[Enregistrement électronique]
Le lundi 4 novembre 1996
[Français]
Le président: À l'ordre, s'il vous plaît. Le Comité des finances de la Chambre des communes est très heureux de vous recevoir comme témoins cet après-midi.
Nous recevons Brent Mooney et Morris Weinstock des Entreprises Bell Canada Inc., le professeur Luc Vallée de l'École des Hautes études commerciales, Richard Langlois de la Centrale de l'enseignement du Québec, Pierre Dubuc, Martin Poirier et Sylvain Charron de l'Université du Québec à Montréal, et Manuel Dussault de l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec.
Je vous remercie d'être venus. Je pense que nous pourrions commencer par un sommaire de la présentation de trois ou quatre minutes, et ensuite nous laisserons les députés vous poser des questions. Peut-être pourrions-nous commencer par vous, monsieur Mooney et monsieur Weinstock.
[Traduction]
M. Brent Mooney (vice-président adjoint, Fiscalité, Entreprises Bell Canada Inc.): Bon après-midi. Je suis le vice-président adjoint chargé de la fiscalité de BCE Inc. et je représente ici Bell Canada et plusieurs autres de nos filiales.
BCE est une société de gestion stratégique et de portefeuille dont les principales filiales et compagnies associées sont des fournisseurs de services et de matériels de télécommunications. Nous comprenons pleinement l'importance du processus de consultation budgétaire au Canada et apprécions de ce fait votre invitation à prendre la parole devant vous aujourd'hui et à exprimer nos vues sur les questions auxquelles, à notre sens, le gouvernement fédéral et les provinces devraient s'attaquer dans leur prochain budget.
Pour vous donner un peu de contexte, en 1995, le groupe BCE - dont les filiales comprennent Bell Canada, Nortel et BCE Mobile et qui possède des investissements dans les provinces maritimes et dans le Nord - employait 83 000 Canadiens, auxquels il versait une masse salariale de4,2 milliards de dollars. En outre, en 1995, le groupe a réalisé pour quelque 2,4 milliards d'investissements et a consacré 1,2 milliard de dollars à la R-D au Canada, dépenses qui ont créé un grand nombre d'emplois supplémentaires pour les Canadiens.
Nous payons une facture fiscale annuelle d'environ 1,3 milliard de dollars aux gouvernements fédéral et provinciaux et aux municipalités. L'une de ces taxes, la taxe sur les recettes brutes ou taxe sur les revenus, est une taxe spécifique imposée, particulièrement en Ontario, exclusivement à Bell Canada et tous ses concurrents actuels et futurs en sont exempts. Avec l'introduction de la convergence au Canada, les politiques fiscales qui visent une société, à l'exclusion de ses concurrents, défavorisent gravement celle-ci.
Le secteur des télécommunications est une industrie en profonde mutation. Notre principale filiale téléphonique, Bell Canada, a perdu son monopole et doit maintenant fonctionner comme une société visant la croissance. Bell doit se positionner de manière à affronter de plein fouet la concurrence mondiale, et les investisseurs n'évalueront plus les résultats de Bell uniquement par comparaison avec ses concurrents canadiens. La concurrence internationale est une réalité et les Canadiens doivent être compétitifs sous peine de périr.
Notre message concernant le budget de cette année est qu'il faut continuer à maîtriser le déficit au moyen de politiques visant à éliminer les pratiques non rentables plutôt que par des majorations d'impôt. La réduction du déficit a apporté des résultats tangibles pour les entreprises: les taux d'intérêts sont en baisse, les exportations en hausse et le dollar se raffermit. Tout comme les entreprises ne cessent de passer en revue leurs intrants de façon à maximiser la valeur de chaque dollar de revenu, le gouvernement doit continuer à analyser ses dépenses et supprimer celles qui n'apportent pas d'avantages économiques aux Canadiens ou ne sont pas dans leur intérêt bien compris.
Par exemple, nous applaudissons les efforts du gouvernement en vue d'instaurer une taxe de vente nationale au Canada. Nous demandons qu'il poursuive un dialogue vigoureux avec les provinces abstentionnistes dans le but de parvenir à une harmonisation complète d'un bout à l'autre du Canada. Deux taxes de vente administrées séparément, dans une province comme l'Ontario, représentent un gaspillage incroyable de ressources financières. Par ailleurs, les provinces non harmonisées sont défavorisées dans la concurrence avec les provinces harmonisées, car les entreprises ne peuvent déduire la taxe de vente qu'elles paient sur leurs intrants.
Nous pensons que si cet état de choses se maintient, les taxes de vente provinciales deviendront un facteur des choix d'implantation des entreprises, ce qui est dangereux d'un point de vue national. L'harmonisation autoriserait une diminution substantielle des coûts de perception et de contrôle tant pour le gouvernement fédéral que pour les gouvernements provinciaux, et ces économies pourraient être répercutées sur les contribuables par le biais de baisses de taux.
Il ne faut pas non plus limiter l'effort d'harmonisation aux taxes de vente. La plupart des provinces ont des régimes fiscaux très similaires à celui du gouvernement fédéral. Par exemple, une définition uniforme de l'assiette de l'impôt sur le capital représenterait une amélioration considérable par rapport à la situation actuelle. Les entreprises dépensent des sommes importantes pour se conformer à deux impôts très similaires, mais administrés séparément.
Il serait facile pour moi de me présenter devant vous aujourd'hui pour réclamer dans le prochain budget des réductions d'impôt massives pour les entreprises. Cependant, nous comprenons les contraintes financières du gouvernement et savons combien il lui serait difficile d'offrir de telles baisses d'impôt tout en préservant le tissu social de notre pays.
En outre, il est évident que le gouvernement est soumis à de fortes pressions afin qu'il préserve les recettes fiscales dont il a besoin pour couvrir les services qu'il fournit. Pourtant, le comité ne doit pas oublier que le taux d'imposition des sociétés au Canada se situe au quatrième rang des pays de l'OCDE. Par conséquent, des réductions de taux sont indispensables à l'avenir si l'on veut que nos entreprises puissent livrer concurrence sur le marché mondial à égalité avec leurs homologues des autres pays de l'OCDE.
Si les gouvernements peuvent percevoir et administrer de manière plus efficiente la vaste gamme de taxes pesant sur les entreprises, ces économies pourraient être répercutées sur les contribuables en ramenant les taux à des niveaux compétitifs avec ceux des autres pays.
La création de l'autoroute de l'information au Canada exigera des investissements de l'ordre de plusieurs milliards de dollars. Si les entreprises canadiennes de télécommunications sont plus lourdement imposées que leurs homologues étrangères, elles ne seront pas compétitives et seront moins incitées à consentir des investissements aussi lourds.
L'introduction de règles officielles de regroupement des pertes, à condition d'être judicieusement effectuée à l'échelle du Canada, rendrait les entreprises canadiennes plus compétitives avec leurs concurrentes étrangères, mais ne devra pas entraîner une baisse de recettes fiscales pour le gouvernement.
Comme vous l'imaginez bien, à l'intérieur de nombreux groupes de télécommunications, des sociétés différentes ont été créées pour des raisons réglementaires ou pour offrir des services différents. Chacune de ces sociétés devient à toutes fins pratiques un contribuable distinct, ce qui signifie que chacune doit remplir séparément une déclaration d'impôt. Il arrive souvent qu'une société affiche des pertes et une autre des profits, ce qui exige des structures et des montages fiscaux très complexes si l'on veut éviter cette situation fiscale inefficiente.
À notre avis, l'adoption de déclarations d'impôt regroupées au Canada allégerait le fardeau tant économique qu'administratif des entreprises, et libérerait en outre des ressources précieuses aux mains du gouvernement. Ces politiques ont déjà été adoptées aux États-Unis, dont les entreprises sont nos principales concurrentes. Des déclarations d'impôt groupées permettraient un calcul plus cohérent du revenu et du capital imposables, le remboursement combiné des paiements provisionnels etc., soit des économies tant pour le gouvernement que pour les entreprises.
J'aimerais consacrer le restant de mon exposé à une tendance inquiétante qui se manifeste aujourd'hui au Canada sur le plan du droit et des pratiques fiscales, à savoir l'incertitude. Bon nombre des sociétés de notre groupe ont beaucoup de mal à faire accepter par Revenu Canada leurs crédits de R-D d'années antérieures. Nous constatons que le ministère adopte des règles fiscales et donne des interprétations en matière de R-D aujourd'hui, mais les applique largement à titre rétroactif.
L'industrie des télécommunications, comme celle de haute technologie, est soumise à des changements rapides presque quotidiens. Une percée technologique opérée aujourd'hui apparaîtra presque comme quelque chose de routinier dans cinq ans, lorsque les demandes de crédit seront vérifiées. Il sera impossible aux vérificateurs d'évaluer équitablement cette demande, sur la base de ce qui existera dans cinq ans.
Les entreprises ne sont pas disposées à dépenser pour la R-D s'il y a un risque très réel que lorsque ces dépenses seront vérifiées dans cinq ans, les règles auront changé. Les mesures législatives et administratives engendrent l'incertitude et l'incertitude tue la croissance économique et, en fin de compte, l'emploi.
Les entreprises gaspillent des millions de dollars à essayer de justifier leurs crédits de R-D auprès de vérificateurs qui ont souvent des notions désuètes de la R-D et de l'admissibilité à ces crédits d'impôt. Il vaudrait mieux consacrer cet argent à faire de la R-D. C'est ainsi que l'on créera les emplois hautement qualifiés dont nous avons besoin pour fixer au Canada nos diplômés universitaires.
Mais un risque encore plus grand est de laisser se perpétuer cette incertitude des régimes fiscaux en matière de R-D. Pour nous, la réalité fondamentale est que le marché des télécommunications mondial s'ouvrira à tous les concurrents canadiens et étrangers d'ici la fin du siècle. Toute action du gouvernement ayant pour effet de décourager la recherche scientifique et le développement expérimental au Canada aura un effet néfaste sur la capacité des entreprises canadiennes de télécommunications à livrer concurrence sur le marché planétaire.
Le président: Je vous remercie, monsieur M. Mooney. Si vous le permettez, je vais vous interrompre là. Je vous donnerai assez de temps plus tard pour achever votre exposé. J'aimerais simplement donner à chacun la possibilité de s'exprimer.
M. Mooney: J'en suis à mon dernier paragraphe, si vous me permettez d'achever.
Le président: D'accord.
M. Mooney: Je vous remercie.
En conclusion, le moment est venu pour le gouvernement fédéral d'envoyer aux entreprises le signal voulu, dans son prochain budget. S'il est vrai que des coupures d'impôt sur le revenu iraient à l'encontre de la réduction du déficit, des baisses de charges sociales, notamment des cotisations dans le domaine de l'assurance-emploi qui affiche actuellement un excédent, aideraient les entreprises à rester compétitives à un moment crucial. Il faut mettre fin à l'incertitude inutile qui imprègne le régime fiscal, de façon à inciter les entreprises à investir dans l'avenir du Canada.
Je vous remercie de votre attention.
Le président: Je vous remercie, monsieur Mooney.
[Français]
Le professeur Luc Vallée, s'il vous plaît.
M. Luc Vallée (professeur, Département des sciences économiques, École des Hautes études commerciales): Merci. Parce que nous manquons de temps, je vais me concentrer sur une remarque qui me tient à coeur, soit la réforme des régimes de pension privés et publics et les REER. Je crois qu'il est temps qu'on s'occupe de ce problème de façon urgente.
La plupart des régimes de pensions sont sous-capitalisés et, sous plusieurs aspects, ils sont injustes de la façon dont ils ont été construits. Si vous voulez un exemple concret, il est impossible ou très difficile de transférer des fonds d'un plan à un autre ou d'un plan à un REER. Ce problème est très important puisque aujourd'hui, on demande aux Canadiens de devenir employables. On parle beaucoup d'employabilité et on leur demande d'accepter de changer d'emploi beaucoup plus souvent. Si on continue à fonctionner avec des régimes qui ont été construits pour des travailleurs qui gardaient leur emploi toute leur vie, on prive ces travailleurs, qui jouent le jeu qu'on leur demande de jouer, d'un régime de pension ou d'une pension juste et équitable.
Je vais vous donner un exemple encore plus concret. Prenez l'individu A qui épargne toute sa vie dans son emploi qui a été garanti à vie et qui se retrouve avec une pension intéressante et suffisante pour assurer sa retraite, alors qu'un autre employé qui n'a pas réussi à maintenir son emploi ou qui, parce qu'on lui demande d'être flexible dans les années à venir, joue le jeu et n'a pas, à la fin de sa vie, de régime de pension suffisant pour assurer sa survie et celle de sa famille.
Il devient donc urgent de penser à être consistants dans nos demandes et de donner aux gens les moyens de subvenir à leurs besoins. C'est un cas qui me préoccupe puisque je m'attends à changer d'emploi dans les semaines ou les mois qui viennent. Une des raisons qui vont me faire accepter un nouvel emploi, c'est de savoir ce qu'on va faire de mon régime de pension auquel j'ai contribué pendant près de 10 ans et qui sera vraisemblablement jeté aux poubelles. Je récupérerai un certain montant, mais qui ne sera pas équivalent à la somme que j'aurais pu mettre dans mon REER si on m'avait permis de cotiser individuellement.
Alors, quelles sont les recommandations qu'il faut faire? Il y en a plusieurs.
Tout d'abord, les fonds de pension devraient tous être privatisés et individualisés de telle sorte que chaque personne puisse les transporter de l'endroit A à l'endroit B ou à l'endroit C, à tout moment dans le temps et dans l'espace. Ensuite, il faut remplacer les contributions déductibles et les bénéfices taxables par des contributions non déductibles et des bénéfices non taxables. Plutôt que de contribuer 6 000 $ cette année et d'obtenir une déduction de 6 000 $ sur mon revenu, je n'aurais plus droit à cette déduction. Par contre, l'argent qui serait mis dans mon fonds de pension individuel, REER ou autre, serait non taxable à la fin de la vie. Cela aurait plusieurs avantages.
Premièrement, c'est bon pour le déficit, puisqu'on élimine la déduction de la contribution qui contribue grandement au déficit.
Deuxièmement, ça m'évite d'avoir à planifier ma retraite en fonction des aléas et des humeurs du gouvernement qui peut augmenter ou diminuer les taxes, ce qui est quand même un avantage certain. Je sais ainsi que, quand je prendrai ma retraite, j'aurai ce montant à ma disposition et qu'il ne sera pas taxé.
