaires l'initiative de recherche sur le cancer du sein, afin de ne pas perdre l'impulsion extraordinaire que connaît actuellement ce secteur de recherche dans l'ensemble du pays et que l'on puisse évaluer avec exactitude les gains réalisés pendant les cinq premières années du programme.
Une autre question qui va prendre plus d'importance est le cancer de la prostate. On prévoit une augmentation de 50 p. 100 des cas de cancer de la prostate et du taux de mortalité correspondant d'ici à l'an 2010. À notre avis, Santé Canada devrait dégager des fonds pour l'élaboration de stratégies adaptées à cette hausse du cancer de la prostate.
Je vais faire deux dernières remarques. La première concerne la taxation du tabac. Les jeunes sont très sensibles au prix des produits du tabac. Si celui-ci coûte plus cher, ils seront beaucoup moins nombreux à se mettre à fumer.
Nous avons huit recommendations à formuler. Je n'irai pas dans les détails, vous les trouverez dans le document que je vous ai remis.
Nous recommandons que l'on proroge la surtaxe actuelle appliquée aux manufacturiers, qui devait arriver à expiration en mars 1997. Vous trouverez les raisons de cette recommandation dans notre document. En outre, nous pensons que le gouvernement devrait relever la taxe d'accise de façon à remplacer les fonds de commandite des producteurs de tabac, en consultant les organisations artistiques et sportives. Nous devrions mettre un terme à la subvention fiscale dont bénéficient les produits du tabac fin. Nous devrions harmoniser les différentes taxes fédérales perçues dans des provinces différentes. Nous aimerions que le gouvernement fixe un échéancier de relèvement des taxes sur le tabac.
Je crois qu'il serait bon de réfléchir sérieusement à un mécanisme de différenciation des taxes selon les effets sur la santé. Autrement dit, nous pourrions peut-être imposer des taxes sur le tabac plus élevées lorsqu'il s'agit de cigarettes à taux de goudron plus élevé. On a constaté en effet que la fréquence du cancer chez les personnes qui fument ce genre de cigarettes augmente de manière spectaculaire lorsque les cigarettes ont plus de quatre milligrammes de goudron chacune. Une telle disposition permettrait peut-être d'améliorer la santé de la population.
Nous convenons qu'il faut consentir des ressources suffisantes à Revenu Canada et à la GRC pour continuer de surveiller la contrebande de tabac des États-Unis. Étant donné que le ministre de la Santé devrait déposer un nouveau projet de loi sur le tabac... Il faut que Santé Canada ait suffisamment de ressources pour assurer l'application de la nouvelle législation sur le tabac, notamment de la Loi sur la vente de tabac aux jeunes.
Finalement, comme je le disais au début, nous devrions attacher autant d'importance au bilan de santé qu'aux soins de santé. Nous pensons qu'il faut mettre l'accent autant sur la prévention de la maladie que sur le traitement des malades. Nous croyons que les ministères et organismes fédéraux devraient disposer de ressources suffisantes pour mettre en oeuvre des politiques publiques contribuant efficacement à l'amélioration de la santé. Ce ne sont pas seulement le ministère de la Santé et le ministère des Finances qui sont concernés, dans le cadre des paiements de transfert, mais aussi d'autres ministères et organismes fédéraux qui peuvent agir indirectement dans ce domaine. De fait, on devrait peut-être envisager de demander à chaque ministère de préparer une étude d'incidence sur la santé chaque fois qu'il propose une nouvelle politique.
Le président: Merci, M. Kyle.
Monsieur Russell Armstrong, de la Société canadienne du SIDA.
M. Russell Armstrong (directeur général, Société canadienne du SIDA): Merci de nous avoir invités, monsieur le président.
À la différence des personnes qui m'ont précédé, je représente aujourd'hui devant vous un organisme de charité, la Société canadienne du SIDA, qui se trouve à l'autre extrémité du spectre dans la mesure où nous sommes très fortement tributaires du soutien gouvernemental du fait de la nouveauté relative de la maladie dont nous nous occupons.
Je voudrais aborder deux questions ce matin. La première concerne les décisions budgétaires qui touchent nos différents organismes, étant donné que nous sommes une coalition d'organismes communautaires. La deuxième concerne les décisions budgétaires qui touchent les personnes atteintes de maladies chroniques comme le VIH/sida, étant donné que nous sommes aussi le porte-parole national des personnes vivant avec le VIH/sida.
Vous savez peut-être que le sida est aujourd'hui la première cause de maladie des hommes âgés de 25 ans à 44 ans dans les principaux centres urbains du Canada. C'est également la deuxième cause de décès des hommes de ce groupe d'âge à l'échelle nationale.
John McCallum, économiste en chef de la Banque Royale du Canada, estimait récemment que les pertes de capital humain causées par le sida se seront élevées à plus de 15 milliards de dollars d'ici à l'an 2000.
Même si près d'une personne sur trois dit connaître personnellement quelqu'un qui est atteint du VIH/sida, cette maladie fait encore l'objet d'une lourde stigmatisation au Canada et il lui est très difficile de faire concurrence aux autres causes pour lesquelles on recueille des fonds auprès de la population. S'il n'y avait pas de crédits publics, par le truchement de la Stratégie nationale sur le sida, il n'y aurait aucune réponse communautaire à cette maladie, ni aucun leadership national efficace dans ce domaine.
Or, vous le savez sans doute, la Stratégie nationale sur le sida arrive à expiration le 31 mars 1998, soit dans à peine un peu plus d'un an. Considérant ce délai, une décision sera peut-être prise à ce sujet après l'exercice budgétaire actuel. Quoi qu'il en soit, comme nous parlons ici d'une véritable épidémie, il serait bien préférable d'agir de manière proactive pour intervenir le plus vite possible, au lieu de temporiser et d'attendre la dernière minute.
Le ministre de la Santé a dit s'intéresser à cette question mais nous n'en avons encore eu aucune indication concrète.
Je voudrais parler en particulier de l'un des éléments les plus importants de la Stratégie nationale sur le sida: l'appui aux programmes communautaires. C'est la stratégie qui nous a permis d'instaurer une infrastructure nationale d'organismes locaux de bénévolat ayant des liens directs avec les personnes vivant avec le sida, et avec les collectivités les plus touchées par la maladie. De fait, je pense que cet aspect de la stratégie a été l'un des projets collectifs les plus efficaces que nous ayons entrepris à l'échelle nationale étant donné que la plupart des agences reçoivent non seulement des fonds fédéraux mais aussi des fonds provinciaux, des fonds régionaux ou des fonds locaux, en plus de fonds du secteur privé.
Avec un investissement de quelques centaines de milliers de dollars, on réussit à financer un organisme qui fournit de nombreux services de santé à titre bénévole. Si nous devions en calculer la valeur, au prix théorique de 10$ ou 12$ l'heure, nous arriverions vite à plusieurs millions de dollars.
Selon certaines estimations, le coût total pour la société d'un seul cas de sida est aujourd'hui de 600 000$, ce qui comprend les coûts directs et les coûts indirects. Donc, si l'on donne 200 000$ à un organisme et que cela permet d'éviter ne serait-ce qu'une seule nouvelle contamination, il est évident que l'investissement aura été plus que rentable.
Comme je parle ici d'organismes de charité, il est clair qu'ils auront tout à gagner si l'on accroît les incitations données aux particuliers et aux entreprises pour faire des dons. Nous avons donc aussi étudié les options proposées par le Groupe de travail sur l'examen des incitatifs de charité. La plupart des donateurs individuels font des dons modestes, et c'est donc l'amélioration du traitement fiscal des dons des particuliers et l'amélioration des incitations destinées aux entreprises qui nous intéressent le plus, non pas les propositions plus complexes dont nous avons entendu parler concernant la création de fondations ou l'obtention de dons très élevés.
Je voudrais maintenant aborder quelques questions budgétaires qui concernent directement les particuliers.
Dans l'ensemble, les personnes vivant avec le sida sont confrontées, tout comme les autres personnes souffrant de maladies chroniques, à des obstacles de nature diverse, notamment en ce qui concerne l'emploi, et c'est ce qui en fait des citoyens dépendant des deniers publics plutôt que des citoyens productifs contribuant aux recettes publiques.
À l'heure actuelle, la question qui est absolument la plus prioritaire pour nous et pour les personnes qui vivent avec le VIH/sida est le prix des médicaments, ainsi que la manière dont notre société donne ou non son aide.
En ce qui concerne l'emploi, les personnes déjà atteintes de maladie sont généralement exclues des programmes collectifs d'avantages sociaux offerts aux nouveaux employés. De ce fait, une personne qui doit payer plus de 10 000$ par an pour ses médicaments et qui ne peut pas bénéficier de la protection des programmes d'assurance reliés à l'emploi est obligée de se tourner vers l'assistance sociale.
Autrement dit, nous voyons des personnes qui sont parfaitement capables de travailler, et qui veulent travailler, être obligées de devenir totalement tributaires de l'assistance publique simplement pour obtenir le paiement de médicaments pouvant leur sauver la vie. À mon avis, c'est là une situation tragique et tout à fait inacceptable dans notre régime d'assurance sociale et médicale.
Comme les gens qui vivent avec le VIH/sida sont de plus en plus tributaires de l'assistance publique, et comme leurs besoins de santé augmentent considérablement aux dernières étapes de la maladie, ce sont eux qui sont le plus durement touchés par la compression des programmes de santé et des programmes sociaux.
Des sondages que nous avons effectués récemment nous ont montré que plus de 80 p. 100 des répondants s'opposaient à la continuation des coupures budgétaires dans le domaine de la santé. La majeure partie des répondants souhaite que l'on maintienne ou que l'on augmente les budgets des programmes destinés à venir en aide aux malades. En outre, lorsqu'on les interroge directement sur la Stratégie nationale sur le sida, ainsi que sur le rôle du gouvernement fédéral dans ce domaine, plus de 86 p. 100 des Canadiens sont favorables au maintien ou à l'accroissement de cette catégorie de dépenses publiques.
En conclusion, je voudrais mettre l'accent sur deux choses. Je crois que le gouvernement fédéral a la responsabilité de veiller au bien-être des Canadiens handicapés, notamment des personnes atteintes de maladies terminales comme le sida. Certes, nous préférons tous entendre des nouvelles positives sur l'économie et apprendre que l'on fait encore mieux que prévu en ce qui concerne la réduction du déficit, mais il ne faut pas que cela se fasse sur le dos des personnes les moins capables de s'en sortir ou les moins capables de tirer parti de cette évolution économique.
En outre, et ce sera ma conclusion, il faut savoir que les organismes bénévoles du secteur de la santé, comme ceux qui font partie de la Société canadienne du SIDA, sont à l'origine d'une contribution économique importante. L'argent que le gouvernement fédéral leur consacre est minime par rapport au travail qu'elles font. L'investissement effectué dans la Stratégie nationale sur le sida, qui est de 40 millions de dollars par an, n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan des coûts qu'aurait pu être obligé d'assumer le gouvernement fédéral s'il n'avait pas fait preuve de leadership dans ce domaine.
À l'heure actuelle, tout cela est remis en cause. La question qui se pose est donc de savoir si le gouvernement va assumer ses responsabilités ou s'il va décider de couper les budgets en pariant qu'il n'y aura pas de catastrophe, parce qu'il n'est plus capable de prendre le risque du succès. Merci.
Le président: Merci, M. Armstrong.
C'est maintenant au tour de William Anderson et Darrell Brown, pour le Multi-Employer Benefit Plan Council of Canada.
M. William D. Anderson (président, Multi-Employer Benefit Plan Council of Canada): Merci, monsieur le président.
Votre comité connaît peut-être MEBCO, le Multi-Employer Benefit Plan Council of Canada, qui représente plus de un million de Canadiens d'industries diverses souscrivant à des régimes de pension et de protection sociale. Je parle de toutes sortes d'industries, englobant aussi les arts graphiques que l'alimentation, la vente de détail, l'hôtellerie, l'habillement, les services de sécurité, les textiles, les transports ou, bien sûr, la construction.
Les remarques que je vais faire au cours des quatre prochaines minutes ne porteront peut-être pas toutes directement sur le domaine de la santé mais je crois qu'elles sont importantes. Je voudrais aborder six questions.
La première concerne la taxation des régimes de pension et d'avantages sociaux interentreprises en vertu de la TPS. Les employeurs indépendants qui fournissent de tels régimes de pension ou de protection sociale ont le droit de réclamer la TPS au titre du crédit d'impôt pour intrants. Cela leur permet de financer les frais d'administration des régimes.
À l'heure actuelle, Revenu Canada n'autorise pas ce type de déduction pour les régimes interentreprises. En conséquence, les frais d'administration de ces régimes sont jusqu'à sept pour cent plus élevés que ceux fournis par les employeurs uniques.
MEBCO s'oppose à ce traitement inégal et demande au comité permanent de recommander des modifications législatives pour corriger cette anomalie.
