[Enregistrement électronique]
Le mercredi 6 novembre 1996
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Whelan): Mesdames et messieurs, nous allons commencer cette deuxième table ronde de la matinée.
Je tiens à vous informer de la façon dont nous procédons. Nous commençons par de brèves déclarations préliminaires, à raison de trois minutes par personne. Si vous avez un exposé écrit, ne vous croyez pas obligés de le faire en entier. Nous le lirons par la suite. Si vous pouviez au contraire le résumer, ce serait parfait. Si vous préférez toutefois le lire et que vous pouvez le faire en trois minutes, c'est bien aussi, mais je vous demanderais de ne pas le lire à toute vitesse, car il est alors très difficile pour nos interprètes de vous suivre. Donc, si vous devez lire quelque chose, nous vous serions reconnaissants de le lire lentement.
Le Comité des finances poursuit ses consultations prébudgétaires. La moitié du comité est dans l'Ouest alors que l'autre moitié est dans l'Est.
Je m'appelle Susan Whelan. Je suis députée d'Essex - Windsor, en Ontario. Je suis vice-présidente du Comité des finances et je préside les audiences dans l'ouest du Canada.
Nous avons aujourd'hui avec nous M. Rocheleau, du Québec, qui représente la circonscription de Trois-Rivières; Monte Solberg, de l'Alberta, qui représente la circonscription de Medicine Hat; Gary Pillitteri, de la circonscription de Niagara Falls, en Ontario; et Ron Fewchuk, de la circonscription de Selkirk - Red River, au Manitoba. Ron Duhamel arrivera tout à l'heure; il représente la circonscription de Saint-Boniface, au Manitoba.
Cela dit, je commencerai par Mme Lorelee Manning, du Conseil du développement social de Regina.
Mme Lorelee Manning (directrice générale, Conseil du développement social de Regina Inc.): Merci.
Je vais vous lire les recommandations que nous vous présentons. Notre mémoire insiste surtout sur la nécessité pour le gouvernement fédéral de jouer un rôle proactif en matière de plein emploi et de mettre en oeuvre un programme de plein emploi pour les Canadiens.
D'une part, nous recommandons que le gouvernement fédéral joue un rôle proactif dans la création d'emplois. Cela rassurerait en effet les gens et regarnirait le Trésor public, parce qu'il y aurait plus de gens qui travailleraient.
Deuxièmement, nous recommandons que le gouvernement fédéral adopte une loi sur la sécurité sociale qui garantisse les droits économiques contenus dans le Régime d'assistance publique du Canada. Une telle loi aiderait le Canada à satisfaire à ses obligations internationales et à reformuler sa politique économique dans le contexte de la justice sociale et économique.
Troisièmement, nous recommandons que le gouvernement fédéral arrête de compter sur le secteur privé pour créer des emplois. Il devrait au contraire financer et encourager des solutions communautaires, et notamment des coopératives de travailleurs, et remplacer les subventions aux entreprises par des incitatifs fiscaux liés directement à la création d'emplois.
Quatrièmement, nous recommandons que le gouvernement fédéral libère de l'argent pour les mises de fonds de sorte que les groupes communautaires puissent mettre sur pied l'infrastructure nécessaire au développement de coopératives de travailleurs durables.
Cinquièmement, nous recommandons que le gouvernement fédéral prenne des mesures pour interdire le travail obligatoire pour les assistés sociaux au Canada et, parallèlement, mette au point une stratégie de distribution du travail et de la richesse.
C'est tout ce que je lirai.
La vice-présidente (Mme Whelan): Merci beaucoup, madame.
Je passe maintenant à M. Cyr, de la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan.
M. Lindsay Cyr (troisième vice-chef, Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan): Merci. Je vous lirai notre déclaration et j'essaierai de compléter certaines choses.
La Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan souhaiterait que votre comité examine sérieusement les possibilités que présenterait une nouvelle méthode de financement durable des gouvernements des Premières nations.
Nous aimerions aussi que vous compreniez le caractère unique du financement des obligations issues de traités des Premières nations, qui ne correspond pas du tout au financement des autres programmes gouvernementaux. Les obligations du gouvernement fédéral découlant des traités sont compromises lorsque le gouvernement fédéral se décharge de ses responsabilités sur le gouvernement provincial.
Nous aimerions que vous compreniez le risque humain que l'on court en ne permettant pas aux Premières nations de jouir du même niveau de vie que la majorité des Canadiens.
Nous voulons pouvoir contrôler notre propre destin. Si les Indiens contrôlent leur destin, nous aurons des résultats, mais nous n'en sommes pas encore là.
En 1960, 60 membres des Premières nations poursuivaient des études supérieures au Canada, alors qu'aujourd'hui, maintenant que les Premières nations contrôlent leurs écoles, nous avons 30 000 étudiants qui suivent des études supérieures. Ces statistiques sont très prometteuses, mais les Premières nations ne sont toujours pas suffisamment représentées dans les métiers spécialisés, les professions libérales et sur le marché du travail en général. Il nous faudrait environ 60 000 emplois pour atteindre la moyenne provinciale.
Notre démographie indique que nous sommes au début d'une explosion des naissances. Le succès de nos jeunes profitera à tous les Canadiens, mais s'ils continuent à dépendre des programmes sociaux cela coûtera à l'ensemble de la population.
Comme pour l'éducation, le contrôle de nos finances ne nous a été rendu qu'il y a 20 ans. La transition a été difficile, mais nous commençons à mieux contrôler notre destin financier.
La Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan avait un gros déficit ces dernières années. La moitié de ce déficit a été éliminé au cours du dernier exercice financier, et il le sera totalement dans le prochain exercice. Cela signifie que nous aurons des budgets excédentaires et éliminerons en deux ans tous les déficits cumulés. Si vous souhaitez avoir d'autres précisions à ce sujet, nous avons un rapport à vous soumettre.
Le ministre des Finances vous a indiqué quels sont les défis financiers que doit relever notre pays. Il a également précisé qu'il faut offrir aux Canadiens le soutien nécessaire pour qu'ils puissent profiter de l'économie moderne et s'acquitter de leurs responsabilités en donnant aux jeunes les meilleures chances de réussir.
Les fonds accordés aux Premières nations pour les jeunes permettront à ceux-ci de devenir des membres productifs et solides de notre société. Nous voulons participer à l'économie moderne et nous réussirons si l'on nous en donne la possibilité.
Pour ce qui est des obligations découlant de traités et des dépenses de programmes du gouvernement, nous reconnaissons les difficultés financières actuelles, mais le comité doit comprendre que pour nous les traités sont comme des obligations contractuelles signées par le gouvernement fédéral. Nous voulons que l'on nous garantisse que les transferts financiers entre gouvernements ne se font pas du gouvernement fédéral aux provinces, mais du gouvernement fédéral aux Premières nations. Qui est en effet mieux placé pour connaître les problèmes des Premières nations que les représentants de ces Premières nations?
La vice-présidente (Mme Whelan): Merci beaucoup, monsieur Cyr.
J'aimerais maintenant passer à Mme Denise Hildebrand, du Conseil de la Saskatchewan pour la coopération internationale.
Mme Denise Hildebrand (présidente, Conseil de la Saskatchewan pour la coopération internationale): Au nom des 30 organismes membres de notre conseil, je tiens à remercier le Comité des finances de nous offrir cette occasion de présenter notre point de vue.
Le Canada, en tant que pays donateur et membre de l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE, a confirmé sa volonté d'atteindre l'objectif des Nations unies en matière d'aide, soit 0,7 p. 100 du produit national brut. Toutefois, l'assistance du Canada n'a jamais été aussi faible depuis 30 ans. En 1998, cela pourrait atteindre à peine 0,24 p. 100 du PNB, ce qui est inférieur à 35 p. 100 de ce que nous nous étions engagés à donner.
Dans la Déclaration canadienne de politique étrangère de 1995, intitulée Le Canada et le monde, on lit que le mandat de l'ACDI est «le développement durable des pays en développement, afin de réduire la pauvreté et de contribuer à un monde plus sûr, plus équitable et plus prospère». Ce mandat prévoit entre autres que l'aide publique au développement et l'ACDI réservent 25 p. 100 aux programmes visant à satisfaire les besoins humains élémentaires.
Des études indépendantes des dépenses de l'ACDI révèlent qu'à l'exclusion de l'assistance pour les cas d'urgence, seulement 13,6 p. 100 de son budget est affecté à la satisfaction des besoins humains élémentaires. Une étude similaire du budget de l'aide publique au développement a permis de constater que seulement 10,7 p. 100 de ce budget visait la satisfaction des besoins humains élémentaires. Un rapport que le gouvernement a présenté en mars 1996 au comité de l'aide publique au développement de l'OCDE révélait que le gouvernement estimait ses dépenses à ce titre à environ 8 p. 100 du total de l'aide publique au développement.
Le même rapport estimait que les dépenses concernant les besoins élémentaires en matière de santé et d'éducation combinés se situaient à 5 p. 100; les dépenses pour l'agriculture, environ3 p. 100, tombaient au chiffre ridicule de 0,3 p. 100 pour l'eau et l'hygiène. Les dépenses pour l'assistance en cas de décès dépassaient 11 p. 100, et pour les cas d'urgence 9 p. 100. Ces chiffres indiquent que le Canada a abandonné ses efforts dans le sens du développement durable et de la réduction de la pauvreté.
En 1995, le gouvernement fédéral a diminué les subventions destinées aux programmes permettant à la population de mieux comprendre et d'appuyer l'effort de développement. Nombre des 90 organismes locaux et régionaux qui recevaient des fonds jusque-là ont été obligés de cesser toute activité. Des études récentes ont révélé que lorsque l'on explique un programme précis de développement mené par le gouvernement, la population est beaucoup plus portée à l'appuyer.
Le rôle de ces organismes dans la description des programmes, des pays en cause et des possibilités de développement est de plus en plus important quand on considère la concurrence planétaire.
Alors que les Canadiens sont de plus en plus sur les marchés internationaux, il est crucial qu'ils soient mieux informés de leurs responsabilités de citoyens du monde. En tant que citoyens du monde, nous sommes tous touchés par les effets socio-économiques à long terme de la pauvreté. Nous ne pouvons que bénéficier d'une répartition équitable de la richesse, de la participation des citoyens, du respect des droits de l'homme et du développement social.
Voici nos recommandations.
Le Canada doit respecter ses engagements internationaux et consacrer 0,7 p. 100 de son PNB à l'aide au développement, dont 25 p. 100 à la satisfaction des besoins élémentaires.
Le Canada et les autres pays donateurs et bénéficiaires, les multilatérales et le secteur bénévole doivent ensemble établir des normes, des objectifs et des politiques qui permettront d'évaluer les dépenses au titre des programmes sociaux et les mesures de lutte contre la pauvreté. L'effet des investissements sociaux doit également être mesuré afin d'évaluer les repères d'action réelle face à la pauvreté et au développement durable.
La population canadienne a le droit d'être informée des questions de développement, des possibilités et des succès. Des fonds doivent être réservés à l'information en matière de développement de sorte que les Canadiens puissent devenir plus actifs en tant que citoyens du monde responsables.
L'aide doit servir de catalyseur et permettre aux gens de devenir productifs et de contribuer activement au développement social et économique. Le gouvernement canadien doit investir dans le développement social pour créer un environnement qui donne la priorité à l'être humain. Les points de vue et les droits des pauvres doivent être au coeur des interventions de développement.
L'élimination de la pauvreté est un objectif réalisable pour notre génération. Le défi consiste à se donner une vision et à prendre un engagement politique dans ce sens. Au nom des 30 organismes membres de notre conseil, c'est le défi que nous voulons lancer à tout le monde ici. Merci.
La vice-présidente (Mme Whelan): Merci beaucoup, madame.
Je passerai maintenant à Mme Maria Lepage, du Conseil consultatif de la Saskatchewan sur le statut des femmes.
[Français]
Mme Maria Lepage (membre du conseil, Conseil consultatif de la Saskatchewan sur le statut des femmes): Bonjour. Je représente le Conseil consultatif de la Saskatchewan sur le statut des femmes. Je regrette la faible représentation des femmes autour de la table, à l'exception deMme Whelan qui nous accompagne ici aujourd'hui. En regardant la liste des membres que chaque parti affecte aux comités, on a l'impression qu'on veut continuer de propager la croyance que les finances appartiennent aux hommes.
[Traduction]
Le Conseil consultatif de la Saskatchewan sur le statut des femmes est la plus grosse organisation féministe provinciale et représente 66 groupes membres et plus de 200 personnes. En tant qu'organisme polyvalent, le conseil reflète bien la population de la Saskatchewan et représente des femmes de milieux variés.
