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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 31 octobre 1996

.0933

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

[Français]

Le Comité des finances de la Chambre des communes entend des témoignages concernant le prochain budget. Nous sommes très heureux d'avoir avec nous aujourd'hui Mario Hébert de l'Union des producteurs agricoles; Sylvie St-Pierre Babin et Réjean Laflamme du Conseil canadien de la coopération;

[Traduction]

de l'Association canadienne des coopératives, Lynden Hillier et Mary Pat MacKinnon; et de l'Association canadienne des compagnies d'assurance mutuelles,

[Français]

Normand Lafrenière.

Vous êtes tous les bienvenus. Nous commençons par vous, monsieur Hébert.

M. Mario Hébert (Union des producteurs agricoles): Merci beaucoup de nous donner cette occasion de venir échanger nos idées avec le comité sur le prochain budget.

Vous me permettrez, dans les quelques minutes qui me sont allouées pour présenter notre problématique, de m'inspirer fortement du mémoire que nous avons présenté il y a quelques semaines à la Commission sur la fiscalité et le financement des services publics, dans le cadre du Sommet sur l'économie et l'emploi du gouvernement du Québec, et dans lequel vous allez retrouver essentiellement la même problématique, d'autant plus que le secteur agricole est un maillage fédéral-provincial assez serré. Au niveau des mesures fiscales également, c'est un secteur qui est très harmonisé.

Ce qui nous préoccupe le plus dans le contexte de la fiscalité et des budgets au niveau agricole, c'est de constater tout d'abord que le soutien à l'agriculture, au Canada, est un des soutiens les plus faibles au monde, si on exclut l'Australie et la Nouvelle-Zélande, particulièrement ces deux dernières années, alors que le Canada a connu des coupures assez impressionnantes.

.0935

Toutes les études de l'OCDE démontrent que le Canada accorde peu de soutien à l'agriculture comparé aux autres grandes nations, dont les États-Unis et particulièrement l'Europe. Tous les critères qu'on peut retenir le démontrent.

Deuxièmement, on se rend compte depuis trois ou quatre ans que dans le budget, le soutien qui est dévolu à l'agriculture a périclité. Nous mentionnons dans notre mémoire que ce soutien est réduit à une peau de chagrin. Depuis 1992-1993, la réduction de 20 p. 100 du soutien à l'agriculture québécoise est équivalente à 30 p. 100 en dollars constants, et l'essentiel de cette réduction vient des coupures du gouvernement fédéral. Vous comprendrez donc la raison pour laquelle nous sommes ici ce matin. Nous voulons faire ressortir cette problématique qui a des impacts majeurs pour le secteur agricole québécois, à moyen et à long termes. C'est donc un soutien très faible quand on le compare à celui d'autres pays.

D'autre part, à cause de la réduction assez importante de l'enveloppe gouvernementale fédérale, on se rend compte que les coupures ont occasionné un transfert, c'est-à-dire qu'on est allé au plus pressé quand il a fallu gérer ces coupures. la conséquence la plus importante, c'est qu'on est en train de détruire les «boîtes vertes», reconnues dans le cadre du GATT, pour toute l'agriculture canadienne et particulièrement l'agriculture québécoise.

Les programmes d'inspection, les programmes d'experts, de services conseils aux producteurs, tout comme les programmes rattachés au développement régional, où l'agriculture est un très grand créateur d'emplois, sont en train de connaître un démantèlement important.

Or, au même moment, et c'est particulièrement vrai aux États-Unis, les Américains, avec leur dernier Farm Bill, ont réaffecté à leurs «boîtes vertes» tout ce qu'ils avaient coupé, c'est-à-dire à peu près à 100 p. 100. Au Canada, nous avons coupé l'enveloppe et, pour maintenir des programmes de sécurité et d'assurance-récolte à peu près convenables, il a fallu parer au plus pressé et sacrifier certains potentiels.

C'est très inquiétant pour l'avenir, parce que ces «boîtes vertes», qui sont en train d'être remplies partout ailleurs dans le monde, sont en train d'être démantelées chez nous. Et s'il y a un endroit où le GATT ou l'OMC permet de réaffecter des sommes qui étaient interdites, c'est bel et bien là.

La deuxième préoccupation est qu'il y a un potentiel de développement au niveau agroalimentaire. Vous savez certainement aussi bien que moi qu'il y a une explosion, présentement, de la demande agroalimentaire mondiale. Le Canada et le Québec ont un potentiel de développement important, mais ce potentiel est sous contrainte environnementale très forte. Là encore, les budgets qui sont rattachés aux programmes environnementaux sont une clé qui va déterminer si on va pouvoir, dans les prochaines années, saisir cette occasion de l'explosion de la demande, particulièrement en Asie, ou si on va être contraints de laisser passer et de permettre à d'autres de saisir ces occasions.

Je donne comme exemple, dans le Budget fédéral, le Plan vert qui en est à sa dernière année et pour lequel aucune suite n'est annoncée. Il n'y a aucune initiative nouvelle qui est annoncée, et cela nous préoccupe beaucoup. Nous avons aussi mentionné au gouvernement du Québec que cette préoccupation environnementale est la clé des prochaines années, car le soutien à l'agriculture est important, mais également le soutien à tout ce qui lui est annexé.

Je n'ai pas abordé la question des transports, que nous connaissons mieux que quiconque dans le secteur agricole. Mais il n'y a pas que le budget agricole qui est actuellement une contrainte à notre développement. Le budget des transports et surtout le budget environnemental vont devenir une clé importante au cours des prochaines années.

Je termine rapidement en disant qu'il n'y a plus rien à couper au niveau agricole. Couper davantage, ce serait mettre à risque le secteur, et je ne suis pas venu ici pour blaguer.

Nous avons transmis le même message aux commissaires de la Commission sur la fiscalité et le financement. Nous avons passé quelques heures à échanger des idées, et les chiffres sont probants. Réduire le soutien à l'agriculture au-delà de ce qui a été fait, surtout au niveau du gouvernement fédéral, c'est mettre à risque des emplois, et je pense que c'est exactement ce que l'on ne veut pas.

Nous avons aussi prouvé que l'agriculture retournait tout ce qui lui était remis sous forme de soutien, à peu près à 100 p. 100, par un panier d'épicerie dont le prix est à peu près le plus bas au monde, par une sécurité alimentaire inégalée au monde et également par un appui de la population au soutien agricole.

.0940

Un dernier sondage qui vient d'être réalisé auprès de plus de 1 000 personnes au Québec démontre que les Québécois, dans une proportion de 94 p.100, sont favorables au soutien à l'agriculture, voire même à son accroissement.

Nous disons que c'est terminé, pour deux raisons: premièrement, on met à risque notre développement futur et, deuxièmement, on en a pour deux ou trois rondes de négociations à l'OMC, parce qu'on n'aurait pas eu besoin de couper après ce qui avait été fait et entendu dans la dernière ronde de l'Uruguay pour le GATT. Voilà ce que j'avais à dire.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Hébert.

Sylvie St-Pierre Babin et Réjean Laflamme, s'il vous plaît.

Mme Sylvie St-Pierre Babin (directrice générale, Conseil canadien de la coopération): Merci. Nous sommes heureux d'être ici ce matin pour présenter les points de vue du Conseil canadien de la coopération, organisme qui représente les coopératives francophones. Par la suite, nos collègues du secteur anglophone auront l'occasion d'exprimer d'autres points de vue.

Le Conseil canadien de la coopération, fondé en 1946, est l'organisation nationale qui représente les coopérateurs et coopératrices francophones du Canada. Nous fêtons cette année notre cinquantième anniversaire. Le CCC regroupe 3 770 coopératives francophones, dont 1 500 caisses populaires, et au-delà de 6,8 millions de membres, et a des actifs dépassant les 85 milliards de dollars.

En dépit de la situation économique difficile, ces entreprises vont continuer d'offrir des emplois à plus de 60 000 personnes réparties dans des centaines de communautés à travers le pays. Ces millions de personnes partagent les mêmes valeurs de primauté de la personne, de responsabilité individuelle et sociale, d'égalité et d'équité.

L'adhésion à ces valeurs nous amène à vouloir contrôler notre économie pour la mettre au service des personnes, non pas de quelques-unes mais de toutes les personnes qui composent notre société. Cette volonté se traduit concrètement par la création et le développement d'entreprises qui ne sont pas au service du capital, mais bien à celui des personnes, en créant de la richesse et en la redistribuant à ceux qui font fonctionner l'entreprise, soit ses usagers et ses travailleurs.

Pour nous, l'entreprise n'est pas uniquement un moyen de satisfaire les besoins économiques des gens. Elle est bien davantage un outil de développement des personnes, d'amélioration de leurs conditions de vie et de progrès des collectivités où elles vivent. C'est pourquoi l'éducation par des moyens d'information, de formation et d'apprentissage dans l'action constitue une obligation incontournable pour toute entreprise coopérative et une condition de la réalisation de sa mission.

Les dernières prévisions économiques nous annoncent une croissance plus soutenue et mieux équilibrée en 1997. En effet, les économistes du Mouvement Desjardins, qui sont membres chez nous, prévoient une croissance de 3,5 p. 100 en 1997 après un maigre 1,5 p. 100 cette année. Le fait dominant de l'année en cours sur la scène économique canadienne est sans doute le fort repli des taux d'intérêt canadiens par rapport aux taux américains.

Le maintien d'une politique monétaire expansionniste de bas taux d'intérêt, de bas taux monétaires signifie que le cycle d'expansion se poursuivra au moins jusqu'à la fin de 1998 et que les résultats de l'économie canadienne pourraient dépasser ceux de l'économie américaine pendant cette période.

Les données sur l'emploi ont été pour le moins déroutantes au cours des derniers mois, mais il est assuré que le taux moyen de chômage, pour 1996, sera inférieur à 10 p. 100. De plus, la prévision de 1997 est pour un taux de 9,6 p. 100. Donc, aucune amélioration sensible sur le front de l'emploi. S'il faut juger l'arbre à ses fruits, il faut admettre que jusqu'à maintenant, les résultats n'ont rien de réjouissant et que les tendances ne sont guère plus prometteuses.

En fait, l'objectif est de créer une société avec une place pour chacun et chacune. Reconnaissons que le système actuel fait qu'on s'éloigne de cet objectif. Quant au partage de la richesse, l'écart entre les riches et les pauvres ne cesse de s'élargir. Statistique Canada nous dit que l'écart entre les hauts et les bas salariés s'est accentué depuis 15 ans. C'est justement là que la voie de la coopération nous apparaît comme une solution d'avenir, puisqu'elle propose une économie prise en charge par les usagers eux-mêmes et une économie au service de tous les gens.

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Plusieurs auteurs et politiciens et même des périodiques d'affaires s'interrogent sur la viabilité d'une croissance qui continuerait à se faire sans un partage plus équitable de la richesse.

Au Conseil canadien de la coopération, nous sommes porteurs des valeurs de la coopération. Nous nous inscrivons dans cette nouvelle tendance de plus en plus répandue qui fait la promotion de ce qu'on a convenu d'appeler l'économie sociale ou encore l'économie solidaire.

Si la réduction du déficit doit demeurer la priorité du gouvernement fédéral, il apparaît de plus en plus évident que le gouvernement pourra disposer d'une marge de manoeuvre de quelques milliards de dollars par rapport à ses objectifs de réduction du déficit.

Selon nous, il faut cependant éviter de se lancer dans un deuxième programme d'infrastructures qui peut créer des emplois à court terme, mais très peu d'emplois durables qui auraient un impact significatif sur l'économie canadienne.

Nous avons mentionné au cours des deux dernières années que toute réduction du déficit du gouvernement fédéral au détriment des provinces ne réglerait rien aux besoins globaux de financement.

L'engagement de votre gouvernement à renégocier des ententes globales avec les gouvernements provinciaux nous semble un prérequis dans ce dossier. S'il apparaît qu'une marge de manoeuvre se dégage, nous préférons de beaucoup que le gouvernement fédéral décale l'abaissement des transferts aux provinces afin d'amoindrir l'effet des coupures prévues en 1997-1998.

Il est important pour le gouvernement fédéral de faire preuve de solidarité avec les provinces dans le redressement des finances publiques, car c'est dans les programmes gérés par les provinces, par exemple en santé, éducation et aide sociale, que la brisure dans la solidarité sociale risque d'être le plus apparente.

Plusieurs politiciens fédéraux se sont faits les apôtres d'une diminution des impôts ou des taxes. Si le ministre se laisse convaincre par cette hypothèse, il faut qu'il le fasse prudemment, en maintenant ses objectifs de réduction du déficit, et surtout qu'il le fasse par une réduction dans les taxes sur la masse salariale.

Nous pensons particulièrement à une réduction des cotisations de l'assurance-emploi. La caisse est suffisamment bien garnie pour faire face à toutes les éventualités. Une baisse des cotisations pour les employeurs et les employés répondrait au désir exprimé par plusieurs de voir les impôts et les taxes baisser.

Le Conseil canadien de la coopération va soutenir aussi les mesures visant à créer un climat favorable à l'éclosion de nouvelles entreprises de petite et moyenne tailles, incorporées sous la formule coopérative ou à capital-actions.

La réduction du cadre réglementaire et des tracasseries administratives qui génèrent des coûts au sein des entreprises et qui nuisent au climat d'affaires devrait être une priorité pour le gouvernement fédéral.

Ces quelques points constituent l'essentiel du message que nous voulions vous transmettre ce matin. Nous pensons que les possibilités de la formule coopérative dans le développement économique du Canada sont encore sous-exploitées et que les possibilités d'offrir des services à de meilleurs coûts sont encore malheureusement trop mal connues. Nous espérons que ces commentaires auront aidé à combler certaines de ces lacunes. Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup. On va passer

[Traduction]

à l'Association canadienne des coopératives, représentée par Lynden Hillier et Mary Pat MacKinnon.

M. Lynden Hillier (directeur général, Association canadienne des coopératives): Je voudrais tout d'abord vous remercier de nous avoir donné l'occasion de participer une fois de plus aux consultations prébudgétaires du comité.

L'Association canadienne des coopératives est l'association professionnelle nationale représentant les coopératives et caisses de crédit mutuelles qui travaillent surtout en anglais au Canada. L'ACC offre à ses membres un moyen de défendre leur position sur des questions commerciales qu'ils jugent prioritaires, de même que sur des questions sociales et économiques plus larges.

[Français]

Nous avons une bonne relation de travail avec nos collègues francophones du Conseil canadien de la corporation. Mme St-Pierre Babin a mentionné les statistiques pour les coopératives francophones au Canada, mais nos deux organisations représentent ensemble 10 000 organisations coopératives au Canada.

De plus, nos membres ont des actifs de 120 milliards de dollars. Nos membres représentent 14 millions de membres individuels. Nous avons 133 000 employés et nos membres sont très diversifiés. Par exemple, nous représentons les coopératives de consommation, les coopératives d'agriculture et d'alimentation, les coopératives de technologie, les coopératives d'habitation, de santé, de garderies, la coopérative des travailleurs et travailleuses, ainsi que plusieurs secteurs des services.

.0950

[Traduction]

L'ACC a l'intention de soumettre un mémoire détaillé au ministre des Finances dans le courant de l'année. Nous sommes actuellement en train de consulter nos membres sur la politique budgétaire. De plus, nous consultons nos membres au sujet de questions stratégiques liées plus généralement au développement économique pour pouvoir éventuellement présenter le point de vue du secteur des coopératives à ce sujet.

En général, nos membres appuient l'approche adoptée par le gouvernement vis-à-vis de la réduction du déficit. Nous avons l'intention de donner des conseils plus précis au ministre des Finances au sujet des objectifs à atteindre sur le plan du déficit une fois que nous aurons fini de consulter nos membres. Ces derniers craignent que les mesures prises par les administrations fédérales et provinciales en vue de réduire leur déficit n'aient nui à l'infrastructure sociale et économique du pays. D'ailleurs, cela a déjà été mentionné dans d'autres exposés.