Ma deuxième remarque concerne l'harmonisation de la TPS et des taxes de vente provinciales. Le gouvernement fédéral s'efforce vigoureusement d'obtenir cette harmonisation avec les provinces mais l'assiette de la nouvelle taxe harmonisée doit faire l'objet de discussions entre les représentants fédéraux et provinciaux. L'Ontario n'a pas encore donné son accord à l'harmonisation.
À l'heure actuelle, l'Ontario perçoit une taxe de huit pour cent sur les cotisations aux régimes d'assurance-santé et d'assurance dentaire. MEBCO s'oppose à l'imposition de cette taxe par le gouvernement de l'Ontario et s'oppose donc aussi à son intégration à une TPS harmonisée.
Mon troisième sujet concerne la taxation des prestations d'assurance-santé et dentaire. Je voudrais réitérer ce que nous disions lors de la ronde précédente de consultations prébudgétaires: la taxation des régimes sociaux collectifs aura pour effet de décourager les travailleurs qui voudraient y souscrire, ce qui entraînera une hausse correspondante du fardeau devant être assumé par les services publics, ce qui n'est manifestement dans l'intérêt de personne.
Il serait bien plus cohérent d'offrir un traitement fiscal comparable aux travailleurs autonomes pour ce qui est des régimes d'assurance-santé et d'assurance dentaire. Cela éliminerait l'injustice actuelle qui existe entre les travailleurs salariés et les travailleurs autonomes. À l'heure actuelle, moins de sept pour cent des Canadiens sont des travailleurs autonomes qui doivent financer eux-mêmes leurs régimes d'assurance-santé complémentaire.
En ce qui concerne la taxation des régimes de pension et des régimes d'épargne-retraite, il est inexact d'affirmer qu'il s'agit d'une dépense fiscale. En effet, les sommes investies dans ces régimes seront soumises à l'impôt lorsque les prestations commenceront à être versées. MEBCO s'oppose à toute velléité de taxation des cotisations ou des gains des régimes enregistrés de pension et d'épargne-retraite.
MEBCO s'oppose à tout abaissement du niveau de pension, ce qui aurait inévitablement pour effet de retarder l'âge de la retraite, nous le savons bien. Les gens prennent leur retraite lorsqu'ils ont l'indépendance financière garantissant un niveau de vie raisonnable.
Ma cinquième remarque concerne la réforme du Régime de pensions du Canada. MEBCO recommande vivement que l'on continue dans ce contexte de fournir aux Canadiens les prestations qui leur ont été promises, étant bien entendu que toute modification apportée à la structure du RPC doit tenir compte des intérêts fondamentaux des cotisants.
Certes, nous convenons qu'il faut modifier les taux de cotisation et la période de cotisation, et l'on trouvera des propositions précises à ce sujet dans notre mémoire. En revanche, nous nous opposons vivement à toute hausse de l'âge de la retraite ou à toute réduction des prestations de retraite. Nous savons bien que le RPC se compose de deux catégories différentes de prestations - une prestation de retraite et une prestation d'invalidité, de décès et de survivant - et qu'il serait sans doute plus légitime d'adopter des mécanismes différents pour chacun.
Notre dernière remarque concerne la Loi sur les normes de prestation de pension. MEBCO estime que la gestion des régimes de pension n'est pas conforme à celle des autres institutions financières, et surtout que les régimes interentreprises font face à des contraintes sensiblement différentes de celles des régimes d'employeurs indépendants. De ce fait, toute décision de rationalisation de la législation des institutions financières qui ne tiendrait pas compte du caractère social des régimes de pension amènerait à placer ces derniers sous l'égide de mécanismes législatifs inadaptés à leurs besoins réels de promotion et de gestion.
MEBCO s'oppose vigoureusement à tout mécanisme de financement exigeant plus que 100 p. 100 des prestations promises. En outre, et ce sera notre conclusion, nous estimons que donner au Surintendant le pouvoir d'émettre des instructions officielles pour les régimes gérés de manière apparemment imprudente ou dangereuse doit s'accompagner de la possibilité, pour ces régimes, de défendre directement leur cause. Il ne suffit pas de prévoir un mécanisme d'appel.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, M. Anderson.
M. Hugh Scott, du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada.
M. Hugh M. Scott (directeur général, Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada): Merci, monsieur le président.
Le Collège royal des médecins et des chirurgiens du Canada, dont la mission est de promouvoir les normes les plus élevées possibles en matière de soins médicaux spécialisés dispensés à la population du Canada, représente plus de 25 000 médecins et chirurgiens spécialisés du Canada et quelque 5 000 spécialistes de l'étranger.
[Français]
Au nom du Collège royal, j'aimerais vous remercier de nous donner cette occasion de vous présenter quelques éléments que nous croyons essentiels à la survie d'un système de soins de santé de qualité au Canada, dans le contexte économique actuel où chaque dollar compte.
[Traduction]
La première remarque que je voudrais faire concerne le financement du système de soins de santé. Nous savons qu'il n'existe aucune donnée incontestable établissant une relation proportionnelle entre l'augmentation des budgets de la santé et l'amélioration du bilan de santé d'une population. Autrement dit, plus d'argent ne veut pas nécessairement dire meilleure santé. En revanche, le système n'a pas encore eu la possibilité d'évaluer exactement la corrélation qu'il peut y avoir entre moins d'argent et moins de santé. Médecins, hôpitaux, centres psychiatriques et facultés de médecine, voire même patients, ressentent les effets multiples des changements apportés au système de soins de santé, en grande mesure pour des raisons d'ordre économique.
L'un de nos membres, le Dr David Naylor, un interne généraliste et un leader en recherche médicale au Canada, a fort bien résumé l'environnement actuel en disant que:
- Chaque province canadienne lutte actuellement pour réduire ses dépenses de santé sans mettre
en danger l'accès aux soins médicaux et à des soins de qualité. Ce défi est aggravé par la rapidité
des changements technologiques, par le vieillissement de la population, par des exigences
accrues de responsabilité financière, et par une meilleure sensibilisation de la population aux
variations inexpliquées de la pratique clinique.
La province de l'Alberta, qui a réduit de 500 millions de dollars depuis 1993 ses dépenses de santé, a bien saisi la sagesse de ce regain de stabilité puisqu'elle a décidé en 1996 d'imposer un moratoire aux coupures budgétaires, dans le but d'évaluer notamment les effets des compressions budgétaires du passé et de fixer calmement ses priorités en matière de santé.
À notre avis, il faut inclure dans ces priorités l'adoption de mesures garantissant l'existence d'un nombre suffisant de médecins à l'avenir. Les ajustements qui sont apportés actuellement au système ne tiennent pas compte du fait que nous sommes confrontés à une population de spécialistes de plus en plus vieillissante, qui devra donner des soins à une population de patients encore plus vieillissante, c'est-à-dire au groupe qui est le plus gros consommateur de soins de santé.
Nous savons déjà par exemple, ce qui est inquiétant, que plus de 50 p. 100 des chirurgiens de pratique générale ont 55 ans ou plus et que, dans sept provinces, 50 p. 100 des internes sont dans le même groupe d'âge. Or, des études ont montré que, dans une situation d'enrôlement et de production en déclin, les cohortes sortantes finissent par être plus nombreuses que les cohortes entrantes.
Autrement dit, dans moins de 20 ans, il y aura plus de diplômés qui sortiront des facultés de médecine du Canada que de jeunes qui y entreront. Nous allons donc priver inutilement des centaines de Canadiens de la possibilité de faire une carrière satisfaisante en médecine. Cela résulte de l'hypothèse douteuse que l'on peut maîtriser considérablement la hausse des dépenses de santé en réduisant le nombre de médecins, surtout de spécialistes.
Selon le Collège royal, il est très difficile, c'est le moins que l'on puisse dire, de fixer des objectifs d'éducation pour produire les spécialistes et les chercheurs cliniques dont on aura besoin demain pour répondre aux besoins de la société. En effet, on est obligé de dresser des plans dans un environnement inutilement instable.
Considérant qu'il faut en moyenne de quatre à sept ans pour préparer un spécialiste diplômé d'une faculté de médecine, et trois ou quatre années supplémentaires pour former un scientifique clinique, vous comprendrez que l'on puisse vouloir planifier dans un contexte plus stable.
Pour bien souligner cette remarque, je signale qu'il est déjà trop tard pour influer sur le nombre de Canadiens qui commenceront à exercer dans des cliniques spécialisées d'ici à l'an 2005, ou sur le nombre de scientifiques cliniques spécialisés d'ici à l'an 2010. Il est donc urgent de faire le point.
Le Collège royal recommande vivement que l'on attribue un degré de priorité plus élevé aux dépenses de santé et que les crédits consentis au titre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux soient garantis et au minimum préservés aux niveaux actuels pendant au moins trois ans, de façon à ce que l'on puisse évaluer non seulement l'incidence des réductions mais aussi l'efficacité des restructurations résultant des réductions.
La deuxième remarque que je voudrais faire concerne le financement de la recherche au Canada. Nos collègues de la Coalition pour la recherche biomédicale et en santé, tout comme les nombreux autres organismes représentés ici ce matin, défendent avec vigueur l'idée que la recherche fondamentale et sa validation par la recherche clinique ont des effets positifs sur l'économie nationale et créent des emplois hautement qualifiés. La recherche fondamentale ainsi que la recherche appliquée, la recherche clinique et la recherche en santé ont aussi un effet positif sur l'économie car elles nous offrent de nouveaux moyens de prestation des soins, de raccourcissement des séjours en hôpital et de réduction des coûts de prestation de nombreux services.
Nous félicitons donc le gouvernement d'avoir annoncé dans son budget de 1996 l'instauration d'un nouveau Fonds de recherche sur les services de santé. Nous vous implorons de veiller à ce que ce fonds soit véritablement exploité au maximum de son potentiel, et nous vous demandons d'apporter des correctifs dans le budget de 1997 pour assurer aux conseils de recherche les niveaux de financement qui permettront au Canada de redevenir compétitif avec les autres pays du G-7.
[Français]
Merci encore de nous avoir permis de vous présenter ces quelques points, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Merci, Dr Scott.
Barry McLennan, de la Coalition pour la recherche biomédicale et en santé.
M. Barry McLennan (président, Coalition pour la recherche médicale et en santé): Merci, monsieur le président, d'avoir invité la Coalition à comparaître devant votre comité.
Je crois comprendre que vous avez reçu des exemplaires de notre mémoire.
En septembre, le Conference Board du Canada adressait à la population un message extrêmement inquiétant. Il disait en effet que notre position relative par rapport à nos concurrents s'est très sérieusement dégradée au cours de la dernière décennie.
Au moment où nous discutons de modifier les transferts fédéraux, dans le cadre de l'initiative du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, il est important que nous assurions un équilibre entre, d'une part, la préservation et l'amélioration de notre qualité de vie et, d'autre part, la préservation de notre compétitivité mondiale.
L'ex-ministre de la Santé, Diane Marleau, disait que c'est précisément à la recherche qu'il appartient d'assurer la préservation de notre système de santé en périodes difficiles. En juin, le ministre actuel, l'honorable David Dingwall, affirmait que le Canada doit fixer des priorités pour faire face aux carences cruciales que connaît le pays en matière de financement de la recherche, car celles-ci risquent de porter un coup fatal à notre compétitivité internationale dans le secteur de la recherche. Il faisait évidemment allusion à ce graphique, qui fait bien ressortir le niveau extrêmement bas et fort inquiétant des budgets de recherche médicale au Canada par rapport aux autres pays du G-7. Vous trouverez ce graphique à l'annexe 2 de notre mémoire.
Comme certains des collègues qui m'ont précédé ce matin, je pense qu'il faut féliciter le gouvernement d'avoir récemment annoncé la création d'un nouveau fonds de recherche sur les services médicaux. Considérant que ce fonds devrait atteindre au moins 300 millions de dollars, il permettra au pays d'accorder chaque année un appui important à la recherche d'évaluation en santé, c'est-à-dire au type de recherche dont parlait le Dr Scott.
La CRMS recommande que les dépenses de santé soient stabilisées pendant au moins trois ans à leurs niveaux actuels, de façon à permettre un usage optimal de la recherche d'évaluation et à nous donner le temps nécessaire pour adapter le système de soins de santé aux nouvelles réalités budgétaires.
Si vous me permettez de faire brièvement une remarque d'ordre personnel, je vous dirais que je viens de la Saskatchewan, berceau de l'assurance-santé. Il n'est donc pas étonnant que la préservation de notre système de santé soit très importante à mes yeux, comme aux yeux de beaucoup de monde. En août, un sondage a montré que la grande majorité des Canadiens partagent mon opinion et estiment qu'il faut mettre l'accent sur la préservation des services de santé et des services d'enseignement.
Plus important encore, une étude réalisée au Royaume-Uni par le Trésor public a clairement révélé les avantages de la recherche médicale. Et il est important de souligner que cette étude n'avait pas été commanditée par des chercheurs. Vous trouverez la liste des avantages à la page 5 de notre mémoire.