Nous tenons à remercier le comité de nous avoir invitées aujourd'hui. Toutefois, nous nous inquiétons beaucoup que plusieurs organismes communautaires n'aient pas été inclus dans ces consultations. La plupart travaillent avec la population, et il semblerait logique et utile pour le gouvernement de les inclure dans ces consultations. C'est le coeur du Canada, et il faut refléter la diversité à tous les paliers, quels que soient la culture, la classe sociale ou le sexe.
Même si M. Martin se déclare très satisfait que la dette ait été considérablement réduite, il semble que l'on ait oublié la promesse de créer davantage d'emplois. Bref, la réduction de la dette et du déficit sont une priorité par rapport à l'emploi et à la création d'emplois. Le coût de la réduction du déficit est très élevé, puisqu'il a entraîné le démantèlement de nos programmes sociaux et le transfert du fardeau financier aux provinces et aux particuliers.
Comment peut-on oublier le budget fédéral de 1995 et le projet de loi C-76 ou le projet de loi C-111 et les changements à l'assurance-chômage qui l'ont accompagné ou, encore pire, l'horrible taxe sur les immigrants et les réfugiés? Tout cela faisait partie du budget de 1995, et nous commençons à ressentir les effets négatifs des coupures dans les services sociaux, les emplois perdus, l'accroissement de la pauvreté, les coupures dans les services de santé et la réduction dans les services de garderie. Ces besoins élémentaires étaient garantis dans le Régime d'assistance publique du Canada.
Les Canadiens touchés par ces mesures sont les plus vulnérables et les plus marginalisés de la société, à savoir les femmes et les enfants, les gens de couleur, les Autochtones et les personnes handicapées.
La coupure de 1996 qui nous a tous touchés est celle qui a frappé Radio-Canada.
[Français]
Non seulement le nombre d'emplois décroîtra, mais on assistera à un suicide culturel pour les francophones de la langue officielle minoritaire au Canada, car nous n'aurons aucun autre choix en programmation de radio et de télévision au niveau local et même au niveau national.
[Traduction]
La SRC est un trait d'union important pour les Canadiens d'un bout à l'autre du pays. C'est le moyen de communication du peuple, et j'estime que ceux qui s'opposent à un tel média ont un programme caché. La programmation locale pour les communautés de langue française dans tout le pays, une demi-heure de télé... est-ce trop demander pour être citoyen canadien? Et les personnes âgées et les femmes des communautés francophones de tout le pays, qui sont la majorité de ceux qui écoutent la radio et la télévision en français? Est-ce qu'elles ne comptent pas?
Notre mémoire porte sur les effets très destructifs d'un programme de coupures, faites à tort et à travers, auquel il ne semble pas y avoir de fin. Nous faisons des recommandations sur la façon d'aider les Canadiens, plutôt que de les faire souffrir, en créant des emplois, et des emplois de qualité, comme l'avait promis le Parti libéral dans le Livre rouge.
Il est devenu de plus en plus évident au cours des quatre dernières années que les Libéraux réagissent aux interventions du Parti réformiste et qu'une partie de leur stratégie est de calmer les gens à divers degrés. Prenez l'exemple de cette taxe d'entrée régressive ou celui des changements radicaux apportés au régime d'assurance-chômage.
Nous aimerions jeter un coup d'oeil sur la création d'emplois et l'assurance-chômage, les programmes sociaux, le régime fiscal et le financement des groupes ethniques et des organisations féminines. Aux groupes ethniques, nous pourrions également ajouter les groupes sociaux.
Pour ce qui est de la création d'emplois, le Globe and Mail annonçait le 12 octobre 1996 la perte de 47 000 emplois le mois précédent, ce qui menait à un taux de chômage de 9,9 p. 100, deuxième record depuis 1994. La plupart de ces emplois étaient des emplois à plein temps concentrés dans les secteurs de la santé, de l'administration publique et de l'éducation. Faire des compressions dans le secteur public dans l'attente de la création d'emplois dans le secteur privé n'est qu'une projection, et non pas une réalité.
La crise actuelle est alarmante et aura à long terme un effet négatif sur l'économie. La compression des effectifs pour réduire la dette ne peut qu'avoir des effets négatifs, parce que, même si les taux d'intérêt ont diminué, l'insécurité crée un marché de consommation déprimé, ce qui mène à une croissance zéro.
Les Canadiens font preuve de créativité et savent que ce n'est pas en nous limitant à des compressions massives et à des mises à pied que l'on réduira la dette. La seule action positive est la création d'emplois plus nombreux.
Les compressions généralisées ont mené à la perte de centaines d'emplois, ce qui a valu de grosses primes de plusieurs millions aux PDG ou des options d'achat de titres ou autres avantages.
Sur qui retombe le fardeau du chômage, de la stagnation de l'emploi et des compressions généralisées dans le secteur public canadien?
L'avenir n'est pas très prometteur pour les jeunes et les femmes qui sont les victimes de ces mesures. La qualité de vie se détériore au Canada au fur et à mesure que les gens perdent leur emploi, sont forcés de dépendre de l'assurance-chômage ou de l'assistance publique, et qu'à leur tour les provinces décident s'il faut les obliger à travailler pour toucher une prestation d'assistance publique. Nous nous inquiétons des étudiants, qui sont pour une bonne partie des femmes, qui doivent rembourser des prêts énormes.
En 1994, M. Martin a projeté une augmentation de 3 p. 100 de l'emploi. Toutefois, il n'y a eu que 1,6 p. 100 d'augmentation. Environ 99 000 emplois ont été créés entre décembre 1994 et décembre 1995, mais tous ces emplois sont des emplois à temps partiel et temporaires, ce qui signifie très peu d'avantages sociaux. En 1995, 74 000 emplois ont été perdus, et les pertes pour 1996 seraient de l'ordre de 100 000, pour la plupart dans les services de santé et d'éducation.
Le programme de placement des étudiants pendant l'été n'est pas aussi important qu'on l'avait prévu. La méthode Équipe Canada pour la création d'emplois pour les jeunes représente une augmentation de 1 p. 100 dans la masse salariale d'une entreprise. Dans certains cas, cela a permis de créer quelques emplois à temps partiel pour éviter de payer des avantages ou autres choses qui pourraient profiter aux employés. Dans certaines chaînes de magasins d'alimentation, seuls les échelons supérieurs de l'administration sont à plein temps, et cela représente de 5 à 10 p. 100 de la masse salariale totale.
La vice-présidente (Mme Whelan): Pourriez-vous résumer le reste de votre mémoire, s'il vous plaît?
Mme Lepage: C'est un peu difficile lorsque nous sommes les seules qui représentent les femmes, madame, mais j'essayerai.
La vice-présidente (Mme Whelan): Vous pourrez donner des précisions en répondant aux questions et ajouter quelque chose à la fin.
Mme Lepage: Nous nous inquiétons de certains des programmes sociaux, des transferts et des questions de chômage. Nous constatons que nos employés ont du mal à bénéficier de leurs propres régimes d'avantages sociaux, qu'ils ont pourtant payés.
En matière d'éducation, nous estimons que la diminution des paiements de transfert aux établissements d'enseignement aura plus de répercussions pour les femmes parce que les filles et les jeunes femmes hésiteront à s'endetter de 40 000$. Elles savent qu'elles vont procréer et qu'elles ne pourront pas travailler pendant un certain temps. C'est une perte en ressources humaines.
Pour ce qui est de la santé, nous savons que les femmes vont écoper parce qu'il est bien rare que ce soit le partenaire de sexe masculin qui abandonne son emploi - qui paie souvent mieux - ni ses exigences, son travail bénévole, ni même ses distractions.
La recherche sur la santé des femmes n'est pas assurée. C'est toujours la dernière priorité.
En ce qui concerne l'équité du régime fiscal, nous constatons que, tandis que les sociétés, il y a quelques années, représentaient 15 p. 100 des recettes fiscales du gouvernement canadien, ce chiffre est tombé aujourd'hui à 8 p. 100, et qu'il y a des sociétés qui n'ont pas payé d'impôt, bien qu'elles aient réalisé des bénéfices supérieurs à 55,2 milliards de dollars. Cela signifie que 62 480 sociétés ont réalisé des bénéfices, mais n'ont pas payé d'impôt. Comment peut-on justifier cela devant une mère seule qui doit payer un impôt sur le revenu alors que son revenu annuel est de 11 601$?
Il y a des sociétés qui réalisent de gros bénéfices, mais qui suppriment des emplois. Bell Canada a réalisé 0,5 milliard de dollars de bénéfices et supprimé 3 100 emplois. Inco a augmenté ses bénéfices de 3,281 p. 100 et supprimé 2 000 emplois.
Voilà simplement quelques idées et quelques exemples... Les groupes communautaires, les groupes féminins et les groupes sociaux administrent les fonds qu'ils reçoivent en tant que groupes d'intérêts, et cela est mal vu. Ils ont probablement administré ces fonds beaucoup mieux que toute administration ou tout parti au Canada.
Je vous présenterai nos recommandations un peu plus tard, lorsque nous en serons à la discussion.
Merci.
La vice-présidente (Mme Whelan): Merci beaucoup, madame.
Je passe maintenant à M. Walter Logan, du Regina Anti-Poverty Ministry.
Le révérend Walter Logan (Regina Anti-Poverty Ministry, Église unie du Canada): Le Regina Anti-Poverty Ministry de l'Église unie du Canada vous remercie de l'avoir invité à faire cet exposé.
L'objectif de notre groupe est de créer ce que l'on pourrait appeler une bonne société. Une telle société ne peut tolérer la discrimination contre tout un éventail de personnes, que cette discrimination soit fondée sur la race, la situation, l'argent ou toute autre chose. Cette bonne société doit offrir des chances égales à tous. Elle doit veiller à ce que l'on offre aux gens la possibilité de contribuer à la société et de découvrir comment assurer leur propre bien-être pour créer une bonne société.
Il y a des obstacles à cela dans la société dans laquelle nous vivons, et notre organisme vous présente les recommandations suivantes.
Nous recommandons l'élimination de la taxe sur les produits et services, car celle-ci n'est pas rentable, n'a rien fait pour abaisser notre déficit national et représente un fardeau trop lourd pour ceux dans notre société qui sont le moins à même de la payer.
Nous recommandons que le gouvernement fédéral rétablisse l'entente sur le partage égal des coûts pour les programmes sociaux.
Nous recommandons que le gouvernement fédéral fasse adopter une loi sur la sécurité sociale pour garantir à nouveau le droit à un revenu suffisant, le droit d'appel et le droit de travailler.
Nous recommandons que les sociétés soient imposées aux mêmes taux que les particuliers.
Nous recommandons que les échappatoires fiscales et les reports d'impôt accordés aux sociétés et aux Canadiens riches soient totalement éliminés.
Nous recommandons que les gouvernements du pays aient pour objectif un taux de chômage zéro et s'efforcent réellement de l'atteindre.
Nous recommandons que les gouvernements du pays déclarent illégaux les programmes de travail obligatoire.
Et nous recommandons que nos gouvernements travaillent à créer des emplois à plein temps, durables, plutôt que d'autres emplois à temps partiel qui défavorisent les femmes.
Merci.
La vice-présidente (Mme Whelan): Merci beaucoup, monsieur.
Je vais maintenant passer à Peter Morin, de l'Association des garderies de la Saskatchewan.
M. Peter Morin (président, Association des garderies de la Saskatchewan): Je tiens à remercier le comité de nous permettre de faire un exposé aujourd'hui.
Je ne me suis pas occupé toute ma vie de garderies, et, en tant qu'homme, j'avais une perspective assez différente. En fait, lorsque j'ai commencé à m'y intéresser, je n'y étais pas très favorable. Depuis que je m'occupe de cela, toutefois, j'ai vraiment changé d'avis et j'en suis arrivé à reconnaître qu'il était tout à fait essentiel d'organiser des services de garderie.
J'utiliserai un exemple pour vous expliquer cela. Bernadette est une mère que je suis depuis des années. Pendant sept ans, et ce n'était pas sa faute, elle avait un revenu très bas. Elle recevait 9 000$ de subventions pour faire garder sa petite fille. Depuis, sa situation s'est considérablement améliorée. Elle a maintenant un assez bon emploi et gagne assez bien sa vie, et elle a payé ces dix dernières années 83 000$ d'impôt. Ce qui est le plus important, peut-être, ce sont les économies que cela représente en assistance sociale. Si elle avait décidé de rester chez elle, ce qu'elle aurait bien pu faire, cela aurait coûté au gouvernement provincial et, probablement, au gouvernement fédéral plus de 100 000$.