Nous exhortons le comité à faire preuve de prudence avant de recommander d'autres réductions. Par exemple, notre service de développement international, qui soutient le développement des coopératives et caisses de crédit dans 22 pays du monde, a fait l'objet de réductions successives au cours des quelques dernières années. Si nous devons continuer de jouer un rôle utile dans la promotion du développement économique durable au sein des pays en développement, il faut absolument mettre un terme aux réductions.

Nos membres attachent beaucoup d'importance aux initiatives de développement international de l'ACC parce qu'elles favorisent la création d'entreprises économiques durables tout en posant les jalons de relations commerciales futures.

Nous sommes également très contents de constater que la Banque du Canada prend des mesures pour réduire les taux d'intérêt et semble comprendre que l'économie a besoin de stimulants accrus. Les taux de chômage ont atteint un niveau inacceptable. Une reprise économique qui n'entraîne aucune réduction du taux de chômage n'est pas acceptable, à notre avis. Nous sommes convaincus que le secteur des coopératives et caisses de crédit mutuelles peut grandement aider le gouvernement en établissant avec lui des partenariats productifs qui vont stimuler l'implantation et l'expansion des entreprises, la création d'emplois pour les jeunes et le renouveau rural.

De même, nous sommes enthousiastes face aux possibilités d'application du modèle des coopératives et caisses de crédit pour la diversification des modes de prestation des services dans la fonction publique. À cette fin, nous avons établi un partenariat avec le CCC...

[Français]

le Conseil

[Traduction]

et l'Institut d'administration publique du Canada, grâce à une aide financière du gouvernement, en vue de lancer un projet de recherche et de démonstration. Ce projet va permettre de documenter le rôle des coopératives du secteur public au Canada et à l'étranger et de profiter des meilleures pratiques des coopératives en matière de prestation des services en vue de relever le défi de la restructuration au Canada.

Nous nous empressons d'ajouter que nos membres estiment qu'il n'est pas nécessaire de privatiser tous les services gouvernementaux. Cependant, là où la diversification des modes d'exécution s'impose, le modèle des coopératives présente l'avantage de la responsabilisation, de l'accessibilité et de l'abordabilité.

Nos collègues des Syndicats du blé des Prairies vont comparaître devant le comité lors de la table ronde d'Edmonton. Ces derniers vont faire état de leurs préoccupations au sujet du délestage des coûts, de la vente des wagons du gouvernement, du crédit par caution pour les exportations de céréales, et des changements apportés au régime de la Commission canadienne du blé.

Au nom de nos membres de l'industrie agricole, nous vous faisons remarquer que les quelques derniers budgets ont beaucoup pénalisé ce secteur et que ce dernier ne peut guère plus faire l'objet de mesures de ce genre. À notre avis, M. Hébert a bien expliqué la situation à ce sujet.

La récente initiative d'harmonisation de la TPS dans trois provinces de l'Atlantique, annoncée dernièrement va aggraver un problème que connaît actuellement un de nos membres au Canada atlantique. Les coopératives qui pratiquent la passation directe en charges font payer à leurs membres des frais administratifs hebdomadaires ou mensuels afin de couvrir une partie de leurs frais généraux. Comme environ 60 p. 100 des biens et services vendus par ces magasins sont exonérés de la TPS, ils ont toujours maintenu que 60 p. 100 des frais administratifs devraient également être exonérés de la TPS, mais les règles actuellement en vigueur ne permettent pas la séparation des frais administratifs en composantes taxables et non taxables.

Co-op Atlantic, une coopérative de gros qui sert 165 coopératives dans tout le Canada atlantique et quelques-unes au Québec, a calculé que les membres de coopératives qui emploient la méthode de la passation directe en charges paient 300 000$ par année sous forme de TPS qu'ils ne devraient pas avoir à payer. Lorsque le taux passe de 7 p. 100 à 15 p. 100, l'écart annuel passe à 643 000$. Ces coûts ne sont pas supportés par les clients de magasins concurrents. Ce problème est d'ailleurs à l'origine de la vive opposition de certaines personnes, d'abord, à la TPS, et maintenant à l'harmonisation de la TPS et de la taxe de vente provinciale.

Co-op Atlantic a proposé une modification à la Loi régissant la TPS qui permettrait de régler ce problème, et nous demandons par conséquent au gouvernement fédéral d'adopter la modification en question.

Nous allons suivre de très près les travaux du conseil ministériel chargé de la réforme et du renouvellement de la politique sociale, surtout par rapport à la Loi canadienne sur la santé et aux normes nationales. Nos membres ont toujours appuyé le maintien de normes nationales en vertu de la Loi canadienne sur la santé, position que nous avons d'ailleurs clairement exprimée dans un mémoire transmis au premier ministre au sujet du transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux.

Je voudrais également saisir cette occasion pour remercier le gouvernement d'avoir lancé le processus de modification de la Loi sur les associations coopératives du Canada. Notre secteur prépare ces changements depuis quelques années et a donc hâte de voir cette démarche menée à terme.

.0955

J'ai mis en lumière un certain nombre de questions qui intéressent et préoccupent nos membres par rapport au prochain budget. Nous espérons avoir l'occasion de vous donner d'autres détails à ce sujet dans la discussion qui va suivre. Encore une fois, merci infiniment de nous avoir donné l'occasion de nous expliquer aujourd'hui.

[Français]

Le président: Merci beaucoup. Normand Lafrenière, s'il vous plaît.

[Traduction]

M. Normand Lafrenière (directeur général, Association canadienne des compagnies d'assurance mutuelles): Merci infiniment de nous avoir invités à comparaître devant le comité. Je voudrais tout d'abord vous présenter mes excuses: si je n'ai pas bonne mine, c'est parce que j'ai été opéré la semaine dernière et j'en ai encore quelques séquelles.

Je représente l'Association canadienne des compagnies d'assurance mutuelles. Normalement nous aurions dû comparaître devant le groupe chargé des questions financières; cependant, notre principale préoccupation concerne les agriculteurs, et notamment le programme d'assurance-récolte, et c'est la raison pour laquelle nous avons demandé à comparaître devant ce comité aujourd'hui.

Essentiellement, nous ne ressentons pas le besoin de dire au ministre des Finances de réduire son déficit, etc., mais nous tenons à le féliciter du succès qu'il a remporté à ce chapitre au cours des quelques dernières années.

Comme je vous l'ai déjà dit, je représente les compagnies d'assurance mutuelles. Nous avons un chiffre d'affaires de l'ordre de 1,4 ou de 1,5 milliard de dollars par année sous forme de primes. De cette somme, 250 millions de dollars viennent des ventes d'assurance aux agriculteurs.

Nous aimerions participer au programme d'assurance-récolte. À l'heure actuelle, il s'agit d'un programme subventionné à la fois par le gouvernement fédéral et les provinces. Le gouvernement fédéral paie 25 p. 100 des primes, et les administrations provinciales paient également 25 p. 100 des primes. Le gouvernement fédéral et les administrations provinciales ensemble paient 100 p. 100 des coûts administratifs du programme. De plus, le gouvernement fédéral verse une subvention pour éponger les déficits associés à la réassurance du programme d'assurance-récolte. À l'heure actuelle, le déficit de ce programme est de 334 millions de dollars; donc, pour le gouvernement fédéral, la somme requise pour éponger ce déficit est importante.

Nous, les compagnies d'assurance mutuelles, aimerions pouvoir vendre l'assurance-récolte, mais il nous est impossible de le faire actuellement parce qu'il existe 10 monopoles en matière d'assurance-récolte - c'est-à-dire, les provinces - et si ces 10 monopoles existent, c'est justement parce que le gouvernement fédéral continue à subventionner le programme à condition que toutes les provinces assument une part équivalente des coûts de ce dernier.

Cela signifie donc que l'agriculteur paie actuellement moins d'un tiers de la valeur de la prime pour obtenir une assurance- récolte. Il nous est évidemment impossible de concurrencer un tel régime. Nous aimerions par conséquent que le gouvernement fédéral crée un système où tout le monde est sur un pied d'égalité en ce qui concerne la fourniture de services aux agriculteurs.

Non seulement nous aimerions pouvoir offrir une assurance- récolte, mais nous savons que le secteur agricole voudrait bien contracter cette assurance chez nous si nous étions en mesure de l'offrir à un prix concurrentiel. Mais nous ne pourrons être concurrentiels, au plan du prix et de la qualité de nos assurances, que si tout le monde est sur un pied d'égalité. Nous vous demandons par conséquent de vous assurer que les règles du jeu sont équitables, afin que le secteur privé puisse également offrir un régime d'assurance-récolte.

Non seulement nous voulons offrir ce genre d'assurance, mais nous aimerions également pouvoir fournir la réassurance-récolte. À l'heure actuelle, comme je vous l'ai déjà dit, c'est le gouvernement fédéral qui fournit la réassurance-récolte à cinq provinces sur 10. En fait, elles envisagent actuellement de traiter avec le secteur privé. Certains fonctionnaires sont allés en Europe pour chercher des réassureurs et sont revenus en se disant que cela coûterait 25 p. 100 de plus pour traiter avec le secteur privé.

Il n'y a que deux réassureurs canadiens, et ces deux réassureurs canadiens sont des compagnies d'assurance mutuelles. Qui plus est, elles offrent actuellement la réassurance au secteur agricole. On ne nous a pas demandé notre avis au sujet de cette majoration de 25 p. 100, et nous rejetons tout à fait cette évaluation. Nous savons fort bien que passer par le secteur privé pour la réassurance du programme d'assurance-récolte coûterait moins cher - plutôt que l'inverse - et nous serions très heureux d'assurer nous-mêmes la réassurance du programme d'assurance- récolte.

Encore une fois, nous vous demandons d'examiner très sérieusement le programme d'assurance-récolte et d'envisager d'y faire participer le secteur privé. Voilà tout ce que j'avais à vous dire.

[Français]

Le président: Merci beaucoup, monsieur Lafrenière.

[Traduction]

Nous souhaitons la bienvenue au représentant des Producteurs laitiers du Canada, Rick Phillips.

M. Rick Phillips (directeur des Politiques et relations gouvernementales, Producteurs laitiers du Canada): Bonjour, monsieur le président et membres du comité. Au nom des Producteurs laitiers du Canada, je tiens à vous remercier de nous avoir demandé à participer aux consultations prébudgétaires de votre comité et de vous faire état par conséquent des questions que nous jugeons d'une importance critique pour l'industrie laitière.

Il faut bien comprendre que les producteurs canadiens continuent d'avoir du mal à concilier l'insistance du gouvernement sur la libéralisation des échanges, le rehaussement de la compétitivité et la promotion des exportations et son retrait permanent des programmes d'aide financière qui profitent aux industries agricoles, et ce, à un rythme beaucoup plus marqué que celui de nos partenaires commerciaux.

.1000

Dans un récent projet de loi agricole aux États-Unis, l'administration fédérale a prévu des dispositions pour réduire d'environ 23 p. 100 les dépenses fédérales au titre de l'agriculture au cours des sept prochaines années, ce qui aura pour effet de ramener le soutien financier public à 44 milliards de dollars US. Au Canada, le budget fédéral de 1995 a réduit de 21,5 p. 100, soit 1,628 milliards de dollars les dépenses publiques au titre de l'agriculture entre 1995 et 1997-1998. Cela signifie donc qu'au moment où les États-Unis auront ramené ces subventions à 44 milliards de dollars US, c'est-à-dire dans sept ans, ils auront toujours un niveau de soutien de l'agriculture 27 fois plus élevé que celui déjà annoncé au Canada. On pourrait normalement s'attendre à ce qu'il existe un rapport de 10 à 1 entre le niveau américain et le niveau canadien.

L'Union européenne applique actuellement une politique de dédommagement des producteurs de céréales, d'oléagineux et de bovins qui prévoit des versements directs pour indemniser toute perte de revenu qui résulte d'une baisse des prix. Il a été proposé d'étendre l'application de cette politique aux producteurs laitiers européens. Il est évident que nos producteurs ne profitent pas d'une telle politique au Canada.

La Fédération canadienne de l'agriculture reconnaît que ces discussions relatives aux politiques agricoles sont toujours en cours en Europe et pourraient éventuellement déboucher sur des changements qui favoriseraient l'industrie à long terme, mais il semble clair pour le moment que toute éventuelle modification de la politique agricole de l'Union européenne n'aurait pas pour objectif de réduire les dépenses globales associées aux programmes de soutien actuels.

La situation est fort différente au Canada. Le retrait constant de mesures qui soutiennent l'industrie dans les secteurs axés sur la prestation de l'environnement, tels que la recherche, fait contraste avec la nouvelle situation en Europe, et nous vous faisons remarquer que les producteurs laitiers américains en ont été encore plus directement touchés.

Lors du dépôt du budget de 1996, on a annoncé l'élimination sur cinq ans des versements directs aux producteurs laitiers, à partir du 1er août 1997. À cet égard, les producteurs laitiers du Canada ont apporté leur collaboration au gouvernement parce que les producteurs y voient une initiative qui, conjuguée à d'autres éléments, va permettre l'élaboration d'une politique laitière à long terme qui offre à l'industrie une certaine sécurité et prévisibilité.

La FCA a cependant une critique à formuler en ce qui concerne la façon dont le gouvernement a procédé à la réduction des versements directs. Au moment d'annoncer cette initiative, le gouvernement n'a pas indiqué la façon dont ces versements directs seraient éventuellement éliminés. La FCA déplore l'absence d'une stratégie claire à cet égard en raison des problèmes qui en résultent nécessairement pour l'industrie, et peut-être conviendrait-il que nous vous expliquions brièvement notre position à ce sujet.

Depuis un certain nombre d'années, la Commission canadienne du lait fixe les objectifs des producteurs en matière de revenu et les marges des transformateurs en fonction du résultat de discussions organisées par un comité consultatif formé de consommateurs, de transformateurs de second cycle, de transformateurs et de producteurs. Les objectifs en matière de revenu fixés par la Commission pour les producteurs incluent une composante rendement du marché et une composante paiement direct. Le gouvernement a déjà affirmé à diverses occasions qu'il ne veut pas donner l'impression de faire obstacle aux pouvoirs de la Commission d'établir les objectifs en matière de revenu des producteurs. La FCA appuie cette politique.

En annonçant la réduction de la subvention à la consommation, sans préciser qui devrait en supporter les coûts, le gouvernement a en réalité modifié unilatéralement la décision de la CCL en ce qui concerne les prix. La FCA tient pour acquis que le gouvernement entend faire répercuter la réduction de la subvention à la consommation sur les consommateurs.

Afin de maintenir le statu quo relativement aux décisions de la CCL concernant les prix, le gouvernement doit indiquer son intention de compenser automatiquement toute réduction des versements directs par une modification des prix plancher.

Dans l'éventualité où les préoccupations des producteurs relatives à l'exécution des réductions des versements directs seraient réglées de façon satisfaisante, l'industrie aurait néanmoins du mal à accepter le calendrier annoncé pour la mise en application des mesures de réduction annoncées.

Tous les intervenants de l'industrie semblent souhaiter que la fréquence des changements de prix soit réduite au minimum, soit une révision par année. Selon le scénario privilégié par l'industrie, la révision des objectifs de revenu des producteurs et des marges des transformateurs ne se ferait qu'une fois par année, soit le 1er février. Selon les constatations de l'industrie, une révision opérée à cette époque de l'année minimise la perturbation du marché. L'annonce du gouvernement, selon laquelle les versements directs seraient réduits d'un cinquième le 1er août de chaque année, pour les cinq prochaines années, est tout à fait contraire à la position adoptée par l'industrie à cet égard. La FCA recommande vivement au gouvernement fédéral de reporter de six mois l'entrée en vigueur de la réduction des versements directs, soit au 1er février de chaque année, afin de tenir compte du désir de l'industrie d'opérer une seule révision des prix, une fois par année, au mois de février.

Les Producteurs laitiers du Canada sont nerveux d'avoir pu apporter une contribution à ces consultations prébudgétaires, et nous espérons que le comité examinera avec sérieux nos recommandations. Merci.

[Français]

Le président: Merci beaucoup, monsieur Phillips. J'ai oublié de mentionner que M. Loubier avait dû nous quitter pour aller à la Chambre, mais il va revenir et il m'a demandé de vous dire queM. Rocheleau était là pour vous écouter à sa place et qu'il va lire les rapports.