Troisièmement, je crois que ça permettrait à la classe moyenne et faible d'épargner davantage puisqu'en ce moment, leurs déductions sont très minimes. Quelqu'un qui gagne 20 000 $ par année, même s'il peut prendre quelques REER, n'a qu'une déduction de moins de 20 p. 100. Donc, son REER de 1 000 $ lui coûte 800 $ et l'État paie 200 $. Quelqu'un qui gagne 60 000 $ par année prendra un REER de 6 000 $ ou 7 000 $, selon qu'il a un fonds de régime de pension de son employeur, et cette contribution sera payée à 53 p. 100 par les gouvernements provincial et fédéral. Cela termine mes commentaires. Merci.
Le président: Merci, monsieur Vallée. Monsieur Langlois, s'il vous plaît.
M. Richard Langlois (économiste, Centrale de l'enseignement du Québec): Merci, monsieur le président.
Je remercie d'abord les membres du Comité permanent des finances de me permettre de venir leur dire quelques mots au nom de mon organisation, la Centrale de l'enseignement du Québec. C'est une centrale syndicale qui regroupe 130 000 membres au Québec, principalement dans le secteur de l'éducation, mais aussi dans les secteurs de la santé, des loisirs et d'autres domaines d'activité.
Pour nous, de la CEQ, le principal problème économique au pays, à l'heure où on se parle, c'est encore le chômage qui, malgré les progrès qui ont été fait depuis quelques années, demeure, à notre avis, trop élevé. Il y a une certaine stagnation depuis un an environ et aucun progrès réel n'a été accompli sur ce front-là. Donc, nous avons cette préoccupation et nous examinons ce qui est possible et ce qui se fait sur le plan politique. On note, par exemple, qu'au chapitre de la politique monétaire, il y a eu quand même des assouplissements que nous saluons, tout en souhaitant que ces assouplissements-là perdurent parce qu'on n'a pas encore commencé à observer leurs effets. Nous espérons que l'objectif de l'inflation zéro, qui était celui de la Banque du Canada, sera mis de côté pour un objectif un peu plus souple et un peu plus réaliste.
Pour ce qui est du prochain budget, il semble que l'idée d'une grande corvée nationale sur l'emploi serait une idée opportune dans ce contexte. On est à 9,3 et 9,4 p. 100 de chômage. Il me semble que le gouvernement pourrait fixer un objectif - comme l'ont fait les partenaires du Sommet économique qui vient de se terminer au Québec - et peut-être convier la société canadienne à une corvée sur l'emploi au cours des trois ou quatre prochaines années, avec une cible précise et réaliste qui serait de faire passer le taux de chômage de 9,3 ou 9,4 p. 100 à 7 p. 100, qui était le chiffre presque atteint en 1989 au Canada.
Au chapitre de la politique budgétaire, nous sommes d'accord sur l'idée de poursuivre sur la voie de l'assainissement des finances publiques, mais nous croyons qu'en ce qui concerne cette réduction du déficit, les choses se passent plutôt bien pour le gouvernement fédéral en ce moment. En effet, on atteint des résultats meilleurs que prévus, et nous croyons que le rééquilibre des finances publiques doit s'effectuer par un effort mieux réparti entre les dépenses et les revenus.
Nous croyons que l'effort est trop important du côté des dépenses publiques. Cela a des impacts très graves, à la fois sur le chômage dans tout le pays et aussi sur les finances publiques des provinces.
Nous croyons que, lors du prochain budget, le gouvernement devrait ouvrir la colonne des revenus et s'engager dans la voie d'une réforme fiscale et, à ce chapitre, s'inspirer de ce qui vient d'être déposé au Québec.
J'ai fait partie de cette commission au titre de commissaire. Je pense qu'on vous en a parlé ce matin et je crois qu'il y a eu des idées très intéressantes dont le gouvernement fédéral pourrait s'inspirer. Cette commission a rendu un rapport qui a fait l'unanimité.
Il y a évidemment dans ce rapport des propositions qui s'appliquent seulement à la fiscalité québécoise, mais il y a aussi des propositions qui peuvent s'appliquer à la fois à la fiscalité québécoise et canadienne, et il y aurait très certainement lieu d'y jeter un coup d'oeil.
Je vais vous faire part de quelques-unes de ces propositions. Il y aurait peut-être lieu de revoir l'ensemble des dépenses fiscales. On sait que le gouvernement fédéral a été le premier à se doter d'un annuaire des dépenses fiscales qui permettait de savoir quelles étaient les dépenses fiscales et leur coût total.
Il faudrait peut-être aller plus loin en révisant de façon annuelle l'ensemble des dépenses fiscales et peut-être, dès le prochain budget, en réexaminant quelques-unes de ces dépenses. On sait qu'au cours des dernières années, certaines ont été abolies ou remaniées, et il faudrait peut-être poursuivre dans ce sens.
Les REER, par exemple, qui coûtent très cher à l'État - monsieur vient de le mentionner - pourraient peut-être être réexaminés. Il y aurait peut-être lieu de réviser cette déduction.
Je pense aussi à l'exemption des gains de capital. Il y a une recommandation pour abolir cette exemption. Je pense aussi à d'autres mesures où la responsabilité du gouvernement fédéral est très grande et très claire, comme toute la question de la taxation des transactions financières et la taxation des biens de luxe au chapitre de la TPS.
On pourra revenir au cours de la discussion sur d'autres mesures, mais nous pensons que la question de la réforme fiscale devrait être sur le tapis lors du prochain budget.
On pourra peut-être en discuter un peu plus longuement en cours de route, au cours de l'examen des mesures particulières.
Je vous remercie.
Le président: Messieurs Langlois, Poirier et Charron.
M. Martin Poirier (recherchiste, Université du Québec à Montréal): Merci, monsieur le président.
Si on devait passer en revue tout ce qui nous déplaît dans le système fiscal actuel, je crois qu'on en aurait jusqu'à demain matin. C'est pourquoi nous allons nous limiter à deux points qui nous paraissent majeurs.
Je vais parler tout d'abord des abus commis dans les transferts de profits des corporations dans les paradis fiscaux, et ensuite Sylvain Charron pourra nous parler de l'idée d'instaurer un système d'imposition minimum pour les corporations.
Il est de notoriété publique que des milliards de dollars sont détournés chaque année vers les paradis fiscaux, sans être imposés au Canada au taux où ils devraient être imposés.
Le vérificateur général du Canada avait, en 1993, soulevé ce point. Il avait dénoncé la situation sans que des corrections soient été apportées par la suite. Nous avons dénoncé, dans notre mémoire présenté à la Commission sur la fiscalité du Québec en août dernier, l'usage abusif des paradis fiscaux. Mais il n'y a pas eu non plus de modifications dans les dispositions fiscales.
Est-il normal que les banques canadiennes aient des dizaines de filiales dans les paradis fiscaux pour offrir des services spéciaux à leurs clients? Les paradis fiscaux, on les connaît. C'est l'Île de Mans, les îles anglo-normandes, les Antilles, le Liechtenstein, le Luxembourg, etc.
Il y a beaucoup de pays qui ont des conventions fiscales avec le Canada qui permettent aux corporations canadiennes d'y transférer leurs revenus sans être imposés. Est-il normal que des compagnies comme Bombardier ou Vidéotron aient plusieurs filiales dans les paradis fiscaux pour profiter de ces avantages-là?
Est-il normal que la revue CA Magazine, la revue des comptables professionnels, fasse ouvertement la promotion des paradis fiscaux?
Je crois que la comédie a assez duré et je prétends qu'il faut prendre des mesures énergiques pour mettre fin aux paradis fiscaux qui existent au vu et au su de tous.
Entre autres, il faut interdire carrément aux sociétés canadiennes d'avoir des filiales dans certains pays comme les Bermudes, la Barbade et Trinidad et Tobago. À quoi nous sert-il d'avoir des filiales là, sinon à permettre aux compagnies de transférer des revenus là-bas?
On devrait revoir toute la question des prix de transfert interne. Il est certain que des mesures peuvent être prises. On engage à l'heure actuelle des milliers d'inspecteurs pour aller voir ce qui se fait comme travail au noir, pour aller inspecter des petits travailleurs. Pourquoi ne pourrait-on pas faire la même chose dans le cas des grandes sociétés et aller voir ce qu'elles font exactement comme transferts de fonds dans les paradis fiscaux?
Compte tenu des montants en cause, les mesures prises par le gouvernement canadien ne sont peut-être pas, à mon avis, à la hauteur.
Je vais laisser la parole à M. Sylvain Charron, qui va vous parler de l'impôt minimum sur les sociétés.
M. Sylvain Charron (Université du Québec à Montréal): Bonjour.
Bien que notre principal concurrent au niveau commercial, les États-Unis, ait des taux corporatifs moins élevés que les nôtres, il a, depuis 1987, réduit le problème avec un impôt minimum sur les sociétés.
On sait que le FMI nous avertit que les entreprises canadiennes pourraient payer plus d'impôts dans la crise budgétaire actuelle. On doit prendre au sérieux l'avertissement d'un organisme de droite comme celui-là.
On suggère au comité d'envisager la possibilité d'imposer un impôt minimum sur les sociétés. Cet impôt soulagerait probablement les entreprises qui paient déjà leur juste part d'impôt. L'expérience aux États-Unis a démontré que le nombre de sociétés rentables qui n'ont pas payé d'impôts est passé de 38 à 23 p. 100, tandis que l'impôt régulier, lui, s'est accru de 69 p. 100 même si les taux d'impôt régulier des sociétés ont diminué. Ceci démontre que les sociétés qui ne payaient pas leur juste part d'impôt n'ont pas réussi à s'en sauver grâce à un impôt minimum corporatif.
On reconnaît qu'il y a un problème derrière ça. Des privilèges fiscaux sont octroyés aux sociétés qui ne rendent pas les comptes qu'elles devaient rendre au départ. Prenons le cas des dividendes intercorporatifs. Ces dividendes sont permis en supposant au départ que la société a déjà été imposée au taux régulier de l'impôt corporatif.
Une société située aux Barbades peut transférer au Canada un dividende qui est imposé à2,5 p. 100 et bénéficie d'un crédit d'impôt pour dividendes, de sorte qu'on ne perçoit pas d'impôt sur la différence entre l'impôt minimum auquel les sociétés sont assujetties au Canada et le 2,5 p. 100 qui a été payé par les Bahamas. Je pense qu'il y a lieu d'examiner ce privilège si on remet un impôt minimum sur les sociétés.
Le nombre d'incitatifs fiscaux octroyés aux sociétés fait en sorte souvent qu'on permet à des sociétés rentables au niveau comptable d'avoir des pertes au niveau fiscal. Les États-Unis ont résolu une partie du problème en mettant en place un plafond annuel au niveau des incitatifs fiscaux.
Il y a des incitafifs fiscaux qui ont un mérite économique, et on le reconnaît, mais il y en a d'autres au Canada qui doivent être revus. Si on dépasse un certain montant, les sociétés pourraient faire en sorte de se sauver d'un impôt minimum qui doit être payé dans l'année.
On sait aussi que les sociétés, en 1950, versaient 49 p. 100 des recettes au gouvernement canadien, comparativement à 50,8 p. 100 pour les particuliers et que, 43 ans plus tard, en 1993, les particuliers versaient 88,6 p. 100 des recettes et les sociétés, 11,4 p. 100. Il y aurait donc lieu de voir si on ne tarde pas à mettre en place l'avertissement que le FMI nous lance.
Il y a d'autres mesures qu'on voulait signaler, mais le temps nous presse. À tout le moins, parlons de l'imposition des gains de capitaux à 75 p. 100. Il y a une problématique judiciaire importante devant les tribunaux de la Cour canadienne de l'impôt quant à la différence entre un revenu d'entreprise et un gain de capital. Quand on fait un gain, on essaie d'en faire un gain de capital, et c'est imposé à 75 p. 100. Quand on a une perte, on essaie de passer ça dans les revenus d'entreprise, parce que c'est déductible à 100 p. 100. À mon avis, on soulagerait énormément le processus judiciaire et la problématique qui le sous-tend en réglant le cas une fois pour toutes. On a fait passer les gains de capitaux de 50 à 75 p. 100 entre 1987 et 1990. Passons donc au dernier stop pour régler la problématique.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Charron. Monsieur Dussault, s'il vous plaît.
M. Manuel Dussault (directeur de la recherche, Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec): L'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec vous remercie de cette occasion de faire valoir ses commentaires prébudgétaires.
L'Alliance est la voix des secteurs manufacturier et exportateur au Québec. Je m'appelle Manuel Dussault et je suis directeur de la recherche et de l'analyse.
Les manufacturiers représentent 19 p. 100 du PIB canadien et les exportations équivalent à40 p. 100 de notre économie. L'Alliance appuie la stratégie de réduction du déficit du gouvernement fédéral et le félicite pour son succès dans le contrôle de ses finances publiques. Il est essentiel pour le gouvernement d'atteindre ses objectifs de réduction de la dette et de même les dépasser s'il le peut. Le gouvernement commencera bientôt à rembourser sa dette et ne doit prendre aucune mesure pour renverser ou ralentir l'atteinte de cet objectif.
L'Alliance partage la conviction du ministre des Finances que la meilleure stratégie pour augmenter les dépenses des consommateurs et relancer l'économie domestique est de garder durablement les taux d'intérêt réels peu élevés et de contenir l'inflation. Seule une économie qui crée des emplois et est en croissance grâce à de nouveaux investissements peut garantir la sécurité économique à tous. Le Canada doit être certain que les investissements industriels sont maintenus et augmentés afin de s'assurer une création d'emplois et une croissance à long terme.
Il est probablement trop tôt pour réduire la fiscalité des sociétés dans son entier, mais le Canada se doit de conserver et d'améliorer ses mesures fiscales ciblées sur les investissements comme les crédits à la recherche du scientifique et au développement expérimental et à la fabrication et à la transformation. Nos taux d'impôt personnels sont élevés comparés à ceux de nos partenaires et de nos concurrents. Les industries de haute technologie requièrent du personnel avec des compétences spécialisées. Ainsi, dès que la situation financière du gouvernement le permettra, des allégements fiscaux devraient être envisagés pour les gestionnaires et les techniciens des entreprises.