Nous considérons les services de garderie non pas comme un service social, mais comme un investissement économique et une question d'éducation. Les enfants qui vont à la garderie et qui peuvent commencer à apprendre plus tôt se développent mieux. Lorsqu'ils arrivent à l'école, ils sont habituellement en avance sur les autres qui n'ont pas été à la garderie.
Du point de vue économique, nous estimons que le parent qui a accès à un service de garderie peut contribuer à la population active, améliorer sa situation et, plutôt que d'être assisté social ou de recevoir de l'assurance-chômage, contribuer à l'économie en payant des impôts. Peut-être plus d'impôts qu'on ne voudrait en général en payer, mais ces impôts sont payés.
Pour l'avenir, l'enfant qui a eu la possibilité d'aller en garderie risque moins de se retrouver assisté social. Il a plus d'amour-propre, il suit mieux à l'école et il a une attitude positive.
Nos recommandations à votre comité sont assez simples et évidentes. Nous aimerions que vous considériez la garde d'enfants comme une question économique et une question d'éducation plutôt que comme un service social. Surtout, nous aimerions que vous travailliez avec notre gouvernement provincial - et avec les autres gouvernements provinciaux - à la définition d'un programme de garde d'enfants qui rende ces services accessibles et abordables pour tous ceux qui veulent s'en prévaloir. Nous aimerions que vous mettiez en oeuvre les promesses du Livre rouge et que vous n'ayez pas des conditions aussi strictes que dans votre proposition initiale. Merci.
La vice-présidente (Mme Whelan): Merci beaucoup, monsieur.
Je passe maintenant aux questions. Monsieur Rocheleau.
[Français]
M. Rocheleau (Trois-Rivières): Madame Lepage, est-ce que vous considérez que notre régime fiscal fait en sorte que chacun est invité à contribuer au fisc selon ses moyens? Puisque vous n'avez pas eu le temps de formuler de recommandations, désireriez-vous prendre quelques minutes pour aborder cette question?
Mme Lepage: Je ne crois pas que les corporations fassent leur part. Trop de grandes corporations ne paient pas d'impôt. C'est évident quand on commence à faire la lecture des chiffres dont on dispose. On n'a qu'à lire les statistiques relatives aux emplois perdus. Contrairement à la période suivant la dernière guerre, alors que laisser aller des employés était mal vu et considéré immoral à moins de bonnes raisons économiques, on constate que la viabilité et la valeur des grandes corporations augmentent quand elles décident de réduire leur personnel à leur profit et à celui de leurs actionnaires. C'est au détriment du pays.
Je continuerai de formuler mes recommandations en anglais parce que je veux m'assurer que tout le monde les comprenne bien.
[Traduction]
M. Rocheleau m'a demandé de lire mes recommandations.
Nous recommandons que le gouvernement canadien agisse comme un gouvernement majoritaire, et non pas comme un gouvernement minoritaire, en répondant de façon plus humaine aux besoins et aux préoccupations du citoyen moyen. Ceux qui nous ont précédés défendaient des valeurs qui permettaient de satisfaire aux besoins fondamentaux de tous les Canadiens. Un secteur public fort est nécessaire à la croissance et à l'économie canadiennes, et si nous voulons survivre nous devons résister à l'attraction des grosses sociétés américaines.
Nous recommandons fortement et nous appuyons une des demandes majeures de la National Women's March Against Poverty, à savoir une loi canadienne de sécurité sociale fondée sur les cinq principes du RAPC. Ainsi, les provinces ne pourraient détourner les sommes destinées à l'assistance sociale pour financer la santé.
Nous recommandons le maintien de taux d'intérêt bas pour les prêts à la consommation et pour les petites entreprises afin d'alléger le fardeau des emprunteurs et de stimuler l'économie.
L'absence de création d'emplois déprime l'économie et nous fait courir le risque d'une récession. Pour véritablement relancer l'économie, il faut que le gouvernement crée en priorité des emplois permanents dans le secteur public ou facilite la création d'emplois dans le secteur privé. Il y a toutes sortes de solutions qui permettraient de relancer la croissance, d'augmenter les dépenses et de diminuer notre endettement.
Nous demandons instamment au gouvernement libéral de prendre conscience de la situation, de mettre un terme à ces réductions et à ces compressions, en créant dans le secteur public les emplois qui sont essentiels à une économie forte et prospère. La privatisation a ses avantages, mais elle a aussi ses inconvénients. Elle ne conduit pas nécessairement à la création d'un environnement propice à l'emploi et à la sécurité d'emploi. Il suffit de voir ce qui se passe au sud de la frontière. N'américanisons pas le Canada plus qu'il n'est nécessaire.
Nous recommandons également au gouvernement de percevoir un impôt sur toutes les sociétés et sur les riches pour financer la création d'emplois et l'investissement dans les services publics et sociaux.
Nous continuons à réclamer un programme national de garderies par opposition à un régime de crédit pour enfants géré par les provinces. Nous estimons qu'un tel programme créerait des emplois, ferait augmenter la qualité de vie et offrirait aux femmes la possibilité de travailler. Il faut également que le gouvernement réponde aux besoins des femmes qui choisissent de rester chez elles pour s'occuper de leur ménage. Il faut absolument reconnaître la valeur du travail non rémunéré effectué par les femmes.
J'ai entendu ce matin que le projet de loi d'initiative parlementaire portant création d'un crédit d'impôt a été adopté par la Chambre avec le soutien du Bloc québécois et du Parti réformiste. Mais c'est un crédit d'impôt, et les groupes de femmes consultés il y a deux ans par M. Martin etM. Axworthy s'étaient dits opposés à ce principe. Je comprends la raison pour laquelle certains n'ont pas voté pour.
Encore une fois, les femmes qui restent chez elles seraient accusées de se faire entretenir par les contribuables. Nous ne voulons plus de cette accusation. C'est aussi une suppression d'autonomie. Comme c'est un crédit d'impôt, ce n'est pas de l'argent donné directement aux femmes qui restent chez elles, qui serait administré par elles. C'est un crédit d'impôt accordé à leur mari, et elles n'en verront probablement pas la trace. Elles ont déjà du mal à joindre les deux bouts et à trouver l'argent pour les factures.
L'autre contribution que nous aimerions... Les immigrants ont apporté leur contribution à la richesse du patrimoine et de la culture de notre pays et ils paient une part équitable d'impôt. Nous recommandons l'élimination de la taxe d'entrée.
Nous recommandons que le gouvernement donne la priorité au financement des groupes de femmes et des organismes communautaires. La majorité de ces organismes sont sous-financés, et pourtant le travail qu'ils font est d'une valeur inestimable. Les résultats se mesurent sur le terrain, et ce n'est pas du travail de bureaucrate.
Nous demandons instamment au gouvernement de faire respecter les lois sur les armes à feu et de percevoir les droits d'enregistrement. Je sais que ce n'est pas très populaire en Saskatchewan. C'est un moyen de créer des emplois. C'est aussi un moyen de réduire le nombre d'armes à feu en circulation dans notre société.
Nous aimerions également dire qu'il n'y a pas que les criminels qui tuent avec des armes à feu. Les incidents de l'année dernière en Saskatchewan ont dans la majorité des cas été provoqués par d'honnêtes citoyens soudainement pris de colère.
Nous recommandons que le gouvernement fédéral garantisse un budget pour les programmes sociaux et de santé, puisque ce sont des mesures préventives contre la pauvreté et la violence.
Nous vous recommandons d'examiner les services pénitentiaires et les budgets consacrés à ces programmes. Les programmes de prévention permettant d'éviter l'incarcération coûtent beaucoup moins cher que la construction de nouvelles prisons.
Il y a une liste d'attente de gens qui veulent suivre des cours de formation pour travailler dans les prisons parce qu'il y a beaucoup de possibilités d'emploi. Cela ne vous semble pas un petit peu effrayant? Nous n'avons pas d'argent pour payer des travailleurs sociaux dans les communautés, ou pour payer des conseillers pédagogiques, mais nous avons de l'argent pour construire les prisons et les remplir.
Nous ne pensons pas du tout que des peines plus longues dans beaucoup de cas servent à grand-chose. Cela nous coûte simplement plus cher, et c'est moins productif.
Nous recommandons au gouvernement fédéral d'exercer des pressions sur les provinces pour qu'elles appliquent des politiques de parité salariale et qu'elles les fassent respecter. La féminisation de la pauvreté s'en trouverait réduite et, par incidence directe, le nombre d'enfants vivant sous le seuil de pauvreté.
Nous recommandons au gouvernement canadien de promouvoir les produits canadiens pour garantir les emplois canadiens, d'augmenter les étiquettes canadiennes et d'exercer un contrôle plus serré sur les marchandises importées, surtout les jeux guerriers et les jouets qui encouragent la violence de manière explicite. Nous demandons instamment au gouvernement de prendre sérieusement en considération les bilans des droits de la personne lorsqu'il négocie des ententes commerciales.
[Français]
Nous recommandons que cessent les compressions budgétaires importantes à Radio-Canada et qu'on consulte vraiment la population francophone du pays sur l'impact de ces compressions, le manque d'emplois, la santé culturelle et mentale de nos citoyens francophones, le respect des droits et des besoins ainsi que la vision d'un Canada bilingue qui ne serait pas seulement constituée de paroles, mais d'actions.
[Traduction]
Nous réclamons une suspension des compressions imposées au réseau français de Radio-Canada, mais aussi au réseau anglais. Des stations de radio canadiennes nous sont nécessaires pour avoir un point de vue différent, pour pouvoir discuter de notre identité et de nos accomplissements. Il ne faudrait pas oublier que les Américains écoutent Radio-Canada et apprécient la possibilité de pouvoir entendre un point de vue différent sur ce qui se passe au Canada, mais aussi aux États-Unis et dans le monde. Merci.
La vice-présidente (Mme Whelan): Merci beaucoup, madame Lepage.
Monsieur Rocheleau.
[Français]
M. Rocheleau: Merci, madame Lepage. Votre témoignage et votre vision contrastent avec le discours officiel que nous entendons. Dans une fausse unanimité, on invite le gouvernement à sabrer, sabrer et sabrer toujours sans se soucier des résultats. Ils contrastent également avec certains témoignages que nous avons entendus ici ce matin. J'aimerais vous féliciter parce que je pense que l'avenir est du côté de la vision globale plutôt que de la vision à courte vue.
Ma deuxième question s'adresse à Mme Hildebrand.
[Traduction]
Mme Hildebrand: Je m'excuse, mais mon écouteur ne marche pas.
[Français]
M. Rocheleau: Vous vous occupez de coopération internationale. Que répondez-vous à ceux qui disent que le Canada et les Canadiens ont tellement de problèmes qu'ils n'ont pas d'argent à donner pour l'aide internationale et qu'on n'a pas à se préoccuper des pays moins développés ou sous-développés?
[Traduction]
Mme Hildebrand: Je dirais que dans le contexte de mondialisation accrue dans lequel se trouve le Canada il est crucial que nous assumions notre part de responsabilité des questions de pauvreté absolue, car la pauvreté absolue nous touche tous. Les guerres, où qu'elles éclatent, le trafic de drogues, où qu'il se fasse, tout cela nous touche, touche nos Casques bleus, nos enfants.
Nous sommes désormais tous des citoyens du monde... Nous avons des responsabilités non seulement envers le Canada, mais aussi envers le monde.
Les derniers sondages d'opinion montrent qu'environ 75 p. 100 de la population canadienne appuie l'APD. C'est une proportion non négligeable de la population qui appuie l'aide au développement.
La vice-présidente (Mme Whelan): Merci, madame Hildebrand.
Monsieur Solberg.
M. Solberg (Medicine Hat): Merci beaucoup, madame la présidente.
Un ou deux témoins ont proposé une protection législative des droits économiques. C'est ce qu'ont proposé Mme Manning et Mme Lepage. J'aimerais simplement avoir quelques explications supplémentaires et que vous me disiez exactement ce que vous entendez par droits économiques.
Mme Lepage: Nous réclamons simplement un régime de pension à moitié décent et un programme d'emploi.
M. Solberg: Excusez-moi, je sais que vous parlez d'avantages sociaux, mais je me demande ce que vous entendez par «droits». Bien entendu, nous avons un droit à la liberté d'expression, à la liberté de mouvement, etc., garanti par la Charte. Ce sont des droits entérinés par la vaste majorité des Canadiens. Mais lorsque vous parlez de droits par opposition à des privilèges ou à des avantages, par exemple, auxquels certains sont prêts à renoncer dans un but d'assistance, je crois que ce n'est pas du tout la même chose. J'aimerais comprendre exactement ce que vous voulez dire.