Ici même, au Canada, nous avons eu des preuves concrètes des avantages qui résultent de la recherche appuyée par le Conseil de recherche médicale du Canada. En effet, BioChem Pharma, du Québec, TerraGen, de la Colombie-Britannique, et Vascular Therapeutics, de l'Ontario, ne sont que trois exemples pertinents. BioChem Pharma, créée par quelques membres d'un laboratoire universitaire, est devenue en 10 ans une société employant 1 000 personnes. C'est aujourd'hui la quatrième société de biotechnologie au monde.
Comme je le disais dans mon article publié dans le Globe and Mail du 15 juillet, le financement de la recherche médicale au Canada est en pleine déconfiture alors que tous nos concurrents du G-7 intensifient leurs efforts dans ce domaine. Au début du mois, lors d'une réunion du Conseil des doyens de faculté de médecine, on a révélé que la réduction des paiements de transfert destinés à la santé et à l'enseignement postsecondaire, cette année, s'est traduite par une baisse de 18 p. 100 à 30 p. 100 du soutien consenti à l'infrastructure biomédicale, clinique et médicale des centres de santé universitaires.
En conséquence, notre deuxième recommandation est que le comité implore le gouvernement de redresser la situation dans le budget de février 1997 de façon à fournir aux conseils de subventionnement des niveaux de ressources qui soient compétitifs à ceux des autres pays du G-7.
Troisièmement, il est impératif que le Comité consultatif du premier ministre sur les sciences et la technologie évalue attentivement l'incidence qu'ont eue les mesures gouvernementales de réduction du déficit sur le secteur de la recherche au Canada.
Si nous voulons préserver notre système de soins de santé, nous devrons aussi faire preuve de plus d'innovation en matière de financement de la recherche médicale. Notre proposition, fondée sur le concept de production potentielle, vise non seulement à stabiliser les crédits pendant trois ans mais aussi à créer 32 000 postes dans un avenir proche, et des postes qui ne coûteront pas cher puisqu'ils coûteront seulement 5 500$ chacun par an, soit 20 fois moins que ceux créés par les investissements de capital risque.
À longue échéance, considérant le leadership vigoureux du gouvernement fédéral, divers bénéficiaires de la recherche comme les sociétés d'instruments médicaux, les sociétés pharmaceutiques génériques et les compagnies d'assurance, devraient être incités à contribuer au financement de la recherche dans le secteur de la santé.
En conclusion, pour reprendre ce que disait l'honorable Paul Martin devant votre comité:
- Il y a des choses que les entreprises et les marchés ne peuvent pas et ne veulent pas faire. Le
secteur privé ne peut pas fournir des soins de santé universels. Les entreprises ne peuvent pas
faire assez de recherche fondamentale.
Le président: Merci, M. McLennan.
Monsieur Michael McBane, de la Coalition canadienne sur la santé.
M. Michael McBane (coordonnateur, Coalition canadienne sur la santé): Merci, monsieur le président.
La Coalition canadienne sur la santé a été créée en 1979 pour assurer l'adoption de la Loi canadienne sur la santé. À l'époque, nous avions collaboré étroitement avec le ministère fédéral de la Santé. Aujourd'hui, notre objectif est de préserver la Loi canadienne sur la santé - c'est-à-dire un système bâti sur des principes non lucratifs.
Beaucoup de gens prétendent aujourd'hui être favorables à la Loi canadienne sur la santé et défendre le système de soins de santé. La Coalition canadienne sur la santé estime que la question centrale est de préserver le système en fonction de principes non lucratifs. Ce qui distingue notre système des autres, c'est son universalité. C'est cela qui nous distingue des États-Unis d'Amérique. De fait, pour ce qui est des programmes sociaux universels, c'est la seule distinction qui nous reste par rapport aux États-Unis.
La santé est une question extrêmement symbolique au Canada, ce que confirment sans cesse les sondages. Il faut donc aller au-delà de la rhétorique et des déclarations de principe pour attaquer de front le problème de la préservation des principes de santé fondés sur la prestation de services à but non lucratif et d'accès universel, caractéristiques fondatrices de notre système.
Nous estimons que le Canada est un chef de file mondial sur le plan de la santé des populations. C'est là un phénomène extrêmement important. Le comité des finances et le ministre des Finances lui- même devraient lire attentivement le dernier rapport sur la santé des Canadiens préparé par le Comité consultatif fédéral-provincial- territorial sur la santé de la population. De fait, je crois que l'idée de tenir une réunion des ministres des Finances et des ministres de la Santé est excellente. Comme nous sommes un chef de file mondial dans le secteur de la santé, il est important que cette information soit prise en compte dans nos politiques budgétaires.
Il est temps que notre savoir-faire en matière de santé soit pris en compte dans les décisions budgétaires fédérales et provinciales. Réduire le déficit en rendant les gens malades n'est certainement pas quelque chose que nous pourrions accepter. Nous savons que le gouvernement du Canada est favorable à l'accès universel, mais il est temps qu'il cesse de désinvestir dans ce secteur. Sinon, le système va s'effondrer et nous perdrons l'accès universel à des soins de qualité. Nous nous retrouverons avec un système de santé à deux paliers, qui se sera développé par défaut, en douce. Voila les tendances auxquelles nous serons confrontés si nous n'acceptons pas de remettre de l'argent dans le système.
Cela n'a aucun sens, dans notre économie globale, que des emplois disparaissent pour des raisons d'ordre structurel sans que les gens puissent y faire quoi que ce soit. C'est pourtant là un phénomène irréfutable. Jeremy Rifkin est un expert international. Un autre expert, Ian Angell, de la London School of Economics, signale qu'il y a actuellement des changements fondamentaux dans la nature du travail qui n'ont strictement rien à voir avec la formation ou les attitudes individuelles.
Considérant le caractère essentiel du travail, et le caractère essentiel de la santé publique, il n'y a strictement aucune raison, au moment où des emplois disparaissent, que le gouvernement fédéral mine les programmes sociaux qui, nous le savons, contribuent directement à la santé des gens. Il y a une relation directe entre richesse et santé - c'est irréfutable. Il est donc plus opportun que jamais de stabiliser le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. De fait, en ce qui concerne ce Transfert, j'ajoute que cette recommandation touche non seulement le volet santé mais aussi le volet éducation et le volet bien-être. C'est cela qui assure la santé de la population.
Dans un monde futur où - tous les experts en conviennent - tout le monde ne pourra pas trouver d'emploi sûr et de sécurité par le travail, il est d'autant plus important de préserver ces transferts sociaux, qui relèvent des responsabilités fondamentales du gouvernement fédéral. C'est cela qui définit le Canada. Le livre rouge est parfaitement clair à ce sujet, tout comme les sondages d'opinion.
Nous ne pouvons nous payer le luxe de ne plus investir dans les soins de santé. C'est évident du point de vue moral mais aussi économique. Les gens sont préoccupés par la compétitivité, à juste titre. Or, ce sont les soins de santé qui nous rendent compétitifs. Il suffit d'examiner le cas de l'industrie de l'automobile. Grâce à notre système de santé, nous bénéficions d'un avantage de 10$ l'heure par travailleur. En conséquence, nous n'avons aucune raison de cesser d'investir dans les soins de santé et dans notre infrastructure sociale, ne serait-ce que pour des raisons d'ordre économique, puisque c'est cela qui rend notre pays compétitif. Autrement dit, les politiques actuelles, déjà injustifiées du point de vue moral, le sont aussi du point de vue économique.
La Coalition canadienne sur la santé souhaite que le gouvernement revienne sur les coupures décidées au sujet du Transfert. Nous tenons également à ce que l'on améliore les soins de santé. Il conviendrait d'étendre la portée de l'assurance médicale pour l'appliquer aux médicaments obtenus en dehors du milieu hospitalier. Nous proposons donc, parallèlement au projet de budget alternatif, la création d'un régime national d'assurance- médicaments en coopération avec les provinces.
Ce régime nous permettrait à terme d'économiser de l'argent si nous l'utilisions pour rationaliser tous les régimes privés et pour nous attaquer aux problèmes de surconsommation de médicaments et aux autres problèmes de ce secteur qui résultent de l'absence de coordination entre les provinces et le gouvernement fédéral. Nous recommandons que le ministère des Finances se penche sérieusement sur ce secteur dans sa planification budgétaire.
En conclusion, nous estimons que le prochain budget sera extrêmement important, à l'aube des prochaines élections. Nous voulons que les chiffres concordent avec l'engagement politique concernant l'importance du secteur de la santé. Nous ne pouvons pas nous payer le luxe de ne plus investir dans ce secteur.
Merci.
Le président: Merci, M. McBane.
Docteur Cal Gutkin, du Collège des médecins de famille du Canada.
[Français]
Dr Cal Gutkin (directeur général et chef de la direction, Collège des médecins de famille): Merci, monsieur le président. C'est un plaisir pour moi et le Collège des médecins de famille du Canada d'être ici avec vous ce matin.
[Traduction]
Le Collège des médecins de famille du Canada est à certains égards le pendant du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada de Hugh Scott. Il est responsable de l'enseignement et de l'élaboration de normes pour les spécialistes consultants du Canada, et il s'intéresse aux programmes d'enseignement et aux activités de formation des médecins de famille du Canada qui n'exercent pas dans des domaines spécialisés.
Notre mission concerne l'éducation de ces médecins pendant leurs années de formation et pendant toute leur carrière, l'accréditation des 16 programmes universitaires d'études en médecine familiale, et le maintien de contacts très étroits avec les filiales des provinces et des territoires.
Depuis quelques années, nous participons au débat concernant la réforme des soins de santé non pas parce que nous nous voyons devenir une sorte de négociateur syndical au nom de nos membres mais plutôt à cause de la mission de notre organisation et de la détermination de nos membres, soucieux d'améliorer constamment la qualité des soins dispensés aux Canadiens.
Nous savons parfaitement, et nos membres ne cessent de nous l'indiquer clairement, qu'il devient impossible d'atteindre les normes qui nous tiennent à coeur, parce que le milieu de travail des médecins ne cesse de se dégrader. Hélas, la situation se détériore au Canada depuis de nombreuses années en ce qui concerne l'exercice et l'enseignement de la médecine, ainsi que la recherche.
L'AMC et nous-mêmes avons effectué ces dernières années plusieurs enquêtes axées sur l'accessibilité des soins de santé. Or, ces enquêtes réalisées auprès de nos patients et des fournisseurs de soins révèlent une tendance très dangereuse de baisse de l'accessibilité aux soins. Notre propre organisation représente 14 000 médecins de famille qui ont des contacts réguliers avec 18 millions de patients d'un bout à l'autre du pays. Je ne parle pas ici de 18 millions de Canadiens qui viennent voir leur médecin de famille pour des consultations épisodiques mais pour des soins continus et exhaustifs, bien souvent pendant toute la vie.
Il n'y a sans doute de meilleur point de contact pour savoir ce que pensent vraiment les Canadiens de leur système de soins de santé, et je puis vous dire que la situation est extrêmement inquiétante si l'on en juge d'après les craintes et anxiétés que ressentent non seulement les médecins mais aussi les patients.
Or, notre objectif primordial est de maintenir les principes qui fondent la Loi canadienne sur la santé, tout en exprimant notre appui au degré de financement requis pour appliquer ces principes. Tant que ces deux messages ne seront pas exprimés de manière cohérente et continue, je crains que la Loi canadienne sur la santé ne soit en danger. Il est impossible que le gouvernement prétende appuyer les principes fondamentaux de la Loi canadienne sur la santé s'il n'exprime pas cet appui par des budgets.
Comme l'ont dit mes collègues, le système de paiements de transferts aux provinces pour la santé et pour les programmes sociaux devient une coquille vide de sens. Les provinces se débarrassent de leurs responsabilités sur les fournisseurs de soins et, en dernière analyse, sur les patients, leur argument étant fondamentalement que le gouvernement fédéral ne leur donne plus de ressources adéquates. Cela veut dire qu'il n'y a plus assez d'argent pour dispenser des soins adéquats aux patients, pour effectuer la recherche, pour enseigner et pour assurer l'éducation permanente des médecins. Mais c'est là une responsabilité dont on ne peut se débarrasser à la légère, et à laquelle on ne peut renoncer par du charabia politique. C'est un problème qu'il faut confronter de face.
Un autre message inadéquat est diffusé à la population depuis de nombreuses années. Il s'agit de l'objectif artificiel qui a été établi de continuer à diminuer le pourcentage des sommes consacrées aux soins de santé par rapport au produit national brut. À mon avis, c'est là quelque chose que les bureaucrates ont concocté sans avoir fait aucune recherche. D'ailleurs, je mets quiconque au défi de trouver des Canadiens, pour qui les soins de santé constituent une priorité nationale, une caractéristique fondatrice de la nation, qui partageraient l'objectif de continuer à faire baisser le pourcentage des budgets de santé par rapport au PIB.
