[Enregistrement électronique]
Le mardi 5 novembre 1996
[Traduction]
Le président: Je déclare maintenant la séance ouverte.
Le Comité permanent des finances de la Chambre des communes a l'agréable tâche de poursuivre les audiences prébudgétaires ici à Fredericton.
Nous accueillons pour cette table ronde, de l'Association des Anciens de Mount Allison, Frank Strain, du département d'économie; de la Chambre de commerce de Fredericton, Bill MacMackin; de Défendons nos droits, Jean-Claude Basque; de la Coalition pour la justice économique et sociale de la région métropolitaine de Moncton, Mark Robar; et de SIDA Nouveau-Brunswick, Claude Olivier et Ted Gaudet. Merci à tous d'être ici avec nous.
Je vous propose de prendre tout d'abord trois ou quatre minutes pour nous présenter vos principales recommandations. Je tiens à vous assurer que vous aurez tout le temps voulu par la suite durant la période des questions et réponses. Dans le cas contraire, vous disposerez du temps qui vous est nécessaire pour bien faire valoir votre point de vue avant la fin de la séance.
Nous pourrions commencer par vous, monsieur Strain.
Le professeur Frank Strain (Département d'économie, Université Mount Allison): Je dirai tout d'abord que je comprends la position dans laquelle se trouve le gouvernement, compte tenu de l'état de notre endettement. Il n'y avait rien d'autre à faire, sinon des compressions très considérables au cours des dernières années pour que la dette atteigne un niveau soutenable. Cela dit, par contre, les initiatives qui ont été prises sont nécessairement très coûteuses. Il est désormais évident que notre pays a changé dans sa nature même et ce de façon spectaculaire et irréversible à cause des modifications apportées au budget, et c'est vrai notamment dans le secteur universitaire. Il y a lieu de souligner tout particulièrement les implications très importantes du transfert social canadien.
Ma principale recommandation consiste à dire que je m'oppose très énergiquement à des réductions d'impôt dans la conjoncture actuelle. J'estime en effet que le gouvernement doit maintenant commencer à rebâtir, à adopter la perspective à long terme et à relancer certaines initiatives du secteur public au lieu de continuer à faire des compressions. Pourquoi? Notamment parce que les taux d'intérêt sont maintenant à la baisse, il y a croissance de l'économie et le budget primaire affiche un excédent important. Il en ressort que le problème de l'endettement est déjà en bonne voie d'être résolu. Un optimisme exagéré ne serait pas de mise mais nous devons déjà nous demander comment rétablir certaines initiatives du secteur public au Canada.
Dans l'optique du secteur universitaire, je m'inquiète surtout du fait que le transfert de responsabilités financières aux provinces, et plus particulièrement aux étudiants, n'est pas sans répercussions graves. Pour l'étudiant, les frais de scolarité augmentent et l'accessibilité de l'université diminue. Pour les provinces, les ressources financières sont moindres et le soutien aux universités risque d'être réduit en conséquence. Ce transfert risque entre autres d'accroître la concurrence entre universités, ce qui peut être constructif ou ne pas l'être. Impossible de le dire à l'avance.
J'aimerais tout particulièrement souligner que les pressions qui résultent de cette situation risquent d'inciter les provinces et les universités à imposer des frais de scolarité différents aux étudiants qui viennent de l'extérieur de la province. Une telle situation serait le résultat presque inévitable du fait de laisser assumer une plus grande part du financement public aux provinces. Les conséquences sont d'autant plus importantes dans les provinces pauvres, compte tenu de la mobilité des diplômés universitaires qui proviennent d'une province comme le Nouveau-Brunswick. Bon nombre de nos diplômés vont ailleurs.
Plus les contribuables des provinces auront à payer la note, plus ils vont être réticents à financer des étudiants qui proviennent de l'extérieur de la province pour les voir ensuite quitter et chercher du travail ailleurs. N'étant pas des contribuables de la province, ces diplômés ne remboursent pas l'investissement en capital humain consenti par la province. Puisqu'il est difficile de récupérer l'investissement, les universités auront vraisemblablement tendance à établir des frais de scolarité différents pour certains étudiants.
Cette inquiétude est loin d'être théorique. Nous constatons déjà l'application de frais de scolarité différents pour les étudiants de l'extérieur de la province. Les conséquences sont graves: premièrement, pour la mobilité des diplômés, mais, plus particulièrement, pour le bon fonctionnement du marché canadien de la main-d'oeuvre. L'établissement de frais de scolarité différents pour les étudiants de l'extérieur limite la capacité des étudiants de fréquenter l'université de leur choix, n'importe où au Canada.
Une telle situation qui risque d'être particulièrement désastreuse à terme pour la population de l'Atlantique. Même si on ne l'envisage pas généralement de la sorte, l'aide à l'éducation constitue de fait un élément de la politique de développement régional. Dans l'optique de l'individu, c'est peut-être même un des meilleurs éléments d'une telle politique puisqu'il vise le capital humain qui, contrairement au capital physique, est extrêmement mobile. Les gens instruits ont des choix; ils ont le choix de rester ou de partir. Si les gens de l'Atlantique ont accès ici même à un enseignement de bonne qualité, alors ils peuvent quitter et se débrouiller sur le marché de la main-d'oeuvre du pays. Si la qualité de l'enseignement baisse à cause du transfert de responsabilités financières, ce sont les individus qui vont être pénalisés dans la région de l'Atlantique, compte tenu du fait qu'ils seront moins en mesure de lutter à armes égales sur les marchés nationaux.
Je n'ai aucune recommandation précise à cet égard, mais j'estime qu'il s'agit d'une question importante sur laquelle votre comité et, plus généralement, la Chambre des communes doivent commencer à réfléchir. Il s'agit là de l'une des nombreuses conséquences non souhaitées qui découlent de la gestion de la crise de l'endettement. Il est temps, me semble-t-il, que nous commencions à réfléchir aux conséquences des décisions qui sont prises en période de crise.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur MacMackin.
M. Bill MacMackin (ancien président, Chambre de commerce de Fredericton): C'est la deuxième fois que je comparais devant votre comité. J'étais ici l'an dernier et je dois dire que bon nombre des commentaires, des inquiétudes et des recommandations que je tiens à faire valoir cette année reprennent ce qui a été dit l'an dernier.
Le président: Monsieur MacMackin, je tiens à vous signaler dès le départ que tout le monde disait que nous n'avions aucun représentant du milieu des affaires. Je suis très heureux que vous soyez parmi nous.
M. MacMackin: Très bien. Je suis moi-même heureux d'être ici.
J'aimerais tout d'abord commenter la situation financière actuelle et les résultats du gouvernement à ce jour.
Voilà déjà de nombreuses années que les chambres de commerce réclament la réduction du déficit et de la dette au Canada, et ce, à tous les paliers de gouvernement. À nos yeux, les résultats actuels constituent un bon départ, mais rien de plus. Le déficit continue d'être à un niveau insoutenable au Canada et cette situation doit cesser dès que possible.
La Chambre de commerce de Fredericton tient à dire que nous devons continuer à mettre l'accent sur l'élimination du déficit fédéral dans les meilleurs délais, après quoi nous devons nous employer à réduire la dette à un niveau viable. Ainsi, nous allons progressivement être en mesure de transférer à l'ensemble des Canadiens des réductions d'impôt importantes.
Mes commentaires porteront sur trois aspects précis: la réduction des dépenses, les mesures relatives au revenu et la croissance et la création d'emplois.
Les milieux d'affaires canadiens ont déjà souligné par le passé la nécessité d'une réduction des dépenses du gouvernement fédéral. Nous n'avons pas changé d'avis à ce sujet. De telles réductions doivent encore viser l'élimination du déficit, la réduction de la dette et la réduction des coûts de l'appareil gouvernemental en général. Les milieux d'affaires souhaitent également la réduction ou la suppression des subventions aux entreprises. Les milieux d'affaires acceptent que cela doit faire partie des plans de réduction des dépenses.
Nous devons continuer à réduire les chevauchements entre les gouvernements fédéral et provinciaux. Il faut cependant faire preuve de prudence en matière de transfert de responsabilités au palier provincial et au palier fédéral, puisque chacun de ces paliers doit également s'atteler à la tâche de réduire ses dépenses de façon significative. Nous devons également nous pencher sur les possibilités de privatiser ou de commercialiser certaines activités gouvernementales, à tous les paliers.
Très succinctement, il n'existe selon nous aucune possibilité d'augmentation des impôts. D'après nous, la relance des finances publiques doit se faire entièrement par des réductions de dépenses.
Pour ce qui est de mesures relatives au revenu, les représentants de la chambre de commerce affirment depuis des années que toute augmentation d'impôt ou toute nouvelle mesure fiscale est à exclure au Canada. On en propose un certain nombre au Nouveau-Brunswick à l'heure actuelle et nous nous y opposons également. Le principe vaut autant pour l'impôt des particuliers que pour l'impôt des sociétés.