Mme Lepage: Il y a le droit à la dignité humaine, le droit pour les femmes, les enfants et les retraités de vivre décemment dans des conditions à moitié décente. Il ne s'agit pas de manoirs ou de croisières annuelles.
Même simplement la question sociale du régime de pension - c'est une question sociale? Excusez-moi, mais c'est un droit fondamental des citoyens canadiens. Ils ont participé à la construction de notre pays. Les personnes du troisième âge dans ce pays méritent ce qu'elles reçoivent.
Je crois que les jeunes... En matière de pensions, nous dressons les jeunes contre ceux qui vont recevoir des pensions. C'est une tendance dangereuse. Nous savons que l'organisme qui représente les entreprises dans ce groupe n'a même pas de membres. Il est financé par la CIBC et la Banque Royale pour faire croire à un complot des personnes âgées contre les jeunes.
Pour moi il y a toutes sortes de choses de ce genre qui peuvent être considérées comme des questions sociales ou comme des droits. C'est une question d'interprétation. Pour certains, les droits ne sont pas forcément des privilèges. Votre interprétation de «privilège» est différente de la mienne.
M. Solberg: C'est une question très importante, car lorsqu'on parle de droits par opposition à des privilèges on semble dire que ces droits doivent avoir la priorité sur toute autre aspiration. C'est peut-être ce que vous dites, mais je ne veux pas vous faire dire ce que vous ne voulez pas dire. Par exemple, si les gens ont droit à un certain niveau de revenu, cela signifie-t-il que ceux qui payent pour cela n'ont pas le droit de conserver une certaine partie de l'argent qu'ils ont gagné en travaillant?
Mme Lepage: Non.
M. Solberg: Ils n'ont pas ce droit?
Mme Lepage: Ce n'est pas du tout ce que je dis.
M. Solberg: Très bien. Si vous inscrivez ces choses dans la catégorie des droits, comment allez-vous les faire respecter?
Mme Lepage: C'est une question d'impôt. Les milliards de dollars de bénéfices sur lesquels ces sociétés ne payent pas d'impôt permettraient de réduire largement le déficit. Ils permettraient aussi de créer des emplois. Nous pourrions donc continuer à financer nos programmes sociaux. Tout le monde paierait sa part.
M. Solberg: C'est pourtant déjà ce qui se passe.
Mme Lepage: Oui et non.
M. Solberg: Nous avons aujourd'hui de véritables filets de sécurité sociale, et ce sont les impôts qui les financent.
Mme Lepage: Je suis d'accord.
M. Solberg: Il ne s'agit pas à proprement parler de droits. En fait, il s'agit de prestations qui sont versées à ceux qui en ont besoin, car les Canadiens ont décidé qu'un filet de sécurité sociale était nécessaire.
Parler de droits sans expliquer clairement ce que vous voulez dire rend les gens très nerveux. Les gens travaillent très fort dans ce pays, ils payent des impôts énormes, et quand vous parlez de choses de ce genre, ils craignent que vous ne vouliez encore ajouter à leur fardeau fiscal et qu'il ne devienne virtuellement impossible à l'économie de créer des emplois et de se diriger vers ce plein emploi dont vous dites qu'il est nécessaire.
Mme Lepage: Respecter les cinq principes du RAPC est le minimum de ce que nous réclamons.
La vice-présidente (Mme Whelan): Monsieur Gilmer, vous remplacez Mme Hildebrand à la table. Voudriez-vous répondre?
M. Peter Gilmer (personnel du programme, Regina Anti-Poverty Ministry, Église unie du Canada): Oui.
La question des droits est en réalité essentielle, car c'est bien de droits qu'il s'agit, et non pas de privilèges. Le Canada et toutes les provinces ont signé des conventions internationales - des traités des Nations unies garantissant des droits sociaux et économiques qui incluent, en fait, le droit à un revenu suffisant ainsi qu'à un travail librement choisi. Il ne s'agit pas d'un fruit de notre imagination, mais de conventions et d'engagements pris par notre pays et par nos provinces envers les droits des particuliers. Le droit à un revenu suffisant quand on est dans le besoin est en fait un droit de l'homme international; ce n'est pas un privilège farfelu.
M. Solberg: Il reste que ce n'est pas un droit reconnu par la loi. Je prétends que la majorité des Canadiens ne s'estiment pas liés par des traités qui ont été signés en leur nom sans qu'on les consulte.
M. Gilmer: Ce sont quand même des engagements pris par la communauté internationale. Ce sont des engagements que nous avons pris comme nation et comme provinces. Je crois que les représentants des provinces et de la nation croyaient véritablement servir les intérêts du pays et de la population en signant ces accords. Je pense que pour la majorité de la population ne pas mourir de faim dans ce pays, c'est probablement un droit.
La vice-présidente (Mme Whelan): Monsieur Cyr, souhaitez-vous répondre?
M. Cyr: Oui. Je suppose que la question que nous pourrions poser quand on nous demande si les gens devraient avoir droit à un certain niveau de revenu... Il est peut-être nécessaire de regarder ce qui se passe au Canada - de réfléchir à la nécessité d'un partage des ressources et des revenus pour les Indiens inscrits. Les Indiens considèrent les traités comme des contrats qui offrent des avantages aux deux parties concernées.
L'analyse de traités réalisée par un groupe de grande réputation pour un cabinet international de vérification montre clairement que l'argent dégagé par l'économie canadienne profite aux non-Indiens. Je défie quiconque de contester les chiffres produits par cette vérification. Des milliards de dollars sont consacrés aux activités et au bien-être des non-Indiens alors qu'environ seulement 10 milliards sont consacrés aux Indiens au Canada.
Il suffit de regarder les chiffres... le déséquilibre est flagrant. Pour satisfaire la société il sera peut-être nécessaire de se pencher sur cette question.
Les gens croient que les Indiens, les Indiens inscrits, reçoivent quelque chose pour rien, mais si on considère les terres et les ressources auxquelles les Indiens ont renoncé pour partager... Ils voulaient partager, et le partage est inhérent à la spiritualité indienne, car posséder est un concept absent de notre langue, de notre culture - posséder est un concept qui a été importé au Canada par les Européens. Les Indiens n'ont jamais pu le comprendre et ont été abusés et exploités au point que leurs croyances religieuses et spirituelles ont été utilisées pour les spolier de leurs terres et de leurs ressources.
Je crois que ce sont des choses qu'il ne faut pas oublier quand on fait des déclarations de ce genre.
La vice-présidente (Mme Whelan): Merci, monsieur Cyr.
Monsieur Logan, vous souhaitez répondre?
Le rév. Logan: Je crois que la portée ou l'application d'un droit dans ce domaine est assez importante. Parfois, quand on me raconte certaines histoires ou certaines expériences, je suis presque tenté de le qualifier de droit à la vie.
Un monde et une société, ici ou ailleurs, dans lesquels une partie de la population est privée de toute possibilité de prospérité ou d'épanouissement ne sont ni justes ni bons. La vie d'un Zaïrois est tout aussi importante que la nôtre.
Il devient alors très difficile de dire que nous avons droit à l'argent que nous avons gagné aux dépens, d'une certaine manière, de ceux qui perdent littéralement le droit de vivre.
Il me semble qu'une bonne société doit savoir partager le sort de ceux qui, pour toutes sortes de raisons, n'arrivent pas à atteindre la norme ou n'arrivent pas à trouver le travail nécessaire pour atteindre un niveau de vie suffisant pour ne pas perdre, d'une certaine manière, la vie ou une certaine qualité de vie. Il faut donc, à mon avis, en faire un droit à la vie, un droit à la dignité et au progrès.
La vice-présidente (Mme Whelan): Merci, monsieur Logan.
Madame Sekhar, vous souhaitez répondre?
Mme Kripa Sekhar (coordinatrice des communications, Conseil consultatif de la Saskatchewan sur le statut des femmes): Pour commencer, j'aimerais remercier M. Cyr et les gens comme M. Cyr, qui m'ont donné comme immigrante la possibilité de vivre dans ce magnifique pays. Je reconnais que c'est votre pays, que vous le partagez avec nous, et je tiens à vous en remercier. Vous l'avez partagé avec nous d'une manière magnifique. Aujourd'hui nous mettons en doute leur droit de survivre dans ce pays, mais pour moi la question ne se pose même pas.
Mon autre question concerne celle des privilèges. Je crois que les privilégiés essaient de réduire au silence les non privilégiés en sortant ce genre d'arguments sur les Canadiens. Je suis Canadienne. Vous êtes Canadien. Mais cela signifie-t-il que certains d'entre nous sont exclus parce que vous présentez ce point de vue comme Canadien? Cela veut-il dire que je n'ai pas le même droit que les autres Canadiens de manger, de me loger et de me vêtir? Je vous pose la question. Je ne veux pas vivre de la charité publique. Je paie des impôts. Quand j'en ai besoin, ai-je ce droit ou non?
Vous parlez de garanties, mais ces garanties ne sont plus des garanties. Regardez ce qui s'est passé à la conférence des premiers ministres à Jasper. Ils se sont demandé comment diluer les programmes sociaux sans imposer d'obligations fondamentales aux provinces. Il n'y aura plus de normes nationales. C'est grave. Sans avoir les Canadiens avec nous, ceux qui partagent avec nous, par opposition à ceux qui réclament leurs droits... c'est de droits collectifs qu'il s'agit. Nous sommes des femmes. Nous travaillons. Dans notre majorité nous sommes pauvres. N'avons-nous pas de droits? Je pose simplement la question.
La vice-présidente (Mme Whelan): Monsieur Solberg, vous avez une autre question?
M. Solberg: Merci, madame la présidente.
Certainement, vous avez des droits. Ils sont inscrits dans la Charte, et je crois que tout le monde convient de la nécessité de ces droits. Vous avez le droit de vous exprimer librement et vous avez le droit de défendre votre point de vue, et je crois que la majorité des Canadiens estiment que tout le monde doit avoir des chances égales. Je ne crois pas que quiconque le conteste.
Je crois que ce qui inquiète certains, c'est la perspective que certains groupes estiment avoir des droits sur les revenus d'autres membres de la société et que ces derniers, auteurs de ces revenus, n'ont aucun droit de participation aux décisions. Le droit aux chances égales? Entièrement d'accord avec vous. Je crois que 99,9 p. 100 des Canadiens sont entièrement d'accord, mais à mon avis vous faites monter le degré d'inquiétude quand vous parlez de droits qui n'ont rien à voir ni avec les privilèges ni avec la chance. S'il y avait aujourd'hui un débat national sur cette question, et je crois à la nécessité de consulter les Canadiens à ce propos, je crois que vos arguments ne tiendraient pas la route.
La vice-présidente (Mme Whelan): Souhaitez-vous répondre?
Mme Lepage: La liberté d'expression et la liberté d'opinion sont des droits qui ne coûtent rien et qui ne sont donc pas contestés. Par contre, quand on parle de droit à un revenu pour les personnes dans le besoin, de ces besoins financiers fondamentaux qu'il faut satisfaire pour survivre, voire pour vivre... Nous ne demandons pas la lune.
Les gens aisés de ce pays, d'où tirent-ils leur richesse? Ils la tirent de ceux qu'ils paient au salaire minimum. Ils ont investi, ils ont pris des risques, mais je ne vois pas pourquoi les entreprises ne reverseraient pas une part équitable de ce que les Canadiens et l'économie canadienne leur ont apporté. C'est à ce niveau qu'il faut que cela change. Je ne dis pas qu'il faut tout changer du jour au lendemain, mais réfléchissons sérieusement à la situation de ces sociétés qui font des milliards de dollars de bénéfices et qui ne paient pas d'impôt. C'est illogique.
La vice-présidente (Mme Whelan): Monsieur Gilmer, vous souhaitez répondre?
M. Gilmer: Oui. Je veux aussi répondre à la question du droit sur les revenus d'autres membres de la société. Il y a redistribution générale des richesses, mais cette redistribution ne se fait pas du haut vers le bas, mais du bas vers le haut. À l'heure actuelle 1 p. 100 de la population canadienne contrôle une masse de richesses équivalente à celle contrôlée par les 80 p. 100 du bas.
Sur la scène internationale, il y a 358 milliardaires qui contrôlent une masse de richesses équivalente à celle contrôlée par la moitié la plus pauvre de la population du monde, soit de 2 à 3 milliards de personnes. Il y a redistribution massive des richesses, mais, en réalité, c'est un tout petit pourcentage de la population mondiale qui s'octroie le droit d'exploiter et de contrôler les ressources du monde. Ce n'est pas en contestant le droit des particuliers sur leur revenu que nous réglerons le problème. C'est en trouvant des mécanismes qui permettront d'augmenter la participation des sociétés transnationales et des particuliers qui détiennent une part beaucoup trop importante des richesses et des pouvoirs dans notre pays que nous y arriverons.