Nous ne sommes pas comme les autres pays. Nous ne sommes pas comme ceux à qui on nous compare quand on parle du pourcentage du PIB consacré à la santé. Il suffit d'examiner les questions de croissance économique et de création d'emplois, ainsi que les sommes consacrées au système de santé pour trouver les réponses aux objectifs mêmes que vous prétendez partager.
Il me semble essentiel de préciser clairement, dans le cadre de la Loi canadienne sur la santé, ce que l'on entend par services médicalement nécessaires. Même avec des budgets adéquats, nous savons bien qu'il y a des limites à ce que nous pouvons financer. Le Collège des médecins de famille du Canada appuie donc vigoureusement un système de soins de santé à payeur unique, à palier unique et à financement universel et public pour tous les services médicalement nécessaires. Mais il est essentiel, si l'on va dans cette voie, de se retrousser les manches pour définir ensemble ce que l'on entend par services médicalement nécessaires.
Notre Collège vous met donc au défi d'examiner attentivement ces piliers fondamentaux de la Loi canadienne sur la santé dans le but de maintenir un minimum de cohérence entre les budgets de la santé et les principes de la Loi. Nous vous mettons au défi d'appuyer la réforme des soins de santé primaires du pays.
C'est notre système de santé qui a fait notre réputation dans le monde entier, notamment parce que nous sommes parvenus, au cours des deux dernières décennies, à nous doter d'un système de soins primaires extrêmement solide. Or, l'un des volets essentiels de ce système est assuré par les médecins de famille. Lisez ce qui se publie à l'étranger sur la médecine familiale et vous verrez que notre Collège jouit d'une réputation extrêmement enviable pour le travail qu'il a fait afin d'élaborer des programmes de médecine familiale et de former des médecins de famille de premier ordre. C'est d'ailleurs pour cette raison que l'on nous invite constamment à aller exposer le modèle canadien à l'étranger. Il est d'autant plus paradoxal que nous ayons aujourd'hui des difficultés à le préserver dans notre propre pays.
L'un des paradoxes tragiques - probablement le plus tragique - concerne notre voisin du sud. Les États-Unis ont réalisé que l'un des faiblesses fondamentales de leur système de santé vient du maillon faible du réseau de soins primaires de la médecine familiale, et ils s'efforcent désespérément de le renforcer. Or, leur stratégie consiste en partie à venir recruter les médecins de famille extrêmement bien formés qui se trouvent au Canada, et ce, au moment même où ceux-ci sont particulièrement déçus. En effet, leur avenir leur paraît très incertain au Canada. Dans chaque province, de jeunes médecins qui veulent commencer à exercer dans leur collectivité locale constatent que les possibilités ne cessent de s'amenuiser. Il est donc facile de les attirer au sud de la frontière.
Nous avons donc un défi énorme à relever si nous voulons préserver le système de soins de santé important que nous chérissons tous. Tout comme nos médecins que je vois partir vers le sud, j'estime que nous faisons exactement le contraire de ce qu'il faudrait en ce qui concerne le financement de notre système de santé.
Le président: Merci, Dr Gutkin.
Finalement, le docteur Graham Chance et le docteur Jenni Tipper de l'Institut canadien de la santé infantile.
M. Graham Chance (président, Institut canadien de la santé infantile): Merci, monsieur le président, de nous accueillir à nouveau. Nous nous adressons à vous au nom des enfants du Canada, et nous souhaitons aborder particulièrement le problème de la pauvreté infantile.
Les Nations Unies nous disent depuis plusieurs années que le Canada est le premier pays au monde en ce qui concerne le développement humain. Loin de moi l'idée de contester que le Canada soit un pays merveilleux, mais je crois nécessaire d'ajouter que l'affirmation des Nations Unies vaut essentiellement pour les adultes.
En 1989, la Chambre des communes s'est exprimée en faveur d'une motion concernant l'élimination de la pauvreté chez les enfants canadiens d'ici à l'an 2000. C'était une motion très claire à ce sujet. À l'époque, le taux de pauvreté des enfants était de 14,8 p. 100. En 1993, il avait atteint 21,2 p. 100. Aujourd'hui, il se situe à 19 p. 100. De plus, les enfants vivant dans une famille monoparentale risquent à peu près quatre fois plus de vivre dans la pauvreté que ceux qui vivent avec leurs deux parents.
La pauvreté infantile nous préoccupe parce que, quels que soient les déterminants de la santé que l'on prend en considération, les enfants qui vivent dans la pauvreté font face approximativement à un doublement de ces déterminants. Autrement dit, la mortalité infantile, le décrochage scolaire et les troubles psychiatriques sont tous d'au moins deux fois plus élevés dans la population des enfants pauvres.
En outre, ce sont les enfants autochtones qui sont, et de loin, le groupe le plus pauvre des enfants canadiens, et ils courent un risque extrêmement élevé de connaître des problèmes de santé. On sait par exemple que le taux de suicide des adolescents autochtones du Canada est environ quatre fois plus élevé que celui du Canada dans son ensemble. Chez les adolescents canadiens, le taux a été multiplié par quatre au cours des 30 dernières années.
Par rapport aux autres pays de l'OCDE, le Canada s'occupe bien mal de ses enfants pauvres. À preuve, ces données de l'étude luxembourgeoise sur le revenu réalisée en 1995, qui montrent que 11 des 18 pays de l'OCDE sont parvenus à faire sortir au moins la moitié de leurs enfants pauvres de cette situation. Chez nous, cet effet n'a été constaté que pour 38 p. 100 des enfants. Autrement dit, il y a eu une diminution de 9 p. 100 de la pauvreté, ce qui laisse 14 p. 100 de nos enfants dans la pauvreté, après intégration des corrections gouvernementales.
En ce qui concerne la valeur financière des soins de base fournis aux enfants, le Canada est12e sur 12, c'est-à-dire au dernier rang des pays industrialisés. De plus, c'est le troisième pays du monde développé en ce qui concerne l'ampleur du fossé entre les riches et les pauvres.
Il faut que la stratégie gouvernementale de lutte contre la pauvreté des enfants soit axée directement sur les problèmes du marché du travail et les problèmes de sécurité sociale auxquels sont confrontées bon nombre de familles canadiennes. Je veux parler ici du bas niveau des avantages sociaux fournis pour les enfants, des suppléments de revenu et des systèmes d'assurance, ainsi que de l'inaccessibilité des services de garde d'enfants. Nous croyons que le gouvernement fédéral devrait être beaucoup plus déterminé à respecter ses engagements en ce qui concerne la santé des enfants. Il est inacceptable que la croissance économique soit assurée aux dépens de l'épanouissement des enfants et du développement social.
En ce qui concerne les politiques envisageables pour lutter contre la pauvreté des enfants, il est clair que la santé et le bien-être exigent l'élaboration d'une politique nationale tenant compte de tout le cycle de vie. Notre pays a fait des progrès non négligeables pour améliorer la santé et le bien-être des personnes âgées. Aujourd'hui, le défi est d'offrir un soutien comparable aux enfants, étant bien entendu que cela ne doit pas se faire aux dépens des personnes âgées ou d'autres groupes vulnérables. Autrement dit, l'équité entre les générations est essentielle.
Je ne saurais trop insister sur l'importance d'une intervention précoce. Les recherches effectuées sur le développement humain montrent clairement que les six premières années de la vie, et surtout les trois premières, sont cruciales pour déterminer la croissance physique et psychosociale des enfants, ainsi que leur santé et leur bien-être futurs. Selon le Dr Fraser Mustard, président de l'Institut canadien de recherche avancée, l'investissement qu'effectue un pays dans ses enfants en bas âge est le plus important qu'il puisse faire pour assurer sa productivité future.
D'après nous, il y a deux méthodes à envisager pour protéger les enfants. La première que nous recommandons consiste à appuyer la Campagne 2000, dont les objectifs sont relativement précis. L'autre, de portée plus générale, est celle qui a été avancée par l'Institut Caledon.
Les recommandations de la Campagne 2000 sont fondées sur l'idée que le gouvernement fédéral réserverait une enveloppe budgétaire globale à la mise en oeuvre de programmes nationaux destinés aux enfants.
Cela comprendrait un système exhaustif de prestations pour les enfants, garantissant une couverture d'au moins 50 p. 100 pour élever les enfants dans les familles à faibles revenus, ainsi qu'un supplément familial garanti qui permettrait aux familles d'arriver à des niveaux satisfaisants de logement et d'environnement et comprendrait l'allocation de logement. Autrement dit, cela contribuerait à un épanouissement adéquat des enfants dans leur propre environnement.
Le deuxième élément concerne un programme national d'épanouissement de la petite enfance, expression que nous préférons à garde d'enfants. Il s'agirait d'un programme pluriannuel garantissant à chaque enfant la possibilité d'apprendre et de recevoir des soins de qualité pendant les premières années cruciales de la vie. Pour cela, nous envisageons une enveloppe représentant un certain pourcentage du PIB.
De plus, la création d'un plan boursier national pour l'éducation des jeunes nous permettrait d'aider nos enfants à atteindre leur potentiel optimal, en accordant un soutien à ceux qui ont les compétences voulues, pendant leur première année d'études postsecondaires.
Nous estimons par ailleurs que le gouvernement canadien devrait élaborer en collaboration avec le secteur privé des politiques exécutoires garantissant un congé parental adéquat, des horaires de travail souples, une limitation des heures supplémentaires et le partage des emplois pour garantir la répartition de tous les emplois disponibles entre toute la population canadienne apte à travailler.
Je termine en soulevant une autre de nos préoccupations, la réduction du financement du RAPC. Il existe à notre avis plusieurs options envisageables pour accroître les recettes, mais celle que j'estime importante consisterait à sauvegarder un aspect du TCSPS pour que le gouvernement fédéral puisse avoir un levier efficace à l'égard des activités provinciales concernant les enfants. Autrement dit, nous croyons qu'une partie du TCSPS devrait être strictement réservée au financement de prestations destinées aux enfants. Je suis sûr que le gouvernement pourrait envisager d'autres mesures pour obtenir l'argent nécessaire par le régime fiscal, sans en dispenser les entreprises, bien sûr.
Le président: Merci, Dr Chance.
[Français]
Nous allons commencer les questions avec M. Dubé.
M. Dubé (Lévis): Je voudrais d'abord me présenter. Je ne suis pas un membre permanent du Comité des finances, mais j'y assiste à l'occasion. Je suis actuellement membre du comité de la Santé et j'ai été auparavant, pendant deux ans et demi, membre du Comité permanent du développement des ressources humaines. Je suis d'accord avec M. McBane pour dire que, lorsqu'on parle de santé, tout est interrelié avec les programmes sociaux et tous les aspects qui concernent le ministère du Développement des ressources humaines.
J'ai été ravi d'entendre, en un peu moins d'une heure, ces exposés venant de l'ensemble des principaux intervenants dans le domaine de la santé. Ça vaut de multiples congrès. C'est peut-être une synthèse un peu trop rapide, et je suis certain que certains ont encore beaucoup de choses à dire. La période des questions permettra peut-être d'apporter un complément. J'aimerais également mentionner qu'il y a des absents, aujourd'hui, dans ce domaine de la santé: personne n'est ici pour représenter les provinces.
Vous avez parlé de la diminution des paiements de transfert aux provinces et vous avez dit à tout le monde qu'il ne faudrait pas que ça aille plus loin en ce qui concerne les soins de santé. Vous avez pu constater, même si vous ne l'avez pas tous dit, que les provinces ont dû faire des coupures dans les soins de santé curatifs comme dans les hôpitaux.
Je sais que le fédéral, depuis quelque temps, fait des efforts pour mettre plus d'argent, si possible, dans la recherche, les études et la prévention. On s'aperçoit que le Comité de la santé élabore de plus en plus des stratégies dans le domaine de la prévention. Si l'on pense, comme quelqu'un l'a dit, qu'un dollar investi dans la prévention fait économiser environ 7$ à 10$ en soins curatifs, il me semble que c'est très important.
J'ai aussi entendu d'autres gens dire que le fédéral devait cesser de couper dans les paiements de transfert aux provinces et susciter davantage de dons des particuliers. C'est très bien, mais cela supposerait en même temps, pour le ministre des Finances, des déductions d'impôt individuelles ou corporatives qui seraient pour lui un manque à gagner. Si j'étais à la place de ce dernier, je me demanderais s'il faut choisir l'un des deux ou prendre un peu des deux. Vous imaginez la situation.
Quand je regarde vos exposés, je me demande ce que vous décideriez. L'un de vous a parlé d'accorder la priorité aux enfants, et il a bien raison. Le Comité de la santé, dans une étude récente, recommandait la nomination d'un ministre responsable de la santé des enfants, car certains membres du comité pensent que c'est extrêmement important. On a parlé également du vieillissement de la population.
C'est la synthèse la plus courte que je puisse faire, et je pense que le ministre des Finances actuel connaît de sérieuses difficultés. Je fais partie de l'opposition, mais j'ai des yeux pour voir et des oreilles pour entendre, et je dis qu'on recule, par rapport aux autres pays du G-7, sur le plan de la compétitivité et de la recherche. On recule en ce qui concerne les enfants, dans la recherche, sur le plan des soins curatifs et de la prévention.