[Traduction]

Nous cédons maintenant la parole à M. Jack Wilkinson et à Mme Sally Rutherford.

M. Jack Wilkinson (président, Fédération canadienne de l'agriculture): Merci beaucoup. Je m'appelle Jack Wilkinson, et je suis président de la Fédération canadienne de l'agriculture. Sally Rutherford en est la directrice générale. Je vais me contenter de résumer notre mémoire, pour gagner du temps.

.1005

Nous traitons dans notre mémoire de quatre grands points sur lesquels je voudrais attirer votre attention. Le premier concerne les dépenses associées au programme de soutien de l'agriculture, et je voudrais à cet égard faire valoir quelques autres arguments qui complètent ceux qui ont déjà été présentés à ce sujet.

On a déjà mis en lumière la réduction substantielle au Canada des dépenses publiques au titre de l'agriculture, par rapport à nos concurrents américains. À notre avis, 600 millions de dollars représentent le strict minimum - et c'est peut-être déjà inférieur à la somme qui serait requise à l'avenir - pour financer les différentes initiatives publiques dans ce domaine.

À titre d'explication, je devrais vous dire que le CSRN, c'est-à-dire le Compte de stabilisation du revenu net, qui constitue un élément important de l'ensemble des programmes qu'Agriculture Canada compte maintenir dans les années qui viennent, exige, si tous les participants s'inscrivent au programme - et il est loin d'être sûr qu'ils vont le faire... Disons simplement que dans l'éventualité de la pleine participation des agriculteurs canadiens, ce programme serait sous-financé à l'avenir. Nous prévoyons qu'à long terme, ce programme va sans doute prendre de l'expansion, au fur et à mesure que de nouveaux produits seront inclus et que plus d'agriculteurs s'y inscriront. Nous tenons par conséquent à prévenir le gouvernement fédéral des pressions budgétaires qui s'exerceront à l'avenir et qui l'obligera à majorer sa contribution pour maintenir son engagement, si jamais la totalité de la production agricole était visée par un tel programme.

Deuxièmement, ce programme prévoit également le financement du régime d'assurance-récolte. Sans vouloir trop insister là-dessus, je pense que le secteur agricole n'a pas été très impressionné par la proposition qui vient de vous être faite par l'Association des compagnies d'assurance mutuelles, qui semblait dire que moyennant une augmentation de 300 p. 100 des primes, les compagnies d'assurance mutuelles seraient, elles aussi, concurrentielles. Pour notre part, nous tenons à maintenir la participation des gouvernements à la fois provinciaux et fédéral à ce programme. L'éventualité de la pleine participation des agriculteurs continuera de créer des pressions budgétaires, et d'après nous, les provinces et le gouvernement fédéral vont devoir continuer à soutenir ce programme pour assurer un maximum de participation et éviter des catastrophes futures qui seraient liées à des conditions météorologiques ou autres.

Notre autre grande préoccupation concerne les politiques gouvernementales dans toute une série d'autres domaines. D'importantes initiatives de recouvrement des coûts sont actuellement en cours au niveau fédéral. D'après ce qu'on nous a dit, il est fort probable que les administrations provinciales suivent l'exemple du gouvernement fédéral. D'ailleurs, un certain nombre de projets semblables ont déjà été lancés dans certaines provinces, et leurs conséquences pour nous sont considérables. Comme on vous l'a déjà indiqué, il s'agit de dépenses au titre du Plan vert en vertu du GATT, qui prévoit des dépenses publiques illimitées. En même temps, nous constatons que les dépenses environnementales font l'objet de réductions importantes. On réduit également dans d'autres secteurs, vu la mise en place de mesures de recouvrement des coûts - par exemple, pour les inspections et la recherche et le développement, des domaines qui revêtent une importance critique pour la viabilité du secteur agricole et la capacité de ce secteur et de l'industrie agroalimentaire en général de respecter ses engagements à long terme.

Voilà donc des questions qui méritent un examen approfondi, à notre avis. Nous avons d'ailleurs un certain nombre de recommandations à vous faire concernant les mesures de recouvrement des coûts.

En ce qui concerne la politique monétaire et fiscale, il n'y a qu'un ou deux choix possibles, à notre avis, si vous voulez assurer la viabilité de l'industrie agricole primaire. Si vous comptez éliminer les dépenses de programmes, vous allez devoir, jusqu'à un certain point, prévoir des compensations fiscales. La politique de faibles taux d'intérêt actuellement en vigueur constitue une aide considérable pour le secteur agricole. Nous sommes une industrie à forte intensité de capital. Un point de pourcentage de différence dans les taux d'intérêt a une incidence considérable sur les dépenses d'une opération agricole. Des mécanismes tels que la déduction pour amortissement, le crédit d'impôt à l'investissement, et l'étalement en bloc sont très importants pour notre industrie à long terme, de même que le maintien de l'exemption pour les gains en capital. À notre avis, vous devez absolument maintenir un certain soutien du côté fiscal et même améliorer le mécanisme de l'étalement en bloc à l'avenir, car, sinon, il n'y aura rien qui contrebalancera la réduction des dépenses de programmes qui a déjà commencé.

Il y a une autre chose qui nous préoccupe du point de vue de l'orientation du gouvernement fédéral, et c'est la question d'une éventuelle taxe sur les combustibles fossiles et la taxe d'accise sur le carburant. Il y a de nombreuses possibilités dans ces différents domaines. Si le Canada décide de suivre ce qui semble être l'orientation de l'Union européenne à cet égard, les conséquences pour nous seraient considérables. À l'heure actuelle, un certain nombre d'organismes agricoles aux États-Unis ont constaté que les engagements que certains pays envisagent de prendre sur la scène internationale pourraient entraîner une augmentation de 100$ la tonne pour l'engrais, dans l'éventualité d'une taxe sur l'engrais, et une augmentation possible de 50 p. 100 du coût du gazole. À ce sujet, nous vous conseillons la prudence, et nous permettons d'affirmer qu'il ne convient pas à notre avis d'adopter de telles politiques car elles risquent d'avoir de graves conséquences pour l'industrie agricole primaire de même que pour d'autres industries primaires au Canada.

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Je me permets également de vous faire remarquer que l'élimination de différents programmes et les politiques fédérales en général sont l'un des plus importants facteurs dans l'augmentation du coût des intrants pour les agriculteurs. L'élimination des subventions au transport, c'est-à-dire non seulement la Loi sur le transport du grain de l'Ouest mais aussi l'aide fédérale au transport, la diminution des subventions aux produits laitiers, les initiatives de recouvrement des coûts et d'autres mécanismes sont autant de facteurs qui font augmenter les coûts des agriculteurs. Autrement dit, non seulement le gouvernement réduit ses programmes, mais il fait augmenter le coût des intrants pour les agriculteurs. Citons à titre d'exemple l'Office de réglementation des produits antiparasitaires; nous espérons qu'il sera possible de régler un certain nombre de problèmes avant que ce dernier ne soit mis sur pied, mais il est possible, en raison d'une augmentation des droits et des prix, que le secteur agricole soit tenu de supporter la totalité des coûts - c'est-à-dire, recouvrement des coûts à 100 p. 100 - alors qu'il devrait s'agir d'un avantage offert par le programme.

Voilà donc les principales questions qui nous préoccupent, de même que la question de la responsabilisation au fur et à mesure que nous mettons sur pied de nouveaux organismes qui doivent recouvrer leurs coûts, une question qui d'ailleurs revêt une importance critique si de tels organismes veulent être en mesure de répondre aux besoins de leurs clients à l'avenir.

Sur ce, je vais m'arrêter et vous remercier de nous avoir invités à comparaître.

Le président: Merci infiniment pour ce tour d'horizon fort complet, monsieur Wilkinson.

Je donne donc la parole au représentant du Conseil canadien du porc, M. Martin Rice.

M. Martin Rice (secrétaire exécutif, Conseil canadien du porc): Merci.

Le Conseil canadien du porc représente les éleveurs de porcins au Canada. Au cours des 20 dernières années, notre industrie s'est orientée de plus en plus vers l'exportation. Nous croyons également offrir d'excellentes occasions aux agriculteurs canadiens d'ajouter de la valeur à leurs produits, par exemple en transformant un facteur de production comme les céréales en viande, produits qui sont de plus en plus en demande dans les régions du monde qui connaissent les taux de croissance les plus rapides à l'heure actuelle, soit l'Asie et, d'après notre évaluation, l'Amérique latine au prochain siècle. Nous dépendons des exportations pour plus d'un tiers de notre production, et par conséquent, toute politique que pourrait adopter le gouvernement ou toute nouvelle orientation qui risque d'influer sur la compétitivité de nos exportations nous intéresse au plus haut point.

Nous sommes un peu différents des autres secteurs en ce qui concerne les tendances de notre marché d'exportation. Au cours de la dernière décennie, à la différence de la plupart des autres secteurs de l'économie canadienne, qui s'appuient de plus en plus sur le marché américain, nous avons réussi à réduire notre dépendance vis-à-vis des États-Unis. Nous avons subi les contrecoups de quelques enquêtes au début des années quatre-vingt, dans le cadre de l'éventuelle application de mesures de compensation, et après la deuxième enquête de ce type, nous dans l'industrie avons décidé que nous ne nous permettrions jamais d'avoir une aussi grande dépendance vis-à-vis de ce marché. Au cours des cinq dernières années, nous avons réussi à faire baisser cette dépendance, de sorte qu'au lieu de représenter 80 p. 100 et plus de nos ventes, ce marché n'en représente plus que 60 p. 100, et il est même possible que la proportion de nos exportations destinées aux États-Unis soit inférieure à 60 p. 100. Nous avons augmenté nos exportations vers le Japon, et en même temps nous avons commencé à exporter nos produits vers des pays qui ont besoin de volumes moins importants mais de produits plus variés, par rapport aux marchés à gros volume, tels que les États-Unis et le Canada.

Donc, nous appuyons vivement les programmes gouvernementaux et les efforts déployés par les pouvoirs publics pour permettre ce genre de diversification. Nous pensons qu'une entente avec le Chili va bientôt être annoncée, attente que nous allons sans doute appuyer, tout comme nous soutiendrions toute libéralisation future de nos échanges avec d'autres pays qui présentent des possibilités d'expansion intéressantes.

Nous sommes une industrie à très forte intensité de capital. Pour mettre sur pied une opération vraiment viable, un producteur débutant a facilement besoin d'entre 1 million et 2 millions de dollars. Les prêts traditionnels auxquels la Société du crédit agricole n'a pas eu tellement accès jusqu'à présent, sont, dans certains cas, tellement restrictifs que les producteurs peuvent difficilement lancer une entreprise. Nous cherchons à créer d'autres possibilités de financement par actions pour les agriculteurs au Canada. Par conséquent, nous attendons avec impatience les nouvelles mesures législatives visant la Société du crédit agricole qui devraient être déposées sous peu.

Nous sommes certainement très encouragés par les données fondamentales de l'économie au Canada, notamment au plan des taux d'intérêt et d'inflation. Nous constatons que le secteur des exportations constitue le principal moteur de l'économie canadienne au cours des trois ou quatre dernières années, et nous espérons que nos politiques fiscale et monétaire puissent être gérées de façon à ne pas compromettre la compétitivité de nos exportations.

En ce qui concerne les dépenses nettes publiques, ou plutôt la réduction des dépenses nettes, nous avons assisté au cours des trois ou quatre dernières années à une diminution d'entre 50 et 75 p. 100 de l'apport fédéral aux programmes de soutien du revenu visant le secteur de l'élevage porcin. Il est d'ailleurs difficile de savoir quelle somme est actuellement engagée au titre du CSRN, étant donné que ce dernier ne fait pas de ventilations pour les différents secteurs. Mais selon nos estimations, l'apport fédéral à notre industrie aurait baissé d'environ 25 millions de dollars. Comme je le disais tout à l'heure, c'est une réduction d'entre 50 et 75 p. 100, par rapport aux budgets des années quatre-vingt.

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De plus, nous devons nous accommoder des réductions qui sont actuellement opérées aux opérations d'inspection. Nous avons accepté la privatisation des programmes de classement, ce qui a permis au gouvernement fédéral d'économiser encore plusieurs millions de dollars.

Donc, nous avons l'impression d'avoir grandement contribué à réduire les dépenses publiques, et en tant qu'éleveurs de porcs, nous acceptons difficilement d'être tenus, en vertu d'initiatives de recouvrement, d'absorber les coûts de services qui sont considérés verts ou non passibles de sanctions en vertu des règlements de l'Organisation mondiale du commerce, le nouvel accord du GATT, qui considèrent que toute dépense engagée pour des services d'inspection ou l'expansion des activités de recherche, par exemple, dépasse le cadre de mesures commerciales. De plus, notre principal concurrent, l'industrie américaine, ne paie pas pour des services tels que l'inspection et les tests diagnostiques.

Donc, même si nous continuions de travailler en étroite collaboration avec Agriculture Canada - je dois d'ailleurs assister à une rencontre plus tard aujourd'hui sur les mécanismes qui pourraient nous permettre de réduire le coût des tests diagnostiques et donc d'éviter l'imposition de droits - nous allons vivement recommander au gouvernement d'imposer un moratoire sur tout nouveau droit et de faire des démarches pour réexaminer les droits déjà imposés pour s'assurer qu'il ne défavorise pas les industries canadiennes par rapport à leurs homologues américains.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Rice.

Je cède maintenant la parole au représentant des éleveurs de bétail, Jim Caldwell.

M. Jim Caldwell (directeur des Affaires gouvernementales, Association canadienne des éleveurs de bovins): Merci beaucoup, monsieur le président et membres du comité. Au nom de l'Association canadienne des éleveurs de bovins, je voudrais remercier le comité de l'occasion qui nous est donnée aujourd'hui de participer à ces consultations.

Comme vous le savez peut-être, le boeuf est l'un des rares produits à avoir fait l'objet d'une production accrue au cours des quelques dernières années. En fait, la production dans ce secteur a augmenté si rapidement - non seulement au Canada mais aux États- Unis - que nos prix en ont été touchés au cours des quelques derniers mois.

Nous exportons actuellement plus de 44 p. 100 de notre production chaque année, notamment aux États-Unis, bien que les marchés dans les pays côtiers du Pacifique soient en pleine expansion. Le boeuf représente la plus importante exportation agricole aux États-Unis, la valeur des exportations se situant autour de 1,7 milliards de dollars par année. Vu l'importance de nos exportations aux États-Unis et d'autres pays, nous sommes toujours préoccupés par la question de notre accès à ces marchés et par la nécessité d'éviter des mesures commerciales, mesures semblables à celles décrites par M. Rice et dont l'industrie porcine a fait l'objet au cours des quelques dernières années.

C'est d'ailleurs pour cette raison que nous avons demandé l'élimination, il y a deux ans, du Programme tripartite national de stabilisation. Il s'agissait là du principal programme de soutien de l'industrie du boeuf. Nous savions fort bien que le maintien de ce programme donnerait lieu à des mesures de rétorsion à la frontière. En fait, l'ACEB a demandé publiquement l'élimination de tout programme de soutien du revenu qui prévoit des versements directs aux producteurs. Cependant, les administrations à la fois provinciales et fédérale offrent des programmes de stabilisation du revenu net aux producteurs de plusieurs provinces.

À l'heure actuelle, la International Trade Commission des États-Unis procède à l'examen de la conformité des pratiques de notre industrie à l'article 332, et cherche par conséquent à découvrir l'existence de pratiques commerciales déloyales. Cette étude sera probablement terminée d'ici un an. Nous avons l'impression que nous n'avons plus rien à cacher maintenant, depuis que nous avons éliminé le Programme tripartite national de stabilisation, et qu'il s'agit là surtout d'une étude à motivation politique. Peut-être prendra-t-elle fin après les élections aux États-Unis.