La vice-présidente (Mme Whelan): Monsieur Cyr, vous souhaitez répondre?
M. Cyr: Je crois que la question, c'est le droit sur les revenus d'autres membres de la société. Les Indiens inscrits n'ont jamais cru que les impôts paieraient les traités. Les anciens continuent à nous dire que dans nos traités nous n'avons renoncé qu'à notre droit sur six ou huit pouces de terreau. Les animaux, les forêts et les masses d'eau devaient rester aux Indiens inscrits parce que tout le reste est à vous. Nous ne voulons pas de vos animaux, de vos poissons ou de quoi que ce soit d'autre. Comment nos poissons pourraient-ils vivre sans eau ou nos animaux sans forêts... comment survivraient-ils? Nous avons tout autant l'impression d'être spoliés par vous que vous avez l'impression que nous vous prenons votre argent. Cette exploitation de nos ressources, c'est la même chose. Et qu'avons-nous en échange? C'est de ce genre de problèmes qu'il faut discuter.
Ce ne sont pas les Indiens qui ont décidé de regrouper les revenus du Canada. On nous a promis certaines choses. Nous pensions que c'était le partage des ressources qui nous les apporterait, et non pas l'impôt des particuliers.
Le président suppléant (M. Duhamel): Merci. Nous pourrons poursuivre cette conversation tout à l'heure si c'est nécessaire.
Monsieur Pillitteri.
M. Pillitteri (Niagara Falls): J'aimerais remercier tous ceux qui ont pris la parole ce matin.
Évitez, je vous prie, de parler des «droits des immigrants». Nous sommes presque tous des immigrants. M. Cyr est un Autochtone canadien, mais je suis immigrant comme vous. Que nous puissions discuter autour de cette table n'est pas un privilège, mais une chance pour tous.
Madame Lepage, j'aime votre mémoire. Il est très intéressant, surtout la partie que vous n'avez pas lue, où vous signalez l'absence d'un groupe dans cette liste, celui du Conseil canadien des chefs d'entreprises. Vous mentionnez Tom d'Aquino et 14 de ses collaborateurs. Il travaille aussi pour un organisme à but non lucratif. Vous ne le dites pas, mais je le sais. Je me souviens d'une conversation que j'ai eue avec M. d'Aquino, qui a appuyé le libre-échange lors de l'avant-dernière campagne électorale.
Il y a cependant quelque chose qui m'intrigue un peu dans votre mémoire lorsque vous dites que les sociétés ne paient pas leur part d'impôt. C'est quelque chose que nous entendons tout le temps.
À simple titre d'information, je crois que c'est dans le Financial Post de la semaine dernière qu'il y avait des chiffres sur les différences fiscales entre les divers pays du G-7. Je vois ici - et ces chiffres peuvent être vérifiés - que pour le secteur des entreprises au Canada le chiffre fiscal était d'environ 2,4, pour les États-Unis 2,5, pour le Japon 4,1, pour la France 1,6 et pour l'Allemagne 1,1, mais que la moyenne est d'environ 2,5. Pour l'Allemagne ce n'est que 1,1. Au niveau de l'impôt sur le revenu des particuliers nous figurons donc au troisième rang du G-7.
Vous avez également dit que le gouvernement devrait créer des emplois. J'aimerais vous retourner la question. Dans votre dernière recommandation vous dites que le gouvernement canadien devrait faire la promotion des produits canadiens pour garantir les emplois canadiens.
Comme vous le savez, le produit intérieur brut du Canada correspond à ce qui est produit au Canada, à ce qui est consommé au Canada et à ce qui est exporté. Les exportations représentent37 p. 100 du total de notre produit intérieur brut. Nous tirons donc des bénéfices de ces exportations, entre autres d'emplois créés au Canada qui souvent n'existaient pas auparavant. Nous avons un secteur manufacturier qui se porte assez bien. L'industrie automobile offre des emplois fort bien payés.
Pour vous donner une petite idée, pratiquement une voiture sur deux que nous fabriquons est exportée. Si les États-Unis adoptaient le même genre de recommandations, quelles seraient les conséquences pour le Canada? Si tout le monde encourageait l'achat des produits nationaux, notre situation serait-elle meilleure ou pire?
Mme Lepage: Je ne disais pas qu'il faut exporter moins, mais plutôt que nous devons continuer à promouvoir les produits canadiens au Canada, car nous faisons face à une immense vague d'américanisme et à des produits moins chers que nos compatriotes préfèrent aux produits canadiens.
Nous devons sans doute envisager la promotion des produits canadiens pour garantir nos emplois. Peut-être cela préoccupe-t-il également l'industrie, et non pas uniquement le gouvernement canadien, mais nous devons aussi examiner nos importations.
Il y a deux semaines, j'ai lu un document concernant un jouet de guerre dont les règles et les instructions étaient explicitement très violentes. Si un parent achetait ce jouet sans lire le manuel... On achète un jouet parce que quelqu'un... Les jeux de guerre ne m'intéressent pas; par conséquent, ce n'est pas à la maison que j'ai trouvé ce document, mais c'est quelqu'un d'autre qui l'a porté à mon attention. Cela m'inquiète, car nous ne faisons pas attention à ce genre de choses.
De plus, nous pourrions faire plus attention à toutes les importations provenant de Taïwan et de la Chine. Nous voulons commercer avec ces pays - nous voulons leur vendre et leur acheter des produits - mais quand une Canadienne ayant des moyens limités doit choisir entre un produit canadien chez Eaton ou Sears et un produit de Hong Kong chez Zellers, s'il s'agit d'un pantalon pour son fils, elle va choisir le moins cher.
Nous voulons maintenir des salaires élevés pour les citoyens canadiens, mais n'y a-t-il pas lieu d'examiner peut-être...
M. Pillitteri: Nous sommes dans une économie mondiale.
Mme Lepage: Je le sais, mais nous devons éviter de tomber dans l'engrenage qui consiste à rabaisser toutes nos normes afin d'être compétitifs à l'échelle internationale et de nous retrouver dans la situation du Tiers monde. Nous pourrions bien nous retrouver dans la même galère, où les riches sont très riches et les pauvres extrêmement pauvres.
M. Pillitteri: Si nous n'avions pas ces exportations aujourd'hui, nous serions...
Mme Lepage: Oui, je le sais et je suis d'accord. Je demande simplement que nous examinions la question de façon constructive pour voir quelles sont les solutions possibles.
M. Pillitteri: Certes, nous voulons promouvoir le Canada, mais l'essentiel, c'est le prix.
Mme Sekhar: Nous nous concentrons aussi sur les violations des droits de la personne. Nous n'avons rien contre les exportations et les importations. Dans une certaine mesure, nous croyons à la mondialisation, mais nous devons faire attention. Nous savons ce qui s'est passé quand les marchands sont arrivés en Inde, mon pays d'origine. Ils ont fini par contrôler le pays. L'Inde est tombée sous le joug de la East India Company, et nous sommes devenus les esclaves de la Grande-Bretagne.
Quand nous commerçons avec d'autres pays, nous devons fixer des normes. Nous devons établir un processus de surveillance. Nous devons nous assurer que la main-d'oeuvre de nos partenaires n'est pas exploitée. Voilà le genre de questions qui nous intéressent. Nous demandons que le gouvernement canadien s'y penche attentivement.
M. Pillitteri: Merci.
La vice-présidente (Mme Whelan): Merci, madame Sekhar et monsieur Pillitteri.
Monsieur Fewchuk.
M. Fewchuk (Selkirk - Red River): Bonjour. Merci d'être venus.
Il est très intéressant de sillonner notre beau pays avec ce comité. Je suis très impressionné par ce que j'entends ce matin. Compte tenu de l'endroit d'où je viens, je partage beaucoup de vos sentiments; d'abord je n'avais rien, ensuite j'en avais un peu, et maintenant je suis satisfait. Il y a quatre ans seulement, j'étais dans l'échelle de 12 000$ à 15 000$, et ma femme devait travailler pour que nous puissions survivre. Je comprends donc votre point de vue.
Comme vous le savez, le gouvernement ne peut pas régler tous les problèmes. Il faudrait peut-être que vous nous indiquiez vos priorités. Pas nécessairement au microphone, mais peut-être dans une note écrite que vous m'adresserez personnellement. Choisissez simplement deux ou trois questions.
Soyons honnêtes: dans la conjoncture actuelle, nous n'avons pas l'argent nécessaire pour tout faire. Donnez-moi une idée de vos trois premières priorités. En quoi le gouvernement pourrait-il vous aider aujourd'hui, demain et à l'avenir, au cours des 12 prochains mois? Dans quels domaines avez-vous le plus besoin d'aide? Comme je l'ai dit, vous n'êtes pas obligés de répondre maintenant. Vous pourriez m'écrire plus tard.
Merci.
La vice-présidente (Mme Whelan): Est-ce votre seule question?
M. Fewchuk: Oui.
La vice-présidente (Mme Whelan): Quelqu'un veut-il répondre à cette question maintenant, ou préféreriez-vous le faire par écrit?
Mme Lepage: Je voudrais faire une observation.
Les Canadiens ayant une conscience sociale sont vraiment préoccupés par le fait que le terme «groupe d'intérêts» soit en train d'acquérir une connotation négative, et que nous l'utilisions pour désigner toute chose concernant les femmes et les différentes cultures, notamment les citoyens immigrants et les Autochtones du Canada.
Nous devons peut-être nous réveiller et voir quels sont vraiment les groupes d'intérêts dans ce pays. Il s'agit des riches qui peuvent financer une association ayant un budget secret afin qu'elle soit le cabinet fantôme de nos gouvernements fédéraux au fil des ans et afin d'y avoir accès.
Je sais que les gens n'aiment pas cela, mais c'est la vérité. Je sais que je ne peux pas communiquer avec le premier ministre Chrétien ni avec M. Martin. Même si je représentais toutes les femmes du Canada, je ne pourrais pas les contacter à toute heure du jour ou de la nuit. Mais je serais disposée à parier 100$, ce que je n'ai pas pour parier, que le président ou le PDG d'une association n'a pas ce problème.
Je ne dis pas qu'ils ne devraient pas avoir accès à ces personnalités, mais il demeure que ce sont eux qui fixent les priorités pour le Canada, et ils le font dans leurs intérêts, sans tenir compte des autres Canadiens. Quand on pense qu'il s'agit de 150 compagnies, c'est inquiétant.
Allons-nous faire la même chose que beaucoup d'autres pays du monde, ou allons-nous mettre fin à ce genre de choses? En tant que représentants élus - et j'estime que tous les partis doivent assumer cette responsabilité - vous devez tenir compte de leurs besoins, mais ce n'est pas en fonction de leurs besoins que vous devez déterminer...
Parlons aussi des dons. Ce matin, nous avons discuté des crédits d'impôt pour les dons, et nous avons dit qu'il faut s'assurer que les groupes sont bien admissibles. À cet égard, quelle est la place des partis politiques? Les contributions aux partis politiques sont entièrement déductibles, mais les autres dons ne sont pas traités de la même façon. Nous devons examiner cette situation.
La vice-présidente (Mme Whelan): Madame Lepage, permettez-moi de vous interrompre: la contribution aux partis politiques n'est pas déduite intégralement.
Mme Lepage: Ce n'est plus le cas?
La vice-présidente (Mme Whelan): Non. Sur la première tranche de 100$ que l'on donne à un parti politique, on reçoit un crédit d'impôt de 75$. Sur la tranche suivante de 400$, le pourcentage diminue. Il existe une contribution maximale. Ce n'est pas...
Mme Lepage: Mais est-ce le même pourcentage que...
La vice-présidente (Mme Whelan): Non, le pourcentage est différent pour les organismes de charité.
Mme Lepage: Très bien, mais il demeure que cela va être contesté. Je ne dis pas qu'il ne faut pas en tenir compte. Nous devons simplement...
La vice-présidente (Mme Whelan): Tout à l'heure, nous parlions justement des organismes de charité. Il était question de valeur accrue, ce qui est totalement...
Nous ne parlions pas uniquement d'un crédit d'impôt sur un don individuel. Il n'en était pas question ce matin.
Mme Lepage: Je le sais.
La vice-présidente (Mme Whelan): Je tenais à le préciser.
Mme Lepage: Je dis qu'il faut comparer les contributions aux organismes de charité à celles destinées aux partis politiques.