L'Alliance appuie l'affirmation du gouvernement dans son Livre rouge, selon laquelle les taxes sur la masse salariale sont des tueuses d'emplois. Ainsi, nous sommes préoccupés par le surplus dans le fonds d'assurance-emploi. Nous croyons que pour réduire le déficit, le gouvernement devrait réduire ses dépenses plutôt que d'accumuler des fonds. Nous avons réclamé des réductions aux contributions des employés et des employeurs.
L'Alliance des manufacturiers du Québec réclame aussi que le gouvernement fédéral donne sa juste part au gouvernement du Québec pour l'harmonisation de la TVQ et de la TPS, tel qu'exprimé dans la résolution unanime adoptée lors du Sommet sur l'économie et l'emploi.
Je vous remercie de votre attention.
Le président: Merci, monsieur Dussault. Nous allons maintenant passer à la période de questions. À vous, monsieur Laurin.
M. Laurin (Joliette): Je voudrais revenir à la suggestion de M. Vallée, des HEC, de ne plus rendre déductibles d'impôt les contributions aux régimes de retraite et au dossier de l'imposition des pensions de retraite. Cela ne me paraît pas clairement avantageux, du moins pour la personne qui le ferait. Il me semble qu'actuellement, il est avantageux d'être imposé plus tard, au moment de la retraite parce que, probablement, on se trouvera imposé à un taux moindre que si on l'était dès maintenant.
Est-ce que cela n'irait pas à l'encontre de l'incitation à s'amasser un fonds de retraite?
M. Vallée: Effectivement, ce peut être un problème pour certaines personnes, surtout pour celles qui ont déjà placé leur argent dans des REER.
Par contre, de la façon dont fonctionne le système, je dirais que la plupart des gens sont imposés à 53 p. 100 pendant qu'ils font leurs contributions à des REER. Et ils le seront aussi plus tard. C'est mon cas à moi; je ne suis pas énormément riche et je suis jeune. Je sais déjà que je fais des contributions déductibles à 53 p. 100, qui sont taxées à 53 p. 100 et peut-être davantage.
On dit à une personne de 35 ans d'épargner aujourd'hui, pendant qu'elle gagne 50 000 $, parce que, dans le futur, le taux d'imposition sera moins élevé. Quand je vois le déficit accumulé au cours des années passées, je ne suis pas convaincu que cela sera vrai. On a vu des taux d'imposition de67 p. 100. Pourquoi est-ce je ne pourrais pas profiter de déductions aujourd'hui, à 35 ans?
Si, évidemment, le régime fiscal ne changeait pas, le taux d'imposition marginal pourrait être de 25 p. 100 lors de ma retraite. Mais il pourrait bien être de 45 ou de 50 p. 100.
Évidemment, à votre opinion, la plupart des gens, au moment où ils décident d'épargner, font l'hypothèse qu'ils seront pauvres ou plus pauvres quand ils prendront leur retraite.
M. Laurin: L'hypothèse de l'optimiste...
M. Vallée: L'hypothèse de l'optimiste va dans le sens contraire; il pense qu'il sera plus riche. Moi, je pense que je vais être plus riche et je pense que mon taux d'imposition marginal sera le même puisqu'il est au niveau maximal, de toute façon. Si j'étais plus pauvre, il augmenterait.
Deuxième aspect de la question; la plupart des gens et, comme je l'ai déjà dit, ceux qui contribuent sont déjà taxés à ce niveau. C'est donc marginal. Il faudrait peut-être penser à une façon astucieuse de leur laisser à eux cet avantage et de transformer le régime de la façon que je propose.
Les montants qui sont affectés par ce que vous dites sont très faibles. Je vous dis, moi qui en suis au début de ma vie, que je ne pense pas de cette façon. Je ne pense pas aujourd'hui qu'étant imposé à 53 p. 100, je vais épargner parce que plus tard je serai imposé à 35 p. 100. On ne pense pas à cela à35 ans ou à 40 ans. Peut-être qu'on commence à penser comme cela à 50 ans, mais d'habitude on est taxé à 53 p. 100 à 50 ans, de toute façon.
Donc, il n'y a pas de gain. Votre argument est tout à fait juste, mais je pense qu'en pratique, il ne s'applique qu'à des sommes minimes. Évidemment, vous pourriez toujours me donner l'exemple d'une tante qui, ayant fait un maigre salaire toute sa vie et ayant quelques épargnes, peut se dire, au moment où elle prend sa retraite, qu'elle pourra retirer son REER à un taux marginal d'imposition plus faible. Mais, encore une fois, ce n'est pas important empiriquement.
De plus, je pense qu'il faut ajouter un autre effet à celui-là. C'est que lorsqu'on est pauvre et imposé à un taux marginal de seulement 20 p. 100, il n'est pas tellement intéressant de prendre un REER. C'est bien plus intéressant pour moi qui suis imposé à 53 p. 100. Alors, l'aspect justice sociale dont on parle, il est dilué par d'autres effets pervers du système. Il y a même des économistes de McGill qui ont démontré que les REER découragent l'épargne chez les Canadiens en termes macroéconomiques.
Ce sont des conclusions difficiles à accepter, mais c'est ainsi. Les REER n'encourageraient pas l'épargne. Ces professeurs l'ont démontré par une méthode empirique, avec de l'argent que leur a donné le ministère des Finances. Ils l'ont aussi démontré mathématiquement. C'est donc dire qu'il est logique, dans certaines conditions, que cela se produise.
Tout cela m'amène à dire qu'il faut réformer le régime des REER. J'ai fait une recommandation. On peut en faire d'autres, mais cela ne m'apparaît pas tellement équitable.
M. Laurin: Je pensais que vous alliez me donner un argument irréfutable, mais j'ai l'impression que votre argumentation repose sur un choix fictif; vous pensez que, plus tard, vous serez plus riche. Donc, si vous pensez que vous allez être plus riche, vous n'avez pas besoin d'investir dans un REER aujourd'hui. Si vous êtes riche, vous n'avez pas besoin de fonds de retraite.
Vous dites que cela s'équivaut parce que vous êtes imposé à 53 p. 100 maintenant et que, dans 20 ans, vous le serez encore et que donc il n'y aura pas de gain. Mais il n'y aura pas de perte non plus.
Moi, je vous présente l'autre raisonnement qui repose plutôt sur une hypothèse optimiste, soit que j'espère être imposé à un taux moindre que celui d'aujourd'hui au moment de ma retraite. C'est cela, l'hypothèse optimiste. De votre côté, vous misez sur le fait que l'impôt sera peut-être plus élevé au moment où vous aurez à le payer.
M. Vallée: C'est possible.
M. Laurin: Vous avez peut-être raison et j'ai peut-être raison aussi. Cependant, d'un point de vue économique, baser un budget là-dessus consiste à s'appuyer sur des choix qu'on fait selon l'avenir qu'on anticipe.
M. Vallée: Oui, mais...
M. Laurin: En fait, c'est votre situation que vous défendez. Ce n'est pas celle d'un ensemble de citoyens.
M. Vallée: Non, et je l'ai dit. Du point de vue macroéconomique, la situation dont vous parlez ne risque pas de se produire. Il y a peu de gens qui mettent beaucoup d'argent dans des REER et qui sont taxés à des taux d'imposition moindres.
M. Laurin: D'accord.
M. Vallée: Si on observe l'évolution de la taxation depuis 30 ans, on voit qu'au contraire, on s'est fait avoir en mettant de l'argent dans un REER.
M. Laurin: D'accord. Mon autre question, monsieur le président, s'adresse au représentant de l'UQAM, M. Poirier, qui suggérait plus tôt qu'il faudrait peut-être interdire aux sociétés canadiennes d'avoir des filiales dans certains pays étrangers. Est-ce bien cela?
M. Poirier: C'est bien cela.
M. Laurin: Je suis d'accord avec vous qu'il faille trouver le moyen de limiter les paradis fiscaux. Mais je ne suis pas sûr de l'efficacité de la mesure que vous suggérez. Allons-nous défendre aux sociétés canadiennes de prendre de l'expansion, de se développer à l'étranger?
M. Poirier: Pas du tout. Absolument pas.
M. Laurin: Pourtant, si on leur défend d'avoir des filiales à l'étranger, j'ai peur que cela reste des voeux pieux.
M. Poirier: Il ne s'agit pas d'interdire d'avoir des filiales à l'étranger, mais d'avoir des filiales dans certains pays étrangers, qui sont clairement des paradis fiscaux et où les opérations canadiennes sont marginales. Il y a les îles Caïmans, la Barbade, les Bermudes, le Liechtenstein, etc.
M. Laurin: Mais comme les paradis fiscaux dépendent largement des ententes que le gouvernement canadien signe avec ces pays, ne serait-il pas plus simple, pour arriver au même résultat, d'exiger du gouvernement qu'il ait des ententes plus restrictives plutôt que d'interdire les filiales de sociétés canadiennes à l'étranger?
M. Poirier: Les deux options peuvent être envisagées, selon les cas. C'est sûr qu'il faut voir...
M. Laurin: C'est parce que ça me paraît dangereux de défendre aux sociétés canadiennes d'avoir des filiales dans certains pays.
M. Poirier: À ce moment-là, rien n'empêcherait une société canadienne d'avoir une filiale dans le sud des États-Unis et de quand même faire des affaires dans les Antilles. Elle serait alors imposée à un taux normal et décent, et non pas à 0, à 4 ou à 5 p. 100 comme on voit dans les Antilles.
M. Laurin: Ce que vous visez, ce n'est pas les Antilles, mais les conditions qui sont établies entre les Antilles et le Canada.
Je trouve que la mesure que vous suggérez aurait l'air discriminatoire aux yeux du pays étranger et je crains qu'une telle politique ne donne mauvaise réputation au Canada à l'étranger.
Sur le plan international, il me semble que pour parvenir aux mêmes résultats, et je suis parfaitement d'accord sur l'objectif que vous poursuivez, nous ferions mieux de réviser nos ententes qui permettent l'existence de paradis fiscaux plutôt que d'interdire tout simplement l'établissement de filiales à l'étranger.
Enfin, c'est un commentaire. Je voulais avoir votre réaction là-dessus.
M. Poirier: Je voudrais faire un dernier petit commentaire. Même si on revoit les conventions fiscales, cela n'empêchera pas les sociétés d'envoyer leurs profits dans des paradis fiscaux. Et même si les dividendes sont imposés complètement quand ils sont versés de la filiale à la société-mère, cela n'empêchera pas que, pendant tout le temps où ils demeureront dans les paradis fiscaux, ils entraîneront des profits de placement qui ne seront pas imposés.
C'est un peu le même principe que pour les REER. Dans le fond, quand vous placez de l'argent dans un REER, vous faites de l'argent qui n'est pas imposé sauf quand il est ramené au Canada et imposé à 40 p. 100. Cela ne règle pas le problème. Cela règle une partie du problème, celle des dividendes qui sont libres d'impôt et qui rentrent ensuite au Canada, mais cela ne règle pas l'ensemble du problème.
M. Laurin: D'accord. Ma dernière question, monsieur le président, je l'adresserais au représentant de la CEQ. Il suggère de taxer les transactions financières. J'aimerais savoir si la CEQ a fait une étude de cette problématique. Est-ce qu'on a évalué l'impact financier que cette suggestion pourrait avoir pour le gouvernement en termes de revenus?
M. Langlois: Ce que nous disons à ce propos, monsieur...
M. Laurin: Laurin, un ancien de la CEQ, soit dit en passant.
M. Langlois: Nous sommes donc entre gens de la même organisation.
Je dirais que, sur ce point, nous avons suivi la discussion publique qui se tient depuis déjà quelques années. Nous sommes conscients du fait que le Canada ne peut pas, de façon unilatérale, s'engager à imposer une taxe Tobin. Par contre, nous pensons que le gouvernement fédéral a la responsabilité de porter la question à l'attention du public, en s'adressant aux instances appropriées, comme l'OCDE ou autres organismes internationaux du même genre. Nous croyons que le gouvernement fédéral pourrait prendre les devants et essayer de promouvoir ce type de mesures fiscales auprès de toutes les tribunes internationales appropriées.
Maintenant, si le gouvernement fédéral prenait les devants au point d'en imposer une au Canada, avant tous les autres pays, il faudrait qu'elle soit minime, j'en conviens. Je pense qu'il y a eu des évaluations de faites. On n'a d'ailleurs pas besoin de fixer un taux très élevé; l'assiette fiscale est tellement grande dans le domaine des transactions financières qu'avec 0,01 p. 100, on récolterait des sommes considérables, étant entendu, bien sûr, que cette assiette ne soit pas faite d'évasions fiscales.
Donc, on ne peut pas procéder, nous en sommes conscients. Nous ne proposons pas d'implanter une taxe Tobin demain au Canada. Ce n'est pas ce que je dis. L'idée, c'est de faire avancer l'idée auprès des autres partenaires de l'OCDE. Cette question est discutée un peu partout dans le monde à l'heure actuelle.
M. Laurin: Oui, c'est vrai. Cependant, les transactions sur les valeurs mobilières relèvent habituellement des provinces. Qu'est-ce qui arriverait, selon vous, si le gouvernement fédéral décrétait une taxe fédérale sur les transactions mobilières et que les provinces, le Québec par exemple, se souciant de leur autonomie, ne voulaient pas que les transactions mobilières soient imposées?
M. Langlois: Nous ne disons pas que le gouvernement fédéral devrait décréter une taxe, mais qu'il devrait discuter de cette question, non seulement avec les provinces, mais aussi sur le plan international, avec les autres pays de l'OCDE.
Le président: Merci, monsieur Laurin.
M. Langlois: Est-ce que je peux juste ajouter quelque chose?
Le président: Oui.
M. Langlois: Sur la question des REER, monsieur Laurin, si j'ai bien compris la position de monsieur, c'était vraiment d'abolir complètement la déduction. Là-dessus, nous avons eu une bonne discussion à la Commission sur la fiscalité. Il y a beaucoup de groupes et d'individus qui sont venus nous parler des limitations de cette dépense fiscale. Je n'appelle pas cela un abri fiscal, mais une dépense fiscale. C'est une dépense fiscale pour la retraite finalement.