Tout ceci est très grave. On parle d'accès universel aux soins de santé. Vous dites que c'est un service nécessaire et qu'il faut conserver au moins un minimum. Mais si j'écoute d'autres gens, ce n'est pas vers le minimum qu'il faut aller mais plutôt vers l'excellence, c'est-à-dire trouver les meilleurs services possibles pour que ça nous coûte moins cher si on est meilleurs en soins préventifs et en recherche. Mais quelles sont les priorités? Je ne pose pas la question à un groupe en particulier, mais, à votre avis, quelle est la priorité la plus importante?
Le président: Merci beaucoup.
[Traduction]
Docteur McLennan, je sais que vous devez partir car vous devez assister à d'autres audiences. Avez-vous un dernier message à nous adresser avant de partir?
M. McLennan: Mon message le plus important est que la situation est extrêmement grave et qu'il est urgent de rendre aux centres de santé universitaires les moyens d'effectuer de la recherche fondamentale. Nous avons démontré que cela serait rentable du point de vue économique. Voilà comment il faut résoudre le problème.
Le président: Merci, Dr McLennan.
M. McLennan: Merci.
[Français]
Le président: Qui aimerait répondre à la question posée par M. Dubé?
[Traduction]
Docteur Kazimirski.
Mme Kazimirski: Merci beaucoup.
Vous posez des questions très intéressantes, M. Dubé, qui constituent des défis très difficiles à relever. Au fond, vous demandez ce qui doit être prioritaire: la prévention ou la restructuration.
La prévention est importante, certes, mais il est également important de savoir que le système de santé canadien d'aujourd'hui ne finance pas la prévention. Deux des organisations présentes ici investissent des sommes considérables dans la prévention. Ce sont la Fondation des maladies du coeur et la Société canadienne du cancer. Elles canalisent beaucoup d'argent vers la prévention.
Comment fixer les priorités en période de compressions budgétaires? En écoutant le public. Que nous dit-il? Vous avez entendu tout le monde autour de cette table mentionner des études et des sondages qui montrent clairement que la santé est une priorité pour la population canadienne. Autrement dit, si l'on veut fixer des priorités, il faut manifestement tenir compte des questions revêtant une importance nationale, et il est clair que la santé en est une.
Au fond, ce qui est important dans ce que vous ont dit toutes les personnes qui se sont adressées à vous ce matin, c'est ceci: ça suffit. L'une des valeurs universelles de notre société est l'accès à des soins de santé de qualité. Or, c'est cela qui est menacé. Les soins ne sont plus aussi accessibles qu'autrefois. Des patients n'ont plus accès au système.
Je vois passer tous les jours dans mon cabinet des gens pour qui je ne peux obtenir de services de diagnostic, de rendez-vous avec des spécialistes, d'inscription dans des établissements de soins. Et ceux qui réussissent à entrer dans le système constatent, lorsqu'ils rentrent chez eux, qu'il n'y a plus d'infrastructure de soutien. On peut bien obtenir tous les gains d'efficience que l'on veut dans les établissements eux-mêmes, mais il est évident qu'il faut aussi assurer des services de soutien adéquats lorsqu'on renvoie les gens chez eux. Autrement dit, il nous faut des programmes communautaires et des infrastructures qui ne sont plus là aujourd'hui.
Voilà ce que nous voulons dire quand nous parlons d'injecter immédiatement des fonds dans le système, pour le stabiliser et pour en assurer l'accessibilité à tous les Canadiens.
Je m'excuse de prendre tellement de temps mais je voudrais répondre aussi à la question qui a été posée sur l'augmentation du nombre de cancers de la prostate. Selon une étude réalisée par la section d'oncologie de l'Université Queen's, les patients du Canada doivent attendre plus longtemps que ceux de n'importe quelle collectivité des États-Unis pour obtenir des services adéquats et nécessaires de radiothérapie. Chez nous, l'homme qui est atteint du cancer de la prostate doit attendre 40 jours. C'est inacceptable.
En effet, un tel délai n'est pas sans conséquence sur la qualité des soins. Plus l'intervention est tardive, plus la situation du patient risque de se dégrader. Au Canada, les femmes atteintes de cancer du sein doivent avoir attendre 43 jours. C'est tout aussi inacceptable. Voilà ce que nous voulons dire quand nous affirmons que l'accès à des soins de santé de qualité, valeur universelle du Canada, est sérieusement entamé.
Ne vous y trompez pas, notre système de soins est au bord d'une crise grave. Voyez simplement ce qui se passe d'un bout à l'autre du pays. À Windsor, en Nouvelle-Écosse, l'hôpital a fermé trois services. L'hôpital de la ville voisine est fermé. Les patients n'ont plus accès à certains services de laboratoire. Des infirmières sont au chômage. Qu'en conclut le citoyen moyen? Que le système ne sera plus là quand il en aura besoin.
Il faut donc refinancer le système, pour le stabiliser, en faisant bien comprendre à la population que le gouvernement a parfaitement saisi son message. Le système de soins de santé est en crise, la santé est une question importante pour les Canadiens et nous voulons que vous y fassiez quelque chose. Autrement dit, que vous commenciez à remettre de l'argent dans le système.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Dubé.
[Traduction]
Docteur Gutkin.
M. Gutkin: Merci, monsieur le président.
Je ne pourrais vous donner de meilleurs exemples que ceux que vient d'évoquer leDr Kazimirski. Notre organisation, comme la sienne, est inondée d'exemples de réduction de l'accès aux soins.
J'aimerais revenir sur certains points soulevés par M. Dubé. Il est peut-être vrai que 1$ de prévention vaut 7$ de guérison, mais je dois vous dire que nous n'en avons aucune preuve incontestable. J'aimerais bien croire que c'est vrai, et je suis tout à fait favorable, comme mon organisation, à ce que l'on investisse des fonds dans la prévention, qui doit être l'une de nos priorités. Quoi qu'il en soit, même si c'était vrai, ces investissements ne pourraient pas produire d'effets sensibles avant de nombreuses années, je puis vous le garantir.
D'aucuns semblent croire, à tort, que l'on peut investir directement des fonds dans des programmes de prévention et de promotion de la santé, dès maintenant, en les prélevant sur les programmes nécessaires pour traiter les patients. Vous savez bien que ce n'est pas possible car ces patients sont toujours malades, sont toujours vulnérables et ont toujours besoin d'être traités.
Vous dites qu'il faut établir des priorités. À mon avis, la priorité est d'être honnête avec les Canadiens. C'est cela la priorité. La raison pour laquelle les gens sont frustrés - autant les consommateurs que les fournisseurs de services de santé - est qu'ils sont sensibles à la malhonnêteté. Ils constatent que l'on ne consacre pas les budgets nécessaires pour assurer le respect des principes de la Loi canadienne sur la santé. Si cette tendance continue, cette Loi aura perdu toute valeur d'ici à quelques années.
Le président: Merci, Dr Gutkin.
Monsieur Solberg.
M. Solberg (Medicine Hat): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens à souhaiter la bienvenue aux témoins en leur présentant mes excuses pour mon retard. J'en suis d'autant plus désolé que j'ai été fort intéressé par ce que j'ai entendu.
Il est clair que la santé est l'une des préoccupations les plus importantes, voire la plus importante, de la population canadienne aujourd'hui. Je suis parfaitement d'accord avec ce que j'ai entendu, c'est-à-dire l'affirmation brutale et honnête que le système de santé est dans une situation pitoyable et qu'il est sous-financé. Vous avez parfaitement raison. Les Canadiens en sont parfaitement conscients, et je suis sûr que la plupart des politiciens aussi.
Mon parti, le Parti réformiste, n'a pas la réputation d'être particulièrement dépensier mais je tiens à vous dire que nous sommes toujours très attentifs à ce que dit la population et que nous savons donc parfaitement qu'elle tient à ce que l'on commence à remettre de l'argent dans le système de santé. Nous avons parfaitement compris ce message, et c'est pourquoi nous avons annoncé dans notre nouveau programme politique que nous avons l'intention de réinjecter 4 milliards de dollars dans le système de santé et d'enseignement supérieur, et de réinjecter aussi des fonds dans le secteur de la recherche. Je disais seulement cela pour votre information.
Je vais maintenant poser une question au Dr Gutkin, mais tout ceux que cela intéresse pourront certainement y répondre aussi.
Croyez-vous qu'il y a un consensus sur la nécessité d'identifier les services de base qui doivent absolument être fournis, c'est-à-dire ce qu'on appelle les services médicalement nécessaires? Si oui, quand pouvons-nous nous attendre à ce que vous veniez définir publiquement ces services, devant le gouvernement fédéral et les provinces, parce qu'il faudra manifestement qu'il y ait un accord entre les deux?
Deuxièmement, combien croyez-vous qu'il faut réinvestir dans le système de santé, et où pensez-vous qu'il faudrait faire des économies pour trouver l'argent?
M. Gutkin: Je vais essayer de répondre à une partie de votre question. Je sais que mes collègues auront certainement beaucoup de choses à dire sur tout cela.
Tout d'abord, l'organisme qui nous représente tous, du point de vue de la médecine organisée, est l'Association médicale canadienne. Nous sommes tous actifs au sein de l'Association et nous contribuons à l'élaboration de ses stratégies. Le Dr Landry et le Dr Kazimirski pourront peut-être vous donner des précisions là- dessus. Quoi qu'il en soit, les stratégies auxquelles nous avons contribué sont toutes reliées au thème de votre question.
La notion de services médicalement nécessaires se situe au coeur de nos problèmes actuels, c'est-à-dire des décisions qu'il faut prendre pour financer le système de santé en fonction des principes fondamentaux de la Loi canadienne sur la santé, notamment du financement public universel du système. Hélas, la définition des services médicalement nécessaires est loin d'être simple. Nous sommes fermement résolus à collaborer avec les consommateurs, les fournisseurs et les planificateurs des services de santé pour dresser cette liste mais il faut bien convenir que nous n'avons pas trouvé la même ouverture d'esprit chez toutes les parties qui pourraient contribuer à l'avancement de ce processus. Personnellement, je ne pense pas qu'il appartienne uniquement aux médecins de définir ce qui est médicalement nécessaire.
Il y a certains aspects des services de santé auxquels sont résolument attachés les fournisseurs ainsi que les ministères provinciaux, parce que ce sont des services médicalement nécessaires du point de vue des principes fondamentaux de la Loi canadienne sur la santé. Il faut cependant voir la chose de manière réaliste. Je ne parle pas ici de services précis. Par exemple, si vous avez une toux reliée à une infection des voies respiratoires supérieures, ce n'est pas relié aux services médicalement nécessaires. Ça ne fait pas partie de cette catégorie. Ça fait plutôt partie de la catégorie des services accessoires, que l'on continuera de fournir en attendant que les provinces aient fini leurs délibérations sur la transformation du système en exigeant l'enregistrement des patients.
Que les médecins soient ou non d'accord avec cela n'a strictement aucune importance. L'un des éléments clés de toute stratégie de réforme du système de santé, et c'est un élément qui est absolument essentiel, est que si des patients enregistrés dans un établissement donné souhaitent obtenir des services non urgents ailleurs, ils doivent les payer. Si l'on n'introduit pas ce facteur dans notre système, on sera toujours incapable de financer tous les services nécessaires à même les deniers publics.
L'obstacle dont il faut tenir compte, et le message que renvoient les ministères provinciaux de la Santé aux représentants de nos associations, c'est que cela ne semble pas conforme aux principes de la Loi canadienne sur la santé et que les provinces risquent donc d'être pénalisées si elles prennent ce genre de décision.
Une autre question concerne la vraie définition des «demandes de tierce partie» et des services correspondants. On envoie un patient consulter un médecin pour obtenir un service donné. Une partie de ce service, peut-être la préparation du formulaire, peut être facturée à la tierce partie. Pourtant, le service réel - et il s'agit dans bien des cas d'un service qui n'est pas essentiel - est toujours facturé au système public.
Il est donc temps que l'on discute de ce genre de principes pour nous donner la possibilité d'assurer des services essentiels à tous les Canadiens, c'est-à-dire les services médicalement nécessaires, financés par le secteur public, tout en permettant d'autres stratégies pour faire face aux autres situations.
Le président: Merci, Dr Gutkin.
Docteur Scott.
[Français]
Dr Scott: Pour répondre à M. Dubé et à M. Solberg en même temps, un des aspects qu'on veut soulever ici et qui rejoint plusieurs interventions, touche la pauvreté des enfants et son lien avec la politique gouvernementale. On ne parle pas d'un parti politique plutôt que d'un autre.
On a, par exemple, parlé du tabac et de son impact néfaste. Il y a aussi le gambling. Plusieurs gouvernements ont décidé qu'une excellente façon de trouver des fonds, c'était d'encourager la population à jouer des millions de dollars. Je pense qu'on parle d'un demi-milliard de dollars maintenant. S'il y a une politique du gouvernement qui est responsable de la dégradation du bien-être des enfants du Canada, c'est bien celle-ci. Je pense que cette expérience nationale, illustrée par le magnifique Taj Mahal de Hull, est extrêmement néfaste.