La vice-présidente (Mme Whelan): Très bien. Merci.
Mme Lepage: Je ne m'y oppose pas; je dis simplement...
La vice-présidente (Mme Whelan): Non, ça va. Je vous remercie.
Monsieur Fewchuk, avez-vous fini?
M. Fewchuk: Oui, merci.
La vice-présidente (Mme Whelan): Monsieur Duhamel.
M. Duhamel (Saint-Boniface): Merci beaucoup.
Je ferai une observation, après quoi je poserai des questions à Mme Lepage.
Tout d'abord, mesdames et messieurs, je tiens à vous remercier sincèrement pour vos exposés. Pour ma part, j'estime que vous avez droit, absolument, totalement et entièrement - j'insiste bien là-dessus - à votre juste part de la richesse du Canada. Toute autre position serait absolument intenable, puisqu'il nous en coûterait des sommes faramineuses de ne pas réagir de cette façon.
Je suis tout à fait disposé à payer aussi ma juste part d'impôt. Comme je l'ai dit à une jeune personne qui nous a fait un exposé ce matin, je veux toutefois avoir l'assurance que, si moi je fournis ma juste part aujourd'hui, lui et les autres fourniront leur juste part plus tard, quand j'aurai besoin d'une aide spéciale.
[Français]
Madame Lepage, vous avez soulevé plusieurs points et vous n'êtes pas passée par quatre chemins pour le faire. J'apprécie cette franchise qui ne me blesse aucunement. Je ne suis pas offusqué du tout et je vous dis cela de façon très très sincère.
Si vous aviez un message principal à transmettre à M. Martin, quel serait-il? Je vais poser la même question à chacun des intervenants.
Mme Lepage: Le message que les groupes de femmes et moi avons voulu passer il y a deux ans à Ottawa n'a pas passé. Quand des groupes de femmes formulent des recommandations et font des études pour déterminer comment elles voient les choses dans la communauté ou dans la société canadienne, on vient toujours diluer ou enlever ce qu'elles demandent.
Quant à l'assurance-emploi, c'est pour moi une question qui est devenue un peu drôle. Je crois comprendre que l'assurance-emploi se retrouvera avec un surplus de 1,6 million de dollars cette année et que d'autres profits viendront s'ajouter. Mais on a adopté des règlements qui font en sorte que les primes sont plus difficiles à réclamer.
C'est une partie du portrait financier de la femme. C'est vraiment dangereux parce qu'on compte actuellement le nombre d'heures travaillées et que les femmes représentent 80 p. 100 de la main-d'oeuvre à temps partiel. On minimise tout ce qu'elles peuvent recevoir comme bénéfices.
M. Duhamel: Je veux clairement comprendre ce que vous dites. Vous dites que M. Martin devrait écouter davantage le message que lui envoient les femmes et qu'il devrait être davantage sensible à l'impact de ses décisions sur les femmes. Ai-je bien compris?
Mme Lepage: Oui, à leur impact sur les femmes, mais qu'il se rappelle aussi que les femmes reflètent les besoins de la société à la base.
[Traduction]
M. Duhamel: Si vous le permettez, madame la présidente, je demanderais à chacune des personnes réunies ici de faire une observation.
Très brièvement, quel est le principal message que vous voulez que nous ramenions àM. Martin?
Mme Sekhar: Nous voulons que vous vous comportiez, non pas comme un troisième parti, mais comme un gouvernement. Vous avez fait des promesses dans le Livre rouge, et ces promesses étaient formidables. Nous vous exhortons à respecter les engagements que vous aviez pris à l'égard des femmes et des groupes communautaires des ONG. En l'absence de ces ressources, nous ne pourrons pas continuer.
M. Cyr: Ce que les membres des Premières nations voudraient faire transmettre comme message, c'est qu'ils ont déjà payé un prix tellement élevé qu'il leur est presque impossible de rebâtir leur économie de façon qu'ils puissent être libres comme le prévoyaient les ententes que leurs ancêtres ont signées. Il suffit de voir le nombre élevé d'Autochtones qui vivent dans les réserves et le mouvement de migration hors des réserves. On se rend vite compte qu'on ne trouve tout simplement pas dans les réserves ce qu'il faut pour créer l'économie nécessaire pour assurer le mieux-être des membres des Premières nations. Ce serait là le message bien senti que nous voudrions faire transmettre.
M. Gilmer: Il est très difficile de s'en tenir à une seule observation, alors je vous en présente deux très brièvement.
La première concerne l'adoption d'une loi sur la sécurité sociale qui garantirait les droits autrefois garantis par le Régime d'assistance publique du Canada. L'autre, c'est qu'il faudrait commencer à envisager de consacrer certains des fonds qui sont utilisés pour accorder des allégements fiscaux et des subventions aux entreprises à la mise sur pied d'une infrastructure plus large d'entreprises de développement économique communautaires, de coopératives de travailleurs, etc., afin que nous puissions effectivement maintenir dans une certaine mesure la gérance économique de nos collectivités.
Le rév. Logan: Je voudrais que le ministre entende un message très clair qui soulignerait l'importance de la vie humaine. Ainsi, toute mesure prise par le gouvernement devrait tenir compte du fait que les plus pauvres, ceux qui sont au bas de l'échelle, sont des êtres humains, et toute mesure prise par le gouvernement ne devrait pas avoir d'effet discriminatoire à l'endroit de ces personnes et ne devrait pas exiger d'elles qu'elles assument un fardeau plus lourd que celui qu'elles peuvent porter.
Je dirais donc que toute mesure, toute loi qui serait proposée, devrait insister sur l'importance de la vie de ces personnes. Aussi il faudrait éviter de prendre quelque mesure que ce soit qui les priverait de quelque chose, qui leur nuirait ou qui les blâmerait.
M. Duhamel: Merci.
Merci, madame la présidente.
La vice-présidente (Mme Whelan): Merci, monsieur Duhamel.
[Français]
Monsieur Rocheleau, vous avez une autre question?
M. Rocheleau: Non, pas pour le moment.
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Whelan): Monsieur Solberg.
M. Solberg: J'ai une question. Les gens ont parlé de plein emploi, et c'est là un objectif louable; cela ne fait aucun doute. Je me demande toutefois si quelqu'un ici peut nous donner l'exemple d'un pays où l'on a réalisé le plein emploi à l'aide de certaines des politiques préconisées ici ce matin.
M. Gilmer: Je ne peux en fait en donner aucun exemple dans le monde industrialisé moderne, mais je crois que, si nous parlons de taux de chômage nul ou de plein emploi, c'est que, si nous ne nous fixons pas cela comme objectif, nous n'avons aucun espoir de nous en approcher même. Tant que nous aurons des priorités auxquelles nous accorderons plus d'importance qu'au plein emploi, la question de l'emploi ne sera pas notre principale...
M. Solberg: Nous avons déjà eu des taux de chômage très bas. Je crois même qu'au début des années 70 le taux de chômage se situait aux alentours de 4 p. 100... dans ces eaux-là. Bien que le chômage ne soit pas acceptable, à quelque niveau qu'il se situe, le fait est que, dans le monde réel, il y aura toujours au moins un certain taux de chômage.
À mon avis, si vous mettez toutes vos énergies à exiger que le gouvernement, pour régler le problème, mette ces gens au travail - non pas qu'il les oblige à travailler en échange de leurs prestations sociales, mais qu'il les embauche, je suppose - , au bout du compte, vous ne faites que prendre de l'argent dans les poches de quelqu'un d'autre pour faire cela; autrement dit, dans la poche de ceux qui pourraient créer eux-mêmes des emplois. Ne vaut-il pas mieux créer une économie où la main-d'oeuvre est très productive, où les travailleurs sont formés et extrêmement productifs? N'est-ce pas ainsi qu'on peut créer des emplois? Naturellement, il y a bien des aspects à la productivité. Il faut être compétitif, etc., sur le marché mondial. Cela ne vaut-il pas beaucoup mieux que de procéder par décret, en exigeant du gouvernement qu'il embauche des gens ou qu'il mette sur pied des programmes de création d'emploi, qui ultimement ne font que prendre de l'argent d'un groupe pour le donner à un autre?
M. Gilmer: Oui, mais on nous demande d'opter plutôt pour des mesures susceptibles de créer un climat plus propice à l'activité des sociétés transnationales. Nous n'avons pas fait la preuve que le relèvement des bénéfices des sociétés ou la compétitivité accrue à l'échelle internationale se traduit nécessairement par un accroissement de l'emploi au Canada. En fait, il y a longtemps que notre taux de chômage national n'a pas été aussi élevé.
Quand on voit les sociétés qui réalisent des bénéfices de plus en plus importants alors qu'elles mettent des travailleurs à pied, comme on l'a dit tout à l'heure, il faut vraiment s'interroger sur le bien-fondé du lien qu'on fait entre la création d'emplois et l'existence d'un climat dit propice à l'activité commerciale. Ce lien semble de plus en plus ténu.
M. Solberg: C'est le secteur de la petite entreprise qui crée le plus d'emplois, alors qu'on parle beaucoup ces derniers temps de sociétés transnationales, etc. Si nous pouvions libérer le secteur de la petite entreprise en allégeant quelque peu son fardeau, en réduisant les impôts et en abaissant les cotisations d'assurance-chômage, par exemple, de manière à inciter les petites entreprises à créer des emplois, n'avancerions-nous pas ainsi vers la réalisation de l'objectif qui vous préoccupe, à savoir mettre davantage de gens au travail?
M. Gilmer: Il me semble que vous mettez faussement dans la balance les droits de ceux qui travaillent pour des petites entreprises et les droits des propriétaires de ces petites entreprises. Je crois qu'il nous faudrait plutôt envisager de réaffecter les fonds qui servent à l'heure actuelle à accorder des subventions et des allégements aux grandes sociétés pour en faire profiter les petites entreprises et faire en sorte que les avantages particuliers qui sont accordés aux entreprises le soient en fonction du nombre d'emplois créés.
Je crois qu'il faut également examiner la question des taux d'intérêt élevés. Les petites entreprises ont notamment des problèmes en raison des taux d'intérêt, qui, jusqu'à tout récemment en tout cas, étaient plus élevés que par le passé. Les taux d'intérêt sont à l'origine de beaucoup des problèmes des propriétaires de petites entreprises. Il faut en tenir compte dans l'équation. Au lieu de s'en tenir aux cotisations à l'assurance-chômage, essayons de nous faire une idée plus globale de la situation.
La vice-présidente (Mme Whelan): Merci, monsieur Gilmer; merci, monsieur Solberg.
Je vous invite maintenant à faire des observations de clôture. Nous devons encore entendre un autre groupe de témoins avant 13 heures. Je voudrais donc que vous preniez deux ou trois minutes pour faire vos observations de clôture, où vous pourriez soulever, le cas échéant, les questions qui, d'après vous, n'auraient pas encore été soulevées.
Je voudrais moi-même faire une observation; il s'agit simplement d'une observation, et je ne vise personne en particulier. Quand on parle de réduction des effectifs des sociétés et de l'impôt des sociétés, il ne faut pas oublier que si certaines sociétés ont réduit leurs effectifs et si elles essaient d'accroître leur marge bénéficiaire, c'est pour préserver ces régimes de retraite privés dans lesquels investissent bon nombre de nos conjoints, amis et voisins, qui réclament un meilleur rendement sur leur investissement. Nous nous retrouvons face à ce cercle vicieux dans certaines régions du pays, mais c'est là la réalité.
Vous avez amené des points très intéressants à la table aujourd'hui. Je vous inviterais maintenant à nous faire vos remarques de clôture.
Madame Lepage et madame Sekhar, vous pourriez décider entre vous laquelle de vous deux aura le mot de la fin.
Monsieur Logan, vous pourriez peut-être commencer. Dites-nous brièvement, s'il vous plaît, ce que vous voulez laisser comme message final au comité.
Le rév. Logan: Le message final que je veux laisser au comité découle finalement de la préoccupation fondamentale que nous avons au Regina Anti-Poverty Ministry, à savoir qu'il ne faut pas oublier que nous traitons avec des êtres humains.
Il est très menaçant en un sens de toujours travailler avec des statistiques, mais quand je me retrouve dans une situation comme celle où je me suis retrouvé l'autre jour, où je me suis rendu compte à quel point le système de soutien aux enfants de familles désunies est généreux à l'égard des enfants de familles à l'aise et n'accorde que de très maigres sommes aux enfants de familles pauvres, je ne peux faire autrement que de m'interroger sur le sens que nous donnons à la vie humaine, à la valeur et à l'intégrité de chaque être humain. Ainsi, dans tout ce que nous voulons faire et dans tout ce que nous essayerons de faire dans notre organisme, nous insisterons sur ce que cela signifie d'être un enfant de Dieu.