La majorité des gens ne nous ont pas dit de l'abolir, mais de la limiter et de prendre en considération d'autres avenues. Il y en a une, entre autres, qui est d'abaisser le plafond. Je pense qu'on en discute aussi beaucoup au fédéral. Il y a une autre hypothèse selon laquelle on déduirait seulement 75 p. 100 et on imposerait seulement 75 p. 100 quand arriverait à la retraite. Ce sont plusieurs hypothèses qui pourraient être examinées. Encore là, il faudrait que cela soit fait conjointement entre le fédéral et les provinces, parce que ce n'est pas une chose qui peut se faire à un seul de ces paliers.
M. Vallée: L'idée serait d'appliquer la même déduction à tout le monde. Si c'était 5 000 $, ce serait 5 000 $ pour tout le monde, quel que soit votre revenu. Ce serait une dépense fiscale dont tout le monde pourrait profiter, surtout qu'elle s'accumule au fur et à mesure que le temps passe, plutôt qu'elle soit de 10 000 $ pour Luc Vallée, de 5 000 $ pour Richard Langlois et de 0 $ pour l'autre. C'est vrai que si on le voit sous forme de dépense fiscale, comme je le disais, c'est moi qui en profite le plus.
M. Langlois: D'une part, il y a un côté inéquitable dans la mesure, c'est certain. D'autre part, elle coûte très cher à l'État. Donc, dans le contexte budgétaire que l'on connaît, il y a peut-être lieu de la réviser. Chose certaine, cela demeure quand même un moyen important de s'assurer une retraite pour une grande partie de la classe moyenne, surtout dans un contexte où les gouvernements ont tendance à se désengager des régimes publics et où beaucoup d'entreprises privées n'offrent pas encore de régimes de retraite. Donc, pour beaucoup de monde encore, c'est quand même un instrument important.
Le président: Merci, monsieur Laurin.
[Traduction]
Monsieur Grubel.
M. Grubel (Capilano - Howe Sound): Je vous remercie, monsieur le président.
J'ai une remarque au sujet de la taxe Tobin. M. Tobin était mon professeur. J'ai skié avec lui et je le connais très bien.
Il a rédigé cet article dans les années 1960 ou au début des années 1970, et il ne parvient pas à croire qu'une remarque qu'il a lancée incidemment ait à ce point acquis une vie propre. Dans son esprit, elle n'était pas du tout destinée à rapporter des recettes fiscales. Il se préoccupait de la souveraineté monétaire nationale dans un monde où les flux de capitaux devenaient de plus en plus élastiques. Il s'agissait pour lui de rétablir la souveraineté monétaire nationale, et c'était bien avant cette intégration des marchés des capitaux. Il y avait ce réseau électronique sans possibilité pour les gouvernements d'intervenir.
Vous êtes très prudent, monsieur Langlois, et je vous en félicite, mais c'est une idée totalement folle. Cela ne marchera pas. Il suffit qu'une seule province, dans un seul pays du monde, décide de ne pas percevoir cette taxe, et toute l'industrie électronique du monde va venir s'y investir. Tous les flux monétaires internationaux passeront par ce lieu, et vous ne toucherez pas un sou.
Si cette taxe est lourde, son assiette disparaîtra. Vous dites que c'est un taux infime. Savez-vous quelles sont les marges de profit sur ces mouvements de capitaux qui circulent d'un point du globe à l'autre?
C'est une idée folle. Le professeur Vallée l'a étudiée. Il le sait.
M. Vallée: [Inaudible - Éditeur] dollars font un dollar, et cela vous montre...
M. Grubel: C'est totalement insensé. Monsieur le président, je suis tellement déprimé de voir la façon... J'aimerais que ces messieurs écoutent. Je suis réellement déprimé de voir combien, au Québec, on croit que la solution réside dans des balles magiques, et que l'on pense qu'il suffit de garder le système et de juste serrer un peu les boulons...
Nous avons écouté ici, à cause de pressions de gens comme vous, des douzaines de témoins. Je vous prie, expliquez-nous donc, à nous et au ministère des Finances, preuves à l'appui, où se trouvent tous ces échappatoires fiscaux. Le gouvernement adorerait mettre la main sur quelques milliards de dollars de plus et ne pas subir le coût politique de la réduction des dépenses.
À cause de M. Loubier - vous autres, vous n'arrêtez jamais - le ministre a maintenant créé une commission d'étude pour se pencher sur la réforme de l'impôt sur le revenu des sociétés, pour voir si quelque chose peut être fait. Nous verrons bien, mais je n'y crois guère.
J'aimerais vous poser une question, monsieur Poirier et monsieur Charron. Qui possède les sociétés?
[Français]
M. Poirier: C'est simple, ce sont les actionnaires.
M. Grubel: Pardon.
[Traduction]
Et qui sont les actionnaires?
[Français]
M. Poirier: Mon Dieu, cela dépend des sociétés. Ici, au Canada, on n'a malheureusement pas l'information; on ne sait pas qui est actionnaire et quelle est la concentration de l'actionnariat.
Par contre, on a cette information pour les sociétés que je viens justement d'étudier, les sociétés anglaises de l'eau qui sont privatisées depuis 1989. Quatre dixièmes pour cent des actionnaires contrôlent 75 p. 100 des actions. Les gros détenteurs de blocs d'actions sont surtout des banques, des fiducies, certains individus, mais les...
[Traduction]
M. Grubel: Qui possède la banque? Qui possède la société fiduciaire?
[Français]
M. Poirier: Eh bien, on revient toujours au même problème. S'il y a une concentration qui est absolue dans l'industrie de l'eau, pourquoi est-ce que la même concentration ne se retrouverait pas ailleurs?
[Traduction]
M. Grubel: Manifestement, vous ne savez pas, mais si vous procédez de façon logique...
[Français]
M. Poirier: Écoutez, 0,4 p. 100 des actionnaires contrôlent 75 p. 100 des actions. Je crois que c'est assez clair. Je ne vois pas pourquoi ce serait différent pour les banques et dans d'autres industries. Je vous ai cité un cas concret. Maintenant, faites-moi la preuve du contraire. Dites-moi que l'actionnariat se partage plus largement dans les autres industries et on verra.
[Traduction]
M. Grubel: Monsieur Poirier, permettez-moi de dire une chose. Le fonds de pension des enseignants - où la caisse populaire investit-elle l'argent des retraités?
[Français]
M. Poirier: J'allais justement répondre à cette question tout à l'heure. Dans le cas de l'industrie de l'eau, les fonds de pension détiennent 2,5 p. 100 des actions. C'est très minime, 2,5 p. 100; c'est marginal.
[Traduction]
M. Grubel: Je ne sais pas d'où vous tirez ce chiffre, mais les enquêtes sur les actionnaires...
[Français]
M. Poirier: Dans le bottin financier des sociétés anglaises.
[Traduction]
M. Grubel: ...que j'ai vues, et peut-être M. Vallée peut-il venir à ma rescousse, montrent que 70 p. 100 de toutes les actions sont détenues par les fonds de pension. D'où pensez-vous que provient cette énorme demande qui fait crever les plafonds au cours de la bourse chaque année?
[Français]
M. Poirier: J'aimerais bien avoir vos chiffres. Malheureusement, c'est une information qu'on ne peut jamais avoir. On l'a demandée en ce qui concerne les banques et on ne l'a jamais obtenue. J'aimerais avoir vos chiffres. Je serais bien intéressé de les regarder.
[Traduction]
M. Grubel: Les fonds de pension des syndicats et des enseignants et des professeurs d'université - si ce ne sont pas eux qui détiennent les actions, qui les détient, selon vous? Des particuliers.
Je suis à deux années de la retraite.
Une voix: Non!
M. Grubel: J'ai trimé comme vous. J'ai commencé...
[Français]
M. Poirier: Est-ce que vous avez une question précise par rapport à ce que j'ai dit sur les paradis fiscaux?
[Traduction]
M. Grubel: Je pose des questions et vous ne me donnez aucune réponse.
[Français]
M. Poirier: Non, je crois que j'ai bien répondu. Monsieur le président, est-ce que j'ai bien répondu aux questions? Je crois avoir été clair.
M. Charron: Monsieur le président, on a peut-être la chance de parler ici, dans des comités comme celui-ci, une fois par trois ans, afin d'essayer de changer soit les politiques fiscales, soit les politiques budgétaires. Qui contrôle les actions de telle société? Écoutez, c'est certain que les fonds de pension en contrôlent et cela fera peut-être l'objet d'un autre débat. Devons-nous permettre aux fonds de pensions qui ont profité de déductions fiscales d'investir de 20 à 25 p. 100 de leur contenu à l'étranger dans des entreprises qui, éventuellement, vont nous concurrencer? Cela relève complètement d'un autre débat.
Je pense que chacun ici a amené des points. Je veux bien faire la nomenclature de tous les actionnaires au Canada. Si vous voulez, on vous l'apportera à une prochaine table ronde sur le budget. Cela ne me cause pas de problème. Par contre, je pense qu'étant donné le peu de temps à notre disposition, il serait intéressant d'étoffer le débat en posant des questions précises. J'espère queM. Grubel va se rendre à la retraite avec une très bonne pension, qui aura été financée par l'État et dont la caisse aura eu de bons rendements. Je sais, en effet, que le fonds de pension des élus fédéraux est très bon. Je lui souhaite donc une bonne retraite. J'aimerais, cependant, qu'on pose des questions un peu plus précises.
[Traduction]
Le président: Sauf votre respect...
M. Grubel: Monsieur Charron, je ne touche pas de pension du gouvernement fédéral. J'y ai renoncé, car je la juge excessive. Voilà pour le premier point. Deuxièmement, nous sommes ici en partie pour poser des questions, et je n'apprécie pas que l'on me dise de me taire.
M. Charron: Je ne vous ai jamais dit cela.
M. Grubel: C'est l'impression que j'ai eue.
Permettez-moi de vous dire ma pensée. Je suis extrêmement attristé par ce que j'ai entendu ici, et aussi par ce document que vous m'avez remis. Je vous le demande: pourquoi pensez-vous que les entreprises viennent s'implanter au Canada ou restent au Canada? Qu'est-ce qui les force à venir ou à rester?
M. Charron: Elles viennent pour gagner de l'argent, et seulement cela.
M. Grubel: D'accord. Il est très difficile d'attirer des sociétés au Québec, n'est-ce pas? C'est ce que l'on dit. Pourquoi en est-il ainsi, à votre avis?
M. Charron: C'est faux.
M. Grubel: C'est ce que l'on dit à ces réunions... La semaine dernière, je me suis rendu à une réunion du Club des enseignants de McGill, et l'on s'y inquiétait du manque d'investissement au Québec. L'investissement a chuté brutalement, les sociétés s'en vont. D'accord? C'est un fait. L'admettez-vous?
[Français]
M. Charron: Que les entreprises quittent le Québec?
M. Grubel: Oui.
M. Charron: Écoutez, il faudrait avoir des statistiques démontrant combien d'emplois sont perdus et combien sont gagnés. À tous les jours il y a des menaces d'entreprises qui veulent quitter le Québec et à tous les jours il y a des entreprises qui démarrent au Québec. Ce n'est pas un domaine où... C'est difficile à démontrer. Je sais que c'est l'objet d'un grand débat, parce qu'il y a tout l'enjeu politique qui se dispute en même temps que l'enjeu fiscal. Normalement, une entreprise prend en compte beaucoup d'éléments pour décider si elle doit partir ou s'implanter au Québec. L'aspect fiscal est un de ces éléments, mais il y en a plusieurs autres, ne serait-ce que le contexte politique, les subventions et, principalement, la possibilité de faire du profit dans l'endroit où elle s'établit.
[Traduction]
M. Grubel: J'ai passé beaucoup de temps avec les propriétaires de certaines de ces sociétés. Quelle que soit la situation politique, quels que soient les autres facteurs, pensez-vous que cela va améliorer les choses si vous les menacez d'impôts plus élevés?
[Français]
M. Charron: L'objectif n'est pas de menacer les entreprises. Je pense que nous sommes tous conscients que les entreprises, une fois qu'elles sont implantées au Canada, peuvent encore déménager. Et cela, elles le font à outrance. Des endroits où les taux d'imposition sont plus faibles, il y en a ailleurs. Si elles restent au Québec ou au Canada, c'est sûrement qu'elles y trouvent des avantages.
Nous ne doutons pas un instant que l'aspect fiscal soit important et que, même si les taux corporatifs sont probablement au moins compétitifs, la marge de manoeuvre des entreprises est serrée. Nous disons, cependant, que même s'il y a des entreprises qui paient leur juste part d'impôt, que même s'il y en a qui sont de bons citoyens corporatifs, il y en a d'autres qui devraient devenir des bons citoyens corporatifs. Nous disons aussi que, si elles ne le font pas d'elles-mêmes, la législation fiscale est peut-être un des moyens de les y amener.
Si vous voulez établir des mesures qui facilitent la création d'emplois ou amènent d'autres industries à venir s'implanter chez nous, allez-y! Sortez-en à la pelletée, d'autres mesures néo-libérales comme l'exonération des gains en capital.
Quand on fait une concession aux entreprises, je n'ai pas de difficulté à l'accepter, comme la dernière concession accordée aux entreprises québécoises de diminuer la taxe sur la masse salariale en échange de la création d'emplois. La diminution du fardeau des entreprises aurait peut-être comme résultat de les garder au Canada. C'est peut-être un élément.
Nous pensons que ce n'est pas l'élément premier dans le choix de l'emplacement d'une entreprise. Si pour vous et les gens avec qui vous discutez, c'est l'élément premier, fixez le taux corporatif à zéro, exemptez-les de la TPS et annulez toutes leurs obligations. Elles vont toutes venir ici à la pelletée et nous allons devenir riches. Le PIB va nous sauter aux yeux. Faites-le alors...
[Traduction]
M. Grubel: Certains ont même dit que ce ne serait pas une mauvaise idée, que si on veut attirer au Canada tout cet argent qui va censément se cacher aux Bermudes, faisons du Canada la Suisse de l'Amérique du Nord, le Hong Kong, le Singapour de l'Amérique du Nord. Ainsi, vous verrez affluer des masses de capitaux et vous n'aurez aucun chômeur.
C'est ce que certains préconisent. Mais, je vous en supplie, je comprends votre ferveur, votre désir de justice, votre désir de voir de bons programmes coûteux financés par davantage d'impôts.