Les éleveurs de bovins appuient vivement la politique actuelle du gouvernement en ce qui concerne les taux d'intérêt. Comme M. Wilkinson l'a déjà dit, des taux d'intérêt élevés sont mortels pour les producteurs de bovins, et surtout les producteurs de bovins d'engraissement, qui empruntent des sommes faramineuses chaque année pour acheter des bovins. Bon nombre de producteurs achètent des bovins à crédit et ce coût devient alors un élément important de leurs coûts de production. Il faut donc maintenir des taux d'intérêt peu élevés.

Par contre, nous exportons une forte proportion de nos produits aux États-Unis, et nous profitons par conséquent du faible taux du dollar. À choisir, cependant, je pense que nous préférerions garder des taux d'intérêt peu élevés.

Comme c'est le cas pour bon nombre d'autres produits qui nous concernent, et comme M. Rice vous le disait, des initiatives de recouvrement des coûts sont déjà en cours dans notre secteur et nous y participons à part entière. Notre produit est l'un des rares produits à être visés par un service qui a été privatisé. Le classement relève maintenant du secteur privé, et l'ACEB joue un rôle important dans ce dossier. Nous ne pouvons cependant nous empêcher de critiquer les méthodes employées par le gouvernement en matière de recouvrement des coûts. D'autres membres en ont déjà parlé ce matin. L'ACEB est d'avis que d'autres programmes agricoles ou dépenses publiques générales auraient pu être réduits ou éliminés avant qu'on mette sur le tapis les services d'inspection et les règlements sanitaires. Bon nombre de programmes, comme on vous l'a déjà dit, sont considérés comme des programmes verts en vertu de l'Organisation mondiale du commerce, alors qu'il en existe d'autres qu'on pourrait considérer rouges ou ambres susceptibles de nuire à ces industries.

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En terminant, l'ACEB souhaite que le gouvernement continue à réduire non seulement ses dépenses mais le déficit.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Caldwell.

[Français]

M. Rocheleau va poser les premières questions.

M. Rocheleau (Trois-Rivières): J'ai deux questions à poser à M. Hébert, le représentant de l'Union des producteurs agricoles du Québec. La première porte sur la gestion de l'offre. Est-ce que vous considérez que les agissements du gouvernement fédéral en matière de gestion de l'offre sont satisfaisants pour l'Union des producteurs agricoles du Québec?

Deuxièmement, quant aux relations fédérales-provinciales en matière d'agriculture, est-ce que vous considérez qu'elles sont saines ou qu'elles se font sur le dos des agriculteurs?

M. Hébert: En ce qui concerne la gestion de l'offre, compte tenu de la prépondérance du secteur laitier au Québec, qui représente grosso modo le tiers des revenus agricoles québécois, il est clair qu'elle a toujours été un mode de développement de l'agriculture qui était très peu coûteux pour le contribuable. Le seul endroit où il y avait un coût, et c'était un coût indirect puisqu'il profitait aux consommateurs, c'était au niveau du subside laitier. L'annonce, dans le dernier budget, de cette réduction va occasionner un manque à gagner, d'ici la fin de l'élimination, d'un peu plus de 100 millions de dollars pour les producteurs laitiers québécois, sans aucune garantie de recouvrement de ce montant auprès des consommateurs. C'est une préoccupation importante.

En même temps, le ministre annonce une politique laitière à long terme. C'est un sujet sur lequel Rick Phillips pourra peut-être élaborer, mais je pense qu'on a mis là beaucoup d'espoir, parce qu'on a actuellement peu d'idées sur l'orientation de la volonté du gouvernement canadien face au système de gestion des approvisionnements, notamment dans le secteur laitier.

On est cependant assez satisfaits du Canada pour la défense du dossier du panel de l'ALÉNA envers les États-Unis. Je pense qu'il y a eu là un travail plus qu'honnête, qui a démontré une certaine volonté gouvernementale. Mais je pense qu'on va le voir davantage dans la négociation et dans la politique laitière à long terme qui a été annoncée.

Par contre, on est très préoccupés par tout ce qui est démantèlement de la «boîte verte» et des éléments structurants, parce que la compétitivité au niveau des secteurs, notamment celui du lait, va se définir en bonne partie entre les différents compétiteurs sur ce volet, à savoir le soutien, la recherche et le développement, et les services conseils. En quatre ou cinq ans, on peut prendre un retard qui sera presque irrécupérable. Pour l'instant, on est parmi les leaders de tête et il ne faudrait pas qu'on perde cette place. Je pense qu'il y a là une question de vision d'avenir qui est préoccupante.

Quant au second volet, il y a actuellement une tendance qui nous inquiète un peu. On parlait encore cette semaine avec les gens d'Agriculture Canada sur un de ces sujets au niveau des relations fédérales-provinciales. On a beaucoup de difficultés. Les protocoles d'entente sont plus difficiles à négocier et je pense qu'une des raisons - en tout cas c'est la position que l'Union des producteurs agricoles constate - est que le fédéral s'est retiré, depuis deux ans notamment. Ce sont des coupures assez importantes. Il y a beaucoup moins d'argent dans les programmes, mais en même temps le fédéral impose des normes nationales qui sont davantage serrées. C'est difficile, particulièrement dans le secteur de l'agriculture.

L'agriculture du Québec est tout à fait différente de celle des autres provinces, notamment des provinces de l'Ouest. Là, ça crée des achoppements impossibles. Ce qui est ennuyeux pour les producteurs, c'est que les ententes mettent des années à être signées et que les budgets ne sont pas disponibles tant que l'entente n'est pas signée. C'est mis dans une enveloppe à part, bien sûr, mais au niveau de la sécurité du revenu et de l'assurance-récolte, il y a des préoccupations. On ne voudrait surtout pas que les producteurs soient pris en otage par ces problèmes.

Nous avons dit à Agriculture Canada cette semaine que nous étions préoccupés par le fait qu'on mettait moins d'argent et qu'en même temps on exigeait davantage de contrôle. C'est assez contradictoire d'exiger toutes ces conditions et d'imposer des normes aussi serrées quand on met moins d'argent. Au cours des six derniers mois, on a constaté davantage cette pression.

Le président: C'est tout? Merci beaucoup, monsieur Rocheleau.

[Traduction]

Monsieur Solberg, vous avez la parole.

M. Solberg (Medicine Hat): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je voudrais souhaiter la bienvenue à nos témoins et leur dire que je viens d'une circonscription rurale où l'agriculture joue un rôle très important. Je représente la circonscription de Medicine Hat. Nous avons beaucoup de bovins dans notre circonscription et par conséquent, beaucoup d'irrigation et d'agriculture en terre sèche. Je suis donc très conscient de la contribution importante du secteur agricole à la prospérité de ma circonscription et du pays dans son ensemble.

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Je voudrais revenir sur une question qu'ont soulevée bon nombre de témoins, c'est-à-dire celle du recouvrement des coûts. Quand on regarde les statistiques du Conseil du Trésor, on constate que la tarification des services et le recouvrement des coûts ont augmenté de presque 100 p. 100 au cours des 10 dernières années. Je me demande si nos témoins voudraient ajouter quelque chose à ce sujet.

Pensez-vous que le gouvernement ait l'intention de plafonner les droits d'utilisation à un moment donné? Existe-t-il un plan en bonne et due forme qui garantirait qu'on ne va pas continuer en permanence à augmenter ces droits? Quelle est la réaction des fonctionnaires ministériels quand vous leur dites que la tarification des services nuit à la compétitivité de vos exportations?

La vice-présidente (Mme Whelan): Monsieur Solberg, est-ce que votre question s'adresse à quelqu'un en particulier, ou...

M. Solberg: Non, pas vraiment; j'invite les témoins qui souhaitent le faire à y répondre.

La vice-présidente (Mme Whelan): Quelqu'un voudrait répondre? Monsieur Rice.

M. Rice: J'ai plusieurs commentaires à faire à ce sujet.

Nous n'avons encore rien vu de définitif, mais l'un des problèmes qui se sont posés au cours de la dernière année, c'est qu'on semble ne vouloir dévier d'aucune façon de la stratégie retenue, c'est-à-dire l'augmentation des recettes par opposition à la réduction des coûts. J'avoue que j'ai du mal à comprendre pourquoi on n'a pas cru bon de tout simplement substituer l'un à l'autre parce qu'il n'est pas sûr qu'en privatisant les activités de classement, on ait vraiment réalisé des économies sensibles. Je pense que les producteurs sont satisfaits de la façon dont tout cela s'est fait, mais comme cette activité générait pour eux certains revenus précédemment, il va bien falloir qu'ils trouvent ces revenus ailleurs, même si la privatisation doit entraîner une baisse importante de leurs coûts.

Dernièrement, on a eu certaines indications, par rapport à la création d'un organisme unique d'inspection des aliments, que le gouvernement envisage sérieusement d'être plus souple et donc de substituer l'un à l'autre. Il est possible qu'on ait annoncé quelque chose à cet égard dont je ne suis pas au courant; peut-être va-t-on nous faire une annonce officielle aujourd'hui.

En ce qui concerne notre compétitivité vis-à-vis des États- Unis, il n'y a pas de doute dans notre esprit que cela va nuire à notre compétitivité. Le défi pour nous, je suppose, consiste à documenter cette réalité. Lors de la conférence de juin, M. Goodale a invité l'industrie à lui présenter des preuves à l'appui. À mon avis, il veut quelque chose d'assez spécifique. Donc, pour nous, le défi consiste à trouver des informations qui étayent notre position, à savoir que les mesures de recouvrement des coûts influent sur notre compétitivité.

Le président: Merci, monsieur Rice.

M. Wilkinson: Je pense qu'il y a un certain nombre d'autres problèmes importants qui se posent à cause de décisions mal avisées qui ont été prises lors du lancement de l'initiative de recouvrement des coûts. On n'a pas réussi - du moins, à mon avis - à distinguer clairement entre le bien public et le bien des utilisateurs et - comme M. Rice vient de vous l'expliquer - entre la réduction des coûts et le recouvrement des coûts dans ce même contexte.

Si l'objectif du Conseil du Trésor était de réduire les dépenses publiques - et tout le monde pensait que c'était cela la raison d'être de cette initiative - on aurait dû attacher autant d'importance à la réduction des coûts en tant que moyen de faire des économies, et il est tout à fait clair que certains ont opposé une vive résistance à cette idée.

Un autre exemple - et je pense que c'est probablement le meilleur exemple qu'on puisse citer pour illustrer le problème - c'est la décision de mettre sur pied l'Office de réglementation des produits antiparasitaires; nous passons donc d'une opération soutenue par environ 125 personnes, selon l'époque dont on parle - à un organisme qui aura plus de 400 employés, et qui prévoit de faire payer 60 p. 100 de ces coûts par le secteur agricole.

Nous avons examiné la situation sous tous les angles et nous ne comprenons toujours pas qui va être responsable de quoi. Qui sont tous ces gens qui vont travailler pour l'organisme en question et quelles seront leurs tâches? Ils seront chargés, d'une part, d'éliminer l'arriéré et, d'autre part, d'évaluer les produits, etc., mais nous avions l'impression que le gouvernement voulait instaurer un système qui serait harmonisé avec les provinces, où il y aurait partage du plan de travail et des activités de collecte de données, et que cela devait nous permettre de réduire les coûts de ce régime. Nous constatons au contraire qu'au lancement de cette initiative, les coûts sont déjà assez élevés, et même s'il n'y a pas d'augmentation des coûts, ces derniers vont au moins se maintenir, alors que le nombre de personnes chargées d'homologuer les produits va diminuer.

Le ministre a décidé qu'il faut évaluer 100 produits par année, et c'est très bien - c'est lui le ministre, après tout - mais on comprend aussi que c'est le public qui profite de cette décision, alors pourquoi ceux et celles qui bénéficient de ce nouveau système ne sont-ils pas appelés à en supporter les coûts?

Cela complique beaucoup les choses si, avant d'opter pour une stratégie de réduction des coûts ou de recouvrement des coûts, on n'en définit pas les avantages, ni pour le contribuable, ni pour l'utilisateur, et si l'on ne cherche pas à déterminer quel serait un niveau raisonnable au départ et quel devrait être le plafond. Toutes ces questions restent sans réponse, et semblent donc être négociables; à ce moment-là, au lieu que ce soit une politique du gouvernement, il s'agit de savoir qui peut trouver le meilleur négociateur pour être sûr de gagner. Voilà quelque chose qui nous préoccupe beaucoup et qui est très loin d'avoir été réglé. De même, la question des responsabilités et du rôle de l'organisme d'inspection des aliments est également critique.

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Pour ce qui est de cet organisme, si l'on ne prévoit pas de bons mécanismes de responsabilisation, on risque d'avoir de très gros ennuis. Tout porte à croire que l'idée de créer un tel organisme est très positive. Nous sommes d'ailleurs d'accord en principe - mais il faut que cela génère des économies et que les activités soient rationalisées. De même, il faut une structure de responsabilisation appropriée pour ce qui est de la dotation en personnel et du budget et tout le reste - c'est-à-dire qu'il faut savoir qui bénéficie de quoi, et préciser toute une série d'éléments qui sont toujours en suspens pour le moment.

Nous avons l'impression qu'ils sont sensibles à certains problèmes, pour avoir fait l'objet de fortes pressions de la part de certains groupes, mais il n'est pas sûr que cette sensibilité soit suffisante pour garantir l'efficacité du nouvel organisme. C'est donc...

M. Solberg: J'ai une dernière remarque à faire, monsieur le président. Un certain nombre de personnes qui sont au courant de la situation ont dit - et on peut peut-être les accuser de cynisme - qu'à l'origine de tout cela se trouve le désir des ministères et organismes fédéraux de se protéger contre d'éventuelles réductions futures en se transformant en centres de profits, et par conséquent, nous devons à mon avis nous pencher sérieusement sur le principe qui sous-tend les mesures de recouvrement des coûts pour nous assurer de répondre aux problèmes soulevés par M. Wilkinson et M. Rice.

Le président: C'est vrai. Merci, monsieur Solberg.

Madame Whelan, vous avez la parole.

Mme Whelan (Essex - Windsor): Je voudrais revenir sur un ou deux points que vous avez soulevés dans vos remarques liminaires, Jack. J'ai une question notamment - et vous n'avez pas vraiment eu l'occasion de préciser votre pensée à cet égard - sur vos recommandations relativement à la recherche agroalimentaire.

Vous avez présenté trois requêtes. Pouvez-vous me dire pourquoi, selon vous, le Programme de partage des frais pour l'investissement en recherche ne semble pas donner d'aussi bons résultats qu'on l'aurait souhaité?

M. Wilkinson: Par rapport à l'objectif fixé pour le Programme de partage des frais pour l'investissement en recherche, il est vrai que le taux de participation est bon, mais... À notre avis, la mission confiée à ce programme au moment de sa conception était utile mais trop étroite.

Par exemple, il fallait absolument recourir aux bâtiments du gouvernement et à son personnel, en plus de remplir d'autres conditions semblables, pour pouvoir participer au Programme de partage des frais. Eh bien, bon nombre de producteurs agricoles, selon leur secteur d'activité, travaillent beaucoup avec les universités, et avec d'autres personnes, et par conséquent, ils n'ont pas pu répondre aux critères et se prévaloir de ce programme parce qu'ils n'étaient pas en mesure d'utiliser... Étant donné qu'ils travaillaient en collaboration avec une grande université dans bon nombre de domaines, ils n'ont pas pu respecter les critères établis pour ce programme.

D'ailleurs, le ministre en est conscient. On lui a déjà parlé de ce problème, et d'après ce qu'on nous a dit, il est possible que les critères du programme soient élargis pour leur permettre d'y participer.

L'autre question qui nous semble importante finalement, c'est que même si cette initiative va permettre de réunir presque autant ou même plus de fonds pour la recherche, qui va en fait profiter des fruits de cette recherche? Par le passé, les résultats de la recherche menée par le gouvernement étaient mis à la disposition du grand public. Les fonds réservés pour la recherche, les conclusions, etc. étaient accessibles aux particuliers.

Mais dans le cadre d'un programme de partage des frais pour l'investissement en recherche, il est clair que les entreprises qui y participent veulent avoir certains droits sur l'information ou, disons, le produit qui en découle, et elles veulent aussi bénéficier de la vente et de la revente de ce produit.