Je vais maintenant parler d'un autre aspect, la question de la formation. On parle de l'importance des fonds pour la recherche, mais on ne peut pas oublier la formation des chercheurs. Je me rends également compte, puisque ma carrière s'est déroulée au Québec, que l'éducation et la santé sont des activités dites provinciales.
Mais quand on veut construire quelque chose qui a vraiment un impact national, comme la recherche, il faut qu'il y ait quelque part un lien entre la formation et la politique nationale et internationale.
[Traduction]
Je crois qu'il faut être extrêmement prudent quand on parle des services médicalement nécessaires, comme vient de le faire mon collègue le Dr Gutkin. J'étais autrefois cardiologue. Quand on a commencé à faire des pontages aorte-artère coronaire, c'était une procédure extrêmement dangereuse et tout à fait expérimentale. Aujourd'hui, c'est une procédure qui figure probablement sur la liste des services essentiels de tout le monde.
La manière dont un service expérimental devient souhaitable puis médicalement nécessaire est extrêmement complexe. Prenons l'exemple d'un remplacement de hanche, opération qui est aujourd'hui toujours couronnée de succès. D'aucuns diront que le patient pourrait fort bien continuer de marcher avec sa hanche défectueuse. Ça ne l'empêche pas de vivre. Par contre, la plupart des gens qui ont subi cette opération, très coûteuse, certes, mais toujours parfaitement bien réussie, diront sans doute que c'est une procédure «médicalement nécessaire». La distinction est donc assez difficile à faire, comme le disait le Dr Gutkin. C'est un peu comme une chimère: c'est très attrayant mais extrêmement difficile à saisir.
Je voudrais faire une dernière remarque là-dessus. La réponse directe à M. Solberg, qui veut savoir où l'on va faire des économies, est la suivante: en faisant plus de recherches sur la santé. C'est là que l'on va trouver les vraies raisons. Aujourd'hui, on n'en sait rien. Si l'on prend des exemples récents de succès, on constate par exemple que l'évolution vers la chirurgie de jour a permis d'économiser de nombreux millions de dollars. Il y a cinq ou dix ans, bon nombre de mes collègues, chirurgiens au demeurant très réputés, étaient très sceptiques et formulaient des prévisions extrêmement pessimistes en disant que l'évolution généralisée vers la chirurgie de jour allait mener à la catastrophe. Ce n'est pas ce qui s'est produit. Au contraire, cela a probablement permis, dans bien des cas, de fournir de meilleurs soins.
Je parlais récemment à un collègue anesthésiste. C'est juste une anecdote que je veux vous raconter. Autrefois, lorsqu'on devait faire une opération mineure sur un enfant, celui-ci devait passer la nuit à l'hôpital la veille de son opération. Lorsque les parents étaient partis, les enfants étaient terrifiés. Je ne pense pas que faire passer une nuit à l'hôpital à un enfant de quatre ou cinq ans pour lui enlever les amygdales le lendemain procédait d'une bonne pratique médicale. Voilà pourtant un cas précis où les recherches ont permis de réaliser des économies et de dispenser de meilleurs soins.
Je crois que nous pouvons travailler ensemble et je suis sûr qu'aucun de mes collègues médecins ne vous recommandera de tout arrêter et de ne plus évoluer. Ce que nous voulons, c'est que les décisions soient prises rationnellement et, lorsqu'elles sont prises, pour quelque raison que ce soit, qu'on en analyse efficacement les résultats.
Ma dernière remarque concerne un exemple très intéressant. Je n'ai aucune fixation sur les opérations de remplacement des hanches mais des études ont montré que l'on a généralement l'impression que, s'il y a deux fois plus de telles opérations dans une région du pays que dans une autre, proportionnellement à la population, cela veut dire qu'il y en a probablement deux fois de trop dans cette région. En fait, l'étude du Dr Naylor, en Ontario, a montré qu'il y a des soins médicaux inadéquats dans les régions où l'on fait moins d'opérations de remplacement de hanches.
Et le contraire est certainement vrai aussi. Il y a beaucoup de secteurs dans lesquels on dispense trop de soins médicaux, à un coût très élevé.
Nous devons donc travailler ensemble pour veiller à ce que l'argent soit bien dépensé. Je veux dire par là qu'il ne faut pas seulement y penser, il faudra effectuer des recherches très solides, et c'est seulement à cette condition que nous pourrons continuer à dispenser les soins qui ont fait notre réputation. Merci.
Le président: Deux autres personnes souhaitent répondre à cette question. Docteur Kazimirski.
Mme Kazimirski: Merci beaucoup.
Votre question comprend deux volets, M. Solberg: les services de base et le financement.
L'Association médicale canadienne réclame depuis longtemps une réforme planifiée, surveillée et évaluée. C'est ce que vient de dire le Dr Scott. C'est ce qu'a dit aussi le Dr Gutkin. Jusqu'à présent, nous n'avons vu que la méthode de la terre brûlée, pas la méthode de la planification.
Notre association a préparé un document intitulé Core exprimant notre politique sur les services de base. Les décideurs publics, les gouvernements, les services de santé régionaux, les médecins y trouveront une structure de décision pour faire exactement ce que vous demandez, c'est-à-dire analyser les questions de qualité des soins, les questions d'éthique et l'accessibilité des services, afin que les Canadiens, les décideurs, les gouvernements et les praticiens puissent parvenir à un certain consensus. On saura ainsi ce que le système est prêt à fournir avec les ressources dont il dispose. C'est l'un des problèmes les plus importants à résoudre, mais c'est aussi une occasion qui nous est offerte de trouver une solution globale, et nous aimerions beaucoup participer au processus.
Le président: Merci, Dr Kazimirski.
Finalement, monsieur McBane.
M. McBane: Je voudrais moi aussi me pencher sur la question des secteurs de la santé dans lesquels on peut faire des économies. Il me semble que le plus important, que l'on retrouve dans tous les budgets de soins de santé et qui est devenu absolument incontrôlable, est tout à fait évident. C'est celui des médicaments, surtout des nouveaux. À l'heure actuelle, des Canadiens n'ont pas accès à des médicaments essentiels à cause de la politique gouvernementale qui interdit la concurrence dans ce secteur. Cette protection de monopole va mettre en danger la santé de certaines personnes parce que des nouveaux médicaments ne seront plus disponibles lorsque les produits génériques auront quitté le marché.
Nous n'avons pas encore vu tous les effets de la protection de monopole octroyée au moyen du projet de loi C-91 mais nous aurons une occasion en or de revenir sur cette question lors de l'examen parlementaire du projet de loi en février. Nous parlons ici d'une subvention équivalant à un milliard de dollars. La question est de savoir si c'est à cela que nous voulons consacrer notre argent ou si nous devrions faire autre chose, c'est-à-dire adopter une autre stratégie sur les médicaments et contrôler la surconsommation de médicaments. C'est un très gros problème.
Je suis heureux d'entendre les gens autour de cette table dire que la définition des services médicalement nécessaires est un jeu très dangereux, car j'estime moi aussi qu'il faut être très prudent à ce sujet. Cela risque en effet de miner sérieusement l'accès universel et d'aboutir à l'instauration d'un deuxième réseau, commercial, de soins de santé.
Le président: Merci, M. McBane. Merci, M. Solberg.
[Français]
Monsieur Duhamel, s'il vous plaît.
M. Duhamel (Saint-Boniface): Merci à vous tous pour vos présentations que j'ai trouvées fort utiles.
[Traduction]
Je voudrais poser brièvement deux questions principales et deux questions secondaires.
Il me semble tout d'abord nécessaire de préciser cette question de transfert de revenus. Certains témoins ont dit que les transferts ont diminué - ce que je comprends et qu'il faudrait peut-être revoir - et qu'il y a eu aussi une diminution du financement. Je présente cela séparément mais il faudrait peut-être analyser la question globalement.
On nous a dit aussi, ou je l'ai lu en tout cas dans certains textes du gouvernement, que les transferts recommenceront bientôt à augmenter. Qu'en est-il exactement?
Mon autre question concerne une remarque qui a été faite plus tôt ce matin au sujet de notre compétitivité par rapport à nos partenaires du G-7. Je voudrais savoir ce que cela exigerait, en gros. Je crois me souvenir que cela a été dit dans le contexte du financement de la recherche.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, M. Duhamel.
Qui veut répondre? Docteur Kazimirski, je crois que vous avez parlé de la diminution du TCSPS.
Mme Kazimirski: Oui. C'est au début des années 1980 que l'on a commencé à retenir une partie des sommes en espèces destinées aux provinces. Du début des années 1980 jusqu'à la création du TCSPS, cela a porté sur un total d'environ 30 milliards de dollars.
M. Duhamel: Et la diminution a ensuite continué, n'est-ce pas? Autrement dit, il y a eu une érosion de la base au cours des années?
Mme Kazimirski: C'est exact. Il y a eu une érosion importante de la base de financement des soins de santé.
M. Duhamel: Et l'érosion a été continuelle?
Mme Kazimirski: C'est cela. Aujourd'hui, en 1996, avec la création du TCSPS, des coupures particulières ont été apportées aux sommes transférées aux provinces au titre des services de santé et des services sociaux. Le total qui sera retiré d'ici à l'an 2000 s'élèvera à 8,4 milliards de dollars.
Cette retenue initiale a déjà eu pour effet d'obliger le secteur médical à réaliser des gains d'efficience, mais cela a eu pour conséquence de déstabiliser le système.
Aujourd'hui, avec des coupures très précises des fonds destinés aux provinces, celles-ci ont beaucoup de difficultés à faire face à l'accroissement de la demande dont ont parlé les autres témoins - du fait de l'accroissement de la population, du vieillissement de la population, des opportunités offertes par la technologie, de l'apparition de nouvelles maladies, plus difficiles à traiter, tout cela se manifestant du côté de la demande. En conséquence, on est obligé de faire face à une augmentation de la demande avec des ressources qui ne cessent de s'amenuiser, à partir d'une base déjà réduite et qui est désormais tellement basse que notre ex-président avait l'habitude de dire à ce sujet que «le plancher dont on parle se trouve maintenant au sous-sol».
M. Duhamel: Je voudrais m'assurer de bien comprendre. Ai-je raison de penser que la situation est sur le point de se renverser?
Mme Kazimirski: Si l'on suit la stratégie proposée par le gouvernement, il y aura une certaine stabilisation des coupures après l'an 2000 - approximativement. Cependant, ce que disent tous les témoins autour de cette table, c'est que le système est déjà en sérieuse difficulté et qu'il a besoin de nouveaux crédits dès maintenant.
M. Duhamel: Je comprends bien. Quoi qu'il en soit, j'avais cru comprendre que les coupures allaient s'arrêter et qu'on allait ensuite...
Quelqu'un peut-il répondre à ma question sur la réduction? Je veux parler ici de la réduction des crédits consacrés à la recherche.
M. Murphy: Je vais vous répondre. Le meilleur exemple que je puisse utiliser est probablement celui des États-Unis. Depuis 1991, l'Institut national de la santé a bénéficié d'une hausse d'environ 40 p. 100, en dollars courants, de ses budgets de recherche.
L'un des secteurs dans lesquels on a fait le plus de progrès, cette dernière décennie, est la biotechnologie. Or, l'Institut national de la santé a tellement donné d'impulsion à la biotechnologie aux États-Unis que les entreprises étrangères sont venues y investir 15 milliards de dollars de plus, simplement pour tirer parti de ce qu'a fait l'Institut.
Pendant cette période, je crois que le taux d'augmentation enregistré par l'Institut était de l'ordre de deux pour cent à cinq pour cent au-dessus du taux d'inflation.
Pendant la même période, la variation totale des budgets au Canada a été de l'ordre de moins cinq pour cent. Est-ce que nous attirons des entreprises étrangères? Non. Nous perdons donc ce revenu.
Je voudrais aborder une autre question. Nous sommes tous fascinés, au Canada et aux États-Unis, par le miracle du Japon. Pendant 30 ans, ce pays a réussi à engranger des millions de dollars grâce aux découvertes scientifiques des autres. Aujourd'hui, il a réalisé que ce n'est plus possible et il investit donc des sommes énormes dans ses universités pour se doter d'une infrastructure scientifique, pas pour demain, pas pour l'an 2000, mais pour l'an 2010 et l'an 2015. C'est un investissement à très longue échéance, et c'est comme cela qu'il faut faire.
Le Canada fait tout le contraire. Or, si nous croyons pouvoir survivre grâce aux découvertes scientifiques des autres, nous n'y arriverons pas. Le Japon en est une excellente preuve.
M. Duhamel: Il y a une autre question à laquelle personne n'a répondu, concernant les sommes qu'il nous faudrait investir pour rester compétitifs par rapport à nos partenaires du G-7.