Lorsque j'étais jeune comme vous, je n'étais pas loin de penser comme vous. Mais je vous en supplie, réfléchissez-y. Vous ne pouvez tout simplement affirmer que nous ne perdrons pas des entreprises si nous majorons les impôts. Cela ne suffit pas. Regardez autour de vous, regardez les pays du monde où on l'a fait. Vous le devez à vous-même et à vos enfants.
[Français]
M. Charron: Je pense que notre recommandation était claire. Jamais, en aucun temps, avons-nous parlé d'augmenter les impôts corporatifs, pas en ce moment. Nous avons parlé d'un impôt corporatif minimal. Une fois qu'il a été démontré qu'une entreprise est rentable, si elle ne paie pas un taux d'impôt minimal, je crois qu'il y a lieu de s'interroger à savoir s'il faudrait augmenter le taux d'impôt corporatif.
Nous n'avons pas fait cette suggestion parce je sens qu'on n'a pas l'intention de le faire immédiatement. Nous parlons d'un impôt corporatif minimal pour des corporations qui réussissent - que ce soit par des incitatifs fiscaux, par des jeux de pertes reportées ou par des jeux de transfert de dividendes intercorporatifs - à diminuer leurs charges fiscales à un niveau tellement bas qu'il n'est pas acceptable dans un contexte budgétaire comme celui que nous avons actuellement. Je pense que la suggestion est simple.
[Traduction]
M. Grubel: Monsieur Charron, sauf tout le respect que je vous dois, lorsqu'une société paie aujourd'hui un certain montant d'impôts - et supposons pour faciliter la réflexion - , et que l'année prochaine, avec le même niveau de profit, et les mêmes soi- disant échappatoires, elle doive payer un impôt minimum, cette société va écrire à son siège pour dire: les impôts viennent d'augmenter au Canada, nous ne pensons pas qu'il faille encore investir ici et nous devrions en partir à la première occasion.
Ne jouez pas sur les mots de cette façon. Il est très dangereux de dire que le fait d'imposer un impôt minimum à des gens qui n'en payaient pas ne constitue pas une augmentation d'impôt. C'est une logique fautive, et peu importe la passion que vous mettez à refuser d'appeler cela une augmentation d'impôt.
[Français]
M. Charron: J'aimerais faire un dernier commentaire parce que, nécessairement, je ne peux que commenter cela. Aux États-Unis, ils n'ont pas eu peur d'imposer aux sociétés un impôt minimum musclé. Je ne tiendrai pas un long discours là-dessus. L'économie américaine se porte très bien dans le moment et ce n'est pas ce qui a fait déménager les entreprises ou qui les a fait changer leur contexte de travail, ou autre. Ce ne sera probablement pas l'élément majeur qui amènera une entreprise à faire de gros changements.
Le président: On pourra reprendre ce débat plus tard. Merci beaucoup, monsieur Grubel.
Mr. St. Denis.
[Traduction]
M. St. Denis (Algoma): Je vous remercie tous d'être venus. C'est un débat très stimulant. J'aimerais poser quelques questions sur le même sujet, mais selon une optique différente.
J'ai une circonscription rurale et je suis sûr que tous les députés, qu'ils aient une circonscription rurale ou urbaine, se font poser des questions par les contribuables sur l'imposition des sociétés. Peu importe que les contribuables comprennent le système ou non, ils posent des questions. Ils s'en inquiètent. Mais parallèlement, il y a des investisseurs et des détenteurs de capitaux à l'étranger qui posent des questions, selon une optique différente, sur l'opportunité d'investir au Canada. Il semble donc que les deux camps dans le débat, d'une part le petit contribuable canadien et, d'autre part, le détenteur de capitaux étrangers, représentent deux mondes qui ne se comprennent pas.
Du fait que le capital est fongible, que l'argent se déplace très facilement et que le Canada doit préserver sa position relative dans le monde afin que les capitaux affluent et ne fuient pas, pouvez-vous me dire tout d'abord, monsieur Poirier, monsieur Charron ou monsieur Langlois - l'un ou l'autre - où nous nous situons dans le monde industrialisé sur le plan de l'imposition des entreprises, et où nous nous situons dans le monde du point de vue de la capacité à attirer les investissements créateurs d'emplois? Le troisième volet de cette question est de savoir comment faire pour nous instruire nous-mêmes et le public, afin que tout le monde comprenne mieux la nature des sociétés et de l'imposition des sociétés? Je pense que ce serait utile pour le public.
Je me tourne d'abord vers M. Poirier et M. Charron.
[Français]
M. Charron: Ce n'est pas une question facile que vous me posez là. C'est quand même un sujet complexe parce qu'il y a l'impôt sur les profits, mais il y a d'autres types d'impôt qu'une société doit payer. Il y a les taxes sur la masse salariale et tout ça.
Il faut tenir compte, dans un contexte de compétitivité, de ce qui se passe ailleurs. Il faut tenir compte aussi des services qui sont offerts par le gouvernement. Nécessairement, quand on se compare aux États-Unis, bien sûr, on voit que les Américains ont un taux d'impôts moins élevé. Ils n'ont pas à financer les soins de santé, car ils sont payés par une assurance privée. Dans un tel contexte, comparer des taux d'impôt et des éléments de taxation peut avoir un effet pernicieux. Il faudrait le faire dans une perspective plus large, c'est-à-dire dans une perspective de comparabilité. Quand on compare un taux d'impôt d'ailleurs avec le nôtre, on s'attend à ce qu'il n'y ait pas d'autres taxes indirectes qui y soient rajoutées. On s'attend à ce que le taux d'impôt couvre les mêmes services ou des services équivalents.
Pour répondre à votre question de façon précise, je ne suis pas en mesure de le faire. Je pourrais y regarder de plus près et, lors d'une prochaine rencontre, vous fournir une analyse plus approfondie, mais vous répondre à brûle-pourpoint, je ne peux le faire aujourd'hui. Malheureusement, c'est une question assez pointue.
M. Poirier: Moi, j'aimerais faire un commentaire sur ce point. On parle toujours de la fiscalité des entreprises: si on les taxe, si on leur demande de payer ceci ou cela, elles vont partir, elles vont déménager. Il y a un élément qu'on évacue complètement du débat. M. Yves Séguin, qui était ministre du Revenu au Québec, l'avait bien souligné. Les sociétés utilisent environ la moitié des programmes qui sont financés par le gouvernement. Elles utilisent les infrastructures, le personnel formé à même nos fonds publics et le système de santé. Comme le soulignait M. Charron, les sociétés canadiennes n'ont pas à payer d'assurances privées, comme ça se fait aux États-Unis. Elles utilisent les subventions gouvernementales, bien sûr.
Donc, on demande à des sociétés et à des individus de payer des taxes pour financer des programmes gouvernementaux, mais ces programmes gouvernementaux, en contrepartie, attirent les sociétés. Elles viendront ici parce qu'on a du personnel formé au lieu d'aller au Zaïre, parce que là elles seront obligées de demander à des Américains d'aller travailler là-bas. Elles vont être obligées de payer des primes, des frais de voyage, etc. Nous avons un pouvoir d'attraction du fait de nos programmes sociaux et gouvernementaux. Il ne faut pas l'oublier. Il ne faut pas voir seulement ce qu'on leur demande. Il faut aussi voir ce qu'on leur donne.
Le président: Monsieur Langlois.
M. Langlois: Monsieur St. Denis, il y a plusieurs études comparatives qui permettent de conclure que l'environnement fiscal des entreprises canadiennes, si on le compare à l'environnement fiscal des entreprises concurrentes des pays de l'OCDE, n'est pas tellement un handicap pour les entreprises canadiennes. Elles ne s'en portent pas trop mal. Il faut vraiment mettre les choses dans une juste perspective.
Une étude récente a été faite, toujours dans le cadre de la Commission sur la fiscalité, principalement sur le Québec, mais qu'on pourrait effectuer pour le reste du Canada.
C'est une étude comparative de la fiscalité pour une entreprise qui s'installe au Québec par rapport à la structure fiscale à laquelle elle serait soumise si elle s'installait dans des juridictions voisines en Amérique du Nord, dans le reste du Canada ou aux États-Unis.
Cette étude, faite par Price Waterhouse, a été rendue publique récemment et montre que la fiscalité québécoise - et là on parle de tout l'environnement fiscal, à la fois les taxes fédérales, les taxes locales et les taxes provinciales et on inclut là-dedans les charges parafiscales - est très favorable pour les entreprises. Il y a peut-être une petite différence par rapport à l'Ontario, où elle est un peu plus favorable aux entreprises.
Par rapport au reste du Canada et à d'autres juridictions nord-américaines, le Québec est nettement avantagé. Lorsqu'on inclut en plus toutes les charges parafiscales que les entreprises américaines doivent assumer pour payer les programmes de santé et les programmes sociaux aux États-Unis, l'environnement fiscal québécois est encore plus favorable.
Il y aurait possibilité de réaliser ce genre d'étude pour le reste du Canada. Je pense qu'on arriverait encore là à la conclusion que le Canada n'est pas un enfer fiscal, contrairement à ce que beaucoup de gens semblent croire. Ce sentiment provient beaucoup de mouvements antitaxation, de révolte fiscale qui seraient de plus en plus importants. Selon moi, il faudrait faire un certain contrepoids au niveau du discours public.
Le gouvernement fédéral pourrait - et je pense qu'il aurait probablement l'appui de plusieurs là-dessus - tenter de revaloriser le système fiscal et les contributions publiques au moyen d'une campagne de sensibilisation sur l'importance de la fiscalité comme moyen d'assurer la citoyenneté dans un pays. La contribution à une caisse collective n'est pas un mauvais geste. Au contraire, c'est un geste de solidarité, d'engagement pour se doter de services et de programmes collectifs.
Il y a malheureusement une érosion du consensus social autour de la fiscalité, à la fois au Québec et au Canada. Il faut freiner cette érosion, sans quoi beaucoup de nos institutions collectives seront de plus en plus menacées. Donc, une campagne de sensibilisation publique pourrait être une avenue à examiner. Du côté de la Commission sur la fiscalité, c'est une recommandation que nous avons retenue pour le Québec, et je pense qu'il serait souhaitable de le faire pour l'ensemble du pays.
Le président: Merci, monsieur Langlois. Monsieur Dussault.
M. Dussault: Il s'agit certainement d'un bon débat. Ce sont des questions dont il faut débattre. Je crois qu'il faut avoir des études pour appuyer nos arguments. Mais, jusqu'à un certain point, comme vous dites en anglais, the proof is in the pudding; c'est-à-dire qu'il faut aussi voir des résultats.
Au Canada, on constate que l'investissement dans les entreprises est insuffisant pour remplacer le stock de capital. On parlait de l'investissement au Québec. Il était de 19 p. 100 de l'ensemble canadien en 1994, de 18 p. 100 en 1995 et de 17,5 p. 100 en 1996, cela pour les entreprises, les investissements privés, par rapport à 23 p. 100 de l'économie et 25 p. 100 de la population. Donc, on n'attire pas les investissements, mais il va falloir les attirer. C'est là-dessus qu'il faut se pencher.
L'élément fiscalité n'est qu'un des éléments. Si on dit qu'il est trop élevé, on nous répond: «Oui, mais il n'est pas beaucoup plus élevé, car vous donnez des services.» À un moment donné, nos partenaires vont devoir s'interroger sur les problèmes et sur les raisons pour lesquelles les investissements ne viennent pas. Il faut aussi des réponses à cela.
Le président: Merci, professeur. Monsieur Mooney, vous avez été si gentil et si tranquille.
[Traduction]
M. Mooney: J'écoute patiemment.
Je voulais répondre à la question de M. St. Denis sur les conditions qui vont amener les entreprises à s'établir au Canada. Je pense que c'est l'une des questions fondamentales que vous avez posées. C'est une excellente question, car le Canada est en concurrence avec tous les autres pays du monde pour attirer l'investissement, amener les entreprises à s'implanter ici, vendre leurs marchandises et leurs services.
Nous sommes en rivalité avec des pays comme la Chine, qui offre une population de1,2 milliard d'habitants. Certes, seuls environ 30 p. 100 d'entre eux sont ce que nous appellerions des consommateurs, mais cela fait quand même 360 millions de personnes, comparé à notre population.
Donc, lorsqu'une société veut s'établir quelque part, elle regarde deux choses: elle regarde les revenus, et elle regarde les coûts. Je pense que le Canada offre de bonnes perspectives de revenus, et c'est pourquoi les compagnies viennent au Canada, à mon avis.
D'autre part, l'autre élément que j'ai mentionné sont les coûts. Et si vous voulez être radical et parler d'augmenter les impôts, pourquoi ne serais-je pas aussi radical et ne préconiserais-je pas de ramener le salaire minimum à 2 $ de l'heure? Les deux sont un intrant, les deux représentent un coût d'exploitation, un coût de fonctionnement de votre entreprise. Les impôts ne sont pas différents des salaires. Ils ne sont pas différents du coût de l'achat de papier, d'ordinateurs, de n'importe quoi.
Il est donc très simpliste de dire que les sociétés devraient porter un plus gros fardeau fiscal, devraient payer davantage d'impôts. Ce sera très néfaste. Cela ne va pas attirer les entreprises au Canada. C'est fondamental.
[Français]
Le président: Monsieur Poirier, vous êtes le dernier à répondre à M. St. Denis.
M. Poirier: J'aimerais intervenir sur toute la question d'attirer les entreprises ici et sur celle des investissements insuffisants. Pensez-y comme il le faut. Depuis combien de temps débat-on de cela? Depuis combien de temps a-t-on des problèmes avec les investissements au Canada? Depuis combien de temps les entreprises déménagent-elles? Depuis à peu près cinq ans. Qu'est-il arrivé il y a cinq ans? On a signé l'Accord de libre-échange. C'est depuis ce temps-là qu'on a tant de problèmes avec les entreprises, qu'on a le couteau sur la gorge, que les entreprises nous disent: «On va déménager si vous ne faites pas ceci, si vous ne faites pas cela».
M. Chrétien voulait revoir l'Accord de libre-échange, mais il ne l'a pas fait. Je crois que c'est un problème fondamental. Il faut arrêter de taper sur la fiscalité. L'Accord de libre-échange, on n'en parle plus du tout. Il a été évacué du débat, et je crois qu'il faudrait le remettre sur la table.
Le président: Merci beaucoup, monsieur St. Denis. Madame Brushett, s'il vous plaît.