Donc, pour ce qui est de la recherche d'ordre génétique ou celle menée dans toute une série d'autres domaines, nous aimerions savoir si le produit de cette recherche sera mis à la disposition de l'ensemble des agriculteurs canadiens; même si la majeure partie de la recherche fondamentale aura été financée par des deniers publics, les résultats de cette recherche, au lieu d'être mis à la disposition des producteurs, vont-ils être mis hors-circuit si quelqu'un arrive avec 100 millions de dollars à l'étape de la commercialisation, devient à ce moment-là propriétaire de cette information et s'en sert pour vendre des produits sur les marchés mondiaux?

Voilà quelques-unes de nos préoccupations à cet égard.

Mme Whelan: J'ai une autre petite question. Il nous a été recommandé par le passé - et je constate que c'est le premier point que vous abordez, encore une fois - de maintenir le statu quo en ce qui concerne l'exemption de 500 000$ pour les gains en capital. Plusieurs agriculteurs qui ont constitué des sociétés en bonne et due forme, m'ont dit qu'ils n'ont jamais pu profiter de cette mesure. Avez-vous discuté avec le ministre de la possibilité de prolonger son application, ou va-t-elle être maintenue mais simplement...

M. Wilkinson: Cette question n'a pas encore été réglée. Nous avons d'ailleurs fait connaître notre position à ce sujet, mais il n'y a pas eu de telles discussions récemment.

Si je peux essayer de résumer la situation, le ministre des Finances s'est engagé vis-à-vis des petites entreprises agricoles à tenir de longues consultations si jamais il comptait apporter des modifications à l'exemption pour gains en capital, et à ne pas éliminer cette mesure s'il n'était pas possible de trouver une meilleure solution. Donc, nous allons nous assurer qu'il tient parole.

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Puisque nous n'avons pas encore été invités à participer à des consultations, nous tenons pour acquis qu'aucun changement ne sera apporté à l'exemption pour gains en capital. Mais la cession d'une société et l'éventuelle transmission des actions sont encore problématiques dans ce contexte. D'après ce que j'ai pu comprendre, si l'entité dans son ensemble n'est pas vendue, les intéressés peuvent difficilement se prévaloir de l'exemption pour gains en capital, et jusqu'à présent, aucune mesure n'a été prise pour améliorer la situation à cet égard.

Le président: Merci beaucoup, madame Whelan.

Monsieur St. Denis, vous avez la parole.

M. St. Denis (Algoma): Merci, monsieur le président, et merci à tous nos témoins d'être présents aujourd'hui.

La question que j'aimerais explorer avec vous - et je crois que M. Hébert était le premier à la soulever - c'est l'idée que le Canada semble réagir beaucoup plus rapidement que d'autres pays du monde pour ce qui est de soutenir l'agriculture, et il me semble clair qu'au cours du prochain millénaire au moins, le partenariat entre l'entreprise privée et le gouvernement va se maintenir. Il n'y aura pas de séparation analogue à celle qui existait entre l'Église et l'État. Il est évident à mon sens que la majorité des pays industrialisés collaborent avec leur secteur privé.

Il suffit de voir ce qui se fait dans l'industrie de la technologie de pointe, par exemple, ou dans le secteur agricole un peu partout dans le monde. Dans ces secteurs, l'industrie travaille avec le gouvernement pour favoriser les intérêts du pays. Par conséquent, il me semble important d'établir le bon équilibre au fur et à mesure que nous continuons d'améliorer notre régime fiscal au Canada, pour éviter d'être dépassés par les autres.

Je me demande si M. Hébert ou d'autres témoins voudraient nous parler un peu de la situation dans le monde entier, car même si nous nous adaptons plus rapidement au Canada à l'heure actuelle, comment nous situons-nous par rapport aux autres pays? Est-ce que nous sommes loin derrière, ou avançons-nous plus ou moins au même rythme que d'autres pays, en ce qui concerne l'atténuation du degré de partenariat entre le secteur privé, et notamment le secteur agricole, et le gouvernement?

Le président: Jack Wilkinson.

M. Wilkinson: D'abord, je pense qu'il y a eu un changement fondamental. Si l'on examine le U.S. Farm Bill - et les comparaisons les plus faciles à établir sont avec l'Union européenne et les États-Unis parce que ce sont les principaux exportateurs, parmi les pays industrialisés - avant même qu'il ne devienne nécessaire de respecter les obligations de l'OMC ou du GATT, les réductions de nos dépenses de programmes au Canada étaient déjà supérieures à ce qui était exigé pour la fin de la période de sept ans, et alors même que tous ces changements étaient en cours - sans parler des problèmes liés à l'augmentation des dépenses du programme vert et toutes les autres initiatives qui sont en cours, qui correspondent à une taxe sur la production au Canada, et de l'élimination des mesures de soutien - les États- Unis ont adopté ce qui se révélera peut-être la mesure législative agricole la plus coûteuse dans toute l'histoire des États-Unis.

Bien entendu, elle respecte les obligations des États-Unis en vertu du GATT puisque le soutien est désormais découplé du revenu - autrement dit, si le prix du blé baisse, aucun paiement de soutien ne sera accordé pour le blé - mais par contre, lorsque le prix du blé a atteint un sommet jamais vu en 30 ans, les agriculteurs américains profitaient encore de paiements de soutien équivalant à 1$ le boisseau. Par exemple, le simple fait de s'inscrire en vertu du Farm Bill donne droit à 10 000$ en vertu de programmes environnementaux pour chaque membre d'une société, et à trois fois cette somme s'il y a trois membres. Donc, la liste des mesures de soutien qui continuent d'exister dans ce pays est longue.

Selon les conditions du marché, par exemple, ils vont plafonner le montant que peut recevoir un agriculteur individuel aux États-Unis à 250 000$ par année; personne ne peut en toucher davantage. Eh bien, il est clair que le niveau de soutien au Canada est loin d'être comparable.

Lorsque les pays européens ont commencé à opérer des réductions pour pouvoir respecter leurs obligations en vertu du GATT, les crédits en question ont simplement été réorientés vers les programmes environnementaux.

Je maintiens qu'un dollar est un dollar, qu'il vous soit accordé pour soutenir le prix du lait ou pour compenser en partie le coût d'une citerne à lisier qui coûte 50 000$ et qu'il faut avoir pour des raisons écologiques. Quelle que soit la raison évoquée, cet argent est quand même disponible pour aider l'agriculteur à répondre à ces obligations. Mais en 1997, le gouvernement fédéral n'accordera plus aucun crédit au secteur agricole au titre de programmes environnementaux.

.1040

Je ne veux pas m'éterniser sur le sujet, alors je vais m'arrêter là, mais je pourrais vous fournir une longue liste d'exemples qui prouvent que les mesures prises au Canada cadrent de moins en moins avec celles d'autres pays dans de nombreux domaines.

Essentiellement, ce qui reste, ce sont nos structures de commercialisation, nos techniques de mise en commun et la politique fiscale dans un grand nombre de domaines. Ce sont les seules mesures qui nous restent pour contrebalancer l'aspect négatif de ces changements, et c'est pour cela qu'il est si important d'éviter toute éventuelle érosion des quelques avantages qu'il nous reste, parce que ce sont les seuls moyens qui nous restent pour faire passer l'argent généré par le marché entre les mains des producteurs, vu l'importante diminution des avantages accordés au secteur agricole, en raison de la nouvelle politique du gouvernement.

Le président: Monsieur Rice.

M. Rice: Pour compléter ce que M. Wilkinson vient de vous décrire, je peux vous citer un autre exemple qui concerne la situation américaine. Les États-Unis ont récemment déposé de nouveaux règlements, soi-disant pour moderniser leur système d'inspection des viandes. Comme je vous le disais tout à l'heure, il n'y a pas de recouvrement des coûts par rapport au système d'inspection de base aux États-Unis, mais en plus de continuer de fournir un service totalement financé par les deniers publics, ils vont maintenant accroître leurs activités dans ce domaine. À notre avis, il est assez inhabituel de voir des gouvernements qui élargissent leur rôle dans l'industrie.

Je ne sais pas si le service de la dette aux États-Unis et au Canada représente des coûts analogues en tant que pourcentage de nos budgets. Il va sans dire que ces coûts représentent une charge énorme pour le Canada par rapport à sa capacité de maintenir des programmes ou d'en créer de nouveaux. Mais il me semble apercevoir la lumière au bout du tunnel. Nous nous efforçons de freiner la croissance de notre dette afin d'avoir plus de souplesse dans notre budget fédéral et de pouvoir nous consacrer à autre chose qu'au service de cette dette. Mais on ne sait toujours pas quand cela va se produire. Nous attendons avec impatience le jour où le gouvernement pourra créer de nouveaux programmes, lorsqu'ils sont justifiés et lorsqu'ils n'entraînent aucune distorsion du commerce car nous ne voudrions surtout pas avoir des ennuis de ce genre.

Le président: Monsieur Hébert.

[Français]

M. Hébert: En examinant la situation qui prévaut, surtout avec les Américains qui sont notre premier compétiteur direct, je constate que les Américains ont indéniablement choisi le secteur agroalimentaire comme un secteur d'avenir et y investissent. Ils ont décidé d'investir massivement dans ce secteur, aussi bien au niveau de leur marché intérieur qu'à celui des exportations, et ils vont jouer une game très serrée, avec des budgets et des fonds serrés, surtout pour les sept prochaines années, où des montants découplés figurent aux budgets prévus, peu importe la situation de marché.

Il est temps que le Canada se rende compte que le secteur agroalimentaire représente 10 ou 12 p. 100 des emplois, emplois qui se retrouvent surtout en région. C'est la fondation des économies régionales. Il va falloir que le gouvernement se rende compte que l'agriculture est un investissement et non pas une dépense. L'Europe l'a déjà reconnu et les États-Unis le font présentement. Ils reconnaissent que c'est un secteur où la société a intérêt à investir, où il y a un potentiel important de développement. Bien que l'on réduise nos interventions, c'est un peu masqué actuellement parce que la situation des marchés est, règle générale, relativement bonne. Mais s'il fallait que les marchés soient moins bons qu'ils le sont, la situation serait dramatique.

[Traduction]

Le président: Monsieur Benoit, vous avez la parole.

M. Benoit (Végréville): Merci, monsieur le président.

Bonjour mesdames et messieurs. Je viens d'un milieu rural. Toutes mes activités ont été reliées au monde agricole, en tant qu'agriculteur et qu'économiste agricole qui travaille avec les agriculteurs dans le domaine de la gestion agricole. Je suis donc ravi d'être là et de pouvoir entendre vos observations.

Je me souviens d'avoir été dans cette même salle, il y a deux ans et demi, avec le ministre de l'Agriculture assis au bout de la table. Quand on lui a demandé qui devrait payer les différents services, le ministre a dit que lorsque c'est l'utilisateur qui en profite, il faudrait appliquer le principe du financement par l'usager, mais que dans les secteurs où le public dans son ensemble en profite, le service devrait être financé par les deniers publics. J'ai bien apprécié cette réponse, car c'est bien l'interprétation du principe du financement par l'usager que le Parti réformiste a toujours appuyée.

.1045

Mais deux ans et demi se sont écoulés depuis, et un certain nombre de changements ont été effectués. Je voudrais demander à ceux d'entre vous qui ont déjà fait des observations à cet égard si le ministre a bel et bien respecté les lignes directrices qu'il a établies. En fait, il a même donné un exemple précis. Il a dit qu'en ce qui concerne l'inspection des viandes et le classement, par exemple, l'inspection profite clairement au public de sorte que ce service devrait être financé par les deniers publics, alors que le classement profite à l'utilisateur, en lui facilitant la commercialisation de son produit. Voilà l'exemple qu'il a cité; je m'en souviens encore.

J'aimerais vous demander - et cela s'adresse à vous tous - si le ministre et le ministère ont vraiment respecté ces lignes directrices. Il faut que vous obligiez le ministre à tenir parole.

Le président: Et si possible, dites le plus de mal possible de lui, n'est-ce pas?

M. Benoit: Je n'ai jamais dit cela, Jim. J'allais le dire, mais je me suis abstenu. D'ailleurs, ce serait facile.

Le président: Quelqu'un voudrait-il essayer de relever ce défi?

M. Caldwell: Nous allons faire une autre tentative.

Monsieur Benoit, je suis très content de vous revoir. On s'est parlé la dernière fois lors d'une réunion du Comité de l'agriculture, si je ne m'abuse.

Il est vrai que dans le domaine du classement, de même que pour le porc, l'industrie du boeuf a assumé la responsabilité du classement, car nous estimions que les utilisateurs étaient ceux qui profitaient de ce service. Je me permets d'ajouter, cependant, que lorsque le boeuf est vendu dans un magasin, c'est en fonction des classements AAA, AA, et A, que le producteur est payé.

L'autre aspect qui nous semble problématique concerne la façon de déterminer, ce qui n'est pas toujours chose facile, la responsabilité des uns et des autres. Voilà le problème auquel nous sommes actuellement aux prises. M. Rice a dit que nous allons assister à une réunion - j'y vais, moi aussi - au sujet des tests de détection des résidus. Qui devrait supporter les coûts de ce service? Si c'est un problème qui concerne les producteurs, il est normal que les producteurs paient. J'accepte cela volontiers. Mais dans d'autres domaines, la situation est plus complexe parce que les coûts qu'on nous impose compromettent notre compétitivité parce que, comme quelqu'un le disait tout à l'heure, les Américains, par exemple, ne sont pas tenus de payer ces services à l'heure actuelle. Ils ne paient pas les services d'inspection. Donc dès le départ, nous sommes défavorisés quand nous expédions nos produits aux États-Unis.

C'est toute la polémique - et je n'ai pas de solution à proposer - autour de la notion d'intérêt public, par rapport à l'intérêt du producteur.

Si je peux me permettre de formuler certaines critiques, nous n'avons pas aimé la façon dont tout cela s'est fait au départ, c'est-à-dire la décision d'imposer des réductions de l'ordre de 44 millions de dollars aux ministères. On leur a dit qu'ils pourraient très facilement réduire 44 millions d'un autre programme sans que cela fasse la moindre différence; on leur a dit que ce programme ne servait ni l'intérêt du public, ni l'intérêt du secteur privé - qu'il ne servait les intérêts de personne.

C'est là qu'on a commencé à avoir un problème. Il ne semblait y avoir aucun désir de négocier dans certains domaines. On a établi les droits qui s'appliqueraient: il fallait absolument générer tant de revenus; si on l'enlevait du boeuf, il faudrait l'imposer au lama, au porc ou à autre chose. Voilà le genre de mouvement constant qui caractérisait ce processus. Celui qui parlait fort et qui parlait bien réussissait à les faire baisser pour son secteur, et espérait que les autres secteurs ne s'en rendraient pas compte. C'est là que le problème s'est posé.

M. Benoit: Je ne sais pas si d'autres témoins souhaitent répondre. Mais avant qu'ils le fassent, je voudrais obtenir d'autres détails. Dans les secteurs où le gouvernement a opté pour le principe du financement par l'usager, il me semble que les utilisateurs devraient avoir la possibilité de trouver la façon la moins coûteuse de fournir ce service d'inspection, à condition de se conformer à certaines normes. Est-ce qu'on leur a permis cette souplesse en effectuant tous ces changements? L'utilisateur est-il libre de trouver la façon la moins coûteuse d'offrir ce service?

M. Caldwell: En ce qui concerne le classement, oui. Nous avons essentiellement engagé bon nombre des fonctionnaires qui effectuaient ce travail précédemment. C'est même étonnant de voir à quel point ce transfert a bien marché, car nous avons eu en effet très peu de problèmes.

Le président: Concentrez-vous sur les critiques pour le moment.

M. Benoit: J'y arriverai un peu plus tard, Jim.

M. Caldwell: Là où j'aurai des critiques à formuler - et Jack Wilkinson vient d'en parler tout à l'heure - c'est concernant les économies générées dans le domaine du classement... Voyez-vous, le gouvernement n'a pas voulu qu'on prenne en charge les activités de classement tout de suite, parce qu'il voulait d'abord toucher les recettes associées aux droits d'utilisation que nous devions verser. Par conséquent, ils ont dû trouver ces crédits ailleurs, et c'est là qu'il y a eu un problème.