M. Murphy: Il faudrait accorder un soutien croissant à la recherche, c'est-à-dire entre trois pour cent et cinq pour cent de plus que le taux d'inflation.
Le président: Merci.
Monsieur Tholl.
M. Tholl: Merci, monsieur le président. Je vais peut-être essayer de répondre directement à la question de M. Duhamel.
Pour ce faire, je reviendrais à ce que je disais plus tôt sur les secteurs où s'exercent des pressions. Je parlais des enfants qui font des concours de saut à la corde pour recueillir des fonds. Hélas, ils ne peuvent pas sauter plus vite pour obtenir plus d'argent. En outre, à mesure que les coupures budgétaires se répercutent dans le système, ces enfants exercent des demandes auprès des organismes de charité. Nous n'avons tout simplement pas les sommes ni l'infrastructure nécessaires pour répondre à cette demande. Et, si nous ne pouvons pas le faire, qui le fera?
J'aimerais relier cette question au Fonds de recherche sur les services de santé. Si l'on veut saisir l'incidence de tous ces changements sur les organismes de charité et sur tout le secteur de la santé, il suffit de dire que le Fonds de recherche sur les services de santé est sans doute quelque chose qui aurait dû être créé avant les coupures budgétaires plutôt qu'après. Quoi qu'il en soit, puisque c'est maintenant qu'on le crée, profitons-en quand même et assurons-nous qu'on l'utilise efficacement pour étudier l'effet des coupures effectuées jusqu'à présent, avant de continuer à en faire d'autres.
Ma troisième remarque est qu'il y a d'autres groupes qui ont pris des mesures novatrices pour combler le déficit de financement de la recherche. Voyez par exemple sir Michael Peckham, qui a traversé le Canada à au moins deux reprises au cours des six derniers mois pour défendre l'idée qu'on devrait réserver 0,5 p. 100 ou un pour cent des dépenses de santé au financement de la recherche sur les services de santé. Je crois que cela répond à la question concernant les secteurs dans lesquels on pourrait trouver l'argent pour financer la recherche.
Le président: Madame Brushett.
Mme Brushett (Cumberland - Colchester): Merci, monsieur le président. Je considère que ce groupe de témoins est sans doute le plus important pour le comité des finances puisque chacun de ses membres a déclaré sans ambages que le système de santé est la préoccupation fondamentale et prioritaire de tous les Canadiens.
Cela dit, nous venons de parler de la recherche. S'il est vrai que le Canada est probablement légèrement en retard par rapport à d'autres pays, ce retard n'est certainement pas aussi grave qu'on le dit parfois. Certes, le secteur privé ne contribue pas chez nous à la recherche comme il le fait en Allemagne ou dans d'autres pays du G-7. Je crois que c'est un facteur essentiel. Le problème n'est pas que notre gouvernement contribue beaucoup moins que d'autres, la différence n'est que marginale à ce chapitre. Le problème est plutôt que l'industrie n'investit pas dans ce secteur les tonnes d'argent qu'elle y consacre dans d'autres pays du G-7.
Je vais maintenant vous poser une question. J'ai travaillé pendant de nombreuses années dans le secteur des soins médicaux et j'ai donc eu des contacts très étroits avec beaucoup de médecins et de professionnels de la santé. Or, j'ai toujours eu l'impression qu'il y avait beaucoup d'argent dans le système, le problème étant avant tout de réévaluer ce que l'on en fait et de le réorienter.
J'aimerais que quelqu'un aborde cette question. On a dit tout à l'heure que c'était comme essayer de toucher une cible mouvante car, comme dans tous les autres secteurs de la société, la situation évolue ici très rapidement. En même temps, cependant, on n'investit plus d'argent pour faire les choses comme auparavant, et on n'en a pas assez pour évaluer de nouvelles méthodes. Que faire?
Le président: Je suppose que beaucoup voudront répondre à cette question. Nous allons commencer avec le Dr Murphy, brièvement.
M. Murphy: Je conviens avec vous que le secteur privé n'investit pas autant d'argent dans la recherche au Canada que dans d'autres pays. Il faut cependant réaliser qu'on ne peut pas attendre du secteur privé qu'il prenne la place du gouvernement en ce qui concerne le financement à long terme de la recherche la plus risquée. Cela s'explique notamment par le fait que notre secteur privé est beaucoup moins vaste que dans d'autres pays et que les entreprises qui font de la recherche se concentrent avant tout sur celle qui leur sera concrètement utile.
L'une des raisons pour lesquelles les entreprises canadiennes n'investissent pas dans la recherche est aussi que notre infrastructure n'est pas aussi solide que celle d'autres pays. Le fait est qu'on ne peut pas attendre des entreprises privées qu'elles prennent la place du gouvernement. Premièrement, parce que la recherche se fait pour le bien public; deuxièmement, parce que le gouvernement doit financer la recherche pour le bien public; et, troisièmement, parce que les bienfaits de la recherche doivent être distribués à la population par le truchement des mécanismes de marché. S'il est vrai que les entreprises privées ont un rôle précis à jouer, ce n'est pas le même que le gouvernement. Nous ne devons donc pas nous raconter d'histoires en prétendant que les entreprises du Canada seraient en mesure de se substituer au gouvernement. Ce n'est certainement pas le cas. Elles peuvent jouer un rôle supplémentaire mais certainement pas le remplacer.
Le président: Merci, Dr Murphy.
Monsieur Kyle.
M. Kyle: L'une des propositions concrètes qui ont été faites, et sur lesquelles s'est penché le Groupe de travail sur l'examen des incitatifs de charité, consisterait à offrir au secteur privé des incitations à faire des dons aux organismes de charité du secteur de la santé. Si l'on prend le cas de la Société canadienne du cancer, la moitié de ses ressources est consacrée à la recherche médicale. Votre comité pourrait donc formuler une recommandation en ce sens pour l'élaboration du prochain budget.
Le président: Merci.
Finalement, le docteur Scott.
M. Scott: Je voudrais faire quelques brèves remarques, monsieur le président.
Madame disait tout à l'heure qu'il y a suffisamment d'argent dans le système, le problème étant de mieux l'utiliser. Je conviens que l'on peut certainement l'utiliser de manière plus efficiente, mais il ne faut pas oublier non plus que notre population vieillit.
Je sais que le comité attache beaucoup d'importance au Régime de pensions du Canada. Eh bien, ce régime est une autre manifestation du phénomène de vieillissement de la population. Des sommes qui étaient peut-être suffisantes en 1990 - ou n'importe quand dans le passé - pour le nombre de personnes de plus de 65 ans que nous avions... Vous connaissez tous les statistiques. Il est parfaitement clair que le fardeau de la maladie est beaucoup plus lourd à mesure que l'on vieillit.
Je crois qu'il faut donc faire attention quand on dit qu'il y a assez d'argent dans le système, même si cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas réaliser d'économies. Je pense simplement qu'il y a certaines limites à ce que l'on peut faire, et que l'on arrive très près des limites.
Finalement, pour revenir sur ce que disait le Dr Murphy, je voudrais aborder la question de l'excellence de nos universités. Certes, nous parlons aujourd'hui du secteur de la santé mais, quand on traite du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, on parle essentiellement de la santé et de l'enseignement supérieur. Il est intéressant de constater que le mot «enseignement» ne figure pas dans le nom du TCSPS, mais je suppose qu'il est inclus dans les programmes sociaux.
Je ne voudrais pas que nous consacrions tous nos efforts à protéger le secteur de la santé en laissant tomber celui de l'enseignement. Ce serait très néfaste. Il y a un équilibre très difficile à trouver, mais il est également très important car, comme le disait le Dr Murphy, si les États-Unis connaissent d'excellents résultats, c'est aussi dû à l'extraordinaire excellence de certains de leurs établissements d'enseignement supérieur. Si nous n'appuyons pas de manière satisfaisante nos facultés de médecine et nos universités en général, nous allons perdre d'un côté ce que nous aurions pu gagner de l'autre. Je suis sûr que votre comité en est conscient et j'espère que le gouvernement en tiendra compte.
Certains d'entre nous craignons que l'on ait quasiment lancé une sorte de compétition entre la santé et l'enseignement, ce qui serait parfaitement déplacé. Ce qu'il faut, c'est assurer la complémentarité des deux secteurs, à tous les niveaux.
Le président: Merci, Dr Scott.
Finalement, le docteur Chance.
M. Chance: Merci, monsieur le président. Je craignais que les enfants ne soient laissés de côté dans ce débat.
Bien que je sois professeur et que je m'inquiète très sérieusement de la réduction des budgets de recherche, je suis aussi un fournisseur de soins médicaux. Comme je travaille auprès d'enfants malades, je sais que la santé a besoin d'un financement stable.
Je ne saurais cependant laisser ce débat se terminer sans souligner à nouveau l'importance de la prévention. Je m'inquiétais de voir le Dr Gutkin parler de bienfaits à très long terme. En ce qui concerne les enfants, les mesures de prévention produisent leurs résultats en quelques mois, et pour toute la vie.
Les économies que permettent de réaliser les mesures de prévention sont parfaitement mesurables. Par exemple, nous savons que la prévention du faible poids de l'enfant à la naissance est possible dans à peu près 20 p. 100 des cas, et que cela a une valeur de 1,35$ à 1$ au Canada et de 1$ à 7$ aux États-Unis. Je pourrais continuer avec toutes les mesures de prévention pour les enfants qui permettent d'économiser de l'argent, nous le savons très bien.
M. Dubé demandait quelle doit être la priorité. À l'heure actuelle, les mesures de prévention représentent environ deux pour cent du budget de la santé, ce qui est insuffisant. Quand je parlais plus tôt de la pauvreté des enfants, je parlais indirectement de mesures de prévention de la maladie. Il faut absolument consacrer plus d'argent à la prévention.
Le président: Merci beaucoup, Dr Chance.
Je vais maintenant demander à chacun d'entre vous si vous souhaitez donner des précisions sur un élément quelconque du débat ou si vous avez quelque chose à ajouter à ce qui s'est dit. Je vais vous demander en même temps de résumer, en une trentaine de secondes, les principaux messages que vous souhaitez nous communiquer.
Je vais d'abord donner la parole à M. Tholl puis au Dr Kazimirski.
M. Tholl: Merci, monsieur le président.
En ce qui concerne l'effort global de recherche et de développement, le Canada se situait en 1993 au septième rang des pays de l'OCDE du point de vue des dépenses totales consacrées à la recherche biomédicale, lesquelles représentaient 1,1 p. 100 des dépenses totales de la santé. Comparez cela à la Suisse, qui arrivait en tête du peloton avec six pour cent. Il est donc évident que nous pourrions faire beaucoup plus, si l'on en croit cet indicateur.
Si je poursuis la comparaison avec les autres pays, en ce qui concerne les budgets de la recherche biomédicale par rapport aux dépenses publiques consacrées à la santé, nous étions en 1991 au treizième rang derrière la Suisse, le Danemark, l'Allemagne, le Royaume-Uni, la Suède, les États-Unis, le Japon, la Belgique, la France, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et l'Italie - et je précise que notre situation était meilleure à l'époque qu'elle ne l'est aujourd'hui. Si vous le voulez, je serais très heureux de vous laisser les documents confirmant ces informations.
Deuxièmement, monsieur le président, je voudrais me faire l'écho du Dr Scott.
Quand j'entends les gens parler de priorités, je constate que certains supposent que la recherche, l'enseignement et la prestation de services sont nécessairement en situation de concurrence. Or, il serait tout à fait possible de dépenser des sommes supplémentaires dans l'intérêt des trois secteurs en même temps au lieu de les opposer les uns aux autres. J'invite votre comité à envisager les trois comme un triumvirat qu'il faut promouvoir collectivement.
Le président: Merci.
Docteur Kazimirski.
Mme Kazimirski: Nous allons vous adresser un mémoire exposant de manière plus détaillée notre position sur la notion d'efficience par opposition au système actuel. Il existe à notre avis beaucoup d'indications que le système est actuellement sous-financé, même si l'on y a déjà amélioré considérablement l'efficience et si toutes les parties prenantes continuent d'aller dans ce sens.
Prenez les résultats des sondages d'opinion. Ils disent que l'accès est limité et que la qualité des soins est profondément atteinte. Écoutez les politiciens d'un bout à l'autre du pays. Il y a à peine un mois, Russell King disait au Nouveau-Brunswick: «Je n'arriverai pas à appliquer la prochaine série de coupures budgétaires dans le secteur de la santé de la province». Écoutez ce que relatent les professionnels de la santé qui sont en première ligne. Tout cela confirme qu'il n'y a plus assez d'argent dans le système.
Examinez donc bien ce dont le système a besoin, et ce qu'il donne en retour. Il donne des soins médicaux et certains autres services, mais pas de manière uniforme. Ainsi, toutes les provinces ne donnent pas des soins à domicile; toutes ne couvrent pas les soins de réadaptation. Songez aussi aux préoccupations qu'ont soulevées mes collègues au sujet du prix des médicaments qui ne sont actuellement pas couverts par le système de santé et qui exigent donc plus d'argent.