[Traduction]
Mme Brushett (Cumberland - Colchester): Je vous remercie, monsieur le président.
Avant de poser mes questions, je dois réfuter ce que M. Poirier vient de dire. C'est notre excédent d'exportations qui est aujourd'hui le moteur de notre économie, et la plus grande partie de ces exportations sont consommées par nos partenaires américains, grâce à l'accord de libre-échange. Ce qui fait que les petites entreprises de Nouvelle-Écosse, de tout le Québec, du Québec rural et de tout le pays... C'est donc grâce aux exportations. Ce n'est pas grâce au fait que les compagnies ne déménagent pas à cause de l'accord de libre-échange. En réalité, elles surproduisent, et c'est cet excédent exporté, qui a battu tous les records le mois dernier... Je tenais à apporter cette précision.
J'ai trois questions.
[Français]
Le président: Félicitations aux manufacturiers et aux exportateurs.
M. Poirier: J'aimerais faire un petit commentaire par rapport à ce qui a été dit.
Le président: Vous en aurez la possibilité.
[Traduction]
Mme Brushett: J'ai trois questions, monsieur le président, et elles s'adressent surtout àM. Mooney, qui a lancé ce débat.
Je veux des détails très précis pour expliquer pourquoi vous pensez qu'il y a ces problèmes. Vous avez dit que si l'on pouvait formaliser le regroupement des pertes, que cela libérerait des ressources du côté du gouvernement. Pouvez-vous nous donner de plus amples explications?
Deuxièmement, vous avez dit qu'il fallait définir clairement une assiette uniforme de l'impôt sur le capital. Quelle définition recherchez-vous plus précisément?
Troisièmement, vous avez parlé de l'harmonisation de la taxe de vente. Vous avez dit que les entreprises envisageaient de déménager dans une province ayant procédé à l'harmonisation. Quels avantages y a-t-il à cela, en dehors de la paperasserie interne? Quels sont les avantages concrets que cela donne à une entreprise?
M. Mooney: Pour ce qui est de votre première question, regardez ce qu'une société doit faire chaque année sur le plan des déclarations d'impôt. Elle doit déposer une déclaration fédérale et des déclarations provinciales. Elle doit en déposer une pour chaque société du groupe. Je pense que l'avantage d'une assiette uniforme sont les économies réalisées lorsqu'on n'a plus à remplir six, sept ou huit déclarations différentes pour chaque société.
Mais il y a aussi un avantage lorsqu'on n'a pas deux personnes, une dans un bureau de Québec et une dans un bureau d'Ottawa, épluchant ce qui est sensiblement la même déclaration d'impôt. C'est cela qui permettrait de libérer des ressources gouvernementales.
La consolidation fiscale n'est pas un sujet nouveau. On en parle depuis des années et des années. Je me souviens, lorsque j'ai débuté dans les affaires fiscales, je pensais que nous étions sur le point d'y arriver, et c'était au milieu des années 1980. Quelque chose est venu enrayer le mouvement.
Mais vous savez, madame Brushett, ce qui se passe à Revenu Canada aujourd'hui, c'est que le regroupement des pertes fiscales à l'intérieur d'un groupe de sociétés apparentées est autorisé. C'est permis. Le mécanisme est admis. Mais les formalités à remplir pour parvenir à ce stade coûtent aux entreprises des milliers et des milliers de dollars. Nous recherchons juste une méthode pour simplifier ce qui est déjà permis au niveau fédéral.
Peut-être la façon la plus simple pour moi de vous expliquer l'assiette uniforme de l'impôt sur le capital, c'est de dire qu'il faut choisir le meilleur de deux mondes. Je ne pense pas que les entreprises se préoccupent de savoir comment le calcul est effectué; elles veulent simplement qu'il y ait un seul calcul, le même pour l'impôt fédéral et le même pour l'Ontario. Toutes les provinces s'aligneraient sur cette méthode uniformisée.
Peu nous importe ce qui figure dans l'assiette et ce qui n'y figure pas; c'est simplement le coût que représente l'obligation de faire trois, quatre, cinq et six calculs différents, simplement parce que l'on a choisi de vendre ses produits ou ses services dans six provinces différentes.
Pour ce qui est de l'harmonisation de la TPS, je n'ai pas dit connaître des entreprises qui changent de province uniquement à cause de l'harmonisation. J'ai dit craindre que cela arrive.
Le Québec a harmonisé la taxe de vente, et les intrants d'entreprise... Si vous payez un intrant d'entreprise, et que le montant englobe la TVQ et la TPS, au Québec vous obtenez le remboursement intégral des deux montants de taxe. Actuellement, dans une province comme l'Ontario, qui est en concurrence directe avec le Québec pour les recettes fiscales, il n'y a pas de crédit de taxe sur les intrants à déduire de la taxe de vente provinciale.
Donc, tous les autres facteurs étant égaux d'une province à l'autre, la société ontarienne est défavorisée. Elle doit payer 8 p. 100 de TPS sur ses intrants et doit répercuter ce montant sur ses prix.
Mme Brushett: Je peux donc en conclure que lorsque la Nouvelle-Écosse va harmoniser sa taxe de vente, nous verrons les entreprises affluer dans la province pour récolter cet avantage?
M. Mooney: Eh bien, je ne pense pas...
Le président: Venant toutes de ma circonscription en Ontario, madame Brushett.
Mme Brushett: Je l'espère.
M. Mooney: ...que vous ayez besoin de la taxe harmonisée pour attirer des entreprises en Nouvelle-Écosse, et la Nouvelle-Écosse se battra avec le Nouveau- Brunswick et Terre-Neuve. À l'heure actuelle, c'est l'Île-du-Prince-Édouard qui reste reléguée dans le froid, en quelque sorte.
Le président: Je vous remercie, madame Brushett. Madame Chamberlain.
Mme Chamberlain (Guelph - Wellington): À l'heure actuelle, les différents partis ont chacun leur philosophie en prévision de la prochaine élection, et aussi de la période prébudgétaire. J'aimerais connaître vos sentiments sur d'éventuelles réductions de l'impôt personnel. Pensez-vous que ces réductions seraient une bonne chose, à un moment où le déficit n'est toujours pas épongé? Je ne veux pas lancer un long débat, mais j'aimerais savoir ce que pense chaque groupe à ce sujet.
[Français]
Le président: Y a-t-il des gens autour de la table qui appuieraient une diminution des taxes dans le prochain budget?
[Traduction]
Qui veut une baisse d'impôt? Une, deux...
M. Langlois: Je ne veux pas de baisse d'impôt; je veux parler d'une baisse d'impôt.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Monsieur Langlois.
[Français]
M. Langlois: Il serait totalement inopportun de songer à des coupures de taxes dans le prochain budget. Je crois que l'heure est beaucoup plus à la poursuite du redressement des finances publiques d'une façon très bien dosée. Comme je l'ai dit au début, dans mon intervention, je crois qu'il faudrait rééquilibrer l'effort un peu plus du côté des revenus, parce que les coupures de dépenses font très mal à l'économie actuellement.
Éventuellement, si on vient à bout de relancer l'économie et de redresser les finances publiques, on pourra peut-être penser dans un avenir ultérieur - et cela m'apparaît un peu lointain dans le contexte actuel - à des allégements fiscaux. Pour l'instant, si on s'engageait sur la voie d'une réforme fiscale, ce serait beaucoup plus pour restructurer la fiscalité que pour réduire les taxes.
Le président: Monsieur Charron.
M. Charron: C'est encore un débat à double volet. Demandez aux gens s'ils veulent avoir un dollar, et tous diront oui. Je pense qu'on est tous pareils. Demander à des gens s'ils veulent payer moins d'impôt pour voir ensuite le gouvernement se désengager de ce service-là et le faire payer sous la forme d'une taxe déguisée, cela revient au même.
On veut une fiscalité équitable. La Loi de l'impôt sur le revenu contient près de 1 500 pages dont très peu s'appliquent aux salariés parce que ces gens-là ont peu de possibilités fiscales. Ce qu'on demande, c'est une fiscalité équitable. Il y a moyen de revoir certains privilèges fiscaux sans porter préjudice à qui que ce soit, sauf à ceux qui en profitent. C'est un débat qui est quand même large, mais l'objectif d'une loi fiscale est censé être la simplicité. C'était l'objectif premier lorsque la loi fiscale a été adoptée. Quand on en est rendu à 1 500 pages, je pense qu'on a perdu de vue la fiscalité.
Le président: Merci beaucoup.
M. Morris Weinstock (premier directeur de la fiscalité, Impôts sur le revenu, Entreprises Bell Canada Inc.): J'aimerais répondre à votre question. Je suis d'accord avec M. Langlois que ce n'est peut-être pas le moment opportun pour des coupures. Les bénéfices qui résultent de la réduction du déficit et des abaissements des taux d'intérêts, etc., sont préférables à des coupures d'impôt en ce moment.
Le président: Oui.
M. Dussault: Écoutez, la stratégie fédérale va extrêmement bien jusqu'à maintenant. Je ne pense pas qu'il faille la changer.
D'autre part, je suis en désaccord avec M. Langlois. Je ne crois pas qu'il faille aller du côté des revenus. Au Canada, le fardeau fiscal est de 39 p. 100 du PIB, ce qui est beaucoup plus élevé qu'aux États-Unis ou au Japon, si on prend ces deux pays comme exemples. Les salaires en termes réels ont diminué au Québec au cours des derniers mois.
Il ne faut pas augmenter les revenus du gouvernement parce que la confiance des consommateurs est aussi un élément extrêmement important dans la relance de l'économie domestique.
Du côté des réaménagements, on a appuyé l'initiative de M. Mintz, qui consistait à voir de quelle façon, dans le cadre d'un réaménagement, on pouvait attirer plus d'investissements et plus d'emplois. Je pense que c'est cela, la façon d'aborder le problème.
Le président: Merci beaucoup et merci, madame Chamberlain. Pourrais-je poser une question à M. Charron? Est-il vrai qu'au niveau fédéral, nous n'avons pas d'impôt minimum pour les corporations?
M. Charron: Il y a un impôt sur le capital, qui ne m'est pas très familier, dois-je dire, pour les très grandes sociétés qui ont un actif de dix millions de dollars. Nécessairement, cet impôt n'est pas en lien avec la rentabilité, mais seulement avec le capital de l'entreprise. Cela ne veut pas dire que cet impôt minimum est payé par toutes les entreprises qui ont un actif de dix millions de dollars. Il fait en sorte, par exemple, de porter préjudice à l'entreprise qui a un bénéfice fiscal et qui paie sa juste part d'impôt par rapport à l'autre qui réussit à diminuer son bénéfice fiscal.
Le président: Il s'agit d'une taxe minimum; cela ne dépend pas des parties.
M. Charron: C'est une taxe sur le capital et non une taxe minimum. Toutes les entreprises qui ont un actif de dix millions de dollars ont cette taxe à payer en fonction de leur valeur de capital.
Le président: Et vous n'aimez pas cela? Vous n'êtes pas en faveur de cette taxe pour les grandes sociétés?
M. Charron: Je n'ai pas dit cela. La taxe sur le capital, c'est un élément. Moi, je parle de l'impôt sur les bénéfices, en tenant compte que chaque corporation a un impôt à payer sur les bénéfices, un impôt qui tient compte de la table d'imposition des corporations. Certaines corporations, bien qu'elles déclarent un bénéfice comptable, réussissent à ne pas payer d'impôt, à avoir droit à un remboursement.
Il ne faudrait pas mêler une taxe sur le capital et un impôt sur les bénéfices. Si on veut parler de toutes les formes de taxes payées par les entreprises, il y en a beaucoup. Les considère-t-on toutes comme des taxes sur un impôt minimum? Non, je ne le pense pas. On parle d'un impôt sur les profits.
Le président: C'est-à-dire une taxe sur les profits?
M. Charron: C'est la suggestion qu'on fait.
Le président: Au lieu d'une taxe sur le capital, ce devrait être une taxe sur les bénéfices et sur les profits, n'est-ce pas? Je ne vous ai peut-être pas bien compris.
M. Charron: Non.
Le président: Peut-être que le minimum que vous nous suggérez en ce moment pour les corporations...
M. Charron: C'est sur les bénéfices.
Le président: C'est-à-dire les profits.
M. Charron: C'est sur les profits. Je n'ai pas d'idée du montant que rapporte la taxe sur le capital des grandes corporations, mais je veux ajouter un élément très important dont on doit tenir compte ici. Depuis 1991, les chiffres sur les corporations sont tous oubliés. On n'a pas d'idée d'où provient tel compte de dépenses et comment il est appliqué au niveau corporatif. Les statistiques sur les corporations, contrairement à celles sur les particuliers, sont toutes oubliées depuis 1991. Donc, il n'est pas possible de connaître différents renseignements qui seraient intéressants pour bien analyser le dossier dans son ensemble.
Le président: Peut-être pourriez-vous nous suggérer une façon d'appliquer cette taxe minimum.
Monsieur Poirier, quand une corporation canadienne a une filiale dans un paradis fiscal, est-ce pour minimiser les taxes et les impôts canadiens ou les taxes et les impôts à l'étranger?
M. Poirier: Je ne comprends pas très bien votre question.
Le président: Vous avez parlé des corporations canadiennes qui ont des filiales dans des paradis fiscaux, n'est-ce pas?
M. Poirier: Oui.
Le président: Est-ce pour minimiser les taxes canadiennes ou les taxes étrangères?
M. Poirier: Quand vous parlez de taxes à l'étranger, ce serait l'impôt sur...
Le président: Les taxes non canadiennes, les taxes payées dans les autres pays du monde.
M. Poirier: Dans les autres pays, en France ou...?
Le président: Oui.
M. Poirier: Eh bien, ce peut être les deux.
Le président: Excusez-moi. Est-ce pour minimiser les taxes canadiennes, oui ou non?
M. Poirier: Oui.
Le président: C'est pour minimiser les taxes hors du Canada?
M. Poirier: Exactement, oui.
Le président: Je suis d'accord en ce qui a trait au deuxième volet de votre réponse. C'est pour minimiser les taxes hors du Canada. Mais comment, selon la loi, une corporation canadienne ou manufacturière, par exemple Bell, peut-elle utiliser un paradis fiscal pour minimiser les taxes canadiennes? Pouvez-vous me dire comment cela peut se faire? Donnez-moi un exemple.