Selon moi, ce qui précède s'applique également à toute augmentation des cotisations au RPC ou à l'assurance-chômage. Les autorités fédérales ne doivent pas perdre de vue que c'est toujours le même contribuable qu'on sollicite. Les Canadiens n'ont ni la volonté ni la capacité de contribuer davantage en impôt.
Pour ce qui est de la création d'emplois et de la croissance économique, nous ne considérons pas l'État comme un véhicule de création d'emplois. L'État ne peut que favoriser un climat économique suffisamment dynamique pour que la création d'emplois en résulte.
À mon avis, la principale menace à l'emploi au Canada à l'heure actuelle, c'est notre situation financière, de même que nos niveaux d'imposition. La situation s'améliore, mais il reste encore beaucoup à faire. La meilleure façon de créer des emplois au Canada c'est d'améliorer la situation financière et je vous soumets la formule suivante pour illustrer ce que j'avance. C'est fort simple. Élimination du déficit égale réduction de la dette, égale réduction des impôts, égale croissance de l'emploi. À mon avis, ce n'est guère plus compliqué que cela.
Lorsque nous y serons arrivés, nous aurons les ressources financières nécessaires pour améliorer les infrastructures et améliorer l'accès à l'éducation, comme le souhaite M. Strain. Également, des capitaux auront été libérés pour assurer la croissance du secteur de l'entreprise. Ainsi, nous pourrons avoir une plus forte croissance de l'emploi au cours des dix prochaines années.
De tels changements vont-ils se produire rapidement? Non. Ce n'est pas nécessairement l'annonce d'un budget qui va tout changer. Cependant, le gouvernement doit montrer qu'il a le courage d'aller de l'avant. Les résultats concrets ne seront visibles, selon toute vraisemblance, qu'au cours de votre prochain mandat, si toutefois nous décidons de vous l'accorder.
Ainsi, les conclusions que j'ai à vous soumettre coulent de source. Notre position ne diffère pas de celles déjà exprimées par les milieux d'affaires et les chambres de commerce. Maintenez le cap par rapport à vos objectifs financiers. Si possible, accélérez même le pas pour que nous puissions tirer parti dès maintenant d'un redressement économique. En augmentant la cadence, nous pourrions envisager l'élimination du déficit dès 1998 ou 1999. D'après les rapports de presse et les sondages d'opinions, il semble que c'est ce qui correspondrait à la volonté de la majorité des Canadiens.
Dans les milieux d'affaires, on estime que le faible taux d'intérêt, le faible taux d'inflation et le renforcement de l'économie que nous connaissons à l'heure actuelle peuvent nous permettre de surmonter nos difficultés financières un peu plus rapidement si nous prenons les mesures voulues pour en tirer parti. Les résultats des deux ou trois dernières années sont encourageants et le faible niveau des taux d'intérêt nous donne maintenant un certain coup de main à cet égard. Dans les milieux d'affaires, on se sent donc justifiés de croire qu'il suffit de poursuivre sur cette lancée pour assainir notre situation financière et favoriser la création d'emplois dans l'intérêt de tous les Canadiens.
Mais on doit faire tout cela, je tiens à le répéter, sans nouvelles mesures fiscales, sans augmentation d'impôt et en réduisant les dépenses. Le contribuable canadien est déjà imposé au maximum.
Le président: Merci, monsieur MacMackin.
[Français]
Nous entendrons maintenant Jean-Claude Basque du Comité «Défendons nos droits».
M. Jean-Claude Basque (Comité «Défendons nos droits»): Les deux personnes qui devaient livrer la présentation sont deux travailleuses saisonnières, Mmes Jeannine Cyr et Ida Laplante, qui habitent la péninsule acadienne et n'ont pu venir ici parce que leur automobile a fait défaut. Elles m'ont demandé de lire leur mémoire et de représenter le comité. Je travaille aussi dans cette région et au sein de ce comité. Je connais donc la situation.
M. Laurin (Joliette): Qui représentez-vous?
M. Basque: Le Comité «Défendons nos droits» qui est un genre de coalition dans la région de la péninsule acadienne.
M. Laurin: Merci.
M. Basque: Nous vous remercions de nous donner l'occasion de faire connaître notre point de vue sur le prochain budget fédéral. Nous avons assisté l'an dernier à la table ronde et avouons à regret que nos suggestions n'ont pas été retenues par Paul Martin lors du budget de l'année courante. Nous osons espérer que les suggestions que nous formulons en cette année 1996 en vue du budget de 1997 seront plus sérieusement prises en considération.
Depuis plusieurs années, nous recevons du gouvernement fédéral des budgets dans lesquels on sabre de plus en plus. Ces restrictions budgétaires ont un impact beaucoup plus marqué dans notre coin que dans d'autres régions du pays. Il en est ainsi parce que l'économie de notre région est basée en grande partie sur des matières premières, soit la pêche, la tourbe, le bois et le tourisme, ou sur les services publics tant au palier provincial que fédéral.
Cette économie est donc surtout saisonnière, ce qui veut dire que pendant une bonne partie de l'année, il n'y a pas de travail. Les glaces nous empêchent de pêcher, la neige recouvre les tourbières et la coupe de bois ne peut se faire que pendant une partie de l'année. La même chose se produit au niveau du tourisme. Les emplois dans le secteur public ont cependant tendance pour leur part à être un peu plus à plein temps.
Puisqu'une bonne partie de l'économie est saisonnière, il faut pouvoir compter sur une autre source de revenu pour joindre les deux bouts. Jusqu'en 1994, il était possible de survivre grâce au programme d'assurance-chômage. Depuis qu'on a effectué des réductions budgétaires au programme, il n'est plus possible de le faire. Pire encore, les dernières restrictions budgétaires vont faire en sorte que des milliers de travailleuses et travailleurs se retrouveront pendant une bonne partie de l'année sans aucun revenu.
Cette situation ne fera qu'accroître le niveau général de pauvreté dans notre région. Les Nations Unies ont déclaré que 1996 serait l'Année internationale pour l'élimination de la pauvreté. Selon nous, il faut que le Canada fasse sa part pour éliminer la pauvreté qui s'installe de plus en plus dans notre région.
Nous voulons donc que figurent au prochain budget fédéral des objectifs précis grâce auxquels Paul Martin nous décrira les actions qu'il entreprendra pour changer cette situation. Il se permet de se fixer des objectifs précis pour éliminer la dette et le déficit. Nous croyons pour notre part qu'il doit mettre autant d'efforts pour éliminer la pauvreté.
Comme nous le précisions plus tôt, une bonne partie de notre économie est basée sur le travail saisonnier. Depuis des années, nous demandons aux gouvernements fédéral et provincial de faire des efforts pour créer des emplois à plein temps et à l'année longue. Certains efforts ont été faits, mais dans l'ensemble, nous sommes encore pris avec le travail saisonnier. J'aimerais ajouter que je ne suis pas nécessairement d'accord avec le représentant de la Chambre de commerce de Fredericton, qui affirmait que le gouvernement n'a pas la responsabilité de créer des emplois, mais plutôt celle de créer un climat favorable. Je pense que le gouvernement fédéral a une certaine responsabilité en matière de création d'emplois.
Nous demandons donc que dans son prochain budget, Paul Martin ait une politique et des objectifs précis visant la création d'emplois. Nous sommes bien disposés à travailler comme le reste des Canadiens et Canadiennes, mais pour ce faire, il faut que des emplois soient disponibles.
Depuis plus de 12 ans, nous, les travailleurs et travailleuses à plein temps et à temps partiel, les travailleurs saisonniers ainsi que les personnes qui reçoivent de l'aide au revenu, avons subi les effets d'une situation économique pas très reluisante. Nos salaires n'ont pas suivi la hausse du coût de la vie. Toutes sortes de taxes ont augmenté. Les services qui étaient gratuits ne le sont plus. En fin de compte, nous payons plus que jamais pour des services qui diminuent constamment.
D'autre part, nous lisons presque chaque jour que les banques font des profits à n'en plus finir, que les dirigeants et dirigeantes de plusieurs sociétés font des salaires dépassant un million de dollars et que nos députés se votent de grosses pensions.
Nous voudrions que Paul Martin s'attaque à ce déséquilibre. Il faut absolument qu'il y ait plus de justice et d'équité entre ceux et celles qui peuvent vraiment payer et la majorité des gens qui vivent de chèque de paye à chèque de paye, de chèque de chômage à chèque de chômage ou de chèques de bien-être social. Nous demandons donc que le prochain budget formule des solutions concrètes pour régler ces différents points.
Ainsi se termine le texte que vous soumettait le Comité «Défendons nos droits».
Le président: Merci beaucoup, monsieur Basque. Je cède maintenant la parole à M. Mark Robar.
[Traduction]
M. Mark Robar (représentant, Coalition pour la justice économique et sociale de la grande région de Moncton): Bonjour, mesdames et messieurs. J'aimerais profiter de l'occasion qui m'est donnée de prendre la parole devant vous aujourd'hui. Cependant, j'estime que la consultation publique doit aller plus loin. Votre comité devrait se déplacer dans les diverses régions de la province pour entendre ce qu'ont à dire diverses personnes qui n'ont pas les moyens de se rendre à Fredericton.