La vice-présidente (Mme Whelan): Merci beaucoup.
Monsieur Gilmer.
M. Gilmer: Très brièvement, je vois dans certains des propos qui ont été tenus aujourd'hui un certain lien ou une certaine corrélation avec l'histoire.
Certains des propos de M. Cyr me rappellent que le fait est que, malgré tout ce qu'on dit au sujet des programmes à l'intention des Premières nations, les avantages qu'en ont effectivement tirés les communautés des Premières nations sont minuscules comparativement, comme on l'a dit, aux ressources et aux avantages accordés à la société dans son ensemble, si l'on tient compte de la répartition des terres et des richesses naturelles. De nos jours, le problème ne se limite pas aux Premières nations, mais il atteint aussi de manière générale toutes les personnes à faible revenu. C'est à ces personnes qu'on fait porter le blâme du déficit. C'est à elles qu'on fait porter le blâme des problèmes économiques. Le fait est que la part qu'elles ont dans la dette et le déficit et dans les problèmes économiques du pays est minuscule comparativement au pouvoir, à la domination et aux allégements dont jouissent les acteurs économiques plus puissants qu'elles.
La vice-présidente (Mme Whelan): Merci, monsieur Gilmer.
Monsieur Cyr.
M. Cyr: En conclusion, je dirais qu'au début, quand le bien-être social a été créé, les membres des Premières nations ont décidé de ne pas accepter de supplément de ce genre. Les Indiens, les membres des Premières nations, vivaient de la terre. Ils voulaient faire partie de la terre. Leur spiritualité était fondée sur le principe que le Créateur nous a mis sur terre pour une raison et que nous sommes là pour nous acquitter de cette mission. L'aide financière n'a jamais fait partie de leurs principes.
Dans tous les efforts déployés par le gouvernement pour créer des emplois pour les Indiens, je crois qu'on a oublié une chose. On s'est évertué à former les Indiens des réserves, à leur permettre d'acquérir des compétences, et tout le reste, mais on n'a pas veillé à assurer les capitaux nécessaires au développement une fois cette formation acquise, on n'a pas su créer les conditions financières nécessaires à la mise sur pied d'entreprises dans les réserves.
Des efforts en ce sens ont été faits avec l'EAC et la SCDEA, et je ne sais trop quel autre programme, mais il n'y a tout simplement pas assez de capitaux pour permettre d'établir des entreprises et de créer les emplois dont nous avons besoin dans les réserves.
La vice-présidente (Mme Whelan): Merci beaucoup, monsieur Cyr.
Une remarque finale, madame Lepage.
Mme Lepage: Au nom des groupes féminins et des femmes, qui constituent toujours environ 52 p. 100 de la population, je dirais que nous n'apprécions guère d'être qualifiées de groupe d'intérêts. Étant donné les aspects multiculturels de la société canadienne, nous considérons que ce terme devient de plus en plus négatif. Nous ne sommes que des pantins dans le scénario imaginé par le gouvernement pour prier à l'autel de l'idéologie dominante qui cherche activement à bâillonner les groupes et les communautés.
Il semble qu'on ait pour politique d'inciter les Canadiens à la révolte en les amenant à considérer ces groupes comme un fardeau pour l'économie. Nous souffrons des conséquences de ce ressentiment, parce que nous sommes qualifiées de ``groupe d'intérêts''. Nous nous demandons si le gouvernement se soucie vraiment du travail des femmes et s'il a à coeur d'améliorer leur condition et leur image. Le gouvernement est-il déterminé à mettre en place des mesures pour lutter contre la discrimination, et cette détermination est-elle manifeste dans tous les secteurs d'activité? Nous ne le pensons pas, mais nous aimerions bien, quels que soient l'heure ou le jour, qu'on nous fasse la preuve du contraire.
Nous aimerions que la société dans son ensemble cherche activement à améliorer la condition des femmes, à faire de nous des égales, puisque ce sont nos enfants qui en bénéficieront; c'est notre pays qui en bénéficiera. Nous avons besoin des hommes pour cela, et nous avons donc besoin de la majorité des représentants élus. Nous avons besoin d'une certaine ouverture à l'égard des programmes à l'intention des femmes, des groupes communautaires, car c'est là que se fait le travail de base, le travail le plus difficile. Qu'on donne à ces groupes les fonds dont ils ont besoin. Ils font un excellent travail, parce qu'ils s'occupent des leurs, et
[Français]
je sais que notre pays peut répondre à ce défi. Il faut surtout promouvoir le respect de chaque individu au Canada et au Québec. Je ne crois pas que nous puissions arriver à ce ultime but si nous ne continuons pas à nous parler.
Nous devons aussi nous respecter, respecter nos différences, respecter nos cultures et respecter nos statuts financiers individuels, du plus pauvre au plus riche. On ne croit pas que le plus riche doit se défaire de ses richesses pour faire fonctionner les plus démunis. Tout ce que nous réclamons, c'est un partage équitable. C'est tout ce que nous réclamons.
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Whelan): Merci beaucoup, madame Lepage.
Je tiens à remercier tous les témoins de nous avoir donné de leur temps ici ce matin et de nous avoir fait part de leurs opinions. La discussion a été très intéressante et nous a donné matière à réflexion.
Je m'en voudrais, madame Lepage, de ne pas vous signaler qu'il y a deux autres femmes qui siègent au Comité des finances et qui se trouvent actuellement dans l'Est. Je ne sais pas trop si quelqu'un l'a mentionné quand j'étais sortie.
Encore une fois, vos exposés étaient très complets; nous les lirons attentivement et nous en tiendrons compte dans le rapport que nous ferons au ministre des Finances. Encore une fois, merci.
Nous vous invitons maintenant à changer de place avec les témoins suivants. Merci beaucoup.
J'invite les témoins de la Fédération du travail de la Saskatchewan à prendre place à la table.
Étant donné le peu de temps dont nous disposons, je vous propose ce qui suit. Vous pouvez ou bien faire un bref exposé au comité, ou bien nous faire un exposé plus long. Plus l'exposé sera long, moins il y aura de temps pour les questions. Nous sommes pressés par le temps en raison de l'heure à laquelle nous devons libérer nos chambres et d'un certain nombre d'autres facteurs. Nous disposons toutefois d'une quinzaine de minutes pendant lesquelles nous sommes prêts à vous accorder toute notre attention. Nous sommes désolés que vous n'ayez pas été inclus parmi les groupes que nous avons entendus plus tôt ce matin. S'il s'agit d'un oubli de notre part ou si vous n'avez pas été invités, je m'en excuse.
Madame Byers.
Mme Barbara Byers (présidente, Fédération du travail de la Saskatchewan): Je suis présidente de la Fédération du travail de la Saskatchewan. Je suis accompagnée de Cindy McCallum, qui est vice-présidente nationale du Syndicat des postiers du Canada, et de Rick Byrnes qui est directeur régional du Congrès du travail du Canada pour la région des Prairies.
Je tiens à vous remercier de nous avoir invités à témoigner devant vous. Rick m'a fait sortir manu militari de l'autobus qui ramenait nos manifestants. Nous avons reçu un appel au début de la semaine nous invitant à témoigner devant le comité. Je tenais à le préciser. Nous avons un congrès qui a débuté ce matin à Regina; c'est pourquoi nous avions décidé de ne pas témoigner.
Nous avons donc amené nos congressistes ici parce que vous y étiez. Nous avons failli tomber dans le panneau. Nous croyions d'abord que vous étiez au Sands, mais nous avons nous aussi un assez bon service de renseignements.
Le message que je veux transmettre au comité, parce que j'ai déjà eu l'occasion de témoigner devant vous et de participer à vos discussions, c'est que nous sommes d'avis que le gouvernement fédéral et les partis politiques n'écoutent pas la population. De nombreux groupes comme le nôtre et comme ceux qui ont témoigné juste avant nous défilent les uns après les autres devant vous pour vous dire ce qu'il faudrait faire. Puis nous sommes soumis à une nouvelle série de réductions. C'est très intéressant. Nous avons le sentiment qu'il faudrait cesser de vous présenter de bonnes idées, puisque cela semble vous amener à opter pour les mauvaises idées.
À bien regarder la situation, nous nous demandons ce que les gens ont gagné ces dernières années. En tout cas, ils n'ont rien gagné sur le plan des emplois ou de la sécurité d'emploi. Ils se retrouvent avec des services réduits. Les ententes que les Canadiens avaient conclues avec le gouvernement fédéral, c'est-à-dire les programmes sociaux qui faisaient ni plus ni moins partie du contrat social, n'existent plus.
Je regardais la télévision en fin de semaine et j'ai vu les manifestations qui ont eu lieu à Toronto. J'ai entendu quelqu'un dire: voilà ce qui arrive quand le capitalisme se retire du contrat social, parce que ces programmes étaient là pour la population.
Ce que nous avons maintenant, c'est un plus grand nombre de chômeurs - et on peut prendre soit les chiffres officiels, qui sont assez élevés, ou les chiffres non officiels qui sont encore pires.
Ce qui croit le plus vite de nos jours, ce sont les banques alimentaires. Nous voyons de plus en plus de personnes qui sont mises à pied alors que le nombre de sociétés qui réalisent des bénéfices records augmente.
La concentration des médias s'accroît. Nous le voyons ici en Saskatchewan, où Conrad Black après avoir acheté les hebdos, a commodément congédié des centaines d'employés pour servir ses objectifs et ses intérêts financiers. En quoi cela profite-t-il à notre province ou à la population canadienne, je vous le demande?
Je veux vous raconter une anecdote à ce sujet. J'étais à Saskatoon la fin de semaine où les réductions d'effectifs devaient être effectuées et il se trouve que j'étais justement à l'hôtel où la société qui devait congédier les employés l'a fait. On faisait venir les employés un par un. La personne se présentait et disait, par exemple: «je m'appelle Susan Whelan». On lui disait: «Susan, allez dans la salle 1, Ron Fewchuk, allez dans la salle 2, et Ron Duhamel, allez dans la salle 3». Personne ne savait ce qui allait se passer. Les gens étaient séparés de leurs camarades et envoyés dans des salles différentes. Dans deux des salles, on leur disait qu'ils garderaient leur emploi, tandis que, dans l'autre, on leur annonçait qu'ils perdaient leur emploi.
Dites-moi, quel genre de société sommes-nous en train de créer quand les sociétés peuvent se comporter ainsi, quand elles peuvent arriver et ni plus ni moins faire un tri parmi les gens - c'est comme ça que la chose était présentée.
Le Syndicat des postiers du Canada - Cindy a aussi des observations à faire. D'importantes réductions d'effectifs sont prévues aux Postes. En quoi cela nous aide-t-il?
La Société Radio-Canada: la société doit imposer d'importantes réductions d'effectifs, qui seront suivies de nouvelles réductions. Si je me souviens bien, dans mes cours d'histoire à l'école secondaire, on nous disait souvent qu'en période de guerre, ce qu'il fallait faire c'était essayer de couper les communications entre les gens. C'est ce qui se produit à l'heure actuelle; vous êtes en train de couper les communications entre les Canadiens quand vous attaquez la SRC. Vous éliminez les possibilités que nous avons d'apprendre à nous connaître les uns les autres et de tirer un enseignement les uns des autres.
La liste est longue. Vous n'avez vraiment rien fait sur le plan de réforme de la fiscalité. Il existe toujours des fiducies familiales, qui semblent profiter à ceux qui les détiennent. Elles ne profitent à personne d'autre. Il y a toujours des gens qui cachent leur argent à l'étranger - des milliards de dollars. Ce n'est pas un problème. Pas de problème. On le mentionne en passant aux bulletins d'actualité, puis c'est... on pourrait citer des exemples à foison.
Les solutions que le gouvernement fédéral met à l'essai depuis 1993 - tout comme celles qu'ont essayé les gouvernements fédéraux qui l'ont précédé - n'aident pas les gens. Si vous avez le moins du monde le sens de la responsabilité, si vous avez un peu de conscience, vous veillerez à faire en sorte que la prochaine fois que des gens comme moi ou des représentants des groupes antipauvreté ou des organisations féminines viennent vous rencontrer, ils puissent dire qu'ils ont constaté une réelle amélioration dans la vie des gens qu'ils représentent.