M. Poirier: Ce peut être fait, entre autres, par les prix de cession internes. Par exemple, une compagnie fabrique au Mexique. Au lieu d'envoyer ses produits directement au Canada, elle les fait transiter par les Barbades. La filiale achète à petit prix de la filiale mexicaine et vend à gros prix à la filiale canadienne. À ce moment-là, tous les profits restent aux Barbades et ces profits ne sont pas imposés. C'est l'une des façons de faire.
Le président: Excusez-moi. Dans ce cas-là, quel devrait être l'impôt canadien entre les Barbades et le Canada?
M. Poirier: Il y a des règles fiscales qui existent, mais qui ne sont pas appliquées.
Le président: Quelles sont ces règles fiscales dont vous parlez?
M. Poirier: Normalement, les prix de cession internes ne peuvent pas être abusifs. Il faut que ce soit fait à peu près à la valeur marchande.
Le président: Exactement, et il y a beaucoup de règles pour renforcer cela. Est-ce juste ou non?
M. Poirier: Ce devrait être appliqué. Il ne devrait pas être permis de transférer des profits dans les paradis fiscaux comme cela se fait actuellement.
Le président: À Ottawa, il y a beaucoup de fonctionnaires dont la seule fonction est de s'assurer que le prix entre le Canada et les paradis fiscaux est at arm's length, est raisonnable dans toutes les circonstances. Donc, les compagnies n'évitent pas de payer les impôts canadiens dans ces cas-là. Avez-vous un autre exemple de la façon dont on pourrait éviter ou minimiser les taxes canadiennes?
M. Poirier: Si le travail est aussi bien fait que vous le dites au niveau des prix de cession internes, comment se fait-il que toutes les grandes corporations et les banques aient autant de filiales dans les paradis fiscaux? Je vous pose la question.
Le président: C'est évident. La plupart des multinationales utilisent des filiales dans des paradis fiscaux parce qu'il y a des traités. Si un Canadien a une manufacture au Mexique et vend des produits partout à travers le monde, les profits qui proviennent de la distribution aux Barbades, par exemple, sont imposables dans ce dernier pays. Les profits manufacturiers sont imposables au Mexique. Donc, les profits qui restent reviendraient au Canada.
M. Poirier: Vous dites implicitement que les compagnies utilisent bel et bien les paradis fiscaux pour détourner des profits.
Le président: Pour maximiser les profits. Ce n'est pas pour éviter de payer des impôts canadiens. Je n'ai jamais vu une situation où, légalement, on peut utiliser un paradis fiscal pour éviter de payer les impôts canadiens. On le fait pour éviter de payer des taxes à l'étranger, oui, mais peut-être avez-vous plus d'expérience que moi dans ce domaine.
M. Poirier: Écoutez. Je vois mal comment une compagnie pourrait utiliser les paradis fiscaux pour éviter les impôts au Mexique, aux États-Unis ou au Venezuela et ne pas le faire pour le Canada. Cela me semble illogique.
Le président: D'accord. Vous préférez qu'ils paient plus d'impôts au Mexique au lieu de faire revenir au Canada les profits maximums, même si le Mexique dit: «Voici, notre administration et notre système d'impôt sont les suivants, et vous devez les respecter». Vous croyez peut-être que les sociétés canadiennes qui ont des opérations multinationales devraient payer plus d'impôts dans les autres pays. Ce n'est pas le monde réel, mais c'est votre opinion.
M. Charron: Pourrais-je ajouter quelque chose à cela? J'espère qu'on ne vous a rien appris aujourd'hui au niveau des stratagèmes des paradis fiscaux. Le vérificateur général les dénonce à outrance chaque année dans son rapport. Quand ce ne sont pas les paradis fiscaux des corporations, ce sont les fiducies familiales.
De quelle façon les utilisent-elles? Je vous demanderais de consulter le rapport du vérificateur général de cette année. Il nomme une vingtaine de stratagèmes. Ils sont pas mal plus complexes que ce qui est à la portée du commun des mortels. On ne se cachera pas que ces corporations-là, aux Barbades, sont des corporations tablettes dans des firmes d'avocats, de droit. Elles n'ont pas un seul employé et, lorsqu'il y en a un, il ne fait que mettre le dossier sur la tablette lorsqu'il reçoit des documents.
Il ne faut pas nous prendre pour des illuminés quand on parle de choses concernant les paradis fiscaux et dire: «Ils font cela par going concern business parce que c'est bon pour les affaires.» Il y a un objectif derrière tout cela. On peut bien abaisser le taux d'impôt canadien à zéro, mais il est immoral que des compagnies puissent profiter de l'infrastructure, des soins la santé et de la formation de la main-d'oeuvre et réussir à détourner de tels capitaux sans qu'on se dise...
J'espère que le vérificateur général, quand il vous amène cela sur la table... Lorsqu'il a dénoncé les fiducies familiales, on s'est tous dit: «Eh bien!» C'est cinq ans plus tard qu'on a appris cela et l'erreur là-dedans a probablement été de ne pas avoir sorti cela dès le départ.
En tout cas, j'espère que je ne vous apprends rien aujourd'hui.
Le président: Excusez-moi.
M. Charron: J'espère qu'on ne vous apprend rien au sujet des paradis fiscaux. Vous vous demandez de vous parler des mécanismes qui existent. On vous dit que le vérificateur général en dénonce à outrance dans son rapport de cette année.
Le président: Oui, et nous avons très bien respecté les recommandations du vérificateur général. J'aimerais vous poser la même question en ce qui a trait aux fiducies familiales. Nous avons pris beaucoup de mesures pour corriger cette situation, et vous le savez bien.
Mais quand il s'agit de multinationales canadiennes comme Bell, je ne le sais pas. J'imagine que Bell a beaucoup de filiales dans des paradis fiscaux, en Europe soit ailleurs. La plupart des grands manufacturiers du monde le font. J'ai l'impression que la plupart de vos clients, monsieur Dussault, utilisent des paradis fiscaux, mais pas pour éviter les impôts canadiens. Vous pourriez peut-être me donner des exemples où cela pourrait être fait.
M. Charron: Je ne veux pas vous faire une nomenclature d'exemples. Je ne suis pas un spécialiste de cette question. Je n'ai pas apporté le rapport du vérificateur général. Il dénonce25 stratagèmes.
Le président: Il n'a pas dit qu'il fallait abolir tous les paradis fiscaux. Il a dit dans quelques-uns de ses rapports qu'il y avait des abus et il a fait des suggestions. J'avais l'impression que vous disiez que chaque utilisation des paradis fiscaux avait pour but d'éviter les taxes canadiennes.
M. Charron: Je suis absolument d'accord avec vous pour dire que si une filiale est utilisée pour des fins d'opérations véritables...
Le président: C'est la loi, actuellement.
[Traduction]
M. Mooney: Pour avoir une discussion utile sur les impôts à l'étranger, il y a un certain nombre de faits fondamentaux qu'il ne faut pas perdre de vue. Le premier est que le régime fiscal canadien est axé sur la résidence. Peu importe où vous gagnez vos revenus, que ce soit à l'étranger, dans votre paradis fiscal ou aux États-Unis, au Royaume- Uni ou en Chine, si vous êtes résident du Canada, vous payez l'impôt au Canada sur les revenus gagnés dans le monde entier.
Je suis donc d'accord avec M. Peterson: les paradis fiscaux n'ont pas d'effet sur l'assiette fiscale canadienne. Vous ne voulez peut-être pas l'entendre. Désolé, mais c'est la réalité.
Deuxièmement, en ce qui concerne le lieu de résidence d'une société, une société est résidente du pays où se réunit son conseil d'administration. Donc, encore une fois, si le conseil d'administration se réunit au Canada, elle est imposée au Canada sur les revenus gagnés dans le monde entier. Si vous avez une filiale en Jamaïque ou dans un de ces autres pays dont vous parlez, peu importe, vous êtes imposé au Canada. Vous payez le taux d'imposition canadien sur le revenu mondial. Et c'est la simple vérité.
Je ne veux donc pas essayer de deviner quels étaient les motifs du vérificateur général lorsqu'il a rédigé son rapport. C'est une chose que de soulever toutes sortes de questions qui pourraient causer un problème dans l'assiette fiscale. Mais la majorité d'entre nous qui connaissons la fiscalité, savons bien qu'il n'en est pas ainsi. Mais c'est son travail et je vais le laisser faire son travail.
Mais déclarer à l'aveuglette, comme je l'ai entendu dire, que des sociétés canadiennes comme Bell utilisent les paradis fiscaux pour payer moins d'impôts au Canada constitue une erreur flagrante et pas mal stupide.
[Français]
Le président: Je pourrais peut-être vous donner un exemple. Quand le gouvernement du Canada était propriétaire de Texas Gulf Sulphur, il y a 20 ans, il y avait eu une faillite d'une grande mine de Texas Gulf Sulphur aux États-Unis. Ils détenaient de grandes propriétés aux États-Unis. Le gouvernement du Canada, au lieu d'imposer directement les actions de Texas Gulf Sulphur, parce que cela les aurait forcés à payer 15 p. 100 de taxes sur les dividendes venant des États-Unis vers le Canada, a utilisé un paradis fiscal. Il a utilisé une société dans les Antilles néerlandaises et une en Europe. Le contrôle indirect a réduit de 15 à 5 p. 100 les taxes américaines. C'est-à-dire que plus de profits ont pu retourner au Canada. Ce n'est qu'un exemple. On fait cela pour être concurrentiel et pour pouvoir minimiser le fardeau des taxes à l'étranger. La plupart des grandes sociétés canadiennes utilisent des filiales dans les paradis fiscaux.
M. Laurin: Monsieur le président, je n'aime pas beaucoup l'allure que prend la conversation actuellement. On est en train de faire dire aux témoins des choses qu'ils n'ont jamais affirmées et de se servir de leur argumentation pour démontrer qu'il n'y a pas de problème.
Il y a un problème. De grandes compagnies se servent de cette échappatoire pour se faire imposer à 10 ou 15 p. 100 aux Barbades, alors qu'elles auraient été imposés à 40 ou 50 p. 100 si elles avaient été enregistrées au Canada. C'est ce qu'on dénonce.
On se sert des noms de compagnies bidons pour ne pas payer des impôts qui devraient normalement être payés au Canada. Je ne voudrais pas qu'on essaie de mettre en boîte les témoins. Ils sont ici pour essayer de dénoncer des situations et de nous éclairer. Qu'on prenne leur témoignage et, si on doute de leur parole, on fera des vérifications. Il y a un problème qui a été dénoncé par le vérificateur général, et nous l'avons nous-mêmes souvent dénoncé et continuons de le faire. Le Bloc québécois a dénoncé à maintes reprises les fiducies familiales et les paradis fiscaux.
On sait que des procédures plus ou moins honnêtes sont utilisées pour sauver de l'argent aux dépens du fisc canadien et non pas aux dépens du fisc étranger. C'est ce qu'on a toujours dénoncé, et c'est un problème qui perdure. On demande au ministre des Finances, dans son prochain budget, de prendre des mesures pour limiter les effets néfastes de ces procédures. C'est le message qu'il faut retenir de nos témoins aujourd'hui.
J'aimerais poser ma question à M. Mooney. Je ne suis pas certain d'avoir bien compris le mécanisme dont il a parlé en ce qui a trait au transfert des pertes ou au regroupement des pertes. Parle-t-on de regroupement des pertes entre une compagnie-mère et ses filiales et de faire un seul rapport?
Dans votre réponse à Mme Brushett, vous avez semblé dire que c'était une question d'harmonisation de taxes alors que, dans votre première explication, j'avais cru comprendre qu'on voulait regrouper les profits d'une compagnie-mère avec ceux de ses filiales pour ne faire qu'un seul rapport, ce qui pourrait permettre le transfert des pertes d'une compagnie à une autre.
Je pensais avoir compris, mais avec la réponse que vous avez donnée à Mme Brushett, j'ai l'impression de ne plus rien comprendre. Pourriez-vous m'expliquer cela par un exemple?
[Traduction]
M. Mooney: Oui, certainement. Nos compagnies travaillent dans un environnement réglementé, comme vous le savez. Très souvent, nous sommes obligés de créer des sociétés distinctes pour des activités commerciales différentes, et ce pour différentes raisons - je ne les passerai pas toutes en revue. Assez souvent, certaines sociétés du groupe afficheront des profits et d'autres des pertes.
Le regroupement fiscal vise à reconnaître que le groupe dans son entier, une fois que l'on additionne toutes les composantes, a réalisé un certain niveau de revenus nets ou de pertes nettes. Au lieu de prendre les sociétés qui ont des profits et de leur faire payer un montant d'impôt excessif sur ces profits, et de prendre celles qui ont perdu de l'argent et ne leur reconnaître aucun avantage à l'égard de ces pertes dans l'année courante, le regroupement fiscal reconnaît le groupe dans son entier comme un seul gros contribuable. Vous combinez les pertes et profits des sociétés en un seul montant et imposez le groupe sur la base de ce montant unique.
On peut dire que le regroupement est comme l'harmonisation. Prenez le cas où deux gouvernements du Canada évaluent, perçoivent et administrent le même type de taxe. Au lieu d'avoir deux groupes de personnes faisant la même chose, un pour la province et un pour le gouvernement fédéral, combinez les deux. Ils vont percevoir le même montant de taxe, qu'il s'agisse d'une taxe de vente ou d'une taxe sur le capital, mais un seul groupe se chargera du tout.
Cela représente une économie pour les gouvernements, mais aussi pour les compagnies qui n'ont pas à dépenser plus pour se conformer à deux ensembles de lois qui portent, à toutes fins pratiques, sur une même taxe. Me suivez-vous?
[Français]
M. Laurin: Est-ce le même problème lorsque votre compagnie a sa maison-mère au Canada et une filiale aux États-Unis ou dans un autre pays? N'avez-vous pas le même problème à ce moment-là? Vous ne pouvez consolider vos pertes et vous devez donc faire deux rapports d'impôt, conformément aux lois des deux différents pays, n'est-ce pas?
[Traduction]
M. Mooney: Oui, lorsque vous avez une filiale à l'étranger, vous êtes généralement obligé de déclarer les revenus et de payer l'impôt selon les lois de ce pays. De la même façon, si une compagnie américaine a une filiale au Canada, elle est tenue de déclarer les revenus dans la province canadienne concernée, de même qu'aux États-Unis.