Le président: Comme nous l'avons dit très clairement, le comité acceptera volontiers de les défrayer de leurs coûts de déplacement. Nous ne voulons exclure personne.
M. Robar: Aujourd'hui, les Canadiens sont devant une situation qui se détériore à tel point qu'elle menace même le tissu social de notre pays. La réduction des paiements de transfert fédéraux aux provinces a eu de graves répercussions sur l'économie aussi bien que sur notre filet de sécurité sociale.
Nous avons pu constater par le passé que les budgets reflétaient l'intérêt des grands milieux d'affaires et nous croyons qu'il est grand temps que le budget de Paul Martin reflète les aspirations des Canadiens ordinaires.
L'examen de la part de l'impôt fédéral versé par les particuliers et les sociétés nous révèle des tendances inquiétantes. En 1954, l'impôt des sociétés représentait environ 23 p. 100 des revenus et celui des particuliers en représentait 35 p. 100. En 1994, quarante ans plus tard, la part de l'impôt des sociétés avait fléchi de plus de moitié à 10 p. 100, tandis que la part des particuliers avait augmenté à 58 p. 100. Voilà qui est tout à fait inacceptable. Le prochain budget doit corriger cette iniquité. En 1994, 81 462 sociétés qui ont affiché des bénéfices au Canada n'ont versé aucun impôt, ce qui représente une hausse considérable par rapport aux années précédentes.
En plus d'offrir de généreux allégements fiscaux, le Canada est l'un des rares pays industrialisés où il n'existe aucun impôt sur la fortune. Les deux autres sont, si je ne m'abuse, la Nouvelle-Zélande et l'Australie.
Les chiffres nous montrent que la classe moyenne canadienne est en contraction, ce qui résulte en un plus fort clivage dans notre société entre les nantis et les pauvres. Nous devons nous demander si l'économie ne sert qu'à faire de l'argent ou si elle doit plutôt donner aux gens l'occasion de participer à l'amélioration de leur société.
Les derniers budgets ont annoncé des compressions dans le domaine des soins de santé, de l'éducation et des services sociaux. À cause de l'insuffisance du financement fédéral, les gouvernements provinciaux ont été obligés de sabrer dans le secteur public. La privatisation des services de soins de santé a donné l'occasion à des entreprises de l'extérieur du Canada de faire des bénéfices sur le dos des Canadiens.
Dans son dernier budget, Paul Martin annonçait la suppression de près de 46 000 emplois dans la fonction publique un peu partout au pays. Dans une région comme celle de Moncton, toute compression a des répercussions plus graves qu'ailleurs au Canada puisque le nombre d'emplois à temps plein y est très faible. Toute compression fait très mal. Par exemple, la fermeture des ateliers du CN de Moncton et du Dépôt 5 a été très lourde de conséquences pour notre ville et la région environnante. Certains des emplois perdus ont été remplacés par des emplois à temps partiel, des emplois occasionnels et d'autres types d'emplois, mais dans l'ensemble, les répercussions sur l'économie locale ont été néfastes. Les emplois bien rémunérés au dépôt du CN ont été remplacés par des emplois dont la rémunération, dans les meilleurs cas, est de l'ordre de 8 $ de l'heure.
Les compressions récentes à l'assurance-chômage constituent une injustice pour les gens des localités de la province qui n'ont pas d'autre choix que de compter sur l'assurance-chômage, étant donné que les emplois ne sont tout simplement pas disponibles et que l'économie est largement fondée sur le travail saisonnier.
Au Nouveau-Brunswick, qui compte un peu plus de 700 000 habitants, 300 000 personnes ont un revenu égal ou inférieur à 20 000 $ par année. D'où une question troublante. Les autorités fédérales souhaitent-elles que notre vie soit encore plus difficile et que nous soyons encore plus désavantagés, ou bien vont-elles chercher à résoudre le problème d'une pauvreté sans cesse croissante en intégrant des mesures constructives de création d'emplois dans le budget de 1997?
En guise de conclusion, je tiens à vous dire que le prochain budget fédéral de Paul Martin doit tenir compte de l'effritement constant de notre sécurité sociale, de l'absence d'emplois, et du fait que la pauvreté gagne toujours plus de terrain dans notre société. Nous vivons dans un pays riche et il n'y a aucune raison - absolument aucune - qui puisse justifier ce qui se passe à l'heure actuelle.
Formuler un budget c'est faire des choix. Le temps est venu selon nous, où le budget fédéral doit refléter les choix de la majorité au lieu de ceux d'une minorité constituée de gens riches et influents. Le gouvernement fédéral a le devoir de gouverner pour la majorité et non pour la minorité.
Merci. Je suis impatient de participer à la discussion.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Robar.
Monsieur Gaudet.
M. Ted Gaudet (président, Réseau SIDA du Nouveau-Brunswick/personnes atteintes du VIH/SIDA Nouveau-Brunswick): Notre organisation, Personnes atteintes du VIH/SIDA du Nouveau-Brunswick, est constituée de bénévoles. Il s'agit d'un organisme de bienfaisance voué aux intérêts des personnes qui ont à vivre avec ces maladies. Notre organisation compte environ 70 membres. Nous consacrons nos efforts à accroître la qualité de vie et la sécurité personnelle des personnes qui vivent avec le VIH/SIDA en assurant une mise en oeuvre attentive de programmes de promotion de la santé.
Ce qui inquiète le plus nos membres, c'est l'avenir de toute l'activité qui concerne le sida en l'absence d'un engagement fédéral de renouveler la stratégie nationale sur le sida. L'un des principaux volets de cette stratégie a trait à l'appui aux programmes d'action communautaire visant le sida. Le gouvernement doit reconnaître que le fait d'investir quelques centaines de milliers de dollars pour appuyer un organisme qui offre sur une base volontaire des services liés à la santé ayant une valeur de plusieurs millions de dollars constitue un investissement valable. Le coût élevé des médicaments oblige souvent les personnes atteintes du sida à se retirer de la population active et à se replier sur des programmes d'aide sociale.
Sur le plan de la fiscalité, le crédit relatif aux dépenses médicales exclut toute une série de dépenses liées au traitement. Le crédit d'impôt pour invalidité est interprété de façon trop restrictive, si bien qu'un grand nombre de personnes atteintes du VIH n'y sont pas admissibles. Le groupe de travail ministériel sur l'invalidité se penche sur ces deux aspects et vous trouverez en annexe de notre mémoire les recommandations et les commentaires que nous avons adressés à ce groupe de travail.
Le gouvernement fédéral assume certaines responsabilités pour ce qui est du bien-être des Canadiens ayant une invalidité, y compris ceux qui sont atteints d'une maladie incurable comme le VIH/sida. Ce n'est pas sur le dos des Canadiens les plus démunis qu'on pourra relancer l'économie et réduire le déficit.
L'apport des organismes à caractère bénévole est considérable en termes d'avantages économiques et d'économies. Par rapport à ces avantages, les montants que consacre le gouvernement à ces organisations sont minimes. Nous espérons que votre comité fera valoir la nécessité de la prochaine phase de la stratégie nationale sur le sida et continuera d'appuyer les efforts du Nouveau-Brunswick visant à endiguer l'épidémie de sida qui sévit dans la province. Je vous remercie de ce temps de parole.
Le président: Je vous remercie d'être ici avec nous.
M. Claude Olivier (coordonnateur, Soutien/promotion de la santé, Sida Nouveau-Brunswick): Je n'ai pas encore eu l'occasion de parler.
Le président: Je m'excuse. Allez-y, monsieur Olivier.
M. Olivier: Merci. Je tiens également à vous remercier de l'occasion qui m'est donnée de prendre la parole aujourd'hui.
Je représente une autre organisation provinciale de lutte contre le sida. Sida Nouveau-Brunswick détient le mandat provincial en matière de services de soutien et de vulgarisation. Notre organisation est essentiellement composée de bénévoles.
Comme l'a dit Ted, l'un des principaux objectifs des organisations de lutte contre le sida au Canada à l'heure actuelle consiste à assurer le renouvellement de la stratégie nationale sur le sida, dont l'échéance a été fixée à mars 1998. Même s'il s'agit d'une question qui ne concerne pas directement le budget de la présente année, il faut en tenir compte puisque l'incertitude relative à la stratégie nuit déjà aux efforts de lutte contre le sida.
Par exemple, il arrive souvent que les projets de recherche s'étendent sur plus d'une année. Or, il est maintenant difficile d'affecter des argents à de telles initiatives de recherche s'il n'est pas certain qu'un financement sera disponible après 1998. Ce qui importe encore davantage, c'est que les organisations qui offrent des services liés au sida dépendent beaucoup du financement du Programme d'action communautaire sur le sida, une composante de la stratégie nationale sur le sida.