Nous regrettons que vous n'ayez pas pu entendre tout ce que nos porte-parole ont dit dehors. Nous sommes heureux que vous ayez eu l'occasion d'entendre ceux qui se sont présentés ici; il était important que vous entendiez les vues des groupes antipauvreté. Dehors, nous avons entendu parler du Transfert en matière de santé et de programmes sociaux, du Syndicat des postiers du Canada, des étudiants; nous avons entendu l'Alliance de la Fonction publique du Canada nous parler de la réduction des prestations d'assurance-chômage; Len Taylor nous a parlé des réductions éventuelles au Régime de pensions du Canada. Une multitude de groupes étaient représentés.
La prochaine fois où vous viendrez en Saskatchewan, prévoyez un plus long séjour. Nous les ferons tous venir pour qu'ils puissent vous parler.
La vice-présidente (Mme Whelan): Merci, madame Byers.
Madame McCallum, avez-vous quelque chose à dire?
Mme Cindy McCallum (directrice nationale, Syndicat des postiers du Canada, Fédération du travail de la Saskatchewan): Oui. Tout d'abord, je suis heureuse que Barb m'ait permis de partager ce temps de parole avec elle.
Je représente 7 000 travailleurs des postes. Le 8 octobre, votre gouvernement a pris une décision qui touche 10 000 des travailleurs postiers les plus vulnérables, ceux qui livrent la publicité postale. Votre gouvernement a décidé très rapidement d'écouter des gens comme Conrad Black, qui se sont présentés devant vous et qui ont été à l'origine de la décision de réexaminer le mandat de Postes Canada, examen qui s'est soldé par la mise à pied de 10 000 personnes.
Je me rappelle les articles de journaux d'il y a quelques semaines, où le premier ministre disait qu'il avait l'intention de soumettre le Livre rouge à une évaluation. Il disait qu'il viendrait dire aux Canadiens: voici ce que nous avons fait; voici ce que nous avions dit que nous ferions dans le Livre rouge; dites-nous ce que vous pensez de nos résultats.
Je me souviens de la dernière campagne électorale et du thème principal du Livre rouge, qui a amené les gens à voter pour le gouvernement libéral, à savoir la création d'emplois. C'était là l'élément fondamental du programme électoral du parti qui demandait à former le gouvernement. Je conclus pour ma part à de l'hypocrisie. D'un trait de plume, vous avez fait perdre leur emploi à 10 000 personnes.
Permettez-moi de vous dire qui sont ces 10 000 personnes. Ce sont des gens qui travaillent à temps partiel, qui font généralement un, deux ou trois parcours différents, rien que pour pouvoir survivre. Ils ont des familles, ils ont des enfants. Ce sont des gens qui ont des déficiences physiques et mentales, qui ont parfois du mal à se tailler une place sur le marché du travail traditionnel, de telle sorte qu'ils n'ont pas pu trouver un emploi leur assurant une certaine dignité et leur permettant de gagner leur vie.
Le gouvernement les a jetés sur le pavé et a dit: peut-être que des gens comme Conrad Black et Ken Thomson pourront vous embaucher quand ils assumeront la livraison de la publicité postale, dont ils disent tous que c'est une véritable mine d'or. Ils y voient une occasion en or de s'enrichir. Ils n'ont toutefois aucune intention d'embaucher ces 10 000 personnes.
Vous avez jeté ces gens dans la misère. Le 31 décembre, sera leur dernière journée de travail. Il n'y a pas mieux pour commencer la nouvelle année. Aucun espoir de trouver un emploi.
Avec les milliers d'autres emplois qui disparaissent à la suite des compressions à la SRC et dans la fonction publique, le marché se rétrécit de manière incroyable. Vous devez commencer par regarder en face les gens qui sont touchés par les réductions dans les services publics, les gens qui font la queue à l'hôpital à cause des réductions dans les transferts de paiement aux provinces et tous ceux qui regardent l'avenir sans aucun espoir parce qu'ils savent qu'ils n'y ont pas leur place.
Beaucoup des livreurs de publiposte que nous représentons sont des femmes. Beaucoup d'entre elles sont chefs de familles monoparentales. Elles doivent pouvoir nourrir leurs enfants. Qu'a fait votre gouvernement? Votre gouvernement avait l'occasion lors de l'examen du mandat des postes d'examiner les possibilités qui s'offraient à lui. Il aurait pu étendre et améliorer le service postal, comme le voulait une des recommandations issue de l'examen du mandat des postes. Il a plutôt décidé immédiatement de mettre en oeuvre la recommandation visant à éliminer 10 000 emplois.
Le message que je veux livrer au premier ministre est le suivant: si vous voulez qu'on évalue votre Livre rouge et vos promesses, je vous dirais que vous êtes un menteur et un tricheur. Je vous dirais que vous devrez à un moment donné vous présenter devant la population et lui dire ou bien que vous allez revenir à vos promesses, que vous allez remettre les gens au travail et tâcher de créer une société où les gens peuvent vivre dans la dignité, ou bien vous allez avouer que vous n'avez nullement l'intention de faire cela et permettre ainsi aux gens de prendre eux-mêmes leur décision.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de soulever cette question devant vous.
La vice-présidente (Mme Whelan): Je vais demander à mes collègues s'ils veulent poser une très courte question. Je les préviens: je vais leur retirer le droit de parole dans 30 secondes s'ils se lancent dans un monologue interminable parce que nous devons quitter l'hôtel.
Monsieur Rocheleau, si vous voulez commencer...
[Français]
M. Rocheleau: Je voudrais en premier lieu saluer mon collègue du NPD. Je suis très heureux de le voir ici présent, compte tenu des enjeux très importants dont nous discutons.
Madame Byers, vous faites une critique très cohérente et énergique du courant néo-libéral - il faut appeler les choses par leur nom - qui préside actuellement au Canada, notamment en Alberta et en Ontario, où on se vante d'y appartenir.
Dans quelle mesure devons-nous élever le débat et voir s'il ne s'agit pas d'un phénomène macroéconomique de nature internationale, où on est témoin d'un nivellement par le bas, non seulement au niveau des populations, mais aussi à celui des États souverains et même des continents? Est-ce que vous avez fait une réflexion au sujet de ceux qui détiennent le vrai pouvoir, le pouvoir financier?
[Traduction]
Mme Byers: Je pense qu'en effet il faut élever le débat, mais ce n'est pas une raison pour rester inactifs. On voit bien que c'est la haute finance qui mène les gouvernements. Les gouvernements cherchent désespérément des capitaux. Le prétexte invoqué par le gouvernement fédéral et les provinces c'est qu'il ne faut pas s'attaquer aux grandes sociétés parce qu'elles vont partir.
Je ne sais pas si vous avez assisté aux rencontres que nous avons déjà eues quand vous êtes venus en Saskatchewan, mais j'ai dit que ce sont ces mêmes entreprises qui claironnent leur patriotisme. Et elles menacent de décamper. Bel exemple de patriotisme!
Je pense qu'il faut être beaucoup plus ferme avec la haute finance. Oui, il faut des mesures à l'échelle internationale et un peu de coordination, mais il ne faut pas rester les bras ballants. Prenons les devants au lieu de tergiverser. N'attendons surtout pas que nos voisins du Sud fassent quelque chose parce que l'on risque d'attendre longtemps.
La vice-présidente (Mme Whelan): Monsieur Solberg.
M. Solberg: Merci, madame la présidente.
Je tiens d'abord à vous féliciter de l'évaluation que vous avez faite du Livre rouge. Je n'aurais pas mieux dit moi-même.
En ce qui concerne les entreprises et le sort qui leur est réservé dans la lutte contre le déficit, il faut quand même reconnaître que nous sommes aux prises avec un déficit. J'ignore quelle est votre position à propos du déficit. Selon vous, le problème est-il grave et faut-il équilibrer le budget?
Mme Byers: Oui, le déficit et la dette sont de sérieux problèmes. Sauf qu'à notre avis on n'a pas adopté la solution qu'il faut.
M. Solberg: D'accord. Vous dites qu'il faut imposer les sociétés.
Mme Byers: Oui, et les grandes fortunes personnelles, ceux qui ne font pas la queue devant les banques d'aliments...
M. Solberg: Suite à ce que M. Rocheleau disait, les gens se plaignent des sociétés qui réalisent des bénéfices mais congédient leur personnel. On parle de la mondialisation et de sociétés qui peuvent s'installer ailleurs. Vous dites que ce serait pour elles manquer de patriotisme que de partir, mais je ne suis pas certain que ce soit très convaincant.
Comment allez-vous leur faire payer davantage d'impôts sans causer de licenciements ou les amener à partir?
Mme Byers: Je suis convaincue qu'il faut commencer à imposer des restrictions à ceux qui veulent faire des affaires au Canada. Ceux qui veulent venir ici. Vous voyez les emplois que nous avons perdus depuis l'ALE et l'ALÉNA puisqu'il n'est plus nécessaire d'avoir des succursales canadiennes. C'est à ce genre de restrictions que je pense.
Comment faire? C'est vrai, les sociétés n'ont pas de conscience, mais elles aiment l'argent et je ne suis pas convaincue que si un gouvernement leur tenait enfin tête il n'y en pas une qui dirait, écoutez, oui, je veux vendre des journaux; peut-être que Conrad Black ne veut pas vendre de journaux, mais moi je veux en vendre au Canada. Je pense qu'il faut faire en sorte que ce ne soit pas à leur avantage de supprimer des emplois, de quitter le pays et de se servir de nous uniquement comme vache à lait.
Vous avez le choix - vraiment - parce que les gens deviennent de plus en plus impatients. Il y a 15 ans, il n'y a peut-être que les syndicats qui en parlaient, mais maintenant que les gens perdent leur emploi, ils sont de plus en plus nombreux à descendre dans la rue.
Vous avez donc le choix. Vous pouvez vous en occuper au Parlement et ailleurs ou vous pouvez voir les gens descendre dans la rue.
La vice-présidente (Mme Whelan): Monsieur Duhamel.
M. Duhamel: Ma question est sérieuse et si je la fais précéder d'une introduction, c'est que je veux qu'il soit bien compris que je ne tends un piège à personne et que je ne veux pas faire de politique partisane. Ce n'est pas mon genre.
Je reviens à peine de Colombie-Britannique et j'ai parlé avec beaucoup de gens des compressions effectuées par un gouvernement - je le dis avec beaucoup de respect - qui est normalement très sensible aux intérêts des travailleurs - des réductions massives semblables à celles du gouvernement fédéral.
J'ai parlé à des gens en Saskatchewan, gouvernés par un Parti social-démocrate, et là aussi on m'a parlé des coupes sauvages dans le régime de santé.
Aidez-moi à comprendre. Pourquoi les gouvernements de diverses obédiences politiques abordent-ils les finances publiques de la même façon? Qu'en pensez-vous? J'essaie de comprendre.
Mme Byers: Je prends votre question tout à fait au sérieux parce qu'ici aussi nous avons connu des compressions énormes et la population en a beaucoup souffert.
Il est temps de se demander qui mène les gouvernements. Pourquoi se donne-t-on la peine de vous élire si ce sont les sociétés qui gouvernent?
Mme Byers: Pourquoi est-ce qu'on vous élit? Vous ne semblez pas être capables de maîtriser le cours des événements. Ce sont les entreprises qui mènent le bal. Il nous est arrivé la même chose ici. Dans les années qui ont suivi l'élection du NPD, il m'est arrivé de vouloir demander au premier ministre et à son Cabinet de nous laisser voir qui tenait les ficelles. Quand on leur demande pourquoi ils supprimaient tous ces emplois et sabraient dans les soins de santé, ils nous répondaient toujours qu'ils n'avaient pas le choix parce que les capitaux allaient fuir la province, elle qui est déjà pauvre.
Si vous voulez recouvrer votre crédibilité, tenez tête aux sociétés qui vous mènent par le bout du nez. Dites-leur que vous représentez les citoyens et qu'à l'heure actuelle c'est eux qu'il faut défendre plutôt que les sociétés, parce qu'ils sont plus nombreux.
M. Duhamel: Vous estimez donc que les gouvernements ne gouvernent plus, que ce sont les grosses multinationales, les grandes sociétés, qui gouvernent.
Merci.
Mme Byers: Oui. Voyez les décisions qui ont été prises.
La vice-présidente (Mme Whelan): Merci, madame Byers.
Je tiens à remercier M. Taylor d'être venu et d'avoir observé les échanges. Nous vous remercions d'avoir comparu devant nous aujourd'hui. Nous sommes désolés de n'avoir pas pu vous entendre plus tôt dans la journée, au moment où vous étiez occupé à votre congrès. Nous espérons que vous vous joindrez à nouveau à nous à l'avenir. Nous transmettrons votre message à Ottawa. Je vous assure que tous mes collègues ici présents ont entendu votre message cinq sur cinq.
La séance est levée.