M. Benoit: Maintenant, pour aller un petit peu plus loin... Je suis au courant de ce qui s'est fait dans le domaine du classement. Mais pour ce qui est de l'inscription des pesticides, la situation est tout à fait autre. Nous avons créé une nouvelle immense bureaucratie. L'harmonisation qui devait s'opérer pour permettre de baisser le coût d'homologation des différents pesticides ne s'est jamais concrétisée. Par conséquent, le processus en place est extrêmement coûteux et nous sommes même en train d'agrandir cette bureaucratie. Dans ce cas-là, on n'a pas permis aux utilisateurs de trouver la façon la moins coûteuse d'offrir le service.

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M. Wilkinson: À mon avis, il y a toute une série d'éléments. Et cela ne concerne pas uniquement le gouvernement actuel, car par le passé, d'autres gouvernements ont également laissé un certain nombre de questions en suspens. Par exemple, que peut-on retirer des négociations menées dans le cadre de l'ALÉNA/ACCEU ou a sein de l'OMC? Nous avons fait état de toute une série de questions relatives à l'harmonisation qui nous semblaient critiques pour rester concurrentiels.

D'une part, la libéralisation des échanges avance à des rythmes variables. À ce moment-là, si les autres conditions ne sont pas satisfaisantes, il y a un manque de synchronisation. Pour vous donner l'exemple d'un domaine où il y a un manque de synchronisation, le Canada importe des quantités élevées de fruits et légumes des États-Unis. Notre industrie canadienne horticole et des fruits tendres fait l'objet depuis un certain temps de pressions économiques importantes dans bon nombre de ces secteurs - pas dans tous, mais dans un grand nombre, parce que les tarifs sont en train d'être réduits progressivement conformément aux engagements pris par le Canada et les États-Unis. Dans huit ans, ces tarifs auront plus ou moins atteint zéro. Mais l'industrie est toujours aussi frustrée par le manque de disponibilité de produits de protection des plantes qui lui permettraient d'être concurrentielle. Donc, c'est une question de prix, de concurrence et de disponibilité des produits. Et ces industries font l'impossible pour affronter la concurrence malgré ces nombreux désavantages, les salaires que nous payons ici au Canada, et nombre d'autres problèmes avec lesquels nous sommes prêts, en tant qu'agriculteurs, à composer. Mais nous ne pouvons continuer si on nous lie les deux mains.

Donc, il y a de plus en plus de frustration dans un certain nombre de domaines bien précis, comme l'ACLA, le régime de responsabilisation et du manque de synchronisation - et nous avons des exemples bien concrets qui prouvent que la situation en ce qui concerne le classement n'est pas la même ici qu'ailleurs. En quoi les agriculteurs, les utilisateurs profitent-ils de cette expansion de notre bureaucratie et de toutes les exigences qui s'y rattachent, surtout que c'est le ministre de la Santé et la ministre de l'Environnement qui ont pris l'engagement vis-à-vis d'autres pays en ce qui concerne la surveillance et la collecte et l'utilisation des données? La liste est interminable. Le gouvernement nous dit que nous allons pouvoir, dès le départ, assumer 60 p. 100 des coûts de cette opération, qu'elle nous profite ou non.

Dans certains cas, les négociations ont donné d'assez bons résultats, mais dans d'autres, nous avons encore beaucoup de chemin à faire. Quant au rôle du ministre de l'Agriculture dans tout cela, même si je pense qu'il serait injuste, dans certains cas de s'en prendre à lui, il est tout à fait juste de reprocher au gouvernement d'avoir appliqué des politiques mal réfléchies et de ne pas prendre des mesures pour rectifier la situation là où cette possibilité existe. Voilà l'objectif que nous visons actuellement, parce que nous sommes convaincus que les mesures de recouvrement des coûts ne vont pas s'arrêter là. Pour vous dire la vérité, j'ai l'impression que nous sommes à mi-chemin d'un trajet à la fois long et pénible. Donc, si certaines erreurs ont été commises - et c'est le cas - corrigeons-les, pour l'amour de Dieu, avant de détruire, par simple négligence, des secteurs qui sont encore concurrentiels.

M. Benoit: J'ai discuté de l'homologation des pesticides avec de nombreux représentants de l'industrie, et beaucoup d'entre eux s'attendaient, il y a déjà deux ans et demi ou trois ans, à ce que ces changements se fassent, à ce que l'on ne leur donne pas le choix d'accroître l'efficacité du système et qu'il en résulte une immense bureaucratie. J'ai peur que cette nouvelle agence ne devienne en effet une immense bureaucratie en raison des pouvoirs qu'elle détient. Elle pourrait fermer bon nombre d'entreprises à cause de ses pouvoirs. Ces derniers sont comparables et dépassent même ceux du ministère de l'Environnement dans certains domaines. Ils lui permettent de s'immiscer dans des questions qui ne la regardent pas toujours, encore une fois, à cause de ses immenses pouvoirs. Voilà ce qui suscite des préoccupations chez les représentants de l'industrie - le coût, et aussi cet aspect-là.

Ceci est une simple observation. Je pense qu'il est temps qu'on demande à certaines de ces personnes de répondre des commentaires qu'ils ont faits.

Le président: Pourriez-vous me rendre un service? Mme Brushett doit partir. Me permettriez-vous de vous donner un autre tour plus tard?

M. Benoit: Oui, pas de problème.

Le président: Vous avez déjà critiqué le ministre. Maintenant vous vous en prenez à nos témoins, et je serai...

M. Benoit: Allons.

Le président: ...ravi de vous donner l'occasion de le faire tout à l'heure.

Madame Brushett.

Mme Brushett (Cumberland - Colchester): Merci, monsieur le président. Je dois être à la Chambre à 11 heures, et j'ai donc le temps de poser seulement deux petites questions.

Je tenais à dire publiquement que notre premier ministre considère le Canada rural et la modification de notre accord de coopération, en vue de régler tous ces petits problèmes, comme une grande priorité. Je crois que c'est d'ailleurs dans l'intérêt de tous les Canadiens.

.1055

J'ai deux questions rapides. La première concerne le fait que les producteurs laitiers ont recommandé que la date d'entrée en vigueur des nouvelles mesures relativement aux paiements directs soit reportée au 1er février. Je me demande, cependant, s'il y a quelque chose qui nous empêcherait de le faire. Ça paraît simple, du moins en ce qui vous concerne, mais y a-t-il des raisons financières qui nous empêcheraient d'accéder à cette demande?

Ma deuxième question s'adresse au groupe représentant les coopératives. En ce qui concerne la TPS et les critères qui s'appliquent aux 60 p. 100, vous avez déjà fait une recommandation au ministère. Avez-vous eu une réponse et pensez-vous que cela pourrait se faire si nous pouvons trouver une solution appropriée?

Le président: Monsieur Phillips.

M. Phillips: Merci, monsieur le président. Oui, il y a forcément des conséquences financières. Si vous éliminez la subvention du mois d'août, cela veut dire qu'il n'y aura pas de rajustement des prix à ce moment-là et que vous allez devoir attendre le mois de février pour les faire; nous devrons alors obtenir des augmentations supplémentaires afin de récupérer ce qui n'a pas été versé directement aux producteurs pendant cette période de six mois. Ce sont les seuls coûts qui résulteraient de notre recommandation, à savoir de changer la date d'entrée en vigueur pour le mois de février, au lieu du mois d'août. Je pense que le coût a été évalué à environ 16 millions de dollars par année, mais nous pourrions évidemment vous donner des chiffres exacts.

Le président: Monsieur Hillier.

M. Hillier: En ce qui concerne la TPS, cette question fait l'objet d'une discussion entre un de nos membres, soit Co-op Atlantique, et le gouvernement depuis plusieurs années. Une proposition spécifique a été soumise à l'examen du ministère des Finances et du caucus de la région de l'Atlantique du Parti libéral et nous attendons toujours une réponse satisfaisante.

L'un des problèmes qui se posent concerne le fait qu'être membre de ce genre de groupe, qui couvre les frais généraux associés à l'exploitation d'un magasin qui vend des biens de consommation, n'est pas considéré comme étant différent d'un autre groupe dont on pourrait être membre, c'est-à-dire un club de yachting, un club de golf, un club de curling ou un autre genre de groupe de même nature et par conséquent, on pense que si un changement est autorisé pour ce type de situation, il pourrait y avoir des problèmes. Mais Co-op Atlantique a élaboré une proposition spécifique qui, à son avis, permettrait de régler le problème. Cette proposition a déjà été soumise pour examen et nous attendons encore une réponse.

Le président: Excusez-moi de vous interrompre. Pourriez-vous nous donner aujourd'hui une copie de la proposition?

M. Hillier: Oui.

Le président: Merci beaucoup.

M. Hillier: Oui. Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Brushett.

Je pourrais peut-être vous donner à nouveau la parole, monsieur Benoit; d'ailleurs, je vous remercie d'avoir cédé votre place tout à l'heure.

M. Benoit: Plusieurs personnes - Lynden et quelqu'un d'autre - ont mentionné en passant qu'elles étaient satisfaites de l'approche adoptée par le ministre des Finances, Paul Martin, en ce qui concerne la réduction du déficit. Monsieur Hillier, vous avez dit, d'une part, que vous appuyez l'approche adoptée par le gouvernement face au déficit mais, d'autre part, qu'ils ont sans doute déjà réduit au maximum les programmes sociaux. J'aimerais donc vous demander laquelle de ces deux solutions vous préconisez vraiment.

M. Hillier: C'est-à-dire que nous reconnaissons...

Le président: Autrement dit, monsieur Hillier, vous comprenez très bien le contexte actuel. Pensez-vous que nous devrions dépenser davantage au titre de l'éducation et des soins de santé?

M. Benoit: J'avais l'intention de parler de cela, aussi, mais pour le moment je me dirige vers autre chose, Jim. Mais merci d'avoir essayé de me donner un coup de main.

M. Hillier: Et moi, j'allais aborder un tout autre sujet.

Mme Chamberlain (Guelph - Wellington): Quelle bonne idée!

Des voix: Oh, oh!

M. Hillier: J'ai fait état de certaines préoccupations en ce qui concerne les programmes sociaux. Il est vrai que j'ai indiqué qu'on pouvait difficilement réduire davantage les programmes agricoles, mais j'ai également parlé de mes préoccupations vis-à- vis des programmes sociaux, car je pense qu'il devient clair pour tout le monde... Et à cet égard, je vous recommande un article paru dans le Canadian Business Magazine du Globe and Mail au mois d'octobre, qui a été rédigé par un grand penseur canadien dans le domaine de la gestion, Henry Mintzberg de l'Université McGill, qui dit justement que nous sommes arrivés au point où nous devons nous intéresser davantage à l'équilibre à établir, et que même si le secteur privé a un rôle important à jouer dans le domaine du développement économique et communautaire, etc., il ne peut pas et ne va pas tout faire. Il prétend que c'est au gouvernement d'assumer la responsabilité d'offrir des soins de santé appropriés, un système d'éducation adéquat, etc.

Donc, je me contente de tirer sur la sonnette d'alarme dans ce domaine, et d'insister sur le fait qu'il existe, dans certains secteurs, tels que les soins de santé et l'éducation, une approche bien canadienne qui nous distingue justement des autres. Et quand nous en parlons avec nos membres, ils ont l'air de penser qu'on devrait faire preuve de prudence avant d'imposer d'autres réductions dans ces secteurs.

M. Benoit: Je repose ma question: laquelle de ces deux options privilégiez-vous?

.1100

Si je vous pose la question, c'est qu'au fur et à mesure qu'augmente la dette... et je vous dis en passant que le ministre des Finances n'a pas encore réussi à faire passer le déficit en dessous de 28 milliards de dollars. Quand on ajoute ce montant à notre dette, et n'oublions pas qu'au fur et à mesure que progresse la dette, malgré des taux plus faibles, les paiements d'intérêt continuent à augmenter. Depuis que ce gouvernement est arrivé au pouvoir, les paiements d'intérêt sur la dette sont passés de 37 milliards de dollars à 48 milliards de dollars par année.

C'est pour cela que je vous demande lequel des deux scénarios vous privilégiez. Si nous allons continuer à dépenser toujours plus pour payer les intérêts sur une dette de plus en plus importante, il est bien évident qu'il va falloir réduire les dépenses ailleurs. Il me semble donc un peu prématuré de féliciter le ministre des Finances pour ce qu'il a fait du côté du déficit et pour une dette qui ne cesse en réalité de progresser.

M. Hillier: Je ne crois pas avoir dit que je «félicitais» le ministre. Je crois avoir dit plutôt que nous reconnaissions que certains progrès avaient été accomplis et en même temps, j'ai exprimé nos inquiétudes relativement à d'autres domaines qui nous semblaient problématiques.

Le président: Sentez-vous libre de le féliciter, monsieur Hillier, si vous voulez.

Monsieur Pillitteri, vous avez la parole.

M. Pillitteri (Niagara Falls): Merci, monsieur le président.

M. Benoit a dit qu'il est agriculteur. Je tiens à informer le comité et tous les autres ici présents, d'ailleurs je vous remercie d'être venus - il y a un autre agriculteur de ce côté-ci.

Monsieur Wilkinson, vous avez parlé du problème qui se pose pour le secteur des légumes et des fruits tendres. J'ai fait une étude sur le secteur des fruits tendres il y a deux ans. Je suis moi-même cultivateur de fruits tendres et viticulteur, donc je suis bien au courant de la situation.

Pour bien mettre les choses au point, surtout que M. Solberg a posé une question tout à l'heure au sujet de cette nouvelle agence canadienne de la lutte antiparasitaire, vous avez dit qu'il y avait à un moment donné 125 employés, et que le nombre est passé depuis à 400. Peut-être faudrait-il tirer les choses au clair, non seulement pour l'ensemble du comité mais pour nos amis du Parti réformiste. Il est vrai qu'il y avait seulement 125 employés précédemment mais ils étaient tous au ministère de l'Agriculture. Les 400 personnes qui en font maintenant partie représentent les cinq ministères qui avaient précédemment leurs propres activités, c'est-à-dire Santé, Environnement, et tout le... Maintenant, toutes ces opérations sont fusionnées.

Les activités de lutte antiparasitaires ne sont pas seulement fusionnées... À un moment donné, il fallait entre cinq et sept ans pour homologuer un nouveau produit, alors que maintenant nous visons 18 mois à deux ans, ce qui sera beaucoup plus efficace. Il est vrai que le recouvrement des coûts n'a pas été prévu, mais à un moment donné, si vous aviez essayé de connaître la totalité des dépenses et le travail qui était fait dans ces cinq ministères différents pour homologuer un produit, vous n'auriez pas été en mesure de savoir... C'est le ministère de l'Agriculture que nous avons examiné en détail, mais nous n'avons pas vraiment été mis au courant des coûts dans les autres ministères. Maintenant tout relèvera d'une seule agence de réglementation. Donc, s'il y a plus de personnel, c'est que...

Je suis tout à fait d'accord avec bon nombre de choses qui sont actuellement en cours. Vous, monsieur Wilkinson, êtes en négociations avec le ministère concernant le recouvrement des coûts, etc.

M. Wilkinson: C'est-à-dire que nous aimerions croire qu'il s'agit de véritables négociations. Nous n'avons pas encore eu notre première réunion, mais d'après ce qu'on m'a dit, elle va avoir lieu un de ces jours. Pour le moment, nos négociations prennent la forme d'échange de documents.

Évidemment, il n'est pas tellement utile, dans le contexte de cette réunion, de parler en détail de tous les chiffres. Nous allons vous fournir toute cette information, qui est d'ailleurs volumineuse. Nous sommes fondamentalement en désaccord avec tout ce débat sur les chiffres. En ce qui nous concerne, c'est très simple. Les aliments passent librement la frontière. Par conséquent, avoir un système au Canada qui est très différent tout en étant plus coûteux et plus lourd que le système américain, alors que notre principal partenaire commercial est les États-Unis, n'a rien à voir avec la santé et la sécurité des aliments; c'est tout simplement le résultat d'une agence devenue incontrôlable.