J'estime que le travail que nous faisons est très rentable. Ted a déjà souligné l'importance de la participation des bénévoles. Avec un budget de 250 000 $, nous sommes en mesure d'offrir des services de santé et des services connexes dont la valeur atteint probablement les millions de dollars. De plus, ces services sont assurés de façon très économique. On estime à 600 000 $ environ les coûts directs et indirects liés à un cas de VIH. Compte tenu d'un budget de 250 000 $, il nous suffit d'arriver à prévenir une ou deux infections pour rentabiliser notre service.
Par rapport au monde du travail, il faut savoir que, à l'heure actuelle, le sida est la principale cause de mortalité chez les hommes âgés de 25 à 44 ans dans les grands centres urbains. Pour l'ensemble du Canada et pour les hommes du même groupe d'âge, le sida est la deuxième cause de mortalité en importance. Il existe donc un lien certain entre le sida et la productivité des jeunes dans la population active.
Je tiens également à aborder une autre question d'importance pour nous, soit le transfert social canadien. Nous nous inquiétons du fait qu'une réduction des normes relatives à la santé et au bien-être ainsi que des transferts aux provinces risque de miner la notion de normes nationales qui existe actuellement à cet égard.
Le Nouveau-Brunswick étant déjà dans le peloton de queue pour ce qui est des programmes de soutien du revenu, nous nous inquiétons du fait que tout effritement des normes nationales risque d'accentuer encore davantage l'état de pauvreté des personnes ayant un handicap. Il nous faut en matière de santé et de programmes sociaux des normes qui soient applicables. Au minimum elles doivent permettre à l'ensemble des Canadiens de répondre à leurs besoins fondamentaux et les programmes doivent être uniformes dans tout le Canada.
Ted a parlé du coût élevé des médicaments. C'est souvent ce qui incite les gens à ne pas travailler et à devenir bénéficiaires d'un régime de soutien du revenu pour avoir accès aux cartes de santé qui permettent de payer les médicaments. Dans la mesure où l'un ou l'autre des paliers de gouvernement pourra contribuer à payer les médicaments nécessaires, les gens resteront plus longtemps en bonne santé et participeront plus longtemps à la population active.
Mon dernier commentaire portera sur la réforme fiscale. Comme Ted, j'estime qu'il est nécessaire de modifier le crédit d'impôt pour invalidité et le crédit d'impôt pour dépenses médicales de manière à tenir compte des coûts réels des services. Nous recommandons fortement d'adopter un régime de remboursement fiscal au lieu d'un régime de crédit d'impôt, de manière à ce que les Canadiens dont les handicaps sont les plus lourds puissent également bénéficier de ce genre de crédit d'impôt. Il arrive souvent que des personnes handicapées soient pauvres et ne soient pas en mesure de tirer parti de ces crédits. Certains crédits d'impôt sont transférables; cependant, le transfert des avantages au sein d'une même famille est soumis à des règles rigoureuses. Il se peut que les partenaires de même sexe soient exclus.
Selon moi, toute mesure qui permet aux familles de venir en aide aux personnes handicapées est constructive. Également, l'État économiserait si les gens dépendaient moins des services gouvernementaux.
J'ai en main deux documents que nous avons soumis par le passé à des groupes gouvernementaux. L'un d'entre eux l'a été à votre collègue Andy Scott, à l'intention du groupe de travail sur l'invalidité. Il énonce nos points de vue sur la réforme fiscale et le transfert social canadien. Nous avons également préparé un document concernant la stratégie nationale sur le sida et les avantages qui en ont découlé pour le Nouveau-Brunswick. Je tiens à soumettre ces documents à votre attention. Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Olivier.
[Français]
Monsieur Laurin, s'il vous plaît.
M. Laurin: Monsieur Strain, vous avez parlé de l'accessibilité de l'université et, ce que je pense avoir moins bien saisi, de l'établissement de barèmes différentiels entre les provinces. S'agirait-il d'ententes interprovinciales ou d'ententes fédérales-provinciales? Pourriez-vous préciser ce à quoi vous faites allusion?
[Traduction]
M. Strain: Pour l'essentiel, chaque université détermine ses frais de scolarité. Ce ne sont pas donc les gouvernements qui les déterminent de façon directe. Cependant, sur le plan provincial, la détermination des frais fait nettement partie du processus politique. Puisque les gouvernements provinciaux exercent un contrôle direct sur le financement des universités, ils négocient les droits de scolarité à huis clos avec elles. Cependant, il n'en reste pas moins que les droits de scolarité sont établis par les universités et non pas par les gouvernements. Par contre, à mesure que baisse le financement accordé aux universités par le gouvernement, ces dernières sont obligées de trouver des façons de financer leurs activités. Il est alors tentant pour elles de le faire en augmentant sans cesse les frais de scolarité.
À titre d'économiste, je dirais que c'est la concurrence qui poussera implacablement les universités vers l'établissement de différents droits de scolarité pour certaines catégories d'étudiants. Dans les provinces qui, comme le Nouveau-Brunswick, accueillent un grand nombre d'étudiants de l'extérieur, je suppose que les contribuables vont s'interroger sur l'opportunité de dépenser des sommes perçues dans la province pour former des étudiants qui proviennent d'une autre province et qui vont y retourner. Ces étudiants ne deviennent jamais des contribuables.
Le régime tel qu'il existe a offert comme avantage le fait de permettre aux étudiants de s'établir où bon leur semble et de faire en sorte que leur apport à l'impôt fédéral comme contribuable puisse revenir aux provinces par le truchement des transferts. Il n'y avait pas de quoi fouetter un chat. Cependant, à mesure qu'un nombre croissant de responsabilités sont transférées aux provinces, ce qui avait peu d'importance devient important. Des pressions s'exercent sur l'ensemble du système.
Ainsi, un phénomène qui n'a que peu d'envergure à l'heure actuelle risque de prendre plus d'ampleur à partir du tournant du siècle, notamment, dans les provinces comme le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse, où un nombre important d'étudiants proviennent de l'extérieur. Il n'est pas tellement surprenant que les contribuables provinciaux qui financent la formation de personnes qui quittent la province estiment qu'ils n'en ont pas pour leur argent. C'est ce qui risque d'inciter les gouvernements provinciaux à autoriser des droits de scolarité différents pour certains étudiants. Les universités ont déjà commencé d'ailleurs à fixer de tels droits pour s'adapter au milieu dans lequel elles évoluent. La décision ne vient pas des pouvoirs publics.
[Français]
M. Laurin: Vous avez raison dans un sens. Au Québec, on se plaint un peu de la même chose; on déplore la fuite des cerveaux qui vont poursuivre leurs études universitaires ailleurs. Vous dites qu'ils font la même chose, qu'ils s'en vont dans les autres provinces. Nous pensons pour notre part qu'ils s'en vont à l'étranger. S'ils sont chez vous, vous nous le direz.
Ne pensez-vous pas que si le gouvernement fédéral cessait de réduire ses transferts sociaux aux provinces, il leur serait possible de mieux financer l'éducation, puisqu'elle est de compétence provinciale?
Le fédéral a-t-il trop diminué ses transferts aux provinces? Une somme de 6 milliards de dollars en moins est transférée aux provinces. On en a moins pour l'éducation, on en a moins pour la santé et on en a moins pour l'économie sociale. Enfin, on en a moins pour nous tous ici.
Selon vous, quelle ligne le gouvernement fédéral devrait-il suivre relativement à la réduction des transferts aux provinces? Cette même question pourrait aussi s'adresser à d'autres témoins puisque plusieurs ont fait allusion à ce problème.
[Traduction]
M. Strain: Je comprends bien que le gouvernement fédéral était devant une crise. Le rapport dette-PIB a grimpé fortement à deux reprises, en 1991-1993 notamment. Devant une telle situation, des compressions devenaient inéluctables. Compte tenu de l'importance des transferts aux provinces dans le budget du gouvernement fédéral, ils auraient difficilement pu être épargnés.
Dans la situation actuelle, à mesure que nous changeons de cap - et je suis de ceux, parmi les économistes, qui estiment que nous avons amorcé un virage important - , si nous pouvons arriver à faire baisser les versements d'intérêt sur la dette, la situation va s'améliorer. J'espère bien qu'à ce moment-là, nous allons une fois de plus envisager de relancer les paiements de transfert aux provinces, ou tout au moins d'atténuer les réductions qu'ils ont connues au cours des dernières années.
Par ailleurs, je ne vois pas tellement de solutions de rechange, sinon celle que bien d'autres Canadiens ne sont pas prêts à envisager, contrairement à moi. Je suis loin d'être contre les augmentations d'impôt. Cependant, j'ai déjà assez de misère lorsque je parle à mes étudiants de l'idée d'augmenter les impôts que j'hésite beaucoup à en parler en public, de crainte d'être lynché.
Pour ma part, je favoriserais une augmentation des impôts. Nous n'obtiendrions rien en échange, mais nous pourrions régler la facture des intérêts et pouvoir ainsi épargner certains transferts aux provinces.
[Français]
M. Laurin: Mais alors que proposez-vous pour éviter le problème que vous soulevez relativement à la fuite des cerveaux? Si ce n'est pas une question d'argent, de quoi s'agit-il?