Le président: Merci, Dr Kazimirski.
Finalement, monsieur Kyle.
M. Kyle: Le Dr Chance a parlé de prévention au sujet des enfants. Que peuvent faire les députés? Je peux leur faire une suggestion: demandez au ministre de la Santé, M. Dingwall, où en est sa loi sur le tabac. Demandez au premier ministre où en est cette loi. Cela contribuera plus à la prévention que n'importe quoi d'autre.
Merci.
Le président: Merci.
Pouvons-nous maintenant passer aux résumés? Docteur Gutkin.
M. Gutkin: Je pense que les points essentiels ont été très bien abordés pendant ce débat. Je répète que le gouvernement doit exprimer un appui tangible à la Loi canadienne sur la santé et à ses principes fondamentaux, sinon ces derniers ne pourront pas être respectés d'un bout à l'autre du pays. Bien que la population ait parfois l'impression que les professionnels de la santé ne défendent pas vraiment la Loi canadienne sur la santé, c'est le contraire qui est vrai. Nous sommes de vigoureux partisans de cette Loi, mais nous sommes extrêmement frustrés par la situation actuelle qui nous empêche de rendre à nos patients les services dont ils ont besoin et de travailler avec eux comme nous le voudrions, car les budgets ne sont pas suffisants. Je partage l'opinion de ceux qui ont répondu à la dernière question. Il serait faux de croire que le financement actuel du système est adéquat.
Le président: Merci, Dr Gutkin.
[Français]
Docteur Landry, vous n'avez pas l'habitude de ne rien dire.
[Traduction]
M. Léo-Paul Landry (secrétaire général, Association médicale canadienne): Honnêtement, je pensais que vous m'aviez oublié au dernier tour. Je pensais que vous ne vouliez pas m'entendre.
Cela dit, je n'ai rien à ajouter aux excellentes déclarations de mes collègues.
Le président: Merci. Je suis heureux de vous revoir.
Docteur Kazimirski.
Mme Kazimirski: Merci beaucoup.
J'ai dit au début, monsieur le président, que ça suffit. Je le pense sincèrement, comme tous mes collègues autour de cette table. Notre association a interrogé les Canadiens. Elle s'est adressée directement à la population pour savoir ce qu'elle pense de la manière dont le système répond à ses besoins. Or, un Canadien sur deux nous a dit que les coupures budgétaires dans le secteur de la santé ont entraîné une détérioration de la qualité des soins. Ils nous ont parlé de réduction de l'accès aux soins infirmiers, de réduction de l'accès aux soins chirurgicaux et en hôpital, et d'augmentation des périodes d'attente dans les salles d'urgence et pour les opérations chirurgicales. Tout cela a une incidence économique et une incidence sur la qualité des soins.
Le ministre de la Santé a pris la parole devant notre conseil, lors de notre assemblée générale, cette année. Il a reconnu à cette occasion qu'une réforme du système de santé était nécessaire mais que le gouvernement n'avait pas d'idée très claire de ce qu'il voulait à cet égard. Certes, le gouvernement dit vouloir protéger le système de santé, mais il applique une stratégie qui est en train de l'étouffer petit à petit. Ceux qui sont en première ligne, ceux qui voient les patients, savent que les Canadiens n'ont pas les services qu'ils méritent. La population mérite des solutions concrètes, tout de suite.
Le président: Merci, Dr Kazimirski.
Monsieur McBane.
M. McBane: En conclusion, la Coalition canadienne sur la santé implore le gouvernement de veiller à ce que le prochain budget comporte des transferts stables et suffisants en matière de santé, d'enseignement et de bien-être. Ces trois éléments sont inséparables. Nous ne pouvons pas nous payer le luxe de ne pas investir suffisamment à ce chapitre si nous voulons assurer la survie de la fédération.
Le président: Merci, M. McBane.
Docteur Scott.
M. Scott: Merci, monsieur le président.
Je me fais l'écho de ce qui vient d'être dit sur la stabilité du financement. C'est crucial. Je souhaite également rappeler au comité que l'éducation et la formation de la génération suivante sont absolument cruciales si nous voulons préserver un système de santé et de recherche satisfaisant. La recherche devrait être à la base de notre décision. Essayons au minimum de préserver la recherche.
Finalement, notre pays va être confronté à une pénurie inutile de médecins, en général, et de spécialistes et de chercheurs cliniques, en particulier, dès le début du siècle prochain, et nous en serons seuls responsables.
Le président: Merci, Dr Scott.
William Anderson.
M. Anderson: Merci.
Comme nous n'avons pas encore pris la parole, puis-je prendre une minute plutôt que 30 secondes?
Le président: Vous pouvez prendre une minute et demie si vous le voulez.
M. Anderson: Merci beaucoup.
J'essaie de voir où nous nous situons par rapport aux groupes représentés autour de cette table. MEBCO s'occupe de gens qui paient eux-mêmes leurs propres programmes de santé, de bien-être et de retraite. Nous tenons à ce que le gouvernement ne se mette pas à percevoir des impôts sur ces programmes, et à ce qu'il y ait le moins d'ingérence gouvernementale possible dans ce secteur. La raison en est que nous voulons éviter la disparition de ces programmes. S'ils devaient disparaître, cela alourdirait considérablement le fardeau pour le reste du système. Or, si j'ai bien compris, le fardeau est déjà énorme aujourd'hui.
L'une des choses que réclament les gens qui font actuellement la grève - les agents de sécurité de Bradson Security Services, mes clients, les métallurgistes à 7,25$ l'heure - c'est un programme d'assurance-médicaments, et ils le réclament non pas au gouvernement mais à leur employeur. Je ne sais pas s'ils vont l'obtenir mais j'en ai beaucoup parlé avec eux. Je sais bien les difficultés qu'ils connaissent, avec des salaires de 7,25$ l'heure, lorsqu'ils doivent acheter des médicaments pour leurs enfants. Je sais bien les effets à long terme que cela peut avoir sur leur santé. C'est la même chose avec la retraite. Si les gens n'ont pas l'assurance qu'ils auront accès à des soins de qualité, ils seront extrêmement inquiets.
Je conclus en vous remerciant beaucoup de votre attention. Le débat a été extrêmement intéressant. Essayons de préserver cet aspect du système.
Le président: Merci, M. Anderson.
Monsieur Armstrong.
M. Armstrong: Je voudrais dire deux choses. Premièrement, vous devez maintenir votre investissement dans le secteur du bénévolat par des choses telles que la Stratégie nationale sur le sida. Les retombées économiques sont importantes, alors que les coûts sont minimes. Ne rien faire serait catastrophique. Deuxièmement, en ce qui concerne les particuliers - et je me fais ici l'écho de mes collègues - il faut absolument trouver une solution au problème du prix des médicaments. Les gens qui souffrent de maladie grave, comme le VIH/sida, n'ont plus les moyens de se payer les médicaments dont ils ont besoin. Je pense qu'il est inhumain de devoir vivre dans une société qui ne permet pas à ses membres d'avoir accès aux choses qui peuvent leur sauver la vie.
Le président: Merci, M. Armstrong.
Monsieur Kyle.
M. Kyle: Le Conseil de recherche sur la santé a fait une excellente proposition: réserver à la recherche un pourcentage donné du budget de la santé. C'est là une proposition qui pourrait être extrêmement productive.
Le président: Merci, M. Kyle.
Monsieur Tholl.
M. Tholl: Tout d'abord, je vous remercie de nous avoir accueillis.
J'ai deux conclusions à formuler. Le Canada a plus que jamais besoin d'une vision nationale dans le secteur de la recherche médicale, allant bien au-delà de ce dont nous avons parlé aujourd'hui. Deuxièmement, il faut que tous les organismes de charité soient placés sur un pied d'égalité. Les gens ont toutes sortes de bonnes raisons pour faire des dons de charité, l'une d'entre elles étant d'ordre fiscal. Essayez donc de créer un terrain de jeu égal pour mes enfants qui sautent à la corde.
Merci.
Le président: Merci, M. Tholl.
Docteur Murphy.
M. Murphy: Je voudrais dire deux derniers mots sur la recherche. Premièrement, 80 p. 100 à90 p. 100 des fonds externes qui sont donnés aux universités canadiennes sont destinés aux activités scientifiques. Si ces budgets diminuent, cela aura un effet extrêmement préjudiciable sur nos universités. Il faut absolument éviter que le reflux n'emporte tous les navires en même temps.
Je dois dire aussi que les Canadiens ne veulent pas que leur pays devienne un pays du tiers monde sur le plan technologique. Hélas, les politiques actuelles risquent de nous entraîner très vite dans cette voie. Il faut que le gouvernement en prenne conscience.
Le président: Merci, Dr Murphy.
Finalement, le docteur Chance.
M. Chance: Merci, monsieur le président.
L'Institut canadien pour la santé infantile est conscient de l'importance cruciale de la recherche fondamentale et de la recherche clinique pour réduire le fardeau de la maladie sur les enfants. De même, il est crucial de développer la recherche sur les services de santé afin de réduire le fardeau et les dépenses inappropriées dans ce secteur. Si l'on pouvait pratiquer dans tout le Canada une médecine fondée sur des données concrètes, la santé de la population s'améliorerait et le secteur nous coûterait moins cher.
Cela dit, nous pensons qu'il est extrêmement important d'accorder la priorité absolue aux mesures de prévention pour assurer la santé des enfants. Les mesures de prévention permettent de réduire les coûts de prestation des soins et d'améliorer le bilan de santé global de la population, enfants et adultes compris. Dans ce contexte, nous pensons qu'il faut accorder une attention spéciale à la situation des enfants pauvres.
Le président: Merci, Dr Chance.
Lorsque nous vous avons invités à venir devant notre comité... Je ne pense pas que quiconque autour de cette table ait été surpris par ce que vous nous avez dit. Nous pensions cependant qu'il était important de vous offrir la possibilité de le dire vous-mêmes, de réitérer l'importance du système de santé, de la recherche sur les services de santé et de la recherche biomédicale. Je pense qu'il est important que les Canadiens vous l'entendent dire directement et entendent le message que vous leur avez adressé par le truchement de notre comité. Il est important qu'ils sachent que nous sommes peut-être dans une situation critique, pour ce qui est de la prestation des soins de santé, et que nous sommes très en retard sur d'autres pays sur le plan de la recherche et sur le plan des industries biomédicales.
Vous avez parlé du problème du tabac et du prix élevé des médicaments. Vous nous avez parlé à nouveau des problèmes que connaît notre pays en ce qui concerne la pauvreté des enfants. Vous avez présenté des arguments très convaincants pour un accroissement des budgets de la santé, de manière générale, des budgets des universités et des budgets des conseils de subventionnement. Vous voulez que l'on augmente les transferts aux provinces dans le secteur de la santé.
Je suis très heureux de vous avoir entendu formuler toutes ces recommandations, étant donné que nous accueillerons la semaine prochaine des représentants des organismes de charité qui souhaitent que le gouvernement augmente les incitations fiscales aux donateurs. Il est certain que les arguments que vous avez présentés aujourd'hui en faveur d'une augmentation des incitations fiscales aux dons de charité nous seront utiles.
J'ai aussi été frappé, en ce qui concerne le problème du sida, par le grand nombre de gens qui fournissent bénévolement leurs services. Je ne sais pas si c'est aussi vrai dans d'autres secteurs. Aujourd'hui, quand on visite un hôpital, on voit beaucoup de bénévoles. Je crois que c'est tout à fait conforme à l'esprit de don et de partage qui règne dans une grande partie de la population canadienne.
Vous avez dit aussi que de bons services de santé sont un avantage économique et que notre Loi canadienne sur la santé améliore notre compétitivité sur le plan de l'emploi. C'est M. McBane qui a parlé à ce sujet de 10$ l'heure, en tout cas dans l'industrie de l'automobile. Le secteur de la santé est donc non seulement créateur d'emplois directs mais aussi créateur d'emplois indirects et moteur d'exportation.
Il n'était certainement pas nécessaire de rappeler aux députés qui sont autour de cette table, quel que soit leur parti politique, que les Canadiens attribuent une importance considérable à la qualité de leur système de santé. C'est tout à fait normal. Une société riche et généreuse devrait être en mesure de fournir les meilleurs soins de santé au monde.
Vous nous avez donné beaucoup d'idées utiles et vous nous avez invités à réfléchir à nouveau à ce que nous pouvons faire, à titre de politiciens, pour préserver les normes élevées que nous souhaitons tous et que les Canadiens exigent - à juste titre - après une période où nous avions dépensé de manière tellement excessive qu'il était obligatoire d'imposer certaines restrictions.
Je suis sûr que votre message est que nous coupions certains budgets si c'est vraiment nécessaire mais plus dans les secteurs que vous représentez, d'ailleurs fort bien. Au nom de tous les membres du comité, je vous remercie sincèrement de votre contribution, non seulement à notre débat politique mais aussi à la santé des Canadiens.
La séance est levée.