Nous aimerions rectifier le problème. Nous offrons au gouvernement de bénéficier de notre expertise pour corriger l'erreur qui, d'après nous, a été commise dans ce domaine. Nous sommes prêts à vous fournir une copie du mémoire de 30 pages que nous avons préparé à ce sujet - qui présente tous les détails - et à vous rencontrer à n'importe quel moment pour en discuter. On m'a déjà dit que j'ai trop insisté là-dessus aujourd'hui devant le Comité des finances, alors je ne vais plus perdre de temps là- dessus.

.1105

M. Pillitteri: Monsieur Wilkinson, n'oublions pas que l'harmonisation se fait petit à petit.

M. Wilkinson: Mais plutôt lentement.

M. Pillitteri: Nous n'avons pas encore réglé ce problème, mais vous devez admettre que nous sommes au moins sur la bonne voie, par rapport à l'an dernier ou il y a quelques années quand nous essayions de trouver une solution. Le gouvernement a déjà pris des mesures.

Je suis d'accord avec vous - notamment sur la question du recouvrement des coûts - que les mesures prises laissent un petit peu à désirer. Mais il ne faut surtout pas laisser croire au public que nous avons créé une immense bureaucratie qui n'existait pas précédemment. Elle existait mais dans plusieurs ministères différents...

M. Wilkinson: Mais c'est justement ce que vous avez fait, parce que 125 personnes effectuaient ce travail précédemment. Nous avons des preuves bien documentées pour le prouver. Maintenant ce nombre passe à 400, et ça aussi, c'est un fait. Les 125 personnes en question n'étaient pas toutes au ministère de l'Agriculture.

Comme je le disais tout à l'heure, il y a eu certains progrès. Mais ces progrès ne sont pas suffisants, à notre avis. Dans les cas où vous avez opéré une certaine harmonisation et préparé un plan de travail conjoint pour trois produits, nous sommes très contents parce que cela nous semble excellent. Si tous les produits étaient traités de la même façon, nous ne serions pas en train de nous plaindre du régime mis en place par l'ACLA. Mais certaines indications nous donnent de l'espoir, et nous espérons sincèrement qu'il sera possible de régler ce problème dans un très proche avenir.

M. Pillitteri: Merci.

Le président: Merci, monsieur Pillitteri.

M. Pillitteri a indiqué qu'il est cultivateur de fruits tendres et viticulteur. Au cas où certains témoins ou d'autres membres autour de la table ne sauraient pas ce que c'est que la viticulture, en l'occurrence, cela veut dire Pillitteri Estates Wines...

Des voix: Oh, oh!

Le président: ...qui a gagné un grand nombre de prix internationaux et donc, je me permets, à titre personnel, de vous les recommander vivement.

Une voix: Il faudra mentionner cela à la période des questions. Que je sache, la publicité qu'il vient de faire n'a pas été payée.

Le président: Oui, elle relève d'une initiative de recouvrement des coûts mis en place par le président. Merci.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Monsieur Rocheleau, vous avez la parole.

[Français]

M. Rocheleau: J'aimerais adresser une question à M. Hébert de l'UPA. Le gouvernement fédéral a instauré une politique de recouvrement des coûts basée sur le principe de l'utilisateur-payeur. Dans le rapport de la Fédération canadienne de l'agriculture, on émet certaines réserves à cet égard. J'aimerais connaître la position de l'UPA à ce sujet.

M. Hébert: Notre position est tout à fait semblable à celle de la Fédération canadienne de l'agriculture. Nous suivons ce dossier de très près. Les pressions sont partout les mêmes et chaque province vit ces problématiques de la même façon. M. Wilkinson a bien exprimé le problème que nous vivons, à savoir qu'il est difficile de faire une distinction entre ce qu'est un recouvrement de coûts et la valeur réelle qu'un service devrait donner.

Il y a quelques années, le secteur laitier au Québec a connu une expérience. Les producteurs ont exigé une révision complète d'un service gouvernemental. Plusieurs millions de dollars étaient en jeu, avant qu'on ne recouvre la totalité des coûts auprès des industriels. On a réduit de 50 p. 100 les frais d'opération et offert un service à peu près identique. Alors, il y a une problématique de coûts. Il y a aussi une problématique quant à la définition d'un bien public.

C'est quelque chose qui n'est pas facile à faire et on a l'impression que le gouvernement se sert peut-être présentement de cette porte pour mettre une foule de choses dans le même panier. C'est une problématique parce qu'actuellement, au niveau international - il ne faut pas suivre beaucoup de réunions internationales pour s'en rendre compte - , les grands enjeux qu'on entrevoit pour les prochaines années vont se jouer sur les barrières techniques, phytosanitaires et sanitaires, ainsi que l'environnement, autant de choses qui vont nécessiter des interventions gouvernementales, parce que partout au monde, on se prépare à changer les barrières tarifaires pour des nouvelles barrières. Est-ce que ce sont les producteurs agricoles au Canada et au Québec qui vont devoir assumer ces frais? C'est une problématique qui est très sérieuse que celle du recouvrement des coûts.

M. Rocheleau: Est-ce qu'on peut tenir pour acquis que le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire s'est engagé à consulter les utilisateurs avant de déterminer quels services il rendra? Ce ministère saura-t-il faire mieux que le ministère des Pêches et des Océans? On se souvient de l'expérience vécue avec la Garde côtière et de son attitude face aux utilisateurs des ports du fleuve Saint-Laurent. C'est la Garde côtière qui déterminait elle-même quels services elle prétendait rendre, et ce au grand dam et au grand détriment des utilisateurs.

M. Hébert: Non. Il existe quand même un minimum de consultation, bien que l'on doive se demander si cette consultation ou ce processus est toujours réel. La Fédération canadienne de l'agriculture a entrepris des démarches très actives dans chaque province et on se rend compte qu'il vaut mieux travailler sur tous les fronts et non pas seulement sur le front de la consultation, qui est souvent bien superficielle et qui est là uniquement pour qu'on puisse dire qu'on a été consultés.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Rocheleau.

[Traduction]

Madame Whelan.

.1110

Mme Whelan: Merci, monsieur le président.

Je voudrais dire tout d'abord que je suis content que M. Benoit soit parmi nous aujourd'hui, parce que M. Grubel nous a dit l'autre jour qu'il avait une liste d'autres réductions agricoles mais qu'il ne pouvait pas nous en parler. J'espère que vous aurez l'occasion de lui en parler après la réunion d'aujourd'hui.

Le président: Madame Whelan, vous devriez avoir honte de faire de la politique pendant nos audiences.

Mme Whelan: Mais pas du tout.

Je suis ravie que vous soyez parmi nous aujourd'hui. J'espère que vous allez lui en parler, parce qu'il a bel et bien mentionné cette liste, et si cela nous inquiète autant, c'est parce que nous ne l'avons pas encore vue.

Je voulais vous parler un peu des États-Unis. Je trouve très préoccupant ce que vous nous avez dit aujourd'hui, à savoir qu'il semble offrir à leurs agriculteurs un certain nombre d'avantages que nous n'offrons pas au Canada. Ce qui me semble encore plus important, c'est que notre recherche continue d'être financée à un certain niveau. Je me demande si quelqu'un voudrait me dire si le financement actuel est suffisant ou non, quelle orientation nous devrions prendre à cet égard et si nous suivons ou non ce qui se fait aux États-Unis.

Ma dernière question est la suivante: j'aimerais savoir si quelqu'un a fait une analyse de toute la question du recouvrement des coûts. Quelle en est la valeur pour les consommateurs et quelle en est la valeur pour les producteurs? Quelqu'un serait-il au courant d'une étude de ce type?

M. Wilkinson: Que je sache, il n'y a pas eu de véritables études, à part celle qui portait sur des éléments bien précis. L'utilité de la chose varie énormément, selon le produit et le degré de recouvrement qui existe déjà dans le secteur en question. Par exemple, le secteur des céréales supporte le coût du classement et d'un certain nombre d'autres services depuis fort longtemps. Dans le cas du bétail et de la volaille, il s'agissait surtout de les amener au même point.

Là où ça devient préoccupant... Même dans le secteur des céréales, les agriculteurs acceptent de payer les opérations de classement et bon nombre d'autres services. Là où le lien n'est plus aussi clair, c'est quand on vous demande s'assumer une partie des coûts de la garde côtière parce qu'un bateau mouille dans un port où on procède au chargement des céréales. C'est là qu'on commence à dépasser les bornes et que le céréaliculteur proteste en disant: «Ça commence à suffire». Nous n'avons aucun contrôle sur les activités de la Garde côtière. Si l'on nous oblige à payer cette facture, nous allons peut-être décider de laisser tomber le déglaçage dans certaines zones, alors qu'il peut s'agir d'une directive et d'un besoin essentiel pour bon nombre d'autres personnes.

Quand le lien devient à ce point ténu, les gens commencent à se dire que le véritable objet de l'opération est de générer des recettes plutôt que de s'assurer que ceux qui en profitent paient. Même là, certains coûts associés aux navires qui mouillent dans les ports vont devoir être payés; mais là ce qu'on nous demande va beaucoup trop loin.

Je sais que certaines études ont été faites. Les Syndicats du blé des Prairies, si je ne m'abuse, ont mené pas mal d'analyses du recouvrement des coûts dans la manutention des céréales, et nous pourrions peut-être vous les faire parvenir. Mais, que je sache, aucune étude visant l'ensemble de l'industrie n'a encore été effectuée.

Pour ce qui est de la recherche, je crois que nous pourrions vous obtenir des renseignements. Je ne les ai pas avec moi aujourd'hui. Je ne peux pas vous dire de mémoire à quel niveau la recherche est financée aux États-Unis et dans certains pays européens. Je sais, par contre, que des changements fondamentaux sont également en cours là-bas - c'est-à-dire que les gouvernements réduisent les activités de recherche, ce qui inquiète beaucoup le secteur agricole.

Il y a une chose que je trouve particulièrement intéressante. Un sommet mondial sur l'alimentation va avoir lieu dans deux semaines - sommet où l'on va surtout parler de ce qui peut être fait pour nourrir non seulement les 800 millions de personnes qui souffrent de malnutrition, mais vu les extrapolations qui ont été faites en matière d'accroissement démographique... et en même temps, tout le monde affirme que nous perdons notre production agricole pour toutes sortes de raisons. Il me semble... je ne comprends vraiment pas pourquoi un pays voudrait réduire ses dépenses au titre de la recherche et du développement dans le secteur agroalimentaire, alors que nous avons désespérément besoin d'accroître la production de 50 p. 100 au cours des 15 prochaines années pour répondre à la demande.

Donc je ne pense pas que nous devrions regarder en arrière quand nous parlons de recherche et développement. Nous devrions plutôt nous pencher sur les besoins - nous savons que ces activités requièrent beaucoup de préparation - et nous devrions essayer de faire concorder les besoins en matière de consommation avec les activités de recherche et la technologie disponible actuellement.

M. Rice: Je pense en fait à un certain nombre d'études. Nous avons déjà reconnu que le classement est une activité qui profite principalement au secteur privé et nous avons donc favorisé sa privatisation. Mais des études ont montré que, malgré tout, les retombées publiques découlant du travail, de la recherche et des programmes relatifs au classement étaient énormes. Ceci a mené à une hausse de l'indice de conversion des aliments chez les animaux que nous élevons, surtout en ce qui concerne les bovins et les porcs ainsi que pour d'autres espèces. On peut donc dire que c'est une activité qui profite aux contribuables et aux consommateurs, et de façon très substantielle.

.1115

Dans le domaine de la recherche, je sais qu'au moins une étude a été menée à l'Université de Guelph, je pense, et que celle-ci a permis de calculer que ces retombées sont de l'ordre de 40 pour 1 - je pense que je pourrais retrouver ces données - pour ce qui est de la recherche conduite dans le secteur public. Tous ceux qui travaillent dans le domaine de l'agriculture savent combien il est difficile pour un producteur de bénéficier suffisamment d'une recherche pour pouvoir ensuite réinvestir ces avantages dans de nouvelles recherches.

Dans la plus grande majorité des cas, ces avantages sont répercutés rapidement vers les consommateurs, qu'il s'agisse de retombées au niveau interne ou à l'exportation. À mon avis, il s'agit surtout des retombées internes puisque c'est encore vers les marchés internes que nos produits sont acheminés. Je pense que la capacité d'une compagnie pharmaceutique de retirer des avantages de la protection que confère un brevet ou d'autres droits sur la propriété intellectuelle est plus grande que dans le cas de l'agriculteur moyen. C'est pour cette raison que je pense qu'il existe encore d'excellentes raisons pour investir l'argent des contribuables dans la recherche. En tous les cas, je ne vois pas de raison de réduire ces investissements.

Mme Whelan: Merci.

Le président: Merci, madame Whelan. Monsieur Cullen, vous avez la parole.

M. Cullen (Etobicoke-Nord): Merci, monsieur le président.

Je vous remercie, mesdames et messieurs. Je suis désolé d'avoir manqué la première partie de votre exposé. Je viens d'une circonscription urbaine et je suppose que le seul type d'agriculture qui se pratique dans une circonscription de ce genre est de nature illégale...

Des voix: Ah, ah!

Le président: Vous supposez ou vous savez?

M. Cullen: Je pense que je préfère invoquer le cinquième amendement.

Pour ce qui est du recouvrement des coûts, des compagnies implantées dans ma circonscription se plaignent que certains ministères font des excès de zèle et vont des fois un peu trop loin. On fait payer les compagnies pour les réglementer. Les patrons de ces entreprises me disent que ça ne les dérangerait pas si au moins ils pouvaient relever une amélioration des services, car ceci pourrait donner lieu à certains avantages concurrentiels, ce qui n'est pas négligeable. Pourriez-vous nous donner votre avis là-dessus? Vous avez peut-être parlé de ceci précédemment, mais en ce qui concerne les frais imposés pour la réglementation et le niveau de service avez-vous remarqué une amélioration de service?

Ma seconde question concerne l'impôt sur la capital imposé aux grandes sociétés. J'ai parcouru les exposés mais n'ai rien trouvé à ce sujet. Il semble que quelques-unes de vos entreprises soient capitalistiques. Peut-être qu'il s'agit de petites entreprises, ce qui fait que vous ne vous intéressez pas à l'impôt sur le capital imposé aux grandes sociétés ou peut-être que vous avez juste cessé de vous y intéresser.

Avez-vous des commentaires à formuler sur ces deux questions?

M. Caldwell: Je vais tenter de répondre à la première. Nous pensons quelquefois que nous représentons uniquement les producteurs, mais je pense qu'il y a d'autres groupes concernés. Il y a un autre groupe d'entreprises qui sont aussi très fortement touchées, qu'il s'agisse de l'industrie du conditionnement de la viande, ou de reconditionnement ou d'autres choses. La chaîne alimentaire est très longue... Ils fabriquent des produits spécialisés. Ils doivent tous payer des frais d'utilisation. Il n'y a pas que les producteurs.

Mais malheureusement dans de nombreux cas ces coûts sont assumés par le producteur. Il se peut que Maple Leaf Foods les paie directement, mais vous pouvez être sûrs que ces prix sont répercutés sur le producteur. Nous subissons ces coûts dans ce domaine particulier, mais ils sont aussi touchés et font connaître leur mécontentement par l'intermédiaire de groupes comme le Conseil des viandes du Canada ou d'autres organismes. Il n'y a pas que nous.

Par contre, je ne répondrai pas à l'autre question au sujet de l'impôt des grandes sociétés.

Le président: Vous avez quelque chose à dire à ce sujet, monsieur Wilkinson?

M. Wilkinson: Non. Ce n'est pas une question qui nous concerne, alors je n'ai rien à dire pour l'instant.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Cullen.

D'autres commentaires? Madame Chamberlain, je vous en prie.