[Traduction]
M. Strain: C'est une question d'argent. Je dis tout simplement que cela ne s'est pas produit -
[Français]
M. Laurin: Où suggérez-vous qu'on prenne l'argent? Vous dites qu'on ne peut pas le prendre dans les transferts et que le gouvernement fédéral a raison de réduire les transferts aux provinces. Puisque la province dispose de moins d'argent, elle en a moins pour s'occuper de l'éducation qui est sa principale responsabilité. D'où la solution doit-elle venir?
[Traduction]
M. Strain: Comme je l'ai déjà dit, j'estime que le gouvernement fédéral n'a pas eu grand choix au cours des cinq dernières années. Désormais, certains choix sont possibles.
Je dois dire que le problème n'est pas aussi grave à l'heure actuelle qu'il ne le sera dans quatre ou cinq ans. Ce qui m'inquiète, c'est que nous ne changions pas d'orientation avant encore quatre ou cinq ans, ce qui entraînera des réductions spectaculaires de transferts en espèces.
Dès que nous pouvons mettre la pédale douce, nous devrions envisager un relâchement des compressions aux transferts fédéraux-provinciaux. Pour éviter le problème dont nous parlons, il faudrait même les augmenter. Ainsi, je suis favorable aux compressions dans la mesure où il faut soit comprimer, soit augmenter les impôts. J'aurais moi-même penché du côté d'une augmentation des impôts. Il revient cependant aux décideurs de déterminer si une augmentation d'impôt est souhaitable. Par contre, les versements d'intérêt sont inévitables.
Le président: Vous et Herb Grubel êtes les deux seuls Canadiens qui souhaitent voir une augmentation des impôts.
M. Strain: En effet, j'en suis bien conscient. Herb et moi sommes d'accord là-dessus.
[Français]
M. Laurin: Au contraire, je n'ai jamais parlé d'augmenter les impôts. Je me rends bien compte que tout le monde est pour la vertu, mais que plusieurs se disent incapables de la pratiquer.
Je voudrais m'adresser à M. MacMackin. Vous avez parlé du déficit. Il faut continuer nos efforts, car ce n'est qu'un départ. Le déficit diminue, mais la dette n'a pas encore commencé à diminuer. Au contraire, la dette continue d'augmenter et à chaque année, nous devons consacrer une somme d'au moins 50 milliards de dollars de nos impôts simplement pour couvrir les intérêts sur la dette accumulée. Cette dette augmentera encore cette année d'au moins 25 à 30 milliards de dollars.
On a commencé à réduire le déficit et on voit poindre le jour où on pourra s'attaquer véritablement à la dette. Selon vous, compte tenu du fardeau que cette opération impose aux classes les plus démunies, puisque ce sont les gens ordinaires qui assument le plus lourd fardeau de ce paiement, devrait-on en ralentir le rythme?
[Traduction]
M. MacMackin: Non, je ne crois pas que nous devrions ralentir. J'estime même qu'il faudrait probablement accélérer, puisque ce n'est pas en étirant les choses ou en ralentissant que nous allons rendre la situation moins pénible. En étirant le processus, nous ajoutons à l'accumulation de la dette et nous ne faisons que prolonger le supplice.
À l'heure actuelle, au Canada, la conjoncture économique nous est favorable, au moins pour un certain temps. Les taux sont bas. L'inflation est faible. Il y a une certaine croissance économique. Elle est inégale: certains mois à la hausse, certains mois à la baisse. Cependant l'économie semble progresser.
Le problème peut être réglé si nous appliquons les stratégies des dernières années en matière de réduction du déficit, quitte à accroître un peu la cadence. Lorsque nous aurons rebondi et réduit notre endettement, nous pourrons songer à en faire profiter les Canadiens par des baisses d'impôt. Nous pourrons également nous pencher sur d'autres domaines comme l'éducation, la santé, etc. Selon moi, il faut marcher au pas accéléré.
[Français]
M. Basque: Il ne faut quand même pas exagérer. On va jusqu'à dire qu'en plus de payer la dette ou le déficit, on devrait aller encore plus vite. Je n'accepte certainement pas cela. On semble oublier le but visé. On dit qu'on n'a pas le choix, qu'il faut effectuer des réductions budgétaires. Mais le gouvernement, qu'il soit dirigé par Brian Mulroney comme auparavant ou Jean Chrétien maintenant, a des choix à faire, ce qu'il a fait. On ne parle plus du libre-échange, mais quel a été son impact sur les emplois au Canada? Il a détruit une partie du secteur manufacturier et éliminé des revenus qui revenaient au gouvernement parce que les gens qui travaillaient payaient des impôts.
On ne parle pas non plus des transactions internationales qui se font sur les marchés internationaux, qui ne sont pas assujetties à des taxes et qui nuisent à l'économie canadienne puisqu'elles sont imprévisibles. On n'en parle pas; on dit seulement qu'il faut régler la dette et le déficit et sabrer encore davantage dans les programmes sociaux. On ne parle pas non plus des taxes, que ce soit la TPS ou les autres taxes qui ont augmenté. Ce sont les gens qui les ont payées.
Ne devrions-nous pas regarder, d'autre part, les corporations qui réalisent des profits et qui ne paient pas leur juste part de taxes? Les corporations sont exemptées de payer quelque 40 milliards de dollars en vertu de ce qu'on appelle des dépenses fiscales. Il s'agit de taxes directes ou indirectes que reçoivent les corporations, dont des membres de la Chambre de commerce de Fredericton. Pourquoi ne va-t-on pas chercher cette somme? Il s'agit de revenus qui n'entrent pas dans les coffres du gouvernement.
On est toutefois prêt à effectuer des réductions budgétaires dans l'assurance-chômage. Et même là, le monde des affaires demande qu'on aille encore plus loin dans l'assurance-chômage. On dit que les primes d'assurance-chômage sont des taxes à l'emploi. Franchement! On est ainsi prêt à sabrer d'un part, et d'autre part à aller chercher des revenus auprès du travailleur ou de la travailleuse, de la personne qui reçoit des prestations d'assurance-chômage et de la personne qui est malade. On est prêt à sabrer dans les services pour régler la dette et le déficit. Mais de l'autre côté de l'équation, on n'est pas prêt à le faire, ne serait-ce que minimalement. On se dit peut-être prêt à refuser les subsides du gouvernement fédéral, mais j'aimerais bien voir la réaction du monde des affaires le jour où cela se produira.
Des choix ont été faits, ils ont eu un impact négatif et ils continuent d'avoir un impact négatif sur la majorité des citoyens canadiens et encore beaucoup plus sur ceux du Nouveau-Brunswick. Les gens en ont assez de ces choix avec lesquels il ne peuvent plus vivre. On s'appauvrit et ce n'est pas la manière dont nous devrions procéder.
Le dernier budget fédéral n'a pas aidé. Il faut que le prochain budget fédéral soit meilleur. Il faut regarder l'autre côté de l'équation. Le monde est fatigué de n'en voir qu'un côté et de subir des compressions à tous les niveaux.
M. Laurin: Ma dernière question s'adresse à M. Basque. Vous affirmiez que les députés se votent de grosses pensions, grâce entre autres au travail du Bloc québécois. Nous avons réussi à faire modifier ces pensions pour que les députés ne puissent bénéficier d'une pension à l'âge de 40 ou 45 ans.
À ma surprise, vous n'avez pas parlé d'une autre institution fédérale qui coûte 53 millions de dollars par année. Peu de témoins en parlent. Est-ce parce qu'on veut absolument la maintenir ou si c'est un oubli? Il y a une institution qui s'appelle le Sénat au Canada, qui coûte 53 millions de dollars et dont l'utilité est grandement mise en doute depuis de nombreuses années.
Nous avons déposé des résolutions à la Chambre des communes et des pétitions signées par plus de 30 000 personnes du Québec demandant l'abolition du Sénat. Le gouvernement n'a jamais rien fait en ce sens. Je m'étonne que vous n'en ayez pas parlé de ces 53 millions de dollars.
Est-ce parce que vous êtes en faveur de cette institution?
M. Basque: Non, ce n'est pas nécessairement parce que nous sommes en faveur de cette institution. Nous aurions pu traiter de beaucoup d'autres sujets dans notre document, mais nous ne l'avons pas fait.
Si l'on songe à abolir le Sénat, je crois qu'il faudrait le remplacer par une entité qui ferait le même genre de travail mais qui serait beaucoup plus efficace. Il est clair que le Sénat n'apporte pas une grande contribution présentement.
M. Laurin: Vous voudriez le remplacer. S'il est inutile, pourquoi le remplacer? On ne remplace pas quelque chose d'inutile, n'est-ce pas? Ne pensez-vous pas que les députés pourraient faire la job seuls?
Le président: Je dois vous assurer que le nom de M. Basque figure sur la liste et qu'il deviendra le prochain sénateur du Nouveau-Brunswick. Merci, monsieur Laurin.