Si vous avez une filiale, la perte d'exploitation de celle-ci est combinée aux autres éléments de votre revenu aux fins de l'impôt canadien car, comme je l'ai dit tout à l'heure, une société ou un particulier résidant au Canada est imposé sur son revenu mondial.
Donc, si vous êtes une société canadienne et que vous avez une filiale aux États- Unis, vous devez payer l'impôt canadien sur le revenu de cette filiale américaine, sauf que la Loi de l'impôt sur le revenu prévoit certains mécanismes pour éviter la double imposition, l'obligation de payer l'impôt sur le même profit dans deux pays.
[Français]
M. Laurin: Dans votre exemple, vous parlez de consolidation des pertes. Il n'y aura pas seulement consolidation des pertes, mais aussi consolidation des bénéfices. Si aucune des compagnies et des filiales n'était déficitaire et que les deux faisaient des profits, il y aurait accumulation des profits qui seraient taxés à une échelle différente parce qu'ils seraient consolidés. Est-ce que c'est cela qui se produirait, selon vous?
[Traduction]
M. Mooney: Non, selon les règles actuelles d'imposition du revenu des sociétés, à l'exception de la déduction de petite entreprise qui ne s'applique pas à la plupart des compagnies multinationales, vous payez un taux fixe sur votre revenu imposable. Donc, que vous ayez un revenu combiné de 10/100 ou de 1/100, vous payez le même taux d'impôt, selon la loi actuelle.
[Français]
M. Laurin: À ce moment-là, n'êtes-vous pas en train de réclamer des mesures qui vous permettraient de bénéficier des avantages lorsque vous avez des pertes, tout en limitant les inconvénients lorsque vous avez des revenus imposables? Est-ce bien ce que vous voulez? S'il y a des pertes, vous voulez en profiter et s'il y a des revenus, vous ne voulez pas être taxés. Est-ce que je comprends bien? Voulez-vous limiter la taxation sur l'accumulation des profits?
[Traduction]
M. Mooney: Non, je ne dis pas cela. Je dis que si vous avez cinq sociétés ayant 100 $ de profit imposable au taux de 50 p. 100, elles vont chacune payer 50 $ d'impôt selon la loi actuelle. Si vous les combinez, cela fait 500 $ de profit combiné imposé à 50 p. 100, et donc toujours 250 $ d'impôt.
Avec le regroupement des pertes, si vous avez une société affichant 500 $ de profit et une société de votre groupe qui a perdu 100 $, le groupe dans son entier n'a gagné que 400 $ et, donc, ne devrait payer qu'un impôt de 50 p. 100 sur 400 $.
Il n'y a là rien de nouveau. Comme je l'ai dit, le regroupement des pertes est actuellement admis par Revenu Canada et le ministère des Finances. Tout ce que nous demandons, c'est une méthode plus simple et plus facile qui ne nous oblige pas à restructurer et à déplacer des sociétés à l'intérieur du groupe, juste pour tirer parti de quelque chose que le gouvernement nous autorise déjà à faire en ce moment. Nous demandons uniquement une méthode plus simple pour faire ce que nous faisons déjà et qui est autorisé par la loi.
[Français]
M. Laurin: Les compagnies ne paient-elles pas plus d'impôts lorsque leurs profits sont plus élevés? Y a-t-il graduation de l'échelle de l'impôt comme pour les particuliers, ou si l'impôt des compagnies est toujours au même taux, disons 35 p. 100? Peu importe le profit de la compagnie, que ce soit 100 000 $ ou 5 millions de dollars, le pourcentage de taxation est-il le même? C'est bien cela?
[Traduction]
M. Mooney: Oui, c'est juste.
M. Laurin: D'accord.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Laurin. Il ne nous reste que deux minutes.
Monsieur Grubel.
[Traduction]
M. Grubel: Je voudrais simplement lire, pour le procès-verbal, la réponse à une question soulevée par M. St. Denis. En guise de rappel à l'intention de certains témoins d'aujourd'hui, c'est une chose que d'être idéologiquement pointu et informé, et c'en est une autre que d'être informé sur le monde réel.
À la page 38 du Financial Post de cette fin de semaine, il y a un tableau montrant les prélèvements fiscaux en pourcentage du PIB. La source, ce sont les statistiques de revenus des pays membres de l'OCDE. L'impôt sur le revenu des sociétés prélevé au Canada est de 2,4 p. 100 du revenu national. Pour notre partenaire commercial le plus important, dont de nombreux témoins ont dit que nous devrions nous inspirer, le chiffre est de 2 p. 100. Si vous voulez parler de l'Europe, en France il est de 1,6 p. 100 et en Allemagne de 1,1 p. 100.
J'essayais de faire ressortir que, quel que soit le mécanisme utilisé pour augmenter le montant des impôts payés par les sociétés au Canada, nous cesserons d'être compétitifs par rapport aux États-Unis, par définition.
[Français]
M. Charron: Cela nous ramène au débat que j'ai amené plus tôt. Cela n'inclut pas les autres charges que les corporations, que ce soit aux États-Unis ou dans d'autres pays, ont à payer pour les services qui ne sont pas assurés par le gouvernement. C'est une étude qui ne fait pas de comparaisons générales, contrairement à celle de Price Waterhouse qui démontrait, comme le disait M. Langlois, que le Québec était compétitif au niveau fiscal et qui tenait compte de ce que les employeurs ont à verser pour le système de santé privé, par exemple aux États-Unis. Quand on conclut une étude comme cela, il faut déborder un peu de cela.
[Traduction]
M. Grubel: Je vous en prie, monsieur le président. C'est l'un des plus gros mensonges. Les coûts de santé du secteur privé aux États-Unis sont de 5 p. 100 du revenu national. Chez nous, ils sont de 6 p. 100, à peu près la même chose. Et presque tous ceux qui ont une assurance-maladie privée aux États-Unis l'obtiennent de leur employeur. C'est faux.
J'ai une citation dans un de mes livres, qui dit que Chrysler paie plus pour l'assurance-maladie, par voiture, que pour l'acier incorporé dans cette voiture. Pourquoi? Parce qu'au lieu de taxes, elle paie sous forme de primes d'assurance-maladie pour ses employés. C'est un mythe gauchiste que vous propagez.
M. Vallée: Je pense que le comité n'est pas ici pour éduquer le public. Il est peut-être nécessaire de le faire. J'ai écouté attentivement tout ce qui se dit. Je suis très frustré, car c'est du niveau du cours d'économie 101. Il y a beaucoup d'idées novatrices qu'il faudrait introduire dans le régime fiscal. Les citoyens ressentent beaucoup de frustration. Votre rôle à vous est de les écouter et de trouver ensuite quelques idées pour effacer l'apparence d'injustice du système.
Vous aurez beau discuter avec ces gars pendant des heures et expliquer qu'ils se trompent et montrer que ce sont des idées préconçues de gauche. Ils ne vont pas changer d'avis aujourd'hui. Mais nous avons beaucoup d'idées à promouvoir et beaucoup de choses à dire sur la façon de réformer l'impôt. Je voulais parler de réforme des pensions. Les idées abondent. Vous devriez laisser s'exprimer toutes ces idées et discuter de la façon de les mettre en oeuvre, au lieu d'essayer de nous instruire, ou eux.
Ces deux jeunes gens ont été un peu malmenés par le comité aujourd'hui. Il n'est pas excessif de le dire. Je ne pense pas qu'ils aient raison. Je pense qu'ils se trompent concernant l'imposition des entreprises. Mais il faudrait les envoyer à HEC. C'est vrai, et ce n'est pas me montrer condescendant à leur endroit.
Néanmoins, ils ont mis le doigt sur quelque chose que M. le député a reconnu. Même certains experts disent qu'il y a des injustices et qu'il faut les rectifier. Ils ont raison sur ce plan.
On pourrait évidemment améliorer la qualité du débat, mais je pense que l'objectif du comité ne devrait pas être d'éduquer, mais simplement de nous écouter, nous et nos idées.
[Français]
M. Charron: Il dit qu'on devrait aller aux HEC. Cela démontre que, depuis le début, M. Vallée est venu ici pour ses intérêts personnels. Quand ce n'était pas pour son propre fonds de pension, c'était pour son université.
Le président: [Difficultés techniques - La rédactrice] ...avec le comité.
Monsieur Dussault.
M. Dussault: Si j'étais vous, je regarderais l'étude de Price Waterhouse au Québec, mais je ne la suivrais pas nécessairement à la lettre parce qu'il y a beaucoup de choses qui sont questionnables là-dedans.
Le message que je vous laisse porte sur l'importance de l'investissement et de la compétitivité pour créer de l'emploi.
Le président: Merci. Monsieur Charron.
M. Charron: Tout au long de mes études de maîtrise en fiscalité, j'ai appris à sauver de l'impôt. Bizarrement, la formation de toutes les université porte sur les façons de sauver de l'impôt. On doit tenir compte du fait que le gouvernement a un rôle à jouer dans l'économie et qu'il a besoin d'argent pour jouer son rôle.
Le président: Merci, monsieur Charron. Monsieur Poirier.
M. Poirier: Je voudrais en profiter pour répondre à Mme Brushett. Je n'ai pas eu l'occasion de le faire en ce qui a trait au libre-échange. C'est vrai que les exportations amènent la richesse au Canada et c'est vrai qu'il faut en tenir compte, mais je crois qu'entre le protectionnisme qui existait au siècle dernier et l'élimination totale de tous les tarifs douaniers, il y a un juste milieu qu'il faut essayer de rechercher.
Le président: Merci, monsieur Poirier. Monsieur Langlois.
M. Langlois: Si le comité a une grande recommandation à acheminer au ministre des Finances pour le prochain budget, c'est que le Canada est mûr pour une réforme fiscale. Il y a déjà un comité, le comité de M. Mintz sur la fiscalité des entreprises, mais plus largement, il faut examiner la fiscalité dans son ensemble.
En terminant, je reprendrai les paroles de M. Mooney. Pour les entreprises, la fiscalité n'est qu'un coût parmi l'ensemble des coûts. Ce n'est pas un élément sur lequel il faut faire une fixation. Il y a tous les autres éléments qu'il faut examiner dans l'ensemble.
Le président: Merci, monsieur Langlois. Monsieur Vallée.
M. Vallée: J'aimerais répéter qu'il faut réformer les régimes de pension. Les Canadiens sont appelés à changer de vie. On va les faire passer d'une économie où ils avaient des emplois assurés à un autre genre d'économie. De la façon dont sont structurés les régimes de pension actuellement, il ne leur est pas possible de planifier une retraite rentable et agréable.
Le président: Merci.
[Traduction]
Monsieur Mooney.
M. Mooney: Nous apprécions cette occasion de venir ici exprimer nos points de vue. Je vous en prie, continuez à vous attaquer au déficit. Merci.
[Français]
Le président: Merci. Monsieur Weinstock.
[Traduction]
M. Weinstock: Je me contenterai de répéter la même chose concernant l'impôt et le déficit.
[Français]
Le président: Au nom de tous les députés autour de cette table, j'aimerais vous remercier. C'est la séance qui a duré le plus longtemps. Vous avez touché les nerfs.
Bell Canada a parlé d'administration, de consolidation et de retroactive assessing policies, de toutes ces possibilités. J'ai l'impression que nous avons le droit comme politiciens, au niveau provincial ou fédéral, de minimiser les dédoublements et les chevauchements entre les deux niveaux de gouvernement et d'harmoniser les lois au maximum, afin que tous les Canadiennes et Canadiens puissent avoir un système plus efficace et plus simple.
Quand vous avez parlé des pensions, monsieur Vallée vous m'avez touché de très près. C'est un des plus grands problèmes et nous n'y avons pas encore fait face. Vous nous avez suggéré certaines choses.
[Traduction]
Qu'allons-nous faire pour les pauvres si nous allons abandonner petit à petit, ou même seulement en partie, les régimes de pension publics? Il n'est pas juste, à l'heure actuelle, que si je suis dans une tranche d'imposition basse, le gouvernement n'apporte que 20 p. 100 de ma cotisation, alors que si je suis dans une tranche d'imposition élevée, l'apport du gouvernement est de 54 p. 100. J'ai du mal à dormir lorsque je réfléchis à ce problème. Vous avez présenté une solution à laquelle nous allons réfléchir.
[Français]
Merci beaucoup.
Richard Langlois, vous avez parlé, comme quelques-uns des autres participants, de la création d'emplois et de ce qu'on pourrait faire pour établir un système fiscal plus juste, plus équitable.
C'est toujours notre but. Vous avez dit qu'à chaque année, nous essayons de faire du fine tuning au lieu de regarder le système dans son ensemble. La dernière fois que nous avons essayé d'examiner l'ensemble, c'était avec la Commission Carter, qui l'a étudié pendant cinq ou six ans. Certaines recommandations avaient été adoptées au cours des premières années, mais la plupart ont été rejetées à la lumière de l'expérience qui a suivi. Vous dites qu'il est nécessaire de faire un examen de la fiscalité d'ensemble.
Je ne savais pas que vous étiez étudiant. Je pensais que vous étiez professeur. Excusez-moi. Quant à votre suggestion concernant une taxe minimale pour les corporations, j'imagine qu'il faut se rendre compte que les dispositions pour la consommation de capital ne seraient pas appliquées et que les bénéfices seraient taxés. Je me trompe peut-être, mais vous avez peut-être des idées plus précises.
S'il y a des abus des paradis fiscaux, j'aimerais bien les connaître, parce qu'il n'est pas juste que quelqu'un puisse éviter les taxes. Vous êtes en train d'étudier ce système et j'aimerais établir un contact avec vous afin qu'on puisse poursuivre cet échange d'idées.
Maintenant, je dois dire à M. Vallée qu'il n'était pas question de lui enseigner quelque chose. La discussion avait pour but d'avoir un échange d'idées en public. Excusez-moi si j'ai été trop professoral.
Monsieur Dussault, vous représentez quelques-uns des secteurs clés comme les télécommunications, etc. Au cours des dernières années, les taxes que vous avez à payer ont beaucoup augmenté. Il y a eu, je crois, une augmentation de 50 p. 100 dans les quatre dernières années. Félicitations pour la création d'emplois. Nous allons travailler avec vous pour créer davantage d'emplois.
À tous les députés et à vous tous, merci beaucoup.
La séance est levée.