Mme Chamberlain: J'aimerais mentionner quelque chose et peut- être poser une question au président. Mes commettants m'ont posé beaucoup de questions au sujet de l'ACLA et je sais que c'est un sujet qui suscite beaucoup d'inquiétudes. Pourrions-nous demander au président de consentir à approcher le président du caucus rural ou le ministère ou le secrétaire parlementaire pour leur signaler que cette question a été évoquée lors de ces audiences? Peut-être que le président pourrait suggérer que des rencontres soient organisées ou qu'un processus de consultation quelconque soit lancé. Je pense en effet que cette question est loin de faire l'unanimité.

Le président: Madame Rutherford.

Mme Sally Rutherford (directrice générale, Fédération canadienne de l'agriculture): Je vais juste faire un ou deux commentaires sur cette question et tenter de l'élargir pour y inclure le sujet que nous débattons aujourd'hui, parce que je pense qu'elle a une incidence sur la création de recettes gouvernementales.

.1120

Les discussions menées au sujet de l'ACLA ont permis de faire ressortir l'existence de quelques véritables problèmes, comme Jack l'a dit précédemment, concernant la création des organismes de services spéciaux et leurs mécanismes de responsabilisation. En tant que députés, vous devez avoir la garantie qu'il existe au sein du gouvernement un mécanisme de responsabilisation visant la façon dont les crédits sont recueillis et dépensés.

Ce que nous craignons c'est que les députés soient en train de perdre... pas nécessairement le contrôle mais leur capacité d'influencer ce qui se passe au sein de la fonction publique. Le recouvrement des coûts est certainement une question importante, mais la responsabilisation est une question aussi importante pour nous et nous estimons qu'elle devrait l'être également pour vous en tant que députés.

Mme Chamberlain: Je suis d'accord avec vous.

Il est absolument essentiel au travail de ce comité que des témoins comme vous et ceux qui ont comparu devant nous au cours de ces dernières semaines évoquent ces questions et nous les rappellent constamment parce que, comme vous l'avez dit, c'est à nous, députés, de les traiter le plus efficacement possible. M. Caldwell ne nous a pas caché qu'il estime qu'il existe un domaine où les choses auraient pu être faites différemment. Si après enquête ces allégations s'avèrent fondées, il est de notre devoir de nous assurer d'apporter les rectificatifs nécessaires.

Ne pensez jamais que, quand vous faites ce genre de dépositions devant nous, vous ne serez pas entendus. Bien au contraire. Il ne se passe pas de jour sans que trois ou quatre questions soulevées par des témoins soient soumises à des ministres ou mises à l'étude. Vos dépositions ont bien plus d'écho que vous ne le supposez.

Le président: Merci, madame Chamberlain.

M. Caldwell: Puis-je faire un commentaire?

Le président: Je vous en prie, monsieur Caldwell.

M. Caldwell: Vous jugerez vous-même de sa pertinence.

Beaucoup de gens nous demandent si les bureaucrates les écoutent et se soucient d'eux. Il me semble que les choses ont changé par rapport à cet été. M. Vanclief, qui était président à cette époque, a écrit une lettre à M. Goodale pour faire état de ses préoccupations à l'égard des frais d'utilisation, et je pense que cela a eu un effet, si infime soit-il, sur la poursuite des négociations depuis lors. Je ne dirais pas qu'ils ont perdu toute agressivité, mais il semble que maintenant on peut au moins leur parler.

Souvenez-nous que nos interlocuteurs ont également reçu des ordres et il est injuste d'en faire nos boucs émissaires, ce que nous faisons pourtant. Ils ont reçu l'ordre de procéder à ces coupures. Quand ils rencontrent leur sous-ministre ou leur sous- ministre adjoint à leurs réunions mensuelles, ils doivent pouvoir leur dire: oui j'ai encore coupé 5 millions de dollars, puisque ce sont les ordres qu'ils ont reçus.

Ce sont là nos interlocuteurs, mais nous espérons que les messages que nous leur envoyons sont retransmis vers le haut.

Nous avons donc enregistré un petit changement depuis la lettre de M. Vanclief, mais peut-être que les députés ou les membres d'autres comités ne sont pas d'accord avec moi.

Mme Chamberlain: Je suis contente de voir que vous pensez que les communications semblent un petit peu plus faciles maintenant. Je crois fermement que les communications ouvrent des portes et permettent de faire la lumière sur certaines questions. C'est pourquoi je suis ravie de vos commentaires, monsieur Caldwell.

Le président: Madame Brushett, vous vouliez faire une dernière brève intervention.

Mme Brushett: Oui, très rapide en effet. Merci, monsieur le président.

Nous avons appris que les banques aimeraient signer un accord de partenariat avec la Société du crédit agricole. J'aimerais savoir ce que vous pensez à ce sujet. Seriez-vous favorables à un tel partenariat?

M. Wilkinson: Je dois dire que les banques ont récemment conclu certains accords avec la Société du crédit agricole. Lorsque les banques seront décidées à... En fait, non, je ferais mieux d'être prudent.

Des voix: Oh, oh!

M. Wilkinson: Je pense que nous sommes arrivés au point où le mandat de la SCA ne devrait plus être élargi même s'il est encore possible de lui apporter quelques changements mineurs. Nous pensons que son orientation principale doit encore être le prêt au producteur primaire et au secteur agroalimentaire en ce qui concerne à la fois les facteurs de production et la valeur ajoutée. La Société n'a pas besoin de devenir un prêteur rural pour tous ceux qui veulent faire construire un petit centre commercial et quand je dis «petit centre commercial» je veux dire des magasins.

.1125

Donc, dans la mesure où la SCA et les banques peuvent collaborer... Étant donné le mandat actuel de la SCA, il est clair qu'elle n'est pas en mesure d'offrir des marges de crédit d'exploitation et d'autres services de même genre, et par conséquent, il y aura toujours un besoin de grands projets et initiatives, même si ces derniers devraient à mon avis être de durée limitée. Nous voulons que la SCA se concentre sur les prêts agricoles.

Dans certaines régions rurales, les banques ne jouent plus tellement ce rôle, et nous avons donc besoin d'un prêteur privilégié. D'après nous, cela ne coûte rien au gouvernement. Au contraire, la SCA fait des profits et nous avons besoin d'elle.

Mme Brushett: Autrement dit, n'y touchez pas.

M. Wilkinson: Voilà.

Mme Brushett: C'est bien ça votre message? Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Brushett.

Mary Pat MacKinnon.

Mme Mary Pat MacKinnon (directrice des Politiques, Association canadienne des coopératives): Je voudrais faire quelques observations au nom de la Centrale des caisses de crédit du Canada.

La question de la Société du crédit agricole revêt une importance critique pour l'ensemble des caisses de crédit au Canada. Elles en ont déjà parlé devant le Sénat et le Comité des finances, et je tiens à vous faire remarquer que dans l'optique des caisses de crédit, des centrales de caisses de crédit provinciales et des caisses de crédit individuelles dans l'ouest du pays, le problème n'est pas l'activité principale de la Société du crédit agricole; nous voulons surtout nous assurer que les partenariats qui sont formés sont vraiment complémentaires, plutôt que concurrentiels. Autrement dit, le rôle de la Société du crédit agricole n'est pas d'offrir des services financiers analogues à ceux qui sont déjà dispensés par les caisses de crédit.

J'insiste bien sur ce point, c'est-à-dire que notre secteur souhaite établir des partenariats appropriés dans des domaines où les activités des uns et des autres peuvent se compléter, mais ne veut pas qu'un organisme gouvernemental concurrence les institutions financières déjà en place.

Le président: Merci, madame MacKinnon.

Y a-t-il quelqu'un qui estime ne pas avoir eu suffisamment de temps pour faire valoir ses arguments? Dans ce cas, je propose que nous prolongions la séance de quatre heures, monsieur Wilkinson.

Je sais, monsieur Lafrenière, que vous avez été maltraité, une fois de plus, par M. Wilkinson. Voulez-vous...

M. Lafrenière: Pour vous dire la vérité, il n'a pas vraiment prouvé le bien-fondé de ses affirmations, à mon avis. Il s'est contenté de dire qu'il n'était pas impressionné. Mais moi, je ne suis pas non plus impressionné par quelqu'un qui profite du fait que le contribuable supporte deux tiers des coûts. Je maintiens simplement que nous devons examiner le programme. Le secteur privé voudrait pouvoir offrir un programme d'assurance-récolte.

Ce programme est fortement subventionné. Je ne dis pas qu'il faut éliminer toutes ces subventions. Mais quand on décide de créer dix monopoles... le fait est que les polices actuellement offertes ne sont pas aussi bonnes qu'elles devraient l'être. Nous serions en mesure d'offrir de meilleures polices à un meilleur prix si on nous accordait les mêmes subventions que celles actuellement accordées aux 10 provinces.

Donc, peut-être conviendrait-il d'examiner en profondeur ce programme. Je ne prétends pas qu'il faut éliminer les subventions, mais d'un autre côté, il conviendrait peut-être de les donner à quelqu'un d'autre.

Le président: Merci. Y a-t-il des témoins qui voudraient prendre 30 secondes pour résumer leur principal message au comité?

M. Wilkinson: J'aimerais remercier le président. Je trouve que le comité est beaucoup plus accueillant cette année. Je ne sais pas si c'est parce que les élections sont pour bientôt, mais cette fois-ci, l'expérience a été relativement agréable pour nous également. Merci infiniment.

Le président: Je vous en prie. C'est certainement parce que nos témoins sont si agréables.

M. Caldwell: Je n'ai pas l'intention de faire de résumé, mais je voudrais tout de même dire qu'à mon avis, vous allez un peu trop loin avec le recouvrement des coûts; vous ne servez même plus de café.

Mme Brushett: Oui, je suis tout à fait de votre avis. Je peux à peine fonctionner.

Le président: Nous économisons aux contribuables canadiens environ 150$ la réunion en n'offrant pas de café gratuit; mais c'est notre petite contribution à une entreprise de grande envergure.

M. Caldwell: J'aurais une remarque à faire. En ce qui concerne le recouvrement des coûts, il convient de se rappeler, à mon avis, que les producteurs ne font pas de distinction entre les dépenses agricoles et les dépenses publiques en général. Mais ce que vous venez de dire me semble très sensé, parce que c'est l'équivalent des droits de licence pour 100 bovins qui traversent la frontière.

Le président: Exactement. C'est plus que vos profits pour un seul bovin.

Martin Rice.

M. Rice: Je pense que nous avons bien expliqué notre position. Merci.

Le président: Monsieur Lafrenière.

M. Lafrenière: J'aimerais simplement vous remercier de nous avoir invités à comparaître.

Le président: Merci.

Monsieur Hillier.

M. Hillier: Je voulais vous dire que nous préférons la formule que vous avez adoptée pour les consultations de cette année, par rapport à celle de l'an dernier, car elle nous permet de mettre l'accent sur les principales préoccupations de nos membres, au lieu d'avoir à nous laisser guider par des questions précises qui peuvent ou non cadrer avec les intérêts de nos membres. Donc, merci d'avoir modifié la formule.

Le président: Merci beaucoup.

.1130

[Français]

Madame Babin.

Mme St-Pierre Babin: Nous avons aussi été très heureux du format utilisé cette année. Il nous permet surtout de démontrer, on l'espère, un peu mieux que les coopératives peuvent apporter une solution durable au problème de la pénurie d'emplois dans les communautés.

Le président: Merci. Monsieur Hébert.

M. Hébert: Je pense également que ce fut une matinée agréable. Tout ce qu'on peut espérer, c'est que pour un fois, vous nous oublierez un petit peu plus dans le prochain budget.

[Traduction]

Le président: Monsieur Phillips.

M. Phillips: J'espère que vous allez vous souvenir un peu de nous. Quand vous serez prêts à imposer des mesures de réduction des coûts ou des subventions, j'espère que les membres du comité se souviendront que c'est dans l'intérêt de tout le monde de s'assurer que ces réductions sont coordonnées en collaboration avec l'industrie et tiennent compte des pratiques du secteur.

Le président: Madame Rutherford.

Mme Rutherford: Je cède ce privilège à mon président.

M. Wilkinson: Je voudrais vous remercier pour la formule que vous avez retenue dans ces consultations. En invitant des gens qui ont des intérêts semblables, la discussion peut se développer progressivement de sorte que les arguments des uns et des autres se complètent. Par le passé, il nous est arrivé d'être invités avec les représentants d'autres secteurs, et on avait un peu l'impression qu'on n'avait pas bien saisi les questions qui nous semblaient prioritaires, alors que l'idée d'inviter un grand nombre de représentants du secteur agricole m'a semblé bien utile - j'espère que vous, aussi, les trouvez utiles. Nous avons pu explorer en détail un certain nombre de questions, et cela n'aurait pas été possible autrement.

Le président: Merci, monsieur Wilkinson. J'aimerais bien pouvoir m'attribuer le crédit de cette formule, mais c'est en fait à nos greffiers que la devons. Ce sont eux qui ont coordonné ce groupe de témoins, et je tiens à dire, comme vous, à quel point nous apprécions l'excellent travail qu'ils ont fait pour le comité.

Nous avons entendu aujourd'hui les représentants d'un secteur qui est souvent négligé, parce qu'il est rural et que sa population est relativement faible, par rapport à la population globale du pays. Par contre, l'immense production de votre industrie fait de votre secteur l'un des plus importants du pays. Non seulement vous êtes des exportateurs et des producteurs, mais vous remplissez une fonction essentielle, celle de nourrir les Canadiens et les populations à l'étranger. Vous nous avez montré aujourd'hui que vous êtes des chefs de file mondiaux sur le plan de la compétitivité, et ce, malgré l'importante diminution des subventions qui vous étaient accordées, et qui ont été réduites de moitié, dans le cadre de nos efforts pour éliminer le déficit.

Vous nous avez parlé aujourd'hui de certains problèmes dans votre secteur. Vous nous encouragez à intensifier nos efforts de libéralisation des échanges parce que vous voulez accéder à davantage de marchés étrangers. Toutefois, vous nous avez également parlé de la nécessité de mettre tout le monde sur un pied d'égalité, en faisant ressortir le fait que d'autres pays - notamment les États-Unis et l'Union européenne - accordent encore des subventions à leurs producteurs agricoles. En tant que gouvernement, nous ne devons jamais perdre de vue qu'une production diminuée dans le secteur agricole n'est pas du tout souhaitable.

Vous avez abordé un certain nombre de questions fiscales qui vous touchent tout particulièrement, en notant que de faibles taux d'intérêt sont utiles. Je peux vous assurer qu'aucune initiative n'est prévue, que je sache, qui aurait pour effet de modifier l'exemption de 500 000$ dont profitent actuellement les agriculteurs pour les gains en capital. Je n'appuierai jamais un tel changement, et je pense qu'il en va de même pour les autres membres du comité.

Vous avez également parlé de la recherche et de la question de savoir à qui elle profite, notamment dans le cadre d'un programme de partage des frais de la recherche. Vous avez clairement indiqué que le programme de recouvrement des coûts, tout en étant nécessaire pour réduire le déficit, donne lieu à toutes sortes de questions en ce qui concerne la responsabilité et le fait de savoir si ce programme permet vraiment de diminuer les coûts tout en assurant l'efficacité des règlements. Vous avez mentionné, entre autres, la lutte antiparasitaire. Comme le disait Mme Chamberlain, nos membres se feront un plaisir d'attirer l'attention d'autres membres du caucus pour qu'ils s'occupent d'agriculture, et du ministre, sur ce problème.

Je voudrais vous dire une autre chose. Vous êtes l'exemple même du type d'industrie que les Canadiens devraient applaudir et soutenir, parce que vous avez fait la démonstration de votre grande expertise et nous avez prouvé que les producteurs canadiens dominent les marchés mondiaux. C'est important non seulement pour nous, mais pour tous les Canadiens, à cause de l'incidence sur notre balance commerciale et notre compte courant. Comme quelqu'un le disait, c'est très important parce que nous sommes un pays riche et nous avons donc l'obligation de jouer un rôle sur la scène internationale en répondant aux besoins alimentaires et aux autres besoins fondamentaux des populations qui meurent de faim.

.1132

Je vous félicite donc au nom de tous les membres, et je vous remercie infiniment de votre présence.

Je lève donc cette séance de nos consultations prébudgétaires. Nous allons bientôt reprendre à huis clos pour discuter de notre réponse au Livre blanc.

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