M. Laurin: Qu'il finisse sa réponse, monsieur le président, si vous le permettez.
M. Basque: Le prochain sénateur sera Fernand Robichaud parce qu'il ne peut se faire réélire.
Je pense que le Sénat ne fait pas une job maintenant. Il n'a pas de but bien défini. S'il fallait le remplacer, il faudrait probablement aussi changer son mandat et en faire une chambre élue.
[Traduction]
Le président: Monsieur Grubel.
Mr. Grubel (Capilano - Howe Sound): Je tenais tout d'abord à remercier tous les témoins de leur comparution. J'ai eu l'occasion de venir dans la région à quelques reprises et, chaque fois, j'ai beaucoup appris au sujet des problèmes locaux, notamment de la part de personnes qui représentent des gens dans le besoin. J'espère bien que le gouvernement sera à votre écoute.
J'aimerais aussi souhaiter la bienvenue à Frank et le remercier d'avoir organisé une rencontre intéressante avec sa classe, l'an dernier si je ne m'abuse. Votre réflexion sur la perte de capital humain à l'avantage du reste du Canada est fort intéressante. Avez-vous une idée du nombre relatif de personnes de l'Atlantique qui étudient ailleurs au Canada et dans le monde, par rapport au nombre d'étrangers, y compris les Canadiens qui viennent d'ailleurs que de l'Atlantique, qui étudient ici?
M. Strain: Je n'ai pas de chiffres en main. Je me bornerai à dire que le nombre dépend de la taille de la province.
La mobilité interprovinciale est très considérable dans l'Atlantique. Par exemple, je dirais que moins de 50 p. 100 des étudiants de l'Université Mount Allison proviennent du Nouveau-Brunswick. Bon nombre d'entre eux nous viennent de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse. Dans le cas de l'Université Dalhousie, on constaterait que de nombreux étudiants proviennent de l'Île-du-Prince-Édouard et du Nouveau-Brunswick. La mobilité est donc considérable, comme on pourrait s'y attendre. Il y a beaucoup de mobilité à l'intérieur de la région et, plus on s'éloigne, moins la mobilité est importante.
M. Grubel: De nombreux étudiants des provinces de l'Atlantique vont étudier ailleurs au Canada, tout comme des étudiants de l'extérieur de la région viennent ici. Dans un cas comme dans l'autre, les gens retournent chez eux après leurs études. On ne peut donc pas parler de pertes nettes pour la région de l'Atlantique. Il me semble que, avant de prendre toutes sortes de dispositions pour corriger ce que vous prétendez être un déséquilibre défavorable à la région de l'Atlantique, nous devrions étudier justement le solde net en terme de transfert des ressources humaines. Il y a des gens du reste du Canada qui viennent étudier ici et qui, par la suite, quittent la région en apportant avec eux l'investissement consenti par ceux qui les ont financés.
Vous connaissez le contenu des articles que j'ai rédigés sur le sujet. J'ajouterais également que, si des gens des provinces de l'Atlantique sont formés ici et décident de quitter, on peut dire que leur décision augmente leur bien-être, d'une certaine façon. Leur situation s'est nettement améliorée. On pourrait dire, d'une certaine manière, que les gens des provinces de l'Atlantique auront bien employé leurs ressources s'ils réussissent à assurer à leurs enfants une vie agréable et prospère. Je pense donc que votre proposition mérite d'être étudiée de plus près.
M. Strain: Je répondrai tout d'abord en disant que la proportion d'étudiants en provenance de l'extérieur de la province est nettement plus élevée au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse qu'ailleurs au Canada.
En deuxième lieu, je suis d'accord - et c'est justement pourquoi j'ai soutenu que les universités s'inscrivaient dans le cadre d'une politique de développement régional - pour dire qu'il est opportun d'investir dans le capital humain justement parce qu'il a une grande mobilité. Dans la mesure où on décide de subventionner l'acquisition du capital d'une manière ou d'une autre, la meilleure façon de le faire est d'investir dans le capital humain puisqu'une telle démarche s'inscrit dans le cadre d'une politique de développement régional. Les gens peuvent décider de rester s'ils jugent que c'est dans leur intérêt et ils peuvent alors contribuer à leur collectivité, même si leur choix implique une perte relative de revenu. Ou encore, ces gens peuvent décider de participer au marché du travail ailleurs au Canada et ainsi transporter avec eux le capital humain qu'ils représentent. Ce capital, contrairement au capital physique, est relativement mobile. Si l'investissement en éducation est si valable, même comme instrument de développement régional, c'est justement parce qu'il crée un capital humain et que ceux qui en bénéficient peuvent faire de ce capital ce qui correspond à ce qu'ils estiment être leur intérêt.
Dans la perspective de la collectivité, il reste toujours le problème de l'intérêt individuel. En raison de leur âge et de l'insuffisance de leurs ressources financières, les étudiants doivent s'appuyer sur l'aide financière de la collectivité locale. Il faut donc se demander dans quelle mesure cette collectivité est disposée à assurer un tel financement.
Je crois que la région de l'Atlantique est très différente du reste du pays étant donné que nos pertes nettes dépassent nos gains nets en provenance du reste du pays. Je n'ai pas les chiffres en main, mais je puis les obtenir facilement. Je les ai à la maison et j'ai écrit des articles sur cette question. Malheureusement, je n'ai pas les chiffres en tête. Il y a cependant une différence, justement parce que la région de l'Atlantique est relativement pauvre et que les occasions sont moindres pour les diplômés universitaires ici que dans le reste du Canada.
Le président: Madame Brushett.
Mme Brushett (Cumberland - Colchester): Merci, monsieur le président. J'ai trois questions.
Mon premier commentaire s'adresse à Frank Strain. J'aimerais présenter l'envers de la médaille en ce qui concerne la politique antérieure du gouvernement fédéral aux termes du RAPC. Certains ont soutenu avec vigueur que nous, de l'Atlantique, étions perdants aux termes du RAPC. Aujourd'hui, vous prétendez que nous sommes perdants aux termes du transfert social canadien. L'envers de la médaille c'est que le RAPC prévoyait que les transferts en espèces seraient fondés sur le nombre d'habitants. Or, ici dans l'Atlantique, le nombre d'étudiants dans les universités est beaucoup plus élevé proportionnellement à la population. Par conséquent, si la formule avait été fondée sur la population étudiante des universités, nous aurions été très avantagés par rapport à l'ancienne formule du RAPC.
Voilà un aspect qu'il ne faudrait pas perdre de vue et qui doit figurer au procès-verbal dont notre ministre prendra connaissance. Ainsi, le transfert social canadien sera très avantageux pour la région de l'Atlantique. J'estime donc, tout comme bon nombre des responsables de nos universités - Mount Allison étant celle qui peut servir de modèle à tous - que vous allez réussir à attirer des étudiants comme par le passé et que la grande qualité de l'éducation sera une source de revenu.
J'ajouterai que, même si nous avons une grande réputation en matière de formation de notre jeunesse... Le fait qu'ils quittent la région n'a pas seulement des côtés négatifs. Mes deux enfants vivent aux États-Unis. Je le regrette, mais au moins ils travaillent; ils ont un emploi.
J'aimerais que nous investissions dans nos ressources humaines ici, dans l'Atlantique, et que nous nous consacrions à ce que nous savons bien faire, soit l'éducation. Nous pouvons atteindre l'excellence. Nous ne pouvons employer tous nos diplômés et je le regrette - et je ne vois pas comment nous pourrions changer cela rapidement. Par conséquent, nous devrions continuer à faire ce que nous savons faire, c'est-à-dire offrir une éducation d'excellente qualité et laisser venir les gens d'ailleurs. Conservons les emplois ici; acceptons les étudiants d'ailleurs. Au moins nous participerons au développement des ressources humaines ici, dans la région.
M. Strain: Je crois que vous rejoignez assez bien mes propos sur le capital humain et sa transférabilité. Notre capital humain nous suit partout.
L'investissement en éducation a une valeur incommensurable. Ayant moi-même grandit dans la région de l'Atlantique, j'estime qu'il est important pour moi aussi bien que pour mes enfants d'être mobile, de pouvoir évoluer n'importe où au Canada et de disposer d'un système d'éducation d'excellente qualité.
Vous avez raison de dire que, dans le cadre du FPE, nous étions relativement désavantagés, compte tenu de la proportion d'étudiants que nous formions par rapport à la population totale. Aux termes du transfert social canadien, la formule de financement par habitant n'a pas beaucoup changé. La nouvelle formule n'implique pas de variation des effectifs étudiants et, à l'heure actuelle, ce n'est pas ce que je préconise. La formule a été revue, mais je ne crois pas que le transfert social canadien change grand-chose, même s'il se peut que certains aspects de la comparaison entre les deux régimes m'échappent.
Mme Brushett: Merci. Je tiens à vous dire que nous allons veiller à ce que nos jeunes continuent d'être formés comme ils l'ont été par le passé.
La prochaine de mes deux autres questions s'adresse à M. MacMackin, de la Chambre de commerce. Il est très convaincu que nous devons mettre un terme à toute aide à la PME de la part du gouvernement fédéral ou à toute subvention à l'entreprise. Je me demande si vous préconisez le même principe dans le cas de votre gouvernement provincial. Nous entendons constamment parler de subventions ou d'avantages fiscaux qui servent à attirer des entreprises -
Le président: Oh, non, non.
Mme Brushett: - et de promesse d'attirer des employeurs d'autres provinces. Tenez-vous donc le même discours à l'endroit de votre gouvernement provincial?
Ma deuxième question s'adresse à M. Basque, à M. Robar ou à tout autre témoin qui souhaiterait y répondre. Vous avez demandé que le gouvernement crée des emplois dans ces zones rurales en stagnation. Que proposez-vous donc? Si je vous pose la question, c'est que notre gouvernement n'a pas une très bonne réputation en matière de création d'emplois. Que nous proposez-vous de faire au juste pour créer les emplois à temps plein.
M. MacMackin: Nous le disons clairement et publiquement depuis deux ou trois ans, notamment dans les mémoires que nous faisons parvenir au gouvernement provincial du Nouveau-Brunswick: nous préconisons la suppression des subventions. Il est souvent arrivé dans cette province qu'on fasse la sourde oreille à ce sujet, et je ne suis pas convaincu que tous les gens d'affaires soient du même avis. Je suis pourtant convaincu que nous ne pouvons pas nous permettre d'agir de la sorte. Nous nous leurrons en pensant autrement. Nous l'avons dit haut et fort.
Le président: Merci, monsieur MacMackin. Monsieur Robar.
M. Robar: [Inaudible] le secteur public réduisant le nombre d'emplois et les services. Dans certains centres de soins infirmiers pour personnes âgées, il n'y a parfois qu'un travailleur pour 25 bénéficiaires. Le filet de sécurité sociale tombe en lambeaux. Si l'on pouvait imposer les sociétés de façon équitable - comme je l'ai dit plus tôt, la contribution à l'impôt atteint un creux de 10 p. 100 - , alors il serait certainement possible de créer des emplois par la suite. On pourrait peut-être commencer par rétablir le secteur public à ce qu'il devrait être.
Mme Brushett: Êtes-vous en train de nous dire que de telles mesures nous permettraient de créer des emplois au lieu de penser à peindre toutes les clôtures, toutes les églises et toutes les cours d'école de la région de l'Atlantique?
M. Robar: Lorsqu'on crée des emplois dans le secteur public - dans les hôpitaux, les centres de soins infirmiers - on apporte de l'eau au moulin de l'économie. Si l'impôt des particuliers et des sociétés était équitable, il y aurait certainement création d'emplois. Il y a des masses de revenu qui échappent à l'impôt.
M. MacMackin: Tout ceci est du déjà-vu par rapport à l'an dernier. On parle de toutes ces sociétés qui ne paient pas d'impôt, mais on nous en donne rarement la preuve, et certainement pas en appliquant les principes habituels de la comptabilité.
À cet égard, on laisse entendre que les bénéfices des sociétés qui sont rentables ne procurent aucun avantage à l'économie. Il faut dire que ce n'est pas vrai. Les bénéfices dont on parle sont des bénéfices après impôt, de sorte que l'impôt a été versé - impôt foncier, impôt sur le revenu, de même que toutes sortes de versements et de cotisations au Trésor public. Les entreprises contribuent également à l'économie en investissant chaque année dans la technologie, dans la technologie de l'information, dans bien des choses.
Et il ne faut pas non plus oublier les actionnaires qui font des bénéfices. Faut-il rappeler aux gens qui sont ici à cette table que, parmi les plus grands actionnaires du pays, on retrouve des caisses de retraite publiques et privées, des organisations syndicales, des organisations du secteur public aussi bien que des sociétés privées. On s'imagine que toutes les entreprises appartiennent à des gens nantis qui nous regardent de haut. Or, il s'agit le plus souvent de citoyens ordinaires. Les bénéfices servent à bâtir des régimes de retraite. Ainsi, à ceux qui demandent s'il est possible d'augmenter l'impôt des sociétés, je suis bien obligé de répondre par la négative.
Le président: Je ne crois pas que M. Robar soit tout à fait d'accord avec vous.
M. Robar: Irving a fait beaucoup d'argent dans la province du Nouveau-Brunswick et on peut se demander quelle proportion de cet argent a été réinvesti dans l'économie et n'est pas conservé dans des banques étrangères. On sait bien que, pour en hériter, sa famille a dû veiller à ce que cet argent reste en dehors de la province.
M. MacMackin: Je n'ai pas pour habitude de défendre les Irving; je ne les défendrai pas plus que je ne défends quiconque. Toutefois, vous ne trouverez probablement pas une compagnie ou un groupe de compagnies qui investissent plus dans le cadre de leurs opérations courantes que celle-ci. Personnellement, je continue à croire qu'à l'exception des investissements que cette compagnie à faits dans le Maine et dans d'autres entreprises en dehors du Nouveau-Brunswick, elle a réinvesti dans l'économie un capital incroyable, plus d'argent que quiconque parmi nous pourrait jamais investir.
Le président: Monsieur Robar, à vous le dernier mot.
M. Robar: Visitez la ville de Saint John. La raison pour laquelle la situation est si déplorable, pour laquelle les petits entrepreneurs ne réussissent pas à créer des emplois, cette raison, c'est la famille Irving. Dès qu'une entreprise connaît du succès, ce groupe arrive et offre de l'acheter, ou bien encore de l'acheter en laissant la gérance à son propriétaire. Ceux qui refusent se trouvent en concurrence directe avec la famille Irving. Dans cette ville-là, les petits entrepreneurs ont beaucoup de mal à créer des emplois.
M. MacMackin: Vous me permettez un dernier mot?
Le président: M. Basque, puis M. MacMackin.
[Français]
M. Basque: On demandait s'il existait des moyens que le gouvernement devrait ou pourrait prendre pour créer de l'emploi. Je crois que oui, surtout dans les régions rurales. Je prendrai l'exemple de Shediac, une région à l'extérieur de Moncton. Le gouvernement a décentralisé un des services du ministère qu'on appelait Approvisionnements et Services qui s'occupe des numéros d'assurance sociale et ainsi créé quelque 400 emplois dans une région rurale.
En décentralisant certains de leurs services, les gouvernements fédéral et provinciaux peuvent créer des emplois et aider des régions où la plupart du travail est de nature saisonnière. Il est difficile, à moins d'amener dans ces régions des entités comme des services publics, d'augmenter de façon appréciable le nombre d'emplois. On pourrait peut-être faire beaucoup plus de transformations, mais c'est une tout autre chose. Je pense que la décentralisation est un moyen efficace pour les gouvernement fédéral ou provinciaux d'aider les régions.
D'autre part, à mon avis, on devrait poursuivre le programme d'infrastructures qui avait été mis en place dans le cadre du premier budget des libéraux. Il devrait toutefois être beaucoup plus spécifique et davantage orienté sur l'infrastructure des petites municipalités qui comptent 500, 1 000 ou 5 000 personnes, qui pourraient vraiment en profiter et créer des emplois dans la région. Il faut aussi comprendre que dans une municipalité de 2 000 habitants, la présence ou l'absence de 10 emplois du gouvernement fédéral ou provincial fait une grosse différence. En ce sens, je crois que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer.
Le président: Merci beaucoup, madame Brushett. Madame Chamberlain.
[Traduction]
Mme Chamberlain (Guelph - Wellington): Monsieur MacMackin, est-ce que la Chambre de commerce est en faveur d'un programme d'infrastructure?
M. MacMackin: C'est drôle, j'en parlais justement à quelqu'un ce matin.
L'infrastructure canadienne actuelle n'est pas en bon état. Nous avons beaucoup de problèmes avec nos routes, en particulier au Nouveau-Brunswick. Nous sommes en négociation permanente avec le gouvernement fédéral pour voir si on ne pourrait pas nous aider à refaire nos routes.
Ce qui nous ennuie, c'est que nous pourrions travailler sur un projet qui pourrait être exploité de deux façons différentes: cela pourrait être considéré comme une manoeuvre électorale pratique et dénoncé dans tout le pays, ou cela pourrait être interprété d'une mauvaise façon. Mais il y a des collectivités qui sont dans le besoin. M. Basque a parlé des systèmes d'égout et d'adduction d'eau; il y a aussi des routes qui ont besoin d'être refaites.
Ces infrastructures qui exigent aujourd'hui de nouveaux investissements, certaines d'entre elles vous appartiennent, elles appartiennent au gouvernement fédéral. J'imagine que cela pourrait figurer dans un ensemble de mesures budgétaires, sans pour autant compromettre nos objectifs d'élimination du déficit et de réduction de la dette. Effectivement, nous serions très en faveur de tels projets.
Mme Chamberlain: J'aimerais également poser une question à M. Gaudet ou à M. Olivier au sujet du sida. Vous avez parlé d'un crédit d'impôt pour invalidité, et vous avez dit que vous préfériez un remboursement d'impôt. Est-ce que vous avez des chiffres? Savez-vous combien cela coûterait, comment cela fonctionnerait? Il me semble que votre cause n'est pas sans mérite. Dans une certaine mesure, cela me semble logique, mais cela reste une affaire de dollars. Avez-vous fait des calculs?
M. Olivier: Je crois que des calculs ont été faits; je pourrais...
Mme Chamberlain: Si vous n'avez pas cette information ici, peut-être pourriez-vous nous l'envoyer.
M. Olivier: Certainement, je me souviens d'avoir lu des chiffres sur les coûts que cela représenterait.
Mme Chamberlain: C'est facile de dire que nous voulons changer les choses, mais il faut toujours s'interroger sur les coûts et sur la façon dont cela nous affecterait, c'est évident. Il me semble que cette proposition mérite d'être étudiée.
M. Gaudet: Nous espérons que le groupe de travail sur l'invalidité formulera des recommandations très fermes à Revenu Canada au sujet de l'imposition.
Le président: Est-ce que les nouveaux traitements avec des médicaments multiples apportent un nouvel espoir aux personnes atteintes du VIH et du sida?
M. Gaudet: Pour ma part, je vis avec cette maladie, et je dois vous répondre que oui. Ces nouveaux médicaments me donnent beaucoup d'espoir, j'espère qu'ils prolongeront ma vie et, dans une certaine mesure, la qualité de ma vie.
Le président: On a de bonnes raisons de penser que ces médicaments ont cet effet, n'est-ce pas?
M. Gaudet: Toutes les études semblent le confirmer, c'est un grand succès.
Le président: Combien de temps s'écoule normalement entre le moment où l'on contracte le VIH et le moment où on est atteint du sida?
M. Olivier: Cela varie énormément, mais en moyenne, les gens sont atteints d'une infection propre au sida, une gamme de symptômes cancéreux, environ 10 à 11 ans après avoir été infectés. Nous parlons des adultes.
Le président: C'est différent pour les plus jeunes?
M. Olivier: La maladie progresse plus rapidement chez les enfants, et pour les bébés nés d'une mère infectée, cela ne prend parfois qu'un mois.
Le président: Avez-vous constaté que depuis deux ans le sida est moins stigmatisé, que les Canadiens l'acceptent de plus en plus comme une maladie qui peut toucher n'importe qui, et non plus comme une plaie réservée à la communauté homosexuelle?
M. Gaudet: C'est un domaine où nous pouvons raconter autant d'histoires qui se terminent bien que d'histoires affreuses. Je pense que des progrès considérables ont été faits, mais cela reste minime si l'on considère la prise de conscience de l'ensemble de la population au sujet du sida.
Le président: Merci beaucoup. Monsieur Laurin.
[Français]
M. Laurin: Monsieur MacMackin, Québec propose qu'il y ait un deuxième programme d'infrastructures, mais que l'apport du fédéral soit de 50 p. 100 cette fois et que les provinces puissent utiliser de l'argent déjà budgété compte tenu de leur endettement très prononcé.
Est-ce que vous êtes d'accord sur cette proposition?
[Traduction]
M. MacMackin: C'est une question très détaillée, et je ne connais probablement pas suffisamment les particularités de l'ancien programme de restructuration pour vous répondre.
J'aimerais qu'un programme de ce genre soit mis en place pour qu'on s'assure que tout l'argent est bien dépensé là où on en a besoin, pour éviter de créer des projets comme - faute d'un meilleur exemple - la construction d'une patinoire quand on a besoin de refaire des routes. Si ce genre de chose peut se faire sur la base des priorités d'une province et en partageant les investissements avec cette province, s'il est possible de concilier les deux systèmes, et ce faisant de mieux utiliser l'argent des contribuables en accomplissant quelque chose qui a besoin d'être fait, je pense que la proposition est raisonnable.
Toutefois, je le répète, c'est à peu près tout ce que je peux dire, car je ne connais pas suffisamment les détails de cette proposition ou les caractéristiques de l'ancien plan.
Le président: Si vous n'aimez pas les patinoires, est-ce que vous seriez d'accord pour des terrains de pétanque?
M. MacMackin: Ce n'est pas que je n'aime pas les patinoires, mais je pense que souvent c'est de cette façon là que nous utilisons l'argent.
Le président: Madame Chamberlain.
Mme Chamberlain: Une observation très courte à ce sujet.
Je sais qu'il est facile de brandir l'exemple des patinoires, et je sais qu'il y a un problème, mais il ne faut pas oublier non plus que cela améliore la qualité de vie dans une communauté, que cela attire des gens dans cette communauté, comme beaucoup de mesures que nous prenons pour l'industrie.
M. MacMackin: Absolument, sans aucun doute. Nous en sommes à comparer les meilleurs projets, pas forcément de bons et de mauvais projets. Mais en réalité, il y a beaucoup de communautés qui ont des priorités bien plus importantes. Elles ont des problèmes d'adduction d'eau, elles ont des problèmes d'égouts, et c'est beaucoup plus important.
Le président: Les terrains de pétanque, absolument.
Au nom de tous les membres du comité, je tiens à vous remercier.
Frank Strain, moi qui suis de l'Ontario, je peux vous dire que nous avons une longue tradition et que nous envoyons souvent nos jeunes dans les Maritimes pour leur éducation. C'est avec beaucoup de fierté que nous le faisons car nous savons qu'ils recevront une excellente éducation. Cela dit, j'ai l'impression que c'est très profitable pour nous. J'en suis certain. Je vois des associations d'élèves de l'Ontario qui organisent des campagnes pour recueillir des fonds et aider ces universités. C'est peut-être un bon moyen de récupérer une partie des investissements.
Monsieur MacMackin, pendant la séance précédente, certaines personnes nous ont dit que ce gouvernement n'avait rien fait d'autre que suivre le programme de l'entreprise privée, et que les emplois promis ne s'étaient pas matérialisés. On nous a dit qu'il était temps d'abandonner ce qui avait été fait jusqu'à présent, que cela ne fonctionnait pas, que c'était plus nuisible qu'autre chose. On nous a dit de recommencer à dépenser sans retenue. Je sais ce que vous me répondrez, je sais ce que je pense moi-même. Lorsque l'on constate que le poste le plus important de notre budget à l'heure actuelle est 50 milliards de dollars, uniquement pour le service de la dette, et que le deuxième poste en importance, c'est 20 milliards de dollars pour les pensions des personnes âgées, on peut voir qu'il est impossible de continuer ainsi. Des gouvernements qui se mettent dans une telle situation, qui se condamnent à un tel service de la dette, sont absolument irresponsables. Si nous avions fait preuve de plus de prudence, nous aurions tout cet argent aujourd'hui avec le même niveau d'imposition, et nous pourrions le consacrer à des programmes sociaux. Voilà la tragédie de la situation à laquelle nous nous sommes acculés.
Toutefois, je dois dire à la chambre de commerce et aux représentants de l'entreprise privée, que cette situation n'est pas sans une certaine justification. Nous savons que vous devez affronter les réalités de la concurrence. Tous les Canadiens, y compris les milieux d'affaires, ont intérêt à ce qu'un plus grand nombre de Canadiens retrouvent du travail. Plus vous encouragerez vos membres à faire un effort supplémentaire pour nous aider à régler ce problème social majeur, cette situation où les gens veulent travailler mais ne trouvent tout simplement pas de travail ici, dans le pays, mieux nous nous en trouverons tous. Je suis certain que vous le savez.
[Français]
Monsieur Basque, vous avez parlé des gens qui vivent sous le seuil de la pauvreté. Il est très important que nous reconnaissions que même si nous sommes parmi les pays les plus riches au monde, il restera toujours des Canadiens démunis qui ont le droit d'être humains, civilisés et d'avoir accès aux occasions qui s'offrent aux autres Canadiens. Merci beaucoup de votre contribution.
C'est la même chose pour vous, Mark.
[Traduction]
Vous avez eu l'occasion de parler à des gens qui sont dans le besoin, et c'est une réalité que nous devons tous garder à l'esprit. Notre rôle de responsables politiques n'est pas facile. Nous devons faire des choix, nous devons essayer de prévoir les intérêts à long terme de l'ensemble des Canadiens. Nous n'agissons pas sur un plan doctrinaire ou philosophique, et c'est la raison pour laquelle ces contacts avec les gens que nous représentons sont importants.
Ted et Claude, nous avons la plus grande sympathie pour les gens qui sont atteints de maladies, et quand vous réclamez la mise en place d'une stratégie nationale sur le sida d'ici à 1998, c'est loin d'être déraisonnable. Vous nous suppliez de vous aider au moins à conserver les services de santé communautaires que vous avez créés - et nous avons beaucoup de chance d'avoir tous ces bénévoles, nous serions fous de... C'est probablement un des meilleurs investissements dans le secteur de la santé qu'on puisse faire à l'heure actuelle. Espérons que nous réussirons à consacrer plus d'efforts à l'éradication de cette plaie horrible qui nous touche tous. Au nom de tous les membres du comité, je vous remercie.
La séance